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ÉTRANGE DROIT

Que faire en cas d'OQTF ? avec Maître Vanina Rochiccioli

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41min |04/09/2025
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ÉTRANGE DROIT

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Description

Aujourd’hui, on parle de la mesure d’éloignement la plus fréquente prise à l’encontre des étrangers : L’obligation de quitter le territoire français, connue sous le nom d’“OQTF”. Quels sont les réflexes à avoir quand on accompagne une personne sous OQTF ? Quelles sont les conséquences concrètes d'une OQTF ? Quels sont les moyens à soulever devant le juge ?


Avec notre invitée, Vanina ROCHICCIOLI, avocate en droit des étrangers exerçant au barreau de Paris et présidente du GISTI.


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Crédits :


"Étrange droit" est un podcast animé par Salomé BEN-SAADI, avec la chronique de Fleur BOIXIERE, toutes deux avocates en droit des étrangers. La production est assurée par Eva BEN-SAADI et Arthur DUBOC.


L'identité sonore du podcast a été composée et réalisée par des musiciens exilés, grâce au soutien de l'association PAX MUSICA, qui accompagne des musiciennes et des musiciens professionnels ayant trouvé refuge en France, au travers d'un compagnonnage artistique aux côtés de musiciens de renom.


Important :


Les informations partagées dans ce podcast sont données à titre informatif et pédagogique. Elles ne remplacent en aucun cas une consultation juridique personnalisée auprès d'un avocat ou d'une association spécialisée comme le GISTI, chaque situation étant unique.

Consultez le site du GISTI pour trouver une assistance près de chez vous : https://www.gisti.org/spip.php?article1506.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour et bienvenue dans Étranges Droits, le podcast consacré aux droits des étrangers par et pour celles et ceux qui le font vivre. Pendant la prochaine demi-heure, je vous emmène au cœur de ce droit et de sa pratique. Je suis Salomé Ben-Saadi, je suis avocate au barreau de la Seine-Saint-Denis et j'enregistre cet épisode dans les locaux de mon cabinet à Pantin. Pendant l'épisode, vous allez aussi entendre ma chère consoeur, Fleur Boixiere, pour sa chronique. Et sachez que le son du podcast est composé et réalisé par des musiciens exilés qui ont repris le chemin de la musique grâce à l'association Pax Musica. Aujourd'hui, on va parler de la mesure d'éloignement la plus fréquentes, qui est à l'encontre des étrangers, l'obligation de quitter le territoire français connu sous le nom d'OQTF. Avec notre invitée, Vanina Rochiccioli, qui est avocate en droit des étrangers au barreau de Paris et présidente du GISTI qu'elle va nous présenter dans un instant. Bonjour Vanina, merci d'être avec nous.

  • Speaker #1

    Bonjour Salomé, ravie.

  • Speaker #0

    Avant de te bombarder de questions sur les OQTF, je vais faire quelques rappels des bases. Donc l'OQTF, c'est la mesure d'éloignement des étrangers par excellence, puisqu'elle représente à elle seule 90% des mesures d'éloignement. On verra dans d'autres épisodes les autres types de mesures d'éloignement qui existent, mais c'est vraiment celle qui est rendue par excellence, comme je le disais. Donc, quels étrangers peuvent faire l'objet d'une OQTF ? Les ressortissants d'État tiers à l'Union européennes et les ressortissants communautaires, donc d'États membres de l'Union européenne, même s'ils sont davantage protégés contre ces mesures, ces derniers, les ressortissants communautaires, et ils représentent moins d'un pour cent des personnes qui font l'objet d'OQTF. Alors, jusqu'à récemment, certains ressortissants d'État tiers étaient eux aussi protégés contre les OQTF. J'en parle rapidement. Il s'agissait notamment des étrangers malades, des parents d'enfants français. il y avait certaines protections qui étaient prévues. contre les OQTF, sauf que depuis la loi Darmanin du 26 janvier 2024, ces protections ont cessé d'exister, sauf pour les étrangers mineurs. Mais il me semble que c'est là le corollaire de l'absence de nécessité pour les mineurs de prouver leur droit au séjour pendant le temps de leur minorité. Ensuite, je vais faire un petit rappel sur les cas dans lesquels la préfecture peut prendre une OQTF à l'encontre d'un étranger. Donc, le cas majoritaire, c'est en cas d'échec d'une demande d'admission au séjour. Ce motif représente environ 50% des OQTF qui sont prises par les préfectures. Deuxièmement, une OQTF peut être prise en cas d'entrée ou de séjour irrégulier sur le territoire français. On parle ici d'environ 40% des OQTF. Et enfin... en cas de menace à l'ordre public, mais ici on parle environ de 6%, donc moins de 10% des OQTF prononcés. Et tant qu'on parle chiffres, je vais rappeler qu'en 2024, il y a eu environ 140 000 OQTF qui ont été prononcés, contre environ 100 000 en 2018. Donc on constate une véritable explosion des OQTF ces dernières années, et tu nous donneras ton ressenti dessus, Vanina. Il faut savoir qu'environ une OQTF sur cinq sera annulée par le juge administratif. Donc ça aussi, on reviendra sur les annulations très nombreuses d'OQTF devant le juge. Et concernant le taux d'exécution des OQTF, la France fait partie des États qui exécutent le moins les OQTF, puisque moins d'un d'une OQTF sur cinq est exécuté, c'est-à-dire conduit à l'éloignement effectif de la personne. Allez, à séparer les chiffres et place à l'interview. Vanina, est-ce que tu peux commencer par te présenter, présenter ton parcours en tant qu'avocate et puis présenter le GISTI ?

  • Speaker #1

    Alors bonjour, merci beaucoup Salomé pour l'invitation. Donc moi je suis Vanina Rochiccioli, en fait je suis avocate depuis une trentaine d'années et j'ai un parcours assez simple puisque depuis le début de mon exercice professionnel, je fais du droit des étrangers et c'est l'activité principale du cabinet. J'ai été collaboratrice un temps et puis j'ai ma propre structure depuis longtemps maintenant. Je travaille sur des questions de droits des étrangers avec le versant séjour au QTF et nationalité. Dans le cadre de mon parcours professionnel, assez rapidement, j'ai cherché une association dans laquelle m'engager et je suis devenue membre du GISTI deux ans après mon entrée dans la profession. Ça fait longtemps maintenant et c'est une association dont je suis la coprésidente depuis bientôt dix ans. Logistique, pour faire court, c'est une association qui existe depuis une cinquantaine d'années, qui milite pour l'égalité des droits et pour la liberté de circulation, qui s'était créée à l'origine pour mettre le droit... au centre de son activité, donc défendre les personnes par le droit. Au-delà des combats judiciaires, c'est aussi un logistique et un travail pour décortiquer les textes, pour essayer d'informer au maximum les gens par le biais de formations, de publications. Et puis, il y a une permanence téléphonique également. Il y a beaucoup, beaucoup d'activités. Et d'ailleurs, sur la question du jour, on a une publication, une note pratique qui concerne l'obligation de quitter le territoire. Voilà, donc pour faire très court sur l'association, mais je vous invite à visiter le site internet qui vous en dira plus.

  • Speaker #0

    Effectivement, en tant qu'avocate en droit des étrangers, on se réfère très souvent à la documentation du GISTI. et les questions que je vais te poser ici. elles m'ont été posées par des personnes qui appellent la permanence téléphonique du GISTI à laquelle je participe. Et donc l'idée, c'était aussi dans cet épisode de débroussailler un peu toutes les questions qu'on peut se poser sur les OQTF et qui, au vu de leur explosion, sont de plus en plus récurrentes. Et donc on va entrer directement dans le vif du sujet. J'aimerais que tu imagines une personne étrangère qui vient te voir avec une OQTF. On reviendra ensuite sur les détails de ce que tu vas donner, mais quels vont être tes premiers conseils à destination de cette personne ? Et quels sont les réflexes à avoir quand on accompagne une personne sous OQTF ?

  • Speaker #1

    Le premier réflexe, c'est de bien s'assurer de la date. Je fais très court, mais en gros, il y a trois délais concernant une OQTF. Si la personne vient nous voir, c'est par définition qu'elle n'est pas en centre de rétention, donc on n'est pas sur le délai le plus court qui est de 48 heures. mais on peut être saisi par la famille. Et sinon, premier point, est-ce que la personne est assignée à résidence ? Est-ce qu'elle est libre ? Et à quelle date cet OQTF a été prise ? Si la personne est libre, est-ce qu'elle a conservé l'enveloppe ? Ça peut être fondamental en termes de délai. Une fois qu'on a vérifié cette question du délai, qui est quand même centrale, on va faire une analyse de la situation de la personne. et là il faut vraiment repartir à la base. Pourquoi la personne est arrivée en France ? Dans quelles conditions ? Qui elle a rejoint ou pas rejoint ? Quelle est sa situation personnelle, professionnelle, familiale, médicale ? En gros, essayer de vraiment faire un scan complet de la situation pour voir ce que l'on va pouvoir utiliser pour pouvoir la défendre.

  • Speaker #0

    Parce que justement, si la personne est bien dans les délais, donc tu rappelais le délai de 48 heures en cas de placement au centre de rétention, il y a le délai de 7 jours si la personne est sous assignation à résidence, et maintenant le délai commun qui est d'un mois. Pour les situations, il n'y a pas de privation de liberté. Si la personne est dans les délais, l'idée c'est d'aller au tribunal.

  • Speaker #1

    Exactement, c'est ça. Exactement. et alors Dernier point également, on fait aussi une analyse sur la situation financière de la personne pour voir si elle répond ou non aux critères de l'aide juridictionnelle, parce que ça peut aussi avoir une incidence sur les délais.

  • Speaker #0

    Très bien, merci Vanina. Parmi les questions qui reviennent sur les OQTF, ce sont les conséquences concrètes d'une OQTF. Et notamment, ce que peut faire la police face à quelqu'un qui a une OQTF ? Comment ça peut se passer lors d'un contrôle ? Est-ce qu'une OQTF, ça vaut dans tout l'espace Schengen ? Quelles sont les conséquences de ces mesures ?

  • Speaker #1

    Alors, concrètement, lorsque la personne, généralement, a un délai de départ volontaire de 30 jours, mais elle peut être privée de ce délai de départ volontaire, donc ça, ça va avoir une incidence sur le placement. sur un fichier. Donc à partir du moment où ce délai n'a pas existé ou où ce délai a expiré, généralement il est de 30 jours, la personne va figurer sur un fichier des personnes recherchées. Donc ça tout de suite. Donc en cas de contrôle de police, la police sait que la personne fait l'objet d'une mesure d'éloignement. Elle peut être placée, donc si elle était libre à l'origine, on peut la signer à résidence ou la placer en centre de rétention. pour essayer d'exécuter cet éloignement, et ce pendant trois ans. On aura probablement l'occasion d'en reparler, mais une OQTF, aujourd'hui, depuis la loi de janvier 2024, c'est exécutable, exécutoire, pendant trois ans. Et trois ans, c'est long, et pendant trois ans, on peut faire l'objet d'une mesure... d'assignation ou de rétention sur la base de cette occulte. Ensuite, lorsque, autre conséquence, une personne qui a eu une obligation de quitter le territoire et qui, dans le délai de trois ans, est à nouveau interpellée, l'administration peut ajouter à cette mesure ce qu'on appelle une interdiction de retour. Donc en gros, vous avez eu une obligation, vous n'êtes pas parti, on vous interdit. le retour sur le territoire français, ce qui va augmenter encore les conséquences. On est privé de pouvoir revenir sur le territoire. En ce qui concerne l'espace Schengen, il y a une petite subtilité, c'est-à-dire que si une personne avait une carte de séjour dans un autre pays ou qu'elle serait éligible dans un autre pays de l'espace, sur la base d'une obligation de quitter le territoire, elle pourrait y retourner ou y être admissible. En revanche, s'il y a eu une interdiction de retour, ça vaut dans... tout l'espace Schengen et la personne va être sur un fichier qui s'appelle le SIS, système d'information Schengen, avec d'énormes conséquences concrètes pour la suite, quand bien même la personne serait repartie.

  • Speaker #0

    On fait face à de plus en plus d'OQTF, Vanina, qui sont rendus dans des décisions absurdes, on peut le dire. Les préfectures font des erreurs, il faut le savoir. Est-ce que tu as en tête une situation où, selon toi, une OQTF n'aurait pas dû être prise, n'aurait pas été prise il y a quelques années ? Et ça m'amène à te poser la question plus générale des arguments juridiques qu'on peut invoquer devant les tribunaux pour faire annuler une OQTF.

  • Speaker #1

    Oui. Effectivement, quand on dit qu'on assiste à une explosion des OQTF, c'est tout à fait vrai. Et ce qui est important, ce n'est pas parce que le nombre d'OQTF explose que les personnes qui sont sous le coup de ces mesures devaient les prendre. Ça, c'est très important. J'ai plein d'exemples de situations proprement hallucinantes. Je vais en citer une actuelle. Il s'agit d'une étudiante qui est entrée avec un visa long séjour, qui vit pendant 5 ans sur le territoire. parfaitement régulièrement. Elle est mariée avec un ressortissant étranger qui a une carte de résident. Et à la fin de ses études, elle fait une demande de changement de statut vers un statut commerçant. La préfecture va refuser le renouvellement, le changement de statut, assortir cette décision d'une obligation de quitter le territoire alors qu'elle est en couple mariée depuis trois ans avec une personne en situation régulière. Et alors la cerise sur le gâteau, puisque c'est une préfecture qui pratiquent beaucoup ça, je le cite, va assortir, alors même que la personne n'a jamais fait l'objet d'une mesure de donnement par le passé, cette décision d'une interdiction de retour pendant un an. Par exemple, dans les dossiers récents les plus hallucinants, celui-ci, on est en totale illégalité, le changement de statut n'aurait pas dû être refusé. et la personne se trouve dans cette situation alors qu'elle a toujours été en situation parfaitement régulière en France.

  • Speaker #0

    Et donc ça me permet de te poser plus précisément la question des moyens, parce que là, de ce que tu me décris de cette situation, j'imagine que tu vas soulever plusieurs moyens devant le tribunal administratif. On a communément les moyens de forme, d'illégalité externe, liés à l'incompétence de l'acte, à l'insuffisance de motivation. que parfois certaines OQTF sont très peu motivées et c'est souvent des formules stéréotypées. Mais dans le cas que tu décrivais, tu vas en tout cas pouvoir soulever une violation de la vie privée familiale de cette personne puisqu'elle a toute sa famille en France. Maintenant, de ce que tu dis, en tout cas, sa cellule familiale a été reconstituée en France et puis une violation de ce qu'on appelle le CESEDA, le code qui s'applique aux étrangers, puisque si elle remplissait bien les conditions pour avoir un titre de séjour commerçant, le préfet a là aussi violé une disposition plutôt du CESEDA. Est-ce que tu veux rebondir sur les argumentaires juridiques que tu vas développer dans cette affaire et dans d'autres ?

  • Speaker #1

    Oui, c'est ça en fait. Quand on a une mesure d'éloignement, on va la scanner et on va regarder, mais du premier mot jusqu'au dernier, si les choses ont été faites dans les règles. Donc la forme et le fond. La forme, tu l'as évoquée, avec une différence par exemple quand quelqu'un fait l'objet d'une OQTF dans la rue. ou sans avoir fait de demande de titre de séjour, ou si la personne a fait une demande de titre de séjour par le passé. Donc, qui a signé la décision ? Est-ce que les bons textes sont visés ? Est-ce que la décision est bien motivée ? Très, très important, notamment dans le cadre d'une interpellation, d'une obligation qui n'est pas sortie d'une décision de refus de séjour. Et puis ensuite, est-ce que la préfecture a vérifié si la personne n'était pas éligible à un titre de séjour, parce que, tu disais tout à l'heure, il n'y a plus de catégorie protégée. En revanche, lorsque l'on est éligible à une carte de séjour, on ne peut pas faire l'objet d'une mesure d'éloignement. Donc, premier point, quel texte a été visé ? Quel texte a été appliqué ? Est-ce qu'il a été bien appliqué ? Est-ce qu'il n'y a pas une erreur de droit ? Est-ce qu'il n'y a pas une erreur manifeste d'appréciation ? Donc ça, c'est une formule très large, mais l'idée, c'est que, véritablement, on mette en avant tous les éléments concernant la personne, et puis les conventions internationales, dans le cadre dont on parlait, l'article 8 de la Convention de sauvegarde, de la CEDH, mais s'il y a des enfants, on va aussi mobiliser l'article 3.1 de la Convention de New York, la Protection internationale des droits de l'enfant. Il y a plein de situations et plein de décisions qu'on peut contester.

  • Speaker #0

    Tu m'as fait ma transition parfaite. Parce que justement, quand on va au tribunal pour contester une OQTF, on ne conteste pas. Ce n'est pas que cette OQTF, est-ce que tu peux rapidement nous parler des autres décisions qui accompagnent une OQTF ?

  • Speaker #1

    Absolument. Alors on va effectivement contester, quand la personne a demandé une carte de séjour ou son renouvellement et que c'est refusé, on va contester cette décision, on va contester l'obligation de quitter le territoire. Si elle n'est pas assortie d'un délai de départ volontaire, on va contester la privation du délai de départ volontaire. Parfois on pourra contester même le délai de départ volontaire qui a été accordé. Parce qu'on a des moyens qui, je ne sais pas, je donne un exemple très concret, fin de scolarisation en cours, une OQTF qui intervient au mois de mai. On pourra débattre de cette question du délai. Ensuite, on peut aussi contester la décision qui va fixer le pays de renvoi. Ça, c'est très important pour une personne, par exemple, déboutée du droit d'asile, pour une personne gravement malade. Il y a des catégories pour lesquelles on va aussi contester. et On peut aussi avoir à contester l'interdiction de retour si elle figure sur cette décision. Donc en fait, il y a plein de décisions qui peuvent être contestées.

  • Speaker #0

    Et on a coutume de dire que les personnes étrangères vont être protégées pendant le temps de la procédure devant le tribunal administratif. Est-ce que tu peux nous parler de cette protection ? Comment elle fonctionne ? Jusqu'à quand elle dure ?

  • Speaker #1

    Alors ça c'est un terme un peu impropre effectivement et c'est important. En fait quand on conteste une obligation de quitter le territoire, le recours qui est fait dans le délai est suspensif de l'éloignement. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu'une personne fait son recours contre l'obligation de quitter le territoire, elle a la preuve que le tribunal est saisi, elle est interpellée dans la rue. Si elle justifie de ce recours, elle ne peut pas être éloignée. tant que le tribunal n'a pas statué. Mais attention, ça ne veut pas dire qu'en présentant la preuve du recours, les services de police diront « ok, parfait, il y a un recours, vous pouvez repartir » . Ils peuvent placer la personne en rétention, et là, la procédure devant le tribunal va basculer en accéléré. Donc, c'est une protection parce qu'on va attendre une décision judiciaire, mais en revanche, on peut faire l'objet d'une mesure d'assignation en résidence ou d'un placement en rétention, et les choses peuvent basculer dans la... l'extrême urgence.

  • Speaker #0

    Merci pour cette précision. Vanilla, je te propose d'écouter notre consoeur Fleur Boixière pour sa chronique. Fleur, c'est à toi.

