- Speaker #0
Bonjour et bienvenue dans Étranges Droits, le podcast consacré aux droits des étrangers, par et pour celles et ceux qui le font vivre. Pendant la prochaine demi-heure, je vous emmène au cœur de ce droit et de sa pratique. Je suis Salomé Bensadi, je suis avocate au barreau de la Seine-Saint-Denis et j'enregistre cet épisode dans les locaux de mon cabinet à Pantin. Et sachez que le son du podcast est composé et réalisé par des musiciens exilés qui ont repris le chemin de la musique grâce à l'association Pax Musica. Aujourd'hui, on parle droit d'asile. Et on se place dans la situation d'un étranger qui souhaite déposer une demande d'asile en France. Avec notre invitée, Caroline Maillary, juriste en droit d'asile au GISTI, une association qui œuvre depuis des décennies pour la défense des droits des personnes étrangères. Bonjour Caroline, merci d'être avec nous.
- Speaker #1
Bonjour, merci.
- Speaker #0
Alors, un petit rappel qui ne fait pas de mal, le droit d'asile c'est un droit fondamental, donc en principe la France doit permettre à toute personne présente sur son territoire de déposer une demande d'asile, ça c'est le principe. En pratique, pour y accéder à cette demande d'asile, on va voir que c'est quand même un parcours d'obstacles, on peut le dire. En tout cas, qu'il y a plusieurs difficultés qui vont se présenter à la personne souhaitant déposer l'asile en France. Et justement, pendant cet épisode, on va tâcher de clarifier les étapes d'introduction d'une demande d'asile. Caroline, est-ce que tu peux commencer par te présenter et nous expliquer ton rôle et tes activités au sein du VGISTI ?
- Speaker #1
Alors moi, c'est donc Caroline Maieri. Je suis salariée au Gisti, je suis juriste de formation. Je suis en charge des questions d'asile, entre autres au Gisti, notamment suivre tout ce qui est évolution législative, formation juridique, l'écriture des publications. On fait aussi des permanences juridiques, notamment une permanence qu'on a créée en 2015 dans le quartier de La Chapelle, dans le nord de Paris. où il y avait à l'époque des campements assez gros d'exilés, et qui existent encore aujourd'hui. Il y a encore des campements qui sont évacués régulièrement sous les métros La Chapelle et Jaurès-Stalingrad. Donc on fait aussi des permanences où les personnes peuvent venir nous consulter sur tout un tas d'obstacles qui sont de plus en plus nombreux à chaque nouvelle loi.
- Speaker #0
Est-ce que tu peux revenir, pour commencer, sur les toutes premières étapes à suivre quand une personne arrive en France et veut demander l'asile, par où elle va commencer cette personne ? Et je crois qu'il y a une différence selon qu'elle réside en Ile-de-France ou en région.
- Speaker #1
Alors, quand une personne arrive en France, quand elle arrive, après tout son périple, qui n'est pas non plus très simple, il faut qu'elle s'enregistre vers ce qu'on appelle une SPADA. une structure de premier accueil pour demandeurs d'asile, qui est gérée par des associations qui travaillent pour le compte de l'État. Donc, c'est des marchés publics. Et les SPADA font à ce moment-là un travail assez administratif. C'est-à-dire, on enregistre la demande d'asile, on prend les éléments essentiels d'État civil, d'itinéraire. Mais la personne qui veut demander l'asile doit se rendre en SPADA et déclarer qu'elle souhaite demander l'asile. Et c'est ça qui est important, c'est qu'une demande d'asile, elle est déclaratoire. C'est-à-dire qu'on déclare son état civil, donc on peut arriver en SPADA avec rien, c'est-à-dire ni avec pièce d'identité, passeport, etc. Il suffit de déclarer qu'on veut demander l'asile et on déclare son nom, sa date de naissance, etc. Ça, c'est la première façon, effectivement, de demander l'asile, c'est se rendre en SPADA.
- Speaker #0
Justement, avant que tu passes à la deuxième façon... Comment on arrive à la SPADA déjà ?
