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Hérétiques

Pédopsychiatrie : la fabrique des barbares (1/2)

Pédopsychiatrie : la fabrique des barbares (1/2)

48min |01/05/2024
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Pédopsychiatrie : la fabrique des barbares (1/2)

Pédopsychiatrie : la fabrique des barbares (1/2)

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Description

Jusqu'ici cantonnés à des milieux jugés dépressifs ou nostalgiques, les discours alarmants sur le délabrement de nos sociétés se sont répandus. Ils sont maintenant cautionnés par le sommet de l'État, qui évoque ouvertement « l’effondrement" et la "décivilisation". C'est que les effets concrets en sont de moins en moins escamotables : chacun peut vivre, à sa petite échelle, la dégradation continue de ses conditions de vie et l'irruption, à présent quotidienne, d’une violence feutrée ou meurtrière.

L'univers médico-social est peut-être la pointe avancée de cette déliquescence, à la croisée de la "crise" de l'éducation, de l'avachissement de la psychiatrie, de la surenchère technologique, de la politique gestionnaire et du changement de nature de l'immigration. Les institutions de soin et d'éducation, censées former et accompagner des individus libres et responsables, deviennent progressivement des fabriques de barbares.

Sofia, animatrice, institutrice puis psychopédagogue expérimentée, décrit cette catastrophe permanente avec la justesse des praticiens de base pour en appeler à la renaissance de l’intérêt collectif et la fin de la bêtise savante.


hérétiques.fr


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Première partie. Sophia, vous êtes institutrice spécialisée. Vous êtes venue nous parler du diagnostic très sombre que vous portez sur le milieu socio-médical, médico-social. Vous avez un parcours intéressant parce que vous avez commencé la carrière dans l'animation en tant qu'animatrice. Vous êtes devenue ensuite directrice de centres de loisirs et de vacances durant des années. À la suite de ça, vous êtes parti dans l'éducation nationale en tant qu'institutrice. Vous avez intégré de multiples établissements. Vous avez tiré d'ailleurs des textes, on va en parler juste après. Et vous êtes passé maintenant dans le monde de la pédopsychiatrie depuis maintenant une dizaine d'années, où également vous avez eu un parcours... ...assez général en passant d'institution en institution. Vous avez donc établi à peu près à chaque moment des diagnostics, des textes. Notamment, il y a une vingtaine d'années, le texte, l'article C'est pire que s'il n'y avait rien qui relatait vos aventures dans une... Un établissement d'éducation spécialisé, et puis l'islamisme élémentaire, sur l'entrée de l'islamisme dans les écoles élémentaires, puis spécifiquement sur l'immigration et l'islam, nous immigrés arabes, et une prévisseur de l'islamisme. Est-ce que vous pourriez nous parler un peu de votre parcours ?

  • Speaker #1

    Oui, alors vous avez fait mention de textes autour de la thématique de l'islamisme. D'abord, je voudrais préciser que je suis issue d'une famille d'immigrés venant du Maghreb. Je suis née en France au début des années 70. Et que moi-même, j'étais scolarisée en France. Et que ça a été pour moi un moment de ma vie qui m'a permis de m'émanciper d'énormément de choses. Mais pas que via l'école, via l'éducation populaire aussi. Donc assez rapidement, très jeune, vers les 17 ans, j'ai voulu à mon tour avoir une fonction d'animatrice et transmettre ce que moi on m'avait transmis et participer à la formation des nouvelles générations dans un milieu qui me paraissait moins corsété que le milieu de la classe ou de l'école. Et on pouvait se permettre énormément de liberté et on pouvait transmettre beaucoup de choses qui allaient au-delà du simple savoir scolaire, que je ne dénigre absolument pas évidemment. Donc à ce moment-là, je suis devenue animatrice, puis assez rapidement directrice, tout en me formant aux pédagogies dites alternatives, notamment à la pédagogie institutionnelle. dont une des références, mais pas que, fut Fernand Houry, frère du psychiatre Jean Houry, dont je reparlerai peut-être un petit peu plus tard. Donc formation à la pédagogie institutionnelle, formation aussi bien universitaire que de terrain. C'est-à-dire que rapidement, j'ai voulu mettre en pratique tous ces concepts qu'on me transmettait, notamment la question de l'articulation du collectif et de la loi. qui me paraissait quand même une question fondamentale et que j'ai essayé de travailler de différentes manières en mettant en pratique cela. Dans des colos où on bricolait, ça marchait plus ou moins bien, ça détonnait par rapport à ce qui se faisait à l'époque, où en général, je parle du milieu des années 90, où on avait plutôt des centres de vacances type UCPA, où tout était déjà ficelé, etc. Donc je ne m'étendrai pas trop sur ces expériences. Tout ça pour dire que j'en venais en tant qu'enfant et que j'y accordais énormément d'importance. Ça me paraissait un outil d'émancipation indispensable et que ça a été vraiment une passion. Voilà, ça m'a pris assez jeune et que ça a été vraiment une passion.

  • Speaker #0

    Mais c'est un milieu que vous avez quitté finalement.

  • Speaker #1

    Voilà, c'est un milieu que j'ai quitté au milieu des années 2000. Parce que c'est un milieu qui commence à être gangréné d'animateurs je m'en foutiste. Au pire, on avait des directeurs très carriéristes, qui visaient la montée dans la hiérarchie, notamment municipale. Des gens qui... Une infiltration aussi de ce qu'on appellerait aujourd'hui les indigénaux, enfin, les indigénistes, des animateurs issus des quartiers.

  • Speaker #0

    Les grands frères.

  • Speaker #1

    Oui, grands frères, enfin... Moi, je n'appellerais pas ça des grands frères, parce qu'ils ne jouaient même pas le rôle de grands frères. Un grand frère, ça peut être très structurant, ça peut jouer son rôle même de substitut parental quand les parents sont défaillants. Là, non, c'était vraiment les copains, c'était le modèle identificatoire de la racaille. Voilà, donc c'était des gens qui pouvaient aussi véhiculer une certaine pratique de l'islam, rigoriste, petit à petit, par petites touches. D'ailleurs, c'est marrant de revenir dessus, parce que là, pas plus tard qu'hier, j'ai eu une ancienne amie directrice de centre de loisirs, qui n'est encore, qui tient encore sur la ville de Nîmes. et qui me racontait que là, elle avait eu vent dans une maternelle d'enfants qui avaient fait le ramadan en maternelle. Voilà, un petit groupe d'enfants qui a décidé de faire le ramadan. Et dans cette maternelle, la directrice était musulmane, les animateurs étaient tous musulmans. et pas du tout investis. Le seul investissement qu'ils avaient, c'était de vérifier lors des repas que les gamins ne mangent pas de viande, parce que la viande n'était pas encore halale.

  • Speaker #0

    Maternelle, on a 5-6 ans.

  • Speaker #1

    On a 5-6 ans en maternelle, donc moi j'appelle ça de la maltraitance. Je ne comprends pas que ça n'ait pas été signalé. Alors les petites gamines qui voulaient faire le ramadan, ce petit groupe-là a prétexté qu'elles devaient faire le ramadan parce que sinon elles n'allaient pas avoir de cadeaux. Il fallait faire le ramadan. Moi, j'en viens de cette culture-là, je la connais très bien. Le ramadan, ce n'est pas avant les premières règles pour les filles en général. Donc là, c'est vraiment du grand n'importe quoi. J'ai décrit assez bien cette infiltration de l'islamisme dans l'école, mais aussi dans le milieu de l'animation, dans les textes auxquels vous faites. Vous faites référence. Donc rapidement, je me retrouve à l'éducation nationale en tant qu'enseignante en élémentaire. Je fais des remplacements au début et au fil des années, peut-être au bout de 2-3 ans, je me rends compte que ce que j'ai fui au sein de l'animation me rattrape au sein de l'éducation nationale. Tant en termes de recrutement, d'infiltration aussi. De gens qui n'ont rien à foutre là. Ou alors, s'ils sont là, ce n'est pas pour être des hussards de la République, mais des hussards d'abattre la République de l'intérieur. Donc, je suis restée là peut-être 7-8 ans. et j'ai été confrontée aussi à ce que j'appellerais des pathologies qui m'interrogeaient au sein des classes même dans lesquelles je travaillais. Au-delà de l'inclusion d'élèves handicapés ou autistes, il y avait vraiment une question de rapport à l'adulte, de rapport au cadre, de rapport à la loi, qui était très problématique. Donc de plus en plus d'enfants violents, de plus en plus d'enfants rois, enfin on ne connaît pas. qu'on appelle enfant roi, mais là aussi on pourra revenir sur ce terme-là. Donc j'étais de moins en moins à l'aise. J'ai quitté l'éducation nationale au bout de 5-6 ans, peut-être 7 ans, au moment des attentats de Charlie Hebdo, du massacre du comité de rédaction de Charlie Hebdo, parce que là ça devenait dangereux aussi bien physiquement pour moi que psychiquement. J'avais du mal à tenir. Alors bon, il y a eu énormément de... Je ne vais pas revenir parce que je pense que c'est une banalité de dire que les enseignants étaient complètement isolés. Moi ça se doublait d'un rapport aussi particulier du fait que moi j'étais issue... du monde musulman donc assigné à l'islam, alors que je suis apostate. Donc ça devenait, voilà, j'étais très mal à l'aise, voire de plus en plus flippée d'aller travailler.

  • Speaker #0

    Vous en parliez justement dans l'article L'islamisme élémentaire qui avait eu un certain succès parce que vous racontiez justement l'entrisme islamiste dans l'école élémentaire et puis la démission du cadre, de tous les cadres en fait, du haut en bas à la hiérarchie, ce qui maintenant est devenu un lieu commun.

  • Speaker #1

    Voilà, c'est ce que j'allais dire.

  • Speaker #0

    Le pas de vague et voilà.

  • Speaker #1

    Et la hiérarchie qui n'est pas du tout derrière vous, alors dans des injonctions contradictoires qui rendent encore plus fou.

  • Speaker #0

    Et vous êtes entrée en pédopsy ?

  • Speaker #1

    Voilà, donc je suis rentrée en pédopsy il y a 6-7 ans, 6 ans. Et j'ai fait le tour de pas mal d'institutions, donc des hôpitaux de jour, des hôpitaux de jour pour enfants très jeunes, de 3 à 6 ans, puis des hôpitaux de jour pour enfants de 6 à 12 ans, et des hôpitaux de jour aussi pour adolescents. Donc là, ça pouvait aller de 12 ans à 18-19 ans. mais également ce qu'on appelle des CESAD. C'est catastrophique la situation dans ce type de structure. CESAD, l'acronyme, c'est le service d'éducation spécialisé et d'aide à domicile. Je reviendrai sur ces expériences dans ce type de structure. Pourquoi la pédopsychiatrie ? Parce que déjà, j'avais besoin de sortir de mon isolement dans le milieu enseignant. J'avais vraiment besoin d'être étayé par une équipe, comme on dit. Et surtout, je me disais, peut-être naïvement, que là, j'allais rencontrer des gens réellement engagés. On sait, par exemple, que dans les collèges où il y a beaucoup de violence, beaucoup de problèmes, en général, les équipes sont soudées. Il peut y avoir un travail d'équipe, en tous les cas, on peut s'appuyer sur les collègues. Et je me disais, dans un hôpital de jour ou dans une classe dans un hôpital de jour, je serai dans une équipe et on se soutiendra. Et en tous les cas, je serai avec des gens sérieux et engagés. Je pense que ces deux notions, l'engagement et le sérieux, sont ce qui m'a le plus manqué et sont ce qui fait le plus défaut de façon dramatique, aussi bien à l'école que... que dans le milieu de la psychiatrie.

  • Speaker #0

    Et aussi peut-être parce que toute relation éducative implique l'éducateur de manière intime, quel que soit l'âge de l'enfant, et que ça demande une réflexivité, une capacité de retour sur soi, une introspection minimale, et que c'est une chose qui est de plus en plus rare dans les milieux éducatifs.

  • Speaker #1

    Oui, ne serait-ce que reconnaître la place de l'inconscient dans la classe, pour reprendre le titre d'un ouvrage de Francis Imbert, C'était pas évident. On était aussi, dans les années où j'ai intégré l'éducation nationale, dans un mouvement anti-psychanalyse féroce, le livre noir de la psychanalyse, etc. Donc vous parliez d'inconscient, vous étiez... On vous flinguait, quoi.

  • Speaker #0

    Vous avez suivi une analyse, vous, personnellement. Oui,

  • Speaker #1

    oui. J'ai suivi une analyse qui m'a été d'un grand secours, d'ailleurs, quand j'ai commencé en pédopsychiatrie. Je pense que je me serais assez vite effondrée si ça n'avait pas été le cas. Donc oui, effectivement, ces questions d'inconscient, mais aussi de loi, de limite, d'incarnation de la loi symbolique, pouvaient se poser. Dans la naïveté qui était la mienne à ce moment-là, dans les services de pédopsychiatrie, c'était le boulot, c'était leur outil de travail principal de ce que je me disais à l'époque.

  • Speaker #0

    Et en réalité, la démission que vous avez rencontrée dans l'animation, que vous avez rencontrée dans l'éducation nationale, vous la rencontrez aussi aujourd'hui en pédopsychiatrie.

  • Speaker #1

    Oui, qui pour moi, on vit la fin de la psychiatrie, de la psychiatrie en général et de la pédopsychiatrie en particulier. Je ne mets pas la psychiatrie ou la pédopsychiatrie en dehors d'autres institutions qui sont en état d'élabrement sur lesquelles de nombreuses personnes commencent à écrire. Le voile commence à être levé sur de nombreux dysfonctionnements, pour ne pas dire effondrements de nombreuses institutions, que ce soit l'école, que ce soit l'hôpital en général. que ce soit les services publics, etc. Donc des institutions qui autrefois avaient pu jouer leur rôle, avaient pu être structurantes, devenaient pathologiquement déstructurantes, voire destructrices. Alors les raisons de cet état de délabrement... et de déréliction de ces institutions. Jean-Pierre Le Goff a pu en parler dans la Barbarie douce, effectivement, l'arrivée du néo-management. de ce qu'a pu appeler Jean-Houry la peste managériale, qui, oui, pose de réels problèmes dans la pratique, au quotidien, pour les professionnels qui essayent de se débrouiller, de se dépatouiller avec tout ça comme ils peuvent. Mais il y a aussi une question d'adhésion à ce néo-management. Il y a aussi une question d'adhésion à l'anomie générale. Il y a des salariés dans les hôpitaux de jour ou dans les IME, instituts médicaux éducatifs, qui abordent ce travail comme s'ils travaillaient dans une banque ou dans une assurance. C'est-à-dire que ce sont des salariés. Moi, je les appelais les fonctionnaires. Ils n'étaient pas fonctionnaires. C'était souvent des CDI, des droits privés. Mais voilà, ça peut être une planque aussi la pédopsychiatrie. On dit souvent qu'ils sont submergés, et c'est vrai. Je voudrais généraliser à partir de mes quelques expériences d'une dizaine de structures, mais moi j'ai vu des infirmières ou des cadres qui pouvaient ne rien faire de la journée ou remplir un tableau Excel et être payés 2000-3000 euros. tranquillement, il n'y avait pas de problème, et ça ne leur posait pas de problème de conscience. C'est-à-dire qu'au fond, on est dans un moment de l'histoire de notre société où il n'y a plus vraiment de mouvement mobilisateur, ni en théorie, ni en pratique, et on est dans une sorte de... soit de chacun pour soi, on se bricole sa petite niche, et puis hop, on a la paix, soit dans un mouvement moralisateur. Il n'y a plus rien qui mobilise, mais tout est moraline.

  • Speaker #0

    Comment ça se traduit concrètement dans la pratique au jour le jour ? Vous, vous y étiez en tant qu'institutrice détachée.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    C'est ça. Donc ce sont des équipes qui sont pluridisciplinaires, où on a des psychiatres, on a des psychologues.

  • Speaker #1

    Des assistantes sociales.

  • Speaker #0

    Des assistantes sociales. Et vous, vous y étiez systématiquement dans cette douzaine d'établissements.

  • Speaker #1

    Avec une nuance que j'aimerais apporter, en fonction des hôpitaux de jour, et je pense à une expérience notamment où ça a vraiment été le cas, les instituteurs dans ce type de structure sont considérés comme soignants. C'est-à-dire qu'on a une posture de soignant. De petite maîtresse qui bricole dans sa classe et qui aurait une salle et qui ne ferait que des bilans psychopédagogiques ou scolaires.

  • Speaker #0

    C'est le principe de la psychothérapie institutionnelle.

  • Speaker #1

    Exactement.

  • Speaker #0

    Tous les encadrants, même la femme de ménage, fait partie du soin parce que c'est de la vie quotidienne et qu'il y a interaction entre le patient, quel que soit l'âge, et puis l'encadrement de toute façon. Donc une femme de ménage ou un infirmier, donc tout au bas de l'échelle. peut soigner autant que le psychiatre qui administre et qui fait des entretiens.

  • Speaker #1

    Oui, dans le milieu, on parle de constellation transférentielle, c'est-à-dire que tout le monde a un rôle et support de projection des enfants. Et tout ça est articulé dans des moments collectifs où chacun va apporter. Moi, il me voit comme ça. Moi, il me voit plutôt comme ci. Moi, j'arrive à faire ça avec lui. Moi, je n'y arrive pas du tout. Ça travaille collectivement. Et notamment pour les profils schizophrènes, je trouve que c'est parfaitement adapté.

  • Speaker #0

    Mais ce n'est pas ce que vous voyez sur le terrain.

  • Speaker #1

    Mais c'est malheureusement pas ce que j'ai vu sur le terrain, sauf exception qui tendait vers ça. Moi, ce que j'ai vu, c'est... C'est plutôt un des points que je n'ai pas souligné sur la fin de la psychiatrie. C'est que c'est un secteur qui est submergé quantitativement. Il y a énormément de demandes qui explosent, qui ont d'autant plus explosé après la période de confinement, plutôt après que pendant d'ailleurs, où il y a eu pas mal de décompensations, etc. Mais aussi au niveau qualitatif, c'est-à-dire que là, on a affaire à des pathologies inédites et qui trouvent leur source dans... Dans un espèce d'état confusionnel, où plus personne ne sait qui il est, où on ne sait pas où on va, où le père ne veut plus être père, la mère veut être mère mais collée à l'enfant, voire être l'enfant où il y a une inversion des rôles, et où plus personne ne veut vraiment poser de limites. Et ça c'est dramatique pour moi, aussi bien à l'école que... que dans le milieu de la pédopsychiatrie.

  • Speaker #0

    Et concrètement, en quoi se traduit ce refus de poser des limites ?

  • Speaker #1

    Par exemple, un des derniers raccrochages que j'ai eu avec une équipe, c'est un jeune dans un établissement spécialisé privé, un jeune qui arrive dans une salle commune et qui hurle Heil Hitler ! Donc un jeune maghrébin, 17 ans. Donc moi j'étais dans ma classe avec un autre jeune, donc je n'ai pas interrompu ma séance. Il se trouve que quand ce gamin crie Heil Hitler, il y a cinq adultes autour de lui, trois éducateurs, une infirmière et je ne sais plus quel autre professionnel, entre guillemets professionnel. Et personne ne réagit. Personne ne réagit. Il y a quelques gloussements de rire, il y a quelques postures un peu gênées. Mais moi je vois ça parce que j'ai une baie vitrée depuis ma classe. Je vois cette salle commune. À part un éducateur libanais qui lui dit non, j'aime pas ce que tu dis Bon, c'est pas une question de j'aime pas ce que tu dis c'est une question de loi, là. Ça tombe sous la loi, un propos antisémite, pardon, c'est sanctionné par la loi. Donc moi, je reprends en équipe cette transgression grave, pour moi, lors d'une réunion. Et on me dit, oui, mais non, mais il ne sait pas, il ne connaît pas l'histoire. Il dit ça, c'est une provocation. Le profil du gamin, ce n'était pas un schizophrène, il n'était pas dans une forme de psychose infantile ou quoi. C'était le trouble du comportement. En gros, délinquant.

  • Speaker #0

    Oui, parce qu'on mélange en fait ces institutions où on mélange des malades diagnostiqués graves psychiatriquement avec des cas qui relèvent beaucoup plus de la crise d'adolescence, de la déshérence, de la dépression même légère. C'est ça.

  • Speaker #1

    Et c'est assez terrible comme spectacle. Moi, je sais que ça m'a beaucoup touchée de voir des enfants qui avaient juste des petits problèmes psychologiques. Je ne sais pas, les parents qui divorcent, le gamin qui est un petit peu un objet de jouissance entre le père et la mère divorcés. C'est des choses qui pouvaient se régler avec une psychologue scolaire ou quelques séances. Et qui là se retrouve balancé au hôpital de jour avec des enfants autistes très régressés, non-verbaux et qui hurlent. Des psychotiques qui décompensent et des crises classiques. Moi j'ai pu voir la terreur dans les yeux de ces petits qui n'avaient rien à foutre là. Alors il y a des enjeux financiers. Le nombre d'autistes explose. Le nombre de diagnostiqués autistes, c'est une explosion. Tout le monde est autiste.

  • Speaker #0

    On ne va pas entrer dans l'extension de l'autisme parce que l'autisme est un problème. Rien que le mot est un problème extraordinaire.

  • Speaker #1

    Je n'ai jamais su ce que c'était. Six ans de pédopsychiatrie, je ne sais toujours pas ce que c'est que l'autisme.

  • Speaker #0

    C'est le nom d'un désordre dans la psychiatrie elle-même plutôt que dans l'ordre psychiatrique.

  • Speaker #1

    Mais pour revenir à ce cas de transgression grave d'un adolescent qui sait très bien ce qu'il fait. qui est dans un milieu, le quartier est antisémite, ses potes sont antisémites, sa culture est antisémite, le Coran est antisémite, il se réclame musulman, il fait le ramadan. Quand il rentre et qu'il gueule Haïl Hitler comme ça à la tranche des adultes, il demande quelque chose. C'est une demande en acte implicite de limite. C'est retenez-moi, est-ce qu'il y a un mur quelque part ? Est-ce qu'il y a quelque chose ? Il n'y a rien. On est à 30 mètres d'un commissariat. On peut aller déposer une main courante, rien que ça. Je soumets l'idée en réunion et donc effectivement on m'explique que ben non, c'est un jeune, alors il y a la théorie de l'excusisme, oui mais il ne sait pas, mais non, mais... Et puis on ne fait rien quoi. et il ne se passe rien. Donc le gamin disparaît dans la nature, il revient, il vient se faire tripoter par la psychothérapeute, parce qu'il y a ça aussi, il y a des positifs, des jeunes femmes, j'ai vu des situations dramatiques, où des jeunes filles qui sortaient de l'école de psychomotricienne, ce même jeune est pris en charge par une psychomotricienne qui a à peine 50 ans de plus que lui. dans une salle en sous-sol, toute seule, salle aménagée en salle de psychomotricité, donc avec des matelas, une lumière douce. Et elle fait de la psychomotricité avec lui, qui consiste à faire des séances de relaxation. Vous pouvez bien imaginer qu'au bout de trois séances de relaxation, le gamin lui demande un massage. Il ne demande pas tout de suite une fellation, il lui demande un massage. J'apprends ça, je croise la jeune femme qui est mal à l'aise, qui est toute rouge, qui remonte de sa séance, c'était lourd. Et elle me dit, oui, il vient de me demander un massage, je suis embêtée, je ne sais pas si je vais continuer la prise en charge. Donc moi, je la regarde un petit peu brutalement, je lui dis, il veut baiser avec toi. Mais il n'y a pas de secret, tout dans le dispositif l'amène à ça. Parce que c'est un adolescent. Voilà, c'est un adolescent, il est en pleine poussée libidinale. Et puis le rapport aux femmes est tel qu'une femme qui s'occupe de lui comme ça, qui le met en relaxation, pour lui c'est un salon de massage. Ce n'est pas une salle de psychomotricité, c'est un salon de massage. C'est repris en réunion. C'est mal interprété. C'est une structure privée, là aussi, où il y avait une directrice extrêmement castratrice, dominatrice. Rien ne pouvait se faire sans son accord. Elle était complètement incohérente. Elle dit oui, non, la prochaine fois, vous serez accompagnée. Sophia voulait descendre avec elle. Non, ce n'est pas mon boulot. Dans un autre cadre, j'aurais accepté. Mais là... Bon, la psychomotricienne en question, au bout d'une semaine, se met en arrêt maladie. On ne la revoit plus. Et ça, des histoires comme ça...

