Speaker #1Bonjour, je m'appelle Alexia, j'ai 22 ans et aujourd'hui je vais vous raconter mon histoire. Je suis partie en mission manitaire au Togo en juillet 2023 pour un mois. Je suis partie avec une association française. qui intervenaient dans différents pays. Et là, j'ai choisi le Togo, sans trop savoir à quoi m'attendre, très honnêtement. J'ai vraiment choisi par rapport à la mission qui était effectuée. Et là, c'était une mission dans un orphelinat, donc auprès des enfants. Et c'est quelque chose qui me tenait à cœur. Ce qui m'a poussée à partir en mission humanitaire, c'est que déjà, j'ai aidé dans beaucoup d'associations en France pour les enfants. Donc, j'œuvrais déjà en France et je voulais œuvrer ailleurs. Et comme j'ai une passion pour les voyages, je m'étais dit pourquoi pas combiner les deux. Un coup, j'avais super hâte de partir. J'étais trop contente. Je me rendais compte de la chance que j'avais de partir. Et puis, d'un autre côté, la peur de l'inconnu était présente. Je ne savais pas trop ce qui m'attendait. J'avais peur. Finalement, je ne voulais plus y aller. Enfin, bref, je suis passée par tous les états d'espoir. Mais au fond de moi, il y avait toujours, malgré tout, cette envie de rencontrer, de découvrir une nouvelle culture, des gens, qui était bien plus importante que la peur au final. Pendant mon mois au Togo, il y a eu beaucoup de moments marquants, avec les enfants de l'orphelinat particulièrement. Déjà l'arrivée, le fait qu'on ne se connaisse pas, on apprenne à se connaître. Moi, j'ai découvert plein de choses sur les enfants, sur leur culture, sur leur manière d'être eux-mêmes, sur leur histoire. C'était hyper enrichissant. Donc vraiment, le début de la découverte, moi, ça a été marquant. Je ne vais pas être très originale aussi, mais du coup, le moment où, vers la fin, par exemple, la dernière semaine, c'était mon anniversaire. J'ai fêté mes 20 ans là-bas et ça a été un vrai jour de fête pour tout le monde. alors qu'en France, Si j'avais fêté mes 20 ans, je pense qu'il n'y aurait eu que mes amis qui seraient intéressés par tout ça. Alors que là-bas, tout le monde était heureux pour moi. On a vraiment fait une sorte de petite fête dans l'orphelinat, donc c'était très chouette à vivre. Chaque jour, je me sentais remplie d'énergie et de gratitude aussi. J'avais le sentiment d'être utile, mais en réalité, c'est moi qui recevais beaucoup plus que ce que je leur apportais. Je recevais toutes leurs affections, leur spontanéité, leur force. C'était une vraie bulle de bonheur au quotidien. Alors avant que tout bascule, j'étais dans un état d'esprit assez simple. Pour moi, c'était mon dernier soir au Togo. C'était la semaine de mes 20 ans. je voulais faire une petite fête pour honorer mon départ et pour clôturer ce séjour. Je voulais juste partager un dernier moment simple et entouré de ceux que j'appréciais. Et je ne pensais vraiment pas que la soirée, elle pouvait tourner comme ça. Quand la situation a changé, j'ai ressenti dans mon corps et dans mon cœur plusieurs choses. Déjà, ça a été un choc brutal dans mon corps. J'ai ressenti une douleur physique intense. J'ai hurlé de douleur, mais aussi une sidération totale. Malgré tout, j'arrivais à hurler de détresse aussi. Mais il n'y avait personne. Il n'y avait personne autour. Il faisait noir. Les ruines étaient... Les débats éclairés, les gens dormaient. Personne n'était là pour m'écouter, me sauver de cette situation. Du coup, dans mon cœur, c'était vraiment de la peur, de l'incompréhension et une immense détresse. Je criais et je me sentais trahi et piégé en même temps. Après coup, quand je suis rentrée toute seule chez moi, j'étais vraiment mal. Je réalisais petit à petit ce qui se passait tout en étant en gros dans le déni. J'étais en mille morceaux, je pleurais, je me sortais seule, salie, impuissante. J'avais l'impression qu'on m'avait volé une partie de moi. C'était un moment où j'ai ressenti beaucoup de honte, alors que je n'avais même pas besoin et je n'avais même pas à ressentir cette honte-là. Je n'y étais pour