Speaker #1Alors bonjour, je m'appelle Sandra, j'ai 26 ans et je suis étudiante en direction artistique. Alors je viens d'une famille assez soudée quand même, donc j'ai un grand frère, on est très très proches. Donc la petite enfance était plutôt facile. Par contre, quand je suis arrivée à l'école primaire, là, ça a un peu changé. Pression, contrôle, leçons à apprendre. Et ma mère voulait toujours qu'on ait les meilleures notes de la place. Même si on est en 19,5, il faut atteindre le 20. Donc, pour contexte, ma mère est enseignante. Donc, il faut toujours atteindre, même pas l'excellence, c'est la perfection. Donc, l'excellence, j'arrivais à l'atteindre quand même au collège. jusqu'en troisième, là mes notes ont commencé un peu à chuter parce que la méthode de travail ne me convenait plus et ça me motivait moins. Donc à l'école primaire, j'avais plutôt de bonnes notes, au collège aussi, jusqu'en troisième parce que la méthode me convenait moins. Je n'avais pas forcément des profs qui étaient sympas, donc je n'arrivais même pas à me concentrer en cours. Et donc ça a commencé à chuter depuis et jusqu'à arriver en terminale, ça n'arrêtait pas de chuter encore plus, encore plus. J'avais de plus en plus de pression familiale, surtout provenant de ma mère, je pense, parce qu'elle s'attend à toujours cette perfection et sachant que mon frère l'a déjà atteint cette perfection, donc elle s'attend que je réussisse autant que mon frère. J'ai même choisi S, comme a fait mon frère, comme ont fait mes parents aussi. Mais ils ont bien vu que ce n'était pas fait pour moi l'année de la terminale à la toute fin. Donc au début, j'allais même faire des études d'ingénieur. Mais finalement, vu mes notes, ce n'était pas possible. Et limite, tant mieux, parce que sinon, j'aurais dû le faire. Et comme ils ont vu que je n'avais pas forcément de bonnes notes, ils ont compris que j'étais un peu plus artiste. Je me suis dirigée au début vers du design et finalement, en faisant des journées portes ouvertes d'école d'art, j'ai vu que c'était plus le cinéma d'animation qui m'attirait parce que ça combinait images, mouvements et sons. Au début, j'ai fait une prépa cinéma d'animation et je visais donc une grande école de cinéma d'animation, donc les Gobelins, et ce n'était même pas moi, c'était mes parents. Parce qu'à chaque fois, il fallait avoir la meilleure école. Je n'ai pas passé les concours des Gobelins, parce que je ne m'étais pas inscrite à temps. J'ai quand même fait une école, une grande école de cinéma d'animation. Donc c'était l'ISA. J'ai fait la première année du bachelor. Là, j'ai eu un gros épisode d'anxiété. prolongé jusqu'à la dépression à la fin de l'année et je pense que ça vient surtout du travail acharné. On avait 13 matières, il fallait travailler après les cours, il fallait énormément travailler. Je dormais très peu et c'était très très compliqué. Et il n'y avait personne pour me soutenir autour. J'étais dans un foyer d'étudiante et j'étais la seule à faire ces études-là. Mes amis habitaient loin et je ne savais pas quoi faire, je ne savais pas vers qui me tourner. Je n'osais pas aller parler au prof. Parce que, mine de rien, je voyais mes profs un peu comme mes parents, comme ma mère est enseignante. Je vois encore mes enseignants comme mes parents. Donc je ne voulais jamais les décevoir et je ne voulais jamais venir avec un travail à moitié fait. Je voulais toujours les impressionner. Donc je m'isolais de plus en plus. Je travaillais seule et à un moment, j'étais tellement fatiguée. que je travaillais de moins en moins, et je n'arrivais même plus à travailler, et j'angoissais parce que je voyais que j'avais déjoué, que je n'avais pas avancé, que je n'avais pas montré mon avancement aux