  • Speaker #0

    En réalité, la procédure normale est d'en discuter lors d'une réunion générale, lors de ce qu'on appelle supervision. Vous en parliez en off. où le groupe discute avec l'éducateur, l'éducatrice en question, la psychomotricienne, et bien elle lui fait prendre conscience qu'elle-même a des envies, a des pulsions, et c'est normal, et que toute relation de pédagogie avec un enfant, quelle qu'elle soit, de thérapie, implique un érotisme diffus, nécessairement, et ne pas en avoir conscience, que ce soit en maternelle ou à l'université, c'est ouvrir les vannes, effectivement, à ce genre d'effusion. qui sont courantes, vous avez été témoin assez souvent de cette manière de maternage, d'évitement du conflit, d'évitement de la limite et en même temps du maternage. Oui,

  • Speaker #1

    alors vous prononcez le mot de maternage. Moi c'est vrai qu'arrivant dans ces lieux de pédopsychiatrie, je suis enseignante. Je ne suis pas forcément à l'aise avec cette question de maternage. Je comprends très bien, alors je n'arrive pas vierge de tout savoir en pédopsychiatrie. Comme je disais tout à l'heure, j'avais d'abord fait une analyse. J'avais aussi été formée à la pédagogie institutionnelle, donc j'avais lu des choses de psychologie du développement. Donc je n'arrive pas complètement démunie en termes de savoir. Quoique, en termes de pratique, je n'étais jamais intervenue auparavant. en pédopsychiatrie. Donc on m'explique, oui, le maternage, c'est très important, le portage, le holding, Winnicott. sauf qu'il y a tout un blabla de psy, des termes, des concepts, qui sont employés à tort et à travers, mais qui ne font que rationaliser une non-maîtrise de ce qui se passe. C'est-à-dire qu'on va vous parler de maternage, on va laisser une éducatrice. Laisser libre cours à ces pulsions pédophiles, là pour le coup je lâche le mot, sous prétexte que cet enfant a une rupture dans le lien, qu'il faut le faire régresser, retraverser toutes les étapes qui se sont mal passées ou qu'il n'a pas passé du tout. C'est un argument que j'entends complètement. Je vous dis, je n'avais pas de résistance particulière, même si ça met à mal la posture d'enseignant qui est aux antipodes de ça. Pensez bien que c'est le contraire. Nous, c'est que le gamin, il tienne debout tout seul dans notre boulot. c'est pas de le porter. Je comprends, en analyse, quiconque a fait une analyse, c'est bien qu'il y ait une période, une phase de régression tout à fait normale, mais qui, normalement, ouvre sur une réélaboration. Là, c'était la régression pour la régression, et tout sans cœur. Et on y va. Donc, moi, j'ai assisté à des scènes, proprement, obscènes, d'éducatrices qui portaient sur elles, couchaient sur son corps dans un hamac, un autiste qui régresser, enfin très malade Un enfant de 8-9 ans, très très malade, et elle le tripotait, et lui il était dans une jouissance, et elle était dans une jouissance. Alors, il se trouve que ces expériences-là, je les ai vécues aussi bien dans des hôpitaux de jour qui fonctionnaient à peu près, avec un noyau dur, une équipe investie et engagée là pour le coup, et où ça a pu se régler. Ça a donné lieu à une crise, une discussion, vous parliez de supervision tout à l'heure, effectivement dispositif fondamental. outil en or, enfin moi c'était impossible de travailler sans ça la supervision c'est né dans les c'est venu d'une pression syndicale des soignants dans les services de soins palliatifs de fin de vie

  • Speaker #0

    C'est ce personnel-là qui a imposé de pouvoir déposer des choses, élaborer des choses collectivement, parce que c'était extrêmement lourd ce qu'ils pouvaient vivre. Et ça s'est généralisé, c'est très bien, dans les services de psychiatrie.

  • Speaker #1

    En quoi ça consiste ?

  • Speaker #0

    Donc ça consiste en l'intervention d'une personne totalement extérieure au service et à l'équipe, en général un psychanalyste, mais ça peut être aussi un psychosociologue, quoique c'est les moins bons. Moi, les meilleurs que j'ai eus, c'était les psychanalystes, notamment dans un psychanalyse du quatrième groupe. Sans vouloir développer cet aspect-là, c'est des gens qui viennent et qui font une analyse de groupe, qui permettent au groupe d'échanger sur les problèmes qu'ils ont de transfert et de contre-transfert avec tel enfant. Les problèmes relationnels de l'équipe, les problèmes institutionnels et hiérarchiques. Ça permet d'affronter et de dénouer des crises, ou parfois simplement de les poser. Rien que ça, ça fait du bien. Donc là, ça a pu être élaboré. On était plusieurs éducateurs et personnels à être gênés par ces scènes. Personne n'osait trop intervenir, on a tenté par là, par l'île, on a essayé de parler à l'éducatrice qui était très mal, éducatrice nouvellement convertie à l'islam, qui avait été convertie à l'islam suite à une soirée dans un club de chichas, qui avait des problèmes. On a tous des problèmes, il se peut que de surcroît, comme disait l'autre, on règle des choses en travaillant dans ce type d'endroit et avec ce type d'enfants. mais là c'était du lourd et donc on parlait du maternage effectivement elle avait complètement intégré le truc du maternage et ça tombe bien elle pouvait donner libre cours à ses pulsions maternantes, elle avait envie d'avoir un enfant elle pouvait pas, ou elle voulait, ou c'était pas encore le moment bon bref donc ça a pu être Stopper, nommer et stopper. Moi, j'ai lâché le mot pédophilie. Ça a donné quasiment lieu à une décompensation de l'éducatrice à ce moment-là, en pleine séance. Donc, merci au psychanalyste de groupe qui était là et qui a très bien accompagné les choses. Dans d'autres dispositifs, ça continue et ça ne pose pas de problème. Et ce n'est pas plus mal, au moins on a la paix. Voilà, et on laisse faire, et on ferme les yeux.

  • Speaker #1

    Alors qu'il y a, enfin, c'est bien parce que vous dites qu'il y a même une rationalisation, on va expliquer le fait en disant que c'est en fait que c'est thérapeutique, que tout le monde régresse, et il y a malgré tout des réunions de supervision dans ces cas-là. Mais on est dans le simulacre.

  • Speaker #0

    Oui, oui, des réunions de supervision qui sont, quand c'est du simulacre, et c'est la plupart du temps le cas, malheureusement, ce sont ces réunions de supervision, donc cette dispositif, cette réunion, sert plus aux entre guillemets psychanalystes de groupe qui est là à capter des informations à rapporter à la direction ce qui se dit là c'est une catastrophe ça aussi normalement c'est un lieu, rien ne sort un peu comme en analyse Lors d'une psychanalyse, ce qui se dit là reste là. Là, dernière expérience, j'apprends que la pseudo-psychanalyse de groupe qui est là ait payé 520 euros la séance, c'est deux heures, pour faire quoi ? Pour faire un travail de balance. Je le dis comme je l'ai ressenti et comme c'était ressenti par l'équipe. Et l'équipe le savait. Donc vous imaginez la liberté de parole qu'il peut y avoir dans ces moments-là. Une équipe terrorisée, j'ai rarement vu ça. Des gens de 50 ans flippés par cette directrice. Un turnover extraordinaire dans cette structure. Qui amenait cette directrice libanaise, en l'occurrence, à recruter au sein de sa famille ? On avait comme ça un éducateur véridique, débarqué du Liban au moment... Au moment de l'incendie, tous les problèmes d'explosion, un ou deux ans après, le type arrive, c'est son cousin, c'est le cousin de la directrice, il parle un français, personne ne le comprend. Il est en CDI, éducateur, il n'a même pas de papier, il n'a rien encore.

  • Speaker #1

    C'est ce qu'on retrouvait aussi dans votre article sur l'école élémentaire, où on se retrouve avec des instituteurs aussi, notamment ceux qui viennent de l'étranger, qui n'ont aucune compétence et qui pourtant sont balancés là, ou au niveau de CM2, où il faut enseigner de manière un peu sérieuse, ou alors même au niveau maternel.

  • Speaker #0

    Alors pire, moi ce que j'ai vu c'est en maternel effectivement... Un instituteur contractuel, donc recruté à la va-vite, balancé dans une classe de maternelle avec des petites sections. et j'apprends au cours d'une conversation avec lui lors d'une récréation j'apprends que le lendemain il n'est pas là parce qu'il a rendez-vous à la préfecture ah bon mais pourquoi tu as rendez-vous à la préfecture ? je vais renouveler mon visa étudiant ah bon tu es étudiant ? le mec est étudiant en master je ne sais pas quoi donc il débarque d'Afrique subsaharienne il n'a jamais vu un gamin on lui confie des petites sections et les petites sections ils font la sieste ah ah

  • Speaker #1

    On crée des conditions qui ne sont pas très éducatrices. Et en pédopsie, c'est vraiment une inflation de termes, ce que vous décrivez, dans lesquels il ne recouvre aucune pratique, ou qui ne sera que pour rationaliser une pratique qui est complètement vide et qui n'est pas du tout soignante, qui est même régressive auprès des enfants.

  • Speaker #0

    Oui, moi par exemple, maintenant, quand j'arrive quelque part et qu'on me dit Ici, on fait de l'institutionnel dans les dix minutes que j'ai passées dans le couloir, je suis capable de dire Bon, ok, là on se raconte l'histoire, vous faites du n'importe quoi, mais vous ne faites pas de l'institutionnel Je pense que personne ne fait de l'institutionnel aujourd'hui. C'est un peu radical de dire ça, mais... On peut tendre vers, et je vous dis en six ans, j'ai eu qu'une expérience dans un hôpital de jour où on tendait vers ça. Parce qu'il y avait un noyau dur dans l'équipe, sur la dizaine de personnes, il y avait cinq personnes, ça tenait. Ils savaient ce qu'ils foutaient. Le simulacre, oui, par exemple, on parle beaucoup des théories de l'attachement. Donc, les théories de l'attachement, ça part du principe qu'il y a eu, dans ce qu'on appelle l'anamnèse, c'est-à-dire l'histoire de la naissance, de la conception et de la naissance d'un enfant, il y a eu quelque chose qui s'est mal passé entre la mère et l'enfant. La mère ne l'a pas porté, la mère a refusé de le regarder. Il y a eu quelque chose qui s'est passé qui n'a pas permis qu'un lien se noue entre l'enfant et la mère. Un lien fondamental, primordial et premier. On parle beaucoup de ça comme source de... On explore encore, comme vous disiez tout à l'heure, l'autisme. On ne va pas en une heure explorer ce domaine-là qui est très compliqué, très complexe et très flou. Mais ça fait partie des hypothèses de développement de postures autistiques que ce trouble de l'attachement. Bon, écoutez, on a parlé de la question de la régression par rapport à refaire... Refaire vivre à l'enfance ce qu'il n'a pas pu vivre avec sa mère, soit qu'on se pose en tant qu'éducateur ou thérapeute en substitut de la mère, soit, moi de ce que j'en sais, on mettait plus la mère, on était plus dans une guidance de la mère pour qu'elle puisse apprendre à porter son enfant, le regarder progressivement, là vous allez le porter 5 minutes, quand vous en avez marre vous posez le gamin, on prend le relais. Là, c'était carrément aux éducateurs de jouer ce rôle-là. On en a parlé tout à l'heure avec toutes les dérives, quand il n'y a pas de contrôle et qu'il n'y a pas de visée à tout ça. Donc, c'est des théories qui sont annoncées comme des choses nouvelles, extraordinaires, qui vont révolutionner, tout ce que vous voulez. Sauf que c'est des théories, c'est des gens qui réinventent l'eau chaude. Freud en avait déjà parlé. Mélanie Klein, première psychanalyste d'enfants. abordé cette question-là. Winnicott en a parlé aussi. Donc, c'est des choses qui ne sont pas nouvelles non plus. Alors, on affine. Il y a des tableaux qui permettent de repérer les regards de l'enfant, les gestes de la mère. Je ne dis pas qu'il n'y a rien, mais il n'y a rien de nouveau, fondamentalement de nouveau, d'innovant ou de particulier. Donc, tout ça, si vous voulez, c'est des rationalisations. de comportements qui sont ravageurs. Par exemple, quand on parle de, juste pour finir, c'est une rationalisation de comportement inadéquate. Quand Winnicott parle de la mère suffisamment bonne, c'est pas la mère suffisamment bonne, c'est une mauvaise traduction. On parle de mère adéquate. Good enough, en anglais, c'est adéquate, ordinaire. Ce n'est pas une mère extraordinaire, ce n'est pas une bonne maman. Bonne maman, c'est une marque de confiture pour moi. Ce n'est pas ce qu'avait à l'esprit Winnicott quand il a avancé cette notion, ce concept.

  • Speaker #1

    Ça fait penser un peu à la Commode des Saintes de George Orwell, c'est-à-dire la décence ordinaire qui n'est pas des super pouvoirs, qui n'est pas une... un comportement extraordinaire vis-à-vis des autres, mais simplement une bienveillance de base, un amour minimal, qui permet au fonctionnement social de continuer, de tourner, d'être agréable à vivre. Et ce n'est pas du tout une valeur superlative.

  • Speaker #0

    Vous avez tout à fait raison. Quand je parlais tout à l'heure de déstructuration, c'est effectivement ces adultes, ces éducateurs qui sont censés accompagner l'enfant, qui sont censés lui refaire faire un parcours qui a été dysfonctionnel à un moment problématique et qui donne lieu à une forme de pathologie. sévère ou plus ou moins intense. Finalement, que fait cette éducatrice quand elle donne libre cours à ses pulsions sexuelles envers cet enfant ? Elle le désorganise un petit peu plus au niveau psychique. Elle rajoute de la désorganisation aux pulsions de l'enfant qui sont déjà... très mis à mal.

  • Speaker #1

    Et c'est des régressions que vous voyez chez l'enfant, qui sont mesurables, que vous pouvez étayer ?

  • Speaker #0

    Oui, par exemple, souvent je récupère des enfants, soit après une séance avec un udéquatrice, soit après une séance de psychomotricité. C'est très difficile pour moi, ne serait-ce que de le faire asseoir sur une chaise, alors que je peux y parvenir. Je trouve des stratégies. Par exemple, une prise en charge que j'avais à 13h30, j'essaie de la faire en sorte de la déplacer et de l'avoir à 9h du matin. Il n'y a personne avant moi. Le gamin, il n'aura pas été pris dans les genoux pendant trois heures avant d'arriver dans l'espace pédagogique. Je bricole et je fais ce que je peux, mais des fois, je ne peux pas. Et je vois, et c'est rageant. Des enfants qui, effectivement, ne peuvent plus s'asseoir sur la chaise, me demandent de les porter. Alors, je trouve des superfuges, je leur mets une poupée entre les mains. J'essaie d'inverser la demande. Mais ce n'est pas simple. Il y a aussi des questions, on va peut-être l'aborder, des technologies, des nouvelles technologies, mises entre les mains de ces enfants. Pareil, une éducatrice... Si vous voulez, tout le monde a des caprices. Donc on laisse couler les caprices, on accorde des caprices aux gamins, on ne met plus de limites. Travailler le désir d'un enfant, ce n'est pas lui accorder Blancin et lui permettre de délirer, lui permettre de répondre à tous ses caprices. Là, les éducateurs aussi ont des caprices, des lubies. Donc là, c'était en l'occurrence le light painting. Alors le light painting consiste en quoi ? C'est une activité artistique, paraît-il. qui consiste à peindre avec un stylo virtuel sur un mur. Enfin, un vrai stylo, pardon, sur un support virtuel. Donc on trace des traits, mais avec de la lumière. Des traits un peu avec un faisceau de lumière. Ça produit des effets, des traces sur les murs, mais ce n'est pas permanent, ça ne reste pas. Pour des enfants qui ont un problème de psychose, de rapport schizoparanoïde, des pathologies graves, de rapport au réel, à la réalité, qui ne font pas la distinction entre moi leur enseignante, je peux être une chaise, un singe, un chien ou un chat. Ils sont dans l'indifférenciation animé-inanimé. Vous pouvez imaginer les ravages que ce type d'activité peut avoir. Des psychismes d'enfants malades comme ça quoi. Donc moi, très concrètement, j'avais une gamine comme ça qui avançait bien, notamment sur le tracé. Elle avait peur de tracer les choses.

  • Speaker #2

    Je n'ai pas compris, c'est sur un écran ?

  • Speaker #0

    Oui, c'est sur un mur.

  • Speaker #2

    C'est une projection du dessin sur le mur via les outils.

  • Speaker #0

    J'avais une gamine qui progressait bien dans laisser une trace et tracer des courbes. Donc 5-6 ans, je lui apprenais à tracer des courbes. On était dans l'entrée, dans l'écrit. Cette gamine participe à cette activité en milieu d'année scolaire. Et bien, régression totale. Elle n'arrive plus à tracer les courbes qu'elle me faisait parfaitement au bout d'une dizaine de séances de travail autour de ça, avec différents outils, différents matériels. En gros, j'avais galéré quand même. Je partais de loin avec cet enfant et j'étais quand même assez contente. Et elle était contente aussi, elle pouvait observer aussi ses traits. On parle de permanence de l'objet, mais vous imaginez ce type d'activité. Je dessine un truc, ça disparaît, hop, c'est dans le... C'est dans le néant, ça n'existe plus.

  • Speaker #2

    On peut penser que les... On en parlait, je crois, dans la dernière émission. Les grands dirigeants des GAFAM mettent leurs enfants dans des écoles spécialisées où il n'y a aucun écran, il y a des crayons de couleur. Et justement, c'est très important, avant de voir le virtuel, de connaître le réel.

  • Speaker #0

    Et oui, c'est une étape fondamentale et c'est d'autant plus important quand cette construction du rapport réel a été dysfonctionnelle, si j'ose dire. en tous les cas, était entravée. Et vous avez tout à fait raison, il y a aussi une question de classe sociale. C'est-à-dire que je pense notamment aussi à la question de l'hyper-sexualisation des petites filles. Ça concerne les classes populaires surtout. C'est surtout pareil, les tablettes numériques, la surenchère de nouvelles technologies. C'est surtout, en l'occurrence, toutes les expériences que j'ai pu avoir d'enfants qui avaient la tablette jusqu'à 1h du matin dans leur lit, ce n'étaient pas des enfants d'ingénieurs, ce n'étaient pas des enfants de professeurs. C'était des enfants d'ouvriers ou de chômeurs. Il y a cette question de classe sociale. Effectivement, les psychiatres qui trouvaient très amusant d'introduire la tablette numérique au sein de l'hôpital de jour, qui trouvaient ça sympa, leurs gamins, ils n'avaient pas de tablette. Ils ne connaissaient pas l'objet avant leurs 12 ans, 13 ans.

  • Speaker #1

    C'est ce qui se voit aussi dans l'éducation nationale où il y a un déferlement aussi technologique. des tableaux numériques, une multitude qui progresse d'année en année, avec une multitude de gadgets, mais qui masquent au fond une absence totale de pédagogie, et qui ne résolvent absolument rien à la question du niveau. Là, c'est la même chose, mais dans le domaine de la psychiatrie, c'est effectivement où il est question de la conception de la réalité même, c'est extrêmement délicat, j'imagine. Et vous nous disiez en off que cette petite fille-là, qu'elle avait quel âge déjà ?

  • Speaker #0

    Cinq ans et demi.

  • Speaker #1

    Cinq ans et demi, il avait aussi été conçu par PMA, il avait une histoire assez technologique aussi.

  • Speaker #0

    Donc une famille relativement pauvre, venue de Chine, de Sichuan je crois. Donc le père assez âgé, il devait avoir une cinquantaine d'années. par rapport à l'âge de l'enfant, conçue assez tardivement, via une PMA alors qu'ils étaient sans papier. Donc avec la psychologue qui était dans le service, on se demandait comment la mère avait pu avoir accès à une PMA avec donneur. C'est le père qui ne pouvait pas avoir d'enfant, qui était stérile. Donc oui, la gamine elle-même conçue via une technologie artificielle. Et puis, une histoire d'immigration et d'exil assez lourde. C'est une famille asiatique qui avait atterri dans un quartier maghrébin. Donc, la gamine avait effectivement une psychose de type schizoparanoïde. Elle voyait des ennemis partout. Elle était persécutée, en permanence persécutée.

  • Speaker #1

    Donc là, vous cumulez effectivement la question psychiatrique, elle est multiple, parce que vous cumulez les problèmes, et en plus, les solutions n'en sont pas, finalement. Vous utilisez des moyens qui ne sont pas du tout adaptés, voire des structures complètement d'après ce que vous décrivez.

  • Speaker #0

    Des structures complètement, et... Et si vous voulez, ce type d'enfant par exemple, moi il m'a été reproché une fois par une inspectrice pédagogique dans une de mes classes, parce que des fois on est inspecté mais ça reste relativement rare, dans une de mes classes spécialisées au sein d'un hôpital de jour. Moi j'ai à cœur de confronter, de mettre les enfants en contact avec des œuvres picturales, de l'art du Van Gogh, du Picasso, des choses souvent du figuratif. Pas d'abstrait, surtout pas avec ce type d'enfant. Des choses, des paysages. Par exemple, j'ai des tableaux qui illustrent les différentes saisons avec différents tableaux de maîtres de la peinture occidentale. Une inspectrice me disait, ah oui, mais là, vous les surstimulez, ce type d'enfant, il faut qu'il y ait le moins de choses possibles au mur, le moins d'images possibles au mur. Bon, en même temps, aller dans la salle d'en face, c'est la tablette, aller dans la salle d'à côté, c'est le light panic, et sortir dans la rue, c'est la surstimulation, les lumières, les McDo, les machins, les publicités. Quand je parle aussi d'institutions malades, dans une société malade, les murs de la ville, c'est même pas qu'ils éduquent plus, c'est qu'ils rendent fou.