rien, mais c'est vraiment ce que j'ai ressenti à ce moment-là. Le retour en France... a été très difficile. J'étais quand même soulagée que ça arrive à la fin de ma mission humanitaire et que du coup, ça n'arrive pas en plein milieu. Donc, je rentre en France comme c'était prévu le lendemain. Je partais ce poids en silence. J'étais envahie par la peur et la tristesse. En fait, j'avais trop de mal à en parler et je me repliais sur moi-même. Je me repliais dans mon déni. Donc, ce qui a fait que j'ai passé le mois d'août. à travailler, à faire des 8h-18h et puis une heure après à partir faire la fête jusqu'à je ne sais quelle heure. En fait, je ne me laissais pas le temps d'y réfléchir, d'y penser. J'ai beaucoup été soutenue par Eve, qui était du coup une bénévole et qui est devenue très rapidement une amie. Et dans mes démarches, elle m'a été essentielle. C'est grâce à elle que j'ai entamé des démarches, parce que sans elle, je pense que je n'aurais rien fait. Elle a porté plainte en mon nom au Togo. Elle a fait face à des entretiens très difficiles où j'aurais dû être là, mais je n'ai pas été là. Et c'est elle qui a affronté le regard et les remarques des Togolais. Vraiment, elle, ça a été mon pilier. Sans elle, je pense que je n'aurais pas eu le courage de porter plainte. Elle m'a crue directement, elle m'a épaulée, elle m'a poussée. pas de me taire, vraiment. Du coup, ce qui m'a poussée à porter plainte en France aussi par la suite, pour appuyer ma plainte du Togo. Son soutien m'a permis de vraiment ne pas sombrer complètement. Comment je trouve la force aujourd'hui, malgré la lenteur de la justice ? C'est une bonne question parce que je pense que je la trouve dans mon entourage, dans les personnes qui m'aiment et aussi qui ont cette volonté de ne pas laisser ce qui m'a fait définir qui je suis. La justice est lente, on le sait, mais il est en détention provisoire et déjà savoir ça, ça me donne un sentiment de reconnaissance, comme si ma voix avait compté un petit peu. Mais comme toute personne, je joue sur deux tableaux, c'est-à-dire que, c'est peut-être pas la bonne expression, mais j'ai une partie de moi qui a envie de tout abandonner, clairement qui n'a pas le courage de faire face à... à nouveau à mon agresseur qui n'a pas envie de me retrouver dans un pays que je ne connais pas vraiment une nouvelle fois et de revivre ça. Donc oui, j'ai une part de moi qui a envie de tout abandonner mais il y a une autre part de moi qui me raisonne et qui me dit Alexia, tu n'as pas fait tout ça pour rien. Tu as osé porter plainte. Ève a porté plainte pour toi. Toutes ces démarches, tout ce qu'a fait mon avocat jusqu'à maintenant. je ne peux pas le lâcher. Ce serait trop dommage. Si une femme a vécu une expérience similaire et qui écoute mon témoignage aujourd'hui, j'aimerais vraiment lui dire qu'elle n'est pas coupable, que ce qu'elle a vécu, ça ne définit pas sa valeur, ni son avenir. Elle a bien sûr le droit d'en parler et de demander de l'aide, surtout, et de ne pas rester seule avec tout ça. C'est difficile, mais il y a toujours quelqu'un, quelque part. prêt à tendre sa main et à nous aider. Donc, il faut rester ouvert et se battre, même si je sais que c'est plus facile à dire qu'à faire. Ce que j'aimerais que les gens retiennent de mon histoire, c'est que derrière chaque sourire... Chaque mission humanitaire, chaque aventure, il y a aussi des fragilités. Il ne faut jamais banaliser les violences sexuelles, peu importe le contexte. Que ce soit en France ou ailleurs, que ce soit en soirée ou pas, que ce soit quelqu'un que je connaisse ou non, ça reste des violences sexuelles. Et ce n'est pas négligeable. Et surtout, j'aimerais que les gens comprennent l'importance d'écouter, de croire et de soutenir les victimes. Parce que moi, je peux vous le dire, le soutien de Eve en particulier, il m'a sauvé la vie. Et le soutien de mes amis par la suite, de ma famille qui a été mise au courant par la suite, ça a été un soutien infaillible et qui m'a permis de tenir jusqu'ici et de vous parler aujourd'hui. Musique