  • Speaker #2

    Bonjour, je suis Fleur Boixière, avocate au barreau de Marseille. J'exerce tout comme Salomé, en droit des étrangers. Et j'enregistre cet épisode depuis mon cabinet qui se situe donc à Marseille. On se retrouve aujourd'hui pour une chronique où l'on va parler de la notion de menace pour l'ordre public et de son articulation avec les décisions d'OQTF. Depuis quelques temps, on constate un recours de plus en plus fréquent à cette notion dans les décisions d'OQTF, et c'est une tendance qui préoccupe et qui inquiète. Mais alors de quoi parle-t-on exactement ? Ce qu'il faut savoir, c'est que la notion de menace à l'ordre public ne se fonde pas exclusivement sur les troubles à l'ordre public déjà constatés, mais c'est plutôt une mesure dite « préventive » qui est fondée sur une appréciation de la dangerosité de l'étranger. L'administration prend donc en considération les faits déjà réprimés par le passé, mais pas que. car son appréciation reste indépendante de l'existence de condamnations pénales. Et cette dernière phrase est particulièrement importante. L'administration apprécie de manière autonome ce qui constitue une menace pour l'ordre public et ce qui n'en constitue pas une. Cela veut dire qu'elle peut considérer qu'un individu représente une menace, même s'il n'a jamais été condamné. Et inversement, mais c'est bien plus rare bien entendu. En plus de cette interprétation extensive par nature de la notion de menace pour l'ordre public, La loi Darmanin est venue l'étendre à des nouvelles situations. Et oui, si la menace pour l'ordre public était à l'origine réservée aux infractions graves comme les violences, la radicalisation, les atteintes à la sécurité de l'État, elle peut aujourd'hui être invoquée par des préfectures pour des faits d'une gravité bien plus limitée. On se retrouve donc avec des OQTF fondés sur des infractions ou même simplement des comportements d'une très faible gravité. Alors ? Quels éléments peut-on soulever pour contester une OQTF prise sur le fondement de la menace pour l'ordre public ? Comme vous vous en doutez, c'est dur à dire car il existe autant d'éléments à soulever que de situations différentes. Mais plusieurs critères peuvent tout de même permettre de tenter de neutraliser l'existence de cette menace. Il y a notamment la nature et la gravité des faits. Plus les faits sont d'une faible gravité, plus il sera aisé de contester l'existence d'une véritable menace. On fait bien évidemment une différence entre un homicide et de l'usage de stupéfiants par exemple. On pense également au nombre d'infractions commises dans le passé, mais aussi à l'ancienneté des faits, que l'on peut conjuguer à l'insertion de l'étranger et à l'absence de nouveaux comportements répréhensibles depuis les faits. Il est aussi important de se pencher sur la proportionnalité de la mesure d'éloignement, en faisant état d'éléments personnels et familiaux, afin de démontrer que la menace à l'ordre public, que représenterait l'étranger, ne justifie pas qu'il soit porté atteinte à sa vie privée et familiale par exemple. Dernier conseil pratico-pratique, et pas des moindres, il est toujours intéressant de se pencher sur l'élément sur lequel la préfecture s'est fondée pour retenir la menace pour l'ordre public. S'il s'agit simplement d'une garde à vue, qui a ensuite donné lieu à un classement sans suite, il est primordial de solliciter la preuve et le motif de ce classement et pourquoi pas de formuler une demande d'effacement d'otage. S'il s'agit d'une condamnation pénale ancienne, il est possible de demander la suppression de la mention de cette condamnation au casier judiciaire dans certaines conditions. Comme vous l'aurez compris, même si l'administration est autonome sur son appréciation de la menace à l'ordre public, ces éléments sont à mettre en avant dans ce type de dossier. Pour conclure cette chronique, je tiens à vous dire que, oui, ce recours accru à la notion de menace pour l'ordre public peut être décourageant, mais il ne faut pas baisser les bras, car il n'est pas toujours justifié, il peut et doit être contesté, et enfin, c'est une notion complexe et flexible qui s'apprécie au cas par cas. Je vous laisse sur ces éléments et vous dis à très vite dans une prochaine chronique.

  • Speaker #0

    On a une vision plus précise de ce qu'est une OQTF, de ce qu'elle entraîne comme conséquence, des moyens pour la faire annuler. On doit forcément parler de l'hypothèse où une personne a une OQTF définitive, soit que cette OQTF n'ait jamais été contestée devant les tribunaux, ou qu'elle a été contestée mais que les différents recours aient été rejetés. Puisque si on en revient au chiffre que je citais en introduction sur 5 OQTF, On peut considérer qu'environ une sera annulée devant le juge, qu'une sera exécutée, moins d'une en fait sera exécutée, mais ce qui nous laisse quand même avec trois OQTF qui sont définitives mais qui n'ont pas été exécutées. Qu'est-ce qu'il se passe pour ces personnes-là ? Quelles conséquences en cas d'OQTF définitives, et surtout depuis la loi Darmanin dont tu nous parlais en introduction ?

  • Speaker #1

    Oui, effectivement, les conséquences sont très lourdes. J'ajouterais au cas que tu as cité la personne qui n'a jamais eu connaissance de l'obligation de quitter le territoire, parce que ça devient un problème de plus en plus important. Décision mal notifiée, c'est-à-dire que l'administration n'a pas adressé à la bonne adresse, n'a pas tenu compte d'un changement d'adresse, c'est très fréquent. Ou alors que les services postaux n'ont pas distribué le pli, et c'est comme ça que certaines personnes découvrent cette mesure et qu'elles ne peuvent parfois plus rien faire. Si c'est mal notifié, elles peuvent, mais si c'est correctement notifié, ça va rendre la décision définitive. Concrètement, l'obligation de quitter le territoire, ça a énormément de conséquences. D'abord, on le disait tout à l'heure, c'est exécutoire pendant trois ans. Donc, en cas de contrôle, placement en rétention, assignation, je ne reviens pas sur ce qui a été dit. Mais du coup, ça peut aussi, pendant ce délai de trois ans, priver la personne de pouvoir faire des démarches de pouvoir déposer une nouvelle demande de titre de séjour, d'abord ça la met en danger de se représenter dans l'administration, et ensuite l'administration peut tout simplement refuser de prendre en charge un dossier et classer ensuite sa demande en disant « vous avez cette mesure, donc revenez dans trois ans » . Sauf éléments nouveaux, mais les éléments nouveaux, c'est difficile, et notamment on peut débattre, de mon point de vue. Si on n'a pas un élément nouveau, au sens où on est éligible de plein droit à une carte de séjour par la suite, c'est très délicat de redéposer un dossier. Mais il n'y a pas que ça comme conséquence. L'administration peut même prendre en charge le dossier et refuser de délivrer une carte de séjour parce que par le passé vous avez fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire. Ce qui donne un peu le vertige quand on voit avec quelle facilité on fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire. De même, la personne qui aurait finalement fait son recours devant le tribunal et puis aurait perdu, par exemple, et puis dirait, bon, finalement, je vais retourner dans mon pays parce que je veux revenir avec un visa. Elle pourrait se voir refuser son visa d'entrée parce qu'elle n'a pas exécuté le délai qui lui avait été octroyé. Donc, très concrètement, il y a énormément de situations. Et alors, ce qu'il faut avoir en tête, même si c'est... parfois incroyable à faire comprendre aux gens, c'est que la nouvelle loi, elle est de janvier 2024, mais tout ce dont on parle, ça peut concerner des obligations de quitter le territoire qui ont été prises bien avant la loi. quand même sur une situation qui est quand même assez incroyable, où des gens vont se voir opposer, par exemple, un refus de visa parce qu'ils n'ont pas exécuté une OQTF dans le délai d'un mois, alors qu'à l'époque où cette OQTF avait été prise, cette disposition n'existait pas. Donc voilà, on pourrait multiplier encore les exemples, mais concrètement, une obligation de quitter le territoire, ça coûte très cher dans un dossier, ça a d'énormes conséquences, et du coup, il faut... toujours mesurer les motifs pour lesquels on va aller faire une demande de titre de séjour et ne pas se lancer dans ce type de procédure à la légère.

  • Speaker #0

    D'autant plus, effectivement, depuis la loi d'Armanin et les OQTF qui sont passées à 3 ans, c'est vrai qu'on est de plus en plus prudents aussi en tant qu'avocat, avant de déposer une demande de titre de séjour, on n'a pas trop le choix. Et justement, quels conseils tu donnerais aux personnes qui viennent te voir avec une OQTF définitive ? Qu'est-ce qu'elles peuvent faire dans l'attente pour ne pas désespérer ? Puisqu'on parle encore une fois de personnes qui ont des motifs sérieux de rester en France, qui ont parfois de la famille, souvent même, qui travaillent depuis des années, mais sans droit au travail, mais de manière déclarée. Donc, c'est des personnes qui n'ont pas vocation à quitter le territoire. Qu'est-ce qu'elles peuvent faire avant de pouvoir déposer ? Une demande de titre de séjour de nouveau.

  • Speaker #1

    C'est un peu délicat, effectivement, parce qu'on se retrouve à la fois à dire aux personnes « là, vous allez être dans une période dangereuse en cas de contrôle, etc. » et en même temps, si on veut espérer à un moment pouvoir les régulariser, il faut qu'elles aient une vie la plus normale possible pour pouvoir avoir un dossier le plus étoffé. Donc, comme tu dis, qu'elles continuent à travailler. que les enfants continuent à être solarisés et qu'elles continuent à avoir des liens avec des personnes. La vie la plus normale pour pouvoir justifier de cette intégration et de leur présence, qui vont être des documents demandés. Et en même temps, on est obligé d'expliquer aux personnes attention au contrôle. Donc, en cas de contrôle dans le métro, dans les gares. Méfiez-vous. Si vous avez cette mesure, vous pouvez être placé en rétention. Après, c'est difficile de donner comme ça tous les conseils, mais autant que possible, garder les traces de tout ce qu'on fait en France. Ça, c'est très, très important que ces documents soient à l'abri. On est avec des personnes qui, parfois, ont des problèmes. de précarité de logement, donc ça rend la conservation des documents difficile. Donc, essayez autant que possible que les documents que vous collectez soient transmis, déposés chez une tierce personne de confiance parce que ça peut faire la différence après dans un dossier. Donc, voilà, en tout cas, être très prudent, mais essayez au maximum de vivre le plus normalement possible pour pouvoir à un moment pouvoir revenir sur le plan faire valoir tous ces éléments dans le cadre d'une régularisation. Je me permets une toute petite incise aussi sur les cas d'obligation de quitter le territoire parce que c'est en lien avec un problème auquel tu le sais bien on est confronté, c'est que parmi les gens qui ont une obligation de quitter le territoire on a aussi des personnes qui sont contrôlées et on leur reproche de ne pas avoir fait de démarche alors qu'elles n'arrivent pas à avoir de rendez-vous avec la préfecture. Il faut faire le lien entre les difficultés d'accès à la préfecture et les personnes que l'on voit sous mesure d'éloignement aujourd'hui, ça concerne pas mal de gens. Donc j'avais ça en tête parce que typiquement, on va dire aux personnes, vous ne faites pas de démarche pour vous régulariser alors qu'elles n'y arrivent pas en fait, qu'elles ont essayé, mais qu'elles n'arrivent pas à accéder effectivement aux préfectures. Donc dans les cas un peu incroyables d'obligation de quitter le territoire, on a aussi celle-ci.

  • Speaker #0

    Oui, je pense effectivement à un dossier... qui est vraiment révélateur de ce mode de fonctionnement où un parent d'enfant français a déposé une demande de titre de séjour sur l'ANEF depuis plus d'un an. Il vient me voir pour que je fasse bouger cette demande-là. Donc on va au tribunal pour contester le reçu implicite qui a été pris à sa demande de titre de séjour. Et on apprend qu'il avait reçu une OQTF par une autre préfecture qui n'était, elle, pas informée de cette demande-là lors d'un contrôle d'identité. Donc, on a appris tout ça dans le cadre de ce recours. Cette OQTF, comme tu l'avais aussi mentionné, n'avait pas pu être contestée devant le tribunal puisque la personne ne s'était pas vue notifier cette OQTF. Donc, effectivement, les difficultés d'accès en préfecture, les difficultés liées à la dématérialisation, rendent certaines OQTF encore plus absurde, puisque la personne a tenté d'effectuer des démarches en préfecture et n'a pas pu le faire. Sur les conseils qu'on peut donner, je tenais à insister aussi sur le fait que c'est quand même important aujourd'hui, de plus en plus pour les préfectures, que la personne parle bien français.

  • Speaker #1

    Absolument.

  • Speaker #0

    Et donc, ce que tu disais, c'est exactement ça. En fait, on explique à des personnes qu'il faut qu'elles apprennent le français, donc pour cela qu'elles se lient, qu'elles lient des liens, qu'elles fassent des cours de français, donc qu'elles s'exposent d'une certaine manière aussi à avoir des contrôles. Ça devient très compliqué, mais c'est vrai que l'apprentissage de la langue française fait partie maintenant intégrante des critères d'intégration pour une demande d'admission exceptionnelle au séjour, mais de manière générale pour des renouvellements, des cartes de résidents, etc. On va de plus en plus contrôler... ce niveau de langue et le niveau attendu est de plus en plus élevé. Sur les choses aussi qui sont possibles, moi, je ne le fais pas encore de manière systématique, mais je sais qu'on peut demander l'abrogation d'une OQTF. Donc, en fait, quand on n'a pas pu ou que ça n'a pas marché au tribunal, on n'a pas pu aller au tribunal ou que les recours n'ont pas marché, donc que les délais sont passés, on pourrait quand même demander l'abrogation d'une OQTF, mais il me semble que c'est en lien avec ce que tu as dit sur les éléments nouveaux. En fait, c'est quand une personne a des éléments, donc la naissance d'un enfant français par exemple, elle peut non seulement tenter de redéposer une demande, mais en parallèle demander l'abrogation de cette OQTF pour ne plus qu'elle apparaisse à son dossier. Est-ce que tu as des retours sur l'efficacité de cette procédure ?

  • Speaker #1

    Moi, je trouve ça effectivement assez difficile, en tout cas pour les préfectures de région parisienne. Je l'avais testé une fois efficacement avec la préfecture du Rhône, Non. C'était il y a quelques années, une personne qui avait eu une OQTF dans le Rhône et qui était installée en région parisienne. L'élément nouveau, c'était un paxe avec un ressortissant de nationalité française. Le Rhône avait abrogé. Mais mon expérience, je pense que je ne connais pas toutes les situations néanmoins, c'est que quand l'élément nouveau est véritablement un élément nouveau comme tu disais, d'une personne éligible à un titre de séjour de plein droit, ça peut fonctionner, mais il y a quand même une sévérité sur cette question d'éléments nouveaux, et notamment le temps qui passe n'est pas un élément nouveau. C'est-à-dire que, je m'explique, si tu as commencé une relation, par exemple, avant l'obligation de quitter le territoire, même quelques mois avant que tu n'avais pas évoqué cette... cette relation avec une personne en situation régulière ou de nationalité française, et que tu évoques ce point-là dans le cadre de ta demande d'abrogation, ça ne va pas forcément aboutir. En tout cas, moi, j'ai eu récemment une décision où le tribunal disait « Oui, mais finalement, cette relation, elle existait, elle était préexistante à la mesure prise. » Donc, c'est difficile, cette question des éléments nouveaux. et moi ma tendance c'est vraiment d'être assez... pessimiste, sauf quand on est sur des sujets de plein droit. Mais à manier avec prudence. En tout cas, du côté des préfectures, ça fonctionne difficilement, je trouve, en région parisienne. Et la difficulté, c'est qu'on est, quand on va devant le tribunal, on a des délais qui sont extrêmement longs pour ces procédures. Donc, l'effet concret, il est parfois un peu relatif.

  • Speaker #0

    Oui, j'en profite pour rappeler que les délais ne seront pas les mêmes devant les tribunaux administratifs. Donc on conteste une OQTF qui est quand même censée être une mesure, enfin en tout cas la procédure est assez urgente, et un refus de demande d'abrogation, c'est ça ?

  • Speaker #1

    Exactement.

  • Speaker #0

    Et concernant les OQTF, justement, est-ce qu'en Ile-de-France, tu connais des délais moyens ? hors urgence liée à une privation de liberté, donc hors personne placée en centre de rétention ou assignée à résidence, une OQTF d'un mois, elle sera audiencée ?

  • Speaker #1

    Il y a des tribunaux où ça fonctionne. Les délais sont assez courts, effectivement. À Paris, on est sur un délai entre 3 et 6 mois. Les délais sont assez tenus. Mais en revanche, sur des tribunaux comme par exemple le Melun, et Moi, j'ai eu récemment une OQTF qui a été jugée en plus d'un an et demi. Voilà, donc ça fait long. On a le problème également à Montreuil, au sein de Saint-Denis, où le tribunal... Alors après, ça va dépendre. En fait, la difficulté, pour faire une généralité, c'est qu'en fonction de la chambre où le dossier va être enregistré, et ça, c'est le hasard, le délai pour... Ça va être plus ou moins long en fonction de l'encombrement de la Chambre. Mais les délais sont loin d'être tenus. Paris étant quand même pour le moment le tribunal qui, je trouve, tient le mieux ses délais. Mais en ce qui concerne les tribunaux de région parisienne, c'est plus compliqué.

  • Speaker #0

    Et pour finir sur une note un peu plus générale, ça fait dix ans que tu es présidente, coprésidente du GISTI. Bientôt, c'est ça ?

  • Speaker #1

    Oui, en fait, actuellement, je suis coprésidente et c'est jusqu'en 2026, a priori. En 2026, ça fera 10 ans.

  • Speaker #0

    Donc après tes années d'expérience en tant qu'avocate, tes années d'expérience en tant que présidente du GISTI, qu'est-ce que tu peux nous dire sur l'état du droit des étrangers aujourd'hui ?

  • Speaker #1

    Ah là là ! Et bon... C'est une matière qui n'a jamais été une matière simple, il ne faut pas se mentir. Moi, j'ai commencé à exercer, c'était les lois Pasqua, et on était dans le dur, vraiment dans le dur. En fait, j'ai découvert la matière en travaillant. Je n'avais pas du tout de formation en droit des étrangers, et j'ai découvert avec effroi cette matière. J'imaginais pas qu'on soit placé en rétention parce qu'on n'avait pas de papier. J'imaginais pas que l'administration puisse être hors la loi de manière aussi récurrente. Je dois dire qu'un monde s'est ouvert et ce qui est la raison pour laquelle j'ai cherché à militer très très vite et à rencontrer des associations parce que j'avais besoin d'avoir une culture un peu politique sur ce sujet. Eh bien, Je dois dire que les choses ne se sont pas améliorées, les choses se sont durcies au gré d'une réglementation qui change à chaque changement politique. Donc il y a une très forte instabilité dans la matière. Ces dernières années quand même, on est sur du très très dur avec des pratiques préfectorales problématiques. On parlait de la dématérialisation, de l'impossible accès au titre de séjour. Je parlais de l'ANEF, mais par exemple, les demandes d'admission exceptionnelles au séjour, aujourd'hui, on est sur des délais pour avoir un rendez-vous dans certaines préfectures de 18 mois à 2 ans, avec des délais d'instruction qui peuvent également être de 18 mois à 2 ans. C'est complètement fou. Donc, pratiques préfectorales problématiques, législation de plus en plus difficile, et puis tout ça dans une ambiance qui est quand même très très compliquée. Des discours de plus en plus décomplexés sur la matière, des propos sur les personnes étrangères incroyables et un bal des clichés permanents. Moi, la réalité dans nos cabinets, dans nos permanences associatives, n'a rien à voir avec ce que l'on entend, ce que l'on nous rabâche en permanence dont malheureusement des médias... dans les médias qui ont le plus d'audience. Donc c'est une matière difficile, mais c'est une matière dans laquelle on a une chance, c'est que par le biais de l'associatif, que ce soit les associations, mais aussi les liens entre confrères, on travaille collectivement, beaucoup, et ça aide énormément dans la manière dont on va construire les dossiers, parce qu'il ne faut pas rêver, et on... On ne gagne pas les dossiers tout seul en droit des étrangers. Le collectif nous porte. Mais ça aide aussi pour continuer à avoir envie et à se mobiliser sur cette matière. Donc voilà, je pense que le collectif est une force et qu'il faut vraiment ne pas hésiter à taper les portes de nos associations et en tout cas... à soutenir ces associations qui font un travail formidable dans la matière et indispensable, de plus en plus indispensable.

  • Speaker #0

    Merci Vanina, merci pour tes réponses et pour cette note d'espoir. C'est vrai que le collectif aide beaucoup dans cette matière qui peut sinon être compliquée à gérer. Merci à vous d'avoir écouté Étrange Droit. Avant de se quitter, je vous rappelle que chaque situation est unique et que les informations qu'on partage ici ne remplacent pas les conseils personnalisés d'associations et d'avocats, le collectif, toujours. Et je vous renvoie vers le site du GISTI pour trouver une assistance faite chez vous. Et je vous dis à dans deux semaines pour un nouvel épisode où nous continuerons à explorer ensemble cet étrange droit qu'est le droit des étrangers.

