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Hérétiques

Pédopsychiatrie : la fabrique des barbares (2/2)

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42min |15/05/2024
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Description

Jusqu'ici cantonnés à des milieux jugés dépressifs ou nostalgiques, les discours alarmants sur le délabrement de nos sociétés se sont répandus. Ils sont maintenant cautionnés par le sommet de l'État, qui évoque ouvertement « l’effondrement" et la "décivilisation". C'est que les effets concrets en sont de moins en moins escamotables : chacun peut vivre, à sa petite échelle, la dégradation continue de ses conditions de vie et l'irruption, à présent quotidienne, d’une violence feutrée ou meurtrière.

L'univers médico-social est peut-être la pointe avancée de cette déliquescence, à la croisée de la "crise" de l'éducation, de l'avachissement de la psychiatrie, de la surenchère technologique, de la politique gestionnaire et du changement de nature de l'immigration. Les institutions de soin et d'éducation, censées former et accompagner des individus libres et responsables, deviennent progressivement des fabriques de barbares.

Sofia, animatrice, institutrice puis psychopédagogue expérimentée, décrit cette catastrophe permanente avec la justesse des praticiens de base pour en appeler à la renaissance de l’intérêt collectif et la fin de la bêtise savante.


heretiques.fr


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Hérétique est un podcast politique mêlant entretien et débat. Hérétique pour questionner les dogmes et les mythes. Hérétique parce que la politique n'est pas la religion. Hérétique parce que vouloir penser est toujours le début de la dissidence. Pédopsychiatrie, la fabrique des barbares,

  • Speaker #1

    seconde partie.

  • Speaker #0

    Et cette sorte de techno-solutionnisme, en fait, où on cherche dans la technique une solution systématique à tous les problèmes, et qui fait naître d'autres problèmes, on le trouve aussi dans la théorie. Vous parliez tout à l'heure de le blabla théorique, le recouvrement à l'aide de mots ronflants. qui recouvrent des pratiques qui sont complètement régressives. Est-ce qu'on retrouve ce type de techno-obsession dans la théorie qui ont cours dans les établissements que vous avez fréquentés ?

  • Speaker #1

    Oui, alors depuis un peu plus d'une dizaine d'années maintenant, il y a un mouvement très fort de lobby. qui a déroulé au sein du gouvernement, qui a une grande influence maintenant sur les autorités de santé, qui est le mouvement des comportementalistes, des cognitivo-comportementalistes. Un mouvement qui s'est développé aussi par rapport à toutes les dérives des orientations plutôt psychanalytiques, parce que je n'ai pas précisé, mais en général, 99% de ces structures, hôpitaux de jour, instituts médicaux éducatifs, ces SAD, se placent dans une orientation psychanalytique. C'est du flan, on l'a bien vu. c'est juste une pause, une posture. Mais ça ne recouvre aucune réalité autre que ravageuse, comme on a pu le décrire. Donc effectivement, des collectifs de parents qui se sont constitués, qui ont vu leur enfant régresser encore plus en étant hospitalisé en hôpitaux de jour. Il y a eu des choses discutables, effectivement. Par exemple, je ne vais pas rentrer dans ce débat qui est très polémique, la question du packing, de l'enveloppement dans du linge humide, une thérapie qui a été mise en place par le professeur de Lyon, développée en France par le professeur de Lyon, un psychiatre, qui s'en est pris plein la tronche, effectivement, parce que c'était assimilé à de la maltraitance pour certains enfants. Tout dépend comment ça a été fait. Moi, je ne peux pas en parler. Je ne préfère pas m'avancer parce que je n'ai eu qu'une fois cette expérience-là. Mais bon, voilà, des situations où on ne savait pas trop ce qu'on faisait avec leur enfant. Les parents récupéraient des enfants dans un état lamentable, encore pire que quand ils étaient entrés en hôpital de jour. Au bout de trois mois d'hôpital de jour, c'était encore pire. Et sont arrivés des États-Unis, donc ces méthodes comportementales de type ABBA, je ne sais plus l'acronyme, il faudrait peut-être le rechercher, je m'excuse. Donc méthode de quasi-dressage, on va dire, des enfants. Des méthodes qu'on dit éducatives, mais qui sont pour moi rééducatives. Alors pourquoi pas, effectivement, un autiste très régressé, moi j'entends la détresse d'une mère qui voudrait bien que son enfant apprenne juste à mettre ses chaussettes tout seul à 12 ans. Voilà, moi j'ai eu le cas d'une mère à la fin de la prise en charge, à la fin de l'année scolaire. Le lien s'était bien établi avec elle. On avait vraiment avancé ensemble, de façon quasiment clandestine par rapport à la direction et à la psychiatre en chef. Et elle me demandait conseil. Voilà, j'ai une institution à bas qui a une place pour mon enfant. Est-ce que vous pensez que je devrais le mettre ? Qu'est-ce que vous en pensez ? Parce que j'ai peur, parce que je ne sais pas. C'est un enfant qui était accompagné en classe quelques trois heures par semaine. Il avait trois heures de classe par semaine puisqu'on les inclut de plus en plus. C'est la société inclusive pour le meilleur et pour le pire. Il était accompagné par une AVS, une assistante en classe. qui venait d'une association privée, qui s'était montée par des parents et qui formait des AVS à leur pratique comportementaliste. Au lieu d'un recrutement classique d'AVS par l'éducation nationale, en gros, c'était ces jeunes filles qui étaient étudiantes en psychologie et qui accompagnaient ces enfants. Donc, elle trouvait que ce n'était pas mal ce que cette jeune fille faisait à l'école avec son enfant. Elle me disait, je vais le faire rentrer dans une institution où il sera pris en charge à 100% selon ces méthodes éducatives-là. J'étais embarrassée. En même temps, je voyais bien que ce qu'on faisait ici était d'une indigence quasi criminelle. En même temps, je n'ai pas trouvé d'autre réponse que Soyez vigilante, est-ce que votre enfant ne devienne pas un robot ? C'était un enfant qui était très humain, qui exprimait des émotions, qui était vivant. C'était pas non plus... un autiste très mutique ou catatonique. Il y avait un lien quand même. Il soutenait les regards. Donc voilà, j'ai rien trouvé d'autre à lui dire que, en tant que mère, soyez vigilante à ce qu'il ne devienne pas un robot. Pourquoi ? Parce que c'est des méthodes effectivement qui vont fonctionner à base de demandes, exécution de la demande, récompense. Donc là, on n'est pas loin du dressage d'un chien.

  • Speaker #0

    Et on est surtout dans une conception du soin qui a mis le lieu des fondamentaux de la psychanalyse, où le but n'est pas de rendre l'individu adéquat à sa société, mais de le rendre autonome.

  • Speaker #1

    Oui, là c'est fonctionnel. De rendre le gamin, et moi j'en ai vu des gamins qui sortaient, qui en venaient ou qui étaient pris en charge par ce type de méthode à 100% de leur temps, J'en ai croisé, c'est terrible. Ils vous disent bonjour, vous avez l'impression que c'est une intelligence artificielle qui vous parle. Il y a une prosodie, une bonjour madame, au revoir. Je veux, moi veux. Alors effectivement, les autistes ont ce qu'on appelle l'inversion des pronoms. C'est-à-dire qu'au lieu de dire je, ils vont dire tu. Tu ramasses en parlant d'eux, tu vas chercher, tu dors, tu manges. Alors qu'ils n'ont pas accès, ils ne s'identifient pas. Ils n'utilisent pas le pronom je. Alors là, ils utilisent le pronom je, il n'y a pas de problème. Mais c'est un robot qui vous parle. C'est dur à voir. Et en même temps... L'enfant, il arrive à faire certaines choses. Donc moi, de ma position de pédagogue, qui je suis pour dire à une mère... Non, laissez-le. Jusqu'à 18 ans, il ne saura pas faire ses lacets, dire bonjour, rentrer dans une salle sans s'effondrer.

  • Speaker #0

    On peut retrouver, si je peux faire un parallèle un peu audacieux, la chose dans le monde juridique, où on se retrouve en face d'un chaos judiciaire, où on ne sait pas du tout quelles vont être les sanctions. On a toujours régulièrement des faits divers qui se concluent par des non-lieux ou par des... des relax ou des peines qui sont complètement disproportionnées. Et on a aussi l'effet inverse, c'est-à-dire des actes qui sont délictueux mais ridicules et qui sont sursanctionnés. Et en réalité, il y a un refus, c'est comme s'il y avait un refus dans toute la société d'affronter la difficulté à juger, mais en très général, à juger les choses. La psychanalyse, même la thérapie en général, ça fait partie de ce que Freud appelle les métiers impossibles. Le métier de thérapeute, de politique et d'éducateur, c'est-à-dire on prend la personne et on tente de la mener à un niveau d'autonomie tel que ce soit capable de se passer de nous. C'est extrêmement difficile, extrêmement délicat, c'est un métier impossible d'après eux. Et plutôt que d'affronter cette difficulté, on retombe dans des solutions de facilité où on simplifie à l'extrême.

  • Speaker #1

    Oui, ça devient une question de technique. Voilà. Il y a un mode d'emploi. Moi, j'ai vu des instituts médicaux, médicaux éducatifs dans lesquels je suis aussi intervenu. de façon très courte dans la durée, parce que je me suis tirée très rapidement, c'était infernal. Je suis arrivée, j'ai eu deux psychologues en face de moi, deux femmes, donc c'était une gynécée encore, là, que des nanas. Elles m'ont présenté chaque cas d'enfant. J'avais un classeur d'une trentaine de pages, conduite à tenir, avant la crise, pendant la crise, mode d'emploi. Je vous assure, c'était un mode d'emploi pour chaque gamin. avec l'histoire des renforcateurs, s'il fait ça, lui donner ça, s'il fait ci, le priver de ça.

  • Speaker #0

    Oui, il y a un milieu.

  • Speaker #1

    Alors entre la psychanalyse effectivement qui cherche l'émergence du sujet, qui est dans des dérives catastrophiques. entre le mode d'emploi, une chose très complexe, et sur la durée, c'est long. C'est un travail qui est long, qui est lent, qui est fait d'avancées, de régressions. Là, vous mettez votre gamin dans une structure à bas, effectivement, il est... Les progrès sont miraculeux, extraordinaires en trois semaines.

  • Speaker #0

    C'est une mouvante balancier parce qu'aujourd'hui, il n'est plus question de remettre en cause les parents. Alors que la psychanalyse, ou même les thérapies groupales, par définition, impliquent toute la totalité des acteurs autour. Il y a eu un grand moment depuis une dizaine d'années, effectivement, de basculement, où il y a un refus de culpabiliser les parents, de culpabiliser la mère. Et on considère que le problème de l'autiste est dû à l'autiste et que ça n'a rien à voir avec l'environnement de la famille.

  • Speaker #1

    Oui, mais c'est un mouvement de balancier extrême parce qu'on ne pose plus la question en termes de culpabilité. C'est très bien, je me souviens du livre de Bethelheim, La forteresse vide. C'était une violence inouïe pour... pour les parents et surtout pour les mères, mais on est passé à c'est une question de gêne, c'est une question de machin, donc plus de responsabilité. Entre culpabilité et responsabilité, il y a un monde. C'est celui de l'apparition du sujet qui s'oppose. Oui, là j'ai merdé, là j'ai pas merdé. Enfin, j'en sais rien. Ou c'est du fait de mon histoire. Ou c'est-à-dire qu'il n'y a plus besoin d'autoreflexivité. En gros, réfléchir sur soi-même, ce qu'on a mis en place, pourquoi on a voulu cet enfant, pourquoi... qu'est-ce qui s'est passé ? Enfin bref, quelque chose d'humain, mais qui reste une responsabilité. Là, on a trouvé la cause, c'est les pesticides, c'est la D-PATKIN, je ne sais plus quel nom de médicament, qu'on met aussi en cause comme hypothèse de source de développement de spectrosystiques. ou autre chose.

  • Speaker #0

    Vous avez un discours qui n'implique pas du tout un manque de moyens, alors que c'est une revendication qu'on entend sourdre de toute la société. Tous les secteurs de la société racontent qu'il y a un manque de moyens. Dès qu'il y a un moindre problème, les paysans ont balance des milliards, les gilets jaunes ont balance des milliards. Il ne faut rien résoudre. Quel est votre point de vue quant au manque de moyens du monde médico-social ?

