undefined cover
undefined cover
Qui l'eût cru? cover
Qui l'eût cru? cover
Gueules cachées

Qui l'eût cru?

Qui l'eût cru?

21min |05/12/2024|

83

Play
undefined cover
undefined cover
Qui l'eût cru? cover
Qui l'eût cru? cover
Gueules cachées

Qui l'eût cru?

Qui l'eût cru?

21min |05/12/2024|

83

Play

Description

Laurent raconte ce qu'il a vu, et d'autres pas. C'est cela les fameuses "alus"? Les valider, ou pas... c'est affaire de choix. Itinéraire d'un rétablissement.

Mon site


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Puisque moi j'avais ma propre réalité, mais j'étais plus connecté à la réalité que vivait le groupe.

  • Speaker #1

    Les gueules cachées, ce sont des personnes qui acceptent de vous raconter ce que vous ne voyez pas et qu'on ne veut pas toujours entendre.

  • Speaker #0

    Évidemment c'est très embêtant, on n'est plus en synchrone, on n'est plus en adéquation.

  • Speaker #1

    Gueules cachées, épisode 5, Laurent. Laurent a vu ce que d'autres n'ont pas vu. Alors que faire de cela ? Croire ou pas ? Laurent, on pourrait partir de bien des débuts, parce que des débuts dans ton histoire, il y en a eu. Donc je voudrais qu'on reparte en 1989. Tu fais ton service militaire, tu es en Allemagne. Il y a un élément déclencheur qui est une demande qui pourrait paraître anodine d'un de tes supérieurs, du musicien. Et tu vois dans cette demande quelque chose qui va déclencher. Qu'est-ce qui se passe ?

  • Speaker #0

    Eh bien c'est le capitaine responsable de la musique régionale des forces françaises en Allemagne, puisque je suis à Rastatt et je fais mon service militaire en tant qu'appelé. Et je suis flûtiste, je joue de la flûte traversière. Et le capitaine vient me voir et me dit Lefebvre, vous allez jouer la sonate pour flûte et piano de Poulenc pour les généraux en soirée privée. Et il referme la porte. Je n'ai même pas le temps de dire ouf que je me retrouve finalement à gérer cette information. qui va s'avérer une information, une bombe chimique en fait, puisque trois semaines plus tard, je vais faire ma première décompensation.

  • Speaker #1

    Si on parle de bombe chimique, c'est parce qu'en fait, elle génère un stress incroyable.

  • Speaker #0

    Elle va gérer en fait, c'est un stress lancinant, puisque je ne me rends pas compte tout de suite, mais je ne maîtrise pas le morceau. Donc techniquement, je ne le maîtrise pas. Je sais que si je dois jouer devant des généraux, je vais faire fausse note sur fausse note et ça va être une catastrophe. Donc pendant trois semaines finalement, j'essaye de digérer cette information, mais je n'y arrive pas et finalement ça va changer la chimie de mon cerveau, progressivement. Trois semaines plus tard, donc le 15 décembre 1989, il va arriver une succession de faits qui vont bouleverser totalement ma vie. Après la répétition de l'après-midi, le grand orchestre, on devait nettoyer nos chambres, puisqu'on devait partir en week-end, tout le monde devait retrouver sa famille, et là, moi, après avoir rangé la chambre, j'ai fait ce que j'ai pu, j'étais déjà parti dans quelque chose d'autre, et puis, il y a une espèce de force, qui me pousse à aller dans une pièce, et je me retrouve tout seul dans cette pièce. Et là, tout d'un coup, la pensée, une pensée arrive très claire. E égale mc2. Alors, je suis même surpris moi-même, parce que je me dis, mais pourquoi ? Tout de suite, je me dis un peu pourquoi ? Et puis tout d'un coup, je suis pris par l'énergie de cette équation, et je vais la comprendre. Je vais la comprendre non pas intellectuellement, techniquement, puisque je n'y connais rien moi en physique EGLC2, je ne sais pas comment il a découvert ça, Albert Einstein, mais je vais la comprendre par le corps, par l'émotion. Tout d'un coup j'ai l'impression que cette équation c'est la clé de l'univers, c'est la clé des clés, et finalement je comprends l'univers dans sa totalité. En tout cas j'ai cette émotion-là, c'est assez fort, c'est même très puissant. Et je tourne presque comme un dervish tourneur finalement, je tourne sur un cercle imaginaire, comme si je remontais le temps. Et je vais avoir, pendant presque deux heures, je vais être dans un état suspendu, comme si j'étais hors du temps, mais avec une émotion très forte. Et puis, tout d'un coup, je vais avoir une vision. Vision d'une femme. que je reconnais, parce que c'est une femme connue, et qui est en train de se préparer pour une cérémonie de mariage. Et il y a des petits oiseaux qui volettent, qui prennent dans leur bec le voile, etc., qui l'apprêtent d'un certain côté, qui l'aident à s'apprêter. Donc c'est très net, avec une lumière bleutée, argentée. C'est très impressionnant. Et puis, dernier acte de ces deux heures, je reviens dans ma chambre, et là j'attends, j'ai l'impression d'attendre quelque chose. Et puis tout d'un coup, là encore, une espèce d'énergie, de force invisible qui me prend par le poignet, et j'ai l'impression que je dois me lever, je me lève, je vais dans le couloir, puis tout d'un coup je regarde ma montre, et là je ne sais pas ce qui se passe. Je suis comme dans un état de trance. En fait, je suis monté dans un état de trance. Et là, je jote le bracelet de ma montre très vite et j'envoie à tout voler dans la salle des douches. Et à percute de la vitre, j'entends une grosse déflagration. J'allume la lumière et en fait, je m'approche de la fenêtre et je ne vois plus la montre. Il y a une marque blanche qui a blanchi la surface de la vitre du diamètre exact de ma montre. Je ne vois plus de montre. En fait, je regarde en dessous, je regarde en bas, etc. Plus de montre. Donc je me retrouve finalement, je lance une montre que je ne trouve plus, qui a disparu.

  • Speaker #1

    Laurent, cet épisode, aujourd'hui, tu en parles comme si c'était passé hier. Est-ce que ça, c'est une hallucination ?

  • Speaker #0

    Alors justement, je me suis posé la question, je me suis dit, mais si ça se trouve Laurent, t'as eu une hallucination, tout d'un coup, ton cerveau t'a joué des tours. Alors c'est vrai que pendant des années, en fait, j'ai pas arrêté de revivre la scène, pour me dire, mais attends, t'as bien vu ta montre, t'as pris ta montre, tu l'as lancée, t'as allumé la lumière, et je revoyais les images. Et c'est vrai que je me disais mais c'est pas possible, le problème comment veux-tu qu'une montre disparaisse comme ça ? C'est pas possible, scientifiquement, physiquement en fait on ne peut pas l'expliquer vraiment avec les sciences d'aujourd'hui. Et puis, mais en même temps moi je me suis dit mais si moi j'ai vu la marque mais j'ai pas vu la montre. Il y avait un doute, en fait, c'est ça. Pendant des années, je doutais. Je me disais, effectivement, c'est peut-être que ta montre, elle a peut-être ricoché vraiment, elle est sous les douches et en fait, c'est toi qui t'es trompé. Mais depuis finalement peu de temps, j'ai décidé que je ne doutais plus. Ça, c'est intéressant parce que finalement, j'ai décidé de trancher. Et aujourd'hui, je vous le dis très clairement, pour moi, la montre, elle a disparu.

  • Speaker #1

    C'est drôlement courageux, n'empêche, parce que tu as posé des choix très forts sur ce que tu as vécu, ce que nous ne croyons pas réel, et tu les as fait tiens, en quelque sorte. Donc c'est parti d'un choix qui, pardon, mais n'est pas rationnel. On revient à 1989. Concrètement, après cette histoire de montre, tout le monde est parti en permes. Toi, tu vas faire quoi ? Qu'est-ce qui se passe ?

  • Speaker #0

    Effectivement, moi, je descends les escaliers à ce moment-là. Et je me retrouve à vouloir prendre... rentrer dans une voiture qui était là, au bord de la caserne. Et puis, il n'y avait pas de clé. Donc, je sors et c'est là que je crois que je me mets à crier. Et des... lieutenants qui passaient par là m'ont vu et tout de suite ont compris qu'il y avait un problème. Et donc, ils ont fait venir la responsable de l'infirmerie. Et puis, voilà, ils m'ont fait trois piqûres de Valium pour m'endormir. Et puis après, je me suis réveillé le lendemain matin, quand même avec une camisole de force dans le lit, toujours à la caserne. Et puis... C'est vrai que moi, j'étais parti dans une énergie où là, j'étais vraiment... Je parle de sortie de réalité générale, puisque moi, j'avais ma propre réalité, mais j'étais plus connecté à la réalité que vivait le groupe. Donc évidemment, c'est très embêtant. On n'est plus synchrone, on n'est plus en adéquation. Donc finalement, on m'a hospitalisé à l'hôpital de Fribourg. Et c'est là que j'ai eu mes premiers neuroleptiques. C'était des neuroleptiques à l'époque en 89 d'ancienne génération comme on dit avec des gros effets secondaires. J'étais raide comme la justice, j'avais de la bave qui coulait tellement je salivais et j'étais très fatigué. Ils essayaient d'éteindre l'incendie qu'il y avait, puisque c'est vrai qu'à ce moment-là, tout s'est embrasé dans ma tête. Je suis resté un mois, un mois et demi à l'hôpital. Et on a demandé à ma mère finalement de me récupérer alors que j'étais encore sorti de la réalité. Et ma mère a dû se débrouiller avec moi à me prendre en voiture. Donc c'est quand même assez curieux de l'armer de faire ça.

  • Speaker #1

    Donc tout voilà, retourné en France. effectivement c'est ta mère qui prend le relais comment ça se passe à ce moment là à la maison ?