- Speaker #1
Alors, il y a deux façons d'y accéder. Dans la plupart des régions, il faut se rendre physiquement en SPADA. Donc il y a la liste des SPADA sur le site de l'OFI, parce que c'est une délégation de l'OFI, normalement c'est l'OFI, l'Office français de l'immigration et de l'intégration, qui est en charge de l'accueil des réfugiés, qui l'a déléguée par le biais de marchés publics à des associations. Et donc, il faut se rendre physiquement en SPADA. Alors, dans certaines SPADA, on note beaucoup de retard au niveau de l'enregistrement des demandes d'asile des personnes, ce qui pose tout un tas de problèmes. On le verra après, mais plus on attend, plus on... On risque par exemple d'être arrêté par la police et d'avoir une obligation de quitter le territoire à ce moment-là. Donc il y a beaucoup de spadas qui ont du retard d'enregistrement. Donc en Ile-de-France, pour cacher ce retard, pour invisibiliser les files d'attente qui pouvaient y avoir devant les spadas, ils ont créé une dématérialisation. Ils ont créé un numéro de téléphone qu'il faut forcément, obligatoirement appeler avant de se rendre physiquement en spada. Et ce numéro de téléphone en Ile-de-France, il est géré par l'OFI toujours. Ce numéro a posé énormément de problèmes au moment de sa mise en place, il en pose encore aujourd'hui. Évidemment, le premier souci veut dire qu'il faut déjà avoir un téléphone, qu'il faut déjà avoir aussi du forfait sur ce téléphone. Donc il faut acheter une puce, du crédit, etc. qu'on n'a pas forcément quand on vient d'arriver en France. parce que c'est un numéro payant.
- Speaker #0
Donc là, on en était à la première voie d'accès à la préfecture finalement, donc en passant par le SPADA d'abord, enfin la SPADA, la structure. Quelle est la deuxième voie d'accès ?
- Speaker #1
Alors donc cette première étape, donc la SPADA, pour vous expliquer, c'est on commence par enregistrer sa demande d'asile. J'arrive en France, je vais en SPADA, j'enregistre ma demande d'asile. Ensuite, je vais aller, on va le voir après, en préfecture au Gouda et notamment à Lofi, qui va peut-être, si j'ai de la chance, m'héberger. L'autre voie d'accès, elle est un peu à l'inverse de ça. C'est-à-dire que je suis à la rue, dans un campement, et il y a une évacuation. Alors, ce genre d'évacuation, elle a beaucoup lieu évidemment en région parisienne, mais elle peut aussi avoir lieu dans le nord, autour de Calais. Grande-Synthe, Dunkerque, etc. Mais aussi dans des grandes villes où il y a des campements d'exilés. Parce que, évidemment, comme la France n'héberge pas bien les demandeurs d'asile et les exilés, il y a beaucoup de campements. Donc je suis évacuée, je monte dans un bus, et à ce moment-là, on va me proposer une place, maintenant, actuellement, plutôt en sas, en sas d'accueil. Donc, un sas d'accueil, c'est un endroit où on va vous emmener pour quelques semaines et les personnes vont être triées. Il n'y a pas d'autre mot, c'est du tri de personnes en fonction du statut administratif. Donc là, les agents sur place vont décider si toi, par exemple, tu viens d'arriver, tu es dans un campement, tu es demandeur d'asile, ok, on va te faire rentrer dans la... Dans la procédure d'asile, par ce biais-là du SAS, on va t'emmener dans une préfecture, tu vas déposer ta demande d'asile, mais en attendant, tu vas être mis à l'abri. Donc c'est pour ça que je dis que c'est un peu à l'envers. On commence par te mettre à l'abri et ensuite tu enregistres ta demande d'asile.
- Speaker #0
Est-ce que tu peux nous parler des CAES ?
- Speaker #1
Les centres administratifs d'examen et des situations peuvent être aussi utilisés comme les SAS, c'est-à-dire pour des évacuations. Mais maintenant, aujourd'hui... Je pense qu'ils sont plus utilisés dans le cadre de l'orientation régionale par l'OFI. Je pense qu'en premier lieu, aujourd'hui, ils utilisent les SAS pour mettre les personnes des campements. Mais les CES, ils sont encore utilisés dans ce sens-là, mais j'ai l'impression de moins en moins. C'est plutôt maintenant ce gros projet d'orientation régionale de l'OFI qui vise à répartir l'ensemble des demandeurs d'asile sur le territoire.
- Speaker #0
D'accord. Et donc on va revenir très rapidement à la SPADA, quand une personne doit bien passer par la structure pour ensuite avoir accès à la préfecture. Justement, quelle est la fonction de la SPADA dans ces cas-là ? Qu'est-ce qu'on va obtenir de la SPADA ?