  • Speaker #2

    Vous venez d'entendre la première partie de l'entretien avec Sophia, pédopsychiatrie, la fabrique des barbares. Rendez-vous dans 15 jours pour la seconde partie. Vous pouvez retrouver les documents évoqués lors de l'émission ainsi que d'autres permettant de prolonger la réflexion sur notre site hereticlopluriel.fr Ce podcast est disponible sur toutes les plateformes d'écoute.

Description

Jusqu'ici cantonnés à des milieux jugés dépressifs ou nostalgiques, les discours alarmants sur le délabrement de nos sociétés se sont répandus. Ils sont maintenant cautionnés par le sommet de l'État, qui évoque ouvertement « l’effondrement" et la "décivilisation". C'est que les effets concrets en sont de moins en moins escamotables : chacun peut vivre, à sa petite échelle, la dégradation continue de ses conditions de vie et l'irruption, à présent quotidienne, d’une violence feutrée ou meurtrière.

L'univers médico-social est peut-être la pointe avancée de cette déliquescence, à la croisée de la "crise" de l'éducation, de l'avachissement de la psychiatrie, de la surenchère technologique, de la politique gestionnaire et du changement de nature de l'immigration. Les institutions de soin et d'éducation, censées former et accompagner des individus libres et responsables, deviennent progressivement des fabriques de barbares.

Sofia, animatrice, institutrice puis psychopédagogue expérimentée, décrit cette catastrophe permanente avec la justesse des praticiens de base pour en appeler à la renaissance de l’intérêt collectif et la fin de la bêtise savante.


hérétiques.fr


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Première partie. Sophia, vous êtes institutrice spécialisée. Vous êtes venue nous parler du diagnostic très sombre que vous portez sur le milieu socio-médical, médico-social. Vous avez un parcours intéressant parce que vous avez commencé la carrière dans l'animation en tant qu'animatrice. Vous êtes devenue ensuite directrice de centres de loisirs et de vacances durant des années. À la suite de ça, vous êtes parti dans l'éducation nationale en tant qu'institutrice. Vous avez intégré de multiples établissements. Vous avez tiré d'ailleurs des textes, on va en parler juste après. Et vous êtes passé maintenant dans le monde de la pédopsychiatrie depuis maintenant une dizaine d'années, où également vous avez eu un parcours... ...assez général en passant d'institution en institution. Vous avez donc établi à peu près à chaque moment des diagnostics, des textes. Notamment, il y a une vingtaine d'années, le texte, l'article C'est pire que s'il n'y avait rien qui relatait vos aventures dans une... Un établissement d'éducation spécialisé, et puis l'islamisme élémentaire, sur l'entrée de l'islamisme dans les écoles élémentaires, puis spécifiquement sur l'immigration et l'islam, nous immigrés arabes, et une prévisseur de l'islamisme. Est-ce que vous pourriez nous parler un peu de votre parcours ?

  • Speaker #1

    Oui, alors vous avez fait mention de textes autour de la thématique de l'islamisme. D'abord, je voudrais préciser que je suis issue d'une famille d'immigrés venant du Maghreb. Je suis née en France au début des années 70. Et que moi-même, j'étais scolarisée en France. Et que ça a été pour moi un moment de ma vie qui m'a permis de m'émanciper d'énormément de choses. Mais pas que via l'école, via l'éducation populaire aussi. Donc assez rapidement, très jeune, vers les 17 ans, j'ai voulu à mon tour avoir une fonction d'animatrice et transmettre ce que moi on m'avait transmis et participer à la formation des nouvelles générations dans un milieu qui me paraissait moins corsété que le milieu de la classe ou de l'école. Et on pouvait se permettre énormément de liberté et on pouvait transmettre beaucoup de choses qui allaient au-delà du simple savoir scolaire, que je ne dénigre absolument pas évidemment. Donc à ce moment-là, je suis devenue animatrice, puis assez rapidement directrice, tout en me formant aux pédagogies dites alternatives, notamment à la pédagogie institutionnelle. dont une des références, mais pas que, fut Fernand Houry, frère du psychiatre Jean Houry, dont je reparlerai peut-être un petit peu plus tard. Donc formation à la pédagogie institutionnelle, formation aussi bien universitaire que de terrain. C'est-à-dire que rapidement, j'ai voulu mettre en pratique tous ces concepts qu'on me transmettait, notamment la question de l'articulation du collectif et de la loi. qui me paraissait quand même une question fondamentale et que j'ai essayé de travailler de différentes manières en mettant en pratique cela. Dans des colos où on bricolait, ça marchait plus ou moins bien, ça détonnait par rapport à ce qui se faisait à l'époque, où en général, je parle du milieu des années 90, où on avait plutôt des centres de vacances type UCPA, où tout était déjà ficelé, etc. Donc je ne m'étendrai pas trop sur ces expériences. Tout ça pour dire que j'en venais en tant qu'enfant et que j'y accordais énormément d'importance. Ça me paraissait un outil d'émancipation indispensable et que ça a été vraiment une passion. Voilà, ça m'a pris assez jeune et que ça a été vraiment une passion.

  • Speaker #0

    Mais c'est un milieu que vous avez quitté finalement.

  • Speaker #1

    Voilà, c'est un milieu que j'ai quitté au milieu des années 2000. Parce que c'est un milieu qui commence à être gangréné d'animateurs je m'en foutiste. Au pire, on avait des directeurs très carriéristes, qui visaient la montée dans la hiérarchie, notamment municipale. Des gens qui... Une infiltration aussi de ce qu'on appellerait aujourd'hui les indigénaux, enfin, les indigénistes, des animateurs issus des quartiers.

  • Speaker #0

    Les grands frères.

  • Speaker #1

    Oui, grands frères, enfin... Moi, je n'appellerais pas ça des grands frères, parce qu'ils ne jouaient même pas le rôle de grands frères. Un grand frère, ça peut être très structurant, ça peut jouer son rôle même de substitut parental quand les parents sont défaillants. Là, non, c'était vraiment les copains, c'était le modèle identificatoire de la racaille. Voilà, donc c'était des gens qui pouvaient aussi véhiculer une certaine pratique de l'islam, rigoriste, petit à petit, par petites touches. D'ailleurs, c'est marrant de revenir dessus, parce que là, pas plus tard qu'hier, j'ai eu une ancienne amie directrice de centre de loisirs, qui n'est encore, qui tient encore sur la ville de Nîmes. et qui me racontait que là, elle avait eu vent dans une maternelle d'enfants qui avaient fait le ramadan en maternelle. Voilà, un petit groupe d'enfants qui a décidé de faire le ramadan. Et dans cette maternelle, la directrice était musulmane, les animateurs étaient tous musulmans. et pas du tout investis. Le seul investissement qu'ils avaient, c'était de vérifier lors des repas que les gamins ne mangent pas de viande, parce que la viande n'était pas encore halale.

  • Speaker #0

    Maternelle, on a 5-6 ans.

  • Speaker #1

    On a 5-6 ans en maternelle, donc moi j'appelle ça de la maltraitance. Je ne comprends pas que ça n'ait pas été signalé. Alors les petites gamines qui voulaient faire le ramadan, ce petit groupe-là a prétexté qu'elles devaient faire le ramadan parce que sinon elles n'allaient pas avoir de cadeaux. Il fallait faire le ramadan. Moi, j'en viens de cette culture-là, je la connais très bien. Le ramadan, ce n'est pas avant les premières règles pour les filles en général. Donc là, c'est vraiment du grand n'importe quoi. J'ai décrit assez bien cette infiltration de l'islamisme dans l'école, mais aussi dans le milieu de l'animation, dans les textes auxquels vous faites. Vous faites référence. Donc rapidement, je me retrouve à l'éducation nationale en tant qu'enseignante en élémentaire. Je fais des remplacements au début et au fil des années, peut-être au bout de 2-3 ans, je me rends compte que ce que j'ai fui au sein de l'animation me rattrape au sein de l'éducation nationale. Tant en termes de recrutement, d'infiltration aussi. De gens qui n'ont rien à foutre là. Ou alors, s'ils sont là, ce n'est pas pour être des hussards de la République, mais des hussards d'abattre la République de l'intérieur. Donc, je suis restée là peut-être 7-8 ans. et j'ai été confrontée aussi à ce que j'appellerais des pathologies qui m'interrogeaient au sein des classes même dans lesquelles je travaillais. Au-delà de l'inclusion d'élèves handicapés ou autistes, il y avait vraiment une question de rapport à l'adulte, de rapport au cadre, de rapport à la loi, qui était très problématique. Donc de plus en plus d'enfants violents, de plus en plus d'enfants rois, enfin on ne connaît pas. qu'on appelle enfant roi, mais là aussi on pourra revenir sur ce terme-là. Donc j'étais de moins en moins à l'aise. J'ai quitté l'éducation nationale au bout de 5-6 ans, peut-être 7 ans, au moment des attentats de Charlie Hebdo, du massacre du comité de rédaction de Charlie Hebdo, parce que là ça devenait dangereux aussi bien physiquement pour moi que psychiquement. J'avais du mal à tenir. Alors bon, il y a eu énormément de... Je ne vais pas revenir parce que je pense que c'est une banalité de dire que les enseignants étaient complètement isolés. Moi ça se doublait d'un rapport aussi particulier du fait que moi j'étais issue... du monde musulman donc assigné à l'islam, alors que je suis apostate. Donc ça devenait, voilà, j'étais très mal à l'aise, voire de plus en plus flippée d'aller travailler.

  • Speaker #0

    Vous en parliez justement dans l'article L'islamisme élémentaire qui avait eu un certain succès parce que vous racontiez justement l'entrisme islamiste dans l'école élémentaire et puis la démission du cadre, de tous les cadres en fait, du haut en bas à la hiérarchie, ce qui maintenant est devenu un lieu commun.

  • Speaker #1

    Voilà, c'est ce que j'allais dire.

  • Speaker #0

    Le pas de vague et voilà.

  • Speaker #1

    Et la hiérarchie qui n'est pas du tout derrière vous, alors dans des injonctions contradictoires qui rendent encore plus fou.

  • Speaker #0

    Et vous êtes entrée en pédopsy ?

  • Speaker #1

    Voilà, donc je suis rentrée en pédopsy il y a 6-7 ans, 6 ans. Et j'ai fait le tour de pas mal d'institutions, donc des hôpitaux de jour, des hôpitaux de jour pour enfants très jeunes, de 3 à 6 ans, puis des hôpitaux de jour pour enfants de 6 à 12 ans, et des hôpitaux de jour aussi pour adolescents. Donc là, ça pouvait aller de 12 ans à 18-19 ans. mais également ce qu'on appelle des CESAD. C'est catastrophique la situation dans ce type de structure. CESAD, l'acronyme, c'est le service d'éducation spécialisé et d'aide à domicile. Je reviendrai sur ces expériences dans ce type de structure. Pourquoi la pédopsychiatrie ? Parce que déjà, j'avais besoin de sortir de mon isolement dans le milieu enseignant. J'avais vraiment besoin d'être étayé par une équipe, comme on dit. Et surtout, je me disais, peut-être naïvement, que là, j'allais rencontrer des gens réellement engagés. On sait, par exemple, que dans les collèges où il y a beaucoup de violence, beaucoup de problèmes, en général, les équipes sont soudées. Il peut y avoir un travail d'équipe, en tous les cas, on peut s'appuyer sur les collègues. Et je me disais, dans un hôpital de jour ou dans une classe dans un hôpital de jour, je serai dans une équipe et on se soutiendra. Et en tous les cas, je serai avec des gens sérieux et engagés. Je pense que ces deux notions, l'engagement et le sérieux, sont ce qui m'a le plus manqué et sont ce qui fait le plus défaut de façon dramatique, aussi bien à l'école que... que dans le milieu de la psychiatrie.

  • Speaker #0

    Et aussi peut-être parce que toute relation éducative implique l'éducateur de manière intime, quel que soit l'âge de l'enfant, et que ça demande une réflexivité, une capacité de retour sur soi, une introspection minimale, et que c'est une chose qui est de plus en plus rare dans les milieux éducatifs.

  • Speaker #1

    Oui, ne serait-ce que reconnaître la place de l'inconscient dans la classe, pour reprendre le titre d'un ouvrage de Francis Imbert, C'était pas évident. On était aussi, dans les années où j'ai intégré l'éducation nationale, dans un mouvement anti-psychanalyse féroce, le livre noir de la psychanalyse, etc. Donc vous parliez d'inconscient, vous étiez... On vous flinguait, quoi.

  • Speaker #0

    Vous avez suivi une analyse, vous, personnellement. Oui,

  • Speaker #1

    oui. J'ai suivi une analyse qui m'a été d'un grand secours, d'ailleurs, quand j'ai commencé en pédopsychiatrie. Je pense que je me serais assez vite effondrée si ça n'avait pas été le cas. Donc oui, effectivement, ces questions d'inconscient, mais aussi de loi, de limite, d'incarnation de la loi symbolique, pouvaient se poser. Dans la naïveté qui était la mienne à ce moment-là, dans les services de pédopsychiatrie, c'était le boulot, c'était leur outil de travail principal de ce que je me disais à l'époque.

  • Speaker #0

    Et en réalité, la démission que vous avez rencontrée dans l'animation, que vous avez rencontrée dans l'éducation nationale, vous la rencontrez aussi aujourd'hui en pédopsychiatrie.

  • Speaker #1

    Oui, qui pour moi, on vit la fin de la psychiatrie, de la psychiatrie en général et de la pédopsychiatrie en particulier. Je ne mets pas la psychiatrie ou la pédopsychiatrie en dehors d'autres institutions qui sont en état d'élabrement sur lesquelles de nombreuses personnes commencent à écrire. Le voile commence à être levé sur de nombreux dysfonctionnements, pour ne pas dire effondrements de nombreuses institutions, que ce soit l'école, que ce soit l'hôpital en général. que ce soit les services publics, etc. Donc des institutions qui autrefois avaient pu jouer leur rôle, avaient pu être structurantes, devenaient pathologiquement déstructurantes, voire destructrices. Alors les raisons de cet état de délabrement... et de déréliction de ces institutions. Jean-Pierre Le Goff a pu en parler dans la Barbarie douce, effectivement, l'arrivée du néo-management. de ce qu'a pu appeler Jean-Houry la peste managériale, qui, oui, pose de réels problèmes dans la pratique, au quotidien, pour les professionnels qui essayent de se débrouiller, de se dépatouiller avec tout ça comme ils peuvent. Mais il y a aussi une question d'adhésion à ce néo-management. Il y a aussi une question d'adhésion à l'anomie générale. Il y a des salariés dans les hôpitaux de jour ou dans les IME, instituts médicaux éducatifs, qui abordent ce travail comme s'ils travaillaient dans une banque ou dans une assurance. C'est-à-dire que ce sont des salariés. Moi, je les appelais les fonctionnaires. Ils n'étaient pas fonctionnaires. C'était souvent des CDI, des droits privés. Mais voilà, ça peut être une planque aussi la pédopsychiatrie. On dit souvent qu'ils sont submergés, et c'est vrai. Je voudrais généraliser à partir de mes quelques expériences d'une dizaine de structures, mais moi j'ai vu des infirmières ou des cadres qui pouvaient ne rien faire de la journée ou remplir un tableau Excel et être payés 2000-3000 euros. tranquillement, il n'y avait pas de problème, et ça ne leur posait pas de problème de conscience. C'est-à-dire qu'au fond, on est dans un moment de l'histoire de notre société où il n'y a plus vraiment de mouvement mobilisateur, ni en théorie, ni en pratique, et on est dans une sorte de... soit de chacun pour soi, on se bricole sa petite niche, et puis hop, on a la paix, soit dans un mouvement moralisateur. Il n'y a plus rien qui mobilise, mais tout est moraline.

  • Speaker #0

    Comment ça se traduit concrètement dans la pratique au jour le jour ? Vous, vous y étiez en tant qu'institutrice détachée.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    C'est ça. Donc ce sont des équipes qui sont pluridisciplinaires, où on a des psychiatres, on a des psychologues.

  • Speaker #1

    Des assistantes sociales.

  • Speaker #0

    Des assistantes sociales. Et vous, vous y étiez systématiquement dans cette douzaine d'établissements.

  • Speaker #1

    Avec une nuance que j'aimerais apporter, en fonction des hôpitaux de jour, et je pense à une expérience notamment où ça a vraiment été le cas, les instituteurs dans ce type de structure sont considérés comme soignants. C'est-à-dire qu'on a une posture de soignant. De petite maîtresse qui bricole dans sa classe et qui aurait une salle et qui ne ferait que des bilans psychopédagogiques ou scolaires.

  • Speaker #0

    C'est le principe de la psychothérapie institutionnelle.

  • Speaker #1

    Exactement.

  • Speaker #0

    Tous les encadrants, même la femme de ménage, fait partie du soin parce que c'est de la vie quotidienne et qu'il y a interaction entre le patient, quel que soit l'âge, et puis l'encadrement de toute façon. Donc une femme de ménage ou un infirmier, donc tout au bas de l'échelle. peut soigner autant que le psychiatre qui administre et qui fait des entretiens.

  • Speaker #1

    Oui, dans le milieu, on parle de constellation transférentielle, c'est-à-dire que tout le monde a un rôle et support de projection des enfants. Et tout ça est articulé dans des moments collectifs où chacun va apporter. Moi, il me voit comme ça. Moi, il me voit plutôt comme ci. Moi, j'arrive à faire ça avec lui. Moi, je n'y arrive pas du tout. Ça travaille collectivement. Et notamment pour les profils schizophrènes, je trouve que c'est parfaitement adapté.

  • Speaker #0

    Mais ce n'est pas ce que vous voyez sur le terrain.

  • Speaker #1

    Mais c'est malheureusement pas ce que j'ai vu sur le terrain, sauf exception qui tendait vers ça. Moi, ce que j'ai vu, c'est... C'est plutôt un des points que je n'ai pas souligné sur la fin de la psychiatrie. C'est que c'est un secteur qui est submergé quantitativement. Il y a énormément de demandes qui explosent, qui ont d'autant plus explosé après la période de confinement, plutôt après que pendant d'ailleurs, où il y a eu pas mal de décompensations, etc. Mais aussi au niveau qualitatif, c'est-à-dire que là, on a affaire à des pathologies inédites et qui trouvent leur source dans... Dans un espèce d'état confusionnel, où plus personne ne sait qui il est, où on ne sait pas où on va, où le père ne veut plus être père, la mère veut être mère mais collée à l'enfant, voire être l'enfant où il y a une inversion des rôles, et où plus personne ne veut vraiment poser de limites. Et ça c'est dramatique pour moi, aussi bien à l'école que... que dans le milieu de la pédopsychiatrie.

  • Speaker #0

    Et concrètement, en quoi se traduit ce refus de poser des limites ?

  • Speaker #1

    Par exemple, un des derniers raccrochages que j'ai eu avec une équipe, c'est un jeune dans un établissement spécialisé privé, un jeune qui arrive dans une salle commune et qui hurle Heil Hitler ! Donc un jeune maghrébin, 17 ans. Donc moi j'étais dans ma classe avec un autre jeune, donc je n'ai pas interrompu ma séance. Il se trouve que quand ce gamin crie Heil Hitler, il y a cinq adultes autour de lui, trois éducateurs, une infirmière et je ne sais plus quel autre professionnel, entre guillemets professionnel. Et personne ne réagit. Personne ne réagit. Il y a quelques gloussements de rire, il y a quelques postures un peu gênées. Mais moi je vois ça parce que j'ai une baie vitrée depuis ma classe. Je vois cette salle commune. À part un éducateur libanais qui lui dit non, j'aime pas ce que tu dis Bon, c'est pas une question de j'aime pas ce que tu dis c'est une question de loi, là. Ça tombe sous la loi, un propos antisémite, pardon, c'est sanctionné par la loi. Donc moi, je reprends en équipe cette transgression grave, pour moi, lors d'une réunion. Et on me dit, oui, mais non, mais il ne sait pas, il ne connaît pas l'histoire. Il dit ça, c'est une provocation. Le profil du gamin, ce n'était pas un schizophrène, il n'était pas dans une forme de psychose infantile ou quoi. C'était le trouble du comportement. En gros, délinquant.

  • Speaker #0

    Oui, parce qu'on mélange en fait ces institutions où on mélange des malades diagnostiqués graves psychiatriquement avec des cas qui relèvent beaucoup plus de la crise d'adolescence, de la déshérence, de la dépression même légère. C'est ça.

  • Speaker #1

    Et c'est assez terrible comme spectacle. Moi, je sais que ça m'a beaucoup touchée de voir des enfants qui avaient juste des petits problèmes psychologiques. Je ne sais pas, les parents qui divorcent, le gamin qui est un petit peu un objet de jouissance entre le père et la mère divorcés. C'est des choses qui pouvaient se régler avec une psychologue scolaire ou quelques séances. Et qui là se retrouve balancé au hôpital de jour avec des enfants autistes très régressés, non-verbaux et qui hurlent. Des psychotiques qui décompensent et des crises classiques. Moi j'ai pu voir la terreur dans les yeux de ces petits qui n'avaient rien à foutre là. Alors il y a des enjeux financiers. Le nombre d'autistes explose. Le nombre de diagnostiqués autistes, c'est une explosion. Tout le monde est autiste.

  • Speaker #0

    On ne va pas entrer dans l'extension de l'autisme parce que l'autisme est un problème. Rien que le mot est un problème extraordinaire.

  • Speaker #1

    Je n'ai jamais su ce que c'était. Six ans de pédopsychiatrie, je ne sais toujours pas ce que c'est que l'autisme.

  • Speaker #0

    C'est le nom d'un désordre dans la psychiatrie elle-même plutôt que dans l'ordre psychiatrique.

  • Speaker #1

    Mais pour revenir à ce cas de transgression grave d'un adolescent qui sait très bien ce qu'il fait. qui est dans un milieu, le quartier est antisémite, ses potes sont antisémites, sa culture est antisémite, le Coran est antisémite, il se réclame musulman, il fait le ramadan. Quand il rentre et qu'il gueule Haïl Hitler comme ça à la tranche des adultes, il demande quelque chose. C'est une demande en acte implicite de limite. C'est retenez-moi, est-ce qu'il y a un mur quelque part ? Est-ce qu'il y a quelque chose ? Il n'y a rien. On est à 30 mètres d'un commissariat. On peut aller déposer une main courante, rien que ça. Je soumets l'idée en réunion et donc effectivement on m'explique que ben non, c'est un jeune, alors il y a la théorie de l'excusisme, oui mais il ne sait pas, mais non, mais... Et puis on ne fait rien quoi. et il ne se passe rien. Donc le gamin disparaît dans la nature, il revient, il vient se faire tripoter par la psychothérapeute, parce qu'il y a ça aussi, il y a des positifs, des jeunes femmes, j'ai vu des situations dramatiques, où des jeunes filles qui sortaient de l'école de psychomotricienne, ce même jeune est pris en charge par une psychomotricienne qui a à peine 50 ans de plus que lui. dans une salle en sous-sol, toute seule, salle aménagée en salle de psychomotricité, donc avec des matelas, une lumière douce. Et elle fait de la psychomotricité avec lui, qui consiste à faire des séances de relaxation. Vous pouvez bien imaginer qu'au bout de trois séances de relaxation, le gamin lui demande un massage. Il ne demande pas tout de suite une fellation, il lui demande un massage. J'apprends ça, je croise la jeune femme qui est mal à l'aise, qui est toute rouge, qui remonte de sa séance, c'était lourd. Et elle me dit, oui, il vient de me demander un massage, je suis embêtée, je ne sais pas si je vais continuer la prise en charge. Donc moi, je la regarde un petit peu brutalement, je lui dis, il veut baiser avec toi. Mais il n'y a pas de secret, tout dans le dispositif l'amène à ça. Parce que c'est un adolescent. Voilà, c'est un adolescent, il est en pleine poussée libidinale. Et puis le rapport aux femmes est tel qu'une femme qui s'occupe de lui comme ça, qui le met en relaxation, pour lui c'est un salon de massage. Ce n'est pas une salle de psychomotricité, c'est un salon de massage. C'est repris en réunion. C'est mal interprété. C'est une structure privée, là aussi, où il y avait une directrice extrêmement castratrice, dominatrice. Rien ne pouvait se faire sans son accord. Elle était complètement incohérente. Elle dit oui, non, la prochaine fois, vous serez accompagnée. Sophia voulait descendre avec elle. Non, ce n'est pas mon boulot. Dans un autre cadre, j'aurais accepté. Mais là... Bon, la psychomotricienne en question, au bout d'une semaine, se met en arrêt maladie. On ne la revoit plus. Et ça, des histoires comme ça...

