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Gueules cachées

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20min |04/10/2024|

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Description

"Un sprint d'intelligence"... voilà comment Kate décrit les épisodes qui la traversent...pour le meilleur ou pour le pire !

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Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    C'est un moment, c'est un sprint d'intelligence. Il se passe des choses dans le cerveau et on ne sait pas d'où ça vient. C'est l'inconnu.

  • Speaker #1

    Les gueules cachées, ce sont des personnes qui acceptent de vous raconter ce que vous ne voyez pas et qu'on ne veut pas toujours entendre. Gueules cachées, épisode 1, Kate. Je rencontre Kate dans un parc. Aujourd'hui, c'est une femme qui parle d'avant, qui parle d'après, qui parle de son travail, de sa famille. Chaque récit est singulier. Kate, elle, elle raconte comment les choses ont basculé et quand elles ont basculé.

  • Speaker #0

    À la suite d'une deuxième naissance, je suis devenue très fatiguée et puis je suis devenue... j'étais hors de contrôle. certaines fois. Et donc, j'ai été hospitalisée. J'avais déjà eu des prémices à la fin de l'adolescence. Et puis, en 2003, le diagnostic est tombé, trouble bipolaire. Vous allez prendre ce traitement à vie. Et là, c'est une deuxième vie qui commence. On a eu une première vie sans traitement, une première vie impeccable et puis une deuxième vie qui commence. On ne sait pas où on va. Donc, c'est l'inconnu. Il faut faire confiance aux médecins. La bipolarité, c'est ça. C'est des phases d'hypomanie où on est excité, en euphorie complète. On peut être spirituellement inspiré. On est dans un autre monde. On calcule hyper vite. Tout va très vite dans le cerveau. Et puis après, il y a une phase de dépression qui peut être très, très down. Moi j'ai toujours eu la chance de ne jamais trop descendre. Et en fait, quand il y a une crise, il y a souvent un événement à l'origine de la crise. Donc souvent ça peut être justement la naissance d'un enfant, un décès, il y a un choc qui se passe. Et il faut savoir que la maladie des troubles bipolaires c'est une maladie biologique. J'avais un discours complètement incompréhensible. Et puis il faut savoir que l'absence de sommeil, les mauvais sommeils sont favorisants à la maladie. Moi, je devenais incontrôlable. J'avais un discours qui n'était plus tellement intelligent. C'était hors du temps. Mon entourage a trouvé nécessaire de m'hospitaliser.

  • Speaker #1

    Quel souvenir tu gardes ? On parlera de l'hospitalisation après, mais quel souvenir tu gardes de ce moment-là ? Ou peut-être aussi des autres phases hypomaniaques ? Qu'est-ce qui se passe en toi à ce moment-là ? Est-ce que tu es très mal ou est-ce qu'au contraire tu es très bien puisque ce que tu décris ? On a l'impression que tu perçois des choses et que ton cerveau va à une rapidité et à une vitesse auxquelles on n'a habituellement pas accès.

  • Speaker #0

    Alors la première hospitalisation, je l'ai très très mal vécue. Parce que je ne me rendais pas compte de l'importance et du... Je ne savais pas ce que c'était que des troubles bipolaires. Je connaissais très peu la maladie, je ne connaissais même pas. J'avais 30 ans, pour moi c'était un... Mon monde s'effondrait parce que pour moi, dans la vie, il faut être bien, en bonne santé. Et puis, les psychiatres dans ma famille, on ne connaissait pas, on ne savait pas à quoi ça servait. Donc, je me suis retrouvée dans un monde inconnu, vraiment inconnu. Et seule, et loin de mes enfants, en plus, de mes deux enfants, à ce moment-là. En revanche, les autres... Les phases hypomaniaques que j'ai rencontrées, il y en a certaines qui ont été très euphorisantes. Et c'est vrai que c'est des moments, on va dire, agréables, même si on sait que c'est dangereux, parce qu'on peut mal finir dans des hôpitaux. Il faut savoir que j'ai fréquenté différents hôpitaux, donc pas toujours le même encadrement et pas toujours la même attention.

  • Speaker #1

    Alors tu as fréquenté différents hôpitaux, ça veut dire qu'à partir du moment où le diagnostic est posé, où un traitement est mis en place, finalement il peut quand même arriver à nouveau des crises ?

  • Speaker #0

    Alors, le paradoxe du bipolaire, c'est qu'il a très très envie d'arrêter ses médicaments un jour. Donc quand il arrête ses médicaments, malheureusement ça ne dure pas très longtemps. Donc la base, c'est de garder toujours son traitement, qui est un traitement à base de lithium principalement. Et puis le bipolaire, il apprend de ses erreurs. Donc plus ça va, plus les crises sont espacées. Moi ça fait quatre ans que je suis en stabilité totale et j'en suis ravie et je remercie le lithium de m'apporter une vie normale où je peux travailler et m'occuper de mes enfants qui sont grands et m'occuper de moi surtout et faire attention à ma santé.

  • Speaker #1

    C'est intéressant ce que tu nous dis là, c'est qu'aujourd'hui tu considères, alors j'imagine qu'il ne faut pas dire que tu es guérie. Sinon, tu ne prendrais pas d'ithium. Mais en tout cas, tu as retrouvé l'équilibre que tu souhaitais. On peut dire ça ?

  • Speaker #0

    On peut dire ça. Et puis surtout, il faut savoir que lors de ma dernière hospitalisation, j'ai eu un peu de temps pour faire un stage avec des psychiatres, des infirmières, des psychologues, pendant une semaine, sur les troubles bipolaires avec des bipolaires. Et ça, c'était super. parce que j'ai rencontré des personnes qui vivent des troubles bipolaires, mais pas comme moi. Moi, j'étais celle qui faisait le plus d'état d'excitation. Et j'ai rencontré des gens qui étaient plutôt dans la dépression, mais vraiment noir noir. Par exemple, les envies de suicide, moi, ça ne m'a jamais effleuré l'esprit. Jamais, jamais, jamais. Voilà, moi, mon truc, c'est l'hypomanie.

  • Speaker #1

    Alors, on n'a pas l'image, mais... Quand il dit l'hippomanie, t'as un grand sourire avec des étoiles dans les yeux. J'ai vraiment envie que tu partages aussi justement ce que tu as pu vivre à tel ou tel épisode. Est-ce qu'il y a des moments où on a envie d'y retourner à ces endroits-là ?

  • Speaker #0

    Tu as bien trouvé les mots Laetitia. Oui, effectivement, on a envie d'y retourner, mais on sait que... On sait qu'après c'est dangereux parce que si on est hospitalisé, on ne sait pas dans quel hôpital on va se retrouver, on ne sait pas ce qu'on va faire. Alors je ne me suis jamais mise en danger, je n'ai jamais mis en danger personne. Ce n'est vraiment pas une maladie qui m'a rendue violente. Et cet état d'euphorie, oui j'ai le sourire parce que c'est un moment, c'est un sprint d'intelligence. Il se passe des choses dans le cerveau et on ne sait pas d'où ça vient. Après il y a... Il y a des choses un peu particulières, des voix, on entend un peu des voix, mais c'est vraiment à double tranchant.

  • Speaker #1

    C'est une sorte de shoot de super réalité ?

  • Speaker #0

    Certainement, oui. Certainement comme un shoot.

  • Speaker #1

    Et quand ça s'arrête ?

  • Speaker #0

    On est épuisé. On est épuisé, on a besoin de repos. En général, moi, en tout cas sur moi, j'ai une perte de poids fulgurante pendant le moment où je suis en crise. Et puis après, on retrouve le goût à la vie grâce à l'encadrement médical.

  • Speaker #1

    Vous savez, plusieurs fois que tu parles de cet encadrement médical et de différentes hospitalisations. C'est une confiance qu'il faut avoir parce qu'on peut entendre en tout cas une certaine défiance vis-à-vis de l'hôpital psychiatrique. Tu disais toi-même d'ailleurs que dans ta famille, les psychiatres, on ne savait pas très bien ce qu'ils faisaient. Ils devaient s'occuper des fous, mais ce n'est pas pour nous. Ton regard a changé là-dessus ou tu considères qu'on ne peut pas faire sans ?

  • Speaker #0

    Je pense qu'il faut vraiment faire confiance au traitement, même si au début on est shooté. Quand on arrive à l'hôpital, on est... On est bombardé de médicaments, on ne sait pas où on est, surtout les premières fois. C'est d'une violence extrême, on sent une injustice, on réfléchit, on se dit mais pourquoi je suis là ? La première fois que j'étais hospitalisée, j'ai voulu m'échapper, j'ai balancé mon sac par la fenêtre. Et un infirmier psychiatre m'a rattrapée, il m'a dit mais vous allez où là ? Et donc, il faut faire confiance, mais la première fois, c'est... De toute façon, les troubles bipolaires, il faut 10-12 ans pour être sûr du diagnostic. Donc à partir de là, si vous ne faites pas confiance à un moment donné aux psychiatres, parce que vous allez croiser des psychiatres qui vont vous dire Mais non, vous n'êtes pas bipolaire, on a tous des hauts et des bas ! Et puis vous allez croiser des gens qui vont vous dire Mais vous êtes bipolaire, mais vous êtes une bipolaire extraordinaire ! Parce que vous arrivez encore à travailler, vous avez eu des enfants, j'ai eu une grossesse sous traitement et tout a été bien suivi.