- Speaker #1
Alors la SPADA, son rôle premier, c'est d'enregistrer les informations qui concernent la personne qui veut demander l'asile. Donc l'état civil, l'itinéraire et une photo, etc. Elle enregistre ces données-là et ensuite elle les envoie par voie dématérialisée à la préfecture, qui en retour va remettre à la personne une convocation pour se rendre au guichet unique, le GUDA, qui regroupe la préfecture et l'OFI. Et c'est le premier document qui prouve que la personne veut faire une demande d'asile en France. C'est pour ça que c'est assez important d'aller vite à l'ASPADA, pour deux raisons notamment. Pour celle-ci déjà, c'est-à-dire d'avoir un document en cas de contrôle de police qui prouve qu'on est en demande d'asile ou qu'on a l'intention de demander l'asile. Et puis aussi parce que plus on attend et plus les 90 jours vont passer très vite. 90 jours, c'est le temps maximum. que l'administration donne pour pouvoir derrière toucher les conditions matérielles d'accueil, c'est-à-dire la location et l'hébergement. Par contre, je le différencie tout de suite parce que parfois il y a confusion, il n'y a pas de délai pour demander l'asile. Je suis là depuis un jour, je suis là depuis dix ans, je peux demander l'asile. La SPADA, elle se doit d'enregistrer de ma demande d'asile, ma situation personnelle a pu changer, la situation de mon pays a pu changer, donc il n'y a pas de délai pour demander l'asile. Le délai de 90 jours, c'est uniquement concernant la location et l'hébergement.
- Speaker #0
Et donc, tu nous as parlé de la première mission, la mission principale de la SPADA, qui est de permettre aux demandeurs d'asile d'accéder au GUDA. Il y a une deuxième étape, une deuxième mission des SPADA. Est-ce que tu peux nous en parler ?
- Speaker #1
Alors, les SPADA, elles ont aussi un deuxième rôle concernant les personnes qui n'ont pas été hébergées au moment de leur passage à Lofi. Donc on va les laisser rester dans la région, mais à la rue. Pour être hébergé, il faudra appeler le 115. Par contre, la SPADA, elle a un cahier des charges pour assister, au niveau administratif et juridique notamment, les personnes qui ne sont pas hébergées. Et en réalité, cette aide-là, elle est essentielle. C'est-à-dire qu'une personne qui ne va pas être aidée, elle a peu de chances d'obtenir l'asile. Notamment parce que la SPADA, elle a en charge... pas mal de choses, notamment remplir le formulaire OFPRA, écrire le récit d'asile avec la personne ou l'aider à le traduire s'il a déjà été écrit. Et ça, on sait aujourd'hui que c'est essentiel. La SPADA, elle doit aussi domicilier les personnes, parce qu'on continue à recevoir des courriers quand on est demandeur d'asile, notamment des rendez-vous à la préfecture, beaucoup de rendez-vous à la préfecture, notamment si on est en Dublin. et ça c'est Elles le font, les spadas, mais certaines sont extrêmement compliquées, elles sont débordées. Donc il y a des problèmes de distribution de courrier et derrière, des conséquences qui peuvent être graves pour les personnes.
- Speaker #0
Donc on a cette convocation au Guda. Est-ce que maintenant tu peux nous parler de ce passage au Guda qui est très important, déterminant ? Pour un peu organiser les choses, on peut distinguer l'aspect préfecture. Ça se passe dans une préfecture, le GUDAM, et on va être reçu par des agents de la préfecture et par des agents de l'OFI. Est-ce que tu peux commencer par nous parler de l'aspect préfecture, où la personne, on va lui prendre ses empreintes, lui donner certaines brochures. On va aussi parler de son droit au séjour en France. Qu'est-ce qui va se passer dans le cadre de ce premier entretien avec la préfecture ?
- Speaker #1
Alors donc la personne, elle est passée en SPADA, elle a eu sa convocation et donc elle va au GUDA, donc le guichet unique qui regroupe aujourd'hui l'OFI et la PREF. Et la préfecture, elle, va s'occuper du droit au séjour et l'OFI des conditions matérielles d'accueil. Donc les premières, effectivement le premier rendez-vous à la préfecture, la première chose que la préfecture va faire, c'est la prise d'empreinte. C'est vraiment de là que tout va partir. Elle prend les empreintes pour regarder, de un, si vous êtes passé par un autre pays de l'Union européenne, pour voir si vous allez être dubliné, soumis au règlement Dublin, et aussi si jamais vous n'avez pas déjà déposé une demande d'asile dans une autre préfecture. Donc elle vérifie plusieurs choses. et puis elle vérifie aussi si vous êtes sur des fichiers, etc. Donc cette prise d'empreinte, finalement, elle va faire découler toute la procédure qui va suivre derrière au niveau de la personne. À ce moment-là, l'entretien est plutôt rapide, c'est-à-dire que le premier rendez-vous, c'est essentiellement la prise d'empreinte, et ensuite on va remettre une attestation de demande d'asile à la personne en fonction du résultat de la prise d'empreinte. Si jamais vous êtes passé par un autre pays dans l'Union européenne, on va vous donner une procédure Dublin, une attestation Dublin. Sinon, vous aurez une procédure normale. Et si vous entrez, peut-être on le verra plus tard, dans certaines cases, vous serez en procédure accélérée. Et malheureusement, à procédure accélérée, certaines personnes me disent parfois... Ah ! très bien, ça va aller plus vite. Et moi, je leur dis, bah oui, mais en fait, souvent, ça va plus vite, mais du côté de la sortie. C'est-à-dire que la procédure accélérée, ça vise des personnes que la France n'a pas envie de garder, n'a pas envie de protéger.
