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Gueules cachées

Troubles frontières

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24min |20/11/2024|

160

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Description

Borderline...TCA...TS... Quand les diagnostiques s’emmêlent! Justine raconte. Elle rappelle qu'au cœur de cet imbroglio reste le combat d'une personne... et que, pas seule c'est mieux!

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Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Alors je me bats contre moi clairement, pour moi aussi et surtout pour mon entourage.

  • Speaker #1

    Les gueules cachées, ce sont des personnes qui acceptent de vous raconter ce que vous ne voyez pas et qu'on ne veut pas toujours entendre.

  • Speaker #0

    En fait je reste pour eux quand ça va pas, je reste pas pour un moment. Mais je me bats clairement contre moi parce que ces humeurs je les contrôle pas forcément.

  • Speaker #1

    Gueule cachée. Épisode 4, Justine. Borderline, voilà bien un terme utilisé sans aucune conscience des souffrances qu'il recouvre lorsque c'est un diagnostic. Ici, je vous parlais de troubles du tempérament limite. C'est plus clair ? Alors avec Justine, devant un café, on en parle.

  • Speaker #0

    Par rapport à la santé mentale, pour moi ça m'inspire le fait que c'est encore très tabou et quand on a des soucis, des pathologies ou autres, on doit encore se cacher pour ne pas être stigmatisé. C'est toujours compliqué en fait, on a l'impression qu'il ne faut pas qu'on le dise parce que sinon les autres vont nous catégoriser là-dedans et vont nous voir que comme ça, malades, tout simplement.

  • Speaker #1

    Et toi, tu ne te sens pas malade ?

  • Speaker #0

    Si, moi j'ai encore un problème là-dessus. J'ai l'impression de vivre que par rapport à mes pathologies et de ne pas avoir d'autres activités autour et d'être que ça. C'est un travail à faire clairement et je sais que ça va être long, mais c'est important de le faire parce que je ne suis pas que malade, je suis aussi juste un être humain à part entière.

  • Speaker #1

    Alors Justine, est-ce que tu as des souvenirs d'avant que tout ça, et on va définir un peu tranquillement le ça, avant que tout ça ne commence ? C'était qui Justine ?

  • Speaker #0

    J'ai très très peu de souvenirs de mon enfance à part des traumatismes. Mais en gros ça a commencé quand j'étais au collège. Mais avant ça non, je ne me souviens pas. J'ai que les dires de mes proches.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce qui s'est passé au collège du coup ?

  • Speaker #0

    J'ai commencé à développer des TCA, donc troubles des conduites alimentaires. Et comme j'étais harcelée en fait pendant... Toute la durée de mon collège, ça s'est empiré avec les années.

  • Speaker #1

    On peut définir en quoi consiste ce harcèlement ? C'est un harcèlement qui trouve sa place, qui se joue dans le théâtre du collège ?

  • Speaker #0

    J'ai l'impression que c'est assez commun maintenant le harcèlement à l'école. Et en fait, il n'y a pas vraiment de raison. C'est juste un groupe d'enfants qui traumatise un groupe d'enfants.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu peux nous décrire ce qui se passe à ce moment-là ? Donc tu as 11, 12, 13 ans, 14 ans ?

  • Speaker #0

    On se sent un peu perdu, on se sent aussi assez seul, on ne sait pas pourquoi ça nous arrive. Et c'est juste hyper compliqué à vivre parce qu'on peut avoir du mal à en parler à la famille aussi. On change de comportement, nos proches ne comprennent pas forcément pourquoi. Et ça peut durer hyper longtemps en plus.

  • Speaker #1

    Tu es un peu sous cloche ou dans une bulle ?

  • Speaker #0

    Totalement. Mes profs ont toujours dit que j'étais dans ma bulle d'ailleurs.

  • Speaker #1

    Et tu souhaites y rester à ce moment-là, dans cette bulle, où tu as envie d'en sortir mais ce n'est pas possible. En quoi est-ce que, pardon ça fait trois questions, en quoi est-ce que la réponse trouble de conduite alimentaire est une réponse à ça ?

  • Speaker #0

    En fait, je n'ai pas le choix, je suis obligée de rester dans ma bulle parce que c'est trop douloureux à vivre. Donc j'essaie de trouver des petits échappatoires. Pendant un moment, c'était la lecture. Et en fait, les TCA ont commencé à se développer et je me suis réfugiée littéralement dans la nourriture pour manger un peu mes émotions, on va dire. Et comme aussi je me sentais vide, donc je mangeais pour me remplir. C'était un peu délicat à gérer.

  • Speaker #1

    Concrètement, manger pour se remplir, pour des gens qui ne connaissent pas du tout cette pratique, en fait, tu te plantes devant le frigo, tu le vides, qu'est-ce qui se passe ?

  • Speaker #0

    C'est ça, je faisais des crises d'hyperphagie, donc c'est manger énormément, très vite, et très souvent en se cachant. Donc vraiment, c'était ça, je vidais les placards le plus vite possible, j'essayais qu'on ne me voit pas. Donc c'était juste se remplir, c'était manger pour manger, même pas... pour le plaisir ou quoi, il fallait manger. Il n'y avait pas d'autre solution à ce moment-là.

  • Speaker #1

    Comment est-ce que tu as été rejointe, peut-être aidée à ce moment-là ? Comment on sort de ça en fait ?

  • Speaker #0

    Pour les TCA, à cette époque, je n'ai pas du tout été aidée parce que je n'en parlais pas. Et en fait, je ne savais même pas ce que c'était. Et encore aujourd'hui, j'en ai toujours en fait. Ça a un peu changé, j'ai fait de la boulimie aussi. Ça a évolué. Mais je n'en suis toujours pas sortie, malheureusement.

  • Speaker #1

    Donc c'est un process.

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça. On travaille dessus, mais c'est compliqué et douloureux.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'il y a aussi des phases dépressives dans ces épisodes de remplissage ?

  • Speaker #0

    Les phases dépressives, ça a commencé quand j'étais au lycée. Avant, je ne savais pas trop comment caractériser ça. Au collège, je n'étais pas bien à cause du harcèlement. J'étais déprimée, mais je pense qu'on ne peut pas vraiment parler de dépression. Par contre, au lycée, j'ai fait une vraie phase dépressive où je m'isolais beaucoup. Je voulais plus avoir trop de contacts avec mes amis, il y a eu le début des scarifications, j'ai fait une tentative de suicide à 16 ans. Voilà, donc ça a été très compliqué, en plus des TCA.

  • Speaker #1

    C'est possible d'en parler de ce moment où tu t'es dit je vais me foutre en l'air

  • Speaker #0

    Oui, bien sûr. En gros, j'étais vraiment vraiment mal, ça allait pas trop à l'école, je décroche un petit peu. J'étais pas une mauvaise élève, mais... Ma moyenne chutait clairement. Et à la maison, ça n'allait pas non plus avec ma mère. Et je suis arrivée à un stade où je me suis dit, mais pourquoi continuer de vivre ? Je ne fais que souffrir, je pleure tout le temps, j'ai du mal avec mon sommeil. Je ne comprenais pas ce qui se passait et je n'arrivais pas vraiment à mettre de mots dessus. Et un jour, j'ai essayé de sauter d'un pont. J'étais avec des amis en plus et à mon retenue. Et je ne savais même pas quoi faire. Je ne savais pas s'il fallait appeler les pompiers. C'était très compliqué. Et au final, on est juste rentrés et on n'en a jamais vraiment reparlé. Donc j'ai mis ça derrière moi en me disant, ok, c'est comme ça, c'est passé, tant pis, on passe à autre chose.

  • Speaker #1

    Ça s'est représenté ou pas, ce genre d'impératif d'en finir, d'arrêter ?

  • Speaker #0

    Oui, j'ai fait une OTS quand j'ai été hospitalisée à Metz, à ma première hospice. En fait, on ne savait pas trop ce que j'avais, donc on ne savait pas comment me canaliser non plus. J'avais des moments où j'étais très euphorique et triste en même temps, en fait, en état mixte de la bipolarité. Mais on ne le savait pas encore. Et un soir, la veille de ma dernière épreuve de BTS en plus, je me suis dit, en fait, non, j'en ai marre, donc ça suffit. Et j'ai essayé de me pendre à l'hôpital.

  • Speaker #1

    Manifestement, ça n'a pas marché.

  • Speaker #0

    Non, en fait, au moment où je voulais...... faire le truc on va dire, il y a un enfermé qui est rentré. Donc il a arrêté tout le processus, il a contacté un psychiatre, on m'a donné des médicaments, après le lendemain matin mon psychiatre est venu, les choses se sont un peu réglées comme ça, mais c'était compliqué parce que on n'arrivait pas à mettre de mots vraiment dessus encore. On m'a posé le diagnostic bipolaire en fait à ma deuxième hospice parce que je suis revenue pour une dépression mélancolique. Donc c'est que là que je me suis dit Ah ouais, en fait, il y a quelque chose derrière. Ok, maintenant je comprends pourquoi j'agis comme ça. Avant, j'avais juste l'impression d'être bizarre. Maintenant, je sais en fait, j'arrive à mettre des mots sur ce qui m'arrive.

  • Speaker #1

    S'il n'y a pas ces mots, c'est plus compliqué.

  • Speaker #0

    Je pense que c'est plus compliqué s'il n'y a pas ces mots, parce qu'on se dit juste qu'il y a quelque chose qui déconne chez nous, mais on ne sait pas vraiment quoi, et donc c'est compliqué d'en parler, parce qu'on ne sait pas comment amener les choses, alors que quand on a un diagnostic, on va consulter pour ça. Donc on sait pourquoi on est là. Quand on n'a pas encore de diagnostic, ou juste on peut traverser une phase comme un burn-out ou autre, je trouve que c'est plus difficile d'amener les choses auprès des professionnels, parce qu'on ne sait même pas si on va être pris au sérieux. Donc c'est vraiment délicat.

  • Speaker #1

    Est-ce que finalement la décision de poser un acte, que ce soit de sauter d'un pont ou de se pendre à l'hôpital, ça c'était une façon d'être prise au sérieux ?

  • Speaker #0

    Pas vraiment, c'était juste un ras-le-bol de la situation où j'avais l'impression que je faisais que souffrir et que ça n'allait jamais s'arranger. Donc je me disais en fait, tant pis, j'arrête tout et au moins j'arrêterai de souffrir. C'était surtout ça, je voulais arrêter de souffrir. Et ça s'est représenté un peu plus tard avec des prises de médicaments. En fait, je voulais juste que tout s'arrête, que ma tête arrête de tourner finalement.

  • Speaker #1

    Tu as parlé déjà de plusieurs choses, de TCA, de phase de dépression, de diagnostic de bipolarité. En fait, il va y avoir d'autres mots encore posés ensuite.

  • Speaker #0

    Oui, on va me diagnostiquer un trouble borderline. Ça, je l'ai appris... à ma dernière hospice à Metz et là je me suis dit ok mais en fait il y a tout qui me tombe dessus ça fait beaucoup quand même à gérer et j'étais complètement perdue parce que je savais plus Mes actes, mes pensées, je ne savais plus si c'était lié au trouble bipolaire ou au trouble borderline. C'était hyper compliqué à gérer. Même encore maintenant, des fois, il y a des choses, je ne sais pas trop, si j'ai des petits pics d'euphorie, je ne sais pas si c'est le début d'un état mixte ou si c'est juste le trouble borderline. En fait, j'apprends encore, ça fait un an, deux ans, et j'apprends encore sur ces maladies-là.

  • Speaker #1

    Alors j'entends que tu dis que c'est juste le trouble borderline. Pour toi, c'est moins grave. En fait, c'est quoi un trouble borderline ? Pour toi ?

  • Speaker #0

    Pour moi, le trouble borderline, c'est ne pas savoir gérer ses émotions. Avoir des émotions qui sont assez exacerbées. On peut avoir des comportements autodommageables, donc se faire du mal, scarification, alcool, il y a vraiment plein de choses. Et tout est très fort si on se met en colère, on est très en colère. Si on est triste, on est très triste. On peut avoir des pics d'euphorie. On ne sait pas gérer nos émotions, en fait. Donc il faut qu'on apprenne à les gérer. Et ça, c'est tout un travail à faire.

  • Speaker #1

    C'est un travail qui te motive ou qui t'épuise ? Ou autre chose ?

  • Speaker #0

    Au début, ça m'épuisait parce que je me disais, en fait, j'ai déjà beaucoup de choses à gérer, les TCA, le trouble bipolaire, et là on me dit, en plus t'as un trouble borderline, ok, ça fait beaucoup. Donc c'est assez épuisant. En plus, ça prend beaucoup de temps, donc au début j'étais très découragée, j'étais même désespérée en fait. Et maintenant ça va un peu mieux grâce aux thérapies. Donc j'ai un peu plus d'espoir, mais au tout début j'étais... complètement désespérée, j'avais l'impression que ça ne bougerait jamais.