  • Speaker #0

    c'est difficile parce que moi je suis encore délirant et on m'a pas dit aller tout de suite à l'hôpital donc ma mère découvre son fils dans un état bizarroïde qui tient des propos Des fois un peu bizarre, c'est-à-dire que là, à ce moment-là, comme exemple, j'avais plus envie de manger de pommes à cause du fruit défendu dans la Bible, etc. Enfin bref, ça c'est des choses concrètes. Et je me disais, mais il ne faut plus que je mange de pommes. Donc là forcément, ma mère ne comprenait pas très bien, elle disait mais qu'est-ce qui se passe, etc. Enfin bon, c'est quand même pas facile. Et puis moi, j'étais quand même parti là sur des cimes quand même assez hautes. Par exemple, avec mon père, là mes parents étaient divorcés, donc j'allais chez mon père qui n'était pas loin. Et un week-end, on devait marcher, et j'en rigole parce que... On devait aller à 1000 mètres d'altitude et pour moi, il n'y allait plus avoir assez d'oxygène. Donc c'est pour vous dire à quel point je n'étais plus du tout dans la réalité du groupe. Toutes choses finalement devenaient... j'avais une interprétation différente, donc ça devenait compliqué.

  • Speaker #1

    Petit à petit, tu vas être prise en charge, tu vas être soignée, tu vas d'une certaine façon accepter aussi d'être soignée. Est-ce que c'est une façon de renoncer du coup ? à la réalité que tu as perçue à un moment ?

  • Speaker #0

    C'est très intéressant parce qu'en fait, les deux heures, je vous ai donné les trois faits majeurs des deux heures que j'ai vécues, pour moi, c'est quelque chose un peu hors catégorie. J'allais dire, par rapport à une schizophrénie classique normale, etc. Moi, j'ai l'impression que ce que j'ai eu, c'était une espèce d'indice. Comme si j'avais eu... trois indices et qu'il fallait remonter le fil d'Ariane, comme si j'étais dans un labyrinthe. Et grâce à ces trois indices, ça allait jouer le rôle comme le fil d'Ariane pour sortir du dédale, sortir du labyrinthe. Et donc, je me suis dit, il faut faire une enquête. Il faut que tu prennes ces faits et dire pour quelle raison, finalement, qu'est-ce que ça voulait te dire par rapport à toi, Laurent, de ta vie, finalement. Remonte le fil et fais ton enquête. Et voilà, je suis... Pendant des années, finalement, j'ai essayé de comprendre ce qui était évidemment au départ bizarre de ces trois faits. Et donc, j'ai fait mon enquête. J'avais compris une chose, c'est qu'il fallait mettre de la compréhension pour moi. Et finalement, j'ai pris une décision, c'était de me dire, si la montre a disparu, alors si tu dis que la montre a disparu, trouve une raison pourquoi elle a disparu. Finalement, pourquoi ? Pourquoi ta montre, tu as été témoin d'une montre qui disparaît ? Qu'est-ce que ça voulait dire pour toi ? Et du coup, j'ai expliqué pour moi-même, j'ai mis du sens à une croyance. Et pour que ça me porte en fait. Cette croyance me porte. Et aujourd'hui, je suis très content parce que c'est une croyance effectivement qui me porte. qui me concerne, finalement. Bon, là, je donne des éléments, effectivement, pour essayer de comprendre qu'il y a d'autres personnes qui vivent une schizophrénie et des fois, ils ne savent pas trop par quel bout prendre les choses, mais moi, je pense que c'est intéressant que, quand il y a une première décompensation, d'essayer de comprendre, finalement, même si c'est dit délirant par les psychiatres, etc., oui, il y a des éléments, effectivement, moi aussi, j'ai vécu des choses qui sont complètement délirantes, mais les... Les faits qui se sont déroulés pendant ces deux heures, pour moi, ils sont hors champ, hors délire. Et ils voulaient dire vraiment quelque chose d'important.

  • Speaker #1

    C'est intéressant parce que les médicaments, c'est une chose. En revanche, prendre soin de ce qui a été perçu à un moment considéré comme délirant, ça te semble être une étape assez indispensable pour aller vers le rétablissement. Ce fameux rétablissement qu'on appelle l'empowerment, en bon français de France. Pourquoi est-ce que c'est important ? de regarder avec honnêteté ce moment qu'on aurait plutôt envie de mettre sous le tapis.

  • Speaker #0

    En tout cas, pour moi, ça a été une façon de remettre mes mains sur le volant de ma vie. Après, c'est vrai que chacun va faire à sa façon, mais... Dans mon cas, je savais que c'était comme une équation à résoudre. Et comme Albert Einstein justement en a commencé par Galim C2, pour moi ça me semblait intéressant, un clin d'œil à Albert Einstein. Prends la schizophrénie comme une équation à résoudre. C'est ce que j'ai fait. En essayant de comprendre finalement les choses, en faisant ma petite enquête, et puis je me suis aperçu qu'il y avait des choses quand même très troublantes, etc. Donc je ne vais pas revenir, parce que là, on se rend pas moins de 5 heures. Je vais en faire un livre, puisqu'on est en train d'écrire un livre à quatre mains, avec une professionnelle de l'accompagnement, une éducatrice spécialisée, qui m'aide à me pousser un peu aux fesses pour écrire. Et justement, ça va être une fiction, et je vais raconter... Le héros du livre va enquêter comme j'ai enquêté sur ces deux heures. Et on va le retrouver dans le livre. Et je pense que ça va faire une belle histoire.

  • Speaker #1

    Quel a été le chemin vers la paix et danse ? Qu'est-ce qui fait qu'un jour, tu as envie de travailler pour les autres, en quelque sorte ?

  • Speaker #0

    Et bien c'est parti là encore d'une pensée qui m'est arrivée brutalement. J'étais tranquillement en train de regarder la télévision, il n'y avait pas du tout d'image de sport. Et puis tout d'un coup dans ma tête, je me suis dit c'est ça qu'il faut faire, courir un marathon. Et comme ça tu pourras parler aux journalistes, ils vont peut-être être intéressés du fait que tu as réussi à courir un marathon sous antipsychotique. Parce que tu as une problématique de schizophrénie. Et ce qui s'est passé, puisque 4 ans et demi j'ai mis... quatre ans et demi à m'entraîner et j'ai couru le marathon, le premier marathon de la ville de Colmar en 5h50 minutes et j'ai même fait la une du journal Alsace et il y a eu des articles qui ont été bien faits puisqu'ils parlaient vraiment de ce que c'était et il n'y avait pas de fantasme sur la maladie, c'est ce que je voulais, déstigmatiser les maladies psychiques et en fait, je faisais ce qu'on demande à des pères aidants, ce nouveau métier en France, sans le savoir. Et c'est en racontant comment j'ai réussi à courir un marathon lors de la semaine de la santé mentale au mois de mars 2016, donc quelques mois après le marathon, qu'on m'a dit Laurent, tu devrais postuler pour devenir médiateur de santé-père ou père aidant en santé mentale Et c'est vrai que je me suis dit mais ça fait sens ce métier Aider les autres, aller sur un chemin de rétablissement plus rapidement que ce que moi j'avais fait. Je suis aujourd'hui médiateur de santé paire et je travaille aux hôpitaux universitaires de Strasbourg. J'ai fait la première, en plus c'était une première, la première licence 3, sciences sanitaires et sociales, mention médiateur de santé paire à l'université Paris 13, sur le site de Bobigny, dans le 9-3. C'est une université où il y a des laboratoires en biologie et aussi une faculté de médecine, et aussi les sciences sanitaires et sociales. Pour la première fois, on parlait de rétablissement. C'est vrai que ce n'est pas des termes que j'utilisais dans mon... Et moi, je me suis dit, c'est vrai, moi j'ai aussi fait un parcours de rétablissement. Je me rendais compte du chemin parcouru et d'entendre les récits de vie des autres étudiants, c'était très intéressant aussi. On a eu des cours sur l'histoire de la psychiatrie, des cours en addictologie. C'était peut-être un peu trop théorique, pas assez pratique, puisqu'on a fait beaucoup de sociologie. Très universitaire finalement, et c'est vrai que là j'en ai bavé, je dois dire. Je suis revenu à l'université à 53 ans, c'est vrai que ça demandait quand même beaucoup d'efforts, mais finalement je suis très content parce que j'ai réussi à avoir cette licence et pouvoir exercer le métier, très beau métier de médiateur de santé-père.

  • Speaker #1

    Aujourd'hui, qu'est-ce que tu dis aux personnes, aux familles, aux personnes concernées par la schizophrénie ? Tu leur dis, bon les gars, moi aussi, et puis vous voyez, ça se passe très bien. Qu'est-ce que tu leur dis ?

  • Speaker #0

    Alors moi, ce que je dis, c'est qu'il faut garder l'espoir, l'espérance, parce que ça, c'est super important. C'est vrai qu'au début de la maladie, c'est toujours délicat parce qu'on ne sait pas trop, on ne connaît pas bien les choses, on ne connaît pas la maladie très bien. Évidemment, on subit beaucoup. que ce soit les familles et les personnes concernées. On souffre en fait ensemble, donc c'est pas facile, évidemment. Mais moi ce que j'ai envie de dire aujourd'hui, c'est de vous dire de plus en plus il y a de nouvelles molécules aussi qui sont apparues dans les années 2000, qui ont changé un peu les choses aussi. Le rétablissement, j'en vois avec des collègues qui sont beaucoup plus jeunes que moi et qui ont déjà fait un parcours de rétablissement déjà très établi et qui deviennent pères aidants ou médiateurs de santé pères. Moi je suis très optimiste pour la suite des événements par rapport à cette problématique-là. Je suis quand même beaucoup plus optimiste puisque je vois qu'on peut faire des parcours beaucoup plus resserrés et arriver déjà sur un parcours de rétablissement beaucoup plus rapidement que le mien. Mais en tout cas, l'espoir, garder toujours l'espoir et l'espérance.

  • Speaker #1

    C'était Gueule Cachée, épisode 5, Laurent.

  • Speaker #0

    Dire je suis malade, je suis atteint de schizophrénie moi je trouve que c'est très enfermant. Pour moi, c'est devenu une force même la schizophrénie. C'est pour ça que je préfère parler de façon plus ouverte, libre et optimiste de singularité psychique. On a une sensibilité qui est très forte et qu'on ressent finalement au fond de nous, notre âme est sensible. C'est monde invisible qu'on perçoit. Et donc, en faire une force, c'est ce que j'ai réussi à faire, je pense, en rendant du sens à ma croyance.