profs. Les profs ne venaient pas forcément vers moi parce qu'on était 30 en classe, et je m'isolais complètement, même de mes amis, même des personnes qui m'entouraient, des personnes qui vivaient avec moi à l'époque, et personne ne le voyait en plus. Surtout que mes parents, ils ne voient pas. pas directement... Mes parents ne sont pas... ne voient que les faits, ne voient pas du tout les sentiments, les ressentis des gens. Et donc, mon père, pour lui, c'est... De toute façon, ma fille ne pourra pas ressentir quelque chose de mauvais dans sa vie. Il se met un peu désœillère. Et ma mère, c'est l'inverse. Les sentiments, c'est du superflu. C'est rien du tout. c'est juste l'effet, il faut travailler, travailler, travailler il n'y a rien qui est autour elle, elle ne ressent rien alors à la fin je pense que les deux derniers mois d'ailleurs je ne me rappelle pas beaucoup ces deux mois à Lisa, ça ne s'est pas très bien fini les deux derniers mois j'arrivais même plus à avancer je faisais beaucoup de travail à la maison ou même quand on était en cours c'était du sujet de projet Je ne montrais pas mon travail au prof, même à mes amis. Je leur montrais jamais quelque chose. Parce que pour moi, tant que c'est pas fini, je ne peux pas montrer, sinon c'est la honte. Et j'ai failli ne pas passer les jurys. Mais ma mère a insisté, elle m'a dit, il faut quand même les passer, il faut tout de même montrer ton sérieux. Il faut que tu t'y présentes, même si tu n'as rien à montrer, montre au moins ce que t'as fait. J'y suis quand même allée. Et j'ai même dit au... profs, donc les trois profs qui étaient devant moi, je leur ai dit, de toute façon, je ne vais pas rester ici. Je pense que j'avais explosé ce jour-là, j'aurais jamais osé de ma vie dire ça à un autre adulte. Mais c'est là où j'ai vraiment craqué. D'ailleurs, j'avais écrit un très long message à mes parents pour leur dire que je voulais tout arrêter, fallait que je me repose. Et ça a été fait. Parce que mes parents, je pense, quand ils ont lu le très long texte que je leur ai écrit, ils ont eu très peur. Donc ils m'ont dit « oui, tu peux revenir à la maison » . Donc la maison, c'est en Tunisie. Mais pour ma mère, je ne pouvais pas aller en Tunisie et ne pas continuer mes études. Je ne pouvais pas faire une année de césure, non. Il fallait quand même continuer les études. Donc on a vu un peu les écoles qu'il y avait en Tunisie et... on est tombé sur une école où j'ai fait de l'infographie 3D. J'ai fait deux ans d'infographie 3D. La première année s'est très bien passée. Et la deuxième année, un peu moins. En janvier, là, je n'avais plus la pression de mes parents, mais c'était la pression de notre directrice, qui avait son bureau qui était juste en face de notre classe. Elle venait tous les jours voir ce qu'on avait fait. Si on n'était pas là... Elle nous envoyait un message. Si on ne répondait pas au message, elle nous appelait. Si on ne répondait pas aux appels, elle appelle nos parents. C'était du harcèlement limite. Et donc, je suis allée consulter un psychiatre à ce moment-là. Je suis allée chez le psychiatre. Et le psychiatre m'a clairement dit que c'était du harcèlement. Et pour moi, c'était que du harcèlement. Ce n'était pas la sourchage de travail que j'avais à faire. Au début, j'ai... quand même continuer à aller en cours, à essayer de faire abstraction des paroles de la directrice. Sa phrase préférée, c'était Votre avancement, c'est devenu un running gag dans la classe d'ailleurs. D'ailleurs, on est devenus très très soudés. On a tous ressenti ce harcèlement-là. Chacun a son intensité. Mais moi, je l'ai vraiment beaucoup beaucoup ressenti. Mais ce n'était pas que ça. C'était aussi la surcharge de travail qu'on avait à faire. Donc, elle