  • Speaker #1

    J'ai envie qu'on revienne sur ce que tu appelles les comportements autodommageables. C'est étonnant parce qu'en fait on entend des termes qu'on peut lire dans un bouquin et moi j'aimerais bien que tu nous les transcrives façon Justine. C'est quoi un comportement autodommageable ? Et c'est tellement incongru de se dire... Pourquoi tu fais ça ? Qu'est-ce qui pousse à un comportement autodommageable ?

  • Speaker #0

    En fait, le principe du comportement autodommageable, c'est de se faire du mal. Pour moi, ça a été les scarifications notamment, aussi se frapper la tête contre un mur ou des choses comme ça. En fait, comme je souffrais mentalement, je voulais transcrire la douleur pour la faire passer physiquement. Et donc pour que ça change de camp, entre guillemets, et pour penser à autre chose. Ça marchait, sauf que c'est aussi un engrenage, ça devient un peu comme une addiction, on a du mal à s'en passer. Donc c'est hyper douloureux aussi, et ma mentale est physique.

  • Speaker #1

    Tu nous dis que tu travailles beaucoup là-dessus. En quoi il consiste ce travail justement ?

  • Speaker #0

    Parler de ses traumatismes, parler de comment on vit les choses, essayer de trouver des outils pour gérer les moments de crise, se livrer auprès des professionnels, ce qui peut être compliqué, écouter leurs conseils aussi, faire un gros travail sur soi-même. En fait, c'est déconstruire tout ce qu'on pense pour reconstruire d'une manière saine.

  • Speaker #1

    Mais dans cette reconstruction, il faut que ça t'appartienne en fait, parce que déconstruire tout ce qu'on pense, ça nécessite aussi d'adhérer à ce qu'on va reconstruire à côté.

  • Speaker #0

    Oui, il y a des gens chez qui ça ne marche pas parce que ce n'est pas une question de volonté en fait, c'est juste que des fois c'est très très douloureux de changer les choses parce qu'on est habitué à ce qu'on fait et pour nous c'est la seule solution, c'est de vivre comme ça. Donc le fait de dire maintenant on change tout et... On arrête de se faire du mal, à la place, on met une poche de froid dans la nuque. C'est tout un schéma qui est totalement différent. Donc en fait, il faut apprendre à changer ça. Mais c'est aussi très douloureux parce que moi, j'avais l'impression que ce que je faisais, c'était mauvais. C'est quand même le cas, se faire du mal, ce n'est pas terrible. Et donc on se dit, en fait, il y a une bonne solution, il faut aller vers là. Mais c'est un schéma qui est hyper compliqué vers lequel on tendre au final.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu te rends compte objectivement de l'exploit que tu mènes, au sens où tout un chacun a des choses qu'il a envie de changer en lui ? Ça peut être arrêter de fumer, ça peut être arrêter d'être en retard, ça peut être toutes sortes de bricoles si j'ose dire. Est-ce que toi tu te rends compte que toi tu le fais et tu vas y arriver ? Est-ce que tu te rends compte que c'est quand même de l'ordre de l'exploit ?

  • Speaker #0

    Au début non. C'était surtout grâce à mes proches parce que c'est eux qui me disaient qu'ils voyaient un grand changement, que j'allais quand même mieux. Mais moi je me disais toujours mais en fait c'est pas assez, je vais pas assez bien encore, je veux que ce soit encore encore mieux. Donc j'avais l'impression d'avancer mais tellement doucement alors qu'en fait non, j'ai énormément avancé. Maintenant, je le vois. Mais au tout début, c'était que grâce à mes proches que je voyais le changement.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce qui a compté justement ? Alors, tu nous en dis un petit peu en parlant de tes proches. Qu'est-ce qui a compté et qu'est-ce qui compte encore pour tenir là-dedans, pour faire des choix ? Parce que j'imagine qu'il y en a à faire. Qu'est-ce qui compte le plus ?

  • Speaker #0

    c'est le soutien qu'on peut avoir autour de nous. Que ce soit familial, amical, amoureux, médical aussi. On a vraiment besoin de soutien, on a besoin de se sentir entendu. Que les gens essaient de nous comprendre parce qu'ils ne pourront jamais vraiment nous comprendre parce qu'ils ne vivent pas les choses. Mais au moins qu'ils essaient de nous comprendre, ne pas être jugés aussi. Parce qu'on a tendance à être énormément jugés par le monde extérieur, entre guillemets. On a besoin d'énormément de soutien, de sentir qu'on vaut quelque chose aussi pour les autres. Essayer de trouver de la force pour traverser toutes les épreuves, ce qui est très compliqué aussi parce que quand on est désespéré, on ne sait plus quoi faire. Donc essayer de se dire que ça va aller mieux, avoir de l'espoir en fait. Mais ce n'est vraiment pas facile d'en avoir quand on est dans des situations très délicates.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'il y a des choses concrètes ? Aller voir quelque chose de beau,

  • Speaker #0

    aller se promener,

  • Speaker #1

    tout ça est très dérisoire.

  • Speaker #0

    Je pense qu'il faut qu'on essaie d'avoir des petits moments de plaisir, de continuer en fait, d'avoir des petits moments de plaisir, donc en allant au cinéma, en allant prendre un café avec un ami. des petites choses comme ça, mais pareil c'est compliqué parce que quand on est en dépression par exemple, on n'a pas envie de voir des gens, on n'a pas envie de sortir, en fait on a envie de rester dans son lit et de pleurer littéralement. Donc il faut essayer de continuer d'avoir ces petits moments qui nous font du bien, il faut tenir là dessus. Je crois que c'est les choses auxquelles il faut qu'on s'accroche mais des fois on n'a juste pas envie, on n'a pas la force.

  • Speaker #1

    Tu parles de dépression, effectivement c'est pour le coup un terme qui est plus connu que les autres termes que tu as employés, qui est peut-être aussi galvaudé. Tout à l'heure tu as bien fait la distinction entre ce que tu as pu traverser au collège en disant qu'il y avait des moments, tu avais une déprime. C'est quoi la différence pour toi entre une déprime et vraiment un épisode dépressif ?

  • Speaker #0

    La déprime c'est quelque chose qui ne va pas durer forcément très longtemps, alors que la dépression ça peut durer des mois voire des années. Et en dépression, on se voit vraiment au fond du gouffre, on a l'impression qu'on ne pourra jamais se relever de ça. Beaucoup, beaucoup d'idées noires. Et on se dit, mais en fait, c'est fini. On va juste vivre comme ça toute notre vie. Aucun espoir, on a perdu tout espoir. Ce sera comme ça et on veut juste que tout s'arrête aussi. Après, ça dépend un peu des gens aussi, parce que... Moi, je faisais des dépressions mélancoliques. Donc, c'est vraiment être au fond du trou, mais on continue de creuser, en gros. Donc, c'était vraiment très, très compliqué. Je me souviens, une fois, j'étais dans mon appartement à Metz. J'étais toute seule. En fait, je devais faire un trajet de ma chambre à la cuisine, vraiment quelques mètres. Et en fait, je me suis retrouvée au milieu, donc entre ma chambre et la cuisine. Je n'avais plus d'énergie pour marcher. Et en fait, je me suis juste... allongée par terre et j'ai pas bougé pendant je sais pas combien de temps parce que j'avais même plus la force de marcher finalement donc maintenant ça va mieux mais à ces moments là j'avais qu'une envie c'était de mourir en fait.

  • Speaker #1

    Et à nouveau qu'est ce qui fait que tu as été jusqu'à la cuisine en fait ?

  • Speaker #0

    Honnêtement je sais même plus si je suis allume ou si je suis retournée dans mon lit ou pas Mais on essaie de trouver un peu de force en se disant Allez, on se motive juste pour ça. On essaie de faire des petits pas pour avancer. Des fois, c'est des tout petits pas, mais c'est quand même important parce qu'on avance un petit peu quand même. C'est ça qu'il faut essayer de faire. C'est vraiment petit pas par petit pas. Ne pas se fixer des gros objectifs parce qu'on va penser qu'on ne pourra jamais les atteindre. Alors que de se dire, aujourd'hui, j'essaie de sortir de mon lit, par exemple, pour aller sur le canapé ou des choses comme ça, c'est vraiment des petits pas, mais ça fait du bien parce que c'est des choses qu'on peut essayer de faire. Alors que si on se dit, là, je suis en dépression, il faut absolument que je sorte et que je ne vais pas prendre mon vélo pour faire 3-4 kilomètres. C'est trop gros. Il faut vraiment avancer petit à petit.

  • Speaker #1

    On a l'impression d'une marathonienne quand on parle avec toi, parce que sur tous ces chantiers, que ce soit ce que tu viens de nous décrire ou également... Apprendre à réguler tes humeurs. En fait, est-ce que tu as l'impression de te battre ?

  • Speaker #0

    Alors, je me bats contre moi, clairement, pour moi aussi et surtout pour mon entourage. Je crois que c'est ce qui me fait tenir maintenant, quand ça ne va pas. Je me dis que je n'ai pas envie de faire du mal à ma famille, à mes amis, à mon copain. En fait, je reste pour eux quand ça ne va pas. Je ne reste pas pour moi. Mais je me bats clairement contre moi parce que ces humeurs, je ne les contrôle pas forcément. Des fois, j'ai envie de faire des choses complètement... Entre guillemets complètement folle. Donc je dois essayer de me contenir. En général, moi quand je suis en phase hypomaniaque, mon délire c'est de partir à l'étranger, sur un coup de tête, sans vraiment de préparation. Voilà. Une fois j'étais hospitalisée aussi à Metz. J'avais une phase hypomaniaque. J'ai été hospitalisée que je cherchais une famille aux Pays-Bas pour être jeune fille au père. Alors que je n'étais pas sortie de l'hôpital. Et j'étais prête à me barrer et à dire, OK, c'est bon, j'y vais. J'avais trouvé une famille, d'ailleurs.

  • Speaker #1

    C'est quand même pas mal. Ça veut dire que tu as une ressource énorme. L'idée, c'est de savoir vers où l'orienter cette ressource. Et quoi faire de ce fleuve impétueux qui t'habite ?

  • Speaker #0

    Il faut essayer de placer son énergie au bon endroit et de ne pas se laisser submerger par ce qui nous arrive. Mais c'est encore une fois très très compliqué parce que quand on a une idée en tête, notamment en phase hypomaniaque, on a juste envie de la réaliser et de se dire Ok, c'est bon, de toute façon je suis le roi du monde, je peux faire ce que je veux, il ne va jamais rien m'arriver Ben non, en fait, ce n'est pas comme ça que ça se passe. Il peut nous arriver plein de choses. Je me suis mise en danger plusieurs fois et ça je l'ai capté qu'avec du recul quand je suis redescendue. Maintenant je fais beaucoup plus attention parce que j'ai du recul justement, que je n'avais pas avant. Quand j'étais en Corée du Sud, parce que j'ai habité en Corée du Sud pendant un an et demi, j'ai fait une phase maniaque carrément et je faisais confiance à absolument tout le monde. Tout le monde est beau, tout le monde est gentil, c'est génial, la vie est belle. Et je me suis fait droguer, voilà, en soirée et ça a failli mal finir. J'ai réussi à m'en sortir, mais ça ne m'a pas arrêté. Pour autant, j'ai continué de penser que tout le monde était gentil et que j'avais plein d'amis, alors que pas du tout.

  • Speaker #1

    Est-ce que l'échange avec d'autres personnes qui vivent des choses similaires ou proches de ce que tu vis, est-ce que ça peut compter, ça ?

  • Speaker #0

    Ça fait énormément de bien de pouvoir parler à des personnes qui vivent la même chose que nous, parce qu'on se sent compris. En fait, on se dit, voilà, j'ai trouvé une personne qui... comprend ce que je vis, c'est incroyable. Et surtout, quand on parle avec des gens qui sont stabilisés, qui ont un travail, qui ont une vie de famille, qui ont tout ce que la société nous demande finalement, on se dit, ok, il y a une possibilité d'aller mieux. Moi, c'est pas le cas pour l'instant, mais vu que ces gens ont réussi, pourquoi moi je réussirais pas ?

  • Speaker #1

    C'était Gueule Cachée, épisode 4, Justine.

  • Speaker #0

    Dès qu'on se sent pas bien, dès qu'il y a quelque chose qui nous travaille, il faut aller voir un psychologue, un psychiatre. Il ne faut pas avoir honte de ça, parce que ça nous aide. Il ne faut pas qu'on reste dans des états douloureux, c'est pas comme ça qu'on est censé vivre. Donc il ne faut vraiment pas avoir honte de demander de l'aide, tout simplement, que ce soit psychologue, psychiatre, aller aux urgences psychiatriques, en parler à ses proches, il faut s'ouvrir à tout ça.

  • Speaker #1

    Gael Caché, un podcast de Laetitia Forgeau-D'Arc, création sonore et musicale Marine Anger pour le studio Sonia. Merci à Justine pour son témoignage. Merci à vous tous qui avez porté le projet participatif de cette série. Vous pouvez retrouver un nouvel épisode tous les 15 jours sur toutes les plateformes et puis sur mon site internet

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Borderline...TCA...TS... Quand les diagnostiques s’emmêlent! Justine raconte. Elle rappelle qu'au cœur de cet imbroglio reste le combat d'une personne... et que, pas seule c'est mieux!