  • Speaker #1

    Et qui on a envie de croire justement quand on a un médecin qui vous dit Mais non, vous n'êtes pas bipolaire enfin madame, vous avez vu comme vous êtes en forme et tout ce que vous faites ?

  • Speaker #0

    Il faut croire en soi et puis se dire que finalement, même si ce traitement est pénible, parce qu'il est quotidien, il est là et il vous fait du bien. C'est une bouée de secours. Et puis, vous vous brossez les dents, vous prenez votre traitement, hop, basta.

  • Speaker #1

    Donc, ton entourage, Kate, comment ça s'est passé ? En 20 ans, j'imagine que les choses ont évolué. Est-ce que tu as eu du soutien ? Est-ce que tu en as voulu à ceux qui t'ont hospitalisé ? Voilà, ça fait beaucoup de questions, mais raconte-nous.

  • Speaker #0

    Les personnes qui ont senti que je pouvais être atteinte de troubles bipolaires étaient très proches de moi. Et je leur ai fait confiance. En revanche, mes parents et surtout ma mère ont toujours, toujours douté que j'étais bipolaire. Vraiment, encore maintenant, si vous lui demandez est-ce que Kate va prendre un traitement, elle va vous dire non. Pour elle, pour ma mère en tout cas, ça a toujours été un déni. En revanche, mes frères et sœurs ont été super présents tout au long de la maladie et sont super vigilants. Et là, depuis quatre ans que je suis stable, ils ont relâché la garde. Donc il ne faut pas que moi je lâche la garde. Je pourrais très bien dire, ok, vous pensez que je ne suis pas bipolaire. Ok, j'arrête le traitement. Ok, on se donne... Six mois, un an, et puis on verra. Peut-être même pas six mois, un an. Donc, qu'est-ce qu'on fait ? On prend le risque d'une nouvelle hospitalisation. Quand vous êtes à l'hôpital, vous n'êtes pas toujours avec des gens fréquentables. Ce n'est pas très agréable.

  • Speaker #1

    Donc on n'a pas envie d'y retourner en clair, l'hospite, c'est ce qu'on entend. Et du coup aujourd'hui, Kate, qu'est-ce que tu aurais envie de dire à quelqu'un dont un proche souffre de troubles bipolaires ? Qu'est-ce que tu aurais envie de lui souffler à l'oreille ?

  • Speaker #0

    Alors si la personne qui est atteinte de troubles bipolaires est vraiment diagnostiquée, ça veut dire qu'il y a un psychiatre derrière et il peut y avoir aussi un ensemble de personnes... qui œuvrent pour aider les bipolaires, comme à Bordeaux, comme à Toulouse, j'imagine dans beaucoup de grandes villes. Donc ça, c'est important. Et aller à des conférences, aller à des conférences de suivi des troubles, comment ça se manifeste. Moi, je connais très peu de personnes bipolaires parce que finalement, je suis dans un encadrement normal. Enfin, s'il faut dire normal ou pas normal. Moi je travaille, j'ai toujours travaillé, j'ai fréquenté des hôpitaux pour mes crises mais ça n'a jamais duré plus d'un mois. Et moi je pense qu'il faut aller vers ces conférences, les psychiatres qui connaissent bien la maladie et surtout suivent son traitement.

  • Speaker #1

    Et pour l'entourage ? Alors je vais dire même avant le diagnostic, quand son proche, que ce soit un enfant, un frère, un conjoint. Comment ça va avoir des propos incohérents ? Ce que tu nous as décrit tout à l'heure. Qu'est-ce qu'on fait ? Comment on réagit ? C'est quoi l'attitude pour être à la fois, rester proche et en même temps agir ? Parce qu'en fait, il faut agir.

  • Speaker #0

    Là, je te dirais, il faut demander aux personnes qui m'ont entourée. On est tellement... Je vais revenir à la personne qui est bipolaire. On est tellement plus soi-même. que pour l'entourage, c'est un questionnement compliqué. La meilleure des choses à faire, c'est de l'emmener à l'hôpital et puis de voir avec elle. Mais il y a tellement d'occasions de devenir bipolaire, si je puis dire, et tellement pour l'entourage d'hésitation et se dire qu'est-ce qu'elle me fait là, pourquoi elle parle de ça. Donc... Il faut du calme, beaucoup de calme. Et moi, je me souviens très bien d'une phrase de mon fils, d'un de mes fils, qui m'a dit repose-toi Quand je suis partie à l'hôpital, repose-toi, mais repose-toi

  • Speaker #1

    Alors du coup, Kate, tu t'en doutes. J'ai envie de te demander ce que tu dirais aujourd'hui. à des personnes qui viennent d'obtenir ce foutu diagnostic de troubles bipolaires. Qu'est-ce que tu as envie de leur dire ? Qu'est-ce que tu peux leur dire, surtout ?

  • Speaker #0

    Écoute, je prendrai le temps de les entendre, de parler. Je crois qu'une personne atteinte de troubles bipolaires, elle a besoin de parler, d'être entendue, de partager ses souffrances, ses états d'excitation, si c'est des phases hypomaniaques. principalement et puis lui dire qu'on est différent mais c'est extraordinaire d'être différent. C'est une force. Moi, à chaque hospitalisation ou après chaque hospitalisation, je me suis sentie plus forte dans la vie pour tout. Et puis moi, c'est un handicap invisible. Et donc, c'est comme un don. C'est-à-dire que vous êtes au boulot, mais personne ne sait que vous êtes bipolaire. Personne. Moi, jamais personne dans mon entourage professionnel n'a su que j'étais bipolaire. Et je pense que, vraiment, il ne faut pas en avoir honte.

  • Speaker #1

    Donc, par exemple, quand tu es au boulot, il t'arrive de te dire, Eh, vous ne le savez pas, mais en vrai...

  • Speaker #0

    Et je me marre. En revanche, il m'est arrivé d'avoir des collègues qui ont remarqué, parce que le lithium donne des tremblements. Et notamment à l'époque où je fumais vraiment des vraies cigarettes, j'avais vraiment des tremblements. Et j'avais des collègues qui me disaient, oh là là, pourquoi tu trembles comme ça ? Donc ça peut, voilà. Mais grâce à l'excuse de la cigarette, ça passait.

  • Speaker #1

    Une dernière question, Kate. Tes ressources. Parce que c'est quand même impressionnant, en fait, quand on échange avec toi, notamment sur ce que tu viens de dire. Il y a une force qui te tient debout. Quelles sont tes ressources, en fait, pour... J'ai envie de dire avoir traversé tout ça, mais continuer à traverser, en fait.

  • Speaker #0

    Alors, il va y avoir une ressource naturelle, on va dire, c'est le sommeil. Quand vous avez compris qu'il faut que votre cycle de sommeil soit tout le temps égal, c'est très important pour une personne atteinte de troubles bipolaires. Si vous commencez à vous réveiller à 4-5 heures du mat et que vous êtes en pleine forme et que vous avez envie de réveiller toute la maison, ce n'est pas bon signe. Donc je dirais ça, cette ressource naturelle qu'est le sommeil. Et ensuite, la famille. La famille, l'environnement, l'entourage, proches. ceux qui sont là à la rescousse quand ils voient que ça va pas. Et je peux vous dire que mes enfants veillent vraiment sur moi. C'est un petit peu, c'est pas tabou, mais ils savent que je le suis. Et c'est de temps en temps une petite remarque en disant Maman, t'es pas trop fatiguée ? Là, ça va aller. Tu t'es levé tôt ce matin, t'es sûre que ça va ? T'as dit ça ? Un trouble bipolaire, chez moi, on va toujours maintenant faire attention quand je rigole trop fort, alors que c'est mon caractère aussi, donc c'est compliqué. Mais il peut y avoir une suspicion quand je commence à faire trop de jeux de mots, quand je commence à faire trop d'activités cérébrales, etc. Là, tout le monde peut s'inquiéter, mais en ce moment, c'est under control. Quand quelqu'un dit à quelqu'un d'autre Kate est bipolaire Je le sens Et j'ai envie de dire écoutez je suis fière d'être bipolaire

  • Speaker #1

    C'était Gueule cachée épisode 1 Kate

  • Speaker #0

    Et je peux porter un autre regard sur les gens, sur la vie Je me sens différente mais sans le montrer ou si je le montre ça me fait rire de le montrer donc si vous êtes atteint de troubles bipolaires surtout soyez fiers

  • Speaker #1

    Guelcaché, un podcast de Laetitia Forgenarc création sonore et musicale Marine Anger pour le studio Sonia merci à celle qui s'est appelée Kate le temps de nous raconter son histoire merci à vous tous qui avez porté le projet participatif de cette série Vous pouvez retrouver un nouvel épisode tous les 15 jours sur toutes les plateformes et puis sur mon site internet laetitiaforgeaudarc.com

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"Un sprint d'intelligence"... voilà comment Kate décrit les épisodes qui la traversent...pour le meilleur ou pour le pire !