nous demandait des choses impossibles pour notre niveau. On dormait à pas d'heure. Donc, je pense qu'on travaillait toute la journée. On avait cours à 9h, on revenait à 17h à la maison, on reprenait le travail tous ensemble à 19h. Donc on se faisait des appels avec mes camarades de classe et on restait juste à 3h du matin quelquefois. On se faisait même des mini-sestes, on s'appelait, comme ça on est sûr de se réveiller pendant la nuit pour travailler. Et il y avait un jour, je suis arrivée à un point où je n'arrivais même plus à parler, je n'arrivais même plus à sortir une phrase complète. Je l'avais signalé à ma mère. Ma mère a compris que là, il y avait un réel souci. Elle ne voulait pas que je revive la même chose que j'avais vécu quelques années auparavant. Donc le fait de totalement m'isoler. Et là, on a reconsulté le psychiatre. Le psychiatre m'a donné deux semaines de repos. Là, je m'étais reposée, mais j'ai quand même travaillé. J'ai quand même travaillé parce que... anxieuse que je suis, je ne pouvais pas ne pas travailler. Fallait que j'avance sur mon travail, mais le fait de ne pas recevoir toutes les heures « Où est ton avancement ? Envoie sur le groupe ton avancement. » J'arrivais à mieux travailler déjà, parce qu'il n'y avait rien autour qui me disait « Faut que tu avances, faut que tu avances. » Il y avait moi quand même, parce que je voulais tout de même continuer à faire ce projet-là. Mais je n'avais plus ce couteau sous la gorge. Montre le produit fini. Alors la fin de la deuxième année, j'ai eu du mal à la finir. Mais ma mère me disait, il ne reste plus que trois mois. Plus que trois mois. Et donc moi, le fait de savoir que ça finissait dans trois mois, ça se terminait dans trois mois, ça me soulageait un peu parce que je me disais qu'au moins j'allais avoir un projet de fini, même si ce n'était pas complètement fini. un projet de fini, un diplôme. Et je voulais juste ça. Les trois derniers mois, en Tunisie, on était confinés. Donc les trois derniers mois d'études, on était confinés. Et ça, ça m'a vraiment aidée. J'allais vraiment mon rythme à moi. Je commençais à savoir qu'il me fallait un certain environnement de travail et certaines conditions pour avancer. Certes, il fallait que je travaille avec les autres, on se donnait des rendez-vous pour travailler ensemble, mais j'ai compris qu'il ne fallait pas mettre des lumières froides, mais plutôt des lumières chaudes pour me détendre. Il fallait que je stimule certains sens pour pouvoir bien me concentrer sur mon travail sans me mettre trop la pression. Donc c'est là où j'ai commencé à m'écouter déjà. parce que c'est la première fois de ma vie où j'ai commencé à m'écouter. Ce n'était plus la méthode des autres, déjà, que je suivais. C'était ma méthode que j'adaptais à moi, mon rythme à moi. Je ne voulais plus atteindre une certaine perfection déjà. J'avais un psychiatre qui m'avait sorti une phrase et qui m'a vraiment marquée. Il faut avoir un objectif de moyen et pas un objectif de résultat. Donc en fait, il faut donner son maximum, mais il ne faut pas atteindre un résultat. Il faut juste se donner à fond. Il ne faut pas non plus se tuer au travail. Mais il faut se donner à fond et après, le résultat, de toute façon, le résultat, on ne peut pas tout le temps le contrôler. Déjà, rien que ça, ça m'avait un peu aidée. À la fin des trois mois, je suis revenue en France pour continuer mes études. Et là, c'était pour faire du motion design. Donc, j'ai enfin su ce que je voulais faire. C'était de la réalisation de clips. Je voulais en même temps mélanger du motion design et de la prise de vue réelle. J'ai fait deux ans de motion design et le jury m'avait dit qu'il me manquait un peu de direction artistique. Donc là, je me