  • Speaker #1

    Là, on risque de faire hurler... Les éducateurs, effectivement, il y a énormément de moyens. Tant en termes de masse salariale, pour parler comme un patron, il y a énormément de personnel. C'est des équipes, c'est pas moins de 20-30 personnes pour l'accueil d'une trentaine d'enfants, avec des séances, des demi-journées, où ils sont 8-10 maximum sur la structure. Donc 20 personnes pour 8 enfants présents. par demi-journée. C'est des réunions, à un moment j'étais enseignante référente, donc enseignante référente c'est un poste à cheval entre l'éducation nationale et la maison des handicapés, la MDPH, qui gère les dossiers des enfants, la mise en place des aides, etc. Je me suis retrouvée dans des réunions où on était pas moins de 30 personnes. psychologues, médecins psychiatres, instituteurs, enfin, ou professeurs, professeurs principaux quand c'était des collégiens. Énormément de monde. Donc, au-delà du coût, du coût en termes de salaire, toutes ces personnes qui étaient là, pour trois personnes qui allaient parler en trois heures de réunion. C'était toujours les quatre, cinq personnes qui allaient s'exprimer, toutes les autres, elles étaient là. Bon, elles faisaient leurs heures, il n'y a pas de problème. Vous imaginez, donc c'est des réunions où les jeunes ou les enfants sont conviés à être présents. Vous imaginez l'effet sur un gamin. Il y a 30 personnes là qui, pendant 3 heures, discutent de mon cas. Donc soit je suis super important, imaginez le schizo, il est le centre du monde, tout vient de lui, ou j'en sais rien, une pathologie où déjà le gamin est dans la toute puissance. Ou au contraire, un gamin qui doit se dire, je dois être sacrément malade pour que... Pour qu'on s'occupe autant de moi, je dois vraiment être barrée. Je veux vraiment avoir un gros problème. Alors que des fois, c'est vraiment, comme je disais tout à l'heure, des problèmes non pas psychiatriques, mais psychologiques bénins qui pourraient se régler ailleurs. Et simplement. Donc énormément de moyens. Il faut savoir que dans les hôpitaux de jour, la plupart du temps, les enfants viennent en taxi. Donc ça, c'est pris en charge à 100% par la Sécurité sociale. Au point que certaines fois, les parents ne sont pas contents parce que le taxi est en retard. Le boulot du cadre dans un hôpital de jour, ça fait en grande partie gérer le planning des taxis. Donc il a ses tableaux Excel, il est content, il rentre ses horaires, ses prises en charge, etc. Donc des gens qui peuvent être là aussi et ne rien faire, puisqu'on est très nombreux pour pas grand monde. Je parlais de l'engagement tout à l'heure, moi j'ai vu des infirmières, c'était une caricature du sketch des inconnus. Alors ça m'arrache un peu la tronche de le dire. La plupart du temps c'était des immigrés ou des descendants d'immigrés, des antillaises, qui pouvaient passer devant un gamin prostré qui était là dans le couloir depuis deux heures, et même pas lui adresser un regard, et se diriger vers son bocal. et faire ses recherches sur les soldes ou son prochain billet d'avion pour le bled ou j'en sais rien. Donc quand je parlais d'engagement tout à l'heure, il y a aussi tout ce côté humain, il ne suffit pas de grand chose, un gamin qui est prostré dans un couloir, juste se mettre à sa hauteur, le regarder, il peut se passer un truc de quelques secondes, et t'as fait le boulot, t'as pas fait une révolution mais t'as fait bouger quelque chose. Non, là, il pouvait passer, ne pas les regarder, ou faire pchit, enfin, encore lui.

  • Speaker #0

    Mais en fait, vous décrivez un monde qui se rapproche de plus en plus du tiers-monde, c'est-à-dire des institutions qui ne marchent plus, auxquelles plus personne ne croit. Il n'y a plus de notion d'intérêt commun.

  • Speaker #1

    Non, il n'y a plus d'intérêt commun. Il n'y a plus que des gens, je vous dis, qui font leur petite niche là, leur petite carrière, qui ne sont pas dérangés. C'est un boulot, si vous n'êtes pas dérangé, vous n'avez rien fait. Vous avez traversé l'hôpital. L'hôpital de jour, vous auriez pu travailler dans une banque, ça aurait été pareil. Moi, ça m'a fait bouger. Les premières expériences, notamment, ont été extrêmement douloureuses et m'ont fait avancer sur des choses, m'ont permis de comprendre d'autres choses, tant de par ce que les enfants malades vous renvoient que l'équipe.

  • Speaker #0

    C'est un engagement intime.

  • Speaker #1

    Oui, et quand on est présent, ce n'est pas du présentiel. C'est une réelle présence. Donc voilà, on parlait tout à l'heure des supervisions, je vous le disais, 520 euros les deux heures. Vous imaginez ? Autre exemple, moi, le dernier poste que j'ai occupé, dernier poste en date, j'étais payée pour travailler 28 heures. Je pouvais avoir des semaines et ça a été la constante. Sur les neuf mois où je suis intervenue dans cette structure privée, donc avec cette directrice... castratrice, omniprésente, qui a recruté ses cousins libanais, etc. Tout un trafic de prise en charge, elle traficotait le nombre de gamins qui étaient pris en charge. Du coup, elle avait les sous de la sécu tombés. C'était de la corruption, même pas voilée. C'était quasiment assumé. Et quoi ? Moi, j'étais payée 1 700 euros pour faire 28 heures. En gros, j'ai eu un élève, 30 minutes. par semaine. Donc évidemment, j'ai fait remonter, comme on dit, à ma noble hiérarchie. Tout ça, mais il ne s'est rien passé. Alors ces structures, elles commencent à être mises... On commence à les inspecter un petit peu plus. Et notamment, il est question de retirer les enseignants de ces endroits-là. Oui, tu parles. Moi, on me payait 28 heures, je travaillais 30 minutes, j'étais pas bien.

  • Speaker #0

    Et quel est le rôle de l'immigration dans tout ce mécanisme que vous avez évoqué ? En partie, il y a une partie des patients, des enfants qui sont issus de migration, donc ça pose des problèmes particuliers, y compris, et aussi, d'un autre côté, dans la hiérarchie, on a des gens qui, effectivement... travailler ici comme on travaille dans le tiers-monde. Le post-modernisme rejoint le pré-modernisme. Quel est pour vous l'impact de l'immigration ? Comment vous voyez l'interaction entre la pédopsychiatrie et l'immigration ?

  • Speaker #1

    Dans les structures dans lesquelles j'ai travaillé, c'était à 80% des enfants issus de l'immigration, soit récentes, soit de deuxième génération. La plupart du temps, j'ai eu beaucoup de cas d'enfants consanguins, issus d'unions consanguines. Là aussi, on n'interroge pas, c'est très mal vu, même en réunion entre nous, entre soignants, d'interroger le fait qu'une mère qui a déjà trois enfants... pris en charge en psychiatrie, en pédopsychiatrie, pour des troubles sévères, des maladies mentales sévères, vraiment des trucs lourds, voire des maladies génétiques type trisomie, qui enchaînent la quatrième grossesse allègrement avec son cousin. Ça ne s'interroge pas. C'est du racisme. Ce n'est pas du racisme, en tous les cas. Je n'ai pas jugé de la volonté du désir d'enfant de cette femme. Je n'ai pas interrogé le fait qu'elle se soit mariée avec son cousin. Les psychiatres sont des médecins. Ce que je leur raconte, moi je suis un stit, ils savent très bien, ils ont fait de la génétique. C'est un secret de polychinelle que les mariages consanguins... Le risque est multiplié par je ne sais pas combien d'avoir un enfant.

  • Speaker #0

    Pour le coup, la scène barbarique est couverte par la théorie de l'attachement et tout ce que vous racontiez auparavant. C'est-à-dire qu'on déculpabilise les mères, on refuse de responsabiliser les parents, on ne sait qu'accompagner, etc.

  • Speaker #1

    C'est cohérent. C'est très cohérent. Il y a aussi la question de... Maurice Barger a écrit un livre il y a quelques années très intéressant là-dessus sur la séparation. La séparation dans le milieu pédopsychiatrie ou de l'ASE, l'aide sociale à l'enfance, et toutes les polémiques auxquelles ça donnait lieu de placer ou non un enfant, de le séparer de sa famille. Il y a un truc, moi, en pédopsychiatrie qui m'a passablement énervée, et que je n'ai pas retrouvé à l'éducation nationale d'ailleurs. Pour le coup, c'était un point positif au sein de l'éducation nationale, c'est-à-dire que nous, le boulot, les instituts, on le faisait, les signalements. Et souvent on disait mais il faut enlever cet enfant de cette famille, il est battu, il est maltraité, le père est alcoolique, ou la gamine à la 6 ans elle est voilée, ou des cas de maltraitance physique ou psychique, les insistes en général, souvent ça vient de l'école les signalements. Là, il y avait un truc, c'était la sacro-sainte alliance avec les familles. Sous prétexte encore d'un truc, un nom pompeux, on appelle ça la systémique. On travaille le système, la cellule familiale. C'est presque religieux comme truc, c'est-à-dire que c'est la famille, c'est l'unité, la cellule première de la société. On n'y touche pas.

  • Speaker #0

    Ce n'est peut-être pas faux théoriquement, mais ça a plutôt l'air d'être l'occasion de ne rien faire.

  • Speaker #1

    De ne rien faire, de se décharger, là encore, de se désengager. On parlait d'engagement, là c'est une façon de se désengager. Le boulot, on ne va pas mettre le gamin dans une institution où ça va être un éducateur, une équipe qui va devoir s'en occuper 24 heures sur 24, mais on va le laisser dans sa famille, on va l'accueillir deux ou trois fois par deux heures par semaine. Il y a ce qu'on appelle les VAD, les visites à domicile qui vont être mises en place. Il y a des fois, ce n'est pas possible les visites à domicile parce que c'est des familles tellement déstructurées que ce n'est pas possible. Mais bon, on rationalise ça encore une fois en disant oui, mais le lien entre l'enfant et sa famille, c'est important. Mais l'enfant, il est en train d'être bousillé là. On le voit, il n'y a pas besoin d'être devin. Là, vous allez faire un psychopathe, c'est un enfant battu. Il va battre quelqu'un, dès qu'il aura la force physique, il ira défoncer quelqu'un, je ne sais pas, ou agresser quelqu'un dans la rue. Il y a une fabrique du psychopathe là, pour moi. On voit tout venir, on voit tout arriver, on a tous les éléments, toutes les pièces du puzzle sont là. Et on laisse faire et on recouvre ça d'un discours aussi de ce que Daniel Siboni, que vous avez reçu je crois au sein de cette émission, appelle la culpabilité narcissique. C'est-à-dire qu'il y a un excusissement hallucinant. C'est-à-dire qu'on excuse à peu près tout au nom de la culture qui est différente, au nom de l'altérité qu'on dénie, qu'on ne veut pas affronter.

  • Speaker #0

    Ou qu'on refuse de reconnaître comme responsable d'elle-même. Oui. Toutes ces défauts, c'est ça la culpabilité narcissique, toutes ces défauts vont être attribués à notre comportement. Nous avons été mauvais, nous sommes mauvais, nous recevons mal les gens, nous soignons mal, etc. Donc c'est notre faute. Par contre,

  • Speaker #1

    toutes les qualités sont reconnues et ne relèvent pas de nous, entre guillemets, blancs, ou de la science du blanc. Par exemple, la question de l'ethnopsychiatrie. Si vous savez ce que c'est, l'ethnopsychiatrie, c'est une théorie élaborée par Georges Devereux, de mémoire après la Seconde Guerre mondiale. Lui a fondé cette théorie en disant qu'il y a énormément de pathologies qui sont dues à l'exil, à l'expérience de l'exil. Que c'est une expérience traumatique, et c'est vrai, que c'est une expérience traumatique et que... Pour soigner ces personnes, il faut prendre en compte leur culture. Donc on était dans ce que Lagrange appelle le déni des cultures, là on n'était pas là-dedans. On admettait qu'il y avait des cultures différentes.

  • Speaker #0

    Et qu'ils façonnent les psychismes.