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Transcription

  • Speaker #0

    C'est un moment, c'est un sprint d'intelligence. Il se passe des choses dans le cerveau et on ne sait pas d'où ça vient. C'est l'inconnu.

  • Speaker #1

    Les gueules cachées, ce sont des personnes qui acceptent de vous raconter ce que vous ne voyez pas et qu'on ne veut pas toujours entendre. Gueules cachées, épisode 1, Kate. Je rencontre Kate dans un parc. Aujourd'hui, c'est une femme qui parle d'avant, qui parle d'après, qui parle de son travail, de sa famille. Chaque récit est singulier. Kate, elle, elle raconte comment les choses ont basculé et quand elles ont basculé.

  • Speaker #0

    À la suite d'une deuxième naissance, je suis devenue très fatiguée et puis je suis devenue... j'étais hors de contrôle. certaines fois. Et donc, j'ai été hospitalisée. J'avais déjà eu des prémices à la fin de l'adolescence. Et puis, en 2003, le diagnostic est tombé, trouble bipolaire. Vous allez prendre ce traitement à vie. Et là, c'est une deuxième vie qui commence. On a eu une première vie sans traitement, une première vie impeccable et puis une deuxième vie qui commence. On ne sait pas où on va. Donc, c'est l'inconnu. Il faut faire confiance aux médecins. La bipolarité, c'est ça. C'est des phases d'hypomanie où on est excité, en euphorie complète. On peut être spirituellement inspiré. On est dans un autre monde. On calcule hyper vite. Tout va très vite dans le cerveau. Et puis après, il y a une phase de dépression qui peut être très, très down. Moi j'ai toujours eu la chance de ne jamais trop descendre. Et en fait, quand il y a une crise, il y a souvent un événement à l'origine de la crise. Donc souvent ça peut être justement la naissance d'un enfant, un décès, il y a un choc qui se passe. Et il faut savoir que la maladie des troubles bipolaires c'est une maladie biologique. J'avais un discours complètement incompréhensible. Et puis il faut savoir que l'absence de sommeil, les mauvais sommeils sont favorisants à la maladie. Moi, je devenais incontrôlable. J'avais un discours qui n'était plus tellement intelligent. C'était hors du temps. Mon entourage a trouvé nécessaire de m'hospitaliser.

  • Speaker #1

    Quel souvenir tu gardes ? On parlera de l'hospitalisation après, mais quel souvenir tu gardes de ce moment-là ? Ou peut-être aussi des autres phases hypomaniaques ? Qu'est-ce qui se passe en toi à ce moment-là ? Est-ce que tu es très mal ou est-ce qu'au contraire tu es très bien puisque ce que tu décris ? On a l'impression que tu perçois des choses et que ton cerveau va à une rapidité et à une vitesse auxquelles on n'a habituellement pas accès.

  • Speaker #0

    Alors la première hospitalisation, je l'ai très très mal vécue. Parce que je ne me rendais pas compte de l'importance et du... Je ne savais pas ce que c'était que des troubles bipolaires. Je connaissais très peu la maladie, je ne connaissais même pas. J'avais 30 ans, pour moi c'était un... Mon monde s'effondrait parce que pour moi, dans la vie, il faut être bien, en bonne santé. Et puis, les psychiatres dans ma famille, on ne connaissait pas, on ne savait pas à quoi ça servait. Donc, je me suis retrouvée dans un monde inconnu, vraiment inconnu. Et seule, et loin de mes enfants, en plus, de mes deux enfants, à ce moment-là. En revanche, les autres... Les phases hypomaniaques que j'ai rencontrées, il y en a certaines qui ont été très euphorisantes. Et c'est vrai que c'est des moments, on va dire, agréables, même si on sait que c'est dangereux, parce qu'on peut mal finir dans des hôpitaux. Il faut savoir que j'ai fréquenté différents hôpitaux, donc pas toujours le même encadrement et pas toujours la même attention.

  • Speaker #1

    Alors tu as fréquenté différents hôpitaux, ça veut dire qu'à partir du moment où le diagnostic est posé, où un traitement est mis en place, finalement il peut quand même arriver à nouveau des crises ?

  • Speaker #0

    Alors, le paradoxe du bipolaire, c'est qu'il a très très envie d'arrêter ses médicaments un jour. Donc quand il arrête ses médicaments, malheureusement ça ne dure pas très longtemps. Donc la base, c'est de garder toujours son traitement, qui est un traitement à base de lithium principalement. Et puis le bipolaire, il apprend de ses erreurs. Donc plus ça va, plus les crises sont espacées. Moi ça fait quatre ans que je suis en stabilité totale et j'en suis ravie et je remercie le lithium de m'apporter une vie normale où je peux travailler et m'occuper de mes enfants qui sont grands et m'occuper de moi surtout et faire attention à ma santé.

  • Speaker #1

    C'est intéressant ce que tu nous dis là, c'est qu'aujourd'hui tu considères, alors j'imagine qu'il ne faut pas dire que tu es guérie. Sinon, tu ne prendrais pas d'ithium. Mais en tout cas, tu as retrouvé l'équilibre que tu souhaitais. On peut dire ça ?

  • Speaker #0

    On peut dire ça. Et puis surtout, il faut savoir que lors de ma dernière hospitalisation, j'ai eu un peu de temps pour faire un stage avec des psychiatres, des infirmières, des psychologues, pendant une semaine, sur les troubles bipolaires avec des bipolaires. Et ça, c'était super. parce que j'ai rencontré des personnes qui vivent des troubles bipolaires, mais pas comme moi. Moi, j'étais celle qui faisait le plus d'état d'excitation. Et j'ai rencontré des gens qui étaient plutôt dans la dépression, mais vraiment noir noir. Par exemple, les envies de suicide, moi, ça ne m'a jamais effleuré l'esprit. Jamais, jamais, jamais. Voilà, moi, mon truc, c'est l'hypomanie.

  • Speaker #1

    Alors, on n'a pas l'image, mais... Quand il dit l'hippomanie, t'as un grand sourire avec des étoiles dans les yeux. J'ai vraiment envie que tu partages aussi justement ce que tu as pu vivre à tel ou tel épisode. Est-ce qu'il y a des moments où on a envie d'y retourner à ces endroits-là ?

  • Speaker #0

    Tu as bien trouvé les mots Laetitia. Oui, effectivement, on a envie d'y retourner, mais on sait que... On sait qu'après c'est dangereux parce que si on est hospitalisé, on ne sait pas dans quel hôpital on va se retrouver, on ne sait pas ce qu'on va faire. Alors je ne me suis jamais mise en danger, je n'ai jamais mis en danger personne. Ce n'est vraiment pas une maladie qui m'a rendue violente. Et cet état d'euphorie, oui j'ai le sourire parce que c'est un moment, c'est un sprint d'intelligence. Il se passe des choses dans le cerveau et on ne sait pas d'où ça vient. Après il y a... Il y a des choses un peu particulières, des voix, on entend un peu des voix, mais c'est vraiment à double tranchant.

  • Speaker #1

    C'est une sorte de shoot de super réalité ?

  • Speaker #0

    Certainement, oui. Certainement comme un shoot.

  • Speaker #1

    Et quand ça s'arrête ?

  • Speaker #0

    On est épuisé. On est épuisé, on a besoin de repos. En général, moi, en tout cas sur moi, j'ai une perte de poids fulgurante pendant le moment où je suis en crise. Et puis après, on retrouve le goût à la vie grâce à l'encadrement médical.

  • Speaker #1

    Vous savez, plusieurs fois que tu parles de cet encadrement médical et de différentes hospitalisations. C'est une confiance qu'il faut avoir parce qu'on peut entendre en tout cas une certaine défiance vis-à-vis de l'hôpital psychiatrique. Tu disais toi-même d'ailleurs que dans ta famille, les psychiatres, on ne savait pas très bien ce qu'ils faisaient. Ils devaient s'occuper des fous, mais ce n'est pas pour nous. Ton regard a changé là-dessus ou tu considères qu'on ne peut pas faire sans ?

  • Speaker #0

    Je pense qu'il faut vraiment faire confiance au traitement, même si au début on est shooté. Quand on arrive à l'hôpital, on est... On est bombardé de médicaments, on ne sait pas où on est, surtout les premières fois. C'est d'une violence extrême, on sent une injustice, on réfléchit, on se dit mais pourquoi je suis là ? La première fois que j'étais hospitalisée, j'ai voulu m'échapper, j'ai balancé mon sac par la fenêtre. Et un infirmier psychiatre m'a rattrapée, il m'a dit mais vous allez où là ? Et donc, il faut faire confiance, mais la première fois, c'est... De toute façon, les troubles bipolaires, il faut 10-12 ans pour être sûr du diagnostic. Donc à partir de là, si vous ne faites pas confiance à un moment donné aux psychiatres, parce que vous allez croiser des psychiatres qui vont vous dire Mais non, vous n'êtes pas bipolaire, on a tous des hauts et des bas ! Et puis vous allez croiser des gens qui vont vous dire Mais vous êtes bipolaire, mais vous êtes une bipolaire extraordinaire ! Parce que vous arrivez encore à travailler, vous avez eu des enfants, j'ai eu une grossesse sous traitement et tout a été bien suivi.