  • Speaker #0

    En réalité, la procédure normale est d'en discuter lors d'une réunion générale, lors de ce qu'on appelle supervision. Vous en parliez en off. où le groupe discute avec l'éducateur, l'éducatrice en question, la psychomotricienne, et bien elle lui fait prendre conscience qu'elle-même a des envies, a des pulsions, et c'est normal, et que toute relation de pédagogie avec un enfant, quelle qu'elle soit, de thérapie, implique un érotisme diffus, nécessairement, et ne pas en avoir conscience, que ce soit en maternelle ou à l'université, c'est ouvrir les vannes, effectivement, à ce genre d'effusion. qui sont courantes, vous avez été témoin assez souvent de cette manière de maternage, d'évitement du conflit, d'évitement de la limite et en même temps du maternage. Oui,

  • Speaker #1

    alors vous prononcez le mot de maternage. Moi c'est vrai qu'arrivant dans ces lieux de pédopsychiatrie, je suis enseignante. Je ne suis pas forcément à l'aise avec cette question de maternage. Je comprends très bien, alors je n'arrive pas vierge de tout savoir en pédopsychiatrie. Comme je disais tout à l'heure, j'avais d'abord fait une analyse. J'avais aussi été formée à la pédagogie institutionnelle, donc j'avais lu des choses de psychologie du développement. Donc je n'arrive pas complètement démunie en termes de savoir. Quoique, en termes de pratique, je n'étais jamais intervenue auparavant. en pédopsychiatrie. Donc on m'explique, oui, le maternage, c'est très important, le portage, le holding, Winnicott. sauf qu'il y a tout un blabla de psy, des termes, des concepts, qui sont employés à tort et à travers, mais qui ne font que rationaliser une non-maîtrise de ce qui se passe. C'est-à-dire qu'on va vous parler de maternage, on va laisser une éducatrice. Laisser libre cours à ces pulsions pédophiles, là pour le coup je lâche le mot, sous prétexte que cet enfant a une rupture dans le lien, qu'il faut le faire régresser, retraverser toutes les étapes qui se sont mal passées ou qu'il n'a pas passé du tout. C'est un argument que j'entends complètement. Je vous dis, je n'avais pas de résistance particulière, même si ça met à mal la posture d'enseignant qui est aux antipodes de ça. Pensez bien que c'est le contraire. Nous, c'est que le gamin, il tienne debout tout seul dans notre boulot. c'est pas de le porter. Je comprends, en analyse, quiconque a fait une analyse, c'est bien qu'il y ait une période, une phase de régression tout à fait normale, mais qui, normalement, ouvre sur une réélaboration. Là, c'était la régression pour la régression, et tout sans cœur. Et on y va. Donc, moi, j'ai assisté à des scènes, proprement, obscènes, d'éducatrices qui portaient sur elles, couchaient sur son corps dans un hamac, un autiste qui régresser, enfin très malade Un enfant de 8-9 ans, très très malade, et elle le tripotait, et lui il était dans une jouissance, et elle était dans une jouissance. Alors, il se trouve que ces expériences-là, je les ai vécues aussi bien dans des hôpitaux de jour qui fonctionnaient à peu près, avec un noyau dur, une équipe investie et engagée là pour le coup, et où ça a pu se régler. Ça a donné lieu à une crise, une discussion, vous parliez de supervision tout à l'heure, effectivement dispositif fondamental. outil en or, enfin moi c'était impossible de travailler sans ça la supervision c'est né dans les c'est venu d'une pression syndicale des soignants dans les services de soins palliatifs de fin de vie

  • Speaker #0

    C'est ce personnel-là qui a imposé de pouvoir déposer des choses, élaborer des choses collectivement, parce que c'était extrêmement lourd ce qu'ils pouvaient vivre. Et ça s'est généralisé, c'est très bien, dans les services de psychiatrie.

  • Speaker #1

    En quoi ça consiste ?

  • Speaker #0

    Donc ça consiste en l'intervention d'une personne totalement extérieure au service et à l'équipe, en général un psychanalyste, mais ça peut être aussi un psychosociologue, quoique c'est les moins bons. Moi, les meilleurs que j'ai eus, c'était les psychanalystes, notamment dans un psychanalyse du quatrième groupe. Sans vouloir développer cet aspect-là, c'est des gens qui viennent et qui font une analyse de groupe, qui permettent au groupe d'échanger sur les problèmes qu'ils ont de transfert et de contre-transfert avec tel enfant. Les problèmes relationnels de l'équipe, les problèmes institutionnels et hiérarchiques. Ça permet d'affronter et de dénouer des crises, ou parfois simplement de les poser. Rien que ça, ça fait du bien. Donc là, ça a pu être élaboré. On était plusieurs éducateurs et personnels à être gênés par ces scènes. Personne n'osait trop intervenir, on a tenté par là, par l'île, on a essayé de parler à l'éducatrice qui était très mal, éducatrice nouvellement convertie à l'islam, qui avait été convertie à l'islam suite à une soirée dans un club de chichas, qui avait des problèmes. On a tous des problèmes, il se peut que de surcroît, comme disait l'autre, on règle des choses en travaillant dans ce type d'endroit et avec ce type d'enfants. mais là c'était du lourd et donc on parlait du maternage effectivement elle avait complètement intégré le truc du maternage et ça tombe bien elle pouvait donner libre cours à ses pulsions maternantes, elle avait envie d'avoir un enfant elle pouvait pas, ou elle voulait, ou c'était pas encore le moment bon bref donc ça a pu être Stopper, nommer et stopper. Moi, j'ai lâché le mot pédophilie. Ça a donné quasiment lieu à une décompensation de l'éducatrice à ce moment-là, en pleine séance. Donc, merci au psychanalyste de groupe qui était là et qui a très bien accompagné les choses. Dans d'autres dispositifs, ça continue et ça ne pose pas de problème. Et ce n'est pas plus mal, au moins on a la paix. Voilà, et on laisse faire, et on ferme les yeux.

  • Speaker #1

    Alors qu'il y a, enfin, c'est bien parce que vous dites qu'il y a même une rationalisation, on va expliquer le fait en disant que c'est en fait que c'est thérapeutique, que tout le monde régresse, et il y a malgré tout des réunions de supervision dans ces cas-là. Mais on est dans le simulacre.

  • Speaker #0

    Oui, oui, des réunions de supervision qui sont, quand c'est du simulacre, et c'est la plupart du temps le cas, malheureusement, ce sont ces réunions de supervision, donc cette dispositif, cette réunion, sert plus aux entre guillemets psychanalystes de groupe qui est là à capter des informations à rapporter à la direction ce qui se dit là c'est une catastrophe ça aussi normalement c'est un lieu, rien ne sort un peu comme en analyse Lors d'une psychanalyse, ce qui se dit là reste là. Là, dernière expérience, j'apprends que la pseudo-psychanalyse de groupe qui est là ait payé 520 euros la séance, c'est deux heures, pour faire quoi ? Pour faire un travail de balance. Je le dis comme je l'ai ressenti et comme c'était ressenti par l'équipe. Et l'équipe le savait. Donc vous imaginez la liberté de parole qu'il peut y avoir dans ces moments-là. Une équipe terrorisée, j'ai rarement vu ça. Des gens de 50 ans flippés par cette directrice. Un turnover extraordinaire dans cette structure. Qui amenait cette directrice libanaise, en l'occurrence, à recruter au sein de sa famille ? On avait comme ça un éducateur véridique, débarqué du Liban au moment... Au moment de l'incendie, tous les problèmes d'explosion, un ou deux ans après, le type arrive, c'est son cousin, c'est le cousin de la directrice, il parle un français, personne ne le comprend. Il est en CDI, éducateur, il n'a même pas de papier, il n'a rien encore.

  • Speaker #1

    C'est ce qu'on retrouvait aussi dans votre article sur l'école élémentaire, où on se retrouve avec des instituteurs aussi, notamment ceux qui viennent de l'étranger, qui n'ont aucune compétence et qui pourtant sont balancés là, ou au niveau de CM2, où il faut enseigner de manière un peu sérieuse, ou alors même au niveau maternel.

  • Speaker #0

    Alors pire, moi ce que j'ai vu c'est en maternel effectivement... Un instituteur contractuel, donc recruté à la va-vite, balancé dans une classe de maternelle avec des petites sections. et j'apprends au cours d'une conversation avec lui lors d'une récréation j'apprends que le lendemain il n'est pas là parce qu'il a rendez-vous à la préfecture ah bon mais pourquoi tu as rendez-vous à la préfecture ? je vais renouveler mon visa étudiant ah bon tu es étudiant ? le mec est étudiant en master je ne sais pas quoi donc il débarque d'Afrique subsaharienne il n'a jamais vu un gamin on lui confie des petites sections et les petites sections ils font la sieste ah ah

  • Speaker #1

    On crée des conditions qui ne sont pas très éducatrices. Et en pédopsie, c'est vraiment une inflation de termes, ce que vous décrivez, dans lesquels il ne recouvre aucune pratique, ou qui ne sera que pour rationaliser une pratique qui est complètement vide et qui n'est pas du tout soignante, qui est même régressive auprès des enfants.

  • Speaker #0

    Oui, moi par exemple, maintenant, quand j'arrive quelque part et qu'on me dit Ici, on fait de l'institutionnel dans les dix minutes que j'ai passées dans le couloir, je suis capable de dire Bon, ok, là on se raconte l'histoire, vous faites du n'importe quoi, mais vous ne faites pas de l'institutionnel Je pense que personne ne fait de l'institutionnel aujourd'hui. C'est un peu radical de dire ça, mais... On peut tendre vers, et je vous dis en six ans, j'ai eu qu'une expérience dans un hôpital de jour où on tendait vers ça. Parce qu'il y avait un noyau dur dans l'équipe, sur la dizaine de personnes, il y avait cinq personnes, ça tenait. Ils savaient ce qu'ils foutaient. Le simulacre, oui, par exemple, on parle beaucoup des théories de l'attachement. Donc, les théories de l'attachement, ça part du principe qu'il y a eu, dans ce qu'on appelle l'anamnèse, c'est-à-dire l'histoire de la naissance, de la conception et de la naissance d'un enfant, il y a eu quelque chose qui s'est mal passé entre la mère et l'enfant. La mère ne l'a pas porté, la mère a refusé de le regarder. Il y a eu quelque chose qui s'est passé qui n'a pas permis qu'un lien se noue entre l'enfant et la mère. Un lien fondamental, primordial et premier. On parle beaucoup de ça comme source de... On explore encore, comme vous disiez tout à l'heure, l'autisme. On ne va pas en une heure explorer ce domaine-là qui est très compliqué, très complexe et très flou. Mais ça fait partie des hypothèses de développement de postures autistiques que ce trouble de l'attachement. Bon, écoutez, on a parlé de la question de la régression par rapport à refaire... Refaire vivre à l'enfance ce qu'il n'a pas pu vivre avec sa mère, soit qu'on se pose en tant qu'éducateur ou thérapeute en substitut de la mère, soit, moi de ce que j'en sais, on mettait plus la mère, on était plus dans une guidance de la mère pour qu'elle puisse apprendre à porter son enfant, le regarder progressivement, là vous allez le porter 5 minutes, quand vous en avez marre vous posez le gamin, on prend le relais. Là, c'était carrément aux éducateurs de jouer ce rôle-là. On en a parlé tout à l'heure avec toutes les dérives, quand il n'y a pas de contrôle et qu'il n'y a pas de visée à tout ça. Donc, c'est des théories qui sont annoncées comme des choses nouvelles, extraordinaires, qui vont révolutionner, tout ce que vous voulez. Sauf que c'est des théories, c'est des gens qui réinventent l'eau chaude. Freud en avait déjà parlé. Mélanie Klein, première psychanalyste d'enfants. abordé cette question-là. Winnicott en a parlé aussi. Donc, c'est des choses qui ne sont pas nouvelles non plus. Alors, on affine. Il y a des tableaux qui permettent de repérer les regards de l'enfant, les gestes de la mère. Je ne dis pas qu'il n'y a rien, mais il n'y a rien de nouveau, fondamentalement de nouveau, d'innovant ou de particulier. Donc, tout ça, si vous voulez, c'est des rationalisations. de comportements qui sont ravageurs. Par exemple, quand on parle de, juste pour finir, c'est une rationalisation de comportement inadéquate. Quand Winnicott parle de la mère suffisamment bonne, c'est pas la mère suffisamment bonne, c'est une mauvaise traduction. On parle de mère adéquate. Good enough, en anglais, c'est adéquate, ordinaire. Ce n'est pas une mère extraordinaire, ce n'est pas une bonne maman. Bonne maman, c'est une marque de confiture pour moi. Ce n'est pas ce qu'avait à l'esprit Winnicott quand il a avancé cette notion, ce concept.

  • Speaker #1

    Ça fait penser un peu à la Commode des Saintes de George Orwell, c'est-à-dire la décence ordinaire qui n'est pas des super pouvoirs, qui n'est pas une... un comportement extraordinaire vis-à-vis des autres, mais simplement une bienveillance de base, un amour minimal, qui permet au fonctionnement social de continuer, de tourner, d'être agréable à vivre. Et ce n'est pas du tout une valeur superlative.

  • Speaker #0

    Vous avez tout à fait raison. Quand je parlais tout à l'heure de déstructuration, c'est effectivement ces adultes, ces éducateurs qui sont censés accompagner l'enfant, qui sont censés lui refaire faire un parcours qui a été dysfonctionnel à un moment problématique et qui donne lieu à une forme de pathologie. sévère ou plus ou moins intense. Finalement, que fait cette éducatrice quand elle donne libre cours à ses pulsions sexuelles envers cet enfant ? Elle le désorganise un petit peu plus au niveau psychique. Elle rajoute de la désorganisation aux pulsions de l'enfant qui sont déjà... très mis à mal.

  • Speaker #1

    Et c'est des régressions que vous voyez chez l'enfant, qui sont mesurables, que vous pouvez étayer ?

  • Speaker #0

    Oui, par exemple, souvent je récupère des enfants, soit après une séance avec un udéquatrice, soit après une séance de psychomotricité. C'est très difficile pour moi, ne serait-ce que de le faire asseoir sur une chaise, alors que je peux y parvenir. Je trouve des stratégies. Par exemple, une prise en charge que j'avais à 13h30, j'essaie de la faire en sorte de la déplacer et de l'avoir à 9h du matin. Il n'y a personne avant moi. Le gamin, il n'aura pas été pris dans les genoux pendant trois heures avant d'arriver dans l'espace pédagogique. Je bricole et je fais ce que je peux, mais des fois, je ne peux pas. Et je vois, et c'est rageant. Des enfants qui, effectivement, ne peuvent plus s'asseoir sur la chaise, me demandent de les porter. Alors, je trouve des superfuges, je leur mets une poupée entre les mains. J'essaie d'inverser la demande. Mais ce n'est pas simple. Il y a aussi des questions, on va peut-être l'aborder, des technologies, des nouvelles technologies, mises entre les mains de ces enfants. Pareil, une éducatrice... Si vous voulez, tout le monde a des caprices. Donc on laisse couler les caprices, on accorde des caprices aux gamins, on ne met plus de limites. Travailler le désir d'un enfant, ce n'est pas lui accorder Blancin et lui permettre de délirer, lui permettre de répondre à tous ses caprices. Là, les éducateurs aussi ont des caprices, des lubies. Donc là, c'était en l'occurrence le light painting. Alors le light painting consiste en quoi ? C'est une activité artistique, paraît-il. qui consiste à peindre avec un stylo virtuel sur un mur. Enfin, un vrai stylo, pardon, sur un support virtuel. Donc on trace des traits, mais avec de la lumière. Des traits un peu avec un faisceau de lumière. Ça produit des effets, des traces sur les murs, mais ce n'est pas permanent, ça ne reste pas. Pour des enfants qui ont un problème de psychose, de rapport schizoparanoïde, des pathologies graves, de rapport au réel, à la réalité, qui ne font pas la distinction entre moi leur enseignante, je peux être une chaise, un singe, un chien ou un chat. Ils sont dans l'indifférenciation animé-inanimé. Vous pouvez imaginer les ravages que ce type d'activité peut avoir. Des psychismes d'enfants malades comme ça quoi. Donc moi, très concrètement, j'avais une gamine comme ça qui avançait bien, notamment sur le tracé. Elle avait peur de tracer les choses.

  • Speaker #2

    Je n'ai pas compris, c'est sur un écran ?

  • Speaker #0

    Oui, c'est sur un mur.

  • Speaker #2

    C'est une projection du dessin sur le mur via les outils.

  • Speaker #0

    J'avais une gamine qui progressait bien dans laisser une trace et tracer des courbes. Donc 5-6 ans, je lui apprenais à tracer des courbes. On était dans l'entrée, dans l'écrit. Cette gamine participe à cette activité en milieu d'année scolaire. Et bien, régression totale. Elle n'arrive plus à tracer les courbes qu'elle me faisait parfaitement au bout d'une dizaine de séances de travail autour de ça, avec différents outils, différents matériels. En gros, j'avais galéré quand même. Je partais de loin avec cet enfant et j'étais quand même assez contente. Et elle était contente aussi, elle pouvait observer aussi ses traits. On parle de permanence de l'objet, mais vous imaginez ce type d'activité. Je dessine un truc, ça disparaît, hop, c'est dans le... C'est dans le néant, ça n'existe plus.

  • Speaker #2

    On peut penser que les... On en parlait, je crois, dans la dernière émission. Les grands dirigeants des GAFAM mettent leurs enfants dans des écoles spécialisées où il n'y a aucun écran, il y a des crayons de couleur. Et justement, c'est très important, avant de voir le virtuel, de connaître le réel.

  • Speaker #0

    Et oui, c'est une étape fondamentale et c'est d'autant plus important quand cette construction du rapport réel a été dysfonctionnelle, si j'ose dire. en tous les cas, était entravée. Et vous avez tout à fait raison, il y a aussi une question de classe sociale. C'est-à-dire que je pense notamment aussi à la question de l'hyper-sexualisation des petites filles. Ça concerne les classes populaires surtout. C'est surtout pareil, les tablettes numériques, la surenchère de nouvelles technologies. C'est surtout, en l'occurrence, toutes les expériences que j'ai pu avoir d'enfants qui avaient la tablette jusqu'à 1h du matin dans leur lit, ce n'étaient pas des enfants d'ingénieurs, ce n'étaient pas des enfants de professeurs. C'était des enfants d'ouvriers ou de chômeurs. Il y a cette question de classe sociale. Effectivement, les psychiatres qui trouvaient très amusant d'introduire la tablette numérique au sein de l'hôpital de jour, qui trouvaient ça sympa, leurs gamins, ils n'avaient pas de tablette. Ils ne connaissaient pas l'objet avant leurs 12 ans, 13 ans.

  • Speaker #1

    C'est ce qui se voit aussi dans l'éducation nationale où il y a un déferlement aussi technologique. des tableaux numériques, une multitude qui progresse d'année en année, avec une multitude de gadgets, mais qui masquent au fond une absence totale de pédagogie, et qui ne résolvent absolument rien à la question du niveau. Là, c'est la même chose, mais dans le domaine de la psychiatrie, c'est effectivement où il est question de la conception de la réalité même, c'est extrêmement délicat, j'imagine. Et vous nous disiez en off que cette petite fille-là, qu'elle avait quel âge déjà ?

  • Speaker #0

    Cinq ans et demi.

  • Speaker #1

    Cinq ans et demi, il avait aussi été conçu par PMA, il avait une histoire assez technologique aussi.

  • Speaker #0

    Donc une famille relativement pauvre, venue de Chine, de Sichuan je crois. Donc le père assez âgé, il devait avoir une cinquantaine d'années. par rapport à l'âge de l'enfant, conçue assez tardivement, via une PMA alors qu'ils étaient sans papier. Donc avec la psychologue qui était dans le service, on se demandait comment la mère avait pu avoir accès à une PMA avec donneur. C'est le père qui ne pouvait pas avoir d'enfant, qui était stérile. Donc oui, la gamine elle-même conçue via une technologie artificielle. Et puis, une histoire d'immigration et d'exil assez lourde. C'est une famille asiatique qui avait atterri dans un quartier maghrébin. Donc, la gamine avait effectivement une psychose de type schizoparanoïde. Elle voyait des ennemis partout. Elle était persécutée, en permanence persécutée.

  • Speaker #1

    Donc là, vous cumulez effectivement la question psychiatrique, elle est multiple, parce que vous cumulez les problèmes, et en plus, les solutions n'en sont pas, finalement. Vous utilisez des moyens qui ne sont pas du tout adaptés, voire des structures complètement d'après ce que vous décrivez.

  • Speaker #0

    Des structures complètement, et... Et si vous voulez, ce type d'enfant par exemple, moi il m'a été reproché une fois par une inspectrice pédagogique dans une de mes classes, parce que des fois on est inspecté mais ça reste relativement rare, dans une de mes classes spécialisées au sein d'un hôpital de jour. Moi j'ai à cœur de confronter, de mettre les enfants en contact avec des œuvres picturales, de l'art du Van Gogh, du Picasso, des choses souvent du figuratif. Pas d'abstrait, surtout pas avec ce type d'enfant. Des choses, des paysages. Par exemple, j'ai des tableaux qui illustrent les différentes saisons avec différents tableaux de maîtres de la peinture occidentale. Une inspectrice me disait, ah oui, mais là, vous les surstimulez, ce type d'enfant, il faut qu'il y ait le moins de choses possibles au mur, le moins d'images possibles au mur. Bon, en même temps, aller dans la salle d'en face, c'est la tablette, aller dans la salle d'à côté, c'est le light panic, et sortir dans la rue, c'est la surstimulation, les lumières, les McDo, les machins, les publicités. Quand je parle aussi d'institutions malades, dans une société malade, les murs de la ville, c'est même pas qu'ils éduquent plus, c'est qu'ils rendent fou.

  • Speaker #2

    Vous venez d'entendre la première partie de l'entretien avec Sophia, pédopsychiatrie, la fabrique des barbares. Rendez-vous dans 15 jours pour la seconde partie. Vous pouvez retrouver les documents évoqués lors de l'émission ainsi que d'autres permettant de prolonger la réflexion sur notre site hereticlopluriel.fr Ce podcast est disponible sur toutes les plateformes d'écoute.