- Speaker #0
Donc, est-ce que tu peux nous, justement, c'est l'occasion, est-ce que tu peux nourrir Expliquez quels sont les critères que va évaluer la préfecture pour placer une personne en procédure Dublin ou en procédure accélérée ?
- Speaker #1
Alors en procédure Dublin, la préfecture va regarder essentiellement deux fichiers. Donc le fichier Eurodac qui concentre les empreintes des personnes qui sont soit qui ont déjà demandé l'asile dans un autre pays de l'Union Européenne et quatre pays associés. ou alors des personnes qui ont été contrôlées en situation irrégulière dans ces pays-là avant d'arriver en France. Parce que la procédure Dublin, il faut rappeler que ce n'est pas parce qu'on est déjà passé par d'autres pays avant, ce n'est pas parce qu'on a déjà demandé l'asile dans un autre pays avant la France, qu'on ne peut pas à nouveau faire une demande d'asile en France. Et d'ailleurs, les personnes ont raison de le faire. Tant que c'est encore possible, parce que le nouveau pacte sur l'immigration est là, donc bientôt ça ne sera plus possible, mais tant que c'est possible, ils ont bien de raison de le faire, parce qu'ils ont été rejetés. Par exemple, les Afghans sont pas mal rejetés dans les pays nordiques, en Suède, en Norvège. Par contre, s'ils demandent l'asile en France, ils ont plus de chances d'obtenir l'asile. L'autre côté, c'est qu'en Suède, par exemple, ou en Norvège, ils sont hébergés, ils sont accueillis, alors qu'en France... ils vont être accueillis dans la rue. Donc il y a le premier fichier qui est Eurodac. Donc la préfecture va regarder si les empreintes de la personne qui demande l'asile sont dedans. Et il y a aussi le fichier des visas. Donc la préfecture va regarder également ce fichier-là, voir si la personne n'aurait pas fait une demande de visa pour un autre pays de l'Union européenne que la France. Et ensuite, la préfecture met en place... tous ces critères très compliqués du règlement Dublin pour déterminer l'état responsable de la demande d'asile de la personne. Et l'idée de la procédure Dublin, que nous on critique énormément, parce qu'il serait quand même plus simple de laisser les personnes demander l'asile là où elles veulent le demander, mais non. L'Union européenne veut imposer des pays aux personnes, et donc l'idée du règlement Dublin c'est de dire en fonction des critères du règlement Dublin, Par exemple, l'Allemagne est responsable de ta demande d'asile, donc j'enregistre ta demande d'asile en France, je te donne une attestation de demande d'asile, mais le temps que tu sois transféré vers l'Allemagne. En réalité, ça c'est le principe, c'est transférer la personne vers l'État responsable de sa demande d'asile. En pratique, en réalité, il y a énormément de gens qui ne seront jamais transférés et qui vont finir par déposer leur demande d'asile en France et qui vont finir par être... protégé en France et donc avoir le statut de réfugié. Voilà. Donc la procédure Dublin, elle n'empêche rien. Elle met juste les gens dans une situation extrêmement précaire, extrêmement compliquée. Les délais s'allongent. Les délais, c'est un peu compliqué, mais si on peut résumer, c'est six mois à partir de l'acceptation de l'Italie. Donc voilà, grosso modo, on va dire, c'est neuf mois d'attente avant de pouvoir enregistrer sa demande d'asile. Et neuf mois d'attente, c'est si tout va bien. Placer une personne en procédure Dublin, ce n'est pas seulement pour l'administration le transférer vers l'état responsable, c'est aussi utiliser toutes les techniques les plus basses, on va dire, pour pousser les personnes à la faute et pour leur faire peur, pour qu'elles n'aillent pas à des rendez-vous, et en cas de manquement de la personne, la déclarer en fuite. Et à ce moment-là, le délai de 9 mois, il se transforme en 18 mois. Les personnes sont toujours en Dublin, mais en fuite. Donc elles doivent vivre cachées, de l'administration en tout cas, ne pas se faire arrêter, etc. Et au bout de ce délai-là, elles ont le droit de demander l'asile en France. Donc ça n'a aucun sens, à part effectivement les pousser à aller ailleurs. Nous, c'est essentiellement ce qu'on pense. C'est que ces maîtres les gens dans la précarité, en se disant, ils vont aller plus loin.