  • Speaker #1

    Voilà, qu'ils façonnent les psychismes. Alors là, ça commence à être confirmé de plus en plus par des études statistiques, des prévalences plus importantes en fonction du pays d'origine, de l'ethnie ou de la culture d'origine. On sait par exemple qu'il y a plus de cas de schizophrénie chez les Antillais. Georges Devreux échafaude toute une théorie à propos de ça, mais ne la met pas en pratique à ma connaissance. En tous les cas, ne la met pas en pratique en France. Et c'est plus tard, Taubinathan qui ouvre le premier lieu de consultation en France dans les murs d'une université, en l'occurrence Paris VIII, Paris VIII Saint-Denis, Saint-Denis-Vincennes. C'est la première expérience en France, il n'y en a jamais eu. Et donc, il met en place ce qu'on appelle les consultations transculturelles.

  • Speaker #0

    C'est très intéressant, vous avez assisté à ce genre de choses.

  • Speaker #1

    Alors moi j'ai assisté à cinq séances autour d'un enfant que je suivais dans un hôpital de jour. Et c'était, là encore, les bras m'en sont tombés parce que moi j'avais des a priori plutôt positifs. Je me disais enfin, parce que jusqu'ici le discours c'était... soit on était dans le déni de la culture, soit on ne prenait pas ça en compte, ou on s'aidait à toutes les demandes des parents. Un repas thérapeutique, il y a une maman qui dit mon enfant ne mange pas de viande, c'est un repas collectif et thérapeutique, si, il va manger de la viande. Non, en face, la psychiatre ne tient pas. Oui, non, il ne mange pas de viande, il fait des crises classiques pendant le repas, débrouillez-vous. Bon, parenthèse. Donc, j'ai assisté à une séance avec un enfant autiste de 16 ans, non-verbal, qui marchait sur la pointe des pieds, enfin qui avait toutes les stéréotypies d'un autiste sévère. 16 ans, malien. La mère malienne qui l'élevait toute seule. Il avait une petite sœur de 15 ans, je crois, oui, qui avait 15 ans. Et donc tout ce beau monde se réunit, une trentaine de personnes, traducteurs de Soninke, sociologues, psychologues, il y avait des gens, je ne savais même pas c'était quoi leur fonction. des gens diplômés, d'autres non, mais qui avaient peu ou prou en lien avec la culture d'origine de cette dame. Tout cela sous l'égide d'une psychologue patronesse qui accueille tout ce beau monde. Et donc cette femme, la mère de cet enfant, Mamadou en l'occurrence, commence à exprimer les choses sur son enfant en français. Elle est tout de suite interrompue. Une psychologue interrompt quelqu'un qui commence à parler. Déjà, ça me défrise un peu. Ça me gêne beaucoup. Elle l'interrompt, elle lui dit Non, non, vous parlez en soninke La femme parlait français relativement correctement. Elle avait un accent, elle cherchait ses mots, mais elle faisait l'effort de parler français et c'était important pour elle. Donc nous, on était là avec l'équipe de jour. Tous les entretiens qu'on a eu avec cette femme, c'était en français, ça se passait bien. Bon bref, la dame patronesse psychologue, la couple, elle lui dit Non, non, vous parlez en soninke Autre parenthèse, le traducteur Soninke est payé 300 euros la séance. Donc il faut bien l'utiliser à bon escient, même si bon, il pourrait dormir aussi. Elle explique très bien en quoi l'hôpital de jour a fait progresser son enfant. Là pour le coup, je vous le dis, c'est dans cet hôpital de jour où j'ai très bien travaillé avec une équipe motivée et impliquée. L'enfant a appris à faire ses lacets, a appris à faire quelques... enfin le jeune a appris quelques gestes d'autonomie dans la vie quotidienne. De la vie quotidienne et la mère en est satisfaite. Elle explique que tout au long du parcours de cet enfant, il a été voir le père qui est en Afrique, qui fait des va-et-vient, qui a plusieurs femmes, qui ne vit plus avec eux, a imposé à la mère d'aller voir un sorcier, que le sorcier en Afrique ça a été catastrophique, et que l'hôpital de jour, ça avait été quand même le jour et la nuit par rapport à ce que le sorcier avait fait à son enfant. Qu'elle était très malheureuse de voir que son enfant avait souffert et qu'elle le voyait souffrir même pendant la séance de désenroutement. C'était une souffrance pour elle de voir son enfant ainsi manipulé par un homme. ce sorcier et là de nouveau la dame patronesse la coupe en lui disant non non le sorcier c'est bien vous pouvez pas dire que l'hôpital de jour c'est mieux non mais ça se tient c'est une façon de soigner aussi il a soigné votre enfant aussi donc avec un discours d'hyper idéalisation de la pratique de ce sorcier que la mère elle même dénonçait enfin il disait avoir vécu comme une souffrance, au-delà des effets nuls de cette pratique.

  • Speaker #0

    C'est une assignation identitaire, chimiquement pure.

  • Speaker #1

    Complètement. Moi, ça m'a révoltée. J'en ai rediscuté ensuite avec la mère. On a repris les choses. J'en avais besoin. Mais c'est une assignation identitaire. Et c'est terrible parce que c'est plus soigné.

  • Speaker #0

    à partir d'éléments culturels de la personne, en prenant en compte les éléments culturels de la personne, mais avec les thérapies de la culture d'origine.

  • Speaker #1

    Donc c'est l'enfermer en fait dans son univers culturel. Voilà. Alors qu'elle est immigrée ici, peut-être que la mère a envie de France, a envie de parler français, a envie que son enfant devienne français, a envie qu'elle demande quelque chose en venant.

  • Speaker #0

    C'est une anecdote, la petite sœur de Mamadou commençait à frayer avec l'islam radical. portait le voile noir. La mère était catastrophée, voulait pas que sa fille, voulait qu'elle finisse censée appeler de coiffeuse. Là aussi, non, mais c'est une façon de retrouver ses racines. La mère expliquait très bien que c'était pas son islam à elle, qu'elle avait jamais pratiqué ce type d'islam-là, que ça lui faisait peur, qu'elle vivait ça comme une façon... Enfin, elle culpabilisait aussi parce qu'elle se disait ma fille a été trop investie dans son rôle d'aide auprès de son frère. C'était une maman aussi, encore une fois, qui voulait se séparer de son enfant pour son bien à elle, pour le bien de sa fille et pour le bien de l'enfant. Elle attendait une place en institution en Belgique, en l'occurrence. Elle était très volontaire et très investie pour que son enfant puisse partir en Belgique. Elle lui faisait faire régulièrement ce qu'on appelle des séjours de répit, c'est-à-dire une semaine à la campagne en province, dans une institution spécialisée. Donc voilà, une mère qui était... partante pour s'intégrer, partante pour avancer, on la laisse un peu dans sa merde et on lui dit que sa merde, elle est bien. Pardonnez-moi le vocabulaire, mais c'est des choses qui m'ont proprement révoltée.

  • Speaker #1

    Ici encore, on rationalise un comportement régressif qui est le communautarisme. C'est ça. Tout simplement. Et avec une discipline qui pourtant est très prometteuse, l'ethnopsychiatrie est passionnante dans son ambition, et profondément existentielle. Est-ce que le psychisme est le même de culture en culture ? Jusqu'où il y a des différences ?

  • Speaker #0

    Attends, il a réglé la question. Les psychismes sont différents. Le deep, c'est du n'importe quoi. Ça n'existe pas, le complexe de deep. Ha ha ha, il y a une étude danoise qui a demandé à des enfants maternels avec qui ils aimeraient se marier. 80% ont répondu avec mon copain de classe. Donc, ils n'ont pas répondu avec mon papa ou avec ma maman. Donc, il n'y a pas de deep. L'argument scientifique décisif.

  • Speaker #1

    On est au niveau zéro de la réflexion.

  • Speaker #0

    Convoqué par Toby Nathan pour dire... Toby Nathan, il soigne les schizophrènes en leur expliquant qu'il y a une instance extérieure qui leur en veut, effectivement. Donc on va convoquer un sorcier, on va attraper son ennemi extérieur. Il a une entité extérieure qui lui en veut. Et c'est pour ça qu'il entend des voix, lui parle. Et c'est pour ça qu'elle lui dit de faire des choses. Mais on va en convoquant encore un thérapeute.

  • Speaker #1

    Mais ça peut être efficace, pourquoi pas ?

  • Speaker #0

    Moi je pense que pour un schizophrène ça peut être ravageur. D'accompagner ces formes de crise schizoparanoïde en lui disant que tout ça vient de l'extérieur, ça le déresponsabilise totalement. Il n'est plus sujet de sa maladie, il n'est plus qu'objet d'une instance extérieure. La généalogie de la famille Nathan, c'est des rabbins, comment on appelle ça, thérapeutes. C'est pour moi une très grande régression aussi d'une discipline qui était très prometteuse, comme vous disiez, et qui rejoint là encore, on retourne sur des formes traditionnelles de pratiques dites thérapeutiques qui sont extrêmement violentes. Pour des gens qui sont peut-être dans un processus d'assimilation, dans certains cas, c'est la médecine musulmane. C'est des séances de désenroutement, parce que la gamine a 16 ans, elle commence à avoir une libido, elle va avoir un petit copain. On ramène le sorcier et on le limite, on met dans une posture de quasi-viol collectif, cette gamine. Vous voyez comment ça peut aussi faire le lit du développement de certaines pratiques. problématique, pour le moins.

  • Speaker #1

    Et finalement, est-ce que vous avez suivi des enfants qui sont passés par ces institutions et que vous avez vu régresser ou ne pas progresser au mieux dans leur parcours de soins ? Qu'est-ce que vous avez eu devant sur ce qu'ils sont devenus ou leur parcours ?

  • Speaker #0

    Alors... Pas tellement. J'en ai pas suivi, pour tout vous avouer, dans l'après.

  • Speaker #1

    Notamment, je pense à des primo-délinquants ou des jeunes qui étaient destinés psychologiquement à la délinquance ?

  • Speaker #0

    Alors, je sais que...

  • Speaker #1

    Vous étiez déjà engagée là-dedans ?

  • Speaker #0

    Oui. Je sais qu'il y a des jeunes que j'ai eus qui étaient déjà... qui étaient en cours de procédure judiciaire pour des faits de délinquance, de violences sur personnes notamment, qui étaient emprisonnés après. Donc les faits devaient être graves puisque depuis la réforme Belloubet, les peines inférieures à un mois, ça aussi c'est catastrophique comme réforme.

  • Speaker #1

    Là aussi on est dans l'absence de limites.

  • Speaker #0

    Oui. Les magistrates c'est aussi beaucoup des gynécées. La magistrature c'est beaucoup des femmes.

  • Speaker #1

    Vous avez évoqué les gynécées et vous voyez un manque de mixité dans les équipes.

  • Speaker #0

    Oui. Et ce n'est pas tant un problème de manque de mixité. Il se peut que dans une équipe, il n'y ait que deux hommes, ou peut-être qu'un seul, ou même pas du tout. Là, c'est quand même problématique quand il n'y en a pas du tout. Mais cette fonction... Cette fonction paternelle peut être...

  • Speaker #2

    Pardon, c'est quoi Ginésie ?