  • Speaker #1

    Gueule cachée, un podcast de Laetitia Forgeaud d'Arc. Création sonore et musicale, Marine Anger pour le studio Sonia. Merci à Laurent pour son récit. Merci à vous tous qui avez porté le projet participatif de cette série.

Description

Laurent raconte ce qu'il a vu, et d'autres pas. C'est cela les fameuses "alus"? Les valider, ou pas... c'est affaire de choix. Itinéraire d'un rétablissement.

Mon site


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Puisque moi j'avais ma propre réalité, mais j'étais plus connecté à la réalité que vivait le groupe.

  • Speaker #1

    Les gueules cachées, ce sont des personnes qui acceptent de vous raconter ce que vous ne voyez pas et qu'on ne veut pas toujours entendre.

  • Speaker #0

    Évidemment c'est très embêtant, on n'est plus en synchrone, on n'est plus en adéquation.

  • Speaker #1

    Gueules cachées, épisode 5, Laurent. Laurent a vu ce que d'autres n'ont pas vu. Alors que faire de cela ? Croire ou pas ? Laurent, on pourrait partir de bien des débuts, parce que des débuts dans ton histoire, il y en a eu. Donc je voudrais qu'on reparte en 1989. Tu fais ton service militaire, tu es en Allemagne. Il y a un élément déclencheur qui est une demande qui pourrait paraître anodine d'un de tes supérieurs, du musicien. Et tu vois dans cette demande quelque chose qui va déclencher. Qu'est-ce qui se passe ?

  • Speaker #0

    Eh bien c'est le capitaine responsable de la musique régionale des forces françaises en Allemagne, puisque je suis à Rastatt et je fais mon service militaire en tant qu'appelé. Et je suis flûtiste, je joue de la flûte traversière. Et le capitaine vient me voir et me dit Lefebvre, vous allez jouer la sonate pour flûte et piano de Poulenc pour les généraux en soirée privée. Et il referme la porte. Je n'ai même pas le temps de dire ouf que je me retrouve finalement à gérer cette information. qui va s'avérer une information, une bombe chimique en fait, puisque trois semaines plus tard, je vais faire ma première décompensation.

  • Speaker #1

    Si on parle de bombe chimique, c'est parce qu'en fait, elle génère un stress incroyable.

  • Speaker #0

    Elle va gérer en fait, c'est un stress lancinant, puisque je ne me rends pas compte tout de suite, mais je ne maîtrise pas le morceau. Donc techniquement, je ne le maîtrise pas. Je sais que si je dois jouer devant des généraux, je vais faire fausse note sur fausse note et ça va être une catastrophe. Donc pendant trois semaines finalement, j'essaye de digérer cette information, mais je n'y arrive pas et finalement ça va changer la chimie de mon cerveau, progressivement. Trois semaines plus tard, donc le 15 décembre 1989, il va arriver une succession de faits qui vont bouleverser totalement ma vie. Après la répétition de l'après-midi, le grand orchestre, on devait nettoyer nos chambres, puisqu'on devait partir en week-end, tout le monde devait retrouver sa famille, et là, moi, après avoir rangé la chambre, j'ai fait ce que j'ai pu, j'étais déjà parti dans quelque chose d'autre, et puis, il y a une espèce de force, qui me pousse à aller dans une pièce, et je me retrouve tout seul dans cette pièce. Et là, tout d'un coup, la pensée, une pensée arrive très claire. E égale mc2. Alors, je suis même surpris moi-même, parce que je me dis, mais pourquoi ? Tout de suite, je me dis un peu pourquoi ? Et puis tout d'un coup, je suis pris par l'énergie de cette équation, et je vais la comprendre. Je vais la comprendre non pas intellectuellement, techniquement, puisque je n'y connais rien moi en physique EGLC2, je ne sais pas comment il a découvert ça, Albert Einstein, mais je vais la comprendre par le corps, par l'émotion. Tout d'un coup j'ai l'impression que cette équation c'est la clé de l'univers, c'est la clé des clés, et finalement je comprends l'univers dans sa totalité. En tout cas j'ai cette émotion-là, c'est assez fort, c'est même très puissant. Et je tourne presque comme un dervish tourneur finalement, je tourne sur un cercle imaginaire, comme si je remontais le temps. Et je vais avoir, pendant presque deux heures, je vais être dans un état suspendu, comme si j'étais hors du temps, mais avec une émotion très forte. Et puis, tout d'un coup, je vais avoir une vision. Vision d'une femme. que je reconnais, parce que c'est une femme connue, et qui est en train de se préparer pour une cérémonie de mariage. Et il y a des petits oiseaux qui volettent, qui prennent dans leur bec le voile, etc., qui l'apprêtent d'un certain côté, qui l'aident à s'apprêter. Donc c'est très net, avec une lumière bleutée, argentée. C'est très impressionnant. Et puis, dernier acte de ces deux heures, je reviens dans ma chambre, et là j'attends, j'ai l'impression d'attendre quelque chose. Et puis tout d'un coup, là encore, une espèce d'énergie, de force invisible qui me prend par le poignet, et j'ai l'impression que je dois me lever, je me lève, je vais dans le couloir, puis tout d'un coup je regarde ma montre, et là je ne sais pas ce qui se passe. Je suis comme dans un état de trance. En fait, je suis monté dans un état de trance. Et là, je jote le bracelet de ma montre très vite et j'envoie à tout voler dans la salle des douches. Et à percute de la vitre, j'entends une grosse déflagration. J'allume la lumière et en fait, je m'approche de la fenêtre et je ne vois plus la montre. Il y a une marque blanche qui a blanchi la surface de la vitre du diamètre exact de ma montre. Je ne vois plus de montre. En fait, je regarde en dessous, je regarde en bas, etc. Plus de montre. Donc je me retrouve finalement, je lance une montre que je ne trouve plus, qui a disparu.

  • Speaker #1

    Laurent, cet épisode, aujourd'hui, tu en parles comme si c'était passé hier. Est-ce que ça, c'est une hallucination ?

  • Speaker #0

    Alors justement, je me suis posé la question, je me suis dit, mais si ça se trouve Laurent, t'as eu une hallucination, tout d'un coup, ton cerveau t'a joué des tours. Alors c'est vrai que pendant des années, en fait, j'ai pas arrêté de revivre la scène, pour me dire, mais attends, t'as bien vu ta montre, t'as pris ta montre, tu l'as lancée, t'as allumé la lumière, et je revoyais les images. Et c'est vrai que je me disais mais c'est pas possible, le problème comment veux-tu qu'une montre disparaisse comme ça ? C'est pas possible, scientifiquement, physiquement en fait on ne peut pas l'expliquer vraiment avec les sciences d'aujourd'hui. Et puis, mais en même temps moi je me suis dit mais si moi j'ai vu la marque mais j'ai pas vu la montre. Il y avait un doute, en fait, c'est ça. Pendant des années, je doutais. Je me disais, effectivement, c'est peut-être que ta montre, elle a peut-être ricoché vraiment, elle est sous les douches et en fait, c'est toi qui t'es trompé. Mais depuis finalement peu de temps, j'ai décidé que je ne doutais plus. Ça, c'est intéressant parce que finalement, j'ai décidé de trancher. Et aujourd'hui, je vous le dis très clairement, pour moi, la montre, elle a disparu.

  • Speaker #1

    C'est drôlement courageux, n'empêche, parce que tu as posé des choix très forts sur ce que tu as vécu, ce que nous ne croyons pas réel, et tu les as fait tiens, en quelque sorte. Donc c'est parti d'un choix qui, pardon, mais n'est pas rationnel. On revient à 1989. Concrètement, après cette histoire de montre, tout le monde est parti en permes. Toi, tu vas faire quoi ? Qu'est-ce qui se passe ?

  • Speaker #0

    Effectivement, moi, je descends les escaliers à ce moment-là. Et je me retrouve à vouloir prendre... rentrer dans une voiture qui était là, au bord de la caserne. Et puis, il n'y avait pas de clé. Donc, je sors et c'est là que je crois que je me mets à crier. Et des... lieutenants qui passaient par là m'ont vu et tout de suite ont compris qu'il y avait un problème. Et donc, ils ont fait venir la responsable de l'infirmerie. Et puis, voilà, ils m'ont fait trois piqûres de Valium pour m'endormir. Et puis après, je me suis réveillé le lendemain matin, quand même avec une camisole de force dans le lit, toujours à la caserne. Et puis... C'est vrai que moi, j'étais parti dans une énergie où là, j'étais vraiment... Je parle de sortie de réalité générale, puisque moi, j'avais ma propre réalité, mais j'étais plus connecté à la réalité que vivait le groupe. Donc évidemment, c'est très embêtant. On n'est plus synchrone, on n'est plus en adéquation. Donc finalement, on m'a hospitalisé à l'hôpital de Fribourg. Et c'est là que j'ai eu mes premiers neuroleptiques. C'était des neuroleptiques à l'époque en 89 d'ancienne génération comme on dit avec des gros effets secondaires. J'étais raide comme la justice, j'avais de la bave qui coulait tellement je salivais et j'étais très fatigué. Ils essayaient d'éteindre l'incendie qu'il y avait, puisque c'est vrai qu'à ce moment-là, tout s'est embrasé dans ma tête. Je suis resté un mois, un mois et demi à l'hôpital. Et on a demandé à ma mère finalement de me récupérer alors que j'étais encore sorti de la réalité. Et ma mère a dû se débrouiller avec moi à me prendre en voiture. Donc c'est quand même assez curieux de l'armer de faire ça.

  • Speaker #1

    Donc tout voilà, retourné en France. effectivement c'est ta mère qui prend le relais comment ça se passe à ce moment là à la maison ?