- Speaker #0
Et pour la procédure accélérée, est-ce que tu peux nous donner quelques critères qui vont permettre de placer une personne dans cette procédure qui, tu le disais, offre beaucoup moins de garanties pour le demandeur d'asile ?
- Speaker #1
Alors, les cas les plus utilisés par l'administration, me semble-t-il, sont les personnes qui sont le plus visées. C'est les personnes qui viennent d'un pays d'origine sûre. Là, c'est un cas automatique de placement en procédure accélérée. Donc, pays d'origine sûre, c'est les pays dont la France ne veut pas protéger les ressortissants. Par exemple, la Géorgie, l'Albanie, notamment, pour donner que ces deux exemples-là. Mais la France a une liste qui est de plus en plus... On pose à chaque fois, alors, elle doit enlever des pays sur cette liste parce que les associations font des contentieux et réussissent à faire enlever des pays qui ne sont pas sûrs. D'ailleurs, aucun pays, en fait, sur cette liste-là n'est sûr. C'est les critères utilisés par l'administration. Mais on arrive à faire enlever quelques pays, à forcer finalement le conseil d'administration de l'OFPRA de retirer des pays de cette liste-là. Mais les pays d'origine sûre sont des cibles de l'administration. Et toutes les personnes qui viennent en provenance de ces pays-là sont placées en procédure accélérée. Il y a une autre catégorie aussi qui est assez malmenée, c'est les demandes de réexamen. C'est-à-dire, si je fais une deuxième demande d'asile, à ce moment-là, je serai automatiquement aussi placée en procédure accélérée, alors que ça n'a pas de sens. On sait que la demande d'asile, c'est assez facile d'être maltraitée au niveau de sa demande d'asile en France. c'est à dire un peu qu'on a pu avoir un entretien à l'OFPRA compliqué, avec des problèmes d'interprétariat, on n'était pas préparé, ou des personnes qui ont des traumatismes aussi, qui n'arrivent pas à s'exprimer à ce moment-là, etc. Certains ont loupé, par exemple, le délai pour faire un recours à la CNDA, et donc c'est la fin de la première demande d'asile, alors que la personne a une histoire à raconter et doit être protégée. Donc elle fait une deuxième demande d'asile. Elle peut même en faire une troisième, une quatrième. Et j'ai déjà vu des gens obtenir l'asile au bout de la troisième demande d'asile. Voilà, donc ça c'est tout un tas de situations qui peuvent arriver et mettre les personnes dans une situation compliquée derrière.
- Speaker #0
On en est encore à l'étape préfecture au sein du GUDA. Qu'est-ce qu'il faut conseiller à un demandeur d'asile qui veut non seulement demander l'asile, mais a peut-être d'autres motifs de régularisation parce qu'il a un état de santé qui permettrait d'obtenir un titre de séjour pour soins, parce qu'il a de la famille en France ? Est-ce que tu peux nous parler rapidement des demandes concomitantes ?