  • Speaker #1

    Et qui on a envie de croire justement quand on a un médecin qui vous dit Mais non, vous n'êtes pas bipolaire enfin madame, vous avez vu comme vous êtes en forme et tout ce que vous faites ?

  • Speaker #0

    Il faut croire en soi et puis se dire que finalement, même si ce traitement est pénible, parce qu'il est quotidien, il est là et il vous fait du bien. C'est une bouée de secours. Et puis, vous vous brossez les dents, vous prenez votre traitement, hop, basta.

  • Speaker #1

    Donc, ton entourage, Kate, comment ça s'est passé ? En 20 ans, j'imagine que les choses ont évolué. Est-ce que tu as eu du soutien ? Est-ce que tu en as voulu à ceux qui t'ont hospitalisé ? Voilà, ça fait beaucoup de questions, mais raconte-nous.

  • Speaker #0

    Les personnes qui ont senti que je pouvais être atteinte de troubles bipolaires étaient très proches de moi. Et je leur ai fait confiance. En revanche, mes parents et surtout ma mère ont toujours, toujours douté que j'étais bipolaire. Vraiment, encore maintenant, si vous lui demandez est-ce que Kate va prendre un traitement, elle va vous dire non. Pour elle, pour ma mère en tout cas, ça a toujours été un déni. En revanche, mes frères et sœurs ont été super présents tout au long de la maladie et sont super vigilants. Et là, depuis quatre ans que je suis stable, ils ont relâché la garde. Donc il ne faut pas que moi je lâche la garde. Je pourrais très bien dire, ok, vous pensez que je ne suis pas bipolaire. Ok, j'arrête le traitement. Ok, on se donne... Six mois, un an, et puis on verra. Peut-être même pas six mois, un an. Donc, qu'est-ce qu'on fait ? On prend le risque d'une nouvelle hospitalisation. Quand vous êtes à l'hôpital, vous n'êtes pas toujours avec des gens fréquentables. Ce n'est pas très agréable.

  • Speaker #1

    Donc on n'a pas envie d'y retourner en clair, l'hospite, c'est ce qu'on entend. Et du coup aujourd'hui, Kate, qu'est-ce que tu aurais envie de dire à quelqu'un dont un proche souffre de troubles bipolaires ? Qu'est-ce que tu aurais envie de lui souffler à l'oreille ?

  • Speaker #0

    Alors si la personne qui est atteinte de troubles bipolaires est vraiment diagnostiquée, ça veut dire qu'il y a un psychiatre derrière et il peut y avoir aussi un ensemble de personnes... qui œuvrent pour aider les bipolaires, comme à Bordeaux, comme à Toulouse, j'imagine dans beaucoup de grandes villes. Donc ça, c'est important. Et aller à des conférences, aller à des conférences de suivi des troubles, comment ça se manifeste. Moi, je connais très peu de personnes bipolaires parce que finalement, je suis dans un encadrement normal. Enfin, s'il faut dire normal ou pas normal. Moi je travaille, j'ai toujours travaillé, j'ai fréquenté des hôpitaux pour mes crises mais ça n'a jamais duré plus d'un mois. Et moi je pense qu'il faut aller vers ces conférences, les psychiatres qui connaissent bien la maladie et surtout suivent son traitement.

  • Speaker #1

    Et pour l'entourage ? Alors je vais dire même avant le diagnostic, quand son proche, que ce soit un enfant, un frère, un conjoint. Comment ça va avoir des propos incohérents ? Ce que tu nous as décrit tout à l'heure. Qu'est-ce qu'on fait ? Comment on réagit ? C'est quoi l'attitude pour être à la fois, rester proche et en même temps agir ? Parce qu'en fait, il faut agir.

  • Speaker #0

    Là, je te dirais, il faut demander aux personnes qui m'ont entourée. On est tellement... Je vais revenir à la personne qui est bipolaire. On est tellement plus soi-même. que pour l'entourage, c'est un questionnement compliqué. La meilleure des choses à faire, c'est de l'emmener à l'hôpital et puis de voir avec elle. Mais il y a tellement d'occasions de devenir bipolaire, si je puis dire, et tellement pour l'entourage d'hésitation et se dire qu'est-ce qu'elle me fait là, pourquoi elle parle de ça. Donc... Il faut du calme, beaucoup de calme. Et moi, je me souviens très bien d'une phrase de mon fils, d'un de mes fils, qui m'a dit repose-toi Quand je suis partie à l'hôpital, repose-toi, mais repose-toi

  • Speaker #1

    Alors du coup, Kate, tu t'en doutes. J'ai envie de te demander ce que tu dirais aujourd'hui. à des personnes qui viennent d'obtenir ce foutu diagnostic de troubles bipolaires. Qu'est-ce que tu as envie de leur dire ? Qu'est-ce que tu peux leur dire, surtout ?

  • Speaker #0

    Écoute, je prendrai le temps de les entendre, de parler. Je crois qu'une personne atteinte de troubles bipolaires, elle a besoin de parler, d'être entendue, de partager ses souffrances, ses états d'excitation, si c'est des phases hypomaniaques. principalement et puis lui dire qu'on est différent mais c'est extraordinaire d'être différent. C'est une force. Moi, à chaque hospitalisation ou après chaque hospitalisation, je me suis sentie plus forte dans la vie pour tout. Et puis moi, c'est un handicap invisible. Et donc, c'est comme un don. C'est-à-dire que vous êtes au boulot, mais personne ne sait que vous êtes bipolaire. Personne. Moi, jamais personne dans mon entourage professionnel n'a su que j'étais bipolaire. Et je pense que, vraiment, il ne faut pas en avoir honte.

  • Speaker #1

    Donc, par exemple, quand tu es au boulot, il t'arrive de te dire, Eh, vous ne le savez pas, mais en vrai...

  • Speaker #0

    Et je me marre. En revanche, il m'est arrivé d'avoir des collègues qui ont remarqué, parce que le lithium donne des tremblements. Et notamment à l'époque où je fumais vraiment des vraies cigarettes, j'avais vraiment des tremblements. Et j'avais des collègues qui me disaient, oh là là, pourquoi tu trembles comme ça ? Donc ça peut, voilà. Mais grâce à l'excuse de la cigarette, ça passait.

  • Speaker #1

    Une dernière question, Kate. Tes ressources. Parce que c'est quand même impressionnant, en fait, quand on échange avec toi, notamment sur ce que tu viens de dire. Il y a une force qui te tient debout. Quelles sont tes ressources, en fait, pour... J'ai envie de dire avoir traversé tout ça, mais continuer à traverser, en fait.

  • Speaker #0

    Alors, il va y avoir une ressource naturelle, on va dire, c'est le sommeil. Quand vous avez compris qu'il faut que votre cycle de sommeil soit tout le temps égal, c'est très important pour une personne atteinte de troubles bipolaires. Si vous commencez à vous réveiller à 4-5 heures du mat et que vous êtes en pleine forme et que vous avez envie de réveiller toute la maison, ce n'est pas bon signe. Donc je dirais ça, cette ressource naturelle qu'est le sommeil. Et ensuite, la famille. La famille, l'environnement, l'entourage, proches. ceux qui sont là à la rescousse quand ils voient que ça va pas. Et je peux vous dire que mes enfants veillent vraiment sur moi. C'est un petit peu, c'est pas tabou, mais ils savent que je le suis. Et c'est de temps en temps une petite remarque en disant Maman, t'es pas trop fatiguée ? Là, ça va aller. Tu t'es levé tôt ce matin, t'es sûre que ça va ? T'as dit ça ? Un trouble bipolaire, chez moi, on va toujours maintenant faire attention quand je rigole trop fort, alors que c'est mon caractère aussi, donc c'est compliqué. Mais il peut y avoir une suspicion quand je commence à faire trop de jeux de mots, quand je commence à faire trop d'activités cérébrales, etc. Là, tout le monde peut s'inquiéter, mais en ce moment, c'est under control. Quand quelqu'un dit à quelqu'un d'autre Kate est bipolaire Je le sens Et j'ai envie de dire écoutez je suis fière d'être bipolaire

  • Speaker #1

    C'était Gueule cachée épisode 1 Kate

  • Speaker #0

    Et je peux porter un autre regard sur les gens, sur la vie Je me sens différente mais sans le montrer ou si je le montre ça me fait rire de le montrer donc si vous êtes atteint de troubles bipolaires surtout soyez fiers

  • Speaker #1

    Guelcaché, un podcast de Laetitia Forgenarc création sonore et musicale Marine Anger pour le studio Sonia merci à celle qui s'est appelée Kate le temps de nous raconter son histoire merci à vous tous qui avez porté le projet participatif de cette série Vous pouvez retrouver un nouvel épisode tous les 15 jours sur toutes les plateformes et puis sur mon site internet laetitiaforgeaudarc.com

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"Un sprint d'intelligence"... voilà comment Kate décrit les épisodes qui la traversent...pour le meilleur ou pour le pire !