  • Speaker #0

    c'est difficile parce que moi je suis encore délirant et on m'a pas dit aller tout de suite à l'hôpital donc ma mère découvre son fils dans un état bizarroïde qui tient des propos Des fois un peu bizarre, c'est-à-dire que là, à ce moment-là, comme exemple, j'avais plus envie de manger de pommes à cause du fruit défendu dans la Bible, etc. Enfin bref, ça c'est des choses concrètes. Et je me disais, mais il ne faut plus que je mange de pommes. Donc là forcément, ma mère ne comprenait pas très bien, elle disait mais qu'est-ce qui se passe, etc. Enfin bon, c'est quand même pas facile. Et puis moi, j'étais quand même parti là sur des cimes quand même assez hautes. Par exemple, avec mon père, là mes parents étaient divorcés, donc j'allais chez mon père qui n'était pas loin. Et un week-end, on devait marcher, et j'en rigole parce que... On devait aller à 1000 mètres d'altitude et pour moi, il n'y allait plus avoir assez d'oxygène. Donc c'est pour vous dire à quel point je n'étais plus du tout dans la réalité du groupe. Toutes choses finalement devenaient... j'avais une interprétation différente, donc ça devenait compliqué.

  • Speaker #1

    Petit à petit, tu vas être prise en charge, tu vas être soignée, tu vas d'une certaine façon accepter aussi d'être soignée. Est-ce que c'est une façon de renoncer du coup ? à la réalité que tu as perçue à un moment ?

  • Speaker #0

    C'est très intéressant parce qu'en fait, les deux heures, je vous ai donné les trois faits majeurs des deux heures que j'ai vécues, pour moi, c'est quelque chose un peu hors catégorie. J'allais dire, par rapport à une schizophrénie classique normale, etc. Moi, j'ai l'impression que ce que j'ai eu, c'était une espèce d'indice. Comme si j'avais eu... trois indices et qu'il fallait remonter le fil d'Ariane, comme si j'étais dans un labyrinthe. Et grâce à ces trois indices, ça allait jouer le rôle comme le fil d'Ariane pour sortir du dédale, sortir du labyrinthe. Et donc, je me suis dit, il faut faire une enquête. Il faut que tu prennes ces faits et dire pour quelle raison, finalement, qu'est-ce que ça voulait te dire par rapport à toi, Laurent, de ta vie, finalement. Remonte le fil et fais ton enquête. Et voilà, je suis... Pendant des années, finalement, j'ai essayé de comprendre ce qui était évidemment au départ bizarre de ces trois faits. Et donc, j'ai fait mon enquête. J'avais compris une chose, c'est qu'il fallait mettre de la compréhension pour moi. Et finalement, j'ai pris une décision, c'était de me dire, si la montre a disparu, alors si tu dis que la montre a disparu, trouve une raison pourquoi elle a disparu. Finalement, pourquoi ? Pourquoi ta montre, tu as été témoin d'une montre qui disparaît ? Qu'est-ce que ça voulait dire pour toi ? Et du coup, j'ai expliqué pour moi-même, j'ai mis du sens à une croyance. Et pour que ça me porte en fait. Cette croyance me porte. Et aujourd'hui, je suis très content parce que c'est une croyance effectivement qui me porte. qui me concerne, finalement. Bon, là, je donne des éléments, effectivement, pour essayer de comprendre qu'il y a d'autres personnes qui vivent une schizophrénie et des fois, ils ne savent pas trop par quel bout prendre les choses, mais moi, je pense que c'est intéressant que, quand il y a une première décompensation, d'essayer de comprendre, finalement, même si c'est dit délirant par les psychiatres, etc., oui, il y a des éléments, effectivement, moi aussi, j'ai vécu des choses qui sont complètement délirantes, mais les... Les faits qui se sont déroulés pendant ces deux heures, pour moi, ils sont hors champ, hors délire. Et ils voulaient dire vraiment quelque chose d'important.

  • Speaker #1

    C'est intéressant parce que les médicaments, c'est une chose. En revanche, prendre soin de ce qui a été perçu à un moment considéré comme délirant, ça te semble être une étape assez indispensable pour aller vers le rétablissement. Ce fameux rétablissement qu'on appelle l'empowerment, en bon français de France. Pourquoi est-ce que c'est important ? de regarder avec honnêteté ce moment qu'on aurait plutôt envie de mettre sous le tapis.

  • Speaker #0

    En tout cas, pour moi, ça a été une façon de remettre mes mains sur le volant de ma vie. Après, c'est vrai que chacun va faire à sa façon, mais... Dans mon cas, je savais que c'était comme une équation à résoudre. Et comme Albert Einstein justement en a commencé par Galim C2, pour moi ça me semblait intéressant, un clin d'œil à Albert Einstein. Prends la schizophrénie comme une équation à résoudre. C'est ce que j'ai fait. En essayant de comprendre finalement les choses, en faisant ma petite enquête, et puis je me suis aperçu qu'il y avait des choses quand même très troublantes, etc. Donc je ne vais pas revenir, parce que là, on se rend pas moins de 5 heures. Je vais en faire un livre, puisqu'on est en train d'écrire un livre à quatre mains, avec une professionnelle de l'accompagnement, une éducatrice spécialisée, qui m'aide à me pousser un peu aux fesses pour écrire. Et justement, ça va être une fiction, et je vais raconter... Le héros du livre va enquêter comme j'ai enquêté sur ces deux heures. Et on va le retrouver dans le livre. Et je pense que ça va faire une belle histoire.

  • Speaker #1

    Quel a été le chemin vers la paix et danse ? Qu'est-ce qui fait qu'un jour, tu as envie de travailler pour les autres, en quelque sorte ?

  • Speaker #0

    Et bien c'est parti là encore d'une pensée qui m'est arrivée brutalement. J'étais tranquillement en train de regarder la télévision, il n'y avait pas du tout d'image de sport. Et puis tout d'un coup dans ma tête, je me suis dit c'est ça qu'il faut faire, courir un marathon. Et comme ça tu pourras parler aux journalistes, ils vont peut-être être intéressés du fait que tu as réussi à courir un marathon sous antipsychotique. Parce que tu as une problématique de schizophrénie. Et ce qui s'est passé, puisque 4 ans et demi j'ai mis... quatre ans et demi à m'entraîner et j'ai couru le marathon, le premier marathon de la ville de Colmar en 5h50 minutes et j'ai même fait la une du journal Alsace et il y a eu des articles qui ont été bien faits puisqu'ils parlaient vraiment de ce que c'était et il n'y avait pas de fantasme sur la maladie, c'est ce que je voulais, déstigmatiser les maladies psychiques et en fait, je faisais ce qu'on demande à des pères aidants, ce nouveau métier en France, sans le savoir. Et c'est en racontant comment j'ai réussi à courir un marathon lors de la semaine de la santé mentale au mois de mars 2016, donc quelques mois après le marathon, qu'on m'a dit Laurent, tu devrais postuler pour devenir médiateur de santé-père ou père aidant en santé mentale Et c'est vrai que je me suis dit mais ça fait sens ce métier Aider les autres, aller sur un chemin de rétablissement plus rapidement que ce que moi j'avais fait. Je suis aujourd'hui médiateur de santé paire et je travaille aux hôpitaux universitaires de Strasbourg. J'ai fait la première, en plus c'était une première, la première licence 3, sciences sanitaires et sociales, mention médiateur de santé paire à l'université Paris 13, sur le site de Bobigny, dans le 9-3. C'est une université où il y a des laboratoires en biologie et aussi une faculté de médecine, et aussi les sciences sanitaires et sociales. Pour la première fois, on parlait de rétablissement. C'est vrai que ce n'est pas des termes que j'utilisais dans mon... Et moi, je me suis dit, c'est vrai, moi j'ai aussi fait un parcours de rétablissement. Je me rendais compte du chemin parcouru et d'entendre les récits de vie des autres étudiants, c'était très intéressant aussi. On a eu des cours sur l'histoire de la psychiatrie, des cours en addictologie. C'était peut-être un peu trop théorique, pas assez pratique, puisqu'on a fait beaucoup de sociologie. Très universitaire finalement, et c'est vrai que là j'en ai bavé, je dois dire. Je suis revenu à l'université à 53 ans, c'est vrai que ça demandait quand même beaucoup d'efforts, mais finalement je suis très content parce que j'ai réussi à avoir cette licence et pouvoir exercer le métier, très beau métier de médiateur de santé-père.

  • Speaker #1

    Aujourd'hui, qu'est-ce que tu dis aux personnes, aux familles, aux personnes concernées par la schizophrénie ? Tu leur dis, bon les gars, moi aussi, et puis vous voyez, ça se passe très bien. Qu'est-ce que tu leur dis ?

  • Speaker #0

    Alors moi, ce que je dis, c'est qu'il faut garder l'espoir, l'espérance, parce que ça, c'est super important. C'est vrai qu'au début de la maladie, c'est toujours délicat parce qu'on ne sait pas trop, on ne connaît pas bien les choses, on ne connaît pas la maladie très bien. Évidemment, on subit beaucoup. que ce soit les familles et les personnes concernées. On souffre en fait ensemble, donc c'est pas facile, évidemment. Mais moi ce que j'ai envie de dire aujourd'hui, c'est de vous dire de plus en plus il y a de nouvelles molécules aussi qui sont apparues dans les années 2000, qui ont changé un peu les choses aussi. Le rétablissement, j'en vois avec des collègues qui sont beaucoup plus jeunes que moi et qui ont déjà fait un parcours de rétablissement déjà très établi et qui deviennent pères aidants ou médiateurs de santé pères. Moi je suis très optimiste pour la suite des événements par rapport à cette problématique-là. Je suis quand même beaucoup plus optimiste puisque je vois qu'on peut faire des parcours beaucoup plus resserrés et arriver déjà sur un parcours de rétablissement beaucoup plus rapidement que le mien. Mais en tout cas, l'espoir, garder toujours l'espoir et l'espérance.

  • Speaker #1

    C'était Gueule Cachée, épisode 5, Laurent.

  • Speaker #0

    Dire je suis malade, je suis atteint de schizophrénie moi je trouve que c'est très enfermant. Pour moi, c'est devenu une force même la schizophrénie. C'est pour ça que je préfère parler de façon plus ouverte, libre et optimiste de singularité psychique. On a une sensibilité qui est très forte et qu'on ressent finalement au fond de nous, notre âme est sensible. C'est monde invisible qu'on perçoit. Et donc, en faire une force, c'est ce que j'ai réussi à faire, je pense, en rendant du sens à ma croyance.

