Speaker #0La vieillesse, c’est pas pour les mauviettes, par Laurence Bisang, dans Générations.
Ça fait déjà un peu plus d’une année que je touche l’AVS. AVS, c’est un acronyme, donc ça vient du grec : «akros», extrême, et «onoma», nom. C’est un nom extrême. Eh oui, il y a peut-être bien quelque chose d’extrême dans l’AVS, même si on ne parle pas encore d’onction. Un acronyme est un sigle, un sigle pur ici, c’est-à-dire une suite de lettres prononcées : A, V, S. On ne dit pas «avs ». Ce sont les initiales de plusieurs mots qui, à force, se retiennent comme un mot tout à fait ordinaire. Ou alors ordinaire, ordinaire…Oui, il faut le dire vite. On a tendance à oublier, ou alors à mettre de côté, la signification de ces trois lettres : A, V et S – assurance, vieillesse, survivants. Celles et ceux qui en bénéficient ont donc survécu, et j’en fais partie. Mais survécu à quoi? Peut-être aux outrages d’une activité professionnelle longue durée.
À l’occasion de la votation pour une 13e rente AVS, on nous a rappelé que l’idée de cette assurance était d’offrir quelques mois, une année, un peu de temps libre aux travailleurs et travailleuses qui avaient trimé toute leur vie. Un peu de farniente avant la mort. Eh oui, mais c’était il n’y a pas si longtemps, en 1947. Ils et elles mouraient en général plus tôt que maintenant. Alors, c’est vrai qu’on a sacrément du rab aujourd’hui en termes d’espérance de vie. Hommes et femmes ont gagné 10, 15, 20 ans ou plus, et plutôt en bonne santé, même s’il semblerait qu’il pourrait y avoir un âge limite en politique. Mais là…
Bref, j’ai donc l’AVS dans la lignée de la Cumulus, la carte de membre, de soutien. «Vous avez l’AVS?» Mais est-ce que je vous pose des questions, moi? J’ai reçu une vraie carte d’ailleurs, une de plus que je vais pouvoir égarer. Elle est molle, la pauvre, un peu comme moi probablement. Cela dit, pour bénéficier d’un tarif AVS, la carte d’identité avec la date de naissance suffit, bien sûr. Et puis il y a ma bouille au guichet, évidemment. Eh oui, il y a des rides qui ne trompent pas.
L’AVS, une assurance pour laquelle j’ai bossé à plein temps pendant presque 40 ans. Mais c’est vrai que ça fait un petit peu bizarre de la recevoir. « Bizarre », vous avez dit «bizarre»? Mais peut-être que c’est naturel, l’âge nous rend un peu étranges, d’après Patrick Süskind dans un de ses romans. On devient parfois bizarre en vieillissant, et l’on se raccroche aux lubies les plus aberrantes. Ah ben voilà! Mais enfin, disons que l’AVS n’a rien d’une lubie. En revanche, la vieillesse est sans doute un terrain propice aux foucades de temps en temps, non? Se lâcher joyeusement, un peu déraisonnablement, au temps de l’AVS. Mais quelle bonne idée! Je vais m’y mettre. Et dites-moi que vous aussi!