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Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    C'est un moment, c'est un sprint d'intelligence. Il se passe des choses dans le cerveau et on ne sait pas d'où ça vient. C'est l'inconnu.

  • Speaker #1

    Les gueules cachées, ce sont des personnes qui acceptent de vous raconter ce que vous ne voyez pas et qu'on ne veut pas toujours entendre. Gueules cachées, épisode 1, Kate. Je rencontre Kate dans un parc. Aujourd'hui, c'est une femme qui parle d'avant, qui parle d'après, qui parle de son travail, de sa famille. Chaque récit est singulier. Kate, elle, elle raconte comment les choses ont basculé et quand elles ont basculé.

  • Speaker #0

    À la suite d'une deuxième naissance, je suis devenue très fatiguée et puis je suis devenue... j'étais hors de contrôle. certaines fois. Et donc, j'ai été hospitalisée. J'avais déjà eu des prémices à la fin de l'adolescence. Et puis, en 2003, le diagnostic est tombé, trouble bipolaire. Vous allez prendre ce traitement à vie. Et là, c'est une deuxième vie qui commence. On a eu une première vie sans traitement, une première vie impeccable et puis une deuxième vie qui commence. On ne sait pas où on va. Donc, c'est l'inconnu. Il faut faire confiance aux médecins. La bipolarité, c'est ça. C'est des phases d'hypomanie où on est excité, en euphorie complète. On peut être spirituellement inspiré. On est dans un autre monde. On calcule hyper vite. Tout va très vite dans le cerveau. Et puis après, il y a une phase de dépression qui peut être très, très down. Moi j'ai toujours eu la chance de ne jamais trop descendre. Et en fait, quand il y a une crise, il y a souvent un événement à l'origine de la crise. Donc souvent ça peut être justement la naissance d'un enfant, un décès, il y a un choc qui se passe. Et il faut savoir que la maladie des troubles bipolaires c'est une maladie biologique. J'avais un discours complètement incompréhensible. Et puis il faut savoir que l'absence de sommeil, les mauvais sommeils sont favorisants à la maladie. Moi, je devenais incontrôlable. J'avais un discours qui n'était plus tellement intelligent. C'était hors du temps. Mon entourage a trouvé nécessaire de m'hospitaliser.

  • Speaker #1

    Quel souvenir tu gardes ? On parlera de l'hospitalisation après, mais quel souvenir tu gardes de ce moment-là ? Ou peut-être aussi des autres phases hypomaniaques ? Qu'est-ce qui se passe en toi à ce moment-là ? Est-ce que tu es très mal ou est-ce qu'au contraire tu es très bien puisque ce que tu décris ? On a l'impression que tu perçois des choses et que ton cerveau va à une rapidité et à une vitesse auxquelles on n'a habituellement pas accès.

  • Speaker #0

    Alors la première hospitalisation, je l'ai très très mal vécue. Parce que je ne me rendais pas compte de l'importance et du... Je ne savais pas ce que c'était que des troubles bipolaires. Je connaissais très peu la maladie, je ne connaissais même pas. J'avais 30 ans, pour moi c'était un... Mon monde s'effondrait parce que pour moi, dans la vie, il faut être bien, en bonne santé. Et puis, les psychiatres dans ma famille, on ne connaissait pas, on ne savait pas à quoi ça servait. Donc, je me suis retrouvée dans un monde inconnu, vraiment inconnu. Et seule, et loin de mes enfants, en plus, de mes deux enfants, à ce moment-là. En revanche, les autres... Les phases hypomaniaques que j'ai rencontrées, il y en a certaines qui ont été très euphorisantes. Et c'est vrai que c'est des moments, on va dire, agréables, même si on sait que c'est dangereux, parce qu'on peut mal finir dans des hôpitaux. Il faut savoir que j'ai fréquenté différents hôpitaux, donc pas toujours le même encadrement et pas toujours la même attention.

  • Speaker #1

    Alors tu as fréquenté différents hôpitaux, ça veut dire qu'à partir du moment où le diagnostic est posé, où un traitement est mis en place, finalement il peut quand même arriver à nouveau des crises ?

  • Speaker #0

    Alors, le paradoxe du bipolaire, c'est qu'il a très très envie d'arrêter ses médicaments un jour. Donc quand il arrête ses médicaments, malheureusement ça ne dure pas très longtemps. Donc la base, c'est de garder toujours son traitement, qui est un traitement à base de lithium principalement. Et puis le bipolaire, il apprend de ses erreurs. Donc plus ça va, plus les crises sont espacées. Moi ça fait quatre ans que je suis en stabilité totale et j'en suis ravie et je remercie le lithium de m'apporter une vie normale où je peux travailler et m'occuper de mes enfants qui sont grands et m'occuper de moi surtout et faire attention à ma santé.

  • Speaker #1

    C'est intéressant ce que tu nous dis là, c'est qu'aujourd'hui tu considères, alors j'imagine qu'il ne faut pas dire que tu es guérie. Sinon, tu ne prendrais pas d'ithium. Mais en tout cas, tu as retrouvé l'équilibre que tu souhaitais. On peut dire ça ?

  • Speaker #0

    On peut dire ça. Et puis surtout, il faut savoir que lors de ma dernière hospitalisation, j'ai eu un peu de temps pour faire un stage avec des psychiatres, des infirmières, des psychologues, pendant une semaine, sur les troubles bipolaires avec des bipolaires. Et ça, c'était super. parce que j'ai rencontré des personnes qui vivent des troubles bipolaires, mais pas comme moi. Moi, j'étais celle qui faisait le plus d'état d'excitation. Et j'ai rencontré des gens qui étaient plutôt dans la dépression, mais vraiment noir noir. Par exemple, les envies de suicide, moi, ça ne m'a jamais effleuré l'esprit. Jamais, jamais, jamais. Voilà, moi, mon truc, c'est l'hypomanie.

  • Speaker #1

    Alors, on n'a pas l'image, mais... Quand il dit l'hippomanie, t'as un grand sourire avec des étoiles dans les yeux. J'ai vraiment envie que tu partages aussi justement ce que tu as pu vivre à tel ou tel épisode. Est-ce qu'il y a des moments où on a envie d'y retourner à ces endroits-là ?

  • Speaker #0

    Tu as bien trouvé les mots Laetitia. Oui, effectivement, on a envie d'y retourner, mais on sait que... On sait qu'après c'est dangereux parce que si on est hospitalisé, on ne sait pas dans quel hôpital on va se retrouver, on ne sait pas ce qu'on va faire. Alors je ne me suis jamais mise en danger, je n'ai jamais mis en danger personne. Ce n'est vraiment pas une maladie qui m'a rendue violente. Et cet état d'euphorie, oui j'ai le sourire parce que c'est un moment, c'est un sprint d'intelligence. Il se passe des choses dans le cerveau et on ne sait pas d'où ça vient. Après il y a... Il y a des choses un peu particulières, des voix, on entend un peu des voix, mais c'est vraiment à double tranchant.

  • Speaker #1

    C'est une sorte de shoot de super réalité ?

  • Speaker #0

    Certainement, oui. Certainement comme un shoot.

  • Speaker #1

    Et quand ça s'arrête ?

  • Speaker #0

    On est épuisé. On est épuisé, on a besoin de repos. En général, moi, en tout cas sur moi, j'ai une perte de poids fulgurante pendant le moment où je suis en crise. Et puis après, on retrouve le goût à la vie grâce à l'encadrement médical.

  • Speaker #1

    Vous savez, plusieurs fois que tu parles de cet encadrement médical et de différentes hospitalisations. C'est une confiance qu'il faut avoir parce qu'on peut entendre en tout cas une certaine défiance vis-à-vis de l'hôpital psychiatrique. Tu disais toi-même d'ailleurs que dans ta famille, les psychiatres, on ne savait pas très bien ce qu'ils faisaient. Ils devaient s'occuper des fous, mais ce n'est pas pour nous. Ton regard a changé là-dessus ou tu considères qu'on ne peut pas faire sans ?

  • Speaker #0

    Je pense qu'il faut vraiment faire confiance au traitement, même si au début on est shooté. Quand on arrive à l'hôpital, on est... On est bombardé de médicaments, on ne sait pas où on est, surtout les premières fois. C'est d'une violence extrême, on sent une injustice, on réfléchit, on se dit mais pourquoi je suis là ? La première fois que j'étais hospitalisée, j'ai voulu m'échapper, j'ai balancé mon sac par la fenêtre. Et un infirmier psychiatre m'a rattrapée, il m'a dit mais vous allez où là ? Et donc, il faut faire confiance, mais la première fois, c'est... De toute façon, les troubles bipolaires, il faut 10-12 ans pour être sûr du diagnostic. Donc à partir de là, si vous ne faites pas confiance à un moment donné aux psychiatres, parce que vous allez croiser des psychiatres qui vont vous dire Mais non, vous n'êtes pas bipolaire, on a tous des hauts et des bas ! Et puis vous allez croiser des gens qui vont vous dire Mais vous êtes bipolaire, mais vous êtes une bipolaire extraordinaire ! Parce que vous arrivez encore à travailler, vous avez eu des enfants, j'ai eu une grossesse sous traitement et tout a été bien suivi.