  • Speaker #1

    Gueule cachée, un podcast de Laetitia Forgeaud d'Arc. Création sonore et musicale, Marine Anger pour le studio Sonia. Merci à Laurent pour son récit. Merci à vous tous qui avez porté le projet participatif de cette série.

Share

Embed

You may also like

Description

Laurent raconte ce qu'il a vu, et d'autres pas. C'est cela les fameuses "alus"? Les valider, ou pas... c'est affaire de choix. Itinéraire d'un rétablissement.

Mon site


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Puisque moi j'avais ma propre réalité, mais j'étais plus connecté à la réalité que vivait le groupe.

  • Speaker #1

    Les gueules cachées, ce sont des personnes qui acceptent de vous raconter ce que vous ne voyez pas et qu'on ne veut pas toujours entendre.

  • Speaker #0

    Évidemment c'est très embêtant, on n'est plus en synchrone, on n'est plus en adéquation.

  • Speaker #1

    Gueules cachées, épisode 5, Laurent. Laurent a vu ce que d'autres n'ont pas vu. Alors que faire de cela ? Croire ou pas ? Laurent, on pourrait partir de bien des débuts, parce que des débuts dans ton histoire, il y en a eu. Donc je voudrais qu'on reparte en 1989. Tu fais ton service militaire, tu es en Allemagne. Il y a un élément déclencheur qui est une demande qui pourrait paraître anodine d'un de tes supérieurs, du musicien. Et tu vois dans cette demande quelque chose qui va déclencher. Qu'est-ce qui se passe ?

  • Speaker #0

    Eh bien c'est le capitaine responsable de la musique régionale des forces françaises en Allemagne, puisque je suis à Rastatt et je fais mon service militaire en tant qu'appelé. Et je suis flûtiste, je joue de la flûte traversière. Et le capitaine vient me voir et me dit Lefebvre, vous allez jouer la sonate pour flûte et piano de Poulenc pour les généraux en soirée privée. Et il referme la porte. Je n'ai même pas le temps de dire ouf que je me retrouve finalement à gérer cette information. qui va s'avérer une information, une bombe chimique en fait, puisque trois semaines plus tard, je vais faire ma première décompensation.

  • Speaker #1

    Si on parle de bombe chimique, c'est parce qu'en fait, elle génère un stress incroyable.

  • Speaker #0

    Elle va gérer en fait, c'est un stress lancinant, puisque je ne me rends pas compte tout de suite, mais je ne maîtrise pas le morceau. Donc techniquement, je ne le maîtrise pas. Je sais que si je dois jouer devant des généraux, je vais faire fausse note sur fausse note et ça va être une catastrophe. Donc pendant trois semaines finalement, j'essaye de digérer cette information, mais je n'y arrive pas et finalement ça va changer la chimie de mon cerveau, progressivement. Trois semaines plus tard, donc le 15 décembre 1989, il va arriver une succession de faits qui vont bouleverser totalement ma vie. Après la répétition de l'après-midi, le grand orchestre, on devait nettoyer nos chambres, puisqu'on devait partir en week-end, tout le monde devait retrouver sa famille, et là, moi, après avoir rangé la chambre, j'ai fait ce que j'ai pu, j'étais déjà parti dans quelque chose d'autre, et puis, il y a une espèce de force, qui me pousse à aller dans une pièce, et je me retrouve tout seul dans cette pièce. Et là, tout d'un coup, la pensée, une pensée arrive très claire. E égale mc2. Alors, je suis même surpris moi-même, parce que je me dis, mais pourquoi ? Tout de suite, je me dis un peu pourquoi ? Et puis tout d'un coup, je suis pris par l'énergie de cette équation, et je vais la comprendre. Je vais la comprendre non pas intellectuellement, techniquement, puisque je n'y connais rien moi en physique EGLC2, je ne sais pas comment il a découvert ça, Albert Einstein, mais je vais la comprendre par le corps, par l'émotion. Tout d'un coup j'ai l'impression que cette équation c'est la clé de l'univers, c'est la clé des clés, et finalement je comprends l'univers dans sa totalité. En tout cas j'ai cette émotion-là, c'est assez fort, c'est même très puissant. Et je tourne presque comme un dervish tourneur finalement, je tourne sur un cercle imaginaire, comme si je remontais le temps. Et je vais avoir, pendant presque deux heures, je vais être dans un état suspendu, comme si j'étais hors du temps, mais avec une émotion très forte. Et puis, tout d'un coup, je vais avoir une vision. Vision d'une femme. que je reconnais, parce que c'est une femme connue, et qui est en train de se préparer pour une cérémonie de mariage. Et il y a des petits oiseaux qui volettent, qui prennent dans leur bec le voile, etc., qui l'apprêtent d'un certain côté, qui l'aident à s'apprêter. Donc c'est très net, avec une lumière bleutée, argentée. C'est très impressionnant. Et puis, dernier acte de ces deux heures, je reviens dans ma chambre, et là j'attends, j'ai l'impression d'attendre quelque chose. Et puis tout d'un coup, là encore, une espèce d'énergie, de force invisible qui me prend par le poignet, et j'ai l'impression que je dois me lever, je me lève, je vais dans le couloir, puis tout d'un coup je regarde ma montre, et là je ne sais pas ce qui se passe. Je suis comme dans un état de trance. En fait, je suis monté dans un état de trance. Et là, je jote le bracelet de ma montre très vite et j'envoie à tout voler dans la salle des douches. Et à percute de la vitre, j'entends une grosse déflagration. J'allume la lumière et en fait, je m'approche de la fenêtre et je ne vois plus la montre. Il y a une marque blanche qui a blanchi la surface de la vitre du diamètre exact de ma montre. Je ne vois plus de montre. En fait, je regarde en dessous, je regarde en bas, etc. Plus de montre. Donc je me retrouve finalement, je lance une montre que je ne trouve plus, qui a disparu.

  • Speaker #1

    Laurent, cet épisode, aujourd'hui, tu en parles comme si c'était passé hier. Est-ce que ça, c'est une hallucination ?

  • Speaker #0

    Alors justement, je me suis posé la question, je me suis dit, mais si ça se trouve Laurent, t'as eu une hallucination, tout d'un coup, ton cerveau t'a joué des tours. Alors c'est vrai que pendant des années, en fait, j'ai pas arrêté de revivre la scène, pour me dire, mais attends, t'as bien vu ta montre, t'as pris ta montre, tu l'as lancée, t'as allumé la lumière, et je revoyais les images. Et c'est vrai que je me disais mais c'est pas possible, le problème comment veux-tu qu'une montre disparaisse comme ça ? C'est pas possible, scientifiquement, physiquement en fait on ne peut pas l'expliquer vraiment avec les sciences d'aujourd'hui. Et puis, mais en même temps moi je me suis dit mais si moi j'ai vu la marque mais j'ai pas vu la montre. Il y avait un doute, en fait, c'est ça. Pendant des années, je doutais. Je me disais, effectivement, c'est peut-être que ta montre, elle a peut-être ricoché vraiment, elle est sous les douches et en fait, c'est toi qui t'es trompé. Mais depuis finalement peu de temps, j'ai décidé que je ne doutais plus. Ça, c'est intéressant parce que finalement, j'ai décidé de trancher. Et aujourd'hui, je vous le dis très clairement, pour moi, la montre, elle a disparu.

  • Speaker #1

    C'est drôlement courageux, n'empêche, parce que tu as posé des choix très forts sur ce que tu as vécu, ce que nous ne croyons pas réel, et tu les as fait tiens, en quelque sorte. Donc c'est parti d'un choix qui, pardon, mais n'est pas rationnel. On revient à 1989. Concrètement, après cette histoire de montre, tout le monde est parti en permes. Toi, tu vas faire quoi ? Qu'est-ce qui se passe ?

  • Speaker #0

    Effectivement, moi, je descends les escaliers à ce moment-là. Et je me retrouve à vouloir prendre... rentrer dans une voiture qui était là, au bord de la caserne. Et puis, il n'y avait pas de clé. Donc, je sors et c'est là que je crois que je me mets à crier. Et des... lieutenants qui passaient par là m'ont vu et tout de suite ont compris qu'il y avait un problème. Et donc, ils ont fait venir la responsable de l'infirmerie. Et puis, voilà, ils m'ont fait trois piqûres de Valium pour m'endormir. Et puis après, je me suis réveillé le lendemain matin, quand même avec une camisole de force dans le lit, toujours à la caserne. Et puis... C'est vrai que moi, j'étais parti dans une énergie où là, j'étais vraiment... Je parle de sortie de réalité générale, puisque moi, j'avais ma propre réalité, mais j'étais plus connecté à la réalité que vivait le groupe. Donc évidemment, c'est très embêtant. On n'est plus synchrone, on n'est plus en adéquation. Donc finalement, on m'a hospitalisé à l'hôpital de Fribourg. Et c'est là que j'ai eu mes premiers neuroleptiques. C'était des neuroleptiques à l'époque en 89 d'ancienne génération comme on dit avec des gros effets secondaires. J'étais raide comme la justice, j'avais de la bave qui coulait tellement je salivais et j'étais très fatigué. Ils essayaient d'éteindre l'incendie qu'il y avait, puisque c'est vrai qu'à ce moment-là, tout s'est embrasé dans ma tête. Je suis resté un mois, un mois et demi à l'hôpital. Et on a demandé à ma mère finalement de me récupérer alors que j'étais encore sorti de la réalité. Et ma mère a dû se débrouiller avec moi à me prendre en voiture. Donc c'est quand même assez curieux de l'armer de faire ça.

  • Speaker #1

    Donc tout voilà, retourné en France. effectivement c'est ta mère qui prend le relais comment ça se passe à ce moment là à la maison ?