  • Speaker #0

    C'est que des femmes. C'est un groupe, dans la Chilé grecque, c'était un lieu où il n'y avait que des femmes. Effectivement, des équipes où il n'y a que des femmes, où un seul homme qui va souvent être castré, qui va devoir être une mère parmi les mères, et occuper une fonction maternante. Moi, souvent dans ces équipes-là, d'ailleurs, j'occupais une fonction paternelle. Symbolique. Les gamins étaient à la limite de m'appeler monsieur. J'incarnais la loi et j'en prenais plein la figure souvent parce que je voulais poser des sanctions. Alors c'est toujours très délicat, ça se discute avec des enfants de ce profil-là. Avec d'autres, ça ne se discutait pas. Je voyais très bien que l'enfant était en capacité de comprendre la sanction et d'en faire quelque chose. Et elle était importante à poser. Maintenant, on parlait tout à l'heure du rapport à la loi, mais c'est pareil dans le traitement de la délinquance aujourd'hui. où on a aussi comment il s'appelle qui parlait de Big Mother Big Mother Michel Schneider où toutes les institutions même dans celle dans laquelle il peut y avoir des hommes, c'est la mamelle. C'est la mamelle maternante, c'est la mamelle nourrissante, c'est la cave qui tombe, les aides sociales, on enveloppe les gens, on les prend. Tout est fait en sorte pour qu'ils soient dans leur petit utérus, tranquilles, et qu'ils ne rencontrent jamais la loi. Et les conséquences de la transgression de la loi. Maurice Berger en parle très bien je vous renvoie vraiment à ses écrits parce qu'il en parle mille fois mieux que moi qui est un peu encore évasif mais moi je trouve ça terrible qu'un enfant qui en acte, ou qu'un jeune qui en acte demande une sanction, demande à être arrêté et on lui dit, bah continue le message envoyé par l'institution judiciaire dans 80% des cas aujourd'hui, c'est tu viens de violer une femme Bon, t'as pas les codes, tu viens d'une culture différente, au mieux on va te mettre un petit bracelet électronique et puis tu te promèneras avec et tu continueras de violer. au pire, tu vas faire des travaux d'intérim généraux. C'est primordial que ces jeunes rencontrent à un moment donné dans leur vie la loi, et une loi qui soit compréhensible, qui soit liée et proportionnelle aux actes commis, à la transgression commise, et qui rencontre autre chose que la violence d'un système. Puisque pour moi, le maternage, ça va peut-être vous choquer, Mais le quasi inceste féminin envers les enfants ou les jeunes dans les postures maternantes abusives et pulsionnelles dégoûtantes, pour moi c'est presque aussi violent qu'une violence physique paternelle. C'est-à-dire que des gamins, là encore Maurice Berger en parle très bien, les jeunes africains qui sont souvent des enfants battus par leur père africain. qui n'ont jamais rencontré qu'une loi arbitraire, indiscutable ou incohérente, des figures incohérentes dans l'exercice de leur autorité, qui puissent rencontrer à un moment une loi rationnelle, comme je disais tout à l'heure, où les actes sont sanctionnés proportionnellement aux délits commis, c'est très important et ça a des effets extrêmement positifs. C'est-à-dire que ce sont... Là encore, on fabrique un barbare si on ne le fait pas.

  • Speaker #1

    C'est la phrase de Gérard Mandel, celui qu'on empêche de grandir, il ne reste plus que d'élire. Et on se retrouve aujourd'hui avec des armées de djihadistes, des jeunes qui cherchent la loi et qui la trouvent dans la mort finalement, qui est l'ultime limite.

  • Speaker #0

    Un espace très structurant pour ces jeunes-là, s'ils ont des chances de s'en sortir et de ne pas être pavris complètement dans la délinquance. ou l'autodestruction, parce que ça peut être des toxicomanes, des SDF, des craqués, ils sont tous passés par des institutions du type de celles que je décris, ils peuvent aussi rencontrer la mosquée du coin qui va extrêmement les cadrer, qui va leur faire énormément de bien, et un jour, quelqu'un d'un peu plus malin que dans cette mosquée, leur mettra une ceinture autour de la taille. Et paf quoi.

  • Speaker #1

    C'est pour ça qu'aujourd'hui on se retrouve avec des terroristes entre guillemets qui sont diagnostiqués déséquilibrés. Et on a un micmac entre l'engagement dans la religion et le déséquilibre psychiatrique. Les deux sont très vrais et c'est très certainement des jeunes qui sont passés par le type d'institution que vous avez décrit.

  • Speaker #0

    Mera c'était le cas, Némouch c'était le cas, c'est le cas d'énormément de terroristes. Ils sont tous plus ou moins passés par l'aide sociale à l'enfance. Ils ont tous été à un moment donné signalés que ce soit par une instit, une assistante sociale, voire fait des tout petits séjours en centre éducatif fermé ou des choses comme ça.

  • Speaker #1

    Donc là, pour le coup, on a des jeunes pour qui la notion d'institution a été complètement discréditée. L'Occident apparaît comme un énorme vide à coloniser. Et si au début, ils n'étaient pas violents ou psychopathes, effectivement, d'après ce que vous avez décrit, les établissements les fabriquent.

  • Speaker #0

    les fabriquent en quelque sorte pour moi dans la mesure où ils n'ont jamais par culpabilité narcissique, mais aussi par confort, ou par fainéantise, ou par je-m'en-foutisme, ou par c'est trop dur, parce que c'est dur. Je ne voudrais pas non plus donner l'image de quelqu'un qui prend les gens de haut et qui dit que c'est facile. C'est extrêmement dur. Passer une heure dans une salle avec un psychotique, revenir me voir après, vous êtes en lambeau. C'est quand même... C'est très... D'où les supervisions. ces moments d'analyse collective pour déposer des choses. Mais le travail n'est pas simple, je ne suis pas en train de dire qu'il suffirait d'eux, qu'il y aurait cas. Je dis simplement, oui, là où il y a une demande explicite de limite, il faut y répondre, c'est primordial d'y répondre.

  • Speaker #2

    Vous venez d'entendre la dernière partie de l'entretien avec Sophia, pédopsychiatrie, la fabrique des barbares. Rendez-vous dans 15 jours pour un nouvel entretien, la révolution culturelle de 1960 à 1990 avec Jean-Pierre Le Goff. Vous pouvez retrouver les documents évoqués lors de l'émission ainsi que d'autres permettant de prolonger la réflexion sur notre site heretico-pluriel.fr. Ce podcast est disponible sur toutes les plateformes d'écoute.

Description

Jusqu'ici cantonnés à des milieux jugés dépressifs ou nostalgiques, les discours alarmants sur le délabrement de nos sociétés se sont répandus. Ils sont maintenant cautionnés par le sommet de l'État, qui évoque ouvertement « l’effondrement" et la "décivilisation". C'est que les effets concrets en sont de moins en moins escamotables : chacun peut vivre, à sa petite échelle, la dégradation continue de ses conditions de vie et l'irruption, à présent quotidienne, d’une violence feutrée ou meurtrière.

L'univers médico-social est peut-être la pointe avancée de cette déliquescence, à la croisée de la "crise" de l'éducation, de l'avachissement de la psychiatrie, de la surenchère technologique, de la politique gestionnaire et du changement de nature de l'immigration. Les institutions de soin et d'éducation, censées former et accompagner des individus libres et responsables, deviennent progressivement des fabriques de barbares.

Sofia, animatrice, institutrice puis psychopédagogue expérimentée, décrit cette catastrophe permanente avec la justesse des praticiens de base pour en appeler à la renaissance de l’intérêt collectif et la fin de la bêtise savante.


heretiques.fr


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Hérétique est un podcast politique mêlant entretien et débat. Hérétique pour questionner les dogmes et les mythes. Hérétique parce que la politique n'est pas la religion. Hérétique parce que vouloir penser est toujours le début de la dissidence. Pédopsychiatrie, la fabrique des barbares,

  • Speaker #1

    seconde partie.

  • Speaker #0

    Et cette sorte de techno-solutionnisme, en fait, où on cherche dans la technique une solution systématique à tous les problèmes, et qui fait naître d'autres problèmes, on le trouve aussi dans la théorie. Vous parliez tout à l'heure de le blabla théorique, le recouvrement à l'aide de mots ronflants. qui recouvrent des pratiques qui sont complètement régressives. Est-ce qu'on retrouve ce type de techno-obsession dans la théorie qui ont cours dans les établissements que vous avez fréquentés ?

  • Speaker #1

    Oui, alors depuis un peu plus d'une dizaine d'années maintenant, il y a un mouvement très fort de lobby. qui a déroulé au sein du gouvernement, qui a une grande influence maintenant sur les autorités de santé, qui est le mouvement des comportementalistes, des cognitivo-comportementalistes. Un mouvement qui s'est développé aussi par rapport à toutes les dérives des orientations plutôt psychanalytiques, parce que je n'ai pas précisé, mais en général, 99% de ces structures, hôpitaux de jour, instituts médicaux éducatifs, ces SAD, se placent dans une orientation psychanalytique. C'est du flan, on l'a bien vu. c'est juste une pause, une posture. Mais ça ne recouvre aucune réalité autre que ravageuse, comme on a pu le décrire. Donc effectivement, des collectifs de parents qui se sont constitués, qui ont vu leur enfant régresser encore plus en étant hospitalisé en hôpitaux de jour. Il y a eu des choses discutables, effectivement. Par exemple, je ne vais pas rentrer dans ce débat qui est très polémique, la question du packing, de l'enveloppement dans du linge humide, une thérapie qui a été mise en place par le professeur de Lyon, développée en France par le professeur de Lyon, un psychiatre, qui s'en est pris plein la tronche, effectivement, parce que c'était assimilé à de la maltraitance pour certains enfants. Tout dépend comment ça a été fait. Moi, je ne peux pas en parler. Je ne préfère pas m'avancer parce que je n'ai eu qu'une fois cette expérience-là. Mais bon, voilà, des situations où on ne savait pas trop ce qu'on faisait avec leur enfant. Les parents récupéraient des enfants dans un état lamentable, encore pire que quand ils étaient entrés en hôpital de jour. Au bout de trois mois d'hôpital de jour, c'était encore pire. Et sont arrivés des États-Unis, donc ces méthodes comportementales de type ABBA, je ne sais plus l'acronyme, il faudrait peut-être le rechercher, je m'excuse. Donc méthode de quasi-dressage, on va dire, des enfants. Des méthodes qu'on dit éducatives, mais qui sont pour moi rééducatives. Alors pourquoi pas, effectivement, un autiste très régressé, moi j'entends la détresse d'une mère qui voudrait bien que son enfant apprenne juste à mettre ses chaussettes tout seul à 12 ans. Voilà, moi j'ai eu le cas d'une mère à la fin de la prise en charge, à la fin de l'année scolaire. Le lien s'était bien établi avec elle. On avait vraiment avancé ensemble, de façon quasiment clandestine par rapport à la direction et à la psychiatre en chef. Et elle me demandait conseil. Voilà, j'ai une institution à bas qui a une place pour mon enfant. Est-ce que vous pensez que je devrais le mettre ? Qu'est-ce que vous en pensez ? Parce que j'ai peur, parce que je ne sais pas. C'est un enfant qui était accompagné en classe quelques trois heures par semaine. Il avait trois heures de classe par semaine puisqu'on les inclut de plus en plus. C'est la société inclusive pour le meilleur et pour le pire. Il était accompagné par une AVS, une assistante en classe. qui venait d'une association privée, qui s'était montée par des parents et qui formait des AVS à leur pratique comportementaliste. Au lieu d'un recrutement classique d'AVS par l'éducation nationale, en gros, c'était ces jeunes filles qui étaient étudiantes en psychologie et qui accompagnaient ces enfants. Donc, elle trouvait que ce n'était pas mal ce que cette jeune fille faisait à l'école avec son enfant. Elle me disait, je vais le faire rentrer dans une institution où il sera pris en charge à 100% selon ces méthodes éducatives-là. J'étais embarrassée. En même temps, je voyais bien que ce qu'on faisait ici était d'une indigence quasi criminelle. En même temps, je n'ai pas trouvé d'autre réponse que Soyez vigilante, est-ce que votre enfant ne devienne pas un robot ? C'était un enfant qui était très humain, qui exprimait des émotions, qui était vivant. C'était pas non plus... un autiste très mutique ou catatonique. Il y avait un lien quand même. Il soutenait les regards. Donc voilà, j'ai rien trouvé d'autre à lui dire que, en tant que mère, soyez vigilante à ce qu'il ne devienne pas un robot. Pourquoi ? Parce que c'est des méthodes effectivement qui vont fonctionner à base de demandes, exécution de la demande, récompense. Donc là, on n'est pas loin du dressage d'un chien.

  • Speaker #0

    Et on est surtout dans une conception du soin qui a mis le lieu des fondamentaux de la psychanalyse, où le but n'est pas de rendre l'individu adéquat à sa société, mais de le rendre autonome.