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Description

Jusqu'ici cantonnés à des milieux jugés dépressifs ou nostalgiques, les discours alarmants sur le délabrement de nos sociétés se sont répandus. Ils sont maintenant cautionnés par le sommet de l'État, qui évoque ouvertement « l’effondrement" et la "décivilisation". C'est que les effets concrets en sont de moins en moins escamotables : chacun peut vivre, à sa petite échelle, la dégradation continue de ses conditions de vie et l'irruption, à présent quotidienne, d’une violence feutrée ou meurtrière.

L'univers médico-social est peut-être la pointe avancée de cette déliquescence, à la croisée de la "crise" de l'éducation, de l'avachissement de la psychiatrie, de la surenchère technologique, de la politique gestionnaire et du changement de nature de l'immigration. Les institutions de soin et d'éducation, censées former et accompagner des individus libres et responsables, deviennent progressivement des fabriques de barbares.

Sofia, animatrice, institutrice puis psychopédagogue expérimentée, décrit cette catastrophe permanente avec la justesse des praticiens de base pour en appeler à la renaissance de l’intérêt collectif et la fin de la bêtise savante.


hérétiques.fr


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Première partie. Sophia, vous êtes institutrice spécialisée. Vous êtes venue nous parler du diagnostic très sombre que vous portez sur le milieu socio-médical, médico-social. Vous avez un parcours intéressant parce que vous avez commencé la carrière dans l'animation en tant qu'animatrice. Vous êtes devenue ensuite directrice de centres de loisirs et de vacances durant des années. À la suite de ça, vous êtes parti dans l'éducation nationale en tant qu'institutrice. Vous avez intégré de multiples établissements. Vous avez tiré d'ailleurs des textes, on va en parler juste après. Et vous êtes passé maintenant dans le monde de la pédopsychiatrie depuis maintenant une dizaine d'années, où également vous avez eu un parcours... ...assez général en passant d'institution en institution. Vous avez donc établi à peu près à chaque moment des diagnostics, des textes. Notamment, il y a une vingtaine d'années, le texte, l'article C'est pire que s'il n'y avait rien qui relatait vos aventures dans une... Un établissement d'éducation spécialisé, et puis l'islamisme élémentaire, sur l'entrée de l'islamisme dans les écoles élémentaires, puis spécifiquement sur l'immigration et l'islam, nous immigrés arabes, et une prévisseur de l'islamisme. Est-ce que vous pourriez nous parler un peu de votre parcours ?

  • Speaker #1

    Oui, alors vous avez fait mention de textes autour de la thématique de l'islamisme. D'abord, je voudrais préciser que je suis issue d'une famille d'immigrés venant du Maghreb. Je suis née en France au début des années 70. Et que moi-même, j'étais scolarisée en France. Et que ça a été pour moi un moment de ma vie qui m'a permis de m'émanciper d'énormément de choses. Mais pas que via l'école, via l'éducation populaire aussi. Donc assez rapidement, très jeune, vers les 17 ans, j'ai voulu à mon tour avoir une fonction d'animatrice et transmettre ce que moi on m'avait transmis et participer à la formation des nouvelles générations dans un milieu qui me paraissait moins corsété que le milieu de la classe ou de l'école. Et on pouvait se permettre énormément de liberté et on pouvait transmettre beaucoup de choses qui allaient au-delà du simple savoir scolaire, que je ne dénigre absolument pas évidemment. Donc à ce moment-là, je suis devenue animatrice, puis assez rapidement directrice, tout en me formant aux pédagogies dites alternatives, notamment à la pédagogie institutionnelle. dont une des références, mais pas que, fut Fernand Houry, frère du psychiatre Jean Houry, dont je reparlerai peut-être un petit peu plus tard. Donc formation à la pédagogie institutionnelle, formation aussi bien universitaire que de terrain. C'est-à-dire que rapidement, j'ai voulu mettre en pratique tous ces concepts qu'on me transmettait, notamment la question de l'articulation du collectif et de la loi. qui me paraissait quand même une question fondamentale et que j'ai essayé de travailler de différentes manières en mettant en pratique cela. Dans des colos où on bricolait, ça marchait plus ou moins bien, ça détonnait par rapport à ce qui se faisait à l'époque, où en général, je parle du milieu des années 90, où on avait plutôt des centres de vacances type UCPA, où tout était déjà ficelé, etc. Donc je ne m'étendrai pas trop sur ces expériences. Tout ça pour dire que j'en venais en tant qu'enfant et que j'y accordais énormément d'importance. Ça me paraissait un outil d'émancipation indispensable et que ça a été vraiment une passion. Voilà, ça m'a pris assez jeune et que ça a été vraiment une passion.

  • Speaker #0

    Mais c'est un milieu que vous avez quitté finalement.

  • Speaker #1

    Voilà, c'est un milieu que j'ai quitté au milieu des années 2000. Parce que c'est un milieu qui commence à être gangréné d'animateurs je m'en foutiste. Au pire, on avait des directeurs très carriéristes, qui visaient la montée dans la hiérarchie, notamment municipale. Des gens qui... Une infiltration aussi de ce qu'on appellerait aujourd'hui les indigénaux, enfin, les indigénistes, des animateurs issus des quartiers.

  • Speaker #0

    Les grands frères.

  • Speaker #1

    Oui, grands frères, enfin... Moi, je n'appellerais pas ça des grands frères, parce qu'ils ne jouaient même pas le rôle de grands frères. Un grand frère, ça peut être très structurant, ça peut jouer son rôle même de substitut parental quand les parents sont défaillants. Là, non, c'était vraiment les copains, c'était le modèle identificatoire de la racaille. Voilà, donc c'était des gens qui pouvaient aussi véhiculer une certaine pratique de l'islam, rigoriste, petit à petit, par petites touches. D'ailleurs, c'est marrant de revenir dessus, parce que là, pas plus tard qu'hier, j'ai eu une ancienne amie directrice de centre de loisirs, qui n'est encore, qui tient encore sur la ville de Nîmes. et qui me racontait que là, elle avait eu vent dans une maternelle d'enfants qui avaient fait le ramadan en maternelle. Voilà, un petit groupe d'enfants qui a décidé de faire le ramadan. Et dans cette maternelle, la directrice était musulmane, les animateurs étaient tous musulmans. et pas du tout investis. Le seul investissement qu'ils avaient, c'était de vérifier lors des repas que les gamins ne mangent pas de viande, parce que la viande n'était pas encore halale.

  • Speaker #0

    Maternelle, on a 5-6 ans.

  • Speaker #1

    On a 5-6 ans en maternelle, donc moi j'appelle ça de la maltraitance. Je ne comprends pas que ça n'ait pas été signalé. Alors les petites gamines qui voulaient faire le ramadan, ce petit groupe-là a prétexté qu'elles devaient faire le ramadan parce que sinon elles n'allaient pas avoir de cadeaux. Il fallait faire le ramadan. Moi, j'en viens de cette culture-là, je la connais très bien. Le ramadan, ce n'est pas avant les premières règles pour les filles en général. Donc là, c'est vraiment du grand n'importe quoi. J'ai décrit assez bien cette infiltration de l'islamisme dans l'école, mais aussi dans le milieu de l'animation, dans les textes auxquels vous faites. Vous faites référence. Donc rapidement, je me retrouve à l'éducation nationale en tant qu'enseignante en élémentaire. Je fais des remplacements au début et au fil des années, peut-être au bout de 2-3 ans, je me rends compte que ce que j'ai fui au sein de l'animation me rattrape au sein de l'éducation nationale. Tant en termes de recrutement, d'infiltration aussi. De gens qui n'ont rien à foutre là. Ou alors, s'ils sont là, ce n'est pas pour être des hussards de la République, mais des hussards d'abattre la République de l'intérieur. Donc, je suis restée là peut-être 7-8 ans. et j'ai été confrontée aussi à ce que j'appellerais des pathologies qui m'interrogeaient au sein des classes même dans lesquelles je travaillais. Au-delà de l'inclusion d'élèves handicapés ou autistes, il y avait vraiment une question de rapport à l'adulte, de rapport au cadre, de rapport à la loi, qui était très problématique. Donc de plus en plus d'enfants violents, de plus en plus d'enfants rois, enfin on ne connaît pas. qu'on appelle enfant roi, mais là aussi on pourra revenir sur ce terme-là. Donc j'étais de moins en moins à l'aise. J'ai quitté l'éducation nationale au bout de 5-6 ans, peut-être 7 ans, au moment des attentats de Charlie Hebdo, du massacre du comité de rédaction de Charlie Hebdo, parce que là ça devenait dangereux aussi bien physiquement pour moi que psychiquement. J'avais du mal à tenir. Alors bon, il y a eu énormément de... Je ne vais pas revenir parce que je pense que c'est une banalité de dire que les enseignants étaient complètement isolés. Moi ça se doublait d'un rapport aussi particulier du fait que moi j'étais issue... du monde musulman donc assigné à l'islam, alors que je suis apostate. Donc ça devenait, voilà, j'étais très mal à l'aise, voire de plus en plus flippée d'aller travailler.

  • Speaker #0

    Vous en parliez justement dans l'article L'islamisme élémentaire qui avait eu un certain succès parce que vous racontiez justement l'entrisme islamiste dans l'école élémentaire et puis la démission du cadre, de tous les cadres en fait, du haut en bas à la hiérarchie, ce qui maintenant est devenu un lieu commun.

  • Speaker #1

    Voilà, c'est ce que j'allais dire.

  • Speaker #0

    Le pas de vague et voilà.

  • Speaker #1

    Et la hiérarchie qui n'est pas du tout derrière vous, alors dans des injonctions contradictoires qui rendent encore plus fou.

  • Speaker #0

    Et vous êtes entrée en pédopsy ?

  • Speaker #1

    Voilà, donc je suis rentrée en pédopsy il y a 6-7 ans, 6 ans. Et j'ai fait le tour de pas mal d'institutions, donc des hôpitaux de jour, des hôpitaux de jour pour enfants très jeunes, de 3 à 6 ans, puis des hôpitaux de jour pour enfants de 6 à 12 ans, et des hôpitaux de jour aussi pour adolescents. Donc là, ça pouvait aller de 12 ans à 18-19 ans. mais également ce qu'on appelle des CESAD. C'est catastrophique la situation dans ce type de structure. CESAD, l'acronyme, c'est le service d'éducation spécialisé et d'aide à domicile. Je reviendrai sur ces expériences dans ce type de structure. Pourquoi la pédopsychiatrie ? Parce que déjà, j'avais besoin de sortir de mon isolement dans le milieu enseignant. J'avais vraiment besoin d'être étayé par une équipe, comme on dit. Et surtout, je me disais, peut-être naïvement, que là, j'allais rencontrer des gens réellement engagés. On sait, par exemple, que dans les collèges où il y a beaucoup de violence, beaucoup de problèmes, en général, les équipes sont soudées. Il peut y avoir un travail d'équipe, en tous les cas, on peut s'appuyer sur les collègues. Et je me disais, dans un hôpital de jour ou dans une classe dans un hôpital de jour, je serai dans une équipe et on se soutiendra. Et en tous les cas, je serai avec des gens sérieux et engagés. Je pense que ces deux notions, l'engagement et le sérieux, sont ce qui m'a le plus manqué et sont ce qui fait le plus défaut de façon dramatique, aussi bien à l'école que... que dans le milieu de la psychiatrie.

  • Speaker #0

    Et aussi peut-être parce que toute relation éducative implique l'éducateur de manière intime, quel que soit l'âge de l'enfant, et que ça demande une réflexivité, une capacité de retour sur soi, une introspection minimale, et que c'est une chose qui est de plus en plus rare dans les milieux éducatifs.

  • Speaker #1

    Oui, ne serait-ce que reconnaître la place de l'inconscient dans la classe, pour reprendre le titre d'un ouvrage de Francis Imbert, C'était pas évident. On était aussi, dans les années où j'ai intégré l'éducation nationale, dans un mouvement anti-psychanalyse féroce, le livre noir de la psychanalyse, etc. Donc vous parliez d'inconscient, vous étiez... On vous flinguait, quoi.

  • Speaker #0

    Vous avez suivi une analyse, vous, personnellement. Oui,

  • Speaker #1

    oui. J'ai suivi une analyse qui m'a été d'un grand secours, d'ailleurs, quand j'ai commencé en pédopsychiatrie. Je pense que je me serais assez vite effondrée si ça n'avait pas été le cas. Donc oui, effectivement, ces questions d'inconscient, mais aussi de loi, de limite, d'incarnation de la loi symbolique, pouvaient se poser. Dans la naïveté qui était la mienne à ce moment-là, dans les services de pédopsychiatrie, c'était le boulot, c'était leur outil de travail principal de ce que je me disais à l'époque.

  • Speaker #0

    Et en réalité, la démission que vous avez rencontrée dans l'animation, que vous avez rencontrée dans l'éducation nationale, vous la rencontrez aussi aujourd'hui en pédopsychiatrie.

  • Speaker #1

    Oui, qui pour moi, on vit la fin de la psychiatrie, de la psychiatrie en général et de la pédopsychiatrie en particulier. Je ne mets pas la psychiatrie ou la pédopsychiatrie en dehors d'autres institutions qui sont en état d'élabrement sur lesquelles de nombreuses personnes commencent à écrire. Le voile commence à être levé sur de nombreux dysfonctionnements, pour ne pas dire effondrements de nombreuses institutions, que ce soit l'école, que ce soit l'hôpital en général. que ce soit les services publics, etc. Donc des institutions qui autrefois avaient pu jouer leur rôle, avaient pu être structurantes, devenaient pathologiquement déstructurantes, voire destructrices. Alors les raisons de cet état de délabrement... et de déréliction de ces institutions. Jean-Pierre Le Goff a pu en parler dans la Barbarie douce, effectivement, l'arrivée du néo-management. de ce qu'a pu appeler Jean-Houry la peste managériale, qui, oui, pose de réels problèmes dans la pratique, au quotidien, pour les professionnels qui essayent de se débrouiller, de se dépatouiller avec tout ça comme ils peuvent. Mais il y a aussi une question d'adhésion à ce néo-management. Il y a aussi une question d'adhésion à l'anomie générale. Il y a des salariés dans les hôpitaux de jour ou dans les IME, instituts médicaux éducatifs, qui abordent ce travail comme s'ils travaillaient dans une banque ou dans une assurance. C'est-à-dire que ce sont des salariés. Moi, je les appelais les fonctionnaires. Ils n'étaient pas fonctionnaires. C'était souvent des CDI, des droits privés. Mais voilà, ça peut être une planque aussi la pédopsychiatrie. On dit souvent qu'ils sont submergés, et c'est vrai. Je voudrais généraliser à partir de mes quelques expériences d'une dizaine de structures, mais moi j'ai vu des infirmières ou des cadres qui pouvaient ne rien faire de la journée ou remplir un tableau Excel et être payés 2000-3000 euros. tranquillement, il n'y avait pas de problème, et ça ne leur posait pas de problème de conscience. C'est-à-dire qu'au fond, on est dans un moment de l'histoire de notre société où il n'y a plus vraiment de mouvement mobilisateur, ni en théorie, ni en pratique, et on est dans une sorte de... soit de chacun pour soi, on se bricole sa petite niche, et puis hop, on a la paix, soit dans un mouvement moralisateur. Il n'y a plus rien qui mobilise, mais tout est moraline.

  • Speaker #0

    Comment ça se traduit concrètement dans la pratique au jour le jour ? Vous, vous y étiez en tant qu'institutrice détachée.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    C'est ça. Donc ce sont des équipes qui sont pluridisciplinaires, où on a des psychiatres, on a des psychologues.

  • Speaker #1

    Des assistantes sociales.

  • Speaker #0

    Des assistantes sociales. Et vous, vous y étiez systématiquement dans cette douzaine d'établissements.

  • Speaker #1

    Avec une nuance que j'aimerais apporter, en fonction des hôpitaux de jour, et je pense à une expérience notamment où ça a vraiment été le cas, les instituteurs dans ce type de structure sont considérés comme soignants. C'est-à-dire qu'on a une posture de soignant. De petite maîtresse qui bricole dans sa classe et qui aurait une salle et qui ne ferait que des bilans psychopédagogiques ou scolaires.

  • Speaker #0

    C'est le principe de la psychothérapie institutionnelle.

  • Speaker #1

    Exactement.

  • Speaker #0

    Tous les encadrants, même la femme de ménage, fait partie du soin parce que c'est de la vie quotidienne et qu'il y a interaction entre le patient, quel que soit l'âge, et puis l'encadrement de toute façon. Donc une femme de ménage ou un infirmier, donc tout au bas de l'échelle. peut soigner autant que le psychiatre qui administre et qui fait des entretiens.

  • Speaker #1

    Oui, dans le milieu, on parle de constellation transférentielle, c'est-à-dire que tout le monde a un rôle et support de projection des enfants. Et tout ça est articulé dans des moments collectifs où chacun va apporter. Moi, il me voit comme ça. Moi, il me voit plutôt comme ci. Moi, j'arrive à faire ça avec lui. Moi, je n'y arrive pas du tout. Ça travaille collectivement. Et notamment pour les profils schizophrènes, je trouve que c'est parfaitement adapté.

  • Speaker #0

    Mais ce n'est pas ce que vous voyez sur le terrain.

  • Speaker #1

    Mais c'est malheureusement pas ce que j'ai vu sur le terrain, sauf exception qui tendait vers ça. Moi, ce que j'ai vu, c'est... C'est plutôt un des points que je n'ai pas souligné sur la fin de la psychiatrie. C'est que c'est un secteur qui est submergé quantitativement. Il y a énormément de demandes qui explosent, qui ont d'autant plus explosé après la période de confinement, plutôt après que pendant d'ailleurs, où il y a eu pas mal de décompensations, etc. Mais aussi au niveau qualitatif, c'est-à-dire que là, on a affaire à des pathologies inédites et qui trouvent leur source dans... Dans un espèce d'état confusionnel, où plus personne ne sait qui il est, où on ne sait pas où on va, où le père ne veut plus être père, la mère veut être mère mais collée à l'enfant, voire être l'enfant où il y a une inversion des rôles, et où plus personne ne veut vraiment poser de limites. Et ça c'est dramatique pour moi, aussi bien à l'école que... que dans le milieu de la pédopsychiatrie.

  • Speaker #0

    Et concrètement, en quoi se traduit ce refus de poser des limites ?

  • Speaker #1

    Par exemple, un des derniers raccrochages que j'ai eu avec une équipe, c'est un jeune dans un établissement spécialisé privé, un jeune qui arrive dans une salle commune et qui hurle Heil Hitler ! Donc un jeune maghrébin, 17 ans. Donc moi j'étais dans ma classe avec un autre jeune, donc je n'ai pas interrompu ma séance. Il se trouve que quand ce gamin crie Heil Hitler, il y a cinq adultes autour de lui, trois éducateurs, une infirmière et je ne sais plus quel autre professionnel, entre guillemets professionnel. Et personne ne réagit. Personne ne réagit. Il y a quelques gloussements de rire, il y a quelques postures un peu gênées. Mais moi je vois ça parce que j'ai une baie vitrée depuis ma classe. Je vois cette salle commune. À part un éducateur libanais qui lui dit non, j'aime pas ce que tu dis Bon, c'est pas une question de j'aime pas ce que tu dis c'est une question de loi, là. Ça tombe sous la loi, un propos antisémite, pardon, c'est sanctionné par la loi. Donc moi, je reprends en équipe cette transgression grave, pour moi, lors d'une réunion. Et on me dit, oui, mais non, mais il ne sait pas, il ne connaît pas l'histoire. Il dit ça, c'est une provocation. Le profil du gamin, ce n'était pas un schizophrène, il n'était pas dans une forme de psychose infantile ou quoi. C'était le trouble du comportement. En gros, délinquant.

  • Speaker #0

    Oui, parce qu'on mélange en fait ces institutions où on mélange des malades diagnostiqués graves psychiatriquement avec des cas qui relèvent beaucoup plus de la crise d'adolescence, de la déshérence, de la dépression même légère. C'est ça.

  • Speaker #1

    Et c'est assez terrible comme spectacle. Moi, je sais que ça m'a beaucoup touchée de voir des enfants qui avaient juste des petits problèmes psychologiques. Je ne sais pas, les parents qui divorcent, le gamin qui est un petit peu un objet de jouissance entre le père et la mère divorcés. C'est des choses qui pouvaient se régler avec une psychologue scolaire ou quelques séances. Et qui là se retrouve balancé au hôpital de jour avec des enfants autistes très régressés, non-verbaux et qui hurlent. Des psychotiques qui décompensent et des crises classiques. Moi j'ai pu voir la terreur dans les yeux de ces petits qui n'avaient rien à foutre là. Alors il y a des enjeux financiers. Le nombre d'autistes explose. Le nombre de diagnostiqués autistes, c'est une explosion. Tout le monde est autiste.

  • Speaker #0

    On ne va pas entrer dans l'extension de l'autisme parce que l'autisme est un problème. Rien que le mot est un problème extraordinaire.

  • Speaker #1

    Je n'ai jamais su ce que c'était. Six ans de pédopsychiatrie, je ne sais toujours pas ce que c'est que l'autisme.

  • Speaker #0

    C'est le nom d'un désordre dans la psychiatrie elle-même plutôt que dans l'ordre psychiatrique.

  • Speaker #1

    Mais pour revenir à ce cas de transgression grave d'un adolescent qui sait très bien ce qu'il fait. qui est dans un milieu, le quartier est antisémite, ses potes sont antisémites, sa culture est antisémite, le Coran est antisémite, il se réclame musulman, il fait le ramadan. Quand il rentre et qu'il gueule Haïl Hitler comme ça à la tranche des adultes, il demande quelque chose. C'est une demande en acte implicite de limite. C'est retenez-moi, est-ce qu'il y a un mur quelque part ? Est-ce qu'il y a quelque chose ? Il n'y a rien. On est à 30 mètres d'un commissariat. On peut aller déposer une main courante, rien que ça. Je soumets l'idée en réunion et donc effectivement on m'explique que ben non, c'est un jeune, alors il y a la théorie de l'excusisme, oui mais il ne sait pas, mais non, mais... Et puis on ne fait rien quoi. et il ne se passe rien. Donc le gamin disparaît dans la nature, il revient, il vient se faire tripoter par la psychothérapeute, parce qu'il y a ça aussi, il y a des positifs, des jeunes femmes, j'ai vu des situations dramatiques, où des jeunes filles qui sortaient de l'école de psychomotricienne, ce même jeune est pris en charge par une psychomotricienne qui a à peine 50 ans de plus que lui. dans une salle en sous-sol, toute seule, salle aménagée en salle de psychomotricité, donc avec des matelas, une lumière douce. Et elle fait de la psychomotricité avec lui, qui consiste à faire des séances de relaxation. Vous pouvez bien imaginer qu'au bout de trois séances de relaxation, le gamin lui demande un massage. Il ne demande pas tout de suite une fellation, il lui demande un massage. J'apprends ça, je croise la jeune femme qui est mal à l'aise, qui est toute rouge, qui remonte de sa séance, c'était lourd. Et elle me dit, oui, il vient de me demander un massage, je suis embêtée, je ne sais pas si je vais continuer la prise en charge. Donc moi, je la regarde un petit peu brutalement, je lui dis, il veut baiser avec toi. Mais il n'y a pas de secret, tout dans le dispositif l'amène à ça. Parce que c'est un adolescent. Voilà, c'est un adolescent, il est en pleine poussée libidinale. Et puis le rapport aux femmes est tel qu'une femme qui s'occupe de lui comme ça, qui le met en relaxation, pour lui c'est un salon de massage. Ce n'est pas une salle de psychomotricité, c'est un salon de massage. C'est repris en réunion. C'est mal interprété. C'est une structure privée, là aussi, où il y avait une directrice extrêmement castratrice, dominatrice. Rien ne pouvait se faire sans son accord. Elle était complètement incohérente. Elle dit oui, non, la prochaine fois, vous serez accompagnée. Sophia voulait descendre avec elle. Non, ce n'est pas mon boulot. Dans un autre cadre, j'aurais accepté. Mais là... Bon, la psychomotricienne en question, au bout d'une semaine, se met en arrêt maladie. On ne la revoit plus. Et ça, des histoires comme ça...