retrouve aujourd'hui dans un master en direction artistique pour vraiment perfectionner mes projets. Mais c'est surtout parce que ce sont des projets qui me tiennent à cœur. Je ne tiens pas à impressionner quelqu'un, ni moi-même. Je tiens juste à faire un truc qui me plaît vraiment. Aujourd'hui, ça se passe plutôt bien. Déjà depuis deux ans. Je ne ressens plus de gros stress au niveau du travail parce que je m'organise en fonction de mes besoins. Je sais quand est-ce que je suis productive et quand je ne le suis pas. Donc j'arrête de travailler, je fais autre chose, je vois des amis, je fais mes activités à moi. Ce que je ne faisais pas au début de mes études. Parce qu'il faut différencier une production créative et l'expression de soi. Donc aujourd'hui aussi je fais des travails pour m'exprimer. Déjà je montre mon avancement à mes profs, même si c'est pas fini. Ça m'aide vraiment. Parce que le but c'est vraiment d'avancer dans son travail et c'est pas d'être jugé. Parce que je me sentais à chaque fois jugée. Et je n'attends plus la vraie perfection. J'attends juste quelque chose qui me plaît. Donc déjà aujourd'hui je ne travaille plus à pas d'heure. Je me fixe des horaires de travail, les horaires où je suis productive et les horaires où je ne me suis pas du tout. Donc ça ne sert à rien d'avancer parce que je m'épuise plus que tout. Je montre mon avancement aux enseignants, à mes camarades de classe aussi, parce que je ne le faisais pas avant. Je demande tout le temps l'avis des autres pour ne pas me renfermer dans ma bulle. Toujours pour avancer, mais c'est avancer dans la production et dans la réflexion. Le but de mes projets aujourd'hui, ce n'est pas... plus d'atteindre une excellence, mais de m'enrichir via cette expérience-là. Alors aujourd'hui, je ne pense pas que je vais retomber dans ce cercle vicieux. Et même si je retombe, c'est possible de s'en sortir. Il ne faut juste pas s'isoler. Il faut en parler à son entourage, les personnes qui sont capables d'écouter, et les personnes aussi qui ont assez d'empathie. Il faut en parler à des professionnels aussi. Quelquefois, il faut aller voir des personnes. On ne va pas forcément trouver la solution tout seul. Ou alors, ils vont nous donner certaines clés de réflexion. Au moins ça, ça va nous aider à avancer et à se comprendre déjà et à comprendre nos besoins. Donc là, aujourd'hui, je continue quand même le suivi psy dès que j'en ai besoin, dès que je sens que je vais rechuter un peu, dès que j'ai le premier gros symptôme de fatigue ou le premier symptôme de pensée négative. qui dure au moins une semaine, c'est là où je me dis je vais aller consulter aujourd'hui. Je ne veux plus refuter et comme j'ai dit, je n'ai pas peur de refuter. Donc déjà, ce que j'en retiens, c'est qu'il faut réellement s'écouter, voir si on est fatigué ou pas, voir sa méthode de travail. Ce n'est pas parce que je ne sais qui travaille pendant 10 heures et réussit à faire ce qu'il fait qu'il faut faire ça. Peut-être qu'on doit travailler pendant 2-3 heures, faire des pauses. J'ai découvert une bonne méthode qui s'appelle la méthode Pomodoro. C'est 25 minutes de travail, par exemple, et 100 minutes de pause. On peut l'adapter en fonction de nos besoins. On peut être très productif pendant 5-6 heures et après, on peut bien se reposer. Essayez aussi de faire abstraction, pas de nos pensées négatives, mais des pensées, des réflexions négatives de certaines personnes. Certaines personnes disent des phrases négatives, mais c'est juste un ressenti, mais il ne faut pas le prendre à cœur. Il faut consulter, si on ne se sent pas bien, vraiment ne pas hésiter à consulter. en parlant autour de soi. Et je sais qu'avec ces clés-là, on peut envisager un avenir très serein.