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Transcription

  • Speaker #0

    Alors je me bats contre moi clairement, pour moi aussi et surtout pour mon entourage.

  • Speaker #1

    Les gueules cachées, ce sont des personnes qui acceptent de vous raconter ce que vous ne voyez pas et qu'on ne veut pas toujours entendre.

  • Speaker #0

    En fait je reste pour eux quand ça va pas, je reste pas pour un moment. Mais je me bats clairement contre moi parce que ces humeurs je les contrôle pas forcément.

  • Speaker #1

    Gueule cachée. Épisode 4, Justine. Borderline, voilà bien un terme utilisé sans aucune conscience des souffrances qu'il recouvre lorsque c'est un diagnostic. Ici, je vous parlais de troubles du tempérament limite. C'est plus clair ? Alors avec Justine, devant un café, on en parle.

  • Speaker #0

    Par rapport à la santé mentale, pour moi ça m'inspire le fait que c'est encore très tabou et quand on a des soucis, des pathologies ou autres, on doit encore se cacher pour ne pas être stigmatisé. C'est toujours compliqué en fait, on a l'impression qu'il ne faut pas qu'on le dise parce que sinon les autres vont nous catégoriser là-dedans et vont nous voir que comme ça, malades, tout simplement.

  • Speaker #1

    Et toi, tu ne te sens pas malade ?

  • Speaker #0

    Si, moi j'ai encore un problème là-dessus. J'ai l'impression de vivre que par rapport à mes pathologies et de ne pas avoir d'autres activités autour et d'être que ça. C'est un travail à faire clairement et je sais que ça va être long, mais c'est important de le faire parce que je ne suis pas que malade, je suis aussi juste un être humain à part entière.

  • Speaker #1

    Alors Justine, est-ce que tu as des souvenirs d'avant que tout ça, et on va définir un peu tranquillement le ça, avant que tout ça ne commence ? C'était qui Justine ?

  • Speaker #0

    J'ai très très peu de souvenirs de mon enfance à part des traumatismes. Mais en gros ça a commencé quand j'étais au collège. Mais avant ça non, je ne me souviens pas. J'ai que les dires de mes proches.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce qui s'est passé au collège du coup ?

  • Speaker #0

    J'ai commencé à développer des TCA, donc troubles des conduites alimentaires. Et comme j'étais harcelée en fait pendant... Toute la durée de mon collège, ça s'est empiré avec les années.

  • Speaker #1

    On peut définir en quoi consiste ce harcèlement ? C'est un harcèlement qui trouve sa place, qui se joue dans le théâtre du collège ?

  • Speaker #0

    J'ai l'impression que c'est assez commun maintenant le harcèlement à l'école. Et en fait, il n'y a pas vraiment de raison. C'est juste un groupe d'enfants qui traumatise un groupe d'enfants.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu peux nous décrire ce qui se passe à ce moment-là ? Donc tu as 11, 12, 13 ans, 14 ans ?

  • Speaker #0

    On se sent un peu perdu, on se sent aussi assez seul, on ne sait pas pourquoi ça nous arrive. Et c'est juste hyper compliqué à vivre parce qu'on peut avoir du mal à en parler à la famille aussi. On change de comportement, nos proches ne comprennent pas forcément pourquoi. Et ça peut durer hyper longtemps en plus.

  • Speaker #1

    Tu es un peu sous cloche ou dans une bulle ?

  • Speaker #0

    Totalement. Mes profs ont toujours dit que j'étais dans ma bulle d'ailleurs.

  • Speaker #1

    Et tu souhaites y rester à ce moment-là, dans cette bulle, où tu as envie d'en sortir mais ce n'est pas possible. En quoi est-ce que, pardon ça fait trois questions, en quoi est-ce que la réponse trouble de conduite alimentaire est une réponse à ça ?

  • Speaker #0

    En fait, je n'ai pas le choix, je suis obligée de rester dans ma bulle parce que c'est trop douloureux à vivre. Donc j'essaie de trouver des petits échappatoires. Pendant un moment, c'était la lecture. Et en fait, les TCA ont commencé à se développer et je me suis réfugiée littéralement dans la nourriture pour manger un peu mes émotions, on va dire. Et comme aussi je me sentais vide, donc je mangeais pour me remplir. C'était un peu délicat à gérer.

  • Speaker #1

    Concrètement, manger pour se remplir, pour des gens qui ne connaissent pas du tout cette pratique, en fait, tu te plantes devant le frigo, tu le vides, qu'est-ce qui se passe ?

  • Speaker #0

    C'est ça, je faisais des crises d'hyperphagie, donc c'est manger énormément, très vite, et très souvent en se cachant. Donc vraiment, c'était ça, je vidais les placards le plus vite possible, j'essayais qu'on ne me voit pas. Donc c'était juste se remplir, c'était manger pour manger, même pas... pour le plaisir ou quoi, il fallait manger. Il n'y avait pas d'autre solution à ce moment-là.

  • Speaker #1

    Comment est-ce que tu as été rejointe, peut-être aidée à ce moment-là ? Comment on sort de ça en fait ?

  • Speaker #0

    Pour les TCA, à cette époque, je n'ai pas du tout été aidée parce que je n'en parlais pas. Et en fait, je ne savais même pas ce que c'était. Et encore aujourd'hui, j'en ai toujours en fait. Ça a un peu changé, j'ai fait de la boulimie aussi. Ça a évolué. Mais je n'en suis toujours pas sortie, malheureusement.

  • Speaker #1

    Donc c'est un process.

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça. On travaille dessus, mais c'est compliqué et douloureux.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'il y a aussi des phases dépressives dans ces épisodes de remplissage ?

  • Speaker #0

    Les phases dépressives, ça a commencé quand j'étais au lycée. Avant, je ne savais pas trop comment caractériser ça. Au collège, je n'étais pas bien à cause du harcèlement. J'étais déprimée, mais je pense qu'on ne peut pas vraiment parler de dépression. Par contre, au lycée, j'ai fait une vraie phase dépressive où je m'isolais beaucoup. Je voulais plus avoir trop de contacts avec mes amis, il y a eu le début des scarifications, j'ai fait une tentative de suicide à 16 ans. Voilà, donc ça a été très compliqué, en plus des TCA.

  • Speaker #1

    C'est possible d'en parler de ce moment où tu t'es dit je vais me foutre en l'air

  • Speaker #0

    Oui, bien sûr. En gros, j'étais vraiment vraiment mal, ça allait pas trop à l'école, je décroche un petit peu. J'étais pas une mauvaise élève, mais... Ma moyenne chutait clairement. Et à la maison, ça n'allait pas non plus avec ma mère. Et je suis arrivée à un stade où je me suis dit, mais pourquoi continuer de vivre ? Je ne fais que souffrir, je pleure tout le temps, j'ai du mal avec mon sommeil. Je ne comprenais pas ce qui se passait et je n'arrivais pas vraiment à mettre de mots dessus. Et un jour, j'ai essayé de sauter d'un pont. J'étais avec des amis en plus et à mon retenue. Et je ne savais même pas quoi faire. Je ne savais pas s'il fallait appeler les pompiers. C'était très compliqué. Et au final, on est juste rentrés et on n'en a jamais vraiment reparlé. Donc j'ai mis ça derrière moi en me disant, ok, c'est comme ça, c'est passé, tant pis, on passe à autre chose.

  • Speaker #1

    Ça s'est représenté ou pas, ce genre d'impératif d'en finir, d'arrêter ?

  • Speaker #0

    Oui, j'ai fait une OTS quand j'ai été hospitalisée à Metz, à ma première hospice. En fait, on ne savait pas trop ce que j'avais, donc on ne savait pas comment me canaliser non plus. J'avais des moments où j'étais très euphorique et triste en même temps, en fait, en état mixte de la bipolarité. Mais on ne le savait pas encore. Et un soir, la veille de ma dernière épreuve de BTS en plus, je me suis dit, en fait, non, j'en ai marre, donc ça suffit. Et j'ai essayé de me pendre à l'hôpital.

  • Speaker #1

    Manifestement, ça n'a pas marché.

  • Speaker #0

    Non, en fait, au moment où je voulais...... faire le truc on va dire, il y a un enfermé qui est rentré. Donc il a arrêté tout le processus, il a contacté un psychiatre, on m'a donné des médicaments, après le lendemain matin mon psychiatre est venu, les choses se sont un peu réglées comme ça, mais c'était compliqué parce que on n'arrivait pas à mettre de mots vraiment dessus encore. On m'a posé le diagnostic bipolaire en fait à ma deuxième hospice parce que je suis revenue pour une dépression mélancolique. Donc c'est que là que je me suis dit Ah ouais, en fait, il y a quelque chose derrière. Ok, maintenant je comprends pourquoi j'agis comme ça. Avant, j'avais juste l'impression d'être bizarre. Maintenant, je sais en fait, j'arrive à mettre des mots sur ce qui m'arrive.

  • Speaker #1

    S'il n'y a pas ces mots, c'est plus compliqué.

  • Speaker #0

    Je pense que c'est plus compliqué s'il n'y a pas ces mots, parce qu'on se dit juste qu'il y a quelque chose qui déconne chez nous, mais on ne sait pas vraiment quoi, et donc c'est compliqué d'en parler, parce qu'on ne sait pas comment amener les choses, alors que quand on a un diagnostic, on va consulter pour ça. Donc on sait pourquoi on est là. Quand on n'a pas encore de diagnostic, ou juste on peut traverser une phase comme un burn-out ou autre, je trouve que c'est plus difficile d'amener les choses auprès des professionnels, parce qu'on ne sait même pas si on va être pris au sérieux. Donc c'est vraiment délicat.

  • Speaker #1

    Est-ce que finalement la décision de poser un acte, que ce soit de sauter d'un pont ou de se pendre à l'hôpital, ça c'était une façon d'être prise au sérieux ?

  • Speaker #0

    Pas vraiment, c'était juste un ras-le-bol de la situation où j'avais l'impression que je faisais que souffrir et que ça n'allait jamais s'arranger. Donc je me disais en fait, tant pis, j'arrête tout et au moins j'arrêterai de souffrir. C'était surtout ça, je voulais arrêter de souffrir. Et ça s'est représenté un peu plus tard avec des prises de médicaments. En fait, je voulais juste que tout s'arrête, que ma tête arrête de tourner finalement.

  • Speaker #1

    Tu as parlé déjà de plusieurs choses, de TCA, de phase de dépression, de diagnostic de bipolarité. En fait, il va y avoir d'autres mots encore posés ensuite.

  • Speaker #0

    Oui, on va me diagnostiquer un trouble borderline. Ça, je l'ai appris... à ma dernière hospice à Metz et là je me suis dit ok mais en fait il y a tout qui me tombe dessus ça fait beaucoup quand même à gérer et j'étais complètement perdue parce que je savais plus Mes actes, mes pensées, je ne savais plus si c'était lié au trouble bipolaire ou au trouble borderline. C'était hyper compliqué à gérer. Même encore maintenant, des fois, il y a des choses, je ne sais pas trop, si j'ai des petits pics d'euphorie, je ne sais pas si c'est le début d'un état mixte ou si c'est juste le trouble borderline. En fait, j'apprends encore, ça fait un an, deux ans, et j'apprends encore sur ces maladies-là.

  • Speaker #1

    Alors j'entends que tu dis que c'est juste le trouble borderline. Pour toi, c'est moins grave. En fait, c'est quoi un trouble borderline ? Pour toi ?

  • Speaker #0

    Pour moi, le trouble borderline, c'est ne pas savoir gérer ses émotions. Avoir des émotions qui sont assez exacerbées. On peut avoir des comportements autodommageables, donc se faire du mal, scarification, alcool, il y a vraiment plein de choses. Et tout est très fort si on se met en colère, on est très en colère. Si on est triste, on est très triste. On peut avoir des pics d'euphorie. On ne sait pas gérer nos émotions, en fait. Donc il faut qu'on apprenne à les gérer. Et ça, c'est tout un travail à faire.

  • Speaker #1

    C'est un travail qui te motive ou qui t'épuise ? Ou autre chose ?

  • Speaker #0

    Au début, ça m'épuisait parce que je me disais, en fait, j'ai déjà beaucoup de choses à gérer, les TCA, le trouble bipolaire, et là on me dit, en plus t'as un trouble borderline, ok, ça fait beaucoup. Donc c'est assez épuisant. En plus, ça prend beaucoup de temps, donc au début j'étais très découragée, j'étais même désespérée en fait. Et maintenant ça va un peu mieux grâce aux thérapies. Donc j'ai un peu plus d'espoir, mais au tout début j'étais... complètement désespérée, j'avais l'impression que ça ne bougerait jamais.