  • Speaker #0

    En réalité, la procédure normale est d'en discuter lors d'une réunion générale, lors de ce qu'on appelle supervision. Vous en parliez en off. où le groupe discute avec l'éducateur, l'éducatrice en question, la psychomotricienne, et bien elle lui fait prendre conscience qu'elle-même a des envies, a des pulsions, et c'est normal, et que toute relation de pédagogie avec un enfant, quelle qu'elle soit, de thérapie, implique un érotisme diffus, nécessairement, et ne pas en avoir conscience, que ce soit en maternelle ou à l'université, c'est ouvrir les vannes, effectivement, à ce genre d'effusion. qui sont courantes, vous avez été témoin assez souvent de cette manière de maternage, d'évitement du conflit, d'évitement de la limite et en même temps du maternage. Oui,

  • Speaker #1

    alors vous prononcez le mot de maternage. Moi c'est vrai qu'arrivant dans ces lieux de pédopsychiatrie, je suis enseignante. Je ne suis pas forcément à l'aise avec cette question de maternage. Je comprends très bien, alors je n'arrive pas vierge de tout savoir en pédopsychiatrie. Comme je disais tout à l'heure, j'avais d'abord fait une analyse. J'avais aussi été formée à la pédagogie institutionnelle, donc j'avais lu des choses de psychologie du développement. Donc je n'arrive pas complètement démunie en termes de savoir. Quoique, en termes de pratique, je n'étais jamais intervenue auparavant. en pédopsychiatrie. Donc on m'explique, oui, le maternage, c'est très important, le portage, le holding, Winnicott. sauf qu'il y a tout un blabla de psy, des termes, des concepts, qui sont employés à tort et à travers, mais qui ne font que rationaliser une non-maîtrise de ce qui se passe. C'est-à-dire qu'on va vous parler de maternage, on va laisser une éducatrice. Laisser libre cours à ces pulsions pédophiles, là pour le coup je lâche le mot, sous prétexte que cet enfant a une rupture dans le lien, qu'il faut le faire régresser, retraverser toutes les étapes qui se sont mal passées ou qu'il n'a pas passé du tout. C'est un argument que j'entends complètement. Je vous dis, je n'avais pas de résistance particulière, même si ça met à mal la posture d'enseignant qui est aux antipodes de ça. Pensez bien que c'est le contraire. Nous, c'est que le gamin, il tienne debout tout seul dans notre boulot. c'est pas de le porter. Je comprends, en analyse, quiconque a fait une analyse, c'est bien qu'il y ait une période, une phase de régression tout à fait normale, mais qui, normalement, ouvre sur une réélaboration. Là, c'était la régression pour la régression, et tout sans cœur. Et on y va. Donc, moi, j'ai assisté à des scènes, proprement, obscènes, d'éducatrices qui portaient sur elles, couchaient sur son corps dans un hamac, un autiste qui régresser, enfin très malade Un enfant de 8-9 ans, très très malade, et elle le tripotait, et lui il était dans une jouissance, et elle était dans une jouissance. Alors, il se trouve que ces expériences-là, je les ai vécues aussi bien dans des hôpitaux de jour qui fonctionnaient à peu près, avec un noyau dur, une équipe investie et engagée là pour le coup, et où ça a pu se régler. Ça a donné lieu à une crise, une discussion, vous parliez de supervision tout à l'heure, effectivement dispositif fondamental. outil en or, enfin moi c'était impossible de travailler sans ça la supervision c'est né dans les c'est venu d'une pression syndicale des soignants dans les services de soins palliatifs de fin de vie

  • Speaker #0

    C'est ce personnel-là qui a imposé de pouvoir déposer des choses, élaborer des choses collectivement, parce que c'était extrêmement lourd ce qu'ils pouvaient vivre. Et ça s'est généralisé, c'est très bien, dans les services de psychiatrie.

  • Speaker #1

    En quoi ça consiste ?

  • Speaker #0

    Donc ça consiste en l'intervention d'une personne totalement extérieure au service et à l'équipe, en général un psychanalyste, mais ça peut être aussi un psychosociologue, quoique c'est les moins bons. Moi, les meilleurs que j'ai eus, c'était les psychanalystes, notamment dans un psychanalyse du quatrième groupe. Sans vouloir développer cet aspect-là, c'est des gens qui viennent et qui font une analyse de groupe, qui permettent au groupe d'échanger sur les problèmes qu'ils ont de transfert et de contre-transfert avec tel enfant. Les problèmes relationnels de l'équipe, les problèmes institutionnels et hiérarchiques. Ça permet d'affronter et de dénouer des crises, ou parfois simplement de les poser. Rien que ça, ça fait du bien. Donc là, ça a pu être élaboré. On était plusieurs éducateurs et personnels à être gênés par ces scènes. Personne n'osait trop intervenir, on a tenté par là, par l'île, on a essayé de parler à l'éducatrice qui était très mal, éducatrice nouvellement convertie à l'islam, qui avait été convertie à l'islam suite à une soirée dans un club de chichas, qui avait des problèmes. On a tous des problèmes, il se peut que de surcroît, comme disait l'autre, on règle des choses en travaillant dans ce type d'endroit et avec ce type d'enfants. mais là c'était du lourd et donc on parlait du maternage effectivement elle avait complètement intégré le truc du maternage et ça tombe bien elle pouvait donner libre cours à ses pulsions maternantes, elle avait envie d'avoir un enfant elle pouvait pas, ou elle voulait, ou c'était pas encore le moment bon bref donc ça a pu être Stopper, nommer et stopper. Moi, j'ai lâché le mot pédophilie. Ça a donné quasiment lieu à une décompensation de l'éducatrice à ce moment-là, en pleine séance. Donc, merci au psychanalyste de groupe qui était là et qui a très bien accompagné les choses. Dans d'autres dispositifs, ça continue et ça ne pose pas de problème. Et ce n'est pas plus mal, au moins on a la paix. Voilà, et on laisse faire, et on ferme les yeux.

  • Speaker #1

    Alors qu'il y a, enfin, c'est bien parce que vous dites qu'il y a même une rationalisation, on va expliquer le fait en disant que c'est en fait que c'est thérapeutique, que tout le monde régresse, et il y a malgré tout des réunions de supervision dans ces cas-là. Mais on est dans le simulacre.

  • Speaker #0

    Oui, oui, des réunions de supervision qui sont, quand c'est du simulacre, et c'est la plupart du temps le cas, malheureusement, ce sont ces réunions de supervision, donc cette dispositif, cette réunion, sert plus aux entre guillemets psychanalystes de groupe qui est là à capter des informations à rapporter à la direction ce qui se dit là c'est une catastrophe ça aussi normalement c'est un lieu, rien ne sort un peu comme en analyse Lors d'une psychanalyse, ce qui se dit là reste là. Là, dernière expérience, j'apprends que la pseudo-psychanalyse de groupe qui est là ait payé 520 euros la séance, c'est deux heures, pour faire quoi ? Pour faire un travail de balance. Je le dis comme je l'ai ressenti et comme c'était ressenti par l'équipe. Et l'équipe le savait. Donc vous imaginez la liberté de parole qu'il peut y avoir dans ces moments-là. Une équipe terrorisée, j'ai rarement vu ça. Des gens de 50 ans flippés par cette directrice. Un turnover extraordinaire dans cette structure. Qui amenait cette directrice libanaise, en l'occurrence, à recruter au sein de sa famille ? On avait comme ça un éducateur véridique, débarqué du Liban au moment... Au moment de l'incendie, tous les problèmes d'explosion, un ou deux ans après, le type arrive, c'est son cousin, c'est le cousin de la directrice, il parle un français, personne ne le comprend. Il est en CDI, éducateur, il n'a même pas de papier, il n'a rien encore.

  • Speaker #1

    C'est ce qu'on retrouvait aussi dans votre article sur l'école élémentaire, où on se retrouve avec des instituteurs aussi, notamment ceux qui viennent de l'étranger, qui n'ont aucune compétence et qui pourtant sont balancés là, ou au niveau de CM2, où il faut enseigner de manière un peu sérieuse, ou alors même au niveau maternel.

  • Speaker #0

    Alors pire, moi ce que j'ai vu c'est en maternel effectivement... Un instituteur contractuel, donc recruté à la va-vite, balancé dans une classe de maternelle avec des petites sections. et j'apprends au cours d'une conversation avec lui lors d'une récréation j'apprends que le lendemain il n'est pas là parce qu'il a rendez-vous à la préfecture ah bon mais pourquoi tu as rendez-vous à la préfecture ? je vais renouveler mon visa étudiant ah bon tu es étudiant ? le mec est étudiant en master je ne sais pas quoi donc il débarque d'Afrique subsaharienne il n'a jamais vu un gamin on lui confie des petites sections et les petites sections ils font la sieste ah ah

  • Speaker #1

    On crée des conditions qui ne sont pas très éducatrices. Et en pédopsie, c'est vraiment une inflation de termes, ce que vous décrivez, dans lesquels il ne recouvre aucune pratique, ou qui ne sera que pour rationaliser une pratique qui est complètement vide et qui n'est pas du tout soignante, qui est même régressive auprès des enfants.

  • Speaker #0

    Oui, moi par exemple, maintenant, quand j'arrive quelque part et qu'on me dit Ici, on fait de l'institutionnel dans les dix minutes que j'ai passées dans le couloir, je suis capable de dire Bon, ok, là on se raconte l'histoire, vous faites du n'importe quoi, mais vous ne faites pas de l'institutionnel Je pense que personne ne fait de l'institutionnel aujourd'hui. C'est un peu radical de dire ça, mais... On peut tendre vers, et je vous dis en six ans, j'ai eu qu'une expérience dans un hôpital de jour où on tendait vers ça. Parce qu'il y avait un noyau dur dans l'équipe, sur la dizaine de personnes, il y avait cinq personnes, ça tenait. Ils savaient ce qu'ils foutaient. Le simulacre, oui, par exemple, on parle beaucoup des théories de l'attachement. Donc, les théories de l'attachement, ça part du principe qu'il y a eu, dans ce qu'on appelle l'anamnèse, c'est-à-dire l'histoire de la naissance, de la conception et de la naissance d'un enfant, il y a eu quelque chose qui s'est mal passé entre la mère et l'enfant. La mère ne l'a pas porté, la mère a refusé de le regarder. Il y a eu quelque chose qui s'est passé qui n'a pas permis qu'un lien se noue entre l'enfant et la mère. Un lien fondamental, primordial et premier. On parle beaucoup de ça comme source de... On explore encore, comme vous disiez tout à l'heure, l'autisme. On ne va pas en une heure explorer ce domaine-là qui est très compliqué, très complexe et très flou. Mais ça fait partie des hypothèses de développement de postures autistiques que ce trouble de l'attachement. Bon, écoutez, on a parlé de la question de la régression par rapport à refaire... Refaire vivre à l'enfance ce qu'il n'a pas pu vivre avec sa mère, soit qu'on se pose en tant qu'éducateur ou thérapeute en substitut de la mère, soit, moi de ce que j'en sais, on mettait plus la mère, on était plus dans une guidance de la mère pour qu'elle puisse apprendre à porter son enfant, le regarder progressivement, là vous allez le porter 5 minutes, quand vous en avez marre vous posez le gamin, on prend le relais. Là, c'était carrément aux éducateurs de jouer ce rôle-là. On en a parlé tout à l'heure avec toutes les dérives, quand il n'y a pas de contrôle et qu'il n'y a pas de visée à tout ça. Donc, c'est des théories qui sont annoncées comme des choses nouvelles, extraordinaires, qui vont révolutionner, tout ce que vous voulez. Sauf que c'est des théories, c'est des gens qui réinventent l'eau chaude. Freud en avait déjà parlé. Mélanie Klein, première psychanalyste d'enfants. abordé cette question-là. Winnicott en a parlé aussi. Donc, c'est des choses qui ne sont pas nouvelles non plus. Alors, on affine. Il y a des tableaux qui permettent de repérer les regards de l'enfant, les gestes de la mère. Je ne dis pas qu'il n'y a rien, mais il n'y a rien de nouveau, fondamentalement de nouveau, d'innovant ou de particulier. Donc, tout ça, si vous voulez, c'est des rationalisations. de comportements qui sont ravageurs. Par exemple, quand on parle de, juste pour finir, c'est une rationalisation de comportement inadéquate. Quand Winnicott parle de la mère suffisamment bonne, c'est pas la mère suffisamment bonne, c'est une mauvaise traduction. On parle de mère adéquate. Good enough, en anglais, c'est adéquate, ordinaire. Ce n'est pas une mère extraordinaire, ce n'est pas une bonne maman. Bonne maman, c'est une marque de confiture pour moi. Ce n'est pas ce qu'avait à l'esprit Winnicott quand il a avancé cette notion, ce concept.

  • Speaker #1

    Ça fait penser un peu à la Commode des Saintes de George Orwell, c'est-à-dire la décence ordinaire qui n'est pas des super pouvoirs, qui n'est pas une... un comportement extraordinaire vis-à-vis des autres, mais simplement une bienveillance de base, un amour minimal, qui permet au fonctionnement social de continuer, de tourner, d'être agréable à vivre. Et ce n'est pas du tout une valeur superlative.

  • Speaker #0

    Vous avez tout à fait raison. Quand je parlais tout à l'heure de déstructuration, c'est effectivement ces adultes, ces éducateurs qui sont censés accompagner l'enfant, qui sont censés lui refaire faire un parcours qui a été dysfonctionnel à un moment problématique et qui donne lieu à une forme de pathologie. sévère ou plus ou moins intense. Finalement, que fait cette éducatrice quand elle donne libre cours à ses pulsions sexuelles envers cet enfant ? Elle le désorganise un petit peu plus au niveau psychique. Elle rajoute de la désorganisation aux pulsions de l'enfant qui sont déjà... très mis à mal.

  • Speaker #1

    Et c'est des régressions que vous voyez chez l'enfant, qui sont mesurables, que vous pouvez étayer ?

  • Speaker #0

    Oui, par exemple, souvent je récupère des enfants, soit après une séance avec un udéquatrice, soit après une séance de psychomotricité. C'est très difficile pour moi, ne serait-ce que de le faire asseoir sur une chaise, alors que je peux y parvenir. Je trouve des stratégies. Par exemple, une prise en charge que j'avais à 13h30, j'essaie de la faire en sorte de la déplacer et de l'avoir à 9h du matin. Il n'y a personne avant moi. Le gamin, il n'aura pas été pris dans les genoux pendant trois heures avant d'arriver dans l'espace pédagogique. Je bricole et je fais ce que je peux, mais des fois, je ne peux pas. Et je vois, et c'est rageant. Des enfants qui, effectivement, ne peuvent plus s'asseoir sur la chaise, me demandent de les porter. Alors, je trouve des superfuges, je leur mets une poupée entre les mains. J'essaie d'inverser la demande. Mais ce n'est pas simple. Il y a aussi des questions, on va peut-être l'aborder, des technologies, des nouvelles technologies, mises entre les mains de ces enfants. Pareil, une éducatrice... Si vous voulez, tout le monde a des caprices. Donc on laisse couler les caprices, on accorde des caprices aux gamins, on ne met plus de limites. Travailler le désir d'un enfant, ce n'est pas lui accorder Blancin et lui permettre de délirer, lui permettre de répondre à tous ses caprices. Là, les éducateurs aussi ont des caprices, des lubies. Donc là, c'était en l'occurrence le light painting. Alors le light painting consiste en quoi ? C'est une activité artistique, paraît-il. qui consiste à peindre avec un stylo virtuel sur un mur. Enfin, un vrai stylo, pardon, sur un support virtuel. Donc on trace des traits, mais avec de la lumière. Des traits un peu avec un faisceau de lumière. Ça produit des effets, des traces sur les murs, mais ce n'est pas permanent, ça ne reste pas. Pour des enfants qui ont un problème de psychose, de rapport schizoparanoïde, des pathologies graves, de rapport au réel, à la réalité, qui ne font pas la distinction entre moi leur enseignante, je peux être une chaise, un singe, un chien ou un chat. Ils sont dans l'indifférenciation animé-inanimé. Vous pouvez imaginer les ravages que ce type d'activité peut avoir. Des psychismes d'enfants malades comme ça quoi. Donc moi, très concrètement, j'avais une gamine comme ça qui avançait bien, notamment sur le tracé. Elle avait peur de tracer les choses.

  • Speaker #2

    Je n'ai pas compris, c'est sur un écran ?

  • Speaker #0

    Oui, c'est sur un mur.

  • Speaker #2

    C'est une projection du dessin sur le mur via les outils.

  • Speaker #0

    J'avais une gamine qui progressait bien dans laisser une trace et tracer des courbes. Donc 5-6 ans, je lui apprenais à tracer des courbes. On était dans l'entrée, dans l'écrit. Cette gamine participe à cette activité en milieu d'année scolaire. Et bien, régression totale. Elle n'arrive plus à tracer les courbes qu'elle me faisait parfaitement au bout d'une dizaine de séances de travail autour de ça, avec différents outils, différents matériels. En gros, j'avais galéré quand même. Je partais de loin avec cet enfant et j'étais quand même assez contente. Et elle était contente aussi, elle pouvait observer aussi ses traits. On parle de permanence de l'objet, mais vous imaginez ce type d'activité. Je dessine un truc, ça disparaît, hop, c'est dans le... C'est dans le néant, ça n'existe plus.

  • Speaker #2

    On peut penser que les... On en parlait, je crois, dans la dernière émission. Les grands dirigeants des GAFAM mettent leurs enfants dans des écoles spécialisées où il n'y a aucun écran, il y a des crayons de couleur. Et justement, c'est très important, avant de voir le virtuel, de connaître le réel.

  • Speaker #0

    Et oui, c'est une étape fondamentale et c'est d'autant plus important quand cette construction du rapport réel a été dysfonctionnelle, si j'ose dire. en tous les cas, était entravée. Et vous avez tout à fait raison, il y a aussi une question de classe sociale. C'est-à-dire que je pense notamment aussi à la question de l'hyper-sexualisation des petites filles. Ça concerne les classes populaires surtout. C'est surtout pareil, les tablettes numériques, la surenchère de nouvelles technologies. C'est surtout, en l'occurrence, toutes les expériences que j'ai pu avoir d'enfants qui avaient la tablette jusqu'à 1h du matin dans leur lit, ce n'étaient pas des enfants d'ingénieurs, ce n'étaient pas des enfants de professeurs. C'était des enfants d'ouvriers ou de chômeurs. Il y a cette question de classe sociale. Effectivement, les psychiatres qui trouvaient très amusant d'introduire la tablette numérique au sein de l'hôpital de jour, qui trouvaient ça sympa, leurs gamins, ils n'avaient pas de tablette. Ils ne connaissaient pas l'objet avant leurs 12 ans, 13 ans.

  • Speaker #1

    C'est ce qui se voit aussi dans l'éducation nationale où il y a un déferlement aussi technologique. des tableaux numériques, une multitude qui progresse d'année en année, avec une multitude de gadgets, mais qui masquent au fond une absence totale de pédagogie, et qui ne résolvent absolument rien à la question du niveau. Là, c'est la même chose, mais dans le domaine de la psychiatrie, c'est effectivement où il est question de la conception de la réalité même, c'est extrêmement délicat, j'imagine. Et vous nous disiez en off que cette petite fille-là, qu'elle avait quel âge déjà ?

  • Speaker #0

    Cinq ans et demi.

  • Speaker #1

    Cinq ans et demi, il avait aussi été conçu par PMA, il avait une histoire assez technologique aussi.

  • Speaker #0

    Donc une famille relativement pauvre, venue de Chine, de Sichuan je crois. Donc le père assez âgé, il devait avoir une cinquantaine d'années. par rapport à l'âge de l'enfant, conçue assez tardivement, via une PMA alors qu'ils étaient sans papier. Donc avec la psychologue qui était dans le service, on se demandait comment la mère avait pu avoir accès à une PMA avec donneur. C'est le père qui ne pouvait pas avoir d'enfant, qui était stérile. Donc oui, la gamine elle-même conçue via une technologie artificielle. Et puis, une histoire d'immigration et d'exil assez lourde. C'est une famille asiatique qui avait atterri dans un quartier maghrébin. Donc, la gamine avait effectivement une psychose de type schizoparanoïde. Elle voyait des ennemis partout. Elle était persécutée, en permanence persécutée.

  • Speaker #1

    Donc là, vous cumulez effectivement la question psychiatrique, elle est multiple, parce que vous cumulez les problèmes, et en plus, les solutions n'en sont pas, finalement. Vous utilisez des moyens qui ne sont pas du tout adaptés, voire des structures complètement d'après ce que vous décrivez.

  • Speaker #0

    Des structures complètement, et... Et si vous voulez, ce type d'enfant par exemple, moi il m'a été reproché une fois par une inspectrice pédagogique dans une de mes classes, parce que des fois on est inspecté mais ça reste relativement rare, dans une de mes classes spécialisées au sein d'un hôpital de jour. Moi j'ai à cœur de confronter, de mettre les enfants en contact avec des œuvres picturales, de l'art du Van Gogh, du Picasso, des choses souvent du figuratif. Pas d'abstrait, surtout pas avec ce type d'enfant. Des choses, des paysages. Par exemple, j'ai des tableaux qui illustrent les différentes saisons avec différents tableaux de maîtres de la peinture occidentale. Une inspectrice me disait, ah oui, mais là, vous les surstimulez, ce type d'enfant, il faut qu'il y ait le moins de choses possibles au mur, le moins d'images possibles au mur. Bon, en même temps, aller dans la salle d'en face, c'est la tablette, aller dans la salle d'à côté, c'est le light panic, et sortir dans la rue, c'est la surstimulation, les lumières, les McDo, les machins, les publicités. Quand je parle aussi d'institutions malades, dans une société malade, les murs de la ville, c'est même pas qu'ils éduquent plus, c'est qu'ils rendent fou.

  • Speaker #2

    Vous venez d'entendre la première partie de l'entretien avec Sophia, pédopsychiatrie, la fabrique des barbares. Rendez-vous dans 15 jours pour la seconde partie. Vous pouvez retrouver les documents évoqués lors de l'émission ainsi que d'autres permettant de prolonger la réflexion sur notre site hereticlopluriel.fr Ce podcast est disponible sur toutes les plateformes d'écoute.