  • Speaker #0

    c'est difficile parce que moi je suis encore délirant et on m'a pas dit aller tout de suite à l'hôpital donc ma mère découvre son fils dans un état bizarroïde qui tient des propos Des fois un peu bizarre, c'est-à-dire que là, à ce moment-là, comme exemple, j'avais plus envie de manger de pommes à cause du fruit défendu dans la Bible, etc. Enfin bref, ça c'est des choses concrètes. Et je me disais, mais il ne faut plus que je mange de pommes. Donc là forcément, ma mère ne comprenait pas très bien, elle disait mais qu'est-ce qui se passe, etc. Enfin bon, c'est quand même pas facile. Et puis moi, j'étais quand même parti là sur des cimes quand même assez hautes. Par exemple, avec mon père, là mes parents étaient divorcés, donc j'allais chez mon père qui n'était pas loin. Et un week-end, on devait marcher, et j'en rigole parce que... On devait aller à 1000 mètres d'altitude et pour moi, il n'y allait plus avoir assez d'oxygène. Donc c'est pour vous dire à quel point je n'étais plus du tout dans la réalité du groupe. Toutes choses finalement devenaient... j'avais une interprétation différente, donc ça devenait compliqué.

  • Speaker #1

    Petit à petit, tu vas être prise en charge, tu vas être soignée, tu vas d'une certaine façon accepter aussi d'être soignée. Est-ce que c'est une façon de renoncer du coup ? à la réalité que tu as perçue à un moment ?

  • Speaker #0

    C'est très intéressant parce qu'en fait, les deux heures, je vous ai donné les trois faits majeurs des deux heures que j'ai vécues, pour moi, c'est quelque chose un peu hors catégorie. J'allais dire, par rapport à une schizophrénie classique normale, etc. Moi, j'ai l'impression que ce que j'ai eu, c'était une espèce d'indice. Comme si j'avais eu... trois indices et qu'il fallait remonter le fil d'Ariane, comme si j'étais dans un labyrinthe. Et grâce à ces trois indices, ça allait jouer le rôle comme le fil d'Ariane pour sortir du dédale, sortir du labyrinthe. Et donc, je me suis dit, il faut faire une enquête. Il faut que tu prennes ces faits et dire pour quelle raison, finalement, qu'est-ce que ça voulait te dire par rapport à toi, Laurent, de ta vie, finalement. Remonte le fil et fais ton enquête. Et voilà, je suis... Pendant des années, finalement, j'ai essayé de comprendre ce qui était évidemment au départ bizarre de ces trois faits. Et donc, j'ai fait mon enquête. J'avais compris une chose, c'est qu'il fallait mettre de la compréhension pour moi. Et finalement, j'ai pris une décision, c'était de me dire, si la montre a disparu, alors si tu dis que la montre a disparu, trouve une raison pourquoi elle a disparu. Finalement, pourquoi ? Pourquoi ta montre, tu as été témoin d'une montre qui disparaît ? Qu'est-ce que ça voulait dire pour toi ? Et du coup, j'ai expliqué pour moi-même, j'ai mis du sens à une croyance. Et pour que ça me porte en fait. Cette croyance me porte. Et aujourd'hui, je suis très content parce que c'est une croyance effectivement qui me porte. qui me concerne, finalement. Bon, là, je donne des éléments, effectivement, pour essayer de comprendre qu'il y a d'autres personnes qui vivent une schizophrénie et des fois, ils ne savent pas trop par quel bout prendre les choses, mais moi, je pense que c'est intéressant que, quand il y a une première décompensation, d'essayer de comprendre, finalement, même si c'est dit délirant par les psychiatres, etc., oui, il y a des éléments, effectivement, moi aussi, j'ai vécu des choses qui sont complètement délirantes, mais les... Les faits qui se sont déroulés pendant ces deux heures, pour moi, ils sont hors champ, hors délire. Et ils voulaient dire vraiment quelque chose d'important.

  • Speaker #1

    C'est intéressant parce que les médicaments, c'est une chose. En revanche, prendre soin de ce qui a été perçu à un moment considéré comme délirant, ça te semble être une étape assez indispensable pour aller vers le rétablissement. Ce fameux rétablissement qu'on appelle l'empowerment, en bon français de France. Pourquoi est-ce que c'est important ? de regarder avec honnêteté ce moment qu'on aurait plutôt envie de mettre sous le tapis.

  • Speaker #0

    En tout cas, pour moi, ça a été une façon de remettre mes mains sur le volant de ma vie. Après, c'est vrai que chacun va faire à sa façon, mais... Dans mon cas, je savais que c'était comme une équation à résoudre. Et comme Albert Einstein justement en a commencé par Galim C2, pour moi ça me semblait intéressant, un clin d'œil à Albert Einstein. Prends la schizophrénie comme une équation à résoudre. C'est ce que j'ai fait. En essayant de comprendre finalement les choses, en faisant ma petite enquête, et puis je me suis aperçu qu'il y avait des choses quand même très troublantes, etc. Donc je ne vais pas revenir, parce que là, on se rend pas moins de 5 heures. Je vais en faire un livre, puisqu'on est en train d'écrire un livre à quatre mains, avec une professionnelle de l'accompagnement, une éducatrice spécialisée, qui m'aide à me pousser un peu aux fesses pour écrire. Et justement, ça va être une fiction, et je vais raconter... Le héros du livre va enquêter comme j'ai enquêté sur ces deux heures. Et on va le retrouver dans le livre. Et je pense que ça va faire une belle histoire.

  • Speaker #1

    Quel a été le chemin vers la paix et danse ? Qu'est-ce qui fait qu'un jour, tu as envie de travailler pour les autres, en quelque sorte ?

  • Speaker #0

    Et bien c'est parti là encore d'une pensée qui m'est arrivée brutalement. J'étais tranquillement en train de regarder la télévision, il n'y avait pas du tout d'image de sport. Et puis tout d'un coup dans ma tête, je me suis dit c'est ça qu'il faut faire, courir un marathon. Et comme ça tu pourras parler aux journalistes, ils vont peut-être être intéressés du fait que tu as réussi à courir un marathon sous antipsychotique. Parce que tu as une problématique de schizophrénie. Et ce qui s'est passé, puisque 4 ans et demi j'ai mis... quatre ans et demi à m'entraîner et j'ai couru le marathon, le premier marathon de la ville de Colmar en 5h50 minutes et j'ai même fait la une du journal Alsace et il y a eu des articles qui ont été bien faits puisqu'ils parlaient vraiment de ce que c'était et il n'y avait pas de fantasme sur la maladie, c'est ce que je voulais, déstigmatiser les maladies psychiques et en fait, je faisais ce qu'on demande à des pères aidants, ce nouveau métier en France, sans le savoir. Et c'est en racontant comment j'ai réussi à courir un marathon lors de la semaine de la santé mentale au mois de mars 2016, donc quelques mois après le marathon, qu'on m'a dit Laurent, tu devrais postuler pour devenir médiateur de santé-père ou père aidant en santé mentale Et c'est vrai que je me suis dit mais ça fait sens ce métier Aider les autres, aller sur un chemin de rétablissement plus rapidement que ce que moi j'avais fait. Je suis aujourd'hui médiateur de santé paire et je travaille aux hôpitaux universitaires de Strasbourg. J'ai fait la première, en plus c'était une première, la première licence 3, sciences sanitaires et sociales, mention médiateur de santé paire à l'université Paris 13, sur le site de Bobigny, dans le 9-3. C'est une université où il y a des laboratoires en biologie et aussi une faculté de médecine, et aussi les sciences sanitaires et sociales. Pour la première fois, on parlait de rétablissement. C'est vrai que ce n'est pas des termes que j'utilisais dans mon... Et moi, je me suis dit, c'est vrai, moi j'ai aussi fait un parcours de rétablissement. Je me rendais compte du chemin parcouru et d'entendre les récits de vie des autres étudiants, c'était très intéressant aussi. On a eu des cours sur l'histoire de la psychiatrie, des cours en addictologie. C'était peut-être un peu trop théorique, pas assez pratique, puisqu'on a fait beaucoup de sociologie. Très universitaire finalement, et c'est vrai que là j'en ai bavé, je dois dire. Je suis revenu à l'université à 53 ans, c'est vrai que ça demandait quand même beaucoup d'efforts, mais finalement je suis très content parce que j'ai réussi à avoir cette licence et pouvoir exercer le métier, très beau métier de médiateur de santé-père.

  • Speaker #1

    Aujourd'hui, qu'est-ce que tu dis aux personnes, aux familles, aux personnes concernées par la schizophrénie ? Tu leur dis, bon les gars, moi aussi, et puis vous voyez, ça se passe très bien. Qu'est-ce que tu leur dis ?

  • Speaker #0

    Alors moi, ce que je dis, c'est qu'il faut garder l'espoir, l'espérance, parce que ça, c'est super important. C'est vrai qu'au début de la maladie, c'est toujours délicat parce qu'on ne sait pas trop, on ne connaît pas bien les choses, on ne connaît pas la maladie très bien. Évidemment, on subit beaucoup. que ce soit les familles et les personnes concernées. On souffre en fait ensemble, donc c'est pas facile, évidemment. Mais moi ce que j'ai envie de dire aujourd'hui, c'est de vous dire de plus en plus il y a de nouvelles molécules aussi qui sont apparues dans les années 2000, qui ont changé un peu les choses aussi. Le rétablissement, j'en vois avec des collègues qui sont beaucoup plus jeunes que moi et qui ont déjà fait un parcours de rétablissement déjà très établi et qui deviennent pères aidants ou médiateurs de santé pères. Moi je suis très optimiste pour la suite des événements par rapport à cette problématique-là. Je suis quand même beaucoup plus optimiste puisque je vois qu'on peut faire des parcours beaucoup plus resserrés et arriver déjà sur un parcours de rétablissement beaucoup plus rapidement que le mien. Mais en tout cas, l'espoir, garder toujours l'espoir et l'espérance.

  • Speaker #1

    C'était Gueule Cachée, épisode 5, Laurent.

  • Speaker #0

    Dire je suis malade, je suis atteint de schizophrénie moi je trouve que c'est très enfermant. Pour moi, c'est devenu une force même la schizophrénie. C'est pour ça que je préfère parler de façon plus ouverte, libre et optimiste de singularité psychique. On a une sensibilité qui est très forte et qu'on ressent finalement au fond de nous, notre âme est sensible. C'est monde invisible qu'on perçoit. Et donc, en faire une force, c'est ce que j'ai réussi à faire, je pense, en rendant du sens à ma croyance.

  • Speaker #1

    Gueule cachée, un podcast de Laetitia Forgeaud d'Arc. Création sonore et musicale, Marine Anger pour le studio Sonia. Merci à Laurent pour son récit. Merci à vous tous qui avez porté le projet participatif de cette série.