  • Speaker #1

    Merci.

Description

Aujourd’hui, on parle de la mesure d’éloignement la plus fréquente prise à l’encontre des étrangers : L’obligation de quitter le territoire français, connue sous le nom d’“OQTF”. Quels sont les réflexes à avoir quand on accompagne une personne sous OQTF ? Quelles sont les conséquences concrètes d'une OQTF ? Quels sont les moyens à soulever devant le juge ?


Avec notre invitée, Vanina ROCHICCIOLI, avocate en droit des étrangers exerçant au barreau de Paris et présidente du GISTI.


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Crédits :


"Étrange droit" est un podcast animé par Salomé BEN-SAADI, avec la chronique de Fleur BOIXIERE, toutes deux avocates en droit des étrangers. La production est assurée par Eva BEN-SAADI et Arthur DUBOC.


L'identité sonore du podcast a été composée et réalisée par des musiciens exilés, grâce au soutien de l'association PAX MUSICA, qui accompagne des musiciennes et des musiciens professionnels ayant trouvé refuge en France, au travers d'un compagnonnage artistique aux côtés de musiciens de renom.


Important :


Les informations partagées dans ce podcast sont données à titre informatif et pédagogique. Elles ne remplacent en aucun cas une consultation juridique personnalisée auprès d'un avocat ou d'une association spécialisée comme le GISTI, chaque situation étant unique.

Consultez le site du GISTI pour trouver une assistance près de chez vous : https://www.gisti.org/spip.php?article1506.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour et bienvenue dans Étranges Droits, le podcast consacré aux droits des étrangers par et pour celles et ceux qui le font vivre. Pendant la prochaine demi-heure, je vous emmène au cœur de ce droit et de sa pratique. Je suis Salomé Ben-Saadi, je suis avocate au barreau de la Seine-Saint-Denis et j'enregistre cet épisode dans les locaux de mon cabinet à Pantin. Pendant l'épisode, vous allez aussi entendre ma chère consoeur, Fleur Boixiere, pour sa chronique. Et sachez que le son du podcast est composé et réalisé par des musiciens exilés qui ont repris le chemin de la musique grâce à l'association Pax Musica. Aujourd'hui, on va parler de la mesure d'éloignement la plus fréquentes, qui est à l'encontre des étrangers, l'obligation de quitter le territoire français connu sous le nom d'OQTF. Avec notre invitée, Vanina Rochiccioli, qui est avocate en droit des étrangers au barreau de Paris et présidente du GISTI qu'elle va nous présenter dans un instant. Bonjour Vanina, merci d'être avec nous.

  • Speaker #1

    Bonjour Salomé, ravie.

  • Speaker #0

    Avant de te bombarder de questions sur les OQTF, je vais faire quelques rappels des bases. Donc l'OQTF, c'est la mesure d'éloignement des étrangers par excellence, puisqu'elle représente à elle seule 90% des mesures d'éloignement. On verra dans d'autres épisodes les autres types de mesures d'éloignement qui existent, mais c'est vraiment celle qui est rendue par excellence, comme je le disais. Donc, quels étrangers peuvent faire l'objet d'une OQTF ? Les ressortissants d'État tiers à l'Union européennes et les ressortissants communautaires, donc d'États membres de l'Union européenne, même s'ils sont davantage protégés contre ces mesures, ces derniers, les ressortissants communautaires, et ils représentent moins d'un pour cent des personnes qui font l'objet d'OQTF. Alors, jusqu'à récemment, certains ressortissants d'État tiers étaient eux aussi protégés contre les OQTF. J'en parle rapidement. Il s'agissait notamment des étrangers malades, des parents d'enfants français. il y avait certaines protections qui étaient prévues. contre les OQTF, sauf que depuis la loi Darmanin du 26 janvier 2024, ces protections ont cessé d'exister, sauf pour les étrangers mineurs. Mais il me semble que c'est là le corollaire de l'absence de nécessité pour les mineurs de prouver leur droit au séjour pendant le temps de leur minorité. Ensuite, je vais faire un petit rappel sur les cas dans lesquels la préfecture peut prendre une OQTF à l'encontre d'un étranger. Donc, le cas majoritaire, c'est en cas d'échec d'une demande d'admission au séjour. Ce motif représente environ 50% des OQTF qui sont prises par les préfectures. Deuxièmement, une OQTF peut être prise en cas d'entrée ou de séjour irrégulier sur le territoire français. On parle ici d'environ 40% des OQTF. Et enfin... en cas de menace à l'ordre public, mais ici on parle environ de 6%, donc moins de 10% des OQTF prononcés. Et tant qu'on parle chiffres, je vais rappeler qu'en 2024, il y a eu environ 140 000 OQTF qui ont été prononcés, contre environ 100 000 en 2018. Donc on constate une véritable explosion des OQTF ces dernières années, et tu nous donneras ton ressenti dessus, Vanina. Il faut savoir qu'environ une OQTF sur cinq sera annulée par le juge administratif. Donc ça aussi, on reviendra sur les annulations très nombreuses d'OQTF devant le juge. Et concernant le taux d'exécution des OQTF, la France fait partie des États qui exécutent le moins les OQTF, puisque moins d'un d'une OQTF sur cinq est exécuté, c'est-à-dire conduit à l'éloignement effectif de la personne. Allez, à séparer les chiffres et place à l'interview. Vanina, est-ce que tu peux commencer par te présenter, présenter ton parcours en tant qu'avocate et puis présenter le GISTI ?

  • Speaker #1

    Alors bonjour, merci beaucoup Salomé pour l'invitation. Donc moi je suis Vanina Rochiccioli, en fait je suis avocate depuis une trentaine d'années et j'ai un parcours assez simple puisque depuis le début de mon exercice professionnel, je fais du droit des étrangers et c'est l'activité principale du cabinet. J'ai été collaboratrice un temps et puis j'ai ma propre structure depuis longtemps maintenant. Je travaille sur des questions de droits des étrangers avec le versant séjour au QTF et nationalité. Dans le cadre de mon parcours professionnel, assez rapidement, j'ai cherché une association dans laquelle m'engager et je suis devenue membre du GISTI deux ans après mon entrée dans la profession. Ça fait longtemps maintenant et c'est une association dont je suis la coprésidente depuis bientôt dix ans. Logistique, pour faire court, c'est une association qui existe depuis une cinquantaine d'années, qui milite pour l'égalité des droits et pour la liberté de circulation, qui s'était créée à l'origine pour mettre le droit... au centre de son activité, donc défendre les personnes par le droit. Au-delà des combats judiciaires, c'est aussi un logistique et un travail pour décortiquer les textes, pour essayer d'informer au maximum les gens par le biais de formations, de publications. Et puis, il y a une permanence téléphonique également. Il y a beaucoup, beaucoup d'activités. Et d'ailleurs, sur la question du jour, on a une publication, une note pratique qui concerne l'obligation de quitter le territoire. Voilà, donc pour faire très court sur l'association, mais je vous invite à visiter le site internet qui vous en dira plus.

  • Speaker #0

    Effectivement, en tant qu'avocate en droit des étrangers, on se réfère très souvent à la documentation du GISTI. et les questions que je vais te poser ici. elles m'ont été posées par des personnes qui appellent la permanence téléphonique du GISTI à laquelle je participe. Et donc l'idée, c'était aussi dans cet épisode de débroussailler un peu toutes les questions qu'on peut se poser sur les OQTF et qui, au vu de leur explosion, sont de plus en plus récurrentes. Et donc on va entrer directement dans le vif du sujet. J'aimerais que tu imagines une personne étrangère qui vient te voir avec une OQTF. On reviendra ensuite sur les détails de ce que tu vas donner, mais quels vont être tes premiers conseils à destination de cette personne ? Et quels sont les réflexes à avoir quand on accompagne une personne sous OQTF ?

  • Speaker #1

    Le premier réflexe, c'est de bien s'assurer de la date. Je fais très court, mais en gros, il y a trois délais concernant une OQTF. Si la personne vient nous voir, c'est par définition qu'elle n'est pas en centre de rétention, donc on n'est pas sur le délai le plus court qui est de 48 heures. mais on peut être saisi par la famille. Et sinon, premier point, est-ce que la personne est assignée à résidence ? Est-ce qu'elle est libre ? Et à quelle date cet OQTF a été prise ? Si la personne est libre, est-ce qu'elle a conservé l'enveloppe ? Ça peut être fondamental en termes de délai. Une fois qu'on a vérifié cette question du délai, qui est quand même centrale, on va faire une analyse de la situation de la personne. et là il faut vraiment repartir à la base. Pourquoi la personne est arrivée en France ? Dans quelles conditions ? Qui elle a rejoint ou pas rejoint ? Quelle est sa situation personnelle, professionnelle, familiale, médicale ? En gros, essayer de vraiment faire un scan complet de la situation pour voir ce que l'on va pouvoir utiliser pour pouvoir la défendre.

  • Speaker #0

    Parce que justement, si la personne est bien dans les délais, donc tu rappelais le délai de 48 heures en cas de placement au centre de rétention, il y a le délai de 7 jours si la personne est sous assignation à résidence, et maintenant le délai commun qui est d'un mois. Pour les situations, il n'y a pas de privation de liberté. Si la personne est dans les délais, l'idée c'est d'aller au tribunal.

  • Speaker #1

    Exactement, c'est ça. Exactement. et alors Dernier point également, on fait aussi une analyse sur la situation financière de la personne pour voir si elle répond ou non aux critères de l'aide juridictionnelle, parce que ça peut aussi avoir une incidence sur les délais.

  • Speaker #0

    Très bien, merci Vanina. Parmi les questions qui reviennent sur les OQTF, ce sont les conséquences concrètes d'une OQTF. Et notamment, ce que peut faire la police face à quelqu'un qui a une OQTF ? Comment ça peut se passer lors d'un contrôle ? Est-ce qu'une OQTF, ça vaut dans tout l'espace Schengen ? Quelles sont les conséquences de ces mesures ?

  • Speaker #1

    Alors, concrètement, lorsque la personne, généralement, a un délai de départ volontaire de 30 jours, mais elle peut être privée de ce délai de départ volontaire, donc ça, ça va avoir une incidence sur le placement. sur un fichier. Donc à partir du moment où ce délai n'a pas existé ou où ce délai a expiré, généralement il est de 30 jours, la personne va figurer sur un fichier des personnes recherchées. Donc ça tout de suite. Donc en cas de contrôle de police, la police sait que la personne fait l'objet d'une mesure d'éloignement. Elle peut être placée, donc si elle était libre à l'origine, on peut la signer à résidence ou la placer en centre de rétention. pour essayer d'exécuter cet éloignement, et ce pendant trois ans. On aura probablement l'occasion d'en reparler, mais une OQTF, aujourd'hui, depuis la loi de janvier 2024, c'est exécutable, exécutoire, pendant trois ans. Et trois ans, c'est long, et pendant trois ans, on peut faire l'objet d'une mesure... d'assignation ou de rétention sur la base de cette occulte. Ensuite, lorsque, autre conséquence, une personne qui a eu une obligation de quitter le territoire et qui, dans le délai de trois ans, est à nouveau interpellée, l'administration peut ajouter à cette mesure ce qu'on appelle une interdiction de retour. Donc en gros, vous avez eu une obligation, vous n'êtes pas parti, on vous interdit. le retour sur le territoire français, ce qui va augmenter encore les conséquences. On est privé de pouvoir revenir sur le territoire. En ce qui concerne l'espace Schengen, il y a une petite subtilité, c'est-à-dire que si une personne avait une carte de séjour dans un autre pays ou qu'elle serait éligible dans un autre pays de l'espace, sur la base d'une obligation de quitter le territoire, elle pourrait y retourner ou y être admissible. En revanche, s'il y a eu une interdiction de retour, ça vaut dans... tout l'espace Schengen et la personne va être sur un fichier qui s'appelle le SIS, système d'information Schengen, avec d'énormes conséquences concrètes pour la suite, quand bien même la personne serait repartie.

  • Speaker #0

    On fait face à de plus en plus d'OQTF, Vanina, qui sont rendus dans des décisions absurdes, on peut le dire. Les préfectures font des erreurs, il faut le savoir. Est-ce que tu as en tête une situation où, selon toi, une OQTF n'aurait pas dû être prise, n'aurait pas été prise il y a quelques années ? Et ça m'amène à te poser la question plus générale des arguments juridiques qu'on peut invoquer devant les tribunaux pour faire annuler une OQTF.

  • Speaker #1

    Oui. Effectivement, quand on dit qu'on assiste à une explosion des OQTF, c'est tout à fait vrai. Et ce qui est important, ce n'est pas parce que le nombre d'OQTF explose que les personnes qui sont sous le coup de ces mesures devaient les prendre. Ça, c'est très important. J'ai plein d'exemples de situations proprement hallucinantes. Je vais en citer une actuelle. Il s'agit d'une étudiante qui est entrée avec un visa long séjour, qui vit pendant 5 ans sur le territoire. parfaitement régulièrement. Elle est mariée avec un ressortissant étranger qui a une carte de résident. Et à la fin de ses études, elle fait une demande de changement de statut vers un statut commerçant. La préfecture va refuser le renouvellement, le changement de statut, assortir cette décision d'une obligation de quitter le territoire alors qu'elle est en couple mariée depuis trois ans avec une personne en situation régulière. Et alors la cerise sur le gâteau, puisque c'est une préfecture qui pratiquent beaucoup ça, je le cite, va assortir, alors même que la personne n'a jamais fait l'objet d'une mesure de donnement par le passé, cette décision d'une interdiction de retour pendant un an. Par exemple, dans les dossiers récents les plus hallucinants, celui-ci, on est en totale illégalité, le changement de statut n'aurait pas dû être refusé. et la personne se trouve dans cette situation alors qu'elle a toujours été en situation parfaitement régulière en France.

  • Speaker #0

    Et donc ça me permet de te poser plus précisément la question des moyens, parce que là, de ce que tu me décris de cette situation, j'imagine que tu vas soulever plusieurs moyens devant le tribunal administratif. On a communément les moyens de forme, d'illégalité externe, liés à l'incompétence de l'acte, à l'insuffisance de motivation. que parfois certaines OQTF sont très peu motivées et c'est souvent des formules stéréotypées. Mais dans le cas que tu décrivais, tu vas en tout cas pouvoir soulever une violation de la vie privée familiale de cette personne puisqu'elle a toute sa famille en France. Maintenant, de ce que tu dis, en tout cas, sa cellule familiale a été reconstituée en France et puis une violation de ce qu'on appelle le CESEDA, le code qui s'applique aux étrangers, puisque si elle remplissait bien les conditions pour avoir un titre de séjour commerçant, le préfet a là aussi violé une disposition plutôt du CESEDA. Est-ce que tu veux rebondir sur les argumentaires juridiques que tu vas développer dans cette affaire et dans d'autres ?

  • Speaker #1

    Oui, c'est ça en fait. Quand on a une mesure d'éloignement, on va la scanner et on va regarder, mais du premier mot jusqu'au dernier, si les choses ont été faites dans les règles. Donc la forme et le fond. La forme, tu l'as évoquée, avec une différence par exemple quand quelqu'un fait l'objet d'une OQTF dans la rue. ou sans avoir fait de demande de titre de séjour, ou si la personne a fait une demande de titre de séjour par le passé. Donc, qui a signé la décision ? Est-ce que les bons textes sont visés ? Est-ce que la décision est bien motivée ? Très, très important, notamment dans le cadre d'une interpellation, d'une obligation qui n'est pas sortie d'une décision de refus de séjour. Et puis ensuite, est-ce que la préfecture a vérifié si la personne n'était pas éligible à un titre de séjour, parce que, tu disais tout à l'heure, il n'y a plus de catégorie protégée. En revanche, lorsque l'on est éligible à une carte de séjour, on ne peut pas faire l'objet d'une mesure d'éloignement. Donc, premier point, quel texte a été visé ? Quel texte a été appliqué ? Est-ce qu'il a été bien appliqué ? Est-ce qu'il n'y a pas une erreur de droit ? Est-ce qu'il n'y a pas une erreur manifeste d'appréciation ? Donc ça, c'est une formule très large, mais l'idée, c'est que, véritablement, on mette en avant tous les éléments concernant la personne, et puis les conventions internationales, dans le cadre dont on parlait, l'article 8 de la Convention de sauvegarde, de la CEDH, mais s'il y a des enfants, on va aussi mobiliser l'article 3.1 de la Convention de New York, la Protection internationale des droits de l'enfant. Il y a plein de situations et plein de décisions qu'on peut contester.

  • Speaker #0

    Tu m'as fait ma transition parfaite. Parce que justement, quand on va au tribunal pour contester une OQTF, on ne conteste pas. Ce n'est pas que cette OQTF, est-ce que tu peux rapidement nous parler des autres décisions qui accompagnent une OQTF ?

  • Speaker #1

    Absolument. Alors on va effectivement contester, quand la personne a demandé une carte de séjour ou son renouvellement et que c'est refusé, on va contester cette décision, on va contester l'obligation de quitter le territoire. Si elle n'est pas assortie d'un délai de départ volontaire, on va contester la privation du délai de départ volontaire. Parfois on pourra contester même le délai de départ volontaire qui a été accordé. Parce qu'on a des moyens qui, je ne sais pas, je donne un exemple très concret, fin de scolarisation en cours, une OQTF qui intervient au mois de mai. On pourra débattre de cette question du délai. Ensuite, on peut aussi contester la décision qui va fixer le pays de renvoi. Ça, c'est très important pour une personne, par exemple, déboutée du droit d'asile, pour une personne gravement malade. Il y a des catégories pour lesquelles on va aussi contester. et On peut aussi avoir à contester l'interdiction de retour si elle figure sur cette décision. Donc en fait, il y a plein de décisions qui peuvent être contestées.

  • Speaker #0

    Et on a coutume de dire que les personnes étrangères vont être protégées pendant le temps de la procédure devant le tribunal administratif. Est-ce que tu peux nous parler de cette protection ? Comment elle fonctionne ? Jusqu'à quand elle dure ?

  • Speaker #1

    Alors ça c'est un terme un peu impropre effectivement et c'est important. En fait quand on conteste une obligation de quitter le territoire, le recours qui est fait dans le délai est suspensif de l'éloignement. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu'une personne fait son recours contre l'obligation de quitter le territoire, elle a la preuve que le tribunal est saisi, elle est interpellée dans la rue. Si elle justifie de ce recours, elle ne peut pas être éloignée. tant que le tribunal n'a pas statué. Mais attention, ça ne veut pas dire qu'en présentant la preuve du recours, les services de police diront « ok, parfait, il y a un recours, vous pouvez repartir » . Ils peuvent placer la personne en rétention, et là, la procédure devant le tribunal va basculer en accéléré. Donc, c'est une protection parce qu'on va attendre une décision judiciaire, mais en revanche, on peut faire l'objet d'une mesure d'assignation en résidence ou d'un placement en rétention, et les choses peuvent basculer dans la... l'extrême urgence.

  • Speaker #0

    Merci pour cette précision. Vanilla, je te propose d'écouter notre consoeur Fleur Boixière pour sa chronique. Fleur, c'est à toi.