  • Speaker #1

    Et qui on a envie de croire justement quand on a un médecin qui vous dit Mais non, vous n'êtes pas bipolaire enfin madame, vous avez vu comme vous êtes en forme et tout ce que vous faites ?

  • Speaker #0

    Il faut croire en soi et puis se dire que finalement, même si ce traitement est pénible, parce qu'il est quotidien, il est là et il vous fait du bien. C'est une bouée de secours. Et puis, vous vous brossez les dents, vous prenez votre traitement, hop, basta.

  • Speaker #1

    Donc, ton entourage, Kate, comment ça s'est passé ? En 20 ans, j'imagine que les choses ont évolué. Est-ce que tu as eu du soutien ? Est-ce que tu en as voulu à ceux qui t'ont hospitalisé ? Voilà, ça fait beaucoup de questions, mais raconte-nous.

  • Speaker #0

    Les personnes qui ont senti que je pouvais être atteinte de troubles bipolaires étaient très proches de moi. Et je leur ai fait confiance. En revanche, mes parents et surtout ma mère ont toujours, toujours douté que j'étais bipolaire. Vraiment, encore maintenant, si vous lui demandez est-ce que Kate va prendre un traitement, elle va vous dire non. Pour elle, pour ma mère en tout cas, ça a toujours été un déni. En revanche, mes frères et sœurs ont été super présents tout au long de la maladie et sont super vigilants. Et là, depuis quatre ans que je suis stable, ils ont relâché la garde. Donc il ne faut pas que moi je lâche la garde. Je pourrais très bien dire, ok, vous pensez que je ne suis pas bipolaire. Ok, j'arrête le traitement. Ok, on se donne... Six mois, un an, et puis on verra. Peut-être même pas six mois, un an. Donc, qu'est-ce qu'on fait ? On prend le risque d'une nouvelle hospitalisation. Quand vous êtes à l'hôpital, vous n'êtes pas toujours avec des gens fréquentables. Ce n'est pas très agréable.

  • Speaker #1

    Donc on n'a pas envie d'y retourner en clair, l'hospite, c'est ce qu'on entend. Et du coup aujourd'hui, Kate, qu'est-ce que tu aurais envie de dire à quelqu'un dont un proche souffre de troubles bipolaires ? Qu'est-ce que tu aurais envie de lui souffler à l'oreille ?

  • Speaker #0

    Alors si la personne qui est atteinte de troubles bipolaires est vraiment diagnostiquée, ça veut dire qu'il y a un psychiatre derrière et il peut y avoir aussi un ensemble de personnes... qui œuvrent pour aider les bipolaires, comme à Bordeaux, comme à Toulouse, j'imagine dans beaucoup de grandes villes. Donc ça, c'est important. Et aller à des conférences, aller à des conférences de suivi des troubles, comment ça se manifeste. Moi, je connais très peu de personnes bipolaires parce que finalement, je suis dans un encadrement normal. Enfin, s'il faut dire normal ou pas normal. Moi je travaille, j'ai toujours travaillé, j'ai fréquenté des hôpitaux pour mes crises mais ça n'a jamais duré plus d'un mois. Et moi je pense qu'il faut aller vers ces conférences, les psychiatres qui connaissent bien la maladie et surtout suivent son traitement.

  • Speaker #1

    Et pour l'entourage ? Alors je vais dire même avant le diagnostic, quand son proche, que ce soit un enfant, un frère, un conjoint. Comment ça va avoir des propos incohérents ? Ce que tu nous as décrit tout à l'heure. Qu'est-ce qu'on fait ? Comment on réagit ? C'est quoi l'attitude pour être à la fois, rester proche et en même temps agir ? Parce qu'en fait, il faut agir.

  • Speaker #0

    Là, je te dirais, il faut demander aux personnes qui m'ont entourée. On est tellement... Je vais revenir à la personne qui est bipolaire. On est tellement plus soi-même. que pour l'entourage, c'est un questionnement compliqué. La meilleure des choses à faire, c'est de l'emmener à l'hôpital et puis de voir avec elle. Mais il y a tellement d'occasions de devenir bipolaire, si je puis dire, et tellement pour l'entourage d'hésitation et se dire qu'est-ce qu'elle me fait là, pourquoi elle parle de ça. Donc... Il faut du calme, beaucoup de calme. Et moi, je me souviens très bien d'une phrase de mon fils, d'un de mes fils, qui m'a dit repose-toi Quand je suis partie à l'hôpital, repose-toi, mais repose-toi

  • Speaker #1

    Alors du coup, Kate, tu t'en doutes. J'ai envie de te demander ce que tu dirais aujourd'hui. à des personnes qui viennent d'obtenir ce foutu diagnostic de troubles bipolaires. Qu'est-ce que tu as envie de leur dire ? Qu'est-ce que tu peux leur dire, surtout ?

  • Speaker #0

    Écoute, je prendrai le temps de les entendre, de parler. Je crois qu'une personne atteinte de troubles bipolaires, elle a besoin de parler, d'être entendue, de partager ses souffrances, ses états d'excitation, si c'est des phases hypomaniaques. principalement et puis lui dire qu'on est différent mais c'est extraordinaire d'être différent. C'est une force. Moi, à chaque hospitalisation ou après chaque hospitalisation, je me suis sentie plus forte dans la vie pour tout. Et puis moi, c'est un handicap invisible. Et donc, c'est comme un don. C'est-à-dire que vous êtes au boulot, mais personne ne sait que vous êtes bipolaire. Personne. Moi, jamais personne dans mon entourage professionnel n'a su que j'étais bipolaire. Et je pense que, vraiment, il ne faut pas en avoir honte.

  • Speaker #1

    Donc, par exemple, quand tu es au boulot, il t'arrive de te dire, Eh, vous ne le savez pas, mais en vrai...

  • Speaker #0

    Et je me marre. En revanche, il m'est arrivé d'avoir des collègues qui ont remarqué, parce que le lithium donne des tremblements. Et notamment à l'époque où je fumais vraiment des vraies cigarettes, j'avais vraiment des tremblements. Et j'avais des collègues qui me disaient, oh là là, pourquoi tu trembles comme ça ? Donc ça peut, voilà. Mais grâce à l'excuse de la cigarette, ça passait.

  • Speaker #1

    Une dernière question, Kate. Tes ressources. Parce que c'est quand même impressionnant, en fait, quand on échange avec toi, notamment sur ce que tu viens de dire. Il y a une force qui te tient debout. Quelles sont tes ressources, en fait, pour... J'ai envie de dire avoir traversé tout ça, mais continuer à traverser, en fait.

  • Speaker #0

    Alors, il va y avoir une ressource naturelle, on va dire, c'est le sommeil. Quand vous avez compris qu'il faut que votre cycle de sommeil soit tout le temps égal, c'est très important pour une personne atteinte de troubles bipolaires. Si vous commencez à vous réveiller à 4-5 heures du mat et que vous êtes en pleine forme et que vous avez envie de réveiller toute la maison, ce n'est pas bon signe. Donc je dirais ça, cette ressource naturelle qu'est le sommeil. Et ensuite, la famille. La famille, l'environnement, l'entourage, proches. ceux qui sont là à la rescousse quand ils voient que ça va pas. Et je peux vous dire que mes enfants veillent vraiment sur moi. C'est un petit peu, c'est pas tabou, mais ils savent que je le suis. Et c'est de temps en temps une petite remarque en disant Maman, t'es pas trop fatiguée ? Là, ça va aller. Tu t'es levé tôt ce matin, t'es sûre que ça va ? T'as dit ça ? Un trouble bipolaire, chez moi, on va toujours maintenant faire attention quand je rigole trop fort, alors que c'est mon caractère aussi, donc c'est compliqué. Mais il peut y avoir une suspicion quand je commence à faire trop de jeux de mots, quand je commence à faire trop d'activités cérébrales, etc. Là, tout le monde peut s'inquiéter, mais en ce moment, c'est under control. Quand quelqu'un dit à quelqu'un d'autre Kate est bipolaire Je le sens Et j'ai envie de dire écoutez je suis fière d'être bipolaire

  • Speaker #1

    C'était Gueule cachée épisode 1 Kate

  • Speaker #0

    Et je peux porter un autre regard sur les gens, sur la vie Je me sens différente mais sans le montrer ou si je le montre ça me fait rire de le montrer donc si vous êtes atteint de troubles bipolaires surtout soyez fiers

  • Speaker #1

    Guelcaché, un podcast de Laetitia Forgenarc création sonore et musicale Marine Anger pour le studio Sonia merci à celle qui s'est appelée Kate le temps de nous raconter son histoire merci à vous tous qui avez porté le projet participatif de cette série Vous pouvez retrouver un nouvel épisode tous les 15 jours sur toutes les plateformes et puis sur mon site internet laetitiaforgeaudarc.com

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"Un sprint d'intelligence"... voilà comment Kate décrit les épisodes qui la traversent...pour le meilleur ou pour le pire !