Description

Jusqu'ici cantonnés à des milieux jugés dépressifs ou nostalgiques, les discours alarmants sur le délabrement de nos sociétés se sont répandus. Ils sont maintenant cautionnés par le sommet de l'État, qui évoque ouvertement « l’effondrement" et la "décivilisation". C'est que les effets concrets en sont de moins en moins escamotables : chacun peut vivre, à sa petite échelle, la dégradation continue de ses conditions de vie et l'irruption, à présent quotidienne, d’une violence feutrée ou meurtrière.

L'univers médico-social est peut-être la pointe avancée de cette déliquescence, à la croisée de la "crise" de l'éducation, de l'avachissement de la psychiatrie, de la surenchère technologique, de la politique gestionnaire et du changement de nature de l'immigration. Les institutions de soin et d'éducation, censées former et accompagner des individus libres et responsables, deviennent progressivement des fabriques de barbares.

Sofia, animatrice, institutrice puis psychopédagogue expérimentée, décrit cette catastrophe permanente avec la justesse des praticiens de base pour en appeler à la renaissance de l’intérêt collectif et la fin de la bêtise savante.


hérétiques.fr


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Première partie. Sophia, vous êtes institutrice spécialisée. Vous êtes venue nous parler du diagnostic très sombre que vous portez sur le milieu socio-médical, médico-social. Vous avez un parcours intéressant parce que vous avez commencé la carrière dans l'animation en tant qu'animatrice. Vous êtes devenue ensuite directrice de centres de loisirs et de vacances durant des années. À la suite de ça, vous êtes parti dans l'éducation nationale en tant qu'institutrice. Vous avez intégré de multiples établissements. Vous avez tiré d'ailleurs des textes, on va en parler juste après. Et vous êtes passé maintenant dans le monde de la pédopsychiatrie depuis maintenant une dizaine d'années, où également vous avez eu un parcours... ...assez général en passant d'institution en institution. Vous avez donc établi à peu près à chaque moment des diagnostics, des textes. Notamment, il y a une vingtaine d'années, le texte, l'article C'est pire que s'il n'y avait rien qui relatait vos aventures dans une... Un établissement d'éducation spécialisé, et puis l'islamisme élémentaire, sur l'entrée de l'islamisme dans les écoles élémentaires, puis spécifiquement sur l'immigration et l'islam, nous immigrés arabes, et une prévisseur de l'islamisme. Est-ce que vous pourriez nous parler un peu de votre parcours ?

  • Speaker #1

    Oui, alors vous avez fait mention de textes autour de la thématique de l'islamisme. D'abord, je voudrais préciser que je suis issue d'une famille d'immigrés venant du Maghreb. Je suis née en France au début des années 70. Et que moi-même, j'étais scolarisée en France. Et que ça a été pour moi un moment de ma vie qui m'a permis de m'émanciper d'énormément de choses. Mais pas que via l'école, via l'éducation populaire aussi. Donc assez rapidement, très jeune, vers les 17 ans, j'ai voulu à mon tour avoir une fonction d'animatrice et transmettre ce que moi on m'avait transmis et participer à la formation des nouvelles générations dans un milieu qui me paraissait moins corsété que le milieu de la classe ou de l'école. Et on pouvait se permettre énormément de liberté et on pouvait transmettre beaucoup de choses qui allaient au-delà du simple savoir scolaire, que je ne dénigre absolument pas évidemment. Donc à ce moment-là, je suis devenue animatrice, puis assez rapidement directrice, tout en me formant aux pédagogies dites alternatives, notamment à la pédagogie institutionnelle. dont une des références, mais pas que, fut Fernand Houry, frère du psychiatre Jean Houry, dont je reparlerai peut-être un petit peu plus tard. Donc formation à la pédagogie institutionnelle, formation aussi bien universitaire que de terrain. C'est-à-dire que rapidement, j'ai voulu mettre en pratique tous ces concepts qu'on me transmettait, notamment la question de l'articulation du collectif et de la loi. qui me paraissait quand même une question fondamentale et que j'ai essayé de travailler de différentes manières en mettant en pratique cela. Dans des colos où on bricolait, ça marchait plus ou moins bien, ça détonnait par rapport à ce qui se faisait à l'époque, où en général, je parle du milieu des années 90, où on avait plutôt des centres de vacances type UCPA, où tout était déjà ficelé, etc. Donc je ne m'étendrai pas trop sur ces expériences. Tout ça pour dire que j'en venais en tant qu'enfant et que j'y accordais énormément d'importance. Ça me paraissait un outil d'émancipation indispensable et que ça a été vraiment une passion. Voilà, ça m'a pris assez jeune et que ça a été vraiment une passion.

  • Speaker #0

    Mais c'est un milieu que vous avez quitté finalement.

  • Speaker #1

    Voilà, c'est un milieu que j'ai quitté au milieu des années 2000. Parce que c'est un milieu qui commence à être gangréné d'animateurs je m'en foutiste. Au pire, on avait des directeurs très carriéristes, qui visaient la montée dans la hiérarchie, notamment municipale. Des gens qui... Une infiltration aussi de ce qu'on appellerait aujourd'hui les indigénaux, enfin, les indigénistes, des animateurs issus des quartiers.

  • Speaker #0

    Les grands frères.

  • Speaker #1

    Oui, grands frères, enfin... Moi, je n'appellerais pas ça des grands frères, parce qu'ils ne jouaient même pas le rôle de grands frères. Un grand frère, ça peut être très structurant, ça peut jouer son rôle même de substitut parental quand les parents sont défaillants. Là, non, c'était vraiment les copains, c'était le modèle identificatoire de la racaille. Voilà, donc c'était des gens qui pouvaient aussi véhiculer une certaine pratique de l'islam, rigoriste, petit à petit, par petites touches. D'ailleurs, c'est marrant de revenir dessus, parce que là, pas plus tard qu'hier, j'ai eu une ancienne amie directrice de centre de loisirs, qui n'est encore, qui tient encore sur la ville de Nîmes. et qui me racontait que là, elle avait eu vent dans une maternelle d'enfants qui avaient fait le ramadan en maternelle. Voilà, un petit groupe d'enfants qui a décidé de faire le ramadan. Et dans cette maternelle, la directrice était musulmane, les animateurs étaient tous musulmans. et pas du tout investis. Le seul investissement qu'ils avaient, c'était de vérifier lors des repas que les gamins ne mangent pas de viande, parce que la viande n'était pas encore halale.

  • Speaker #0

    Maternelle, on a 5-6 ans.

  • Speaker #1

    On a 5-6 ans en maternelle, donc moi j'appelle ça de la maltraitance. Je ne comprends pas que ça n'ait pas été signalé. Alors les petites gamines qui voulaient faire le ramadan, ce petit groupe-là a prétexté qu'elles devaient faire le ramadan parce que sinon elles n'allaient pas avoir de cadeaux. Il fallait faire le ramadan. Moi, j'en viens de cette culture-là, je la connais très bien. Le ramadan, ce n'est pas avant les premières règles pour les filles en général. Donc là, c'est vraiment du grand n'importe quoi. J'ai décrit assez bien cette infiltration de l'islamisme dans l'école, mais aussi dans le milieu de l'animation, dans les textes auxquels vous faites. Vous faites référence. Donc rapidement, je me retrouve à l'éducation nationale en tant qu'enseignante en élémentaire. Je fais des remplacements au début et au fil des années, peut-être au bout de 2-3 ans, je me rends compte que ce que j'ai fui au sein de l'animation me rattrape au sein de l'éducation nationale. Tant en termes de recrutement, d'infiltration aussi. De gens qui n'ont rien à foutre là. Ou alors, s'ils sont là, ce n'est pas pour être des hussards de la République, mais des hussards d'abattre la République de l'intérieur. Donc, je suis restée là peut-être 7-8 ans. et j'ai été confrontée aussi à ce que j'appellerais des pathologies qui m'interrogeaient au sein des classes même dans lesquelles je travaillais. Au-delà de l'inclusion d'élèves handicapés ou autistes, il y avait vraiment une question de rapport à l'adulte, de rapport au cadre, de rapport à la loi, qui était très problématique. Donc de plus en plus d'enfants violents, de plus en plus d'enfants rois, enfin on ne connaît pas. qu'on appelle enfant roi, mais là aussi on pourra revenir sur ce terme-là. Donc j'étais de moins en moins à l'aise. J'ai quitté l'éducation nationale au bout de 5-6 ans, peut-être 7 ans, au moment des attentats de Charlie Hebdo, du massacre du comité de rédaction de Charlie Hebdo, parce que là ça devenait dangereux aussi bien physiquement pour moi que psychiquement. J'avais du mal à tenir. Alors bon, il y a eu énormément de... Je ne vais pas revenir parce que je pense que c'est une banalité de dire que les enseignants étaient complètement isolés. Moi ça se doublait d'un rapport aussi particulier du fait que moi j'étais issue... du monde musulman donc assigné à l'islam, alors que je suis apostate. Donc ça devenait, voilà, j'étais très mal à l'aise, voire de plus en plus flippée d'aller travailler.

  • Speaker #0

    Vous en parliez justement dans l'article L'islamisme élémentaire qui avait eu un certain succès parce que vous racontiez justement l'entrisme islamiste dans l'école élémentaire et puis la démission du cadre, de tous les cadres en fait, du haut en bas à la hiérarchie, ce qui maintenant est devenu un lieu commun.

  • Speaker #1

    Voilà, c'est ce que j'allais dire.

  • Speaker #0

    Le pas de vague et voilà.

  • Speaker #1

    Et la hiérarchie qui n'est pas du tout derrière vous, alors dans des injonctions contradictoires qui rendent encore plus fou.

  • Speaker #0

    Et vous êtes entrée en pédopsy ?

  • Speaker #1

    Voilà, donc je suis rentrée en pédopsy il y a 6-7 ans, 6 ans. Et j'ai fait le tour de pas mal d'institutions, donc des hôpitaux de jour, des hôpitaux de jour pour enfants très jeunes, de 3 à 6 ans, puis des hôpitaux de jour pour enfants de 6 à 12 ans, et des hôpitaux de jour aussi pour adolescents. Donc là, ça pouvait aller de 12 ans à 18-19 ans. mais également ce qu'on appelle des CESAD. C'est catastrophique la situation dans ce type de structure. CESAD, l'acronyme, c'est le service d'éducation spécialisé et d'aide à domicile. Je reviendrai sur ces expériences dans ce type de structure. Pourquoi la pédopsychiatrie ? Parce que déjà, j'avais besoin de sortir de mon isolement dans le milieu enseignant. J'avais vraiment besoin d'être étayé par une équipe, comme on dit. Et surtout, je me disais, peut-être naïvement, que là, j'allais rencontrer des gens réellement engagés. On sait, par exemple, que dans les collèges où il y a beaucoup de violence, beaucoup de problèmes, en général, les équipes sont soudées. Il peut y avoir un travail d'équipe, en tous les cas, on peut s'appuyer sur les collègues. Et je me disais, dans un hôpital de jour ou dans une classe dans un hôpital de jour, je serai dans une équipe et on se soutiendra. Et en tous les cas, je serai avec des gens sérieux et engagés. Je pense que ces deux notions, l'engagement et le sérieux, sont ce qui m'a le plus manqué et sont ce qui fait le plus défaut de façon dramatique, aussi bien à l'école que... que dans le milieu de la psychiatrie.

  • Speaker #0

    Et aussi peut-être parce que toute relation éducative implique l'éducateur de manière intime, quel que soit l'âge de l'enfant, et que ça demande une réflexivité, une capacité de retour sur soi, une introspection minimale, et que c'est une chose qui est de plus en plus rare dans les milieux éducatifs.

  • Speaker #1

    Oui, ne serait-ce que reconnaître la place de l'inconscient dans la classe, pour reprendre le titre d'un ouvrage de Francis Imbert, C'était pas évident. On était aussi, dans les années où j'ai intégré l'éducation nationale, dans un mouvement anti-psychanalyse féroce, le livre noir de la psychanalyse, etc. Donc vous parliez d'inconscient, vous étiez... On vous flinguait, quoi.

  • Speaker #0

    Vous avez suivi une analyse, vous, personnellement. Oui,

  • Speaker #1

    oui. J'ai suivi une analyse qui m'a été d'un grand secours, d'ailleurs, quand j'ai commencé en pédopsychiatrie. Je pense que je me serais assez vite effondrée si ça n'avait pas été le cas. Donc oui, effectivement, ces questions d'inconscient, mais aussi de loi, de limite, d'incarnation de la loi symbolique, pouvaient se poser. Dans la naïveté qui était la mienne à ce moment-là, dans les services de pédopsychiatrie, c'était le boulot, c'était leur outil de travail principal de ce que je me disais à l'époque.

  • Speaker #0

    Et en réalité, la démission que vous avez rencontrée dans l'animation, que vous avez rencontrée dans l'éducation nationale, vous la rencontrez aussi aujourd'hui en pédopsychiatrie.

  • Speaker #1

    Oui, qui pour moi, on vit la fin de la psychiatrie, de la psychiatrie en général et de la pédopsychiatrie en particulier. Je ne mets pas la psychiatrie ou la pédopsychiatrie en dehors d'autres institutions qui sont en état d'élabrement sur lesquelles de nombreuses personnes commencent à écrire. Le voile commence à être levé sur de nombreux dysfonctionnements, pour ne pas dire effondrements de nombreuses institutions, que ce soit l'école, que ce soit l'hôpital en général. que ce soit les services publics, etc. Donc des institutions qui autrefois avaient pu jouer leur rôle, avaient pu être structurantes, devenaient pathologiquement déstructurantes, voire destructrices. Alors les raisons de cet état de délabrement... et de déréliction de ces institutions. Jean-Pierre Le Goff a pu en parler dans la Barbarie douce, effectivement, l'arrivée du néo-management. de ce qu'a pu appeler Jean-Houry la peste managériale, qui, oui, pose de réels problèmes dans la pratique, au quotidien, pour les professionnels qui essayent de se débrouiller, de se dépatouiller avec tout ça comme ils peuvent. Mais il y a aussi une question d'adhésion à ce néo-management. Il y a aussi une question d'adhésion à l'anomie générale. Il y a des salariés dans les hôpitaux de jour ou dans les IME, instituts médicaux éducatifs, qui abordent ce travail comme s'ils travaillaient dans une banque ou dans une assurance. C'est-à-dire que ce sont des salariés. Moi, je les appelais les fonctionnaires. Ils n'étaient pas fonctionnaires. C'était souvent des CDI, des droits privés. Mais voilà, ça peut être une planque aussi la pédopsychiatrie. On dit souvent qu'ils sont submergés, et c'est vrai. Je voudrais généraliser à partir de mes quelques expériences d'une dizaine de structures, mais moi j'ai vu des infirmières ou des cadres qui pouvaient ne rien faire de la journée ou remplir un tableau Excel et être payés 2000-3000 euros. tranquillement, il n'y avait pas de problème, et ça ne leur posait pas de problème de conscience. C'est-à-dire qu'au fond, on est dans un moment de l'histoire de notre société où il n'y a plus vraiment de mouvement mobilisateur, ni en théorie, ni en pratique, et on est dans une sorte de... soit de chacun pour soi, on se bricole sa petite niche, et puis hop, on a la paix, soit dans un mouvement moralisateur. Il n'y a plus rien qui mobilise, mais tout est moraline.

  • Speaker #0

    Comment ça se traduit concrètement dans la pratique au jour le jour ? Vous, vous y étiez en tant qu'institutrice détachée.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    C'est ça. Donc ce sont des équipes qui sont pluridisciplinaires, où on a des psychiatres, on a des psychologues.

  • Speaker #1

    Des assistantes sociales.

  • Speaker #0

    Des assistantes sociales. Et vous, vous y étiez systématiquement dans cette douzaine d'établissements.

  • Speaker #1

    Avec une nuance que j'aimerais apporter, en fonction des hôpitaux de jour, et je pense à une expérience notamment où ça a vraiment été le cas, les instituteurs dans ce type de structure sont considérés comme soignants. C'est-à-dire qu'on a une posture de soignant. De petite maîtresse qui bricole dans sa classe et qui aurait une salle et qui ne ferait que des bilans psychopédagogiques ou scolaires.

  • Speaker #0

    C'est le principe de la psychothérapie institutionnelle.

  • Speaker #1

    Exactement.

  • Speaker #0

    Tous les encadrants, même la femme de ménage, fait partie du soin parce que c'est de la vie quotidienne et qu'il y a interaction entre le patient, quel que soit l'âge, et puis l'encadrement de toute façon. Donc une femme de ménage ou un infirmier, donc tout au bas de l'échelle. peut soigner autant que le psychiatre qui administre et qui fait des entretiens.

  • Speaker #1

    Oui, dans le milieu, on parle de constellation transférentielle, c'est-à-dire que tout le monde a un rôle et support de projection des enfants. Et tout ça est articulé dans des moments collectifs où chacun va apporter. Moi, il me voit comme ça. Moi, il me voit plutôt comme ci. Moi, j'arrive à faire ça avec lui. Moi, je n'y arrive pas du tout. Ça travaille collectivement. Et notamment pour les profils schizophrènes, je trouve que c'est parfaitement adapté.

  • Speaker #0

    Mais ce n'est pas ce que vous voyez sur le terrain.

  • Speaker #1

    Mais c'est malheureusement pas ce que j'ai vu sur le terrain, sauf exception qui tendait vers ça. Moi, ce que j'ai vu, c'est... C'est plutôt un des points que je n'ai pas souligné sur la fin de la psychiatrie. C'est que c'est un secteur qui est submergé quantitativement. Il y a énormément de demandes qui explosent, qui ont d'autant plus explosé après la période de confinement, plutôt après que pendant d'ailleurs, où il y a eu pas mal de décompensations, etc. Mais aussi au niveau qualitatif, c'est-à-dire que là, on a affaire à des pathologies inédites et qui trouvent leur source dans... Dans un espèce d'état confusionnel, où plus personne ne sait qui il est, où on ne sait pas où on va, où le père ne veut plus être père, la mère veut être mère mais collée à l'enfant, voire être l'enfant où il y a une inversion des rôles, et où plus personne ne veut vraiment poser de limites. Et ça c'est dramatique pour moi, aussi bien à l'école que... que dans le milieu de la pédopsychiatrie.

  • Speaker #0

    Et concrètement, en quoi se traduit ce refus de poser des limites ?

  • Speaker #1

    Par exemple, un des derniers raccrochages que j'ai eu avec une équipe, c'est un jeune dans un établissement spécialisé privé, un jeune qui arrive dans une salle commune et qui hurle Heil Hitler ! Donc un jeune maghrébin, 17 ans. Donc moi j'étais dans ma classe avec un autre jeune, donc je n'ai pas interrompu ma séance. Il se trouve que quand ce gamin crie Heil Hitler, il y a cinq adultes autour de lui, trois éducateurs, une infirmière et je ne sais plus quel autre professionnel, entre guillemets professionnel. Et personne ne réagit. Personne ne réagit. Il y a quelques gloussements de rire, il y a quelques postures un peu gênées. Mais moi je vois ça parce que j'ai une baie vitrée depuis ma classe. Je vois cette salle commune. À part un éducateur libanais qui lui dit non, j'aime pas ce que tu dis Bon, c'est pas une question de j'aime pas ce que tu dis c'est une question de loi, là. Ça tombe sous la loi, un propos antisémite, pardon, c'est sanctionné par la loi. Donc moi, je reprends en équipe cette transgression grave, pour moi, lors d'une réunion. Et on me dit, oui, mais non, mais il ne sait pas, il ne connaît pas l'histoire. Il dit ça, c'est une provocation. Le profil du gamin, ce n'était pas un schizophrène, il n'était pas dans une forme de psychose infantile ou quoi. C'était le trouble du comportement. En gros, délinquant.

  • Speaker #0

    Oui, parce qu'on mélange en fait ces institutions où on mélange des malades diagnostiqués graves psychiatriquement avec des cas qui relèvent beaucoup plus de la crise d'adolescence, de la déshérence, de la dépression même légère. C'est ça.

  • Speaker #1

    Et c'est assez terrible comme spectacle. Moi, je sais que ça m'a beaucoup touchée de voir des enfants qui avaient juste des petits problèmes psychologiques. Je ne sais pas, les parents qui divorcent, le gamin qui est un petit peu un objet de jouissance entre le père et la mère divorcés. C'est des choses qui pouvaient se régler avec une psychologue scolaire ou quelques séances. Et qui là se retrouve balancé au hôpital de jour avec des enfants autistes très régressés, non-verbaux et qui hurlent. Des psychotiques qui décompensent et des crises classiques. Moi j'ai pu voir la terreur dans les yeux de ces petits qui n'avaient rien à foutre là. Alors il y a des enjeux financiers. Le nombre d'autistes explose. Le nombre de diagnostiqués autistes, c'est une explosion. Tout le monde est autiste.

  • Speaker #0

    On ne va pas entrer dans l'extension de l'autisme parce que l'autisme est un problème. Rien que le mot est un problème extraordinaire.

  • Speaker #1

    Je n'ai jamais su ce que c'était. Six ans de pédopsychiatrie, je ne sais toujours pas ce que c'est que l'autisme.

  • Speaker #0

    C'est le nom d'un désordre dans la psychiatrie elle-même plutôt que dans l'ordre psychiatrique.

  • Speaker #1

    Mais pour revenir à ce cas de transgression grave d'un adolescent qui sait très bien ce qu'il fait. qui est dans un milieu, le quartier est antisémite, ses potes sont antisémites, sa culture est antisémite, le Coran est antisémite, il se réclame musulman, il fait le ramadan. Quand il rentre et qu'il gueule Haïl Hitler comme ça à la tranche des adultes, il demande quelque chose. C'est une demande en acte implicite de limite. C'est retenez-moi, est-ce qu'il y a un mur quelque part ? Est-ce qu'il y a quelque chose ? Il n'y a rien. On est à 30 mètres d'un commissariat. On peut aller déposer une main courante, rien que ça. Je soumets l'idée en réunion et donc effectivement on m'explique que ben non, c'est un jeune, alors il y a la théorie de l'excusisme, oui mais il ne sait pas, mais non, mais... Et puis on ne fait rien quoi. et il ne se passe rien. Donc le gamin disparaît dans la nature, il revient, il vient se faire tripoter par la psychothérapeute, parce qu'il y a ça aussi, il y a des positifs, des jeunes femmes, j'ai vu des situations dramatiques, où des jeunes filles qui sortaient de l'école de psychomotricienne, ce même jeune est pris en charge par une psychomotricienne qui a à peine 50 ans de plus que lui. dans une salle en sous-sol, toute seule, salle aménagée en salle de psychomotricité, donc avec des matelas, une lumière douce. Et elle fait de la psychomotricité avec lui, qui consiste à faire des séances de relaxation. Vous pouvez bien imaginer qu'au bout de trois séances de relaxation, le gamin lui demande un massage. Il ne demande pas tout de suite une fellation, il lui demande un massage. J'apprends ça, je croise la jeune femme qui est mal à l'aise, qui est toute rouge, qui remonte de sa séance, c'était lourd. Et elle me dit, oui, il vient de me demander un massage, je suis embêtée, je ne sais pas si je vais continuer la prise en charge. Donc moi, je la regarde un petit peu brutalement, je lui dis, il veut baiser avec toi. Mais il n'y a pas de secret, tout dans le dispositif l'amène à ça. Parce que c'est un adolescent. Voilà, c'est un adolescent, il est en pleine poussée libidinale. Et puis le rapport aux femmes est tel qu'une femme qui s'occupe de lui comme ça, qui le met en relaxation, pour lui c'est un salon de massage. Ce n'est pas une salle de psychomotricité, c'est un salon de massage. C'est repris en réunion. C'est mal interprété. C'est une structure privée, là aussi, où il y avait une directrice extrêmement castratrice, dominatrice. Rien ne pouvait se faire sans son accord. Elle était complètement incohérente. Elle dit oui, non, la prochaine fois, vous serez accompagnée. Sophia voulait descendre avec elle. Non, ce n'est pas mon boulot. Dans un autre cadre, j'aurais accepté. Mais là... Bon, la psychomotricienne en question, au bout d'une semaine, se met en arrêt maladie. On ne la revoit plus. Et ça, des histoires comme ça...