  • Speaker #1

    J'ai envie qu'on revienne sur ce que tu appelles les comportements autodommageables. C'est étonnant parce qu'en fait on entend des termes qu'on peut lire dans un bouquin et moi j'aimerais bien que tu nous les transcrives façon Justine. C'est quoi un comportement autodommageable ? Et c'est tellement incongru de se dire... Pourquoi tu fais ça ? Qu'est-ce qui pousse à un comportement autodommageable ?

  • Speaker #0

    En fait, le principe du comportement autodommageable, c'est de se faire du mal. Pour moi, ça a été les scarifications notamment, aussi se frapper la tête contre un mur ou des choses comme ça. En fait, comme je souffrais mentalement, je voulais transcrire la douleur pour la faire passer physiquement. Et donc pour que ça change de camp, entre guillemets, et pour penser à autre chose. Ça marchait, sauf que c'est aussi un engrenage, ça devient un peu comme une addiction, on a du mal à s'en passer. Donc c'est hyper douloureux aussi, et ma mentale est physique.

  • Speaker #1

    Tu nous dis que tu travailles beaucoup là-dessus. En quoi il consiste ce travail justement ?

  • Speaker #0

    Parler de ses traumatismes, parler de comment on vit les choses, essayer de trouver des outils pour gérer les moments de crise, se livrer auprès des professionnels, ce qui peut être compliqué, écouter leurs conseils aussi, faire un gros travail sur soi-même. En fait, c'est déconstruire tout ce qu'on pense pour reconstruire d'une manière saine.

  • Speaker #1

    Mais dans cette reconstruction, il faut que ça t'appartienne en fait, parce que déconstruire tout ce qu'on pense, ça nécessite aussi d'adhérer à ce qu'on va reconstruire à côté.

  • Speaker #0

    Oui, il y a des gens chez qui ça ne marche pas parce que ce n'est pas une question de volonté en fait, c'est juste que des fois c'est très très douloureux de changer les choses parce qu'on est habitué à ce qu'on fait et pour nous c'est la seule solution, c'est de vivre comme ça. Donc le fait de dire maintenant on change tout et... On arrête de se faire du mal, à la place, on met une poche de froid dans la nuque. C'est tout un schéma qui est totalement différent. Donc en fait, il faut apprendre à changer ça. Mais c'est aussi très douloureux parce que moi, j'avais l'impression que ce que je faisais, c'était mauvais. C'est quand même le cas, se faire du mal, ce n'est pas terrible. Et donc on se dit, en fait, il y a une bonne solution, il faut aller vers là. Mais c'est un schéma qui est hyper compliqué vers lequel on tendre au final.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu te rends compte objectivement de l'exploit que tu mènes, au sens où tout un chacun a des choses qu'il a envie de changer en lui ? Ça peut être arrêter de fumer, ça peut être arrêter d'être en retard, ça peut être toutes sortes de bricoles si j'ose dire. Est-ce que toi tu te rends compte que toi tu le fais et tu vas y arriver ? Est-ce que tu te rends compte que c'est quand même de l'ordre de l'exploit ?

  • Speaker #0

    Au début non. C'était surtout grâce à mes proches parce que c'est eux qui me disaient qu'ils voyaient un grand changement, que j'allais quand même mieux. Mais moi je me disais toujours mais en fait c'est pas assez, je vais pas assez bien encore, je veux que ce soit encore encore mieux. Donc j'avais l'impression d'avancer mais tellement doucement alors qu'en fait non, j'ai énormément avancé. Maintenant, je le vois. Mais au tout début, c'était que grâce à mes proches que je voyais le changement.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce qui a compté justement ? Alors, tu nous en dis un petit peu en parlant de tes proches. Qu'est-ce qui a compté et qu'est-ce qui compte encore pour tenir là-dedans, pour faire des choix ? Parce que j'imagine qu'il y en a à faire. Qu'est-ce qui compte le plus ?

  • Speaker #0

    c'est le soutien qu'on peut avoir autour de nous. Que ce soit familial, amical, amoureux, médical aussi. On a vraiment besoin de soutien, on a besoin de se sentir entendu. Que les gens essaient de nous comprendre parce qu'ils ne pourront jamais vraiment nous comprendre parce qu'ils ne vivent pas les choses. Mais au moins qu'ils essaient de nous comprendre, ne pas être jugés aussi. Parce qu'on a tendance à être énormément jugés par le monde extérieur, entre guillemets. On a besoin d'énormément de soutien, de sentir qu'on vaut quelque chose aussi pour les autres. Essayer de trouver de la force pour traverser toutes les épreuves, ce qui est très compliqué aussi parce que quand on est désespéré, on ne sait plus quoi faire. Donc essayer de se dire que ça va aller mieux, avoir de l'espoir en fait. Mais ce n'est vraiment pas facile d'en avoir quand on est dans des situations très délicates.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'il y a des choses concrètes ? Aller voir quelque chose de beau,

  • Speaker #0

    aller se promener,

  • Speaker #1

    tout ça est très dérisoire.

  • Speaker #0

    Je pense qu'il faut qu'on essaie d'avoir des petits moments de plaisir, de continuer en fait, d'avoir des petits moments de plaisir, donc en allant au cinéma, en allant prendre un café avec un ami. des petites choses comme ça, mais pareil c'est compliqué parce que quand on est en dépression par exemple, on n'a pas envie de voir des gens, on n'a pas envie de sortir, en fait on a envie de rester dans son lit et de pleurer littéralement. Donc il faut essayer de continuer d'avoir ces petits moments qui nous font du bien, il faut tenir là dessus. Je crois que c'est les choses auxquelles il faut qu'on s'accroche mais des fois on n'a juste pas envie, on n'a pas la force.

  • Speaker #1

    Tu parles de dépression, effectivement c'est pour le coup un terme qui est plus connu que les autres termes que tu as employés, qui est peut-être aussi galvaudé. Tout à l'heure tu as bien fait la distinction entre ce que tu as pu traverser au collège en disant qu'il y avait des moments, tu avais une déprime. C'est quoi la différence pour toi entre une déprime et vraiment un épisode dépressif ?

  • Speaker #0

    La déprime c'est quelque chose qui ne va pas durer forcément très longtemps, alors que la dépression ça peut durer des mois voire des années. Et en dépression, on se voit vraiment au fond du gouffre, on a l'impression qu'on ne pourra jamais se relever de ça. Beaucoup, beaucoup d'idées noires. Et on se dit, mais en fait, c'est fini. On va juste vivre comme ça toute notre vie. Aucun espoir, on a perdu tout espoir. Ce sera comme ça et on veut juste que tout s'arrête aussi. Après, ça dépend un peu des gens aussi, parce que... Moi, je faisais des dépressions mélancoliques. Donc, c'est vraiment être au fond du trou, mais on continue de creuser, en gros. Donc, c'était vraiment très, très compliqué. Je me souviens, une fois, j'étais dans mon appartement à Metz. J'étais toute seule. En fait, je devais faire un trajet de ma chambre à la cuisine, vraiment quelques mètres. Et en fait, je me suis retrouvée au milieu, donc entre ma chambre et la cuisine. Je n'avais plus d'énergie pour marcher. Et en fait, je me suis juste... allongée par terre et j'ai pas bougé pendant je sais pas combien de temps parce que j'avais même plus la force de marcher finalement donc maintenant ça va mieux mais à ces moments là j'avais qu'une envie c'était de mourir en fait.

  • Speaker #1

    Et à nouveau qu'est ce qui fait que tu as été jusqu'à la cuisine en fait ?

  • Speaker #0

    Honnêtement je sais même plus si je suis allume ou si je suis retournée dans mon lit ou pas Mais on essaie de trouver un peu de force en se disant Allez, on se motive juste pour ça. On essaie de faire des petits pas pour avancer. Des fois, c'est des tout petits pas, mais c'est quand même important parce qu'on avance un petit peu quand même. C'est ça qu'il faut essayer de faire. C'est vraiment petit pas par petit pas. Ne pas se fixer des gros objectifs parce qu'on va penser qu'on ne pourra jamais les atteindre. Alors que de se dire, aujourd'hui, j'essaie de sortir de mon lit, par exemple, pour aller sur le canapé ou des choses comme ça, c'est vraiment des petits pas, mais ça fait du bien parce que c'est des choses qu'on peut essayer de faire. Alors que si on se dit, là, je suis en dépression, il faut absolument que je sorte et que je ne vais pas prendre mon vélo pour faire 3-4 kilomètres. C'est trop gros. Il faut vraiment avancer petit à petit.

  • Speaker #1

    On a l'impression d'une marathonienne quand on parle avec toi, parce que sur tous ces chantiers, que ce soit ce que tu viens de nous décrire ou également... Apprendre à réguler tes humeurs. En fait, est-ce que tu as l'impression de te battre ?

  • Speaker #0

    Alors, je me bats contre moi, clairement, pour moi aussi et surtout pour mon entourage. Je crois que c'est ce qui me fait tenir maintenant, quand ça ne va pas. Je me dis que je n'ai pas envie de faire du mal à ma famille, à mes amis, à mon copain. En fait, je reste pour eux quand ça ne va pas. Je ne reste pas pour moi. Mais je me bats clairement contre moi parce que ces humeurs, je ne les contrôle pas forcément. Des fois, j'ai envie de faire des choses complètement... Entre guillemets complètement folle. Donc je dois essayer de me contenir. En général, moi quand je suis en phase hypomaniaque, mon délire c'est de partir à l'étranger, sur un coup de tête, sans vraiment de préparation. Voilà. Une fois j'étais hospitalisée aussi à Metz. J'avais une phase hypomaniaque. J'ai été hospitalisée que je cherchais une famille aux Pays-Bas pour être jeune fille au père. Alors que je n'étais pas sortie de l'hôpital. Et j'étais prête à me barrer et à dire, OK, c'est bon, j'y vais. J'avais trouvé une famille, d'ailleurs.

  • Speaker #1

    C'est quand même pas mal. Ça veut dire que tu as une ressource énorme. L'idée, c'est de savoir vers où l'orienter cette ressource. Et quoi faire de ce fleuve impétueux qui t'habite ?

  • Speaker #0

    Il faut essayer de placer son énergie au bon endroit et de ne pas se laisser submerger par ce qui nous arrive. Mais c'est encore une fois très très compliqué parce que quand on a une idée en tête, notamment en phase hypomaniaque, on a juste envie de la réaliser et de se dire Ok, c'est bon, de toute façon je suis le roi du monde, je peux faire ce que je veux, il ne va jamais rien m'arriver Ben non, en fait, ce n'est pas comme ça que ça se passe. Il peut nous arriver plein de choses. Je me suis mise en danger plusieurs fois et ça je l'ai capté qu'avec du recul quand je suis redescendue. Maintenant je fais beaucoup plus attention parce que j'ai du recul justement, que je n'avais pas avant. Quand j'étais en Corée du Sud, parce que j'ai habité en Corée du Sud pendant un an et demi, j'ai fait une phase maniaque carrément et je faisais confiance à absolument tout le monde. Tout le monde est beau, tout le monde est gentil, c'est génial, la vie est belle. Et je me suis fait droguer, voilà, en soirée et ça a failli mal finir. J'ai réussi à m'en sortir, mais ça ne m'a pas arrêté. Pour autant, j'ai continué de penser que tout le monde était gentil et que j'avais plein d'amis, alors que pas du tout.

  • Speaker #1

    Est-ce que l'échange avec d'autres personnes qui vivent des choses similaires ou proches de ce que tu vis, est-ce que ça peut compter, ça ?

  • Speaker #0

    Ça fait énormément de bien de pouvoir parler à des personnes qui vivent la même chose que nous, parce qu'on se sent compris. En fait, on se dit, voilà, j'ai trouvé une personne qui... comprend ce que je vis, c'est incroyable. Et surtout, quand on parle avec des gens qui sont stabilisés, qui ont un travail, qui ont une vie de famille, qui ont tout ce que la société nous demande finalement, on se dit, ok, il y a une possibilité d'aller mieux. Moi, c'est pas le cas pour l'instant, mais vu que ces gens ont réussi, pourquoi moi je réussirais pas ?

  • Speaker #1

    C'était Gueule Cachée, épisode 4, Justine.

  • Speaker #0

    Dès qu'on se sent pas bien, dès qu'il y a quelque chose qui nous travaille, il faut aller voir un psychologue, un psychiatre. Il ne faut pas avoir honte de ça, parce que ça nous aide. Il ne faut pas qu'on reste dans des états douloureux, c'est pas comme ça qu'on est censé vivre. Donc il ne faut vraiment pas avoir honte de demander de l'aide, tout simplement, que ce soit psychologue, psychiatre, aller aux urgences psychiatriques, en parler à ses proches, il faut s'ouvrir à tout ça.

  • Speaker #1

    Gael Caché, un podcast de Laetitia Forgeau-D'Arc, création sonore et musicale Marine Anger pour le studio Sonia. Merci à Justine pour son témoignage. Merci à vous tous qui avez porté le projet participatif de cette série. Vous pouvez retrouver un nouvel épisode tous les 15 jours sur toutes les plateformes et puis sur mon site internet

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Borderline...TCA...TS... Quand les diagnostiques s’emmêlent! Justine raconte. Elle rappelle qu'au cœur de cet imbroglio reste le combat d'une personne... et que, pas seule c'est mieux!