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Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    C'est un moment, c'est un sprint d'intelligence. Il se passe des choses dans le cerveau et on ne sait pas d'où ça vient. C'est l'inconnu.

  • Speaker #1

    Les gueules cachées, ce sont des personnes qui acceptent de vous raconter ce que vous ne voyez pas et qu'on ne veut pas toujours entendre. Gueules cachées, épisode 1, Kate. Je rencontre Kate dans un parc. Aujourd'hui, c'est une femme qui parle d'avant, qui parle d'après, qui parle de son travail, de sa famille. Chaque récit est singulier. Kate, elle, elle raconte comment les choses ont basculé et quand elles ont basculé.

  • Speaker #0

    À la suite d'une deuxième naissance, je suis devenue très fatiguée et puis je suis devenue... j'étais hors de contrôle. certaines fois. Et donc, j'ai été hospitalisée. J'avais déjà eu des prémices à la fin de l'adolescence. Et puis, en 2003, le diagnostic est tombé, trouble bipolaire. Vous allez prendre ce traitement à vie. Et là, c'est une deuxième vie qui commence. On a eu une première vie sans traitement, une première vie impeccable et puis une deuxième vie qui commence. On ne sait pas où on va. Donc, c'est l'inconnu. Il faut faire confiance aux médecins. La bipolarité, c'est ça. C'est des phases d'hypomanie où on est excité, en euphorie complète. On peut être spirituellement inspiré. On est dans un autre monde. On calcule hyper vite. Tout va très vite dans le cerveau. Et puis après, il y a une phase de dépression qui peut être très, très down. Moi j'ai toujours eu la chance de ne jamais trop descendre. Et en fait, quand il y a une crise, il y a souvent un événement à l'origine de la crise. Donc souvent ça peut être justement la naissance d'un enfant, un décès, il y a un choc qui se passe. Et il faut savoir que la maladie des troubles bipolaires c'est une maladie biologique. J'avais un discours complètement incompréhensible. Et puis il faut savoir que l'absence de sommeil, les mauvais sommeils sont favorisants à la maladie. Moi, je devenais incontrôlable. J'avais un discours qui n'était plus tellement intelligent. C'était hors du temps. Mon entourage a trouvé nécessaire de m'hospitaliser.

  • Speaker #1

    Quel souvenir tu gardes ? On parlera de l'hospitalisation après, mais quel souvenir tu gardes de ce moment-là ? Ou peut-être aussi des autres phases hypomaniaques ? Qu'est-ce qui se passe en toi à ce moment-là ? Est-ce que tu es très mal ou est-ce qu'au contraire tu es très bien puisque ce que tu décris ? On a l'impression que tu perçois des choses et que ton cerveau va à une rapidité et à une vitesse auxquelles on n'a habituellement pas accès.

  • Speaker #0

    Alors la première hospitalisation, je l'ai très très mal vécue. Parce que je ne me rendais pas compte de l'importance et du... Je ne savais pas ce que c'était que des troubles bipolaires. Je connaissais très peu la maladie, je ne connaissais même pas. J'avais 30 ans, pour moi c'était un... Mon monde s'effondrait parce que pour moi, dans la vie, il faut être bien, en bonne santé. Et puis, les psychiatres dans ma famille, on ne connaissait pas, on ne savait pas à quoi ça servait. Donc, je me suis retrouvée dans un monde inconnu, vraiment inconnu. Et seule, et loin de mes enfants, en plus, de mes deux enfants, à ce moment-là. En revanche, les autres... Les phases hypomaniaques que j'ai rencontrées, il y en a certaines qui ont été très euphorisantes. Et c'est vrai que c'est des moments, on va dire, agréables, même si on sait que c'est dangereux, parce qu'on peut mal finir dans des hôpitaux. Il faut savoir que j'ai fréquenté différents hôpitaux, donc pas toujours le même encadrement et pas toujours la même attention.

  • Speaker #1

    Alors tu as fréquenté différents hôpitaux, ça veut dire qu'à partir du moment où le diagnostic est posé, où un traitement est mis en place, finalement il peut quand même arriver à nouveau des crises ?

  • Speaker #0

    Alors, le paradoxe du bipolaire, c'est qu'il a très très envie d'arrêter ses médicaments un jour. Donc quand il arrête ses médicaments, malheureusement ça ne dure pas très longtemps. Donc la base, c'est de garder toujours son traitement, qui est un traitement à base de lithium principalement. Et puis le bipolaire, il apprend de ses erreurs. Donc plus ça va, plus les crises sont espacées. Moi ça fait quatre ans que je suis en stabilité totale et j'en suis ravie et je remercie le lithium de m'apporter une vie normale où je peux travailler et m'occuper de mes enfants qui sont grands et m'occuper de moi surtout et faire attention à ma santé.

  • Speaker #1

    C'est intéressant ce que tu nous dis là, c'est qu'aujourd'hui tu considères, alors j'imagine qu'il ne faut pas dire que tu es guérie. Sinon, tu ne prendrais pas d'ithium. Mais en tout cas, tu as retrouvé l'équilibre que tu souhaitais. On peut dire ça ?

  • Speaker #0

    On peut dire ça. Et puis surtout, il faut savoir que lors de ma dernière hospitalisation, j'ai eu un peu de temps pour faire un stage avec des psychiatres, des infirmières, des psychologues, pendant une semaine, sur les troubles bipolaires avec des bipolaires. Et ça, c'était super. parce que j'ai rencontré des personnes qui vivent des troubles bipolaires, mais pas comme moi. Moi, j'étais celle qui faisait le plus d'état d'excitation. Et j'ai rencontré des gens qui étaient plutôt dans la dépression, mais vraiment noir noir. Par exemple, les envies de suicide, moi, ça ne m'a jamais effleuré l'esprit. Jamais, jamais, jamais. Voilà, moi, mon truc, c'est l'hypomanie.

  • Speaker #1

    Alors, on n'a pas l'image, mais... Quand il dit l'hippomanie, t'as un grand sourire avec des étoiles dans les yeux. J'ai vraiment envie que tu partages aussi justement ce que tu as pu vivre à tel ou tel épisode. Est-ce qu'il y a des moments où on a envie d'y retourner à ces endroits-là ?

  • Speaker #0

    Tu as bien trouvé les mots Laetitia. Oui, effectivement, on a envie d'y retourner, mais on sait que... On sait qu'après c'est dangereux parce que si on est hospitalisé, on ne sait pas dans quel hôpital on va se retrouver, on ne sait pas ce qu'on va faire. Alors je ne me suis jamais mise en danger, je n'ai jamais mis en danger personne. Ce n'est vraiment pas une maladie qui m'a rendue violente. Et cet état d'euphorie, oui j'ai le sourire parce que c'est un moment, c'est un sprint d'intelligence. Il se passe des choses dans le cerveau et on ne sait pas d'où ça vient. Après il y a... Il y a des choses un peu particulières, des voix, on entend un peu des voix, mais c'est vraiment à double tranchant.

  • Speaker #1

    C'est une sorte de shoot de super réalité ?

  • Speaker #0

    Certainement, oui. Certainement comme un shoot.

  • Speaker #1

    Et quand ça s'arrête ?

  • Speaker #0

    On est épuisé. On est épuisé, on a besoin de repos. En général, moi, en tout cas sur moi, j'ai une perte de poids fulgurante pendant le moment où je suis en crise. Et puis après, on retrouve le goût à la vie grâce à l'encadrement médical.

  • Speaker #1

    Vous savez, plusieurs fois que tu parles de cet encadrement médical et de différentes hospitalisations. C'est une confiance qu'il faut avoir parce qu'on peut entendre en tout cas une certaine défiance vis-à-vis de l'hôpital psychiatrique. Tu disais toi-même d'ailleurs que dans ta famille, les psychiatres, on ne savait pas très bien ce qu'ils faisaient. Ils devaient s'occuper des fous, mais ce n'est pas pour nous. Ton regard a changé là-dessus ou tu considères qu'on ne peut pas faire sans ?

  • Speaker #0

    Je pense qu'il faut vraiment faire confiance au traitement, même si au début on est shooté. Quand on arrive à l'hôpital, on est... On est bombardé de médicaments, on ne sait pas où on est, surtout les premières fois. C'est d'une violence extrême, on sent une injustice, on réfléchit, on se dit mais pourquoi je suis là ? La première fois que j'étais hospitalisée, j'ai voulu m'échapper, j'ai balancé mon sac par la fenêtre. Et un infirmier psychiatre m'a rattrapée, il m'a dit mais vous allez où là ? Et donc, il faut faire confiance, mais la première fois, c'est... De toute façon, les troubles bipolaires, il faut 10-12 ans pour être sûr du diagnostic. Donc à partir de là, si vous ne faites pas confiance à un moment donné aux psychiatres, parce que vous allez croiser des psychiatres qui vont vous dire Mais non, vous n'êtes pas bipolaire, on a tous des hauts et des bas ! Et puis vous allez croiser des gens qui vont vous dire Mais vous êtes bipolaire, mais vous êtes une bipolaire extraordinaire ! Parce que vous arrivez encore à travailler, vous avez eu des enfants, j'ai eu une grossesse sous traitement et tout a été bien suivi.