  • Speaker #2

    Bonjour, je suis Fleur Boixière, avocate au barreau de Marseille. J'exerce tout comme Salomé, en droit des étrangers. Et j'enregistre cet épisode depuis mon cabinet qui se situe donc à Marseille. On se retrouve aujourd'hui pour une chronique où l'on va parler de la notion de menace pour l'ordre public et de son articulation avec les décisions d'OQTF. Depuis quelques temps, on constate un recours de plus en plus fréquent à cette notion dans les décisions d'OQTF, et c'est une tendance qui préoccupe et qui inquiète. Mais alors de quoi parle-t-on exactement ? Ce qu'il faut savoir, c'est que la notion de menace à l'ordre public ne se fonde pas exclusivement sur les troubles à l'ordre public déjà constatés, mais c'est plutôt une mesure dite « préventive » qui est fondée sur une appréciation de la dangerosité de l'étranger. L'administration prend donc en considération les faits déjà réprimés par le passé, mais pas que. car son appréciation reste indépendante de l'existence de condamnations pénales. Et cette dernière phrase est particulièrement importante. L'administration apprécie de manière autonome ce qui constitue une menace pour l'ordre public et ce qui n'en constitue pas une. Cela veut dire qu'elle peut considérer qu'un individu représente une menace, même s'il n'a jamais été condamné. Et inversement, mais c'est bien plus rare bien entendu. En plus de cette interprétation extensive par nature de la notion de menace pour l'ordre public, La loi Darmanin est venue l'étendre à des nouvelles situations. Et oui, si la menace pour l'ordre public était à l'origine réservée aux infractions graves comme les violences, la radicalisation, les atteintes à la sécurité de l'État, elle peut aujourd'hui être invoquée par des préfectures pour des faits d'une gravité bien plus limitée. On se retrouve donc avec des OQTF fondés sur des infractions ou même simplement des comportements d'une très faible gravité. Alors ? Quels éléments peut-on soulever pour contester une OQTF prise sur le fondement de la menace pour l'ordre public ? Comme vous vous en doutez, c'est dur à dire car il existe autant d'éléments à soulever que de situations différentes. Mais plusieurs critères peuvent tout de même permettre de tenter de neutraliser l'existence de cette menace. Il y a notamment la nature et la gravité des faits. Plus les faits sont d'une faible gravité, plus il sera aisé de contester l'existence d'une véritable menace. On fait bien évidemment une différence entre un homicide et de l'usage de stupéfiants par exemple. On pense également au nombre d'infractions commises dans le passé, mais aussi à l'ancienneté des faits, que l'on peut conjuguer à l'insertion de l'étranger et à l'absence de nouveaux comportements répréhensibles depuis les faits. Il est aussi important de se pencher sur la proportionnalité de la mesure d'éloignement, en faisant état d'éléments personnels et familiaux, afin de démontrer que la menace à l'ordre public, que représenterait l'étranger, ne justifie pas qu'il soit porté atteinte à sa vie privée et familiale par exemple. Dernier conseil pratico-pratique, et pas des moindres, il est toujours intéressant de se pencher sur l'élément sur lequel la préfecture s'est fondée pour retenir la menace pour l'ordre public. S'il s'agit simplement d'une garde à vue, qui a ensuite donné lieu à un classement sans suite, il est primordial de solliciter la preuve et le motif de ce classement et pourquoi pas de formuler une demande d'effacement d'otage. S'il s'agit d'une condamnation pénale ancienne, il est possible de demander la suppression de la mention de cette condamnation au casier judiciaire dans certaines conditions. Comme vous l'aurez compris, même si l'administration est autonome sur son appréciation de la menace à l'ordre public, ces éléments sont à mettre en avant dans ce type de dossier. Pour conclure cette chronique, je tiens à vous dire que, oui, ce recours accru à la notion de menace pour l'ordre public peut être décourageant, mais il ne faut pas baisser les bras, car il n'est pas toujours justifié, il peut et doit être contesté, et enfin, c'est une notion complexe et flexible qui s'apprécie au cas par cas. Je vous laisse sur ces éléments et vous dis à très vite dans une prochaine chronique.

  • Speaker #0

    On a une vision plus précise de ce qu'est une OQTF, de ce qu'elle entraîne comme conséquence, des moyens pour la faire annuler. On doit forcément parler de l'hypothèse où une personne a une OQTF définitive, soit que cette OQTF n'ait jamais été contestée devant les tribunaux, ou qu'elle a été contestée mais que les différents recours aient été rejetés. Puisque si on en revient au chiffre que je citais en introduction sur 5 OQTF, On peut considérer qu'environ une sera annulée devant le juge, qu'une sera exécutée, moins d'une en fait sera exécutée, mais ce qui nous laisse quand même avec trois OQTF qui sont définitives mais qui n'ont pas été exécutées. Qu'est-ce qu'il se passe pour ces personnes-là ? Quelles conséquences en cas d'OQTF définitives, et surtout depuis la loi Darmanin dont tu nous parlais en introduction ?

  • Speaker #1

    Oui, effectivement, les conséquences sont très lourdes. J'ajouterais au cas que tu as cité la personne qui n'a jamais eu connaissance de l'obligation de quitter le territoire, parce que ça devient un problème de plus en plus important. Décision mal notifiée, c'est-à-dire que l'administration n'a pas adressé à la bonne adresse, n'a pas tenu compte d'un changement d'adresse, c'est très fréquent. Ou alors que les services postaux n'ont pas distribué le pli, et c'est comme ça que certaines personnes découvrent cette mesure et qu'elles ne peuvent parfois plus rien faire. Si c'est mal notifié, elles peuvent, mais si c'est correctement notifié, ça va rendre la décision définitive. Concrètement, l'obligation de quitter le territoire, ça a énormément de conséquences. D'abord, on le disait tout à l'heure, c'est exécutoire pendant trois ans. Donc, en cas de contrôle, placement en rétention, assignation, je ne reviens pas sur ce qui a été dit. Mais du coup, ça peut aussi, pendant ce délai de trois ans, priver la personne de pouvoir faire des démarches de pouvoir déposer une nouvelle demande de titre de séjour, d'abord ça la met en danger de se représenter dans l'administration, et ensuite l'administration peut tout simplement refuser de prendre en charge un dossier et classer ensuite sa demande en disant « vous avez cette mesure, donc revenez dans trois ans » . Sauf éléments nouveaux, mais les éléments nouveaux, c'est difficile, et notamment on peut débattre, de mon point de vue. Si on n'a pas un élément nouveau, au sens où on est éligible de plein droit à une carte de séjour par la suite, c'est très délicat de redéposer un dossier. Mais il n'y a pas que ça comme conséquence. L'administration peut même prendre en charge le dossier et refuser de délivrer une carte de séjour parce que par le passé vous avez fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire. Ce qui donne un peu le vertige quand on voit avec quelle facilité on fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire. De même, la personne qui aurait finalement fait son recours devant le tribunal et puis aurait perdu, par exemple, et puis dirait, bon, finalement, je vais retourner dans mon pays parce que je veux revenir avec un visa. Elle pourrait se voir refuser son visa d'entrée parce qu'elle n'a pas exécuté le délai qui lui avait été octroyé. Donc, très concrètement, il y a énormément de situations. Et alors, ce qu'il faut avoir en tête, même si c'est... parfois incroyable à faire comprendre aux gens, c'est que la nouvelle loi, elle est de janvier 2024, mais tout ce dont on parle, ça peut concerner des obligations de quitter le territoire qui ont été prises bien avant la loi. quand même sur une situation qui est quand même assez incroyable, où des gens vont se voir opposer, par exemple, un refus de visa parce qu'ils n'ont pas exécuté une OQTF dans le délai d'un mois, alors qu'à l'époque où cette OQTF avait été prise, cette disposition n'existait pas. Donc voilà, on pourrait multiplier encore les exemples, mais concrètement, une obligation de quitter le territoire, ça coûte très cher dans un dossier, ça a d'énormes conséquences, et du coup, il faut... toujours mesurer les motifs pour lesquels on va aller faire une demande de titre de séjour et ne pas se lancer dans ce type de procédure à la légère.

  • Speaker #0

    D'autant plus, effectivement, depuis la loi d'Armanin et les OQTF qui sont passées à 3 ans, c'est vrai qu'on est de plus en plus prudents aussi en tant qu'avocat, avant de déposer une demande de titre de séjour, on n'a pas trop le choix. Et justement, quels conseils tu donnerais aux personnes qui viennent te voir avec une OQTF définitive ? Qu'est-ce qu'elles peuvent faire dans l'attente pour ne pas désespérer ? Puisqu'on parle encore une fois de personnes qui ont des motifs sérieux de rester en France, qui ont parfois de la famille, souvent même, qui travaillent depuis des années, mais sans droit au travail, mais de manière déclarée. Donc, c'est des personnes qui n'ont pas vocation à quitter le territoire. Qu'est-ce qu'elles peuvent faire avant de pouvoir déposer ? Une demande de titre de séjour de nouveau.

  • Speaker #1

    C'est un peu délicat, effectivement, parce qu'on se retrouve à la fois à dire aux personnes « là, vous allez être dans une période dangereuse en cas de contrôle, etc. » et en même temps, si on veut espérer à un moment pouvoir les régulariser, il faut qu'elles aient une vie la plus normale possible pour pouvoir avoir un dossier le plus étoffé. Donc, comme tu dis, qu'elles continuent à travailler. que les enfants continuent à être solarisés et qu'elles continuent à avoir des liens avec des personnes. La vie la plus normale pour pouvoir justifier de cette intégration et de leur présence, qui vont être des documents demandés. Et en même temps, on est obligé d'expliquer aux personnes attention au contrôle. Donc, en cas de contrôle dans le métro, dans les gares. Méfiez-vous. Si vous avez cette mesure, vous pouvez être placé en rétention. Après, c'est difficile de donner comme ça tous les conseils, mais autant que possible, garder les traces de tout ce qu'on fait en France. Ça, c'est très, très important que ces documents soient à l'abri. On est avec des personnes qui, parfois, ont des problèmes. de précarité de logement, donc ça rend la conservation des documents difficile. Donc, essayez autant que possible que les documents que vous collectez soient transmis, déposés chez une tierce personne de confiance parce que ça peut faire la différence après dans un dossier. Donc, voilà, en tout cas, être très prudent, mais essayez au maximum de vivre le plus normalement possible pour pouvoir à un moment pouvoir revenir sur le plan faire valoir tous ces éléments dans le cadre d'une régularisation. Je me permets une toute petite incise aussi sur les cas d'obligation de quitter le territoire parce que c'est en lien avec un problème auquel tu le sais bien on est confronté, c'est que parmi les gens qui ont une obligation de quitter le territoire on a aussi des personnes qui sont contrôlées et on leur reproche de ne pas avoir fait de démarche alors qu'elles n'arrivent pas à avoir de rendez-vous avec la préfecture. Il faut faire le lien entre les difficultés d'accès à la préfecture et les personnes que l'on voit sous mesure d'éloignement aujourd'hui, ça concerne pas mal de gens. Donc j'avais ça en tête parce que typiquement, on va dire aux personnes, vous ne faites pas de démarche pour vous régulariser alors qu'elles n'y arrivent pas en fait, qu'elles ont essayé, mais qu'elles n'arrivent pas à accéder effectivement aux préfectures. Donc dans les cas un peu incroyables d'obligation de quitter le territoire, on a aussi celle-ci.

  • Speaker #0

    Oui, je pense effectivement à un dossier... qui est vraiment révélateur de ce mode de fonctionnement où un parent d'enfant français a déposé une demande de titre de séjour sur l'ANEF depuis plus d'un an. Il vient me voir pour que je fasse bouger cette demande-là. Donc on va au tribunal pour contester le reçu implicite qui a été pris à sa demande de titre de séjour. Et on apprend qu'il avait reçu une OQTF par une autre préfecture qui n'était, elle, pas informée de cette demande-là lors d'un contrôle d'identité. Donc, on a appris tout ça dans le cadre de ce recours. Cette OQTF, comme tu l'avais aussi mentionné, n'avait pas pu être contestée devant le tribunal puisque la personne ne s'était pas vue notifier cette OQTF. Donc, effectivement, les difficultés d'accès en préfecture, les difficultés liées à la dématérialisation, rendent certaines OQTF encore plus absurde, puisque la personne a tenté d'effectuer des démarches en préfecture et n'a pas pu le faire. Sur les conseils qu'on peut donner, je tenais à insister aussi sur le fait que c'est quand même important aujourd'hui, de plus en plus pour les préfectures, que la personne parle bien français.

  • Speaker #1

    Absolument.

  • Speaker #0

    Et donc, ce que tu disais, c'est exactement ça. En fait, on explique à des personnes qu'il faut qu'elles apprennent le français, donc pour cela qu'elles se lient, qu'elles lient des liens, qu'elles fassent des cours de français, donc qu'elles s'exposent d'une certaine manière aussi à avoir des contrôles. Ça devient très compliqué, mais c'est vrai que l'apprentissage de la langue française fait partie maintenant intégrante des critères d'intégration pour une demande d'admission exceptionnelle au séjour, mais de manière générale pour des renouvellements, des cartes de résidents, etc. On va de plus en plus contrôler... ce niveau de langue et le niveau attendu est de plus en plus élevé. Sur les choses aussi qui sont possibles, moi, je ne le fais pas encore de manière systématique, mais je sais qu'on peut demander l'abrogation d'une OQTF. Donc, en fait, quand on n'a pas pu ou que ça n'a pas marché au tribunal, on n'a pas pu aller au tribunal ou que les recours n'ont pas marché, donc que les délais sont passés, on pourrait quand même demander l'abrogation d'une OQTF, mais il me semble que c'est en lien avec ce que tu as dit sur les éléments nouveaux. En fait, c'est quand une personne a des éléments, donc la naissance d'un enfant français par exemple, elle peut non seulement tenter de redéposer une demande, mais en parallèle demander l'abrogation de cette OQTF pour ne plus qu'elle apparaisse à son dossier. Est-ce que tu as des retours sur l'efficacité de cette procédure ?

  • Speaker #1

    Moi, je trouve ça effectivement assez difficile, en tout cas pour les préfectures de région parisienne. Je l'avais testé une fois efficacement avec la préfecture du Rhône, Non. C'était il y a quelques années, une personne qui avait eu une OQTF dans le Rhône et qui était installée en région parisienne. L'élément nouveau, c'était un paxe avec un ressortissant de nationalité française. Le Rhône avait abrogé. Mais mon expérience, je pense que je ne connais pas toutes les situations néanmoins, c'est que quand l'élément nouveau est véritablement un élément nouveau comme tu disais, d'une personne éligible à un titre de séjour de plein droit, ça peut fonctionner, mais il y a quand même une sévérité sur cette question d'éléments nouveaux, et notamment le temps qui passe n'est pas un élément nouveau. C'est-à-dire que, je m'explique, si tu as commencé une relation, par exemple, avant l'obligation de quitter le territoire, même quelques mois avant que tu n'avais pas évoqué cette... cette relation avec une personne en situation régulière ou de nationalité française, et que tu évoques ce point-là dans le cadre de ta demande d'abrogation, ça ne va pas forcément aboutir. En tout cas, moi, j'ai eu récemment une décision où le tribunal disait « Oui, mais finalement, cette relation, elle existait, elle était préexistante à la mesure prise. » Donc, c'est difficile, cette question des éléments nouveaux. et moi ma tendance c'est vraiment d'être assez... pessimiste, sauf quand on est sur des sujets de plein droit. Mais à manier avec prudence. En tout cas, du côté des préfectures, ça fonctionne difficilement, je trouve, en région parisienne. Et la difficulté, c'est qu'on est, quand on va devant le tribunal, on a des délais qui sont extrêmement longs pour ces procédures. Donc, l'effet concret, il est parfois un peu relatif.

  • Speaker #0

    Oui, j'en profite pour rappeler que les délais ne seront pas les mêmes devant les tribunaux administratifs. Donc on conteste une OQTF qui est quand même censée être une mesure, enfin en tout cas la procédure est assez urgente, et un refus de demande d'abrogation, c'est ça ?

  • Speaker #1

    Exactement.

  • Speaker #0

    Et concernant les OQTF, justement, est-ce qu'en Ile-de-France, tu connais des délais moyens ? hors urgence liée à une privation de liberté, donc hors personne placée en centre de rétention ou assignée à résidence, une OQTF d'un mois, elle sera audiencée ?

  • Speaker #1

    Il y a des tribunaux où ça fonctionne. Les délais sont assez courts, effectivement. À Paris, on est sur un délai entre 3 et 6 mois. Les délais sont assez tenus. Mais en revanche, sur des tribunaux comme par exemple le Melun, et Moi, j'ai eu récemment une OQTF qui a été jugée en plus d'un an et demi. Voilà, donc ça fait long. On a le problème également à Montreuil, au sein de Saint-Denis, où le tribunal... Alors après, ça va dépendre. En fait, la difficulté, pour faire une généralité, c'est qu'en fonction de la chambre où le dossier va être enregistré, et ça, c'est le hasard, le délai pour... Ça va être plus ou moins long en fonction de l'encombrement de la Chambre. Mais les délais sont loin d'être tenus. Paris étant quand même pour le moment le tribunal qui, je trouve, tient le mieux ses délais. Mais en ce qui concerne les tribunaux de région parisienne, c'est plus compliqué.

  • Speaker #0

    Et pour finir sur une note un peu plus générale, ça fait dix ans que tu es présidente, coprésidente du GISTI. Bientôt, c'est ça ?

  • Speaker #1

    Oui, en fait, actuellement, je suis coprésidente et c'est jusqu'en 2026, a priori. En 2026, ça fera 10 ans.

  • Speaker #0

    Donc après tes années d'expérience en tant qu'avocate, tes années d'expérience en tant que présidente du GISTI, qu'est-ce que tu peux nous dire sur l'état du droit des étrangers aujourd'hui ?

  • Speaker #1

    Ah là là ! Et bon... C'est une matière qui n'a jamais été une matière simple, il ne faut pas se mentir. Moi, j'ai commencé à exercer, c'était les lois Pasqua, et on était dans le dur, vraiment dans le dur. En fait, j'ai découvert la matière en travaillant. Je n'avais pas du tout de formation en droit des étrangers, et j'ai découvert avec effroi cette matière. J'imaginais pas qu'on soit placé en rétention parce qu'on n'avait pas de papier. J'imaginais pas que l'administration puisse être hors la loi de manière aussi récurrente. Je dois dire qu'un monde s'est ouvert et ce qui est la raison pour laquelle j'ai cherché à militer très très vite et à rencontrer des associations parce que j'avais besoin d'avoir une culture un peu politique sur ce sujet. Eh bien, Je dois dire que les choses ne se sont pas améliorées, les choses se sont durcies au gré d'une réglementation qui change à chaque changement politique. Donc il y a une très forte instabilité dans la matière. Ces dernières années quand même, on est sur du très très dur avec des pratiques préfectorales problématiques. On parlait de la dématérialisation, de l'impossible accès au titre de séjour. Je parlais de l'ANEF, mais par exemple, les demandes d'admission exceptionnelles au séjour, aujourd'hui, on est sur des délais pour avoir un rendez-vous dans certaines préfectures de 18 mois à 2 ans, avec des délais d'instruction qui peuvent également être de 18 mois à 2 ans. C'est complètement fou. Donc, pratiques préfectorales problématiques, législation de plus en plus difficile, et puis tout ça dans une ambiance qui est quand même très très compliquée. Des discours de plus en plus décomplexés sur la matière, des propos sur les personnes étrangères incroyables et un bal des clichés permanents. Moi, la réalité dans nos cabinets, dans nos permanences associatives, n'a rien à voir avec ce que l'on entend, ce que l'on nous rabâche en permanence dont malheureusement des médias... dans les médias qui ont le plus d'audience. Donc c'est une matière difficile, mais c'est une matière dans laquelle on a une chance, c'est que par le biais de l'associatif, que ce soit les associations, mais aussi les liens entre confrères, on travaille collectivement, beaucoup, et ça aide énormément dans la manière dont on va construire les dossiers, parce qu'il ne faut pas rêver, et on... On ne gagne pas les dossiers tout seul en droit des étrangers. Le collectif nous porte. Mais ça aide aussi pour continuer à avoir envie et à se mobiliser sur cette matière. Donc voilà, je pense que le collectif est une force et qu'il faut vraiment ne pas hésiter à taper les portes de nos associations et en tout cas... à soutenir ces associations qui font un travail formidable dans la matière et indispensable, de plus en plus indispensable.

  • Speaker #0

    Merci Vanina, merci pour tes réponses et pour cette note d'espoir. C'est vrai que le collectif aide beaucoup dans cette matière qui peut sinon être compliquée à gérer. Merci à vous d'avoir écouté Étrange Droit. Avant de se quitter, je vous rappelle que chaque situation est unique et que les informations qu'on partage ici ne remplacent pas les conseils personnalisés d'associations et d'avocats, le collectif, toujours. Et je vous renvoie vers le site du GISTI pour trouver une assistance faite chez vous. Et je vous dis à dans deux semaines pour un nouvel épisode où nous continuerons à explorer ensemble cet étrange droit qu'est le droit des étrangers.