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Transcription

  • Speaker #0

    Alors je me bats contre moi clairement, pour moi aussi et surtout pour mon entourage.

  • Speaker #1

    Les gueules cachées, ce sont des personnes qui acceptent de vous raconter ce que vous ne voyez pas et qu'on ne veut pas toujours entendre.

  • Speaker #0

    En fait je reste pour eux quand ça va pas, je reste pas pour un moment. Mais je me bats clairement contre moi parce que ces humeurs je les contrôle pas forcément.

  • Speaker #1

    Gueule cachée. Épisode 4, Justine. Borderline, voilà bien un terme utilisé sans aucune conscience des souffrances qu'il recouvre lorsque c'est un diagnostic. Ici, je vous parlais de troubles du tempérament limite. C'est plus clair ? Alors avec Justine, devant un café, on en parle.

  • Speaker #0

    Par rapport à la santé mentale, pour moi ça m'inspire le fait que c'est encore très tabou et quand on a des soucis, des pathologies ou autres, on doit encore se cacher pour ne pas être stigmatisé. C'est toujours compliqué en fait, on a l'impression qu'il ne faut pas qu'on le dise parce que sinon les autres vont nous catégoriser là-dedans et vont nous voir que comme ça, malades, tout simplement.

  • Speaker #1

    Et toi, tu ne te sens pas malade ?

  • Speaker #0

    Si, moi j'ai encore un problème là-dessus. J'ai l'impression de vivre que par rapport à mes pathologies et de ne pas avoir d'autres activités autour et d'être que ça. C'est un travail à faire clairement et je sais que ça va être long, mais c'est important de le faire parce que je ne suis pas que malade, je suis aussi juste un être humain à part entière.

  • Speaker #1

    Alors Justine, est-ce que tu as des souvenirs d'avant que tout ça, et on va définir un peu tranquillement le ça, avant que tout ça ne commence ? C'était qui Justine ?

  • Speaker #0

    J'ai très très peu de souvenirs de mon enfance à part des traumatismes. Mais en gros ça a commencé quand j'étais au collège. Mais avant ça non, je ne me souviens pas. J'ai que les dires de mes proches.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce qui s'est passé au collège du coup ?

  • Speaker #0

    J'ai commencé à développer des TCA, donc troubles des conduites alimentaires. Et comme j'étais harcelée en fait pendant... Toute la durée de mon collège, ça s'est empiré avec les années.

  • Speaker #1

    On peut définir en quoi consiste ce harcèlement ? C'est un harcèlement qui trouve sa place, qui se joue dans le théâtre du collège ?

  • Speaker #0

    J'ai l'impression que c'est assez commun maintenant le harcèlement à l'école. Et en fait, il n'y a pas vraiment de raison. C'est juste un groupe d'enfants qui traumatise un groupe d'enfants.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu peux nous décrire ce qui se passe à ce moment-là ? Donc tu as 11, 12, 13 ans, 14 ans ?

  • Speaker #0

    On se sent un peu perdu, on se sent aussi assez seul, on ne sait pas pourquoi ça nous arrive. Et c'est juste hyper compliqué à vivre parce qu'on peut avoir du mal à en parler à la famille aussi. On change de comportement, nos proches ne comprennent pas forcément pourquoi. Et ça peut durer hyper longtemps en plus.

  • Speaker #1

    Tu es un peu sous cloche ou dans une bulle ?

  • Speaker #0

    Totalement. Mes profs ont toujours dit que j'étais dans ma bulle d'ailleurs.

  • Speaker #1

    Et tu souhaites y rester à ce moment-là, dans cette bulle, où tu as envie d'en sortir mais ce n'est pas possible. En quoi est-ce que, pardon ça fait trois questions, en quoi est-ce que la réponse trouble de conduite alimentaire est une réponse à ça ?

  • Speaker #0

    En fait, je n'ai pas le choix, je suis obligée de rester dans ma bulle parce que c'est trop douloureux à vivre. Donc j'essaie de trouver des petits échappatoires. Pendant un moment, c'était la lecture. Et en fait, les TCA ont commencé à se développer et je me suis réfugiée littéralement dans la nourriture pour manger un peu mes émotions, on va dire. Et comme aussi je me sentais vide, donc je mangeais pour me remplir. C'était un peu délicat à gérer.

  • Speaker #1

    Concrètement, manger pour se remplir, pour des gens qui ne connaissent pas du tout cette pratique, en fait, tu te plantes devant le frigo, tu le vides, qu'est-ce qui se passe ?

  • Speaker #0

    C'est ça, je faisais des crises d'hyperphagie, donc c'est manger énormément, très vite, et très souvent en se cachant. Donc vraiment, c'était ça, je vidais les placards le plus vite possible, j'essayais qu'on ne me voit pas. Donc c'était juste se remplir, c'était manger pour manger, même pas... pour le plaisir ou quoi, il fallait manger. Il n'y avait pas d'autre solution à ce moment-là.

  • Speaker #1

    Comment est-ce que tu as été rejointe, peut-être aidée à ce moment-là ? Comment on sort de ça en fait ?

  • Speaker #0

    Pour les TCA, à cette époque, je n'ai pas du tout été aidée parce que je n'en parlais pas. Et en fait, je ne savais même pas ce que c'était. Et encore aujourd'hui, j'en ai toujours en fait. Ça a un peu changé, j'ai fait de la boulimie aussi. Ça a évolué. Mais je n'en suis toujours pas sortie, malheureusement.

  • Speaker #1

    Donc c'est un process.

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça. On travaille dessus, mais c'est compliqué et douloureux.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'il y a aussi des phases dépressives dans ces épisodes de remplissage ?

  • Speaker #0

    Les phases dépressives, ça a commencé quand j'étais au lycée. Avant, je ne savais pas trop comment caractériser ça. Au collège, je n'étais pas bien à cause du harcèlement. J'étais déprimée, mais je pense qu'on ne peut pas vraiment parler de dépression. Par contre, au lycée, j'ai fait une vraie phase dépressive où je m'isolais beaucoup. Je voulais plus avoir trop de contacts avec mes amis, il y a eu le début des scarifications, j'ai fait une tentative de suicide à 16 ans. Voilà, donc ça a été très compliqué, en plus des TCA.

  • Speaker #1

    C'est possible d'en parler de ce moment où tu t'es dit je vais me foutre en l'air

  • Speaker #0

    Oui, bien sûr. En gros, j'étais vraiment vraiment mal, ça allait pas trop à l'école, je décroche un petit peu. J'étais pas une mauvaise élève, mais... Ma moyenne chutait clairement. Et à la maison, ça n'allait pas non plus avec ma mère. Et je suis arrivée à un stade où je me suis dit, mais pourquoi continuer de vivre ? Je ne fais que souffrir, je pleure tout le temps, j'ai du mal avec mon sommeil. Je ne comprenais pas ce qui se passait et je n'arrivais pas vraiment à mettre de mots dessus. Et un jour, j'ai essayé de sauter d'un pont. J'étais avec des amis en plus et à mon retenue. Et je ne savais même pas quoi faire. Je ne savais pas s'il fallait appeler les pompiers. C'était très compliqué. Et au final, on est juste rentrés et on n'en a jamais vraiment reparlé. Donc j'ai mis ça derrière moi en me disant, ok, c'est comme ça, c'est passé, tant pis, on passe à autre chose.

  • Speaker #1

    Ça s'est représenté ou pas, ce genre d'impératif d'en finir, d'arrêter ?

  • Speaker #0

    Oui, j'ai fait une OTS quand j'ai été hospitalisée à Metz, à ma première hospice. En fait, on ne savait pas trop ce que j'avais, donc on ne savait pas comment me canaliser non plus. J'avais des moments où j'étais très euphorique et triste en même temps, en fait, en état mixte de la bipolarité. Mais on ne le savait pas encore. Et un soir, la veille de ma dernière épreuve de BTS en plus, je me suis dit, en fait, non, j'en ai marre, donc ça suffit. Et j'ai essayé de me pendre à l'hôpital.

  • Speaker #1

    Manifestement, ça n'a pas marché.

  • Speaker #0

    Non, en fait, au moment où je voulais...... faire le truc on va dire, il y a un enfermé qui est rentré. Donc il a arrêté tout le processus, il a contacté un psychiatre, on m'a donné des médicaments, après le lendemain matin mon psychiatre est venu, les choses se sont un peu réglées comme ça, mais c'était compliqué parce que on n'arrivait pas à mettre de mots vraiment dessus encore. On m'a posé le diagnostic bipolaire en fait à ma deuxième hospice parce que je suis revenue pour une dépression mélancolique. Donc c'est que là que je me suis dit Ah ouais, en fait, il y a quelque chose derrière. Ok, maintenant je comprends pourquoi j'agis comme ça. Avant, j'avais juste l'impression d'être bizarre. Maintenant, je sais en fait, j'arrive à mettre des mots sur ce qui m'arrive.

  • Speaker #1

    S'il n'y a pas ces mots, c'est plus compliqué.

  • Speaker #0

    Je pense que c'est plus compliqué s'il n'y a pas ces mots, parce qu'on se dit juste qu'il y a quelque chose qui déconne chez nous, mais on ne sait pas vraiment quoi, et donc c'est compliqué d'en parler, parce qu'on ne sait pas comment amener les choses, alors que quand on a un diagnostic, on va consulter pour ça. Donc on sait pourquoi on est là. Quand on n'a pas encore de diagnostic, ou juste on peut traverser une phase comme un burn-out ou autre, je trouve que c'est plus difficile d'amener les choses auprès des professionnels, parce qu'on ne sait même pas si on va être pris au sérieux. Donc c'est vraiment délicat.

  • Speaker #1

    Est-ce que finalement la décision de poser un acte, que ce soit de sauter d'un pont ou de se pendre à l'hôpital, ça c'était une façon d'être prise au sérieux ?

  • Speaker #0

    Pas vraiment, c'était juste un ras-le-bol de la situation où j'avais l'impression que je faisais que souffrir et que ça n'allait jamais s'arranger. Donc je me disais en fait, tant pis, j'arrête tout et au moins j'arrêterai de souffrir. C'était surtout ça, je voulais arrêter de souffrir. Et ça s'est représenté un peu plus tard avec des prises de médicaments. En fait, je voulais juste que tout s'arrête, que ma tête arrête de tourner finalement.

  • Speaker #1

    Tu as parlé déjà de plusieurs choses, de TCA, de phase de dépression, de diagnostic de bipolarité. En fait, il va y avoir d'autres mots encore posés ensuite.

  • Speaker #0

    Oui, on va me diagnostiquer un trouble borderline. Ça, je l'ai appris... à ma dernière hospice à Metz et là je me suis dit ok mais en fait il y a tout qui me tombe dessus ça fait beaucoup quand même à gérer et j'étais complètement perdue parce que je savais plus Mes actes, mes pensées, je ne savais plus si c'était lié au trouble bipolaire ou au trouble borderline. C'était hyper compliqué à gérer. Même encore maintenant, des fois, il y a des choses, je ne sais pas trop, si j'ai des petits pics d'euphorie, je ne sais pas si c'est le début d'un état mixte ou si c'est juste le trouble borderline. En fait, j'apprends encore, ça fait un an, deux ans, et j'apprends encore sur ces maladies-là.

  • Speaker #1

    Alors j'entends que tu dis que c'est juste le trouble borderline. Pour toi, c'est moins grave. En fait, c'est quoi un trouble borderline ? Pour toi ?

  • Speaker #0

    Pour moi, le trouble borderline, c'est ne pas savoir gérer ses émotions. Avoir des émotions qui sont assez exacerbées. On peut avoir des comportements autodommageables, donc se faire du mal, scarification, alcool, il y a vraiment plein de choses. Et tout est très fort si on se met en colère, on est très en colère. Si on est triste, on est très triste. On peut avoir des pics d'euphorie. On ne sait pas gérer nos émotions, en fait. Donc il faut qu'on apprenne à les gérer. Et ça, c'est tout un travail à faire.

  • Speaker #1

    C'est un travail qui te motive ou qui t'épuise ? Ou autre chose ?

  • Speaker #0

    Au début, ça m'épuisait parce que je me disais, en fait, j'ai déjà beaucoup de choses à gérer, les TCA, le trouble bipolaire, et là on me dit, en plus t'as un trouble borderline, ok, ça fait beaucoup. Donc c'est assez épuisant. En plus, ça prend beaucoup de temps, donc au début j'étais très découragée, j'étais même désespérée en fait. Et maintenant ça va un peu mieux grâce aux thérapies. Donc j'ai un peu plus d'espoir, mais au tout début j'étais... complètement désespérée, j'avais l'impression que ça ne bougerait jamais.