- Speaker #1
La demande concomitante, c'est quelque chose d'assez compliqué. Parce que depuis la réforme de 2018, la préfecture doit informer la personne qu'en plus de sa demande d'asile, elle peut faire une demande de titre de séjour. Pas sur tous les motifs qu'on peut connaître, mais la personne a deux mois ou trois mois si c'est pour soins. comme délai pour faire une demande de titre de séjour en même temps que sa demande d'asile. Là, il faut faire attention parce que ça peut être qui tout double. Il ne faut pas demander un titre de séjour si on n'entre dans aucune des catégories. Sauf que l'enregistrement de la demande d'asile, ensuite, tout ça va très vite. C'est des questions de jour. Donc, comment prendre le temps d'aller voir une association et de dire, voilà, moi, ma situation, je suis malade. ma maladie ne peut pas être soignée dans mon pays, etc. De voir si on a une chance d'obtenir un titre de séjour pour soins, par exemple. La déposer, mais il faut réussir à se faire accompagner par une association, par quelqu'un qui est un peu spécialisé dans le sujet pour ne pas faire une demande qui va être vouée à l'échec dès le départ. Surtout que cette demande concomitante, c'est compliqué parce que c'est à ce moment-là, maintenant, qu'on peut faire une demande de titre de séjour. Elle a été créée pour ça. Parce que l'administration, en tout cas le législateur disait oui, mais après les demandes d'asile, les personnes introduisent des demandes de titres de séjour pour gagner du temps, etc. Donc ils ont introduit ça dans la précédente réforme pour dire maintenant c'est au début de la demande d'asile qu'il faut dire si vous avez une possibilité de demander un titre de séjour. Ce qui du coup casse derrière la possibilité de faire une demande de titres de séjour. C'est possible de le faire, mais il faut avoir des circonstances exceptionnelles. Après, circonstances exceptionnelles, ça peut se trouver, mais il faut réagir vite parce qu'après la demande d'asile, il y a quand même une OQTF. Donc voilà, c'est un peu à juger avec la personne au départ, c'est-à-dire, ok, vous avez une vie familiale en France, on peut peut-être essayer de regarder si on va déposer un dossier de titre de séjour en même temps que la demande d'asile. Si on ne l'a pas fait, il faut vite le faire. Voilà, si la CNDA, par exemple, ne s'est pas très bien passée, on peut essayer de le faire à ce moment-là. Mais ce qui est compliqué, c'est que quand on dépose deux dossiers, il y a un des deux dossiers qui est gelé. Souvent, j'ai l'impression qu'il commence par la demande d'asile. et ensuite ils vont faire le titre de séjour.
- Speaker #0
Caroline, tu nous as bien expliqué ce qui se passe du côté de la préfecture. Ensuite, la personne, dans le cadre du même passage au Guda, va rencontrer des personnels de l'OFI. Qu'est-ce qui va se passer pendant ce passage devant l'OFI ? Qu'est-ce qui va se décider ?
- Speaker #1
Au niveau du Guda, la personne est passée en Prèf, ensuite elle va voir l'OFI, et là l'OFI va lui faire une proposition. C'est-à-dire, dans la plupart des cas aujourd'hui, elle va l'orienter en région. C'est-à-dire qu'elle va lui dire, vous êtes en Ile-de-France aujourd'hui, mais je vous envoie à Metz. Dans un CAES, on en a déjà parlé tout à l'heure, un centre administratif d'examen des situations. Et ensuite, la personne devra introduire sa demande d'asile là-bas, et sera hébergée là-bas, etc. Elle va lui faire une proposition que la personne doit accepter dans son ensemble. Par exemple, une personne qui dirait « moi je n'ai pas besoin d'hébergement parce que j'ai mon frère en Ile-de-France qui a un appartement qui peut m'héberger, donc je peux rester, je n'ai pas besoin d'hébergement » , mais lui donner la location, ce qui est prévu d'ailleurs dans les directives européennes. Mais la France ne le voit pas comme ça. La plupart du temps, c'est vous accepter tout ou rien.
- Speaker #0
C'est un package.
- Speaker #1
C'est un package, voilà. Alors après, il y a des exceptions qui existent, notamment quand on a de la famille en Ile-de-France ou un mari ou une femme qui travaille en Ile-de-France ou qu'on est enceinte. Il y a quelques exceptions, il y en a trois, il n'y en a pas beaucoup. Et surtout, elles sont très peu appliquées par Lofi. C'est ça, il n'y en a déjà pas beaucoup. Et Lofi, en fait... trient les situations de manière extrêmement aléatoire. C'est-à-dire qu'en permanence, j'ai déjà vu plusieurs fois, notamment la dernière, une femme soudanaise, son mari habite à Créteil, et elle a été envoyée, je ne sais plus, il me semble à Reims, ou je ne sais plus, alors que c'est son mari. Donc Lofi aurait dû utiliser cette exception qui est prévue pour ça. Mais finalement, ils mettent en avant le fait que ce soit un algorithme qui décide, que ce n'est pas l'agent, que c'est comme ça, etc. Tout ça, ça n'a qu'un seul but, c'est de couper les conditions matérielles d'accueil au plus de gens possible pour faire des économies. Le but, il est très clair, il est même affiché par le directeur de l'OFI, Didier Leschi, c'est qu'il faut faire des économies. Et voilà comment ils les font.
- Speaker #0
On aura un épisode entier sur les conditions matérielles d'accueil puisque c'est vraiment devenu. Un très gros contentieux en raison des décisions de refus de cessation de CMA. Mais en tout cas, on sait maintenant que ça se décide, la prise en charge du demandeur d'asile, dès le passage au GUDA. Et après le GUDA, la prochaine étape majeure dans l'introduction de la demande d'asile, ça va se faire auprès de l'OFPRA. Comment se passe cette dernière étape ?