  • Speaker #1

    Merci.

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Description

Aujourd’hui, on parle de la mesure d’éloignement la plus fréquente prise à l’encontre des étrangers : L’obligation de quitter le territoire français, connue sous le nom d’“OQTF”. Quels sont les réflexes à avoir quand on accompagne une personne sous OQTF ? Quelles sont les conséquences concrètes d'une OQTF ? Quels sont les moyens à soulever devant le juge ?


Avec notre invitée, Vanina ROCHICCIOLI, avocate en droit des étrangers exerçant au barreau de Paris et présidente du GISTI.


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Crédits :


"Étrange droit" est un podcast animé par Salomé BEN-SAADI, avec la chronique de Fleur BOIXIERE, toutes deux avocates en droit des étrangers. La production est assurée par Eva BEN-SAADI et Arthur DUBOC.


L'identité sonore du podcast a été composée et réalisée par des musiciens exilés, grâce au soutien de l'association PAX MUSICA, qui accompagne des musiciennes et des musiciens professionnels ayant trouvé refuge en France, au travers d'un compagnonnage artistique aux côtés de musiciens de renom.


Important :


Les informations partagées dans ce podcast sont données à titre informatif et pédagogique. Elles ne remplacent en aucun cas une consultation juridique personnalisée auprès d'un avocat ou d'une association spécialisée comme le GISTI, chaque situation étant unique.

Consultez le site du GISTI pour trouver une assistance près de chez vous : https://www.gisti.org/spip.php?article1506.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour et bienvenue dans Étranges Droits, le podcast consacré aux droits des étrangers par et pour celles et ceux qui le font vivre. Pendant la prochaine demi-heure, je vous emmène au cœur de ce droit et de sa pratique. Je suis Salomé Ben-Saadi, je suis avocate au barreau de la Seine-Saint-Denis et j'enregistre cet épisode dans les locaux de mon cabinet à Pantin. Pendant l'épisode, vous allez aussi entendre ma chère consoeur, Fleur Boixiere, pour sa chronique. Et sachez que le son du podcast est composé et réalisé par des musiciens exilés qui ont repris le chemin de la musique grâce à l'association Pax Musica. Aujourd'hui, on va parler de la mesure d'éloignement la plus fréquentes, qui est à l'encontre des étrangers, l'obligation de quitter le territoire français connu sous le nom d'OQTF. Avec notre invitée, Vanina Rochiccioli, qui est avocate en droit des étrangers au barreau de Paris et présidente du GISTI qu'elle va nous présenter dans un instant. Bonjour Vanina, merci d'être avec nous.

  • Speaker #1

    Bonjour Salomé, ravie.

  • Speaker #0

    Avant de te bombarder de questions sur les OQTF, je vais faire quelques rappels des bases. Donc l'OQTF, c'est la mesure d'éloignement des étrangers par excellence, puisqu'elle représente à elle seule 90% des mesures d'éloignement. On verra dans d'autres épisodes les autres types de mesures d'éloignement qui existent, mais c'est vraiment celle qui est rendue par excellence, comme je le disais. Donc, quels étrangers peuvent faire l'objet d'une OQTF ? Les ressortissants d'État tiers à l'Union européennes et les ressortissants communautaires, donc d'États membres de l'Union européenne, même s'ils sont davantage protégés contre ces mesures, ces derniers, les ressortissants communautaires, et ils représentent moins d'un pour cent des personnes qui font l'objet d'OQTF. Alors, jusqu'à récemment, certains ressortissants d'État tiers étaient eux aussi protégés contre les OQTF. J'en parle rapidement. Il s'agissait notamment des étrangers malades, des parents d'enfants français. il y avait certaines protections qui étaient prévues. contre les OQTF, sauf que depuis la loi Darmanin du 26 janvier 2024, ces protections ont cessé d'exister, sauf pour les étrangers mineurs. Mais il me semble que c'est là le corollaire de l'absence de nécessité pour les mineurs de prouver leur droit au séjour pendant le temps de leur minorité. Ensuite, je vais faire un petit rappel sur les cas dans lesquels la préfecture peut prendre une OQTF à l'encontre d'un étranger. Donc, le cas majoritaire, c'est en cas d'échec d'une demande d'admission au séjour. Ce motif représente environ 50% des OQTF qui sont prises par les préfectures. Deuxièmement, une OQTF peut être prise en cas d'entrée ou de séjour irrégulier sur le territoire français. On parle ici d'environ 40% des OQTF. Et enfin... en cas de menace à l'ordre public, mais ici on parle environ de 6%, donc moins de 10% des OQTF prononcés. Et tant qu'on parle chiffres, je vais rappeler qu'en 2024, il y a eu environ 140 000 OQTF qui ont été prononcés, contre environ 100 000 en 2018. Donc on constate une véritable explosion des OQTF ces dernières années, et tu nous donneras ton ressenti dessus, Vanina. Il faut savoir qu'environ une OQTF sur cinq sera annulée par le juge administratif. Donc ça aussi, on reviendra sur les annulations très nombreuses d'OQTF devant le juge. Et concernant le taux d'exécution des OQTF, la France fait partie des États qui exécutent le moins les OQTF, puisque moins d'un d'une OQTF sur cinq est exécuté, c'est-à-dire conduit à l'éloignement effectif de la personne. Allez, à séparer les chiffres et place à l'interview. Vanina, est-ce que tu peux commencer par te présenter, présenter ton parcours en tant qu'avocate et puis présenter le GISTI ?

  • Speaker #1

    Alors bonjour, merci beaucoup Salomé pour l'invitation. Donc moi je suis Vanina Rochiccioli, en fait je suis avocate depuis une trentaine d'années et j'ai un parcours assez simple puisque depuis le début de mon exercice professionnel, je fais du droit des étrangers et c'est l'activité principale du cabinet. J'ai été collaboratrice un temps et puis j'ai ma propre structure depuis longtemps maintenant. Je travaille sur des questions de droits des étrangers avec le versant séjour au QTF et nationalité. Dans le cadre de mon parcours professionnel, assez rapidement, j'ai cherché une association dans laquelle m'engager et je suis devenue membre du GISTI deux ans après mon entrée dans la profession. Ça fait longtemps maintenant et c'est une association dont je suis la coprésidente depuis bientôt dix ans. Logistique, pour faire court, c'est une association qui existe depuis une cinquantaine d'années, qui milite pour l'égalité des droits et pour la liberté de circulation, qui s'était créée à l'origine pour mettre le droit... au centre de son activité, donc défendre les personnes par le droit. Au-delà des combats judiciaires, c'est aussi un logistique et un travail pour décortiquer les textes, pour essayer d'informer au maximum les gens par le biais de formations, de publications. Et puis, il y a une permanence téléphonique également. Il y a beaucoup, beaucoup d'activités. Et d'ailleurs, sur la question du jour, on a une publication, une note pratique qui concerne l'obligation de quitter le territoire. Voilà, donc pour faire très court sur l'association, mais je vous invite à visiter le site internet qui vous en dira plus.

  • Speaker #0

    Effectivement, en tant qu'avocate en droit des étrangers, on se réfère très souvent à la documentation du GISTI. et les questions que je vais te poser ici. elles m'ont été posées par des personnes qui appellent la permanence téléphonique du GISTI à laquelle je participe. Et donc l'idée, c'était aussi dans cet épisode de débroussailler un peu toutes les questions qu'on peut se poser sur les OQTF et qui, au vu de leur explosion, sont de plus en plus récurrentes. Et donc on va entrer directement dans le vif du sujet. J'aimerais que tu imagines une personne étrangère qui vient te voir avec une OQTF. On reviendra ensuite sur les détails de ce que tu vas donner, mais quels vont être tes premiers conseils à destination de cette personne ? Et quels sont les réflexes à avoir quand on accompagne une personne sous OQTF ?

  • Speaker #1

    Le premier réflexe, c'est de bien s'assurer de la date. Je fais très court, mais en gros, il y a trois délais concernant une OQTF. Si la personne vient nous voir, c'est par définition qu'elle n'est pas en centre de rétention, donc on n'est pas sur le délai le plus court qui est de 48 heures. mais on peut être saisi par la famille. Et sinon, premier point, est-ce que la personne est assignée à résidence ? Est-ce qu'elle est libre ? Et à quelle date cet OQTF a été prise ? Si la personne est libre, est-ce qu'elle a conservé l'enveloppe ? Ça peut être fondamental en termes de délai. Une fois qu'on a vérifié cette question du délai, qui est quand même centrale, on va faire une analyse de la situation de la personne. et là il faut vraiment repartir à la base. Pourquoi la personne est arrivée en France ? Dans quelles conditions ? Qui elle a rejoint ou pas rejoint ? Quelle est sa situation personnelle, professionnelle, familiale, médicale ? En gros, essayer de vraiment faire un scan complet de la situation pour voir ce que l'on va pouvoir utiliser pour pouvoir la défendre.

  • Speaker #0

    Parce que justement, si la personne est bien dans les délais, donc tu rappelais le délai de 48 heures en cas de placement au centre de rétention, il y a le délai de 7 jours si la personne est sous assignation à résidence, et maintenant le délai commun qui est d'un mois. Pour les situations, il n'y a pas de privation de liberté. Si la personne est dans les délais, l'idée c'est d'aller au tribunal.

  • Speaker #1

    Exactement, c'est ça. Exactement. et alors Dernier point également, on fait aussi une analyse sur la situation financière de la personne pour voir si elle répond ou non aux critères de l'aide juridictionnelle, parce que ça peut aussi avoir une incidence sur les délais.

  • Speaker #0

    Très bien, merci Vanina. Parmi les questions qui reviennent sur les OQTF, ce sont les conséquences concrètes d'une OQTF. Et notamment, ce que peut faire la police face à quelqu'un qui a une OQTF ? Comment ça peut se passer lors d'un contrôle ? Est-ce qu'une OQTF, ça vaut dans tout l'espace Schengen ? Quelles sont les conséquences de ces mesures ?

  • Speaker #1

    Alors, concrètement, lorsque la personne, généralement, a un délai de départ volontaire de 30 jours, mais elle peut être privée de ce délai de départ volontaire, donc ça, ça va avoir une incidence sur le placement. sur un fichier. Donc à partir du moment où ce délai n'a pas existé ou où ce délai a expiré, généralement il est de 30 jours, la personne va figurer sur un fichier des personnes recherchées. Donc ça tout de suite. Donc en cas de contrôle de police, la police sait que la personne fait l'objet d'une mesure d'éloignement. Elle peut être placée, donc si elle était libre à l'origine, on peut la signer à résidence ou la placer en centre de rétention. pour essayer d'exécuter cet éloignement, et ce pendant trois ans. On aura probablement l'occasion d'en reparler, mais une OQTF, aujourd'hui, depuis la loi de janvier 2024, c'est exécutable, exécutoire, pendant trois ans. Et trois ans, c'est long, et pendant trois ans, on peut faire l'objet d'une mesure... d'assignation ou de rétention sur la base de cette occulte. Ensuite, lorsque, autre conséquence, une personne qui a eu une obligation de quitter le territoire et qui, dans le délai de trois ans, est à nouveau interpellée, l'administration peut ajouter à cette mesure ce qu'on appelle une interdiction de retour. Donc en gros, vous avez eu une obligation, vous n'êtes pas parti, on vous interdit. le retour sur le territoire français, ce qui va augmenter encore les conséquences. On est privé de pouvoir revenir sur le territoire. En ce qui concerne l'espace Schengen, il y a une petite subtilité, c'est-à-dire que si une personne avait une carte de séjour dans un autre pays ou qu'elle serait éligible dans un autre pays de l'espace, sur la base d'une obligation de quitter le territoire, elle pourrait y retourner ou y être admissible. En revanche, s'il y a eu une interdiction de retour, ça vaut dans... tout l'espace Schengen et la personne va être sur un fichier qui s'appelle le SIS, système d'information Schengen, avec d'énormes conséquences concrètes pour la suite, quand bien même la personne serait repartie.

  • Speaker #0

    On fait face à de plus en plus d'OQTF, Vanina, qui sont rendus dans des décisions absurdes, on peut le dire. Les préfectures font des erreurs, il faut le savoir. Est-ce que tu as en tête une situation où, selon toi, une OQTF n'aurait pas dû être prise, n'aurait pas été prise il y a quelques années ? Et ça m'amène à te poser la question plus générale des arguments juridiques qu'on peut invoquer devant les tribunaux pour faire annuler une OQTF.

  • Speaker #1

    Oui. Effectivement, quand on dit qu'on assiste à une explosion des OQTF, c'est tout à fait vrai. Et ce qui est important, ce n'est pas parce que le nombre d'OQTF explose que les personnes qui sont sous le coup de ces mesures devaient les prendre. Ça, c'est très important. J'ai plein d'exemples de situations proprement hallucinantes. Je vais en citer une actuelle. Il s'agit d'une étudiante qui est entrée avec un visa long séjour, qui vit pendant 5 ans sur le territoire. parfaitement régulièrement. Elle est mariée avec un ressortissant étranger qui a une carte de résident. Et à la fin de ses études, elle fait une demande de changement de statut vers un statut commerçant. La préfecture va refuser le renouvellement, le changement de statut, assortir cette décision d'une obligation de quitter le territoire alors qu'elle est en couple mariée depuis trois ans avec une personne en situation régulière. Et alors la cerise sur le gâteau, puisque c'est une préfecture qui pratiquent beaucoup ça, je le cite, va assortir, alors même que la personne n'a jamais fait l'objet d'une mesure de donnement par le passé, cette décision d'une interdiction de retour pendant un an. Par exemple, dans les dossiers récents les plus hallucinants, celui-ci, on est en totale illégalité, le changement de statut n'aurait pas dû être refusé. et la personne se trouve dans cette situation alors qu'elle a toujours été en situation parfaitement régulière en France.

  • Speaker #0

    Et donc ça me permet de te poser plus précisément la question des moyens, parce que là, de ce que tu me décris de cette situation, j'imagine que tu vas soulever plusieurs moyens devant le tribunal administratif. On a communément les moyens de forme, d'illégalité externe, liés à l'incompétence de l'acte, à l'insuffisance de motivation. que parfois certaines OQTF sont très peu motivées et c'est souvent des formules stéréotypées. Mais dans le cas que tu décrivais, tu vas en tout cas pouvoir soulever une violation de la vie privée familiale de cette personne puisqu'elle a toute sa famille en France. Maintenant, de ce que tu dis, en tout cas, sa cellule familiale a été reconstituée en France et puis une violation de ce qu'on appelle le CESEDA, le code qui s'applique aux étrangers, puisque si elle remplissait bien les conditions pour avoir un titre de séjour commerçant, le préfet a là aussi violé une disposition plutôt du CESEDA. Est-ce que tu veux rebondir sur les argumentaires juridiques que tu vas développer dans cette affaire et dans d'autres ?

  • Speaker #1

    Oui, c'est ça en fait. Quand on a une mesure d'éloignement, on va la scanner et on va regarder, mais du premier mot jusqu'au dernier, si les choses ont été faites dans les règles. Donc la forme et le fond. La forme, tu l'as évoquée, avec une différence par exemple quand quelqu'un fait l'objet d'une OQTF dans la rue. ou sans avoir fait de demande de titre de séjour, ou si la personne a fait une demande de titre de séjour par le passé. Donc, qui a signé la décision ? Est-ce que les bons textes sont visés ? Est-ce que la décision est bien motivée ? Très, très important, notamment dans le cadre d'une interpellation, d'une obligation qui n'est pas sortie d'une décision de refus de séjour. Et puis ensuite, est-ce que la préfecture a vérifié si la personne n'était pas éligible à un titre de séjour, parce que, tu disais tout à l'heure, il n'y a plus de catégorie protégée. En revanche, lorsque l'on est éligible à une carte de séjour, on ne peut pas faire l'objet d'une mesure d'éloignement. Donc, premier point, quel texte a été visé ? Quel texte a été appliqué ? Est-ce qu'il a été bien appliqué ? Est-ce qu'il n'y a pas une erreur de droit ? Est-ce qu'il n'y a pas une erreur manifeste d'appréciation ? Donc ça, c'est une formule très large, mais l'idée, c'est que, véritablement, on mette en avant tous les éléments concernant la personne, et puis les conventions internationales, dans le cadre dont on parlait, l'article 8 de la Convention de sauvegarde, de la CEDH, mais s'il y a des enfants, on va aussi mobiliser l'article 3.1 de la Convention de New York, la Protection internationale des droits de l'enfant. Il y a plein de situations et plein de décisions qu'on peut contester.

  • Speaker #0

    Tu m'as fait ma transition parfaite. Parce que justement, quand on va au tribunal pour contester une OQTF, on ne conteste pas. Ce n'est pas que cette OQTF, est-ce que tu peux rapidement nous parler des autres décisions qui accompagnent une OQTF ?

  • Speaker #1

    Absolument. Alors on va effectivement contester, quand la personne a demandé une carte de séjour ou son renouvellement et que c'est refusé, on va contester cette décision, on va contester l'obligation de quitter le territoire. Si elle n'est pas assortie d'un délai de départ volontaire, on va contester la privation du délai de départ volontaire. Parfois on pourra contester même le délai de départ volontaire qui a été accordé. Parce qu'on a des moyens qui, je ne sais pas, je donne un exemple très concret, fin de scolarisation en cours, une OQTF qui intervient au mois de mai. On pourra débattre de cette question du délai. Ensuite, on peut aussi contester la décision qui va fixer le pays de renvoi. Ça, c'est très important pour une personne, par exemple, déboutée du droit d'asile, pour une personne gravement malade. Il y a des catégories pour lesquelles on va aussi contester. et On peut aussi avoir à contester l'interdiction de retour si elle figure sur cette décision. Donc en fait, il y a plein de décisions qui peuvent être contestées.

  • Speaker #0

    Et on a coutume de dire que les personnes étrangères vont être protégées pendant le temps de la procédure devant le tribunal administratif. Est-ce que tu peux nous parler de cette protection ? Comment elle fonctionne ? Jusqu'à quand elle dure ?

  • Speaker #1

    Alors ça c'est un terme un peu impropre effectivement et c'est important. En fait quand on conteste une obligation de quitter le territoire, le recours qui est fait dans le délai est suspensif de l'éloignement. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu'une personne fait son recours contre l'obligation de quitter le territoire, elle a la preuve que le tribunal est saisi, elle est interpellée dans la rue. Si elle justifie de ce recours, elle ne peut pas être éloignée. tant que le tribunal n'a pas statué. Mais attention, ça ne veut pas dire qu'en présentant la preuve du recours, les services de police diront « ok, parfait, il y a un recours, vous pouvez repartir » . Ils peuvent placer la personne en rétention, et là, la procédure devant le tribunal va basculer en accéléré. Donc, c'est une protection parce qu'on va attendre une décision judiciaire, mais en revanche, on peut faire l'objet d'une mesure d'assignation en résidence ou d'un placement en rétention, et les choses peuvent basculer dans la... l'extrême urgence.

  • Speaker #0

    Merci pour cette précision. Vanilla, je te propose d'écouter notre consoeur Fleur Boixière pour sa chronique. Fleur, c'est à toi.