  • Speaker #1

    J'ai envie qu'on revienne sur ce que tu appelles les comportements autodommageables. C'est étonnant parce qu'en fait on entend des termes qu'on peut lire dans un bouquin et moi j'aimerais bien que tu nous les transcrives façon Justine. C'est quoi un comportement autodommageable ? Et c'est tellement incongru de se dire... Pourquoi tu fais ça ? Qu'est-ce qui pousse à un comportement autodommageable ?

  • Speaker #0

    En fait, le principe du comportement autodommageable, c'est de se faire du mal. Pour moi, ça a été les scarifications notamment, aussi se frapper la tête contre un mur ou des choses comme ça. En fait, comme je souffrais mentalement, je voulais transcrire la douleur pour la faire passer physiquement. Et donc pour que ça change de camp, entre guillemets, et pour penser à autre chose. Ça marchait, sauf que c'est aussi un engrenage, ça devient un peu comme une addiction, on a du mal à s'en passer. Donc c'est hyper douloureux aussi, et ma mentale est physique.

  • Speaker #1

    Tu nous dis que tu travailles beaucoup là-dessus. En quoi il consiste ce travail justement ?

  • Speaker #0

    Parler de ses traumatismes, parler de comment on vit les choses, essayer de trouver des outils pour gérer les moments de crise, se livrer auprès des professionnels, ce qui peut être compliqué, écouter leurs conseils aussi, faire un gros travail sur soi-même. En fait, c'est déconstruire tout ce qu'on pense pour reconstruire d'une manière saine.

  • Speaker #1

    Mais dans cette reconstruction, il faut que ça t'appartienne en fait, parce que déconstruire tout ce qu'on pense, ça nécessite aussi d'adhérer à ce qu'on va reconstruire à côté.

  • Speaker #0

    Oui, il y a des gens chez qui ça ne marche pas parce que ce n'est pas une question de volonté en fait, c'est juste que des fois c'est très très douloureux de changer les choses parce qu'on est habitué à ce qu'on fait et pour nous c'est la seule solution, c'est de vivre comme ça. Donc le fait de dire maintenant on change tout et... On arrête de se faire du mal, à la place, on met une poche de froid dans la nuque. C'est tout un schéma qui est totalement différent. Donc en fait, il faut apprendre à changer ça. Mais c'est aussi très douloureux parce que moi, j'avais l'impression que ce que je faisais, c'était mauvais. C'est quand même le cas, se faire du mal, ce n'est pas terrible. Et donc on se dit, en fait, il y a une bonne solution, il faut aller vers là. Mais c'est un schéma qui est hyper compliqué vers lequel on tendre au final.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu te rends compte objectivement de l'exploit que tu mènes, au sens où tout un chacun a des choses qu'il a envie de changer en lui ? Ça peut être arrêter de fumer, ça peut être arrêter d'être en retard, ça peut être toutes sortes de bricoles si j'ose dire. Est-ce que toi tu te rends compte que toi tu le fais et tu vas y arriver ? Est-ce que tu te rends compte que c'est quand même de l'ordre de l'exploit ?

  • Speaker #0

    Au début non. C'était surtout grâce à mes proches parce que c'est eux qui me disaient qu'ils voyaient un grand changement, que j'allais quand même mieux. Mais moi je me disais toujours mais en fait c'est pas assez, je vais pas assez bien encore, je veux que ce soit encore encore mieux. Donc j'avais l'impression d'avancer mais tellement doucement alors qu'en fait non, j'ai énormément avancé. Maintenant, je le vois. Mais au tout début, c'était que grâce à mes proches que je voyais le changement.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce qui a compté justement ? Alors, tu nous en dis un petit peu en parlant de tes proches. Qu'est-ce qui a compté et qu'est-ce qui compte encore pour tenir là-dedans, pour faire des choix ? Parce que j'imagine qu'il y en a à faire. Qu'est-ce qui compte le plus ?

  • Speaker #0

    c'est le soutien qu'on peut avoir autour de nous. Que ce soit familial, amical, amoureux, médical aussi. On a vraiment besoin de soutien, on a besoin de se sentir entendu. Que les gens essaient de nous comprendre parce qu'ils ne pourront jamais vraiment nous comprendre parce qu'ils ne vivent pas les choses. Mais au moins qu'ils essaient de nous comprendre, ne pas être jugés aussi. Parce qu'on a tendance à être énormément jugés par le monde extérieur, entre guillemets. On a besoin d'énormément de soutien, de sentir qu'on vaut quelque chose aussi pour les autres. Essayer de trouver de la force pour traverser toutes les épreuves, ce qui est très compliqué aussi parce que quand on est désespéré, on ne sait plus quoi faire. Donc essayer de se dire que ça va aller mieux, avoir de l'espoir en fait. Mais ce n'est vraiment pas facile d'en avoir quand on est dans des situations très délicates.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'il y a des choses concrètes ? Aller voir quelque chose de beau,

  • Speaker #0

    aller se promener,

  • Speaker #1

    tout ça est très dérisoire.

  • Speaker #0

    Je pense qu'il faut qu'on essaie d'avoir des petits moments de plaisir, de continuer en fait, d'avoir des petits moments de plaisir, donc en allant au cinéma, en allant prendre un café avec un ami. des petites choses comme ça, mais pareil c'est compliqué parce que quand on est en dépression par exemple, on n'a pas envie de voir des gens, on n'a pas envie de sortir, en fait on a envie de rester dans son lit et de pleurer littéralement. Donc il faut essayer de continuer d'avoir ces petits moments qui nous font du bien, il faut tenir là dessus. Je crois que c'est les choses auxquelles il faut qu'on s'accroche mais des fois on n'a juste pas envie, on n'a pas la force.

  • Speaker #1

    Tu parles de dépression, effectivement c'est pour le coup un terme qui est plus connu que les autres termes que tu as employés, qui est peut-être aussi galvaudé. Tout à l'heure tu as bien fait la distinction entre ce que tu as pu traverser au collège en disant qu'il y avait des moments, tu avais une déprime. C'est quoi la différence pour toi entre une déprime et vraiment un épisode dépressif ?

  • Speaker #0

    La déprime c'est quelque chose qui ne va pas durer forcément très longtemps, alors que la dépression ça peut durer des mois voire des années. Et en dépression, on se voit vraiment au fond du gouffre, on a l'impression qu'on ne pourra jamais se relever de ça. Beaucoup, beaucoup d'idées noires. Et on se dit, mais en fait, c'est fini. On va juste vivre comme ça toute notre vie. Aucun espoir, on a perdu tout espoir. Ce sera comme ça et on veut juste que tout s'arrête aussi. Après, ça dépend un peu des gens aussi, parce que... Moi, je faisais des dépressions mélancoliques. Donc, c'est vraiment être au fond du trou, mais on continue de creuser, en gros. Donc, c'était vraiment très, très compliqué. Je me souviens, une fois, j'étais dans mon appartement à Metz. J'étais toute seule. En fait, je devais faire un trajet de ma chambre à la cuisine, vraiment quelques mètres. Et en fait, je me suis retrouvée au milieu, donc entre ma chambre et la cuisine. Je n'avais plus d'énergie pour marcher. Et en fait, je me suis juste... allongée par terre et j'ai pas bougé pendant je sais pas combien de temps parce que j'avais même plus la force de marcher finalement donc maintenant ça va mieux mais à ces moments là j'avais qu'une envie c'était de mourir en fait.

  • Speaker #1

    Et à nouveau qu'est ce qui fait que tu as été jusqu'à la cuisine en fait ?

  • Speaker #0

    Honnêtement je sais même plus si je suis allume ou si je suis retournée dans mon lit ou pas Mais on essaie de trouver un peu de force en se disant Allez, on se motive juste pour ça. On essaie de faire des petits pas pour avancer. Des fois, c'est des tout petits pas, mais c'est quand même important parce qu'on avance un petit peu quand même. C'est ça qu'il faut essayer de faire. C'est vraiment petit pas par petit pas. Ne pas se fixer des gros objectifs parce qu'on va penser qu'on ne pourra jamais les atteindre. Alors que de se dire, aujourd'hui, j'essaie de sortir de mon lit, par exemple, pour aller sur le canapé ou des choses comme ça, c'est vraiment des petits pas, mais ça fait du bien parce que c'est des choses qu'on peut essayer de faire. Alors que si on se dit, là, je suis en dépression, il faut absolument que je sorte et que je ne vais pas prendre mon vélo pour faire 3-4 kilomètres. C'est trop gros. Il faut vraiment avancer petit à petit.

  • Speaker #1

    On a l'impression d'une marathonienne quand on parle avec toi, parce que sur tous ces chantiers, que ce soit ce que tu viens de nous décrire ou également... Apprendre à réguler tes humeurs. En fait, est-ce que tu as l'impression de te battre ?

  • Speaker #0

    Alors, je me bats contre moi, clairement, pour moi aussi et surtout pour mon entourage. Je crois que c'est ce qui me fait tenir maintenant, quand ça ne va pas. Je me dis que je n'ai pas envie de faire du mal à ma famille, à mes amis, à mon copain. En fait, je reste pour eux quand ça ne va pas. Je ne reste pas pour moi. Mais je me bats clairement contre moi parce que ces humeurs, je ne les contrôle pas forcément. Des fois, j'ai envie de faire des choses complètement... Entre guillemets complètement folle. Donc je dois essayer de me contenir. En général, moi quand je suis en phase hypomaniaque, mon délire c'est de partir à l'étranger, sur un coup de tête, sans vraiment de préparation. Voilà. Une fois j'étais hospitalisée aussi à Metz. J'avais une phase hypomaniaque. J'ai été hospitalisée que je cherchais une famille aux Pays-Bas pour être jeune fille au père. Alors que je n'étais pas sortie de l'hôpital. Et j'étais prête à me barrer et à dire, OK, c'est bon, j'y vais. J'avais trouvé une famille, d'ailleurs.

  • Speaker #1

    C'est quand même pas mal. Ça veut dire que tu as une ressource énorme. L'idée, c'est de savoir vers où l'orienter cette ressource. Et quoi faire de ce fleuve impétueux qui t'habite ?

  • Speaker #0

    Il faut essayer de placer son énergie au bon endroit et de ne pas se laisser submerger par ce qui nous arrive. Mais c'est encore une fois très très compliqué parce que quand on a une idée en tête, notamment en phase hypomaniaque, on a juste envie de la réaliser et de se dire Ok, c'est bon, de toute façon je suis le roi du monde, je peux faire ce que je veux, il ne va jamais rien m'arriver Ben non, en fait, ce n'est pas comme ça que ça se passe. Il peut nous arriver plein de choses. Je me suis mise en danger plusieurs fois et ça je l'ai capté qu'avec du recul quand je suis redescendue. Maintenant je fais beaucoup plus attention parce que j'ai du recul justement, que je n'avais pas avant. Quand j'étais en Corée du Sud, parce que j'ai habité en Corée du Sud pendant un an et demi, j'ai fait une phase maniaque carrément et je faisais confiance à absolument tout le monde. Tout le monde est beau, tout le monde est gentil, c'est génial, la vie est belle. Et je me suis fait droguer, voilà, en soirée et ça a failli mal finir. J'ai réussi à m'en sortir, mais ça ne m'a pas arrêté. Pour autant, j'ai continué de penser que tout le monde était gentil et que j'avais plein d'amis, alors que pas du tout.

  • Speaker #1

    Est-ce que l'échange avec d'autres personnes qui vivent des choses similaires ou proches de ce que tu vis, est-ce que ça peut compter, ça ?

  • Speaker #0

    Ça fait énormément de bien de pouvoir parler à des personnes qui vivent la même chose que nous, parce qu'on se sent compris. En fait, on se dit, voilà, j'ai trouvé une personne qui... comprend ce que je vis, c'est incroyable. Et surtout, quand on parle avec des gens qui sont stabilisés, qui ont un travail, qui ont une vie de famille, qui ont tout ce que la société nous demande finalement, on se dit, ok, il y a une possibilité d'aller mieux. Moi, c'est pas le cas pour l'instant, mais vu que ces gens ont réussi, pourquoi moi je réussirais pas ?

  • Speaker #1

    C'était Gueule Cachée, épisode 4, Justine.

  • Speaker #0

    Dès qu'on se sent pas bien, dès qu'il y a quelque chose qui nous travaille, il faut aller voir un psychologue, un psychiatre. Il ne faut pas avoir honte de ça, parce que ça nous aide. Il ne faut pas qu'on reste dans des états douloureux, c'est pas comme ça qu'on est censé vivre. Donc il ne faut vraiment pas avoir honte de demander de l'aide, tout simplement, que ce soit psychologue, psychiatre, aller aux urgences psychiatriques, en parler à ses proches, il faut s'ouvrir à tout ça.

  • Speaker #1

    Gael Caché, un podcast de Laetitia Forgeau-D'Arc, création sonore et musicale Marine Anger pour le studio Sonia. Merci à Justine pour son témoignage. Merci à vous tous qui avez porté le projet participatif de cette série. Vous pouvez retrouver un nouvel épisode tous les 15 jours sur toutes les plateformes et puis sur mon site internet

Description

Borderline...TCA...TS... Quand les diagnostiques s’emmêlent! Justine raconte. Elle rappelle qu'au cœur de cet imbroglio reste le combat d'une personne... et que, pas seule c'est mieux!