  • Speaker #1

    Et qui on a envie de croire justement quand on a un médecin qui vous dit Mais non, vous n'êtes pas bipolaire enfin madame, vous avez vu comme vous êtes en forme et tout ce que vous faites ?

  • Speaker #0

    Il faut croire en soi et puis se dire que finalement, même si ce traitement est pénible, parce qu'il est quotidien, il est là et il vous fait du bien. C'est une bouée de secours. Et puis, vous vous brossez les dents, vous prenez votre traitement, hop, basta.

  • Speaker #1

    Donc, ton entourage, Kate, comment ça s'est passé ? En 20 ans, j'imagine que les choses ont évolué. Est-ce que tu as eu du soutien ? Est-ce que tu en as voulu à ceux qui t'ont hospitalisé ? Voilà, ça fait beaucoup de questions, mais raconte-nous.

  • Speaker #0

    Les personnes qui ont senti que je pouvais être atteinte de troubles bipolaires étaient très proches de moi. Et je leur ai fait confiance. En revanche, mes parents et surtout ma mère ont toujours, toujours douté que j'étais bipolaire. Vraiment, encore maintenant, si vous lui demandez est-ce que Kate va prendre un traitement, elle va vous dire non. Pour elle, pour ma mère en tout cas, ça a toujours été un déni. En revanche, mes frères et sœurs ont été super présents tout au long de la maladie et sont super vigilants. Et là, depuis quatre ans que je suis stable, ils ont relâché la garde. Donc il ne faut pas que moi je lâche la garde. Je pourrais très bien dire, ok, vous pensez que je ne suis pas bipolaire. Ok, j'arrête le traitement. Ok, on se donne... Six mois, un an, et puis on verra. Peut-être même pas six mois, un an. Donc, qu'est-ce qu'on fait ? On prend le risque d'une nouvelle hospitalisation. Quand vous êtes à l'hôpital, vous n'êtes pas toujours avec des gens fréquentables. Ce n'est pas très agréable.

  • Speaker #1

    Donc on n'a pas envie d'y retourner en clair, l'hospite, c'est ce qu'on entend. Et du coup aujourd'hui, Kate, qu'est-ce que tu aurais envie de dire à quelqu'un dont un proche souffre de troubles bipolaires ? Qu'est-ce que tu aurais envie de lui souffler à l'oreille ?

  • Speaker #0

    Alors si la personne qui est atteinte de troubles bipolaires est vraiment diagnostiquée, ça veut dire qu'il y a un psychiatre derrière et il peut y avoir aussi un ensemble de personnes... qui œuvrent pour aider les bipolaires, comme à Bordeaux, comme à Toulouse, j'imagine dans beaucoup de grandes villes. Donc ça, c'est important. Et aller à des conférences, aller à des conférences de suivi des troubles, comment ça se manifeste. Moi, je connais très peu de personnes bipolaires parce que finalement, je suis dans un encadrement normal. Enfin, s'il faut dire normal ou pas normal. Moi je travaille, j'ai toujours travaillé, j'ai fréquenté des hôpitaux pour mes crises mais ça n'a jamais duré plus d'un mois. Et moi je pense qu'il faut aller vers ces conférences, les psychiatres qui connaissent bien la maladie et surtout suivent son traitement.

  • Speaker #1

    Et pour l'entourage ? Alors je vais dire même avant le diagnostic, quand son proche, que ce soit un enfant, un frère, un conjoint. Comment ça va avoir des propos incohérents ? Ce que tu nous as décrit tout à l'heure. Qu'est-ce qu'on fait ? Comment on réagit ? C'est quoi l'attitude pour être à la fois, rester proche et en même temps agir ? Parce qu'en fait, il faut agir.

  • Speaker #0

    Là, je te dirais, il faut demander aux personnes qui m'ont entourée. On est tellement... Je vais revenir à la personne qui est bipolaire. On est tellement plus soi-même. que pour l'entourage, c'est un questionnement compliqué. La meilleure des choses à faire, c'est de l'emmener à l'hôpital et puis de voir avec elle. Mais il y a tellement d'occasions de devenir bipolaire, si je puis dire, et tellement pour l'entourage d'hésitation et se dire qu'est-ce qu'elle me fait là, pourquoi elle parle de ça. Donc... Il faut du calme, beaucoup de calme. Et moi, je me souviens très bien d'une phrase de mon fils, d'un de mes fils, qui m'a dit repose-toi Quand je suis partie à l'hôpital, repose-toi, mais repose-toi

  • Speaker #1

    Alors du coup, Kate, tu t'en doutes. J'ai envie de te demander ce que tu dirais aujourd'hui. à des personnes qui viennent d'obtenir ce foutu diagnostic de troubles bipolaires. Qu'est-ce que tu as envie de leur dire ? Qu'est-ce que tu peux leur dire, surtout ?

  • Speaker #0

    Écoute, je prendrai le temps de les entendre, de parler. Je crois qu'une personne atteinte de troubles bipolaires, elle a besoin de parler, d'être entendue, de partager ses souffrances, ses états d'excitation, si c'est des phases hypomaniaques. principalement et puis lui dire qu'on est différent mais c'est extraordinaire d'être différent. C'est une force. Moi, à chaque hospitalisation ou après chaque hospitalisation, je me suis sentie plus forte dans la vie pour tout. Et puis moi, c'est un handicap invisible. Et donc, c'est comme un don. C'est-à-dire que vous êtes au boulot, mais personne ne sait que vous êtes bipolaire. Personne. Moi, jamais personne dans mon entourage professionnel n'a su que j'étais bipolaire. Et je pense que, vraiment, il ne faut pas en avoir honte.

  • Speaker #1

    Donc, par exemple, quand tu es au boulot, il t'arrive de te dire, Eh, vous ne le savez pas, mais en vrai...

  • Speaker #0

    Et je me marre. En revanche, il m'est arrivé d'avoir des collègues qui ont remarqué, parce que le lithium donne des tremblements. Et notamment à l'époque où je fumais vraiment des vraies cigarettes, j'avais vraiment des tremblements. Et j'avais des collègues qui me disaient, oh là là, pourquoi tu trembles comme ça ? Donc ça peut, voilà. Mais grâce à l'excuse de la cigarette, ça passait.

  • Speaker #1

    Une dernière question, Kate. Tes ressources. Parce que c'est quand même impressionnant, en fait, quand on échange avec toi, notamment sur ce que tu viens de dire. Il y a une force qui te tient debout. Quelles sont tes ressources, en fait, pour... J'ai envie de dire avoir traversé tout ça, mais continuer à traverser, en fait.

  • Speaker #0

    Alors, il va y avoir une ressource naturelle, on va dire, c'est le sommeil. Quand vous avez compris qu'il faut que votre cycle de sommeil soit tout le temps égal, c'est très important pour une personne atteinte de troubles bipolaires. Si vous commencez à vous réveiller à 4-5 heures du mat et que vous êtes en pleine forme et que vous avez envie de réveiller toute la maison, ce n'est pas bon signe. Donc je dirais ça, cette ressource naturelle qu'est le sommeil. Et ensuite, la famille. La famille, l'environnement, l'entourage, proches. ceux qui sont là à la rescousse quand ils voient que ça va pas. Et je peux vous dire que mes enfants veillent vraiment sur moi. C'est un petit peu, c'est pas tabou, mais ils savent que je le suis. Et c'est de temps en temps une petite remarque en disant Maman, t'es pas trop fatiguée ? Là, ça va aller. Tu t'es levé tôt ce matin, t'es sûre que ça va ? T'as dit ça ? Un trouble bipolaire, chez moi, on va toujours maintenant faire attention quand je rigole trop fort, alors que c'est mon caractère aussi, donc c'est compliqué. Mais il peut y avoir une suspicion quand je commence à faire trop de jeux de mots, quand je commence à faire trop d'activités cérébrales, etc. Là, tout le monde peut s'inquiéter, mais en ce moment, c'est under control. Quand quelqu'un dit à quelqu'un d'autre Kate est bipolaire Je le sens Et j'ai envie de dire écoutez je suis fière d'être bipolaire

  • Speaker #1

    C'était Gueule cachée épisode 1 Kate

  • Speaker #0

    Et je peux porter un autre regard sur les gens, sur la vie Je me sens différente mais sans le montrer ou si je le montre ça me fait rire de le montrer donc si vous êtes atteint de troubles bipolaires surtout soyez fiers

  • Speaker #1

    Guelcaché, un podcast de Laetitia Forgenarc création sonore et musicale Marine Anger pour le studio Sonia merci à celle qui s'est appelée Kate le temps de nous raconter son histoire merci à vous tous qui avez porté le projet participatif de cette série Vous pouvez retrouver un nouvel épisode tous les 15 jours sur toutes les plateformes et puis sur mon site internet laetitiaforgeaudarc.com

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