  • Speaker #2

    Bonjour, je suis Fleur Boixière, avocate au barreau de Marseille. J'exerce tout comme Salomé, en droit des étrangers. Et j'enregistre cet épisode depuis mon cabinet qui se situe donc à Marseille. On se retrouve aujourd'hui pour une chronique où l'on va parler de la notion de menace pour l'ordre public et de son articulation avec les décisions d'OQTF. Depuis quelques temps, on constate un recours de plus en plus fréquent à cette notion dans les décisions d'OQTF, et c'est une tendance qui préoccupe et qui inquiète. Mais alors de quoi parle-t-on exactement ? Ce qu'il faut savoir, c'est que la notion de menace à l'ordre public ne se fonde pas exclusivement sur les troubles à l'ordre public déjà constatés, mais c'est plutôt une mesure dite « préventive » qui est fondée sur une appréciation de la dangerosité de l'étranger. L'administration prend donc en considération les faits déjà réprimés par le passé, mais pas que. car son appréciation reste indépendante de l'existence de condamnations pénales. Et cette dernière phrase est particulièrement importante. L'administration apprécie de manière autonome ce qui constitue une menace pour l'ordre public et ce qui n'en constitue pas une. Cela veut dire qu'elle peut considérer qu'un individu représente une menace, même s'il n'a jamais été condamné. Et inversement, mais c'est bien plus rare bien entendu. En plus de cette interprétation extensive par nature de la notion de menace pour l'ordre public, La loi Darmanin est venue l'étendre à des nouvelles situations. Et oui, si la menace pour l'ordre public était à l'origine réservée aux infractions graves comme les violences, la radicalisation, les atteintes à la sécurité de l'État, elle peut aujourd'hui être invoquée par des préfectures pour des faits d'une gravité bien plus limitée. On se retrouve donc avec des OQTF fondés sur des infractions ou même simplement des comportements d'une très faible gravité. Alors ? Quels éléments peut-on soulever pour contester une OQTF prise sur le fondement de la menace pour l'ordre public ? Comme vous vous en doutez, c'est dur à dire car il existe autant d'éléments à soulever que de situations différentes. Mais plusieurs critères peuvent tout de même permettre de tenter de neutraliser l'existence de cette menace. Il y a notamment la nature et la gravité des faits. Plus les faits sont d'une faible gravité, plus il sera aisé de contester l'existence d'une véritable menace. On fait bien évidemment une différence entre un homicide et de l'usage de stupéfiants par exemple. On pense également au nombre d'infractions commises dans le passé, mais aussi à l'ancienneté des faits, que l'on peut conjuguer à l'insertion de l'étranger et à l'absence de nouveaux comportements répréhensibles depuis les faits. Il est aussi important de se pencher sur la proportionnalité de la mesure d'éloignement, en faisant état d'éléments personnels et familiaux, afin de démontrer que la menace à l'ordre public, que représenterait l'étranger, ne justifie pas qu'il soit porté atteinte à sa vie privée et familiale par exemple. Dernier conseil pratico-pratique, et pas des moindres, il est toujours intéressant de se pencher sur l'élément sur lequel la préfecture s'est fondée pour retenir la menace pour l'ordre public. S'il s'agit simplement d'une garde à vue, qui a ensuite donné lieu à un classement sans suite, il est primordial de solliciter la preuve et le motif de ce classement et pourquoi pas de formuler une demande d'effacement d'otage. S'il s'agit d'une condamnation pénale ancienne, il est possible de demander la suppression de la mention de cette condamnation au casier judiciaire dans certaines conditions. Comme vous l'aurez compris, même si l'administration est autonome sur son appréciation de la menace à l'ordre public, ces éléments sont à mettre en avant dans ce type de dossier. Pour conclure cette chronique, je tiens à vous dire que, oui, ce recours accru à la notion de menace pour l'ordre public peut être décourageant, mais il ne faut pas baisser les bras, car il n'est pas toujours justifié, il peut et doit être contesté, et enfin, c'est une notion complexe et flexible qui s'apprécie au cas par cas. Je vous laisse sur ces éléments et vous dis à très vite dans une prochaine chronique.

  • Speaker #0

    On a une vision plus précise de ce qu'est une OQTF, de ce qu'elle entraîne comme conséquence, des moyens pour la faire annuler. On doit forcément parler de l'hypothèse où une personne a une OQTF définitive, soit que cette OQTF n'ait jamais été contestée devant les tribunaux, ou qu'elle a été contestée mais que les différents recours aient été rejetés. Puisque si on en revient au chiffre que je citais en introduction sur 5 OQTF, On peut considérer qu'environ une sera annulée devant le juge, qu'une sera exécutée, moins d'une en fait sera exécutée, mais ce qui nous laisse quand même avec trois OQTF qui sont définitives mais qui n'ont pas été exécutées. Qu'est-ce qu'il se passe pour ces personnes-là ? Quelles conséquences en cas d'OQTF définitives, et surtout depuis la loi Darmanin dont tu nous parlais en introduction ?

  • Speaker #1

    Oui, effectivement, les conséquences sont très lourdes. J'ajouterais au cas que tu as cité la personne qui n'a jamais eu connaissance de l'obligation de quitter le territoire, parce que ça devient un problème de plus en plus important. Décision mal notifiée, c'est-à-dire que l'administration n'a pas adressé à la bonne adresse, n'a pas tenu compte d'un changement d'adresse, c'est très fréquent. Ou alors que les services postaux n'ont pas distribué le pli, et c'est comme ça que certaines personnes découvrent cette mesure et qu'elles ne peuvent parfois plus rien faire. Si c'est mal notifié, elles peuvent, mais si c'est correctement notifié, ça va rendre la décision définitive. Concrètement, l'obligation de quitter le territoire, ça a énormément de conséquences. D'abord, on le disait tout à l'heure, c'est exécutoire pendant trois ans. Donc, en cas de contrôle, placement en rétention, assignation, je ne reviens pas sur ce qui a été dit. Mais du coup, ça peut aussi, pendant ce délai de trois ans, priver la personne de pouvoir faire des démarches de pouvoir déposer une nouvelle demande de titre de séjour, d'abord ça la met en danger de se représenter dans l'administration, et ensuite l'administration peut tout simplement refuser de prendre en charge un dossier et classer ensuite sa demande en disant « vous avez cette mesure, donc revenez dans trois ans » . Sauf éléments nouveaux, mais les éléments nouveaux, c'est difficile, et notamment on peut débattre, de mon point de vue. Si on n'a pas un élément nouveau, au sens où on est éligible de plein droit à une carte de séjour par la suite, c'est très délicat de redéposer un dossier. Mais il n'y a pas que ça comme conséquence. L'administration peut même prendre en charge le dossier et refuser de délivrer une carte de séjour parce que par le passé vous avez fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire. Ce qui donne un peu le vertige quand on voit avec quelle facilité on fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire. De même, la personne qui aurait finalement fait son recours devant le tribunal et puis aurait perdu, par exemple, et puis dirait, bon, finalement, je vais retourner dans mon pays parce que je veux revenir avec un visa. Elle pourrait se voir refuser son visa d'entrée parce qu'elle n'a pas exécuté le délai qui lui avait été octroyé. Donc, très concrètement, il y a énormément de situations. Et alors, ce qu'il faut avoir en tête, même si c'est... parfois incroyable à faire comprendre aux gens, c'est que la nouvelle loi, elle est de janvier 2024, mais tout ce dont on parle, ça peut concerner des obligations de quitter le territoire qui ont été prises bien avant la loi. quand même sur une situation qui est quand même assez incroyable, où des gens vont se voir opposer, par exemple, un refus de visa parce qu'ils n'ont pas exécuté une OQTF dans le délai d'un mois, alors qu'à l'époque où cette OQTF avait été prise, cette disposition n'existait pas. Donc voilà, on pourrait multiplier encore les exemples, mais concrètement, une obligation de quitter le territoire, ça coûte très cher dans un dossier, ça a d'énormes conséquences, et du coup, il faut... toujours mesurer les motifs pour lesquels on va aller faire une demande de titre de séjour et ne pas se lancer dans ce type de procédure à la légère.

  • Speaker #0

    D'autant plus, effectivement, depuis la loi d'Armanin et les OQTF qui sont passées à 3 ans, c'est vrai qu'on est de plus en plus prudents aussi en tant qu'avocat, avant de déposer une demande de titre de séjour, on n'a pas trop le choix. Et justement, quels conseils tu donnerais aux personnes qui viennent te voir avec une OQTF définitive ? Qu'est-ce qu'elles peuvent faire dans l'attente pour ne pas désespérer ? Puisqu'on parle encore une fois de personnes qui ont des motifs sérieux de rester en France, qui ont parfois de la famille, souvent même, qui travaillent depuis des années, mais sans droit au travail, mais de manière déclarée. Donc, c'est des personnes qui n'ont pas vocation à quitter le territoire. Qu'est-ce qu'elles peuvent faire avant de pouvoir déposer ? Une demande de titre de séjour de nouveau.

  • Speaker #1

    C'est un peu délicat, effectivement, parce qu'on se retrouve à la fois à dire aux personnes « là, vous allez être dans une période dangereuse en cas de contrôle, etc. » et en même temps, si on veut espérer à un moment pouvoir les régulariser, il faut qu'elles aient une vie la plus normale possible pour pouvoir avoir un dossier le plus étoffé. Donc, comme tu dis, qu'elles continuent à travailler. que les enfants continuent à être solarisés et qu'elles continuent à avoir des liens avec des personnes. La vie la plus normale pour pouvoir justifier de cette intégration et de leur présence, qui vont être des documents demandés. Et en même temps, on est obligé d'expliquer aux personnes attention au contrôle. Donc, en cas de contrôle dans le métro, dans les gares. Méfiez-vous. Si vous avez cette mesure, vous pouvez être placé en rétention. Après, c'est difficile de donner comme ça tous les conseils, mais autant que possible, garder les traces de tout ce qu'on fait en France. Ça, c'est très, très important que ces documents soient à l'abri. On est avec des personnes qui, parfois, ont des problèmes. de précarité de logement, donc ça rend la conservation des documents difficile. Donc, essayez autant que possible que les documents que vous collectez soient transmis, déposés chez une tierce personne de confiance parce que ça peut faire la différence après dans un dossier. Donc, voilà, en tout cas, être très prudent, mais essayez au maximum de vivre le plus normalement possible pour pouvoir à un moment pouvoir revenir sur le plan faire valoir tous ces éléments dans le cadre d'une régularisation. Je me permets une toute petite incise aussi sur les cas d'obligation de quitter le territoire parce que c'est en lien avec un problème auquel tu le sais bien on est confronté, c'est que parmi les gens qui ont une obligation de quitter le territoire on a aussi des personnes qui sont contrôlées et on leur reproche de ne pas avoir fait de démarche alors qu'elles n'arrivent pas à avoir de rendez-vous avec la préfecture. Il faut faire le lien entre les difficultés d'accès à la préfecture et les personnes que l'on voit sous mesure d'éloignement aujourd'hui, ça concerne pas mal de gens. Donc j'avais ça en tête parce que typiquement, on va dire aux personnes, vous ne faites pas de démarche pour vous régulariser alors qu'elles n'y arrivent pas en fait, qu'elles ont essayé, mais qu'elles n'arrivent pas à accéder effectivement aux préfectures. Donc dans les cas un peu incroyables d'obligation de quitter le territoire, on a aussi celle-ci.

  • Speaker #0

    Oui, je pense effectivement à un dossier... qui est vraiment révélateur de ce mode de fonctionnement où un parent d'enfant français a déposé une demande de titre de séjour sur l'ANEF depuis plus d'un an. Il vient me voir pour que je fasse bouger cette demande-là. Donc on va au tribunal pour contester le reçu implicite qui a été pris à sa demande de titre de séjour. Et on apprend qu'il avait reçu une OQTF par une autre préfecture qui n'était, elle, pas informée de cette demande-là lors d'un contrôle d'identité. Donc, on a appris tout ça dans le cadre de ce recours. Cette OQTF, comme tu l'avais aussi mentionné, n'avait pas pu être contestée devant le tribunal puisque la personne ne s'était pas vue notifier cette OQTF. Donc, effectivement, les difficultés d'accès en préfecture, les difficultés liées à la dématérialisation, rendent certaines OQTF encore plus absurde, puisque la personne a tenté d'effectuer des démarches en préfecture et n'a pas pu le faire. Sur les conseils qu'on peut donner, je tenais à insister aussi sur le fait que c'est quand même important aujourd'hui, de plus en plus pour les préfectures, que la personne parle bien français.

  • Speaker #1

    Absolument.

  • Speaker #0

    Et donc, ce que tu disais, c'est exactement ça. En fait, on explique à des personnes qu'il faut qu'elles apprennent le français, donc pour cela qu'elles se lient, qu'elles lient des liens, qu'elles fassent des cours de français, donc qu'elles s'exposent d'une certaine manière aussi à avoir des contrôles. Ça devient très compliqué, mais c'est vrai que l'apprentissage de la langue française fait partie maintenant intégrante des critères d'intégration pour une demande d'admission exceptionnelle au séjour, mais de manière générale pour des renouvellements, des cartes de résidents, etc. On va de plus en plus contrôler... ce niveau de langue et le niveau attendu est de plus en plus élevé. Sur les choses aussi qui sont possibles, moi, je ne le fais pas encore de manière systématique, mais je sais qu'on peut demander l'abrogation d'une OQTF. Donc, en fait, quand on n'a pas pu ou que ça n'a pas marché au tribunal, on n'a pas pu aller au tribunal ou que les recours n'ont pas marché, donc que les délais sont passés, on pourrait quand même demander l'abrogation d'une OQTF, mais il me semble que c'est en lien avec ce que tu as dit sur les éléments nouveaux. En fait, c'est quand une personne a des éléments, donc la naissance d'un enfant français par exemple, elle peut non seulement tenter de redéposer une demande, mais en parallèle demander l'abrogation de cette OQTF pour ne plus qu'elle apparaisse à son dossier. Est-ce que tu as des retours sur l'efficacité de cette procédure ?

  • Speaker #1

    Moi, je trouve ça effectivement assez difficile, en tout cas pour les préfectures de région parisienne. Je l'avais testé une fois efficacement avec la préfecture du Rhône, Non. C'était il y a quelques années, une personne qui avait eu une OQTF dans le Rhône et qui était installée en région parisienne. L'élément nouveau, c'était un paxe avec un ressortissant de nationalité française. Le Rhône avait abrogé. Mais mon expérience, je pense que je ne connais pas toutes les situations néanmoins, c'est que quand l'élément nouveau est véritablement un élément nouveau comme tu disais, d'une personne éligible à un titre de séjour de plein droit, ça peut fonctionner, mais il y a quand même une sévérité sur cette question d'éléments nouveaux, et notamment le temps qui passe n'est pas un élément nouveau. C'est-à-dire que, je m'explique, si tu as commencé une relation, par exemple, avant l'obligation de quitter le territoire, même quelques mois avant que tu n'avais pas évoqué cette... cette relation avec une personne en situation régulière ou de nationalité française, et que tu évoques ce point-là dans le cadre de ta demande d'abrogation, ça ne va pas forcément aboutir. En tout cas, moi, j'ai eu récemment une décision où le tribunal disait « Oui, mais finalement, cette relation, elle existait, elle était préexistante à la mesure prise. » Donc, c'est difficile, cette question des éléments nouveaux. et moi ma tendance c'est vraiment d'être assez... pessimiste, sauf quand on est sur des sujets de plein droit. Mais à manier avec prudence. En tout cas, du côté des préfectures, ça fonctionne difficilement, je trouve, en région parisienne. Et la difficulté, c'est qu'on est, quand on va devant le tribunal, on a des délais qui sont extrêmement longs pour ces procédures. Donc, l'effet concret, il est parfois un peu relatif.

  • Speaker #0

    Oui, j'en profite pour rappeler que les délais ne seront pas les mêmes devant les tribunaux administratifs. Donc on conteste une OQTF qui est quand même censée être une mesure, enfin en tout cas la procédure est assez urgente, et un refus de demande d'abrogation, c'est ça ?

  • Speaker #1

    Exactement.

  • Speaker #0

    Et concernant les OQTF, justement, est-ce qu'en Ile-de-France, tu connais des délais moyens ? hors urgence liée à une privation de liberté, donc hors personne placée en centre de rétention ou assignée à résidence, une OQTF d'un mois, elle sera audiencée ?

  • Speaker #1

    Il y a des tribunaux où ça fonctionne. Les délais sont assez courts, effectivement. À Paris, on est sur un délai entre 3 et 6 mois. Les délais sont assez tenus. Mais en revanche, sur des tribunaux comme par exemple le Melun, et Moi, j'ai eu récemment une OQTF qui a été jugée en plus d'un an et demi. Voilà, donc ça fait long. On a le problème également à Montreuil, au sein de Saint-Denis, où le tribunal... Alors après, ça va dépendre. En fait, la difficulté, pour faire une généralité, c'est qu'en fonction de la chambre où le dossier va être enregistré, et ça, c'est le hasard, le délai pour... Ça va être plus ou moins long en fonction de l'encombrement de la Chambre. Mais les délais sont loin d'être tenus. Paris étant quand même pour le moment le tribunal qui, je trouve, tient le mieux ses délais. Mais en ce qui concerne les tribunaux de région parisienne, c'est plus compliqué.

  • Speaker #0

    Et pour finir sur une note un peu plus générale, ça fait dix ans que tu es présidente, coprésidente du GISTI. Bientôt, c'est ça ?

  • Speaker #1

    Oui, en fait, actuellement, je suis coprésidente et c'est jusqu'en 2026, a priori. En 2026, ça fera 10 ans.

  • Speaker #0

    Donc après tes années d'expérience en tant qu'avocate, tes années d'expérience en tant que présidente du GISTI, qu'est-ce que tu peux nous dire sur l'état du droit des étrangers aujourd'hui ?

  • Speaker #1

    Ah là là ! Et bon... C'est une matière qui n'a jamais été une matière simple, il ne faut pas se mentir. Moi, j'ai commencé à exercer, c'était les lois Pasqua, et on était dans le dur, vraiment dans le dur. En fait, j'ai découvert la matière en travaillant. Je n'avais pas du tout de formation en droit des étrangers, et j'ai découvert avec effroi cette matière. J'imaginais pas qu'on soit placé en rétention parce qu'on n'avait pas de papier. J'imaginais pas que l'administration puisse être hors la loi de manière aussi récurrente. Je dois dire qu'un monde s'est ouvert et ce qui est la raison pour laquelle j'ai cherché à militer très très vite et à rencontrer des associations parce que j'avais besoin d'avoir une culture un peu politique sur ce sujet. Eh bien, Je dois dire que les choses ne se sont pas améliorées, les choses se sont durcies au gré d'une réglementation qui change à chaque changement politique. Donc il y a une très forte instabilité dans la matière. Ces dernières années quand même, on est sur du très très dur avec des pratiques préfectorales problématiques. On parlait de la dématérialisation, de l'impossible accès au titre de séjour. Je parlais de l'ANEF, mais par exemple, les demandes d'admission exceptionnelles au séjour, aujourd'hui, on est sur des délais pour avoir un rendez-vous dans certaines préfectures de 18 mois à 2 ans, avec des délais d'instruction qui peuvent également être de 18 mois à 2 ans. C'est complètement fou. Donc, pratiques préfectorales problématiques, législation de plus en plus difficile, et puis tout ça dans une ambiance qui est quand même très très compliquée. Des discours de plus en plus décomplexés sur la matière, des propos sur les personnes étrangères incroyables et un bal des clichés permanents. Moi, la réalité dans nos cabinets, dans nos permanences associatives, n'a rien à voir avec ce que l'on entend, ce que l'on nous rabâche en permanence dont malheureusement des médias... dans les médias qui ont le plus d'audience. Donc c'est une matière difficile, mais c'est une matière dans laquelle on a une chance, c'est que par le biais de l'associatif, que ce soit les associations, mais aussi les liens entre confrères, on travaille collectivement, beaucoup, et ça aide énormément dans la manière dont on va construire les dossiers, parce qu'il ne faut pas rêver, et on... On ne gagne pas les dossiers tout seul en droit des étrangers. Le collectif nous porte. Mais ça aide aussi pour continuer à avoir envie et à se mobiliser sur cette matière. Donc voilà, je pense que le collectif est une force et qu'il faut vraiment ne pas hésiter à taper les portes de nos associations et en tout cas... à soutenir ces associations qui font un travail formidable dans la matière et indispensable, de plus en plus indispensable.

  • Speaker #0

    Merci Vanina, merci pour tes réponses et pour cette note d'espoir. C'est vrai que le collectif aide beaucoup dans cette matière qui peut sinon être compliquée à gérer. Merci à vous d'avoir écouté Étrange Droit. Avant de se quitter, je vous rappelle que chaque situation est unique et que les informations qu'on partage ici ne remplacent pas les conseils personnalisés d'associations et d'avocats, le collectif, toujours. Et je vous renvoie vers le site du GISTI pour trouver une assistance faite chez vous. Et je vous dis à dans deux semaines pour un nouvel épisode où nous continuerons à explorer ensemble cet étrange droit qu'est le droit des étrangers.