  • Speaker #1

    Oui, là c'est fonctionnel. De rendre le gamin, et moi j'en ai vu des gamins qui sortaient, qui en venaient ou qui étaient pris en charge par ce type de méthode à 100% de leur temps, J'en ai croisé, c'est terrible. Ils vous disent bonjour, vous avez l'impression que c'est une intelligence artificielle qui vous parle. Il y a une prosodie, une bonjour madame, au revoir. Je veux, moi veux. Alors effectivement, les autistes ont ce qu'on appelle l'inversion des pronoms. C'est-à-dire qu'au lieu de dire je, ils vont dire tu. Tu ramasses en parlant d'eux, tu vas chercher, tu dors, tu manges. Alors qu'ils n'ont pas accès, ils ne s'identifient pas. Ils n'utilisent pas le pronom je. Alors là, ils utilisent le pronom je, il n'y a pas de problème. Mais c'est un robot qui vous parle. C'est dur à voir. Et en même temps... L'enfant, il arrive à faire certaines choses. Donc moi, de ma position de pédagogue, qui je suis pour dire à une mère... Non, laissez-le. Jusqu'à 18 ans, il ne saura pas faire ses lacets, dire bonjour, rentrer dans une salle sans s'effondrer.

  • Speaker #0

    On peut retrouver, si je peux faire un parallèle un peu audacieux, la chose dans le monde juridique, où on se retrouve en face d'un chaos judiciaire, où on ne sait pas du tout quelles vont être les sanctions. On a toujours régulièrement des faits divers qui se concluent par des non-lieux ou par des... des relax ou des peines qui sont complètement disproportionnées. Et on a aussi l'effet inverse, c'est-à-dire des actes qui sont délictueux mais ridicules et qui sont sursanctionnés. Et en réalité, il y a un refus, c'est comme s'il y avait un refus dans toute la société d'affronter la difficulté à juger, mais en très général, à juger les choses. La psychanalyse, même la thérapie en général, ça fait partie de ce que Freud appelle les métiers impossibles. Le métier de thérapeute, de politique et d'éducateur, c'est-à-dire on prend la personne et on tente de la mener à un niveau d'autonomie tel que ce soit capable de se passer de nous. C'est extrêmement difficile, extrêmement délicat, c'est un métier impossible d'après eux. Et plutôt que d'affronter cette difficulté, on retombe dans des solutions de facilité où on simplifie à l'extrême.

  • Speaker #1

    Oui, ça devient une question de technique. Voilà. Il y a un mode d'emploi. Moi, j'ai vu des instituts médicaux, médicaux éducatifs dans lesquels je suis aussi intervenu. de façon très courte dans la durée, parce que je me suis tirée très rapidement, c'était infernal. Je suis arrivée, j'ai eu deux psychologues en face de moi, deux femmes, donc c'était une gynécée encore, là, que des nanas. Elles m'ont présenté chaque cas d'enfant. J'avais un classeur d'une trentaine de pages, conduite à tenir, avant la crise, pendant la crise, mode d'emploi. Je vous assure, c'était un mode d'emploi pour chaque gamin. avec l'histoire des renforcateurs, s'il fait ça, lui donner ça, s'il fait ci, le priver de ça.

  • Speaker #0

    Oui, il y a un milieu.

  • Speaker #1

    Alors entre la psychanalyse effectivement qui cherche l'émergence du sujet, qui est dans des dérives catastrophiques. entre le mode d'emploi, une chose très complexe, et sur la durée, c'est long. C'est un travail qui est long, qui est lent, qui est fait d'avancées, de régressions. Là, vous mettez votre gamin dans une structure à bas, effectivement, il est... Les progrès sont miraculeux, extraordinaires en trois semaines.

  • Speaker #0

    C'est une mouvante balancier parce qu'aujourd'hui, il n'est plus question de remettre en cause les parents. Alors que la psychanalyse, ou même les thérapies groupales, par définition, impliquent toute la totalité des acteurs autour. Il y a eu un grand moment depuis une dizaine d'années, effectivement, de basculement, où il y a un refus de culpabiliser les parents, de culpabiliser la mère. Et on considère que le problème de l'autiste est dû à l'autiste et que ça n'a rien à voir avec l'environnement de la famille.

  • Speaker #1

    Oui, mais c'est un mouvement de balancier extrême parce qu'on ne pose plus la question en termes de culpabilité. C'est très bien, je me souviens du livre de Bethelheim, La forteresse vide. C'était une violence inouïe pour... pour les parents et surtout pour les mères, mais on est passé à c'est une question de gêne, c'est une question de machin, donc plus de responsabilité. Entre culpabilité et responsabilité, il y a un monde. C'est celui de l'apparition du sujet qui s'oppose. Oui, là j'ai merdé, là j'ai pas merdé. Enfin, j'en sais rien. Ou c'est du fait de mon histoire. Ou c'est-à-dire qu'il n'y a plus besoin d'autoreflexivité. En gros, réfléchir sur soi-même, ce qu'on a mis en place, pourquoi on a voulu cet enfant, pourquoi... qu'est-ce qui s'est passé ? Enfin bref, quelque chose d'humain, mais qui reste une responsabilité. Là, on a trouvé la cause, c'est les pesticides, c'est la D-PATKIN, je ne sais plus quel nom de médicament, qu'on met aussi en cause comme hypothèse de source de développement de spectrosystiques. ou autre chose.

  • Speaker #0

    Vous avez un discours qui n'implique pas du tout un manque de moyens, alors que c'est une revendication qu'on entend sourdre de toute la société. Tous les secteurs de la société racontent qu'il y a un manque de moyens. Dès qu'il y a un moindre problème, les paysans ont balance des milliards, les gilets jaunes ont balance des milliards. Il ne faut rien résoudre. Quel est votre point de vue quant au manque de moyens du monde médico-social ?

  • Speaker #1

    Là, on risque de faire hurler... Les éducateurs, effectivement, il y a énormément de moyens. Tant en termes de masse salariale, pour parler comme un patron, il y a énormément de personnel. C'est des équipes, c'est pas moins de 20-30 personnes pour l'accueil d'une trentaine d'enfants, avec des séances, des demi-journées, où ils sont 8-10 maximum sur la structure. Donc 20 personnes pour 8 enfants présents. par demi-journée. C'est des réunions, à un moment j'étais enseignante référente, donc enseignante référente c'est un poste à cheval entre l'éducation nationale et la maison des handicapés, la MDPH, qui gère les dossiers des enfants, la mise en place des aides, etc. Je me suis retrouvée dans des réunions où on était pas moins de 30 personnes. psychologues, médecins psychiatres, instituteurs, enfin, ou professeurs, professeurs principaux quand c'était des collégiens. Énormément de monde. Donc, au-delà du coût, du coût en termes de salaire, toutes ces personnes qui étaient là, pour trois personnes qui allaient parler en trois heures de réunion. C'était toujours les quatre, cinq personnes qui allaient s'exprimer, toutes les autres, elles étaient là. Bon, elles faisaient leurs heures, il n'y a pas de problème. Vous imaginez, donc c'est des réunions où les jeunes ou les enfants sont conviés à être présents. Vous imaginez l'effet sur un gamin. Il y a 30 personnes là qui, pendant 3 heures, discutent de mon cas. Donc soit je suis super important, imaginez le schizo, il est le centre du monde, tout vient de lui, ou j'en sais rien, une pathologie où déjà le gamin est dans la toute puissance. Ou au contraire, un gamin qui doit se dire, je dois être sacrément malade pour que... Pour qu'on s'occupe autant de moi, je dois vraiment être barrée. Je veux vraiment avoir un gros problème. Alors que des fois, c'est vraiment, comme je disais tout à l'heure, des problèmes non pas psychiatriques, mais psychologiques bénins qui pourraient se régler ailleurs. Et simplement. Donc énormément de moyens. Il faut savoir que dans les hôpitaux de jour, la plupart du temps, les enfants viennent en taxi. Donc ça, c'est pris en charge à 100% par la Sécurité sociale. Au point que certaines fois, les parents ne sont pas contents parce que le taxi est en retard. Le boulot du cadre dans un hôpital de jour, ça fait en grande partie gérer le planning des taxis. Donc il a ses tableaux Excel, il est content, il rentre ses horaires, ses prises en charge, etc. Donc des gens qui peuvent être là aussi et ne rien faire, puisqu'on est très nombreux pour pas grand monde. Je parlais de l'engagement tout à l'heure, moi j'ai vu des infirmières, c'était une caricature du sketch des inconnus. Alors ça m'arrache un peu la tronche de le dire. La plupart du temps c'était des immigrés ou des descendants d'immigrés, des antillaises, qui pouvaient passer devant un gamin prostré qui était là dans le couloir depuis deux heures, et même pas lui adresser un regard, et se diriger vers son bocal. et faire ses recherches sur les soldes ou son prochain billet d'avion pour le bled ou j'en sais rien. Donc quand je parlais d'engagement tout à l'heure, il y a aussi tout ce côté humain, il ne suffit pas de grand chose, un gamin qui est prostré dans un couloir, juste se mettre à sa hauteur, le regarder, il peut se passer un truc de quelques secondes, et t'as fait le boulot, t'as pas fait une révolution mais t'as fait bouger quelque chose. Non, là, il pouvait passer, ne pas les regarder, ou faire pchit, enfin, encore lui.

  • Speaker #0

    Mais en fait, vous décrivez un monde qui se rapproche de plus en plus du tiers-monde, c'est-à-dire des institutions qui ne marchent plus, auxquelles plus personne ne croit. Il n'y a plus de notion d'intérêt commun.

  • Speaker #1

    Non, il n'y a plus d'intérêt commun. Il n'y a plus que des gens, je vous dis, qui font leur petite niche là, leur petite carrière, qui ne sont pas dérangés. C'est un boulot, si vous n'êtes pas dérangé, vous n'avez rien fait. Vous avez traversé l'hôpital. L'hôpital de jour, vous auriez pu travailler dans une banque, ça aurait été pareil. Moi, ça m'a fait bouger. Les premières expériences, notamment, ont été extrêmement douloureuses et m'ont fait avancer sur des choses, m'ont permis de comprendre d'autres choses, tant de par ce que les enfants malades vous renvoient que l'équipe.

  • Speaker #0

    C'est un engagement intime.

  • Speaker #1

    Oui, et quand on est présent, ce n'est pas du présentiel. C'est une réelle présence. Donc voilà, on parlait tout à l'heure des supervisions, je vous le disais, 520 euros les deux heures. Vous imaginez ? Autre exemple, moi, le dernier poste que j'ai occupé, dernier poste en date, j'étais payée pour travailler 28 heures. Je pouvais avoir des semaines et ça a été la constante. Sur les neuf mois où je suis intervenue dans cette structure privée, donc avec cette directrice... castratrice, omniprésente, qui a recruté ses cousins libanais, etc. Tout un trafic de prise en charge, elle traficotait le nombre de gamins qui étaient pris en charge. Du coup, elle avait les sous de la sécu tombés. C'était de la corruption, même pas voilée. C'était quasiment assumé. Et quoi ? Moi, j'étais payée 1 700 euros pour faire 28 heures. En gros, j'ai eu un élève, 30 minutes. par semaine. Donc évidemment, j'ai fait remonter, comme on dit, à ma noble hiérarchie. Tout ça, mais il ne s'est rien passé. Alors ces structures, elles commencent à être mises... On commence à les inspecter un petit peu plus. Et notamment, il est question de retirer les enseignants de ces endroits-là. Oui, tu parles. Moi, on me payait 28 heures, je travaillais 30 minutes, j'étais pas bien.

  • Speaker #0

    Et quel est le rôle de l'immigration dans tout ce mécanisme que vous avez évoqué ? En partie, il y a une partie des patients, des enfants qui sont issus de migration, donc ça pose des problèmes particuliers, y compris, et aussi, d'un autre côté, dans la hiérarchie, on a des gens qui, effectivement... travailler ici comme on travaille dans le tiers-monde. Le post-modernisme rejoint le pré-modernisme. Quel est pour vous l'impact de l'immigration ? Comment vous voyez l'interaction entre la pédopsychiatrie et l'immigration ?