Description

Laurent raconte ce qu'il a vu, et d'autres pas. C'est cela les fameuses "alus"? Les valider, ou pas... c'est affaire de choix. Itinéraire d'un rétablissement.

Mon site


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Puisque moi j'avais ma propre réalité, mais j'étais plus connecté à la réalité que vivait le groupe.

  • Speaker #1

    Les gueules cachées, ce sont des personnes qui acceptent de vous raconter ce que vous ne voyez pas et qu'on ne veut pas toujours entendre.

  • Speaker #0

    Évidemment c'est très embêtant, on n'est plus en synchrone, on n'est plus en adéquation.

  • Speaker #1

    Gueules cachées, épisode 5, Laurent. Laurent a vu ce que d'autres n'ont pas vu. Alors que faire de cela ? Croire ou pas ? Laurent, on pourrait partir de bien des débuts, parce que des débuts dans ton histoire, il y en a eu. Donc je voudrais qu'on reparte en 1989. Tu fais ton service militaire, tu es en Allemagne. Il y a un élément déclencheur qui est une demande qui pourrait paraître anodine d'un de tes supérieurs, du musicien. Et tu vois dans cette demande quelque chose qui va déclencher. Qu'est-ce qui se passe ?

  • Speaker #0

    Eh bien c'est le capitaine responsable de la musique régionale des forces françaises en Allemagne, puisque je suis à Rastatt et je fais mon service militaire en tant qu'appelé. Et je suis flûtiste, je joue de la flûte traversière. Et le capitaine vient me voir et me dit Lefebvre, vous allez jouer la sonate pour flûte et piano de Poulenc pour les généraux en soirée privée. Et il referme la porte. Je n'ai même pas le temps de dire ouf que je me retrouve finalement à gérer cette information. qui va s'avérer une information, une bombe chimique en fait, puisque trois semaines plus tard, je vais faire ma première décompensation.

  • Speaker #1

    Si on parle de bombe chimique, c'est parce qu'en fait, elle génère un stress incroyable.

  • Speaker #0

    Elle va gérer en fait, c'est un stress lancinant, puisque je ne me rends pas compte tout de suite, mais je ne maîtrise pas le morceau. Donc techniquement, je ne le maîtrise pas. Je sais que si je dois jouer devant des généraux, je vais faire fausse note sur fausse note et ça va être une catastrophe. Donc pendant trois semaines finalement, j'essaye de digérer cette information, mais je n'y arrive pas et finalement ça va changer la chimie de mon cerveau, progressivement. Trois semaines plus tard, donc le 15 décembre 1989, il va arriver une succession de faits qui vont bouleverser totalement ma vie. Après la répétition de l'après-midi, le grand orchestre, on devait nettoyer nos chambres, puisqu'on devait partir en week-end, tout le monde devait retrouver sa famille, et là, moi, après avoir rangé la chambre, j'ai fait ce que j'ai pu, j'étais déjà parti dans quelque chose d'autre, et puis, il y a une espèce de force, qui me pousse à aller dans une pièce, et je me retrouve tout seul dans cette pièce. Et là, tout d'un coup, la pensée, une pensée arrive très claire. E égale mc2. Alors, je suis même surpris moi-même, parce que je me dis, mais pourquoi ? Tout de suite, je me dis un peu pourquoi ? Et puis tout d'un coup, je suis pris par l'énergie de cette équation, et je vais la comprendre. Je vais la comprendre non pas intellectuellement, techniquement, puisque je n'y connais rien moi en physique EGLC2, je ne sais pas comment il a découvert ça, Albert Einstein, mais je vais la comprendre par le corps, par l'émotion. Tout d'un coup j'ai l'impression que cette équation c'est la clé de l'univers, c'est la clé des clés, et finalement je comprends l'univers dans sa totalité. En tout cas j'ai cette émotion-là, c'est assez fort, c'est même très puissant. Et je tourne presque comme un dervish tourneur finalement, je tourne sur un cercle imaginaire, comme si je remontais le temps. Et je vais avoir, pendant presque deux heures, je vais être dans un état suspendu, comme si j'étais hors du temps, mais avec une émotion très forte. Et puis, tout d'un coup, je vais avoir une vision. Vision d'une femme. que je reconnais, parce que c'est une femme connue, et qui est en train de se préparer pour une cérémonie de mariage. Et il y a des petits oiseaux qui volettent, qui prennent dans leur bec le voile, etc., qui l'apprêtent d'un certain côté, qui l'aident à s'apprêter. Donc c'est très net, avec une lumière bleutée, argentée. C'est très impressionnant. Et puis, dernier acte de ces deux heures, je reviens dans ma chambre, et là j'attends, j'ai l'impression d'attendre quelque chose. Et puis tout d'un coup, là encore, une espèce d'énergie, de force invisible qui me prend par le poignet, et j'ai l'impression que je dois me lever, je me lève, je vais dans le couloir, puis tout d'un coup je regarde ma montre, et là je ne sais pas ce qui se passe. Je suis comme dans un état de trance. En fait, je suis monté dans un état de trance. Et là, je jote le bracelet de ma montre très vite et j'envoie à tout voler dans la salle des douches. Et à percute de la vitre, j'entends une grosse déflagration. J'allume la lumière et en fait, je m'approche de la fenêtre et je ne vois plus la montre. Il y a une marque blanche qui a blanchi la surface de la vitre du diamètre exact de ma montre. Je ne vois plus de montre. En fait, je regarde en dessous, je regarde en bas, etc. Plus de montre. Donc je me retrouve finalement, je lance une montre que je ne trouve plus, qui a disparu.

  • Speaker #1

    Laurent, cet épisode, aujourd'hui, tu en parles comme si c'était passé hier. Est-ce que ça, c'est une hallucination ?

  • Speaker #0

    Alors justement, je me suis posé la question, je me suis dit, mais si ça se trouve Laurent, t'as eu une hallucination, tout d'un coup, ton cerveau t'a joué des tours. Alors c'est vrai que pendant des années, en fait, j'ai pas arrêté de revivre la scène, pour me dire, mais attends, t'as bien vu ta montre, t'as pris ta montre, tu l'as lancée, t'as allumé la lumière, et je revoyais les images. Et c'est vrai que je me disais mais c'est pas possible, le problème comment veux-tu qu'une montre disparaisse comme ça ? C'est pas possible, scientifiquement, physiquement en fait on ne peut pas l'expliquer vraiment avec les sciences d'aujourd'hui. Et puis, mais en même temps moi je me suis dit mais si moi j'ai vu la marque mais j'ai pas vu la montre. Il y avait un doute, en fait, c'est ça. Pendant des années, je doutais. Je me disais, effectivement, c'est peut-être que ta montre, elle a peut-être ricoché vraiment, elle est sous les douches et en fait, c'est toi qui t'es trompé. Mais depuis finalement peu de temps, j'ai décidé que je ne doutais plus. Ça, c'est intéressant parce que finalement, j'ai décidé de trancher. Et aujourd'hui, je vous le dis très clairement, pour moi, la montre, elle a disparu.

  • Speaker #1

    C'est drôlement courageux, n'empêche, parce que tu as posé des choix très forts sur ce que tu as vécu, ce que nous ne croyons pas réel, et tu les as fait tiens, en quelque sorte. Donc c'est parti d'un choix qui, pardon, mais n'est pas rationnel. On revient à 1989. Concrètement, après cette histoire de montre, tout le monde est parti en permes. Toi, tu vas faire quoi ? Qu'est-ce qui se passe ?

  • Speaker #0

    Effectivement, moi, je descends les escaliers à ce moment-là. Et je me retrouve à vouloir prendre... rentrer dans une voiture qui était là, au bord de la caserne. Et puis, il n'y avait pas de clé. Donc, je sors et c'est là que je crois que je me mets à crier. Et des... lieutenants qui passaient par là m'ont vu et tout de suite ont compris qu'il y avait un problème. Et donc, ils ont fait venir la responsable de l'infirmerie. Et puis, voilà, ils m'ont fait trois piqûres de Valium pour m'endormir. Et puis après, je me suis réveillé le lendemain matin, quand même avec une camisole de force dans le lit, toujours à la caserne. Et puis... C'est vrai que moi, j'étais parti dans une énergie où là, j'étais vraiment... Je parle de sortie de réalité générale, puisque moi, j'avais ma propre réalité, mais j'étais plus connecté à la réalité que vivait le groupe. Donc évidemment, c'est très embêtant. On n'est plus synchrone, on n'est plus en adéquation. Donc finalement, on m'a hospitalisé à l'hôpital de Fribourg. Et c'est là que j'ai eu mes premiers neuroleptiques. C'était des neuroleptiques à l'époque en 89 d'ancienne génération comme on dit avec des gros effets secondaires. J'étais raide comme la justice, j'avais de la bave qui coulait tellement je salivais et j'étais très fatigué. Ils essayaient d'éteindre l'incendie qu'il y avait, puisque c'est vrai qu'à ce moment-là, tout s'est embrasé dans ma tête. Je suis resté un mois, un mois et demi à l'hôpital. Et on a demandé à ma mère finalement de me récupérer alors que j'étais encore sorti de la réalité. Et ma mère a dû se débrouiller avec moi à me prendre en voiture. Donc c'est quand même assez curieux de l'armer de faire ça.

  • Speaker #1

    Donc tout voilà, retourné en France. effectivement c'est ta mère qui prend le relais comment ça se passe à ce moment là à la maison ?

  • Speaker #0

    c'est difficile parce que moi je suis encore délirant et on m'a pas dit aller tout de suite à l'hôpital donc ma mère découvre son fils dans un état bizarroïde qui tient des propos Des fois un peu bizarre, c'est-à-dire que là, à ce moment-là, comme exemple, j'avais plus envie de manger de pommes à cause du fruit défendu dans la Bible, etc. Enfin bref, ça c'est des choses concrètes. Et je me disais, mais il ne faut plus que je mange de pommes. Donc là forcément, ma mère ne comprenait pas très bien, elle disait mais qu'est-ce qui se passe, etc. Enfin bon, c'est quand même pas facile. Et puis moi, j'étais quand même parti là sur des cimes quand même assez hautes. Par exemple, avec mon père, là mes parents étaient divorcés, donc j'allais chez mon père qui n'était pas loin. Et un week-end, on devait marcher, et j'en rigole parce que... On devait aller à 1000 mètres d'altitude et pour moi, il n'y allait plus avoir assez d'oxygène. Donc c'est pour vous dire à quel point je n'étais plus du tout dans la réalité du groupe. Toutes choses finalement devenaient... j'avais une interprétation différente, donc ça devenait compliqué.