  • Speaker #1

    Merci.

Description

Aujourd’hui, on parle de la mesure d’éloignement la plus fréquente prise à l’encontre des étrangers : L’obligation de quitter le territoire français, connue sous le nom d’“OQTF”. Quels sont les réflexes à avoir quand on accompagne une personne sous OQTF ? Quelles sont les conséquences concrètes d'une OQTF ? Quels sont les moyens à soulever devant le juge ?


Avec notre invitée, Vanina ROCHICCIOLI, avocate en droit des étrangers exerçant au barreau de Paris et présidente du GISTI.


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Crédits :


"Étrange droit" est un podcast animé par Salomé BEN-SAADI, avec la chronique de Fleur BOIXIERE, toutes deux avocates en droit des étrangers. La production est assurée par Eva BEN-SAADI et Arthur DUBOC.


L'identité sonore du podcast a été composée et réalisée par des musiciens exilés, grâce au soutien de l'association PAX MUSICA, qui accompagne des musiciennes et des musiciens professionnels ayant trouvé refuge en France, au travers d'un compagnonnage artistique aux côtés de musiciens de renom.


Important :


Les informations partagées dans ce podcast sont données à titre informatif et pédagogique. Elles ne remplacent en aucun cas une consultation juridique personnalisée auprès d'un avocat ou d'une association spécialisée comme le GISTI, chaque situation étant unique.

Consultez le site du GISTI pour trouver une assistance près de chez vous : https://www.gisti.org/spip.php?article1506.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour et bienvenue dans Étranges Droits, le podcast consacré aux droits des étrangers par et pour celles et ceux qui le font vivre. Pendant la prochaine demi-heure, je vous emmène au cœur de ce droit et de sa pratique. Je suis Salomé Ben-Saadi, je suis avocate au barreau de la Seine-Saint-Denis et j'enregistre cet épisode dans les locaux de mon cabinet à Pantin. Pendant l'épisode, vous allez aussi entendre ma chère consoeur, Fleur Boixiere, pour sa chronique. Et sachez que le son du podcast est composé et réalisé par des musiciens exilés qui ont repris le chemin de la musique grâce à l'association Pax Musica. Aujourd'hui, on va parler de la mesure d'éloignement la plus fréquentes, qui est à l'encontre des étrangers, l'obligation de quitter le territoire français connu sous le nom d'OQTF. Avec notre invitée, Vanina Rochiccioli, qui est avocate en droit des étrangers au barreau de Paris et présidente du GISTI qu'elle va nous présenter dans un instant. Bonjour Vanina, merci d'être avec nous.

  • Speaker #1

    Bonjour Salomé, ravie.

  • Speaker #0

    Avant de te bombarder de questions sur les OQTF, je vais faire quelques rappels des bases. Donc l'OQTF, c'est la mesure d'éloignement des étrangers par excellence, puisqu'elle représente à elle seule 90% des mesures d'éloignement. On verra dans d'autres épisodes les autres types de mesures d'éloignement qui existent, mais c'est vraiment celle qui est rendue par excellence, comme je le disais. Donc, quels étrangers peuvent faire l'objet d'une OQTF ? Les ressortissants d'État tiers à l'Union européennes et les ressortissants communautaires, donc d'États membres de l'Union européenne, même s'ils sont davantage protégés contre ces mesures, ces derniers, les ressortissants communautaires, et ils représentent moins d'un pour cent des personnes qui font l'objet d'OQTF. Alors, jusqu'à récemment, certains ressortissants d'État tiers étaient eux aussi protégés contre les OQTF. J'en parle rapidement. Il s'agissait notamment des étrangers malades, des parents d'enfants français. il y avait certaines protections qui étaient prévues. contre les OQTF, sauf que depuis la loi Darmanin du 26 janvier 2024, ces protections ont cessé d'exister, sauf pour les étrangers mineurs. Mais il me semble que c'est là le corollaire de l'absence de nécessité pour les mineurs de prouver leur droit au séjour pendant le temps de leur minorité. Ensuite, je vais faire un petit rappel sur les cas dans lesquels la préfecture peut prendre une OQTF à l'encontre d'un étranger. Donc, le cas majoritaire, c'est en cas d'échec d'une demande d'admission au séjour. Ce motif représente environ 50% des OQTF qui sont prises par les préfectures. Deuxièmement, une OQTF peut être prise en cas d'entrée ou de séjour irrégulier sur le territoire français. On parle ici d'environ 40% des OQTF. Et enfin... en cas de menace à l'ordre public, mais ici on parle environ de 6%, donc moins de 10% des OQTF prononcés. Et tant qu'on parle chiffres, je vais rappeler qu'en 2024, il y a eu environ 140 000 OQTF qui ont été prononcés, contre environ 100 000 en 2018. Donc on constate une véritable explosion des OQTF ces dernières années, et tu nous donneras ton ressenti dessus, Vanina. Il faut savoir qu'environ une OQTF sur cinq sera annulée par le juge administratif. Donc ça aussi, on reviendra sur les annulations très nombreuses d'OQTF devant le juge. Et concernant le taux d'exécution des OQTF, la France fait partie des États qui exécutent le moins les OQTF, puisque moins d'un d'une OQTF sur cinq est exécuté, c'est-à-dire conduit à l'éloignement effectif de la personne. Allez, à séparer les chiffres et place à l'interview. Vanina, est-ce que tu peux commencer par te présenter, présenter ton parcours en tant qu'avocate et puis présenter le GISTI ?

  • Speaker #1

    Alors bonjour, merci beaucoup Salomé pour l'invitation. Donc moi je suis Vanina Rochiccioli, en fait je suis avocate depuis une trentaine d'années et j'ai un parcours assez simple puisque depuis le début de mon exercice professionnel, je fais du droit des étrangers et c'est l'activité principale du cabinet. J'ai été collaboratrice un temps et puis j'ai ma propre structure depuis longtemps maintenant. Je travaille sur des questions de droits des étrangers avec le versant séjour au QTF et nationalité. Dans le cadre de mon parcours professionnel, assez rapidement, j'ai cherché une association dans laquelle m'engager et je suis devenue membre du GISTI deux ans après mon entrée dans la profession. Ça fait longtemps maintenant et c'est une association dont je suis la coprésidente depuis bientôt dix ans. Logistique, pour faire court, c'est une association qui existe depuis une cinquantaine d'années, qui milite pour l'égalité des droits et pour la liberté de circulation, qui s'était créée à l'origine pour mettre le droit... au centre de son activité, donc défendre les personnes par le droit. Au-delà des combats judiciaires, c'est aussi un logistique et un travail pour décortiquer les textes, pour essayer d'informer au maximum les gens par le biais de formations, de publications. Et puis, il y a une permanence téléphonique également. Il y a beaucoup, beaucoup d'activités. Et d'ailleurs, sur la question du jour, on a une publication, une note pratique qui concerne l'obligation de quitter le territoire. Voilà, donc pour faire très court sur l'association, mais je vous invite à visiter le site internet qui vous en dira plus.

  • Speaker #0

    Effectivement, en tant qu'avocate en droit des étrangers, on se réfère très souvent à la documentation du GISTI. et les questions que je vais te poser ici. elles m'ont été posées par des personnes qui appellent la permanence téléphonique du GISTI à laquelle je participe. Et donc l'idée, c'était aussi dans cet épisode de débroussailler un peu toutes les questions qu'on peut se poser sur les OQTF et qui, au vu de leur explosion, sont de plus en plus récurrentes. Et donc on va entrer directement dans le vif du sujet. J'aimerais que tu imagines une personne étrangère qui vient te voir avec une OQTF. On reviendra ensuite sur les détails de ce que tu vas donner, mais quels vont être tes premiers conseils à destination de cette personne ? Et quels sont les réflexes à avoir quand on accompagne une personne sous OQTF ?

  • Speaker #1

    Le premier réflexe, c'est de bien s'assurer de la date. Je fais très court, mais en gros, il y a trois délais concernant une OQTF. Si la personne vient nous voir, c'est par définition qu'elle n'est pas en centre de rétention, donc on n'est pas sur le délai le plus court qui est de 48 heures. mais on peut être saisi par la famille. Et sinon, premier point, est-ce que la personne est assignée à résidence ? Est-ce qu'elle est libre ? Et à quelle date cet OQTF a été prise ? Si la personne est libre, est-ce qu'elle a conservé l'enveloppe ? Ça peut être fondamental en termes de délai. Une fois qu'on a vérifié cette question du délai, qui est quand même centrale, on va faire une analyse de la situation de la personne. et là il faut vraiment repartir à la base. Pourquoi la personne est arrivée en France ? Dans quelles conditions ? Qui elle a rejoint ou pas rejoint ? Quelle est sa situation personnelle, professionnelle, familiale, médicale ? En gros, essayer de vraiment faire un scan complet de la situation pour voir ce que l'on va pouvoir utiliser pour pouvoir la défendre.

  • Speaker #0

    Parce que justement, si la personne est bien dans les délais, donc tu rappelais le délai de 48 heures en cas de placement au centre de rétention, il y a le délai de 7 jours si la personne est sous assignation à résidence, et maintenant le délai commun qui est d'un mois. Pour les situations, il n'y a pas de privation de liberté. Si la personne est dans les délais, l'idée c'est d'aller au tribunal.

  • Speaker #1

    Exactement, c'est ça. Exactement. et alors Dernier point également, on fait aussi une analyse sur la situation financière de la personne pour voir si elle répond ou non aux critères de l'aide juridictionnelle, parce que ça peut aussi avoir une incidence sur les délais.

  • Speaker #0

    Très bien, merci Vanina. Parmi les questions qui reviennent sur les OQTF, ce sont les conséquences concrètes d'une OQTF. Et notamment, ce que peut faire la police face à quelqu'un qui a une OQTF ? Comment ça peut se passer lors d'un contrôle ? Est-ce qu'une OQTF, ça vaut dans tout l'espace Schengen ? Quelles sont les conséquences de ces mesures ?

  • Speaker #1

    Alors, concrètement, lorsque la personne, généralement, a un délai de départ volontaire de 30 jours, mais elle peut être privée de ce délai de départ volontaire, donc ça, ça va avoir une incidence sur le placement. sur un fichier. Donc à partir du moment où ce délai n'a pas existé ou où ce délai a expiré, généralement il est de 30 jours, la personne va figurer sur un fichier des personnes recherchées. Donc ça tout de suite. Donc en cas de contrôle de police, la police sait que la personne fait l'objet d'une mesure d'éloignement. Elle peut être placée, donc si elle était libre à l'origine, on peut la signer à résidence ou la placer en centre de rétention. pour essayer d'exécuter cet éloignement, et ce pendant trois ans. On aura probablement l'occasion d'en reparler, mais une OQTF, aujourd'hui, depuis la loi de janvier 2024, c'est exécutable, exécutoire, pendant trois ans. Et trois ans, c'est long, et pendant trois ans, on peut faire l'objet d'une mesure... d'assignation ou de rétention sur la base de cette occulte. Ensuite, lorsque, autre conséquence, une personne qui a eu une obligation de quitter le territoire et qui, dans le délai de trois ans, est à nouveau interpellée, l'administration peut ajouter à cette mesure ce qu'on appelle une interdiction de retour. Donc en gros, vous avez eu une obligation, vous n'êtes pas parti, on vous interdit. le retour sur le territoire français, ce qui va augmenter encore les conséquences. On est privé de pouvoir revenir sur le territoire. En ce qui concerne l'espace Schengen, il y a une petite subtilité, c'est-à-dire que si une personne avait une carte de séjour dans un autre pays ou qu'elle serait éligible dans un autre pays de l'espace, sur la base d'une obligation de quitter le territoire, elle pourrait y retourner ou y être admissible. En revanche, s'il y a eu une interdiction de retour, ça vaut dans... tout l'espace Schengen et la personne va être sur un fichier qui s'appelle le SIS, système d'information Schengen, avec d'énormes conséquences concrètes pour la suite, quand bien même la personne serait repartie.

  • Speaker #0

    On fait face à de plus en plus d'OQTF, Vanina, qui sont rendus dans des décisions absurdes, on peut le dire. Les préfectures font des erreurs, il faut le savoir. Est-ce que tu as en tête une situation où, selon toi, une OQTF n'aurait pas dû être prise, n'aurait pas été prise il y a quelques années ? Et ça m'amène à te poser la question plus générale des arguments juridiques qu'on peut invoquer devant les tribunaux pour faire annuler une OQTF.

  • Speaker #1

    Oui. Effectivement, quand on dit qu'on assiste à une explosion des OQTF, c'est tout à fait vrai. Et ce qui est important, ce n'est pas parce que le nombre d'OQTF explose que les personnes qui sont sous le coup de ces mesures devaient les prendre. Ça, c'est très important. J'ai plein d'exemples de situations proprement hallucinantes. Je vais en citer une actuelle. Il s'agit d'une étudiante qui est entrée avec un visa long séjour, qui vit pendant 5 ans sur le territoire. parfaitement régulièrement. Elle est mariée avec un ressortissant étranger qui a une carte de résident. Et à la fin de ses études, elle fait une demande de changement de statut vers un statut commerçant. La préfecture va refuser le renouvellement, le changement de statut, assortir cette décision d'une obligation de quitter le territoire alors qu'elle est en couple mariée depuis trois ans avec une personne en situation régulière. Et alors la cerise sur le gâteau, puisque c'est une préfecture qui pratiquent beaucoup ça, je le cite, va assortir, alors même que la personne n'a jamais fait l'objet d'une mesure de donnement par le passé, cette décision d'une interdiction de retour pendant un an. Par exemple, dans les dossiers récents les plus hallucinants, celui-ci, on est en totale illégalité, le changement de statut n'aurait pas dû être refusé. et la personne se trouve dans cette situation alors qu'elle a toujours été en situation parfaitement régulière en France.

  • Speaker #0

    Et donc ça me permet de te poser plus précisément la question des moyens, parce que là, de ce que tu me décris de cette situation, j'imagine que tu vas soulever plusieurs moyens devant le tribunal administratif. On a communément les moyens de forme, d'illégalité externe, liés à l'incompétence de l'acte, à l'insuffisance de motivation. que parfois certaines OQTF sont très peu motivées et c'est souvent des formules stéréotypées. Mais dans le cas que tu décrivais, tu vas en tout cas pouvoir soulever une violation de la vie privée familiale de cette personne puisqu'elle a toute sa famille en France. Maintenant, de ce que tu dis, en tout cas, sa cellule familiale a été reconstituée en France et puis une violation de ce qu'on appelle le CESEDA, le code qui s'applique aux étrangers, puisque si elle remplissait bien les conditions pour avoir un titre de séjour commerçant, le préfet a là aussi violé une disposition plutôt du CESEDA. Est-ce que tu veux rebondir sur les argumentaires juridiques que tu vas développer dans cette affaire et dans d'autres ?

  • Speaker #1

    Oui, c'est ça en fait. Quand on a une mesure d'éloignement, on va la scanner et on va regarder, mais du premier mot jusqu'au dernier, si les choses ont été faites dans les règles. Donc la forme et le fond. La forme, tu l'as évoquée, avec une différence par exemple quand quelqu'un fait l'objet d'une OQTF dans la rue. ou sans avoir fait de demande de titre de séjour, ou si la personne a fait une demande de titre de séjour par le passé. Donc, qui a signé la décision ? Est-ce que les bons textes sont visés ? Est-ce que la décision est bien motivée ? Très, très important, notamment dans le cadre d'une interpellation, d'une obligation qui n'est pas sortie d'une décision de refus de séjour. Et puis ensuite, est-ce que la préfecture a vérifié si la personne n'était pas éligible à un titre de séjour, parce que, tu disais tout à l'heure, il n'y a plus de catégorie protégée. En revanche, lorsque l'on est éligible à une carte de séjour, on ne peut pas faire l'objet d'une mesure d'éloignement. Donc, premier point, quel texte a été visé ? Quel texte a été appliqué ? Est-ce qu'il a été bien appliqué ? Est-ce qu'il n'y a pas une erreur de droit ? Est-ce qu'il n'y a pas une erreur manifeste d'appréciation ? Donc ça, c'est une formule très large, mais l'idée, c'est que, véritablement, on mette en avant tous les éléments concernant la personne, et puis les conventions internationales, dans le cadre dont on parlait, l'article 8 de la Convention de sauvegarde, de la CEDH, mais s'il y a des enfants, on va aussi mobiliser l'article 3.1 de la Convention de New York, la Protection internationale des droits de l'enfant. Il y a plein de situations et plein de décisions qu'on peut contester.

  • Speaker #0

    Tu m'as fait ma transition parfaite. Parce que justement, quand on va au tribunal pour contester une OQTF, on ne conteste pas. Ce n'est pas que cette OQTF, est-ce que tu peux rapidement nous parler des autres décisions qui accompagnent une OQTF ?

  • Speaker #1

    Absolument. Alors on va effectivement contester, quand la personne a demandé une carte de séjour ou son renouvellement et que c'est refusé, on va contester cette décision, on va contester l'obligation de quitter le territoire. Si elle n'est pas assortie d'un délai de départ volontaire, on va contester la privation du délai de départ volontaire. Parfois on pourra contester même le délai de départ volontaire qui a été accordé. Parce qu'on a des moyens qui, je ne sais pas, je donne un exemple très concret, fin de scolarisation en cours, une OQTF qui intervient au mois de mai. On pourra débattre de cette question du délai. Ensuite, on peut aussi contester la décision qui va fixer le pays de renvoi. Ça, c'est très important pour une personne, par exemple, déboutée du droit d'asile, pour une personne gravement malade. Il y a des catégories pour lesquelles on va aussi contester. et On peut aussi avoir à contester l'interdiction de retour si elle figure sur cette décision. Donc en fait, il y a plein de décisions qui peuvent être contestées.

  • Speaker #0

    Et on a coutume de dire que les personnes étrangères vont être protégées pendant le temps de la procédure devant le tribunal administratif. Est-ce que tu peux nous parler de cette protection ? Comment elle fonctionne ? Jusqu'à quand elle dure ?

  • Speaker #1

    Alors ça c'est un terme un peu impropre effectivement et c'est important. En fait quand on conteste une obligation de quitter le territoire, le recours qui est fait dans le délai est suspensif de l'éloignement. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu'une personne fait son recours contre l'obligation de quitter le territoire, elle a la preuve que le tribunal est saisi, elle est interpellée dans la rue. Si elle justifie de ce recours, elle ne peut pas être éloignée. tant que le tribunal n'a pas statué. Mais attention, ça ne veut pas dire qu'en présentant la preuve du recours, les services de police diront « ok, parfait, il y a un recours, vous pouvez repartir » . Ils peuvent placer la personne en rétention, et là, la procédure devant le tribunal va basculer en accéléré. Donc, c'est une protection parce qu'on va attendre une décision judiciaire, mais en revanche, on peut faire l'objet d'une mesure d'assignation en résidence ou d'un placement en rétention, et les choses peuvent basculer dans la... l'extrême urgence.

  • Speaker #0

    Merci pour cette précision. Vanilla, je te propose d'écouter notre consoeur Fleur Boixière pour sa chronique. Fleur, c'est à toi.