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Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Alors je me bats contre moi clairement, pour moi aussi et surtout pour mon entourage.

  • Speaker #1

    Les gueules cachées, ce sont des personnes qui acceptent de vous raconter ce que vous ne voyez pas et qu'on ne veut pas toujours entendre.

  • Speaker #0

    En fait je reste pour eux quand ça va pas, je reste pas pour un moment. Mais je me bats clairement contre moi parce que ces humeurs je les contrôle pas forcément.

  • Speaker #1

    Gueule cachée. Épisode 4, Justine. Borderline, voilà bien un terme utilisé sans aucune conscience des souffrances qu'il recouvre lorsque c'est un diagnostic. Ici, je vous parlais de troubles du tempérament limite. C'est plus clair ? Alors avec Justine, devant un café, on en parle.

  • Speaker #0

    Par rapport à la santé mentale, pour moi ça m'inspire le fait que c'est encore très tabou et quand on a des soucis, des pathologies ou autres, on doit encore se cacher pour ne pas être stigmatisé. C'est toujours compliqué en fait, on a l'impression qu'il ne faut pas qu'on le dise parce que sinon les autres vont nous catégoriser là-dedans et vont nous voir que comme ça, malades, tout simplement.

  • Speaker #1

    Et toi, tu ne te sens pas malade ?

  • Speaker #0

    Si, moi j'ai encore un problème là-dessus. J'ai l'impression de vivre que par rapport à mes pathologies et de ne pas avoir d'autres activités autour et d'être que ça. C'est un travail à faire clairement et je sais que ça va être long, mais c'est important de le faire parce que je ne suis pas que malade, je suis aussi juste un être humain à part entière.

  • Speaker #1

    Alors Justine, est-ce que tu as des souvenirs d'avant que tout ça, et on va définir un peu tranquillement le ça, avant que tout ça ne commence ? C'était qui Justine ?

  • Speaker #0

    J'ai très très peu de souvenirs de mon enfance à part des traumatismes. Mais en gros ça a commencé quand j'étais au collège. Mais avant ça non, je ne me souviens pas. J'ai que les dires de mes proches.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce qui s'est passé au collège du coup ?

  • Speaker #0

    J'ai commencé à développer des TCA, donc troubles des conduites alimentaires. Et comme j'étais harcelée en fait pendant... Toute la durée de mon collège, ça s'est empiré avec les années.

  • Speaker #1

    On peut définir en quoi consiste ce harcèlement ? C'est un harcèlement qui trouve sa place, qui se joue dans le théâtre du collège ?

  • Speaker #0

    J'ai l'impression que c'est assez commun maintenant le harcèlement à l'école. Et en fait, il n'y a pas vraiment de raison. C'est juste un groupe d'enfants qui traumatise un groupe d'enfants.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu peux nous décrire ce qui se passe à ce moment-là ? Donc tu as 11, 12, 13 ans, 14 ans ?

  • Speaker #0

    On se sent un peu perdu, on se sent aussi assez seul, on ne sait pas pourquoi ça nous arrive. Et c'est juste hyper compliqué à vivre parce qu'on peut avoir du mal à en parler à la famille aussi. On change de comportement, nos proches ne comprennent pas forcément pourquoi. Et ça peut durer hyper longtemps en plus.

  • Speaker #1

    Tu es un peu sous cloche ou dans une bulle ?

  • Speaker #0

    Totalement. Mes profs ont toujours dit que j'étais dans ma bulle d'ailleurs.

  • Speaker #1

    Et tu souhaites y rester à ce moment-là, dans cette bulle, où tu as envie d'en sortir mais ce n'est pas possible. En quoi est-ce que, pardon ça fait trois questions, en quoi est-ce que la réponse trouble de conduite alimentaire est une réponse à ça ?

  • Speaker #0

    En fait, je n'ai pas le choix, je suis obligée de rester dans ma bulle parce que c'est trop douloureux à vivre. Donc j'essaie de trouver des petits échappatoires. Pendant un moment, c'était la lecture. Et en fait, les TCA ont commencé à se développer et je me suis réfugiée littéralement dans la nourriture pour manger un peu mes émotions, on va dire. Et comme aussi je me sentais vide, donc je mangeais pour me remplir. C'était un peu délicat à gérer.

  • Speaker #1

    Concrètement, manger pour se remplir, pour des gens qui ne connaissent pas du tout cette pratique, en fait, tu te plantes devant le frigo, tu le vides, qu'est-ce qui se passe ?

  • Speaker #0

    C'est ça, je faisais des crises d'hyperphagie, donc c'est manger énormément, très vite, et très souvent en se cachant. Donc vraiment, c'était ça, je vidais les placards le plus vite possible, j'essayais qu'on ne me voit pas. Donc c'était juste se remplir, c'était manger pour manger, même pas... pour le plaisir ou quoi, il fallait manger. Il n'y avait pas d'autre solution à ce moment-là.

  • Speaker #1

    Comment est-ce que tu as été rejointe, peut-être aidée à ce moment-là ? Comment on sort de ça en fait ?

  • Speaker #0

    Pour les TCA, à cette époque, je n'ai pas du tout été aidée parce que je n'en parlais pas. Et en fait, je ne savais même pas ce que c'était. Et encore aujourd'hui, j'en ai toujours en fait. Ça a un peu changé, j'ai fait de la boulimie aussi. Ça a évolué. Mais je n'en suis toujours pas sortie, malheureusement.

  • Speaker #1

    Donc c'est un process.

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça. On travaille dessus, mais c'est compliqué et douloureux.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'il y a aussi des phases dépressives dans ces épisodes de remplissage ?

  • Speaker #0

    Les phases dépressives, ça a commencé quand j'étais au lycée. Avant, je ne savais pas trop comment caractériser ça. Au collège, je n'étais pas bien à cause du harcèlement. J'étais déprimée, mais je pense qu'on ne peut pas vraiment parler de dépression. Par contre, au lycée, j'ai fait une vraie phase dépressive où je m'isolais beaucoup. Je voulais plus avoir trop de contacts avec mes amis, il y a eu le début des scarifications, j'ai fait une tentative de suicide à 16 ans. Voilà, donc ça a été très compliqué, en plus des TCA.

  • Speaker #1

    C'est possible d'en parler de ce moment où tu t'es dit je vais me foutre en l'air

  • Speaker #0

    Oui, bien sûr. En gros, j'étais vraiment vraiment mal, ça allait pas trop à l'école, je décroche un petit peu. J'étais pas une mauvaise élève, mais... Ma moyenne chutait clairement. Et à la maison, ça n'allait pas non plus avec ma mère. Et je suis arrivée à un stade où je me suis dit, mais pourquoi continuer de vivre ? Je ne fais que souffrir, je pleure tout le temps, j'ai du mal avec mon sommeil. Je ne comprenais pas ce qui se passait et je n'arrivais pas vraiment à mettre de mots dessus. Et un jour, j'ai essayé de sauter d'un pont. J'étais avec des amis en plus et à mon retenue. Et je ne savais même pas quoi faire. Je ne savais pas s'il fallait appeler les pompiers. C'était très compliqué. Et au final, on est juste rentrés et on n'en a jamais vraiment reparlé. Donc j'ai mis ça derrière moi en me disant, ok, c'est comme ça, c'est passé, tant pis, on passe à autre chose.

  • Speaker #1

    Ça s'est représenté ou pas, ce genre d'impératif d'en finir, d'arrêter ?

  • Speaker #0

    Oui, j'ai fait une OTS quand j'ai été hospitalisée à Metz, à ma première hospice. En fait, on ne savait pas trop ce que j'avais, donc on ne savait pas comment me canaliser non plus. J'avais des moments où j'étais très euphorique et triste en même temps, en fait, en état mixte de la bipolarité. Mais on ne le savait pas encore. Et un soir, la veille de ma dernière épreuve de BTS en plus, je me suis dit, en fait, non, j'en ai marre, donc ça suffit. Et j'ai essayé de me pendre à l'hôpital.

  • Speaker #1

    Manifestement, ça n'a pas marché.

  • Speaker #0

    Non, en fait, au moment où je voulais...... faire le truc on va dire, il y a un enfermé qui est rentré. Donc il a arrêté tout le processus, il a contacté un psychiatre, on m'a donné des médicaments, après le lendemain matin mon psychiatre est venu, les choses se sont un peu réglées comme ça, mais c'était compliqué parce que on n'arrivait pas à mettre de mots vraiment dessus encore. On m'a posé le diagnostic bipolaire en fait à ma deuxième hospice parce que je suis revenue pour une dépression mélancolique. Donc c'est que là que je me suis dit Ah ouais, en fait, il y a quelque chose derrière. Ok, maintenant je comprends pourquoi j'agis comme ça. Avant, j'avais juste l'impression d'être bizarre. Maintenant, je sais en fait, j'arrive à mettre des mots sur ce qui m'arrive.

  • Speaker #1

    S'il n'y a pas ces mots, c'est plus compliqué.

  • Speaker #0

    Je pense que c'est plus compliqué s'il n'y a pas ces mots, parce qu'on se dit juste qu'il y a quelque chose qui déconne chez nous, mais on ne sait pas vraiment quoi, et donc c'est compliqué d'en parler, parce qu'on ne sait pas comment amener les choses, alors que quand on a un diagnostic, on va consulter pour ça. Donc on sait pourquoi on est là. Quand on n'a pas encore de diagnostic, ou juste on peut traverser une phase comme un burn-out ou autre, je trouve que c'est plus difficile d'amener les choses auprès des professionnels, parce qu'on ne sait même pas si on va être pris au sérieux. Donc c'est vraiment délicat.

  • Speaker #1

    Est-ce que finalement la décision de poser un acte, que ce soit de sauter d'un pont ou de se pendre à l'hôpital, ça c'était une façon d'être prise au sérieux ?

  • Speaker #0

    Pas vraiment, c'était juste un ras-le-bol de la situation où j'avais l'impression que je faisais que souffrir et que ça n'allait jamais s'arranger. Donc je me disais en fait, tant pis, j'arrête tout et au moins j'arrêterai de souffrir. C'était surtout ça, je voulais arrêter de souffrir. Et ça s'est représenté un peu plus tard avec des prises de médicaments. En fait, je voulais juste que tout s'arrête, que ma tête arrête de tourner finalement.

  • Speaker #1

    Tu as parlé déjà de plusieurs choses, de TCA, de phase de dépression, de diagnostic de bipolarité. En fait, il va y avoir d'autres mots encore posés ensuite.

  • Speaker #0

    Oui, on va me diagnostiquer un trouble borderline. Ça, je l'ai appris... à ma dernière hospice à Metz et là je me suis dit ok mais en fait il y a tout qui me tombe dessus ça fait beaucoup quand même à gérer et j'étais complètement perdue parce que je savais plus Mes actes, mes pensées, je ne savais plus si c'était lié au trouble bipolaire ou au trouble borderline. C'était hyper compliqué à gérer. Même encore maintenant, des fois, il y a des choses, je ne sais pas trop, si j'ai des petits pics d'euphorie, je ne sais pas si c'est le début d'un état mixte ou si c'est juste le trouble borderline. En fait, j'apprends encore, ça fait un an, deux ans, et j'apprends encore sur ces maladies-là.

  • Speaker #1

    Alors j'entends que tu dis que c'est juste le trouble borderline. Pour toi, c'est moins grave. En fait, c'est quoi un trouble borderline ? Pour toi ?

  • Speaker #0

    Pour moi, le trouble borderline, c'est ne pas savoir gérer ses émotions. Avoir des émotions qui sont assez exacerbées. On peut avoir des comportements autodommageables, donc se faire du mal, scarification, alcool, il y a vraiment plein de choses. Et tout est très fort si on se met en colère, on est très en colère. Si on est triste, on est très triste. On peut avoir des pics d'euphorie. On ne sait pas gérer nos émotions, en fait. Donc il faut qu'on apprenne à les gérer. Et ça, c'est tout un travail à faire.

  • Speaker #1

    C'est un travail qui te motive ou qui t'épuise ? Ou autre chose ?

  • Speaker #0

    Au début, ça m'épuisait parce que je me disais, en fait, j'ai déjà beaucoup de choses à gérer, les TCA, le trouble bipolaire, et là on me dit, en plus t'as un trouble borderline, ok, ça fait beaucoup. Donc c'est assez épuisant. En plus, ça prend beaucoup de temps, donc au début j'étais très découragée, j'étais même désespérée en fait. Et maintenant ça va un peu mieux grâce aux thérapies. Donc j'ai un peu plus d'espoir, mais au tout début j'étais... complètement désespérée, j'avais l'impression que ça ne bougerait jamais.