- Speaker #1
Alors cette étape de l'OFPRA, il faut souvent aussi penser qu'elle arrive longtemps après l'introduction de la demande d'asile. Mais à ce moment-là, la personne va devoir envoyer un formulaire. Donc la personne doit remplir son formulaire OFPRA, elle a 21 jours pour le faire en français. Donc non seulement elle doit établir son état civil, mais elle doit aussi raconter son histoire. Et c'est cette étape-là, c'est cette page-là qui est le plus important. Même si ce n'est pas sur l'histoire écrite que l'OFPRA va décider si la personne est réfugiée ou non, ce sera sur la base de l'entretien. Ce récit écrit, il est quand même important pour l'OFPRA parce qu'ils vont partir de ça. Et puis, il est important pour la personne elle-même. Parce qu'écrire son histoire, c'est aussi se préparer à l'entretien, c'est aussi remettre les choses dans un ordre un peu chronologique, c'est aussi poser des mots sur des... des événements dramatiques qui sont passés dans une vie. Et donc, ça permet aussi de se préparer à ça. Et c'est pour ça que ce formulaire, et en tout cas écrire l'histoire d'asile, peut être aussi importante dans ce cadre-là.
- Speaker #0
Et la dématérialisation, ça touche aussi la demande d'asile à ce stade, avec l'espace numérique de l'OFPRA. Est-ce que tu considères que c'est quelque chose de plutôt positif ? Est-ce qu'il y a aussi des nouveaux obstacles ? créée par cette dématérialisation ?
- Speaker #1
Alors, au niveau de l'OFPRA maintenant, il y a un nouveau site sécurisé personnel. C'est-à-dire que les personnes ne reçoivent plus rien par courrier, mais reçoivent tout sur ce site-là. Elles doivent se connecter régulièrement, etc. Alors tout de suite, on voit tous les différents problèmes qui peuvent se poser. Déjà, le premier problème, c'est la création de ce compte-là et l'explication du fonctionnement de ce compte-là, qui est extrêmement mal fait, voire pas du tout. C'est quelque chose qui est prévu dans le cahier des charges d'Espada. et les SPADA doivent normalement expliquer aux personnes comment ça fonctionne et créer avec elles cet espace numérique, etc. Nous, on voit des gens qui arrivent à la permanence et ça fait des mois qu'ils sont là et leur espace n'est toujours pas créé. Parfois, il a été créé, il y a un code qui est mis au stylo sur un papier, mais on ne lui a pas expliqué à quoi ça servait, qu'il fallait se connecter, etc. Et donc, le deuxième problème, c'est... les personnes loupent des courriers, elles loupent des documents qui ont été mis sur cet espace, soit parce qu'il n'a pas été créé, en tout cas il existe pour l'offre Pram et pas pour la personne, soit parce que la personne ne sait pas s'en servir. Donc on passe aussi beaucoup de temps dans les associations à faire ce travail-là, à expliquer aux gens qu'il faut se connecter, on leur montre sur leur téléphone. Autre problème, il faut avoir un téléphone, toujours avec une... une connexion internet, etc. Donc ça entraîne quand même pas mal de difficultés. Il y a des gens qui loupent leur convocation à l'entretien, il y a des gens qui loupent leur décision de refus off-prat, et donc qui sont hors délai pour faire des recours à la Cour nationale du droit d'asile, à la CNDA. Donc on voit des gens qui arrivent, qui n'ont jamais rien ouvert, et qui ne sont même pas au courant que leur demande d'asile a été traitée, et qui ne sont même pas au courant que leur demande d'asile a été rejetée. Ils ne comprennent pas parce que leur attestation est plus renouvelée. Ils font des allers-retours avec la préfecture et personne ne leur explique. Donc ça entraîne quand même pas mal de soucis. Le petit point positif, c'est qu'effectivement, il y avait aussi beaucoup de problèmes dans la distribution du courrier avec des SPADA complètement débordés. Donc l'un dans l'autre. En fait, l'idéal, ce serait de maintenir deux systèmes différents. C'est-à-dire à la fois un site, c'est d'ailleurs ce qu'avaient demandé les associations, un site numérique pour que les personnes puissent se connecter, mais aussi un envoi de courrier papier.
- Speaker #0
Je voudrais te poser une dernière question sur les Pôle France Asile, qui sont donc une expérimentation qui avait été prévue par la loi immigration de janvier 2024. Est-ce que tu peux nous parler de cette expérimentation ? Je crois qu'on a déjà des premiers retours du pôle France Asile qui a été créé dans le département du Val d'Oise.