  • Speaker #1

    Dans les structures dans lesquelles j'ai travaillé, c'était à 80% des enfants issus de l'immigration, soit récentes, soit de deuxième génération. La plupart du temps, j'ai eu beaucoup de cas d'enfants consanguins, issus d'unions consanguines. Là aussi, on n'interroge pas, c'est très mal vu, même en réunion entre nous, entre soignants, d'interroger le fait qu'une mère qui a déjà trois enfants... pris en charge en psychiatrie, en pédopsychiatrie, pour des troubles sévères, des maladies mentales sévères, vraiment des trucs lourds, voire des maladies génétiques type trisomie, qui enchaînent la quatrième grossesse allègrement avec son cousin. Ça ne s'interroge pas. C'est du racisme. Ce n'est pas du racisme, en tous les cas. Je n'ai pas jugé de la volonté du désir d'enfant de cette femme. Je n'ai pas interrogé le fait qu'elle se soit mariée avec son cousin. Les psychiatres sont des médecins. Ce que je leur raconte, moi je suis un stit, ils savent très bien, ils ont fait de la génétique. C'est un secret de polychinelle que les mariages consanguins... Le risque est multiplié par je ne sais pas combien d'avoir un enfant.

  • Speaker #0

    Pour le coup, la scène barbarique est couverte par la théorie de l'attachement et tout ce que vous racontiez auparavant. C'est-à-dire qu'on déculpabilise les mères, on refuse de responsabiliser les parents, on ne sait qu'accompagner, etc.

  • Speaker #1

    C'est cohérent. C'est très cohérent. Il y a aussi la question de... Maurice Barger a écrit un livre il y a quelques années très intéressant là-dessus sur la séparation. La séparation dans le milieu pédopsychiatrie ou de l'ASE, l'aide sociale à l'enfance, et toutes les polémiques auxquelles ça donnait lieu de placer ou non un enfant, de le séparer de sa famille. Il y a un truc, moi, en pédopsychiatrie qui m'a passablement énervée, et que je n'ai pas retrouvé à l'éducation nationale d'ailleurs. Pour le coup, c'était un point positif au sein de l'éducation nationale, c'est-à-dire que nous, le boulot, les instituts, on le faisait, les signalements. Et souvent on disait mais il faut enlever cet enfant de cette famille, il est battu, il est maltraité, le père est alcoolique, ou la gamine à la 6 ans elle est voilée, ou des cas de maltraitance physique ou psychique, les insistes en général, souvent ça vient de l'école les signalements. Là, il y avait un truc, c'était la sacro-sainte alliance avec les familles. Sous prétexte encore d'un truc, un nom pompeux, on appelle ça la systémique. On travaille le système, la cellule familiale. C'est presque religieux comme truc, c'est-à-dire que c'est la famille, c'est l'unité, la cellule première de la société. On n'y touche pas.

  • Speaker #0

    Ce n'est peut-être pas faux théoriquement, mais ça a plutôt l'air d'être l'occasion de ne rien faire.

  • Speaker #1

    De ne rien faire, de se décharger, là encore, de se désengager. On parlait d'engagement, là c'est une façon de se désengager. Le boulot, on ne va pas mettre le gamin dans une institution où ça va être un éducateur, une équipe qui va devoir s'en occuper 24 heures sur 24, mais on va le laisser dans sa famille, on va l'accueillir deux ou trois fois par deux heures par semaine. Il y a ce qu'on appelle les VAD, les visites à domicile qui vont être mises en place. Il y a des fois, ce n'est pas possible les visites à domicile parce que c'est des familles tellement déstructurées que ce n'est pas possible. Mais bon, on rationalise ça encore une fois en disant oui, mais le lien entre l'enfant et sa famille, c'est important. Mais l'enfant, il est en train d'être bousillé là. On le voit, il n'y a pas besoin d'être devin. Là, vous allez faire un psychopathe, c'est un enfant battu. Il va battre quelqu'un, dès qu'il aura la force physique, il ira défoncer quelqu'un, je ne sais pas, ou agresser quelqu'un dans la rue. Il y a une fabrique du psychopathe là, pour moi. On voit tout venir, on voit tout arriver, on a tous les éléments, toutes les pièces du puzzle sont là. Et on laisse faire et on recouvre ça d'un discours aussi de ce que Daniel Siboni, que vous avez reçu je crois au sein de cette émission, appelle la culpabilité narcissique. C'est-à-dire qu'il y a un excusissement hallucinant. C'est-à-dire qu'on excuse à peu près tout au nom de la culture qui est différente, au nom de l'altérité qu'on dénie, qu'on ne veut pas affronter.

  • Speaker #0

    Ou qu'on refuse de reconnaître comme responsable d'elle-même. Oui. Toutes ces défauts, c'est ça la culpabilité narcissique, toutes ces défauts vont être attribués à notre comportement. Nous avons été mauvais, nous sommes mauvais, nous recevons mal les gens, nous soignons mal, etc. Donc c'est notre faute. Par contre,

  • Speaker #1

    toutes les qualités sont reconnues et ne relèvent pas de nous, entre guillemets, blancs, ou de la science du blanc. Par exemple, la question de l'ethnopsychiatrie. Si vous savez ce que c'est, l'ethnopsychiatrie, c'est une théorie élaborée par Georges Devereux, de mémoire après la Seconde Guerre mondiale. Lui a fondé cette théorie en disant qu'il y a énormément de pathologies qui sont dues à l'exil, à l'expérience de l'exil. Que c'est une expérience traumatique, et c'est vrai, que c'est une expérience traumatique et que... Pour soigner ces personnes, il faut prendre en compte leur culture. Donc on était dans ce que Lagrange appelle le déni des cultures, là on n'était pas là-dedans. On admettait qu'il y avait des cultures différentes.

  • Speaker #0

    Et qu'ils façonnent les psychismes.

  • Speaker #1

    Voilà, qu'ils façonnent les psychismes. Alors là, ça commence à être confirmé de plus en plus par des études statistiques, des prévalences plus importantes en fonction du pays d'origine, de l'ethnie ou de la culture d'origine. On sait par exemple qu'il y a plus de cas de schizophrénie chez les Antillais. Georges Devreux échafaude toute une théorie à propos de ça, mais ne la met pas en pratique à ma connaissance. En tous les cas, ne la met pas en pratique en France. Et c'est plus tard, Taubinathan qui ouvre le premier lieu de consultation en France dans les murs d'une université, en l'occurrence Paris VIII, Paris VIII Saint-Denis, Saint-Denis-Vincennes. C'est la première expérience en France, il n'y en a jamais eu. Et donc, il met en place ce qu'on appelle les consultations transculturelles.

  • Speaker #0

    C'est très intéressant, vous avez assisté à ce genre de choses.

  • Speaker #1

    Alors moi j'ai assisté à cinq séances autour d'un enfant que je suivais dans un hôpital de jour. Et c'était, là encore, les bras m'en sont tombés parce que moi j'avais des a priori plutôt positifs. Je me disais enfin, parce que jusqu'ici le discours c'était... soit on était dans le déni de la culture, soit on ne prenait pas ça en compte, ou on s'aidait à toutes les demandes des parents. Un repas thérapeutique, il y a une maman qui dit mon enfant ne mange pas de viande, c'est un repas collectif et thérapeutique, si, il va manger de la viande. Non, en face, la psychiatre ne tient pas. Oui, non, il ne mange pas de viande, il fait des crises classiques pendant le repas, débrouillez-vous. Bon, parenthèse. Donc, j'ai assisté à une séance avec un enfant autiste de 16 ans, non-verbal, qui marchait sur la pointe des pieds, enfin qui avait toutes les stéréotypies d'un autiste sévère. 16 ans, malien. La mère malienne qui l'élevait toute seule. Il avait une petite sœur de 15 ans, je crois, oui, qui avait 15 ans. Et donc tout ce beau monde se réunit, une trentaine de personnes, traducteurs de Soninke, sociologues, psychologues, il y avait des gens, je ne savais même pas c'était quoi leur fonction. des gens diplômés, d'autres non, mais qui avaient peu ou prou en lien avec la culture d'origine de cette dame. Tout cela sous l'égide d'une psychologue patronesse qui accueille tout ce beau monde. Et donc cette femme, la mère de cet enfant, Mamadou en l'occurrence, commence à exprimer les choses sur son enfant en français. Elle est tout de suite interrompue. Une psychologue interrompt quelqu'un qui commence à parler. Déjà, ça me défrise un peu. Ça me gêne beaucoup. Elle l'interrompt, elle lui dit Non, non, vous parlez en soninke La femme parlait français relativement correctement. Elle avait un accent, elle cherchait ses mots, mais elle faisait l'effort de parler français et c'était important pour elle. Donc nous, on était là avec l'équipe de jour. Tous les entretiens qu'on a eu avec cette femme, c'était en français, ça se passait bien. Bon bref, la dame patronesse psychologue, la couple, elle lui dit Non, non, vous parlez en soninke Autre parenthèse, le traducteur Soninke est payé 300 euros la séance. Donc il faut bien l'utiliser à bon escient, même si bon, il pourrait dormir aussi. Elle explique très bien en quoi l'hôpital de jour a fait progresser son enfant. Là pour le coup, je vous le dis, c'est dans cet hôpital de jour où j'ai très bien travaillé avec une équipe motivée et impliquée. L'enfant a appris à faire ses lacets, a appris à faire quelques... enfin le jeune a appris quelques gestes d'autonomie dans la vie quotidienne. De la vie quotidienne et la mère en est satisfaite. Elle explique que tout au long du parcours de cet enfant, il a été voir le père qui est en Afrique, qui fait des va-et-vient, qui a plusieurs femmes, qui ne vit plus avec eux, a imposé à la mère d'aller voir un sorcier, que le sorcier en Afrique ça a été catastrophique, et que l'hôpital de jour, ça avait été quand même le jour et la nuit par rapport à ce que le sorcier avait fait à son enfant. Qu'elle était très malheureuse de voir que son enfant avait souffert et qu'elle le voyait souffrir même pendant la séance de désenroutement. C'était une souffrance pour elle de voir son enfant ainsi manipulé par un homme. ce sorcier et là de nouveau la dame patronesse la coupe en lui disant non non le sorcier c'est bien vous pouvez pas dire que l'hôpital de jour c'est mieux non mais ça se tient c'est une façon de soigner aussi il a soigné votre enfant aussi donc avec un discours d'hyper idéalisation de la pratique de ce sorcier que la mère elle même dénonçait enfin il disait avoir vécu comme une souffrance, au-delà des effets nuls de cette pratique.

  • Speaker #0

    C'est une assignation identitaire, chimiquement pure.

  • Speaker #1

    Complètement. Moi, ça m'a révoltée. J'en ai rediscuté ensuite avec la mère. On a repris les choses. J'en avais besoin. Mais c'est une assignation identitaire. Et c'est terrible parce que c'est plus soigné.

  • Speaker #0

    à partir d'éléments culturels de la personne, en prenant en compte les éléments culturels de la personne, mais avec les thérapies de la culture d'origine.

  • Speaker #1

    Donc c'est l'enfermer en fait dans son univers culturel. Voilà. Alors qu'elle est immigrée ici, peut-être que la mère a envie de France, a envie de parler français, a envie que son enfant devienne français, a envie qu'elle demande quelque chose en venant.

  • Speaker #0

    C'est une anecdote, la petite sœur de Mamadou commençait à frayer avec l'islam radical. portait le voile noir. La mère était catastrophée, voulait pas que sa fille, voulait qu'elle finisse censée appeler de coiffeuse. Là aussi, non, mais c'est une façon de retrouver ses racines. La mère expliquait très bien que c'était pas son islam à elle, qu'elle avait jamais pratiqué ce type d'islam-là, que ça lui faisait peur, qu'elle vivait ça comme une façon... Enfin, elle culpabilisait aussi parce qu'elle se disait ma fille a été trop investie dans son rôle d'aide auprès de son frère. C'était une maman aussi, encore une fois, qui voulait se séparer de son enfant pour son bien à elle, pour le bien de sa fille et pour le bien de l'enfant. Elle attendait une place en institution en Belgique, en l'occurrence. Elle était très volontaire et très investie pour que son enfant puisse partir en Belgique. Elle lui faisait faire régulièrement ce qu'on appelle des séjours de répit, c'est-à-dire une semaine à la campagne en province, dans une institution spécialisée. Donc voilà, une mère qui était... partante pour s'intégrer, partante pour avancer, on la laisse un peu dans sa merde et on lui dit que sa merde, elle est bien. Pardonnez-moi le vocabulaire, mais c'est des choses qui m'ont proprement révoltée.