  • Speaker #1

    Petit à petit, tu vas être prise en charge, tu vas être soignée, tu vas d'une certaine façon accepter aussi d'être soignée. Est-ce que c'est une façon de renoncer du coup ? à la réalité que tu as perçue à un moment ?

  • Speaker #0

    C'est très intéressant parce qu'en fait, les deux heures, je vous ai donné les trois faits majeurs des deux heures que j'ai vécues, pour moi, c'est quelque chose un peu hors catégorie. J'allais dire, par rapport à une schizophrénie classique normale, etc. Moi, j'ai l'impression que ce que j'ai eu, c'était une espèce d'indice. Comme si j'avais eu... trois indices et qu'il fallait remonter le fil d'Ariane, comme si j'étais dans un labyrinthe. Et grâce à ces trois indices, ça allait jouer le rôle comme le fil d'Ariane pour sortir du dédale, sortir du labyrinthe. Et donc, je me suis dit, il faut faire une enquête. Il faut que tu prennes ces faits et dire pour quelle raison, finalement, qu'est-ce que ça voulait te dire par rapport à toi, Laurent, de ta vie, finalement. Remonte le fil et fais ton enquête. Et voilà, je suis... Pendant des années, finalement, j'ai essayé de comprendre ce qui était évidemment au départ bizarre de ces trois faits. Et donc, j'ai fait mon enquête. J'avais compris une chose, c'est qu'il fallait mettre de la compréhension pour moi. Et finalement, j'ai pris une décision, c'était de me dire, si la montre a disparu, alors si tu dis que la montre a disparu, trouve une raison pourquoi elle a disparu. Finalement, pourquoi ? Pourquoi ta montre, tu as été témoin d'une montre qui disparaît ? Qu'est-ce que ça voulait dire pour toi ? Et du coup, j'ai expliqué pour moi-même, j'ai mis du sens à une croyance. Et pour que ça me porte en fait. Cette croyance me porte. Et aujourd'hui, je suis très content parce que c'est une croyance effectivement qui me porte. qui me concerne, finalement. Bon, là, je donne des éléments, effectivement, pour essayer de comprendre qu'il y a d'autres personnes qui vivent une schizophrénie et des fois, ils ne savent pas trop par quel bout prendre les choses, mais moi, je pense que c'est intéressant que, quand il y a une première décompensation, d'essayer de comprendre, finalement, même si c'est dit délirant par les psychiatres, etc., oui, il y a des éléments, effectivement, moi aussi, j'ai vécu des choses qui sont complètement délirantes, mais les... Les faits qui se sont déroulés pendant ces deux heures, pour moi, ils sont hors champ, hors délire. Et ils voulaient dire vraiment quelque chose d'important.

  • Speaker #1

    C'est intéressant parce que les médicaments, c'est une chose. En revanche, prendre soin de ce qui a été perçu à un moment considéré comme délirant, ça te semble être une étape assez indispensable pour aller vers le rétablissement. Ce fameux rétablissement qu'on appelle l'empowerment, en bon français de France. Pourquoi est-ce que c'est important ? de regarder avec honnêteté ce moment qu'on aurait plutôt envie de mettre sous le tapis.

  • Speaker #0

    En tout cas, pour moi, ça a été une façon de remettre mes mains sur le volant de ma vie. Après, c'est vrai que chacun va faire à sa façon, mais... Dans mon cas, je savais que c'était comme une équation à résoudre. Et comme Albert Einstein justement en a commencé par Galim C2, pour moi ça me semblait intéressant, un clin d'œil à Albert Einstein. Prends la schizophrénie comme une équation à résoudre. C'est ce que j'ai fait. En essayant de comprendre finalement les choses, en faisant ma petite enquête, et puis je me suis aperçu qu'il y avait des choses quand même très troublantes, etc. Donc je ne vais pas revenir, parce que là, on se rend pas moins de 5 heures. Je vais en faire un livre, puisqu'on est en train d'écrire un livre à quatre mains, avec une professionnelle de l'accompagnement, une éducatrice spécialisée, qui m'aide à me pousser un peu aux fesses pour écrire. Et justement, ça va être une fiction, et je vais raconter... Le héros du livre va enquêter comme j'ai enquêté sur ces deux heures. Et on va le retrouver dans le livre. Et je pense que ça va faire une belle histoire.

  • Speaker #1

    Quel a été le chemin vers la paix et danse ? Qu'est-ce qui fait qu'un jour, tu as envie de travailler pour les autres, en quelque sorte ?

  • Speaker #0

    Et bien c'est parti là encore d'une pensée qui m'est arrivée brutalement. J'étais tranquillement en train de regarder la télévision, il n'y avait pas du tout d'image de sport. Et puis tout d'un coup dans ma tête, je me suis dit c'est ça qu'il faut faire, courir un marathon. Et comme ça tu pourras parler aux journalistes, ils vont peut-être être intéressés du fait que tu as réussi à courir un marathon sous antipsychotique. Parce que tu as une problématique de schizophrénie. Et ce qui s'est passé, puisque 4 ans et demi j'ai mis... quatre ans et demi à m'entraîner et j'ai couru le marathon, le premier marathon de la ville de Colmar en 5h50 minutes et j'ai même fait la une du journal Alsace et il y a eu des articles qui ont été bien faits puisqu'ils parlaient vraiment de ce que c'était et il n'y avait pas de fantasme sur la maladie, c'est ce que je voulais, déstigmatiser les maladies psychiques et en fait, je faisais ce qu'on demande à des pères aidants, ce nouveau métier en France, sans le savoir. Et c'est en racontant comment j'ai réussi à courir un marathon lors de la semaine de la santé mentale au mois de mars 2016, donc quelques mois après le marathon, qu'on m'a dit Laurent, tu devrais postuler pour devenir médiateur de santé-père ou père aidant en santé mentale Et c'est vrai que je me suis dit mais ça fait sens ce métier Aider les autres, aller sur un chemin de rétablissement plus rapidement que ce que moi j'avais fait. Je suis aujourd'hui médiateur de santé paire et je travaille aux hôpitaux universitaires de Strasbourg. J'ai fait la première, en plus c'était une première, la première licence 3, sciences sanitaires et sociales, mention médiateur de santé paire à l'université Paris 13, sur le site de Bobigny, dans le 9-3. C'est une université où il y a des laboratoires en biologie et aussi une faculté de médecine, et aussi les sciences sanitaires et sociales. Pour la première fois, on parlait de rétablissement. C'est vrai que ce n'est pas des termes que j'utilisais dans mon... Et moi, je me suis dit, c'est vrai, moi j'ai aussi fait un parcours de rétablissement. Je me rendais compte du chemin parcouru et d'entendre les récits de vie des autres étudiants, c'était très intéressant aussi. On a eu des cours sur l'histoire de la psychiatrie, des cours en addictologie. C'était peut-être un peu trop théorique, pas assez pratique, puisqu'on a fait beaucoup de sociologie. Très universitaire finalement, et c'est vrai que là j'en ai bavé, je dois dire. Je suis revenu à l'université à 53 ans, c'est vrai que ça demandait quand même beaucoup d'efforts, mais finalement je suis très content parce que j'ai réussi à avoir cette licence et pouvoir exercer le métier, très beau métier de médiateur de santé-père.

  • Speaker #1

    Aujourd'hui, qu'est-ce que tu dis aux personnes, aux familles, aux personnes concernées par la schizophrénie ? Tu leur dis, bon les gars, moi aussi, et puis vous voyez, ça se passe très bien. Qu'est-ce que tu leur dis ?

  • Speaker #0

    Alors moi, ce que je dis, c'est qu'il faut garder l'espoir, l'espérance, parce que ça, c'est super important. C'est vrai qu'au début de la maladie, c'est toujours délicat parce qu'on ne sait pas trop, on ne connaît pas bien les choses, on ne connaît pas la maladie très bien. Évidemment, on subit beaucoup. que ce soit les familles et les personnes concernées. On souffre en fait ensemble, donc c'est pas facile, évidemment. Mais moi ce que j'ai envie de dire aujourd'hui, c'est de vous dire de plus en plus il y a de nouvelles molécules aussi qui sont apparues dans les années 2000, qui ont changé un peu les choses aussi. Le rétablissement, j'en vois avec des collègues qui sont beaucoup plus jeunes que moi et qui ont déjà fait un parcours de rétablissement déjà très établi et qui deviennent pères aidants ou médiateurs de santé pères. Moi je suis très optimiste pour la suite des événements par rapport à cette problématique-là. Je suis quand même beaucoup plus optimiste puisque je vois qu'on peut faire des parcours beaucoup plus resserrés et arriver déjà sur un parcours de rétablissement beaucoup plus rapidement que le mien. Mais en tout cas, l'espoir, garder toujours l'espoir et l'espérance.

  • Speaker #1

    C'était Gueule Cachée, épisode 5, Laurent.

  • Speaker #0

    Dire je suis malade, je suis atteint de schizophrénie moi je trouve que c'est très enfermant. Pour moi, c'est devenu une force même la schizophrénie. C'est pour ça que je préfère parler de façon plus ouverte, libre et optimiste de singularité psychique. On a une sensibilité qui est très forte et qu'on ressent finalement au fond de nous, notre âme est sensible. C'est monde invisible qu'on perçoit. Et donc, en faire une force, c'est ce que j'ai réussi à faire, je pense, en rendant du sens à ma croyance.

  • Speaker #1

    Gueule cachée, un podcast de Laetitia Forgeaud d'Arc. Création sonore et musicale, Marine Anger pour le studio Sonia. Merci à Laurent pour son récit. Merci à vous tous qui avez porté le projet participatif de cette série.

Share

Embed

You may also like