  • Speaker #0

    En réalité, la procédure normale est d'en discuter lors d'une réunion générale, lors de ce qu'on appelle supervision. Vous en parliez en off. où le groupe discute avec l'éducateur, l'éducatrice en question, la psychomotricienne, et bien elle lui fait prendre conscience qu'elle-même a des envies, a des pulsions, et c'est normal, et que toute relation de pédagogie avec un enfant, quelle qu'elle soit, de thérapie, implique un érotisme diffus, nécessairement, et ne pas en avoir conscience, que ce soit en maternelle ou à l'université, c'est ouvrir les vannes, effectivement, à ce genre d'effusion. qui sont courantes, vous avez été témoin assez souvent de cette manière de maternage, d'évitement du conflit, d'évitement de la limite et en même temps du maternage. Oui,

  • Speaker #1

    alors vous prononcez le mot de maternage. Moi c'est vrai qu'arrivant dans ces lieux de pédopsychiatrie, je suis enseignante. Je ne suis pas forcément à l'aise avec cette question de maternage. Je comprends très bien, alors je n'arrive pas vierge de tout savoir en pédopsychiatrie. Comme je disais tout à l'heure, j'avais d'abord fait une analyse. J'avais aussi été formée à la pédagogie institutionnelle, donc j'avais lu des choses de psychologie du développement. Donc je n'arrive pas complètement démunie en termes de savoir. Quoique, en termes de pratique, je n'étais jamais intervenue auparavant. en pédopsychiatrie. Donc on m'explique, oui, le maternage, c'est très important, le portage, le holding, Winnicott. sauf qu'il y a tout un blabla de psy, des termes, des concepts, qui sont employés à tort et à travers, mais qui ne font que rationaliser une non-maîtrise de ce qui se passe. C'est-à-dire qu'on va vous parler de maternage, on va laisser une éducatrice. Laisser libre cours à ces pulsions pédophiles, là pour le coup je lâche le mot, sous prétexte que cet enfant a une rupture dans le lien, qu'il faut le faire régresser, retraverser toutes les étapes qui se sont mal passées ou qu'il n'a pas passé du tout. C'est un argument que j'entends complètement. Je vous dis, je n'avais pas de résistance particulière, même si ça met à mal la posture d'enseignant qui est aux antipodes de ça. Pensez bien que c'est le contraire. Nous, c'est que le gamin, il tienne debout tout seul dans notre boulot. c'est pas de le porter. Je comprends, en analyse, quiconque a fait une analyse, c'est bien qu'il y ait une période, une phase de régression tout à fait normale, mais qui, normalement, ouvre sur une réélaboration. Là, c'était la régression pour la régression, et tout sans cœur. Et on y va. Donc, moi, j'ai assisté à des scènes, proprement, obscènes, d'éducatrices qui portaient sur elles, couchaient sur son corps dans un hamac, un autiste qui régresser, enfin très malade Un enfant de 8-9 ans, très très malade, et elle le tripotait, et lui il était dans une jouissance, et elle était dans une jouissance. Alors, il se trouve que ces expériences-là, je les ai vécues aussi bien dans des hôpitaux de jour qui fonctionnaient à peu près, avec un noyau dur, une équipe investie et engagée là pour le coup, et où ça a pu se régler. Ça a donné lieu à une crise, une discussion, vous parliez de supervision tout à l'heure, effectivement dispositif fondamental. outil en or, enfin moi c'était impossible de travailler sans ça la supervision c'est né dans les c'est venu d'une pression syndicale des soignants dans les services de soins palliatifs de fin de vie

  • Speaker #0

    C'est ce personnel-là qui a imposé de pouvoir déposer des choses, élaborer des choses collectivement, parce que c'était extrêmement lourd ce qu'ils pouvaient vivre. Et ça s'est généralisé, c'est très bien, dans les services de psychiatrie.

  • Speaker #1

    En quoi ça consiste ?

  • Speaker #0

    Donc ça consiste en l'intervention d'une personne totalement extérieure au service et à l'équipe, en général un psychanalyste, mais ça peut être aussi un psychosociologue, quoique c'est les moins bons. Moi, les meilleurs que j'ai eus, c'était les psychanalystes, notamment dans un psychanalyse du quatrième groupe. Sans vouloir développer cet aspect-là, c'est des gens qui viennent et qui font une analyse de groupe, qui permettent au groupe d'échanger sur les problèmes qu'ils ont de transfert et de contre-transfert avec tel enfant. Les problèmes relationnels de l'équipe, les problèmes institutionnels et hiérarchiques. Ça permet d'affronter et de dénouer des crises, ou parfois simplement de les poser. Rien que ça, ça fait du bien. Donc là, ça a pu être élaboré. On était plusieurs éducateurs et personnels à être gênés par ces scènes. Personne n'osait trop intervenir, on a tenté par là, par l'île, on a essayé de parler à l'éducatrice qui était très mal, éducatrice nouvellement convertie à l'islam, qui avait été convertie à l'islam suite à une soirée dans un club de chichas, qui avait des problèmes. On a tous des problèmes, il se peut que de surcroît, comme disait l'autre, on règle des choses en travaillant dans ce type d'endroit et avec ce type d'enfants. mais là c'était du lourd et donc on parlait du maternage effectivement elle avait complètement intégré le truc du maternage et ça tombe bien elle pouvait donner libre cours à ses pulsions maternantes, elle avait envie d'avoir un enfant elle pouvait pas, ou elle voulait, ou c'était pas encore le moment bon bref donc ça a pu être Stopper, nommer et stopper. Moi, j'ai lâché le mot pédophilie. Ça a donné quasiment lieu à une décompensation de l'éducatrice à ce moment-là, en pleine séance. Donc, merci au psychanalyste de groupe qui était là et qui a très bien accompagné les choses. Dans d'autres dispositifs, ça continue et ça ne pose pas de problème. Et ce n'est pas plus mal, au moins on a la paix. Voilà, et on laisse faire, et on ferme les yeux.

  • Speaker #1

    Alors qu'il y a, enfin, c'est bien parce que vous dites qu'il y a même une rationalisation, on va expliquer le fait en disant que c'est en fait que c'est thérapeutique, que tout le monde régresse, et il y a malgré tout des réunions de supervision dans ces cas-là. Mais on est dans le simulacre.

  • Speaker #0

    Oui, oui, des réunions de supervision qui sont, quand c'est du simulacre, et c'est la plupart du temps le cas, malheureusement, ce sont ces réunions de supervision, donc cette dispositif, cette réunion, sert plus aux entre guillemets psychanalystes de groupe qui est là à capter des informations à rapporter à la direction ce qui se dit là c'est une catastrophe ça aussi normalement c'est un lieu, rien ne sort un peu comme en analyse Lors d'une psychanalyse, ce qui se dit là reste là. Là, dernière expérience, j'apprends que la pseudo-psychanalyse de groupe qui est là ait payé 520 euros la séance, c'est deux heures, pour faire quoi ? Pour faire un travail de balance. Je le dis comme je l'ai ressenti et comme c'était ressenti par l'équipe. Et l'équipe le savait. Donc vous imaginez la liberté de parole qu'il peut y avoir dans ces moments-là. Une équipe terrorisée, j'ai rarement vu ça. Des gens de 50 ans flippés par cette directrice. Un turnover extraordinaire dans cette structure. Qui amenait cette directrice libanaise, en l'occurrence, à recruter au sein de sa famille ? On avait comme ça un éducateur véridique, débarqué du Liban au moment... Au moment de l'incendie, tous les problèmes d'explosion, un ou deux ans après, le type arrive, c'est son cousin, c'est le cousin de la directrice, il parle un français, personne ne le comprend. Il est en CDI, éducateur, il n'a même pas de papier, il n'a rien encore.

  • Speaker #1

    C'est ce qu'on retrouvait aussi dans votre article sur l'école élémentaire, où on se retrouve avec des instituteurs aussi, notamment ceux qui viennent de l'étranger, qui n'ont aucune compétence et qui pourtant sont balancés là, ou au niveau de CM2, où il faut enseigner de manière un peu sérieuse, ou alors même au niveau maternel.

  • Speaker #0

    Alors pire, moi ce que j'ai vu c'est en maternel effectivement... Un instituteur contractuel, donc recruté à la va-vite, balancé dans une classe de maternelle avec des petites sections. et j'apprends au cours d'une conversation avec lui lors d'une récréation j'apprends que le lendemain il n'est pas là parce qu'il a rendez-vous à la préfecture ah bon mais pourquoi tu as rendez-vous à la préfecture ? je vais renouveler mon visa étudiant ah bon tu es étudiant ? le mec est étudiant en master je ne sais pas quoi donc il débarque d'Afrique subsaharienne il n'a jamais vu un gamin on lui confie des petites sections et les petites sections ils font la sieste ah ah

  • Speaker #1

    On crée des conditions qui ne sont pas très éducatrices. Et en pédopsie, c'est vraiment une inflation de termes, ce que vous décrivez, dans lesquels il ne recouvre aucune pratique, ou qui ne sera que pour rationaliser une pratique qui est complètement vide et qui n'est pas du tout soignante, qui est même régressive auprès des enfants.

  • Speaker #0

    Oui, moi par exemple, maintenant, quand j'arrive quelque part et qu'on me dit Ici, on fait de l'institutionnel dans les dix minutes que j'ai passées dans le couloir, je suis capable de dire Bon, ok, là on se raconte l'histoire, vous faites du n'importe quoi, mais vous ne faites pas de l'institutionnel Je pense que personne ne fait de l'institutionnel aujourd'hui. C'est un peu radical de dire ça, mais... On peut tendre vers, et je vous dis en six ans, j'ai eu qu'une expérience dans un hôpital de jour où on tendait vers ça. Parce qu'il y avait un noyau dur dans l'équipe, sur la dizaine de personnes, il y avait cinq personnes, ça tenait. Ils savaient ce qu'ils foutaient. Le simulacre, oui, par exemple, on parle beaucoup des théories de l'attachement. Donc, les théories de l'attachement, ça part du principe qu'il y a eu, dans ce qu'on appelle l'anamnèse, c'est-à-dire l'histoire de la naissance, de la conception et de la naissance d'un enfant, il y a eu quelque chose qui s'est mal passé entre la mère et l'enfant. La mère ne l'a pas porté, la mère a refusé de le regarder. Il y a eu quelque chose qui s'est passé qui n'a pas permis qu'un lien se noue entre l'enfant et la mère. Un lien fondamental, primordial et premier. On parle beaucoup de ça comme source de... On explore encore, comme vous disiez tout à l'heure, l'autisme. On ne va pas en une heure explorer ce domaine-là qui est très compliqué, très complexe et très flou. Mais ça fait partie des hypothèses de développement de postures autistiques que ce trouble de l'attachement. Bon, écoutez, on a parlé de la question de la régression par rapport à refaire... Refaire vivre à l'enfance ce qu'il n'a pas pu vivre avec sa mère, soit qu'on se pose en tant qu'éducateur ou thérapeute en substitut de la mère, soit, moi de ce que j'en sais, on mettait plus la mère, on était plus dans une guidance de la mère pour qu'elle puisse apprendre à porter son enfant, le regarder progressivement, là vous allez le porter 5 minutes, quand vous en avez marre vous posez le gamin, on prend le relais. Là, c'était carrément aux éducateurs de jouer ce rôle-là. On en a parlé tout à l'heure avec toutes les dérives, quand il n'y a pas de contrôle et qu'il n'y a pas de visée à tout ça. Donc, c'est des théories qui sont annoncées comme des choses nouvelles, extraordinaires, qui vont révolutionner, tout ce que vous voulez. Sauf que c'est des théories, c'est des gens qui réinventent l'eau chaude. Freud en avait déjà parlé. Mélanie Klein, première psychanalyste d'enfants. abordé cette question-là. Winnicott en a parlé aussi. Donc, c'est des choses qui ne sont pas nouvelles non plus. Alors, on affine. Il y a des tableaux qui permettent de repérer les regards de l'enfant, les gestes de la mère. Je ne dis pas qu'il n'y a rien, mais il n'y a rien de nouveau, fondamentalement de nouveau, d'innovant ou de particulier. Donc, tout ça, si vous voulez, c'est des rationalisations. de comportements qui sont ravageurs. Par exemple, quand on parle de, juste pour finir, c'est une rationalisation de comportement inadéquate. Quand Winnicott parle de la mère suffisamment bonne, c'est pas la mère suffisamment bonne, c'est une mauvaise traduction. On parle de mère adéquate. Good enough, en anglais, c'est adéquate, ordinaire. Ce n'est pas une mère extraordinaire, ce n'est pas une bonne maman. Bonne maman, c'est une marque de confiture pour moi. Ce n'est pas ce qu'avait à l'esprit Winnicott quand il a avancé cette notion, ce concept.

  • Speaker #1

    Ça fait penser un peu à la Commode des Saintes de George Orwell, c'est-à-dire la décence ordinaire qui n'est pas des super pouvoirs, qui n'est pas une... un comportement extraordinaire vis-à-vis des autres, mais simplement une bienveillance de base, un amour minimal, qui permet au fonctionnement social de continuer, de tourner, d'être agréable à vivre. Et ce n'est pas du tout une valeur superlative.

  • Speaker #0

    Vous avez tout à fait raison. Quand je parlais tout à l'heure de déstructuration, c'est effectivement ces adultes, ces éducateurs qui sont censés accompagner l'enfant, qui sont censés lui refaire faire un parcours qui a été dysfonctionnel à un moment problématique et qui donne lieu à une forme de pathologie. sévère ou plus ou moins intense. Finalement, que fait cette éducatrice quand elle donne libre cours à ses pulsions sexuelles envers cet enfant ? Elle le désorganise un petit peu plus au niveau psychique. Elle rajoute de la désorganisation aux pulsions de l'enfant qui sont déjà... très mis à mal.

  • Speaker #1

    Et c'est des régressions que vous voyez chez l'enfant, qui sont mesurables, que vous pouvez étayer ?

  • Speaker #0

    Oui, par exemple, souvent je récupère des enfants, soit après une séance avec un udéquatrice, soit après une séance de psychomotricité. C'est très difficile pour moi, ne serait-ce que de le faire asseoir sur une chaise, alors que je peux y parvenir. Je trouve des stratégies. Par exemple, une prise en charge que j'avais à 13h30, j'essaie de la faire en sorte de la déplacer et de l'avoir à 9h du matin. Il n'y a personne avant moi. Le gamin, il n'aura pas été pris dans les genoux pendant trois heures avant d'arriver dans l'espace pédagogique. Je bricole et je fais ce que je peux, mais des fois, je ne peux pas. Et je vois, et c'est rageant. Des enfants qui, effectivement, ne peuvent plus s'asseoir sur la chaise, me demandent de les porter. Alors, je trouve des superfuges, je leur mets une poupée entre les mains. J'essaie d'inverser la demande. Mais ce n'est pas simple. Il y a aussi des questions, on va peut-être l'aborder, des technologies, des nouvelles technologies, mises entre les mains de ces enfants. Pareil, une éducatrice... Si vous voulez, tout le monde a des caprices. Donc on laisse couler les caprices, on accorde des caprices aux gamins, on ne met plus de limites. Travailler le désir d'un enfant, ce n'est pas lui accorder Blancin et lui permettre de délirer, lui permettre de répondre à tous ses caprices. Là, les éducateurs aussi ont des caprices, des lubies. Donc là, c'était en l'occurrence le light painting. Alors le light painting consiste en quoi ? C'est une activité artistique, paraît-il. qui consiste à peindre avec un stylo virtuel sur un mur. Enfin, un vrai stylo, pardon, sur un support virtuel. Donc on trace des traits, mais avec de la lumière. Des traits un peu avec un faisceau de lumière. Ça produit des effets, des traces sur les murs, mais ce n'est pas permanent, ça ne reste pas. Pour des enfants qui ont un problème de psychose, de rapport schizoparanoïde, des pathologies graves, de rapport au réel, à la réalité, qui ne font pas la distinction entre moi leur enseignante, je peux être une chaise, un singe, un chien ou un chat. Ils sont dans l'indifférenciation animé-inanimé. Vous pouvez imaginer les ravages que ce type d'activité peut avoir. Des psychismes d'enfants malades comme ça quoi. Donc moi, très concrètement, j'avais une gamine comme ça qui avançait bien, notamment sur le tracé. Elle avait peur de tracer les choses.

  • Speaker #2

    Je n'ai pas compris, c'est sur un écran ?

  • Speaker #0

    Oui, c'est sur un mur.

  • Speaker #2

    C'est une projection du dessin sur le mur via les outils.

  • Speaker #0

    J'avais une gamine qui progressait bien dans laisser une trace et tracer des courbes. Donc 5-6 ans, je lui apprenais à tracer des courbes. On était dans l'entrée, dans l'écrit. Cette gamine participe à cette activité en milieu d'année scolaire. Et bien, régression totale. Elle n'arrive plus à tracer les courbes qu'elle me faisait parfaitement au bout d'une dizaine de séances de travail autour de ça, avec différents outils, différents matériels. En gros, j'avais galéré quand même. Je partais de loin avec cet enfant et j'étais quand même assez contente. Et elle était contente aussi, elle pouvait observer aussi ses traits. On parle de permanence de l'objet, mais vous imaginez ce type d'activité. Je dessine un truc, ça disparaît, hop, c'est dans le... C'est dans le néant, ça n'existe plus.

  • Speaker #2

    On peut penser que les... On en parlait, je crois, dans la dernière émission. Les grands dirigeants des GAFAM mettent leurs enfants dans des écoles spécialisées où il n'y a aucun écran, il y a des crayons de couleur. Et justement, c'est très important, avant de voir le virtuel, de connaître le réel.

  • Speaker #0

    Et oui, c'est une étape fondamentale et c'est d'autant plus important quand cette construction du rapport réel a été dysfonctionnelle, si j'ose dire. en tous les cas, était entravée. Et vous avez tout à fait raison, il y a aussi une question de classe sociale. C'est-à-dire que je pense notamment aussi à la question de l'hyper-sexualisation des petites filles. Ça concerne les classes populaires surtout. C'est surtout pareil, les tablettes numériques, la surenchère de nouvelles technologies. C'est surtout, en l'occurrence, toutes les expériences que j'ai pu avoir d'enfants qui avaient la tablette jusqu'à 1h du matin dans leur lit, ce n'étaient pas des enfants d'ingénieurs, ce n'étaient pas des enfants de professeurs. C'était des enfants d'ouvriers ou de chômeurs. Il y a cette question de classe sociale. Effectivement, les psychiatres qui trouvaient très amusant d'introduire la tablette numérique au sein de l'hôpital de jour, qui trouvaient ça sympa, leurs gamins, ils n'avaient pas de tablette. Ils ne connaissaient pas l'objet avant leurs 12 ans, 13 ans.

  • Speaker #1

    C'est ce qui se voit aussi dans l'éducation nationale où il y a un déferlement aussi technologique. des tableaux numériques, une multitude qui progresse d'année en année, avec une multitude de gadgets, mais qui masquent au fond une absence totale de pédagogie, et qui ne résolvent absolument rien à la question du niveau. Là, c'est la même chose, mais dans le domaine de la psychiatrie, c'est effectivement où il est question de la conception de la réalité même, c'est extrêmement délicat, j'imagine. Et vous nous disiez en off que cette petite fille-là, qu'elle avait quel âge déjà ?

  • Speaker #0

    Cinq ans et demi.

  • Speaker #1

    Cinq ans et demi, il avait aussi été conçu par PMA, il avait une histoire assez technologique aussi.

  • Speaker #0

    Donc une famille relativement pauvre, venue de Chine, de Sichuan je crois. Donc le père assez âgé, il devait avoir une cinquantaine d'années. par rapport à l'âge de l'enfant, conçue assez tardivement, via une PMA alors qu'ils étaient sans papier. Donc avec la psychologue qui était dans le service, on se demandait comment la mère avait pu avoir accès à une PMA avec donneur. C'est le père qui ne pouvait pas avoir d'enfant, qui était stérile. Donc oui, la gamine elle-même conçue via une technologie artificielle. Et puis, une histoire d'immigration et d'exil assez lourde. C'est une famille asiatique qui avait atterri dans un quartier maghrébin. Donc, la gamine avait effectivement une psychose de type schizoparanoïde. Elle voyait des ennemis partout. Elle était persécutée, en permanence persécutée.

  • Speaker #1

    Donc là, vous cumulez effectivement la question psychiatrique, elle est multiple, parce que vous cumulez les problèmes, et en plus, les solutions n'en sont pas, finalement. Vous utilisez des moyens qui ne sont pas du tout adaptés, voire des structures complètement d'après ce que vous décrivez.

  • Speaker #0

    Des structures complètement, et... Et si vous voulez, ce type d'enfant par exemple, moi il m'a été reproché une fois par une inspectrice pédagogique dans une de mes classes, parce que des fois on est inspecté mais ça reste relativement rare, dans une de mes classes spécialisées au sein d'un hôpital de jour. Moi j'ai à cœur de confronter, de mettre les enfants en contact avec des œuvres picturales, de l'art du Van Gogh, du Picasso, des choses souvent du figuratif. Pas d'abstrait, surtout pas avec ce type d'enfant. Des choses, des paysages. Par exemple, j'ai des tableaux qui illustrent les différentes saisons avec différents tableaux de maîtres de la peinture occidentale. Une inspectrice me disait, ah oui, mais là, vous les surstimulez, ce type d'enfant, il faut qu'il y ait le moins de choses possibles au mur, le moins d'images possibles au mur. Bon, en même temps, aller dans la salle d'en face, c'est la tablette, aller dans la salle d'à côté, c'est le light panic, et sortir dans la rue, c'est la surstimulation, les lumières, les McDo, les machins, les publicités. Quand je parle aussi d'institutions malades, dans une société malade, les murs de la ville, c'est même pas qu'ils éduquent plus, c'est qu'ils rendent fou.

  • Speaker #2

    Vous venez d'entendre la première partie de l'entretien avec Sophia, pédopsychiatrie, la fabrique des barbares. Rendez-vous dans 15 jours pour la seconde partie. Vous pouvez retrouver les documents évoqués lors de l'émission ainsi que d'autres permettant de prolonger la réflexion sur notre site hereticlopluriel.fr Ce podcast est disponible sur toutes les plateformes d'écoute.

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