  • Speaker #1

    Ici encore, on rationalise un comportement régressif qui est le communautarisme. C'est ça. Tout simplement. Et avec une discipline qui pourtant est très prometteuse, l'ethnopsychiatrie est passionnante dans son ambition, et profondément existentielle. Est-ce que le psychisme est le même de culture en culture ? Jusqu'où il y a des différences ?

  • Speaker #0

    Attends, il a réglé la question. Les psychismes sont différents. Le deep, c'est du n'importe quoi. Ça n'existe pas, le complexe de deep. Ha ha ha, il y a une étude danoise qui a demandé à des enfants maternels avec qui ils aimeraient se marier. 80% ont répondu avec mon copain de classe. Donc, ils n'ont pas répondu avec mon papa ou avec ma maman. Donc, il n'y a pas de deep. L'argument scientifique décisif.

  • Speaker #1

    On est au niveau zéro de la réflexion.

  • Speaker #0

    Convoqué par Toby Nathan pour dire... Toby Nathan, il soigne les schizophrènes en leur expliquant qu'il y a une instance extérieure qui leur en veut, effectivement. Donc on va convoquer un sorcier, on va attraper son ennemi extérieur. Il a une entité extérieure qui lui en veut. Et c'est pour ça qu'il entend des voix, lui parle. Et c'est pour ça qu'elle lui dit de faire des choses. Mais on va en convoquant encore un thérapeute.

  • Speaker #1

    Mais ça peut être efficace, pourquoi pas ?

  • Speaker #0

    Moi je pense que pour un schizophrène ça peut être ravageur. D'accompagner ces formes de crise schizoparanoïde en lui disant que tout ça vient de l'extérieur, ça le déresponsabilise totalement. Il n'est plus sujet de sa maladie, il n'est plus qu'objet d'une instance extérieure. La généalogie de la famille Nathan, c'est des rabbins, comment on appelle ça, thérapeutes. C'est pour moi une très grande régression aussi d'une discipline qui était très prometteuse, comme vous disiez, et qui rejoint là encore, on retourne sur des formes traditionnelles de pratiques dites thérapeutiques qui sont extrêmement violentes. Pour des gens qui sont peut-être dans un processus d'assimilation, dans certains cas, c'est la médecine musulmane. C'est des séances de désenroutement, parce que la gamine a 16 ans, elle commence à avoir une libido, elle va avoir un petit copain. On ramène le sorcier et on le limite, on met dans une posture de quasi-viol collectif, cette gamine. Vous voyez comment ça peut aussi faire le lit du développement de certaines pratiques. problématique, pour le moins.

  • Speaker #1

    Et finalement, est-ce que vous avez suivi des enfants qui sont passés par ces institutions et que vous avez vu régresser ou ne pas progresser au mieux dans leur parcours de soins ? Qu'est-ce que vous avez eu devant sur ce qu'ils sont devenus ou leur parcours ?

  • Speaker #0

    Alors... Pas tellement. J'en ai pas suivi, pour tout vous avouer, dans l'après.

  • Speaker #1

    Notamment, je pense à des primo-délinquants ou des jeunes qui étaient destinés psychologiquement à la délinquance ?

  • Speaker #0

    Alors, je sais que...

  • Speaker #1

    Vous étiez déjà engagée là-dedans ?

  • Speaker #0

    Oui. Je sais qu'il y a des jeunes que j'ai eus qui étaient déjà... qui étaient en cours de procédure judiciaire pour des faits de délinquance, de violences sur personnes notamment, qui étaient emprisonnés après. Donc les faits devaient être graves puisque depuis la réforme Belloubet, les peines inférieures à un mois, ça aussi c'est catastrophique comme réforme.

  • Speaker #1

    Là aussi on est dans l'absence de limites.

  • Speaker #0

    Oui. Les magistrates c'est aussi beaucoup des gynécées. La magistrature c'est beaucoup des femmes.

  • Speaker #1

    Vous avez évoqué les gynécées et vous voyez un manque de mixité dans les équipes.

  • Speaker #0

    Oui. Et ce n'est pas tant un problème de manque de mixité. Il se peut que dans une équipe, il n'y ait que deux hommes, ou peut-être qu'un seul, ou même pas du tout. Là, c'est quand même problématique quand il n'y en a pas du tout. Mais cette fonction... Cette fonction paternelle peut être...

  • Speaker #2

    Pardon, c'est quoi Ginésie ?

  • Speaker #0

    C'est que des femmes. C'est un groupe, dans la Chilé grecque, c'était un lieu où il n'y avait que des femmes. Effectivement, des équipes où il n'y a que des femmes, où un seul homme qui va souvent être castré, qui va devoir être une mère parmi les mères, et occuper une fonction maternante. Moi, souvent dans ces équipes-là, d'ailleurs, j'occupais une fonction paternelle. Symbolique. Les gamins étaient à la limite de m'appeler monsieur. J'incarnais la loi et j'en prenais plein la figure souvent parce que je voulais poser des sanctions. Alors c'est toujours très délicat, ça se discute avec des enfants de ce profil-là. Avec d'autres, ça ne se discutait pas. Je voyais très bien que l'enfant était en capacité de comprendre la sanction et d'en faire quelque chose. Et elle était importante à poser. Maintenant, on parlait tout à l'heure du rapport à la loi, mais c'est pareil dans le traitement de la délinquance aujourd'hui. où on a aussi comment il s'appelle qui parlait de Big Mother Big Mother Michel Schneider où toutes les institutions même dans celle dans laquelle il peut y avoir des hommes, c'est la mamelle. C'est la mamelle maternante, c'est la mamelle nourrissante, c'est la cave qui tombe, les aides sociales, on enveloppe les gens, on les prend. Tout est fait en sorte pour qu'ils soient dans leur petit utérus, tranquilles, et qu'ils ne rencontrent jamais la loi. Et les conséquences de la transgression de la loi. Maurice Berger en parle très bien je vous renvoie vraiment à ses écrits parce qu'il en parle mille fois mieux que moi qui est un peu encore évasif mais moi je trouve ça terrible qu'un enfant qui en acte, ou qu'un jeune qui en acte demande une sanction, demande à être arrêté et on lui dit, bah continue le message envoyé par l'institution judiciaire dans 80% des cas aujourd'hui, c'est tu viens de violer une femme Bon, t'as pas les codes, tu viens d'une culture différente, au mieux on va te mettre un petit bracelet électronique et puis tu te promèneras avec et tu continueras de violer. au pire, tu vas faire des travaux d'intérim généraux. C'est primordial que ces jeunes rencontrent à un moment donné dans leur vie la loi, et une loi qui soit compréhensible, qui soit liée et proportionnelle aux actes commis, à la transgression commise, et qui rencontre autre chose que la violence d'un système. Puisque pour moi, le maternage, ça va peut-être vous choquer, Mais le quasi inceste féminin envers les enfants ou les jeunes dans les postures maternantes abusives et pulsionnelles dégoûtantes, pour moi c'est presque aussi violent qu'une violence physique paternelle. C'est-à-dire que des gamins, là encore Maurice Berger en parle très bien, les jeunes africains qui sont souvent des enfants battus par leur père africain. qui n'ont jamais rencontré qu'une loi arbitraire, indiscutable ou incohérente, des figures incohérentes dans l'exercice de leur autorité, qui puissent rencontrer à un moment une loi rationnelle, comme je disais tout à l'heure, où les actes sont sanctionnés proportionnellement aux délits commis, c'est très important et ça a des effets extrêmement positifs. C'est-à-dire que ce sont... Là encore, on fabrique un barbare si on ne le fait pas.

  • Speaker #1

    C'est la phrase de Gérard Mandel, celui qu'on empêche de grandir, il ne reste plus que d'élire. Et on se retrouve aujourd'hui avec des armées de djihadistes, des jeunes qui cherchent la loi et qui la trouvent dans la mort finalement, qui est l'ultime limite.

  • Speaker #0

    Un espace très structurant pour ces jeunes-là, s'ils ont des chances de s'en sortir et de ne pas être pavris complètement dans la délinquance. ou l'autodestruction, parce que ça peut être des toxicomanes, des SDF, des craqués, ils sont tous passés par des institutions du type de celles que je décris, ils peuvent aussi rencontrer la mosquée du coin qui va extrêmement les cadrer, qui va leur faire énormément de bien, et un jour, quelqu'un d'un peu plus malin que dans cette mosquée, leur mettra une ceinture autour de la taille. Et paf quoi.

  • Speaker #1

    C'est pour ça qu'aujourd'hui on se retrouve avec des terroristes entre guillemets qui sont diagnostiqués déséquilibrés. Et on a un micmac entre l'engagement dans la religion et le déséquilibre psychiatrique. Les deux sont très vrais et c'est très certainement des jeunes qui sont passés par le type d'institution que vous avez décrit.

  • Speaker #0

    Mera c'était le cas, Némouch c'était le cas, c'est le cas d'énormément de terroristes. Ils sont tous plus ou moins passés par l'aide sociale à l'enfance. Ils ont tous été à un moment donné signalés que ce soit par une instit, une assistante sociale, voire fait des tout petits séjours en centre éducatif fermé ou des choses comme ça.

  • Speaker #1

    Donc là, pour le coup, on a des jeunes pour qui la notion d'institution a été complètement discréditée. L'Occident apparaît comme un énorme vide à coloniser. Et si au début, ils n'étaient pas violents ou psychopathes, effectivement, d'après ce que vous avez décrit, les établissements les fabriquent.

  • Speaker #0

    les fabriquent en quelque sorte pour moi dans la mesure où ils n'ont jamais par culpabilité narcissique, mais aussi par confort, ou par fainéantise, ou par je-m'en-foutisme, ou par c'est trop dur, parce que c'est dur. Je ne voudrais pas non plus donner l'image de quelqu'un qui prend les gens de haut et qui dit que c'est facile. C'est extrêmement dur. Passer une heure dans une salle avec un psychotique, revenir me voir après, vous êtes en lambeau. C'est quand même... C'est très... D'où les supervisions. ces moments d'analyse collective pour déposer des choses. Mais le travail n'est pas simple, je ne suis pas en train de dire qu'il suffirait d'eux, qu'il y aurait cas. Je dis simplement, oui, là où il y a une demande explicite de limite, il faut y répondre, c'est primordial d'y répondre.

  • Speaker #2

    Vous venez d'entendre la dernière partie de l'entretien avec Sophia, pédopsychiatrie, la fabrique des barbares. Rendez-vous dans 15 jours pour un nouvel entretien, la révolution culturelle de 1960 à 1990 avec Jean-Pierre Le Goff. Vous pouvez retrouver les documents évoqués lors de l'émission ainsi que d'autres permettant de prolonger la réflexion sur notre site heretico-pluriel.fr. Ce podcast est disponible sur toutes les plateformes d'écoute.

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Description

Jusqu'ici cantonnés à des milieux jugés dépressifs ou nostalgiques, les discours alarmants sur le délabrement de nos sociétés se sont répandus. Ils sont maintenant cautionnés par le sommet de l'État, qui évoque ouvertement « l’effondrement" et la "décivilisation". C'est que les effets concrets en sont de moins en moins escamotables : chacun peut vivre, à sa petite échelle, la dégradation continue de ses conditions de vie et l'irruption, à présent quotidienne, d’une violence feutrée ou meurtrière.

L'univers médico-social est peut-être la pointe avancée de cette déliquescence, à la croisée de la "crise" de l'éducation, de l'avachissement de la psychiatrie, de la surenchère technologique, de la politique gestionnaire et du changement de nature de l'immigration. Les institutions de soin et d'éducation, censées former et accompagner des individus libres et responsables, deviennent progressivement des fabriques de barbares.

Sofia, animatrice, institutrice puis psychopédagogue expérimentée, décrit cette catastrophe permanente avec la justesse des praticiens de base pour en appeler à la renaissance de l’intérêt collectif et la fin de la bêtise savante.


heretiques.fr


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Hérétique est un podcast politique mêlant entretien et débat. Hérétique pour questionner les dogmes et les mythes. Hérétique parce que la politique n'est pas la religion. Hérétique parce que vouloir penser est toujours le début de la dissidence. Pédopsychiatrie, la fabrique des barbares,

  • Speaker #1

    seconde partie.