- Speaker #1
Alors, les pôles France Asile, c'est une nouveauté de la dernière loi immigration où, en tout cas, nous, on était clairement opposés à ces pôles France Asile parce que France Asile, c'est quoi ? Ça veut dire, en plus de la préfecture et de l'OFI au Guda, Il y aura des agents de l'OFPRA. Pour nous, l'OFPRA doit rester à l'OFPRA. L'OFPRA est une autorité indépendante. Il se passe des choses confidentielles au sein des bureaux de l'OFPRA. Et pour nous, c'est un risque majeur qu'il y ait des agents de l'OFPRA qui travaillent dans les préfectures, parce que c'est comme ça, les GUDAS, c'est dans les locaux des préfectures, et qui passent leur temps à parler avec des agents de la préfecture, avec des agents de l'OFI. Nous, ça nous semble complètement contraire à tous ces principes de confidentialité. Ça, c'est le premier problème qu'on avait mis en avant. Alors voilà, de manière très pratique, c'est effectivement tout ce qui va se passer dans l'enceinte du bureau va rester confidentiel à ce moment-là. Mais les agents de l'OFPRA, c'est des personnes qui vont aussi à la cantine le midi, qui parlent aussi des dossiers qu'ils peuvent avoir, qu'ils peuvent rencontrer dans les couloirs. Et nous, c'est ça qu'on craint, en fait. C'est une diffusion de l'information, de choses confidentielles. Quelque chose qu'il faut dire aussi, c'est qu'à aucun moment, la préfecture ne doit être au courant du fond de la demande d'asile. Elle n'a pas à être au courant, la préfecture n'est pas là pour ça. C'est l'OFPRA uniquement qui doit être au courant de ça. Et puis, le deuxième problème, c'est qu'est-ce qui se passe dans ce bureau France Asile ? au sein du GUDA. Et c'est ça qui est également inquiétant. C'est-à-dire qu'il a été vendu aux associations en disant oui, mais c'est surtout pour rétablir l'état civil des personnes. Parce que vous savez, la préfecture, ce qui est vrai, fait beaucoup d'erreurs au niveau de l'état civil des personnes. Ça pose un problème quand il faut établir la carte de séjour des réfugiés. Certes, très bien, mais sauf que France Asile, ce n'est pas que ça. Il y a aussi une sorte de pré-entretien, l'entretien OFPRA qui aura derrière. Et ça, ça nous semble extrêmement problématique parce que les personnes à ce moment-là, elles viennent d'arriver d'un long parcours difficile. Elles voient la préfecture où souvent ça ne se passe pas très bien. Elles voient l'OFI où souvent ça ne se passe pas très bien. Et derrière, elles vont voir l'OFPRA. Et là, tout d'un coup, il va falloir qu'elles se livrent et qu'elles expliquent pourquoi elles ont quitté leur pays d'une manière un petit peu précise. Alors, même si ce n'est pas un entretien comme celui qui peut se passer dans les locaux de l'OFPRA derrière, il faut quand même mettre en avant des éléments pourquoi j'ai quitté mon pays, quels motifs, quelles persécutions je crains de subir, etc. et à ce moment là La moindre petite erreur peut être fatale derrière. Et ce qui peut aussi poser des problèmes, c'est qu'est-ce qui va se passer si jamais il y a une différence entre ce qui est dit à France Asile et ensuite de ce qui est dit lors de l'entretien OFPRA.
- Speaker #0
On y reviendra dans d'autres épisodes, mais il faut essayer d'être cohérent dans le récit d'asile à chaque étape. Et donc c'est vrai qu'on rajouterait ici une étape si l'expérimentation était généralisée. Merci beaucoup Caroline pour tous ces éclaircissements sur le parcours assez complexe qui est l'introduction d'une demande d'asile en France. Je crois qu'on comprend mieux maintenant les différentes étapes, les enjeux et puis les obstacles qui peuvent être rencontrés par les demandeurs d'asile à cette occasion. Merci à vous d'avoir écouté Étranges Droits. Avant de se quitter, je vous rappelle que chaque situation est unique et que les informations qu'on a partagées ici ne remplacent pas les conseils personnalisés d'associations et d'avocats. Et je vous renvoie vers le site du GST pour trouver une assistance près de chez vous. Et je vous dis à dans deux semaines pour un nouvel épisode où nous continuerons à explorer ensemble cet étrange droit qui est le droit des étrangers.