  • Speaker #1

    J'ai envie qu'on revienne sur ce que tu appelles les comportements autodommageables. C'est étonnant parce qu'en fait on entend des termes qu'on peut lire dans un bouquin et moi j'aimerais bien que tu nous les transcrives façon Justine. C'est quoi un comportement autodommageable ? Et c'est tellement incongru de se dire... Pourquoi tu fais ça ? Qu'est-ce qui pousse à un comportement autodommageable ?

  • Speaker #0

    En fait, le principe du comportement autodommageable, c'est de se faire du mal. Pour moi, ça a été les scarifications notamment, aussi se frapper la tête contre un mur ou des choses comme ça. En fait, comme je souffrais mentalement, je voulais transcrire la douleur pour la faire passer physiquement. Et donc pour que ça change de camp, entre guillemets, et pour penser à autre chose. Ça marchait, sauf que c'est aussi un engrenage, ça devient un peu comme une addiction, on a du mal à s'en passer. Donc c'est hyper douloureux aussi, et ma mentale est physique.

  • Speaker #1

    Tu nous dis que tu travailles beaucoup là-dessus. En quoi il consiste ce travail justement ?

  • Speaker #0

    Parler de ses traumatismes, parler de comment on vit les choses, essayer de trouver des outils pour gérer les moments de crise, se livrer auprès des professionnels, ce qui peut être compliqué, écouter leurs conseils aussi, faire un gros travail sur soi-même. En fait, c'est déconstruire tout ce qu'on pense pour reconstruire d'une manière saine.

  • Speaker #1

    Mais dans cette reconstruction, il faut que ça t'appartienne en fait, parce que déconstruire tout ce qu'on pense, ça nécessite aussi d'adhérer à ce qu'on va reconstruire à côté.

  • Speaker #0

    Oui, il y a des gens chez qui ça ne marche pas parce que ce n'est pas une question de volonté en fait, c'est juste que des fois c'est très très douloureux de changer les choses parce qu'on est habitué à ce qu'on fait et pour nous c'est la seule solution, c'est de vivre comme ça. Donc le fait de dire maintenant on change tout et... On arrête de se faire du mal, à la place, on met une poche de froid dans la nuque. C'est tout un schéma qui est totalement différent. Donc en fait, il faut apprendre à changer ça. Mais c'est aussi très douloureux parce que moi, j'avais l'impression que ce que je faisais, c'était mauvais. C'est quand même le cas, se faire du mal, ce n'est pas terrible. Et donc on se dit, en fait, il y a une bonne solution, il faut aller vers là. Mais c'est un schéma qui est hyper compliqué vers lequel on tendre au final.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu te rends compte objectivement de l'exploit que tu mènes, au sens où tout un chacun a des choses qu'il a envie de changer en lui ? Ça peut être arrêter de fumer, ça peut être arrêter d'être en retard, ça peut être toutes sortes de bricoles si j'ose dire. Est-ce que toi tu te rends compte que toi tu le fais et tu vas y arriver ? Est-ce que tu te rends compte que c'est quand même de l'ordre de l'exploit ?

  • Speaker #0

    Au début non. C'était surtout grâce à mes proches parce que c'est eux qui me disaient qu'ils voyaient un grand changement, que j'allais quand même mieux. Mais moi je me disais toujours mais en fait c'est pas assez, je vais pas assez bien encore, je veux que ce soit encore encore mieux. Donc j'avais l'impression d'avancer mais tellement doucement alors qu'en fait non, j'ai énormément avancé. Maintenant, je le vois. Mais au tout début, c'était que grâce à mes proches que je voyais le changement.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce qui a compté justement ? Alors, tu nous en dis un petit peu en parlant de tes proches. Qu'est-ce qui a compté et qu'est-ce qui compte encore pour tenir là-dedans, pour faire des choix ? Parce que j'imagine qu'il y en a à faire. Qu'est-ce qui compte le plus ?

  • Speaker #0

    c'est le soutien qu'on peut avoir autour de nous. Que ce soit familial, amical, amoureux, médical aussi. On a vraiment besoin de soutien, on a besoin de se sentir entendu. Que les gens essaient de nous comprendre parce qu'ils ne pourront jamais vraiment nous comprendre parce qu'ils ne vivent pas les choses. Mais au moins qu'ils essaient de nous comprendre, ne pas être jugés aussi. Parce qu'on a tendance à être énormément jugés par le monde extérieur, entre guillemets. On a besoin d'énormément de soutien, de sentir qu'on vaut quelque chose aussi pour les autres. Essayer de trouver de la force pour traverser toutes les épreuves, ce qui est très compliqué aussi parce que quand on est désespéré, on ne sait plus quoi faire. Donc essayer de se dire que ça va aller mieux, avoir de l'espoir en fait. Mais ce n'est vraiment pas facile d'en avoir quand on est dans des situations très délicates.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'il y a des choses concrètes ? Aller voir quelque chose de beau,

  • Speaker #0

    aller se promener,

  • Speaker #1

    tout ça est très dérisoire.

  • Speaker #0

    Je pense qu'il faut qu'on essaie d'avoir des petits moments de plaisir, de continuer en fait, d'avoir des petits moments de plaisir, donc en allant au cinéma, en allant prendre un café avec un ami. des petites choses comme ça, mais pareil c'est compliqué parce que quand on est en dépression par exemple, on n'a pas envie de voir des gens, on n'a pas envie de sortir, en fait on a envie de rester dans son lit et de pleurer littéralement. Donc il faut essayer de continuer d'avoir ces petits moments qui nous font du bien, il faut tenir là dessus. Je crois que c'est les choses auxquelles il faut qu'on s'accroche mais des fois on n'a juste pas envie, on n'a pas la force.

  • Speaker #1

    Tu parles de dépression, effectivement c'est pour le coup un terme qui est plus connu que les autres termes que tu as employés, qui est peut-être aussi galvaudé. Tout à l'heure tu as bien fait la distinction entre ce que tu as pu traverser au collège en disant qu'il y avait des moments, tu avais une déprime. C'est quoi la différence pour toi entre une déprime et vraiment un épisode dépressif ?

  • Speaker #0

    La déprime c'est quelque chose qui ne va pas durer forcément très longtemps, alors que la dépression ça peut durer des mois voire des années. Et en dépression, on se voit vraiment au fond du gouffre, on a l'impression qu'on ne pourra jamais se relever de ça. Beaucoup, beaucoup d'idées noires. Et on se dit, mais en fait, c'est fini. On va juste vivre comme ça toute notre vie. Aucun espoir, on a perdu tout espoir. Ce sera comme ça et on veut juste que tout s'arrête aussi. Après, ça dépend un peu des gens aussi, parce que... Moi, je faisais des dépressions mélancoliques. Donc, c'est vraiment être au fond du trou, mais on continue de creuser, en gros. Donc, c'était vraiment très, très compliqué. Je me souviens, une fois, j'étais dans mon appartement à Metz. J'étais toute seule. En fait, je devais faire un trajet de ma chambre à la cuisine, vraiment quelques mètres. Et en fait, je me suis retrouvée au milieu, donc entre ma chambre et la cuisine. Je n'avais plus d'énergie pour marcher. Et en fait, je me suis juste... allongée par terre et j'ai pas bougé pendant je sais pas combien de temps parce que j'avais même plus la force de marcher finalement donc maintenant ça va mieux mais à ces moments là j'avais qu'une envie c'était de mourir en fait.

  • Speaker #1

    Et à nouveau qu'est ce qui fait que tu as été jusqu'à la cuisine en fait ?

  • Speaker #0

    Honnêtement je sais même plus si je suis allume ou si je suis retournée dans mon lit ou pas Mais on essaie de trouver un peu de force en se disant Allez, on se motive juste pour ça. On essaie de faire des petits pas pour avancer. Des fois, c'est des tout petits pas, mais c'est quand même important parce qu'on avance un petit peu quand même. C'est ça qu'il faut essayer de faire. C'est vraiment petit pas par petit pas. Ne pas se fixer des gros objectifs parce qu'on va penser qu'on ne pourra jamais les atteindre. Alors que de se dire, aujourd'hui, j'essaie de sortir de mon lit, par exemple, pour aller sur le canapé ou des choses comme ça, c'est vraiment des petits pas, mais ça fait du bien parce que c'est des choses qu'on peut essayer de faire. Alors que si on se dit, là, je suis en dépression, il faut absolument que je sorte et que je ne vais pas prendre mon vélo pour faire 3-4 kilomètres. C'est trop gros. Il faut vraiment avancer petit à petit.

  • Speaker #1

    On a l'impression d'une marathonienne quand on parle avec toi, parce que sur tous ces chantiers, que ce soit ce que tu viens de nous décrire ou également... Apprendre à réguler tes humeurs. En fait, est-ce que tu as l'impression de te battre ?

  • Speaker #0

    Alors, je me bats contre moi, clairement, pour moi aussi et surtout pour mon entourage. Je crois que c'est ce qui me fait tenir maintenant, quand ça ne va pas. Je me dis que je n'ai pas envie de faire du mal à ma famille, à mes amis, à mon copain. En fait, je reste pour eux quand ça ne va pas. Je ne reste pas pour moi. Mais je me bats clairement contre moi parce que ces humeurs, je ne les contrôle pas forcément. Des fois, j'ai envie de faire des choses complètement... Entre guillemets complètement folle. Donc je dois essayer de me contenir. En général, moi quand je suis en phase hypomaniaque, mon délire c'est de partir à l'étranger, sur un coup de tête, sans vraiment de préparation. Voilà. Une fois j'étais hospitalisée aussi à Metz. J'avais une phase hypomaniaque. J'ai été hospitalisée que je cherchais une famille aux Pays-Bas pour être jeune fille au père. Alors que je n'étais pas sortie de l'hôpital. Et j'étais prête à me barrer et à dire, OK, c'est bon, j'y vais. J'avais trouvé une famille, d'ailleurs.

  • Speaker #1

    C'est quand même pas mal. Ça veut dire que tu as une ressource énorme. L'idée, c'est de savoir vers où l'orienter cette ressource. Et quoi faire de ce fleuve impétueux qui t'habite ?

  • Speaker #0

    Il faut essayer de placer son énergie au bon endroit et de ne pas se laisser submerger par ce qui nous arrive. Mais c'est encore une fois très très compliqué parce que quand on a une idée en tête, notamment en phase hypomaniaque, on a juste envie de la réaliser et de se dire Ok, c'est bon, de toute façon je suis le roi du monde, je peux faire ce que je veux, il ne va jamais rien m'arriver Ben non, en fait, ce n'est pas comme ça que ça se passe. Il peut nous arriver plein de choses. Je me suis mise en danger plusieurs fois et ça je l'ai capté qu'avec du recul quand je suis redescendue. Maintenant je fais beaucoup plus attention parce que j'ai du recul justement, que je n'avais pas avant. Quand j'étais en Corée du Sud, parce que j'ai habité en Corée du Sud pendant un an et demi, j'ai fait une phase maniaque carrément et je faisais confiance à absolument tout le monde. Tout le monde est beau, tout le monde est gentil, c'est génial, la vie est belle. Et je me suis fait droguer, voilà, en soirée et ça a failli mal finir. J'ai réussi à m'en sortir, mais ça ne m'a pas arrêté. Pour autant, j'ai continué de penser que tout le monde était gentil et que j'avais plein d'amis, alors que pas du tout.

  • Speaker #1

    Est-ce que l'échange avec d'autres personnes qui vivent des choses similaires ou proches de ce que tu vis, est-ce que ça peut compter, ça ?

  • Speaker #0

    Ça fait énormément de bien de pouvoir parler à des personnes qui vivent la même chose que nous, parce qu'on se sent compris. En fait, on se dit, voilà, j'ai trouvé une personne qui... comprend ce que je vis, c'est incroyable. Et surtout, quand on parle avec des gens qui sont stabilisés, qui ont un travail, qui ont une vie de famille, qui ont tout ce que la société nous demande finalement, on se dit, ok, il y a une possibilité d'aller mieux. Moi, c'est pas le cas pour l'instant, mais vu que ces gens ont réussi, pourquoi moi je réussirais pas ?

  • Speaker #1

    C'était Gueule Cachée, épisode 4, Justine.

  • Speaker #0

    Dès qu'on se sent pas bien, dès qu'il y a quelque chose qui nous travaille, il faut aller voir un psychologue, un psychiatre. Il ne faut pas avoir honte de ça, parce que ça nous aide. Il ne faut pas qu'on reste dans des états douloureux, c'est pas comme ça qu'on est censé vivre. Donc il ne faut vraiment pas avoir honte de demander de l'aide, tout simplement, que ce soit psychologue, psychiatre, aller aux urgences psychiatriques, en parler à ses proches, il faut s'ouvrir à tout ça.

  • Speaker #1

    Gael Caché, un podcast de Laetitia Forgeau-D'Arc, création sonore et musicale Marine Anger pour le studio Sonia. Merci à Justine pour son témoignage. Merci à vous tous qui avez porté le projet participatif de cette série. Vous pouvez retrouver un nouvel épisode tous les 15 jours sur toutes les plateformes et puis sur mon site internet

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