  • Speaker #2

    Bonjour, je suis Fleur Boixière, avocate au barreau de Marseille. J'exerce tout comme Salomé, en droit des étrangers. Et j'enregistre cet épisode depuis mon cabinet qui se situe donc à Marseille. On se retrouve aujourd'hui pour une chronique où l'on va parler de la notion de menace pour l'ordre public et de son articulation avec les décisions d'OQTF. Depuis quelques temps, on constate un recours de plus en plus fréquent à cette notion dans les décisions d'OQTF, et c'est une tendance qui préoccupe et qui inquiète. Mais alors de quoi parle-t-on exactement ? Ce qu'il faut savoir, c'est que la notion de menace à l'ordre public ne se fonde pas exclusivement sur les troubles à l'ordre public déjà constatés, mais c'est plutôt une mesure dite « préventive » qui est fondée sur une appréciation de la dangerosité de l'étranger. L'administration prend donc en considération les faits déjà réprimés par le passé, mais pas que. car son appréciation reste indépendante de l'existence de condamnations pénales. Et cette dernière phrase est particulièrement importante. L'administration apprécie de manière autonome ce qui constitue une menace pour l'ordre public et ce qui n'en constitue pas une. Cela veut dire qu'elle peut considérer qu'un individu représente une menace, même s'il n'a jamais été condamné. Et inversement, mais c'est bien plus rare bien entendu. En plus de cette interprétation extensive par nature de la notion de menace pour l'ordre public, La loi Darmanin est venue l'étendre à des nouvelles situations. Et oui, si la menace pour l'ordre public était à l'origine réservée aux infractions graves comme les violences, la radicalisation, les atteintes à la sécurité de l'État, elle peut aujourd'hui être invoquée par des préfectures pour des faits d'une gravité bien plus limitée. On se retrouve donc avec des OQTF fondés sur des infractions ou même simplement des comportements d'une très faible gravité. Alors ? Quels éléments peut-on soulever pour contester une OQTF prise sur le fondement de la menace pour l'ordre public ? Comme vous vous en doutez, c'est dur à dire car il existe autant d'éléments à soulever que de situations différentes. Mais plusieurs critères peuvent tout de même permettre de tenter de neutraliser l'existence de cette menace. Il y a notamment la nature et la gravité des faits. Plus les faits sont d'une faible gravité, plus il sera aisé de contester l'existence d'une véritable menace. On fait bien évidemment une différence entre un homicide et de l'usage de stupéfiants par exemple. On pense également au nombre d'infractions commises dans le passé, mais aussi à l'ancienneté des faits, que l'on peut conjuguer à l'insertion de l'étranger et à l'absence de nouveaux comportements répréhensibles depuis les faits. Il est aussi important de se pencher sur la proportionnalité de la mesure d'éloignement, en faisant état d'éléments personnels et familiaux, afin de démontrer que la menace à l'ordre public, que représenterait l'étranger, ne justifie pas qu'il soit porté atteinte à sa vie privée et familiale par exemple. Dernier conseil pratico-pratique, et pas des moindres, il est toujours intéressant de se pencher sur l'élément sur lequel la préfecture s'est fondée pour retenir la menace pour l'ordre public. S'il s'agit simplement d'une garde à vue, qui a ensuite donné lieu à un classement sans suite, il est primordial de solliciter la preuve et le motif de ce classement et pourquoi pas de formuler une demande d'effacement d'otage. S'il s'agit d'une condamnation pénale ancienne, il est possible de demander la suppression de la mention de cette condamnation au casier judiciaire dans certaines conditions. Comme vous l'aurez compris, même si l'administration est autonome sur son appréciation de la menace à l'ordre public, ces éléments sont à mettre en avant dans ce type de dossier. Pour conclure cette chronique, je tiens à vous dire que, oui, ce recours accru à la notion de menace pour l'ordre public peut être décourageant, mais il ne faut pas baisser les bras, car il n'est pas toujours justifié, il peut et doit être contesté, et enfin, c'est une notion complexe et flexible qui s'apprécie au cas par cas. Je vous laisse sur ces éléments et vous dis à très vite dans une prochaine chronique.

  • Speaker #0

    On a une vision plus précise de ce qu'est une OQTF, de ce qu'elle entraîne comme conséquence, des moyens pour la faire annuler. On doit forcément parler de l'hypothèse où une personne a une OQTF définitive, soit que cette OQTF n'ait jamais été contestée devant les tribunaux, ou qu'elle a été contestée mais que les différents recours aient été rejetés. Puisque si on en revient au chiffre que je citais en introduction sur 5 OQTF, On peut considérer qu'environ une sera annulée devant le juge, qu'une sera exécutée, moins d'une en fait sera exécutée, mais ce qui nous laisse quand même avec trois OQTF qui sont définitives mais qui n'ont pas été exécutées. Qu'est-ce qu'il se passe pour ces personnes-là ? Quelles conséquences en cas d'OQTF définitives, et surtout depuis la loi Darmanin dont tu nous parlais en introduction ?

  • Speaker #1

    Oui, effectivement, les conséquences sont très lourdes. J'ajouterais au cas que tu as cité la personne qui n'a jamais eu connaissance de l'obligation de quitter le territoire, parce que ça devient un problème de plus en plus important. Décision mal notifiée, c'est-à-dire que l'administration n'a pas adressé à la bonne adresse, n'a pas tenu compte d'un changement d'adresse, c'est très fréquent. Ou alors que les services postaux n'ont pas distribué le pli, et c'est comme ça que certaines personnes découvrent cette mesure et qu'elles ne peuvent parfois plus rien faire. Si c'est mal notifié, elles peuvent, mais si c'est correctement notifié, ça va rendre la décision définitive. Concrètement, l'obligation de quitter le territoire, ça a énormément de conséquences. D'abord, on le disait tout à l'heure, c'est exécutoire pendant trois ans. Donc, en cas de contrôle, placement en rétention, assignation, je ne reviens pas sur ce qui a été dit. Mais du coup, ça peut aussi, pendant ce délai de trois ans, priver la personne de pouvoir faire des démarches de pouvoir déposer une nouvelle demande de titre de séjour, d'abord ça la met en danger de se représenter dans l'administration, et ensuite l'administration peut tout simplement refuser de prendre en charge un dossier et classer ensuite sa demande en disant « vous avez cette mesure, donc revenez dans trois ans » . Sauf éléments nouveaux, mais les éléments nouveaux, c'est difficile, et notamment on peut débattre, de mon point de vue. Si on n'a pas un élément nouveau, au sens où on est éligible de plein droit à une carte de séjour par la suite, c'est très délicat de redéposer un dossier. Mais il n'y a pas que ça comme conséquence. L'administration peut même prendre en charge le dossier et refuser de délivrer une carte de séjour parce que par le passé vous avez fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire. Ce qui donne un peu le vertige quand on voit avec quelle facilité on fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire. De même, la personne qui aurait finalement fait son recours devant le tribunal et puis aurait perdu, par exemple, et puis dirait, bon, finalement, je vais retourner dans mon pays parce que je veux revenir avec un visa. Elle pourrait se voir refuser son visa d'entrée parce qu'elle n'a pas exécuté le délai qui lui avait été octroyé. Donc, très concrètement, il y a énormément de situations. Et alors, ce qu'il faut avoir en tête, même si c'est... parfois incroyable à faire comprendre aux gens, c'est que la nouvelle loi, elle est de janvier 2024, mais tout ce dont on parle, ça peut concerner des obligations de quitter le territoire qui ont été prises bien avant la loi. quand même sur une situation qui est quand même assez incroyable, où des gens vont se voir opposer, par exemple, un refus de visa parce qu'ils n'ont pas exécuté une OQTF dans le délai d'un mois, alors qu'à l'époque où cette OQTF avait été prise, cette disposition n'existait pas. Donc voilà, on pourrait multiplier encore les exemples, mais concrètement, une obligation de quitter le territoire, ça coûte très cher dans un dossier, ça a d'énormes conséquences, et du coup, il faut... toujours mesurer les motifs pour lesquels on va aller faire une demande de titre de séjour et ne pas se lancer dans ce type de procédure à la légère.

  • Speaker #0

    D'autant plus, effectivement, depuis la loi d'Armanin et les OQTF qui sont passées à 3 ans, c'est vrai qu'on est de plus en plus prudents aussi en tant qu'avocat, avant de déposer une demande de titre de séjour, on n'a pas trop le choix. Et justement, quels conseils tu donnerais aux personnes qui viennent te voir avec une OQTF définitive ? Qu'est-ce qu'elles peuvent faire dans l'attente pour ne pas désespérer ? Puisqu'on parle encore une fois de personnes qui ont des motifs sérieux de rester en France, qui ont parfois de la famille, souvent même, qui travaillent depuis des années, mais sans droit au travail, mais de manière déclarée. Donc, c'est des personnes qui n'ont pas vocation à quitter le territoire. Qu'est-ce qu'elles peuvent faire avant de pouvoir déposer ? Une demande de titre de séjour de nouveau.

  • Speaker #1

    C'est un peu délicat, effectivement, parce qu'on se retrouve à la fois à dire aux personnes « là, vous allez être dans une période dangereuse en cas de contrôle, etc. » et en même temps, si on veut espérer à un moment pouvoir les régulariser, il faut qu'elles aient une vie la plus normale possible pour pouvoir avoir un dossier le plus étoffé. Donc, comme tu dis, qu'elles continuent à travailler. que les enfants continuent à être solarisés et qu'elles continuent à avoir des liens avec des personnes. La vie la plus normale pour pouvoir justifier de cette intégration et de leur présence, qui vont être des documents demandés. Et en même temps, on est obligé d'expliquer aux personnes attention au contrôle. Donc, en cas de contrôle dans le métro, dans les gares. Méfiez-vous. Si vous avez cette mesure, vous pouvez être placé en rétention. Après, c'est difficile de donner comme ça tous les conseils, mais autant que possible, garder les traces de tout ce qu'on fait en France. Ça, c'est très, très important que ces documents soient à l'abri. On est avec des personnes qui, parfois, ont des problèmes. de précarité de logement, donc ça rend la conservation des documents difficile. Donc, essayez autant que possible que les documents que vous collectez soient transmis, déposés chez une tierce personne de confiance parce que ça peut faire la différence après dans un dossier. Donc, voilà, en tout cas, être très prudent, mais essayez au maximum de vivre le plus normalement possible pour pouvoir à un moment pouvoir revenir sur le plan faire valoir tous ces éléments dans le cadre d'une régularisation. Je me permets une toute petite incise aussi sur les cas d'obligation de quitter le territoire parce que c'est en lien avec un problème auquel tu le sais bien on est confronté, c'est que parmi les gens qui ont une obligation de quitter le territoire on a aussi des personnes qui sont contrôlées et on leur reproche de ne pas avoir fait de démarche alors qu'elles n'arrivent pas à avoir de rendez-vous avec la préfecture. Il faut faire le lien entre les difficultés d'accès à la préfecture et les personnes que l'on voit sous mesure d'éloignement aujourd'hui, ça concerne pas mal de gens. Donc j'avais ça en tête parce que typiquement, on va dire aux personnes, vous ne faites pas de démarche pour vous régulariser alors qu'elles n'y arrivent pas en fait, qu'elles ont essayé, mais qu'elles n'arrivent pas à accéder effectivement aux préfectures. Donc dans les cas un peu incroyables d'obligation de quitter le territoire, on a aussi celle-ci.

  • Speaker #0

    Oui, je pense effectivement à un dossier... qui est vraiment révélateur de ce mode de fonctionnement où un parent d'enfant français a déposé une demande de titre de séjour sur l'ANEF depuis plus d'un an. Il vient me voir pour que je fasse bouger cette demande-là. Donc on va au tribunal pour contester le reçu implicite qui a été pris à sa demande de titre de séjour. Et on apprend qu'il avait reçu une OQTF par une autre préfecture qui n'était, elle, pas informée de cette demande-là lors d'un contrôle d'identité. Donc, on a appris tout ça dans le cadre de ce recours. Cette OQTF, comme tu l'avais aussi mentionné, n'avait pas pu être contestée devant le tribunal puisque la personne ne s'était pas vue notifier cette OQTF. Donc, effectivement, les difficultés d'accès en préfecture, les difficultés liées à la dématérialisation, rendent certaines OQTF encore plus absurde, puisque la personne a tenté d'effectuer des démarches en préfecture et n'a pas pu le faire. Sur les conseils qu'on peut donner, je tenais à insister aussi sur le fait que c'est quand même important aujourd'hui, de plus en plus pour les préfectures, que la personne parle bien français.

  • Speaker #1

    Absolument.

  • Speaker #0

    Et donc, ce que tu disais, c'est exactement ça. En fait, on explique à des personnes qu'il faut qu'elles apprennent le français, donc pour cela qu'elles se lient, qu'elles lient des liens, qu'elles fassent des cours de français, donc qu'elles s'exposent d'une certaine manière aussi à avoir des contrôles. Ça devient très compliqué, mais c'est vrai que l'apprentissage de la langue française fait partie maintenant intégrante des critères d'intégration pour une demande d'admission exceptionnelle au séjour, mais de manière générale pour des renouvellements, des cartes de résidents, etc. On va de plus en plus contrôler... ce niveau de langue et le niveau attendu est de plus en plus élevé. Sur les choses aussi qui sont possibles, moi, je ne le fais pas encore de manière systématique, mais je sais qu'on peut demander l'abrogation d'une OQTF. Donc, en fait, quand on n'a pas pu ou que ça n'a pas marché au tribunal, on n'a pas pu aller au tribunal ou que les recours n'ont pas marché, donc que les délais sont passés, on pourrait quand même demander l'abrogation d'une OQTF, mais il me semble que c'est en lien avec ce que tu as dit sur les éléments nouveaux. En fait, c'est quand une personne a des éléments, donc la naissance d'un enfant français par exemple, elle peut non seulement tenter de redéposer une demande, mais en parallèle demander l'abrogation de cette OQTF pour ne plus qu'elle apparaisse à son dossier. Est-ce que tu as des retours sur l'efficacité de cette procédure ?

  • Speaker #1

    Moi, je trouve ça effectivement assez difficile, en tout cas pour les préfectures de région parisienne. Je l'avais testé une fois efficacement avec la préfecture du Rhône, Non. C'était il y a quelques années, une personne qui avait eu une OQTF dans le Rhône et qui était installée en région parisienne. L'élément nouveau, c'était un paxe avec un ressortissant de nationalité française. Le Rhône avait abrogé. Mais mon expérience, je pense que je ne connais pas toutes les situations néanmoins, c'est que quand l'élément nouveau est véritablement un élément nouveau comme tu disais, d'une personne éligible à un titre de séjour de plein droit, ça peut fonctionner, mais il y a quand même une sévérité sur cette question d'éléments nouveaux, et notamment le temps qui passe n'est pas un élément nouveau. C'est-à-dire que, je m'explique, si tu as commencé une relation, par exemple, avant l'obligation de quitter le territoire, même quelques mois avant que tu n'avais pas évoqué cette... cette relation avec une personne en situation régulière ou de nationalité française, et que tu évoques ce point-là dans le cadre de ta demande d'abrogation, ça ne va pas forcément aboutir. En tout cas, moi, j'ai eu récemment une décision où le tribunal disait « Oui, mais finalement, cette relation, elle existait, elle était préexistante à la mesure prise. » Donc, c'est difficile, cette question des éléments nouveaux. et moi ma tendance c'est vraiment d'être assez... pessimiste, sauf quand on est sur des sujets de plein droit. Mais à manier avec prudence. En tout cas, du côté des préfectures, ça fonctionne difficilement, je trouve, en région parisienne. Et la difficulté, c'est qu'on est, quand on va devant le tribunal, on a des délais qui sont extrêmement longs pour ces procédures. Donc, l'effet concret, il est parfois un peu relatif.

  • Speaker #0

    Oui, j'en profite pour rappeler que les délais ne seront pas les mêmes devant les tribunaux administratifs. Donc on conteste une OQTF qui est quand même censée être une mesure, enfin en tout cas la procédure est assez urgente, et un refus de demande d'abrogation, c'est ça ?

  • Speaker #1

    Exactement.

  • Speaker #0

    Et concernant les OQTF, justement, est-ce qu'en Ile-de-France, tu connais des délais moyens ? hors urgence liée à une privation de liberté, donc hors personne placée en centre de rétention ou assignée à résidence, une OQTF d'un mois, elle sera audiencée ?

  • Speaker #1

    Il y a des tribunaux où ça fonctionne. Les délais sont assez courts, effectivement. À Paris, on est sur un délai entre 3 et 6 mois. Les délais sont assez tenus. Mais en revanche, sur des tribunaux comme par exemple le Melun, et Moi, j'ai eu récemment une OQTF qui a été jugée en plus d'un an et demi. Voilà, donc ça fait long. On a le problème également à Montreuil, au sein de Saint-Denis, où le tribunal... Alors après, ça va dépendre. En fait, la difficulté, pour faire une généralité, c'est qu'en fonction de la chambre où le dossier va être enregistré, et ça, c'est le hasard, le délai pour... Ça va être plus ou moins long en fonction de l'encombrement de la Chambre. Mais les délais sont loin d'être tenus. Paris étant quand même pour le moment le tribunal qui, je trouve, tient le mieux ses délais. Mais en ce qui concerne les tribunaux de région parisienne, c'est plus compliqué.

  • Speaker #0

    Et pour finir sur une note un peu plus générale, ça fait dix ans que tu es présidente, coprésidente du GISTI. Bientôt, c'est ça ?

  • Speaker #1

    Oui, en fait, actuellement, je suis coprésidente et c'est jusqu'en 2026, a priori. En 2026, ça fera 10 ans.

  • Speaker #0

    Donc après tes années d'expérience en tant qu'avocate, tes années d'expérience en tant que présidente du GISTI, qu'est-ce que tu peux nous dire sur l'état du droit des étrangers aujourd'hui ?

  • Speaker #1

    Ah là là ! Et bon... C'est une matière qui n'a jamais été une matière simple, il ne faut pas se mentir. Moi, j'ai commencé à exercer, c'était les lois Pasqua, et on était dans le dur, vraiment dans le dur. En fait, j'ai découvert la matière en travaillant. Je n'avais pas du tout de formation en droit des étrangers, et j'ai découvert avec effroi cette matière. J'imaginais pas qu'on soit placé en rétention parce qu'on n'avait pas de papier. J'imaginais pas que l'administration puisse être hors la loi de manière aussi récurrente. Je dois dire qu'un monde s'est ouvert et ce qui est la raison pour laquelle j'ai cherché à militer très très vite et à rencontrer des associations parce que j'avais besoin d'avoir une culture un peu politique sur ce sujet. Eh bien, Je dois dire que les choses ne se sont pas améliorées, les choses se sont durcies au gré d'une réglementation qui change à chaque changement politique. Donc il y a une très forte instabilité dans la matière. Ces dernières années quand même, on est sur du très très dur avec des pratiques préfectorales problématiques. On parlait de la dématérialisation, de l'impossible accès au titre de séjour. Je parlais de l'ANEF, mais par exemple, les demandes d'admission exceptionnelles au séjour, aujourd'hui, on est sur des délais pour avoir un rendez-vous dans certaines préfectures de 18 mois à 2 ans, avec des délais d'instruction qui peuvent également être de 18 mois à 2 ans. C'est complètement fou. Donc, pratiques préfectorales problématiques, législation de plus en plus difficile, et puis tout ça dans une ambiance qui est quand même très très compliquée. Des discours de plus en plus décomplexés sur la matière, des propos sur les personnes étrangères incroyables et un bal des clichés permanents. Moi, la réalité dans nos cabinets, dans nos permanences associatives, n'a rien à voir avec ce que l'on entend, ce que l'on nous rabâche en permanence dont malheureusement des médias... dans les médias qui ont le plus d'audience. Donc c'est une matière difficile, mais c'est une matière dans laquelle on a une chance, c'est que par le biais de l'associatif, que ce soit les associations, mais aussi les liens entre confrères, on travaille collectivement, beaucoup, et ça aide énormément dans la manière dont on va construire les dossiers, parce qu'il ne faut pas rêver, et on... On ne gagne pas les dossiers tout seul en droit des étrangers. Le collectif nous porte. Mais ça aide aussi pour continuer à avoir envie et à se mobiliser sur cette matière. Donc voilà, je pense que le collectif est une force et qu'il faut vraiment ne pas hésiter à taper les portes de nos associations et en tout cas... à soutenir ces associations qui font un travail formidable dans la matière et indispensable, de plus en plus indispensable.

  • Speaker #0

    Merci Vanina, merci pour tes réponses et pour cette note d'espoir. C'est vrai que le collectif aide beaucoup dans cette matière qui peut sinon être compliquée à gérer. Merci à vous d'avoir écouté Étrange Droit. Avant de se quitter, je vous rappelle que chaque situation est unique et que les informations qu'on partage ici ne remplacent pas les conseils personnalisés d'associations et d'avocats, le collectif, toujours. Et je vous renvoie vers le site du GISTI pour trouver une assistance faite chez vous. Et je vous dis à dans deux semaines pour un nouvel épisode où nous continuerons à explorer ensemble cet étrange droit qu'est le droit des étrangers.

  • Speaker #1

    Merci.

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