  • Speaker #0

    Et cette sorte de techno-solutionnisme, en fait, où on cherche dans la technique une solution systématique à tous les problèmes, et qui fait naître d'autres problèmes, on le trouve aussi dans la théorie. Vous parliez tout à l'heure de le blabla théorique, le recouvrement à l'aide de mots ronflants. qui recouvrent des pratiques qui sont complètement régressives. Est-ce qu'on retrouve ce type de techno-obsession dans la théorie qui ont cours dans les établissements que vous avez fréquentés ?

  • Speaker #1

    Oui, alors depuis un peu plus d'une dizaine d'années maintenant, il y a un mouvement très fort de lobby. qui a déroulé au sein du gouvernement, qui a une grande influence maintenant sur les autorités de santé, qui est le mouvement des comportementalistes, des cognitivo-comportementalistes. Un mouvement qui s'est développé aussi par rapport à toutes les dérives des orientations plutôt psychanalytiques, parce que je n'ai pas précisé, mais en général, 99% de ces structures, hôpitaux de jour, instituts médicaux éducatifs, ces SAD, se placent dans une orientation psychanalytique. C'est du flan, on l'a bien vu. c'est juste une pause, une posture. Mais ça ne recouvre aucune réalité autre que ravageuse, comme on a pu le décrire. Donc effectivement, des collectifs de parents qui se sont constitués, qui ont vu leur enfant régresser encore plus en étant hospitalisé en hôpitaux de jour. Il y a eu des choses discutables, effectivement. Par exemple, je ne vais pas rentrer dans ce débat qui est très polémique, la question du packing, de l'enveloppement dans du linge humide, une thérapie qui a été mise en place par le professeur de Lyon, développée en France par le professeur de Lyon, un psychiatre, qui s'en est pris plein la tronche, effectivement, parce que c'était assimilé à de la maltraitance pour certains enfants. Tout dépend comment ça a été fait. Moi, je ne peux pas en parler. Je ne préfère pas m'avancer parce que je n'ai eu qu'une fois cette expérience-là. Mais bon, voilà, des situations où on ne savait pas trop ce qu'on faisait avec leur enfant. Les parents récupéraient des enfants dans un état lamentable, encore pire que quand ils étaient entrés en hôpital de jour. Au bout de trois mois d'hôpital de jour, c'était encore pire. Et sont arrivés des États-Unis, donc ces méthodes comportementales de type ABBA, je ne sais plus l'acronyme, il faudrait peut-être le rechercher, je m'excuse. Donc méthode de quasi-dressage, on va dire, des enfants. Des méthodes qu'on dit éducatives, mais qui sont pour moi rééducatives. Alors pourquoi pas, effectivement, un autiste très régressé, moi j'entends la détresse d'une mère qui voudrait bien que son enfant apprenne juste à mettre ses chaussettes tout seul à 12 ans. Voilà, moi j'ai eu le cas d'une mère à la fin de la prise en charge, à la fin de l'année scolaire. Le lien s'était bien établi avec elle. On avait vraiment avancé ensemble, de façon quasiment clandestine par rapport à la direction et à la psychiatre en chef. Et elle me demandait conseil. Voilà, j'ai une institution à bas qui a une place pour mon enfant. Est-ce que vous pensez que je devrais le mettre ? Qu'est-ce que vous en pensez ? Parce que j'ai peur, parce que je ne sais pas. C'est un enfant qui était accompagné en classe quelques trois heures par semaine. Il avait trois heures de classe par semaine puisqu'on les inclut de plus en plus. C'est la société inclusive pour le meilleur et pour le pire. Il était accompagné par une AVS, une assistante en classe. qui venait d'une association privée, qui s'était montée par des parents et qui formait des AVS à leur pratique comportementaliste. Au lieu d'un recrutement classique d'AVS par l'éducation nationale, en gros, c'était ces jeunes filles qui étaient étudiantes en psychologie et qui accompagnaient ces enfants. Donc, elle trouvait que ce n'était pas mal ce que cette jeune fille faisait à l'école avec son enfant. Elle me disait, je vais le faire rentrer dans une institution où il sera pris en charge à 100% selon ces méthodes éducatives-là. J'étais embarrassée. En même temps, je voyais bien que ce qu'on faisait ici était d'une indigence quasi criminelle. En même temps, je n'ai pas trouvé d'autre réponse que Soyez vigilante, est-ce que votre enfant ne devienne pas un robot ? C'était un enfant qui était très humain, qui exprimait des émotions, qui était vivant. C'était pas non plus... un autiste très mutique ou catatonique. Il y avait un lien quand même. Il soutenait les regards. Donc voilà, j'ai rien trouvé d'autre à lui dire que, en tant que mère, soyez vigilante à ce qu'il ne devienne pas un robot. Pourquoi ? Parce que c'est des méthodes effectivement qui vont fonctionner à base de demandes, exécution de la demande, récompense. Donc là, on n'est pas loin du dressage d'un chien.

  • Speaker #0

    Et on est surtout dans une conception du soin qui a mis le lieu des fondamentaux de la psychanalyse, où le but n'est pas de rendre l'individu adéquat à sa société, mais de le rendre autonome.

  • Speaker #1

    Oui, là c'est fonctionnel. De rendre le gamin, et moi j'en ai vu des gamins qui sortaient, qui en venaient ou qui étaient pris en charge par ce type de méthode à 100% de leur temps, J'en ai croisé, c'est terrible. Ils vous disent bonjour, vous avez l'impression que c'est une intelligence artificielle qui vous parle. Il y a une prosodie, une bonjour madame, au revoir. Je veux, moi veux. Alors effectivement, les autistes ont ce qu'on appelle l'inversion des pronoms. C'est-à-dire qu'au lieu de dire je, ils vont dire tu. Tu ramasses en parlant d'eux, tu vas chercher, tu dors, tu manges. Alors qu'ils n'ont pas accès, ils ne s'identifient pas. Ils n'utilisent pas le pronom je. Alors là, ils utilisent le pronom je, il n'y a pas de problème. Mais c'est un robot qui vous parle. C'est dur à voir. Et en même temps... L'enfant, il arrive à faire certaines choses. Donc moi, de ma position de pédagogue, qui je suis pour dire à une mère... Non, laissez-le. Jusqu'à 18 ans, il ne saura pas faire ses lacets, dire bonjour, rentrer dans une salle sans s'effondrer.

  • Speaker #0

    On peut retrouver, si je peux faire un parallèle un peu audacieux, la chose dans le monde juridique, où on se retrouve en face d'un chaos judiciaire, où on ne sait pas du tout quelles vont être les sanctions. On a toujours régulièrement des faits divers qui se concluent par des non-lieux ou par des... des relax ou des peines qui sont complètement disproportionnées. Et on a aussi l'effet inverse, c'est-à-dire des actes qui sont délictueux mais ridicules et qui sont sursanctionnés. Et en réalité, il y a un refus, c'est comme s'il y avait un refus dans toute la société d'affronter la difficulté à juger, mais en très général, à juger les choses. La psychanalyse, même la thérapie en général, ça fait partie de ce que Freud appelle les métiers impossibles. Le métier de thérapeute, de politique et d'éducateur, c'est-à-dire on prend la personne et on tente de la mener à un niveau d'autonomie tel que ce soit capable de se passer de nous. C'est extrêmement difficile, extrêmement délicat, c'est un métier impossible d'après eux. Et plutôt que d'affronter cette difficulté, on retombe dans des solutions de facilité où on simplifie à l'extrême.

  • Speaker #1

    Oui, ça devient une question de technique. Voilà. Il y a un mode d'emploi. Moi, j'ai vu des instituts médicaux, médicaux éducatifs dans lesquels je suis aussi intervenu. de façon très courte dans la durée, parce que je me suis tirée très rapidement, c'était infernal. Je suis arrivée, j'ai eu deux psychologues en face de moi, deux femmes, donc c'était une gynécée encore, là, que des nanas. Elles m'ont présenté chaque cas d'enfant. J'avais un classeur d'une trentaine de pages, conduite à tenir, avant la crise, pendant la crise, mode d'emploi. Je vous assure, c'était un mode d'emploi pour chaque gamin. avec l'histoire des renforcateurs, s'il fait ça, lui donner ça, s'il fait ci, le priver de ça.

  • Speaker #0

    Oui, il y a un milieu.

  • Speaker #1

    Alors entre la psychanalyse effectivement qui cherche l'émergence du sujet, qui est dans des dérives catastrophiques. entre le mode d'emploi, une chose très complexe, et sur la durée, c'est long. C'est un travail qui est long, qui est lent, qui est fait d'avancées, de régressions. Là, vous mettez votre gamin dans une structure à bas, effectivement, il est... Les progrès sont miraculeux, extraordinaires en trois semaines.

  • Speaker #0

    C'est une mouvante balancier parce qu'aujourd'hui, il n'est plus question de remettre en cause les parents. Alors que la psychanalyse, ou même les thérapies groupales, par définition, impliquent toute la totalité des acteurs autour. Il y a eu un grand moment depuis une dizaine d'années, effectivement, de basculement, où il y a un refus de culpabiliser les parents, de culpabiliser la mère. Et on considère que le problème de l'autiste est dû à l'autiste et que ça n'a rien à voir avec l'environnement de la famille.

  • Speaker #1

    Oui, mais c'est un mouvement de balancier extrême parce qu'on ne pose plus la question en termes de culpabilité. C'est très bien, je me souviens du livre de Bethelheim, La forteresse vide. C'était une violence inouïe pour... pour les parents et surtout pour les mères, mais on est passé à c'est une question de gêne, c'est une question de machin, donc plus de responsabilité. Entre culpabilité et responsabilité, il y a un monde. C'est celui de l'apparition du sujet qui s'oppose. Oui, là j'ai merdé, là j'ai pas merdé. Enfin, j'en sais rien. Ou c'est du fait de mon histoire. Ou c'est-à-dire qu'il n'y a plus besoin d'autoreflexivité. En gros, réfléchir sur soi-même, ce qu'on a mis en place, pourquoi on a voulu cet enfant, pourquoi... qu'est-ce qui s'est passé ? Enfin bref, quelque chose d'humain, mais qui reste une responsabilité. Là, on a trouvé la cause, c'est les pesticides, c'est la D-PATKIN, je ne sais plus quel nom de médicament, qu'on met aussi en cause comme hypothèse de source de développement de spectrosystiques. ou autre chose.

  • Speaker #0

    Vous avez un discours qui n'implique pas du tout un manque de moyens, alors que c'est une revendication qu'on entend sourdre de toute la société. Tous les secteurs de la société racontent qu'il y a un manque de moyens. Dès qu'il y a un moindre problème, les paysans ont balance des milliards, les gilets jaunes ont balance des milliards. Il ne faut rien résoudre. Quel est votre point de vue quant au manque de moyens du monde médico-social ?

  • Speaker #1

    Là, on risque de faire hurler... Les éducateurs, effectivement, il y a énormément de moyens. Tant en termes de masse salariale, pour parler comme un patron, il y a énormément de personnel. C'est des équipes, c'est pas moins de 20-30 personnes pour l'accueil d'une trentaine d'enfants, avec des séances, des demi-journées, où ils sont 8-10 maximum sur la structure. Donc 20 personnes pour 8 enfants présents. par demi-journée. C'est des réunions, à un moment j'étais enseignante référente, donc enseignante référente c'est un poste à cheval entre l'éducation nationale et la maison des handicapés, la MDPH, qui gère les dossiers des enfants, la mise en place des aides, etc. Je me suis retrouvée dans des réunions où on était pas moins de 30 personnes. psychologues, médecins psychiatres, instituteurs, enfin, ou professeurs, professeurs principaux quand c'était des collégiens. Énormément de monde. Donc, au-delà du coût, du coût en termes de salaire, toutes ces personnes qui étaient là, pour trois personnes qui allaient parler en trois heures de réunion. C'était toujours les quatre, cinq personnes qui allaient s'exprimer, toutes les autres, elles étaient là. Bon, elles faisaient leurs heures, il n'y a pas de problème. Vous imaginez, donc c'est des réunions où les jeunes ou les enfants sont conviés à être présents. Vous imaginez l'effet sur un gamin. Il y a 30 personnes là qui, pendant 3 heures, discutent de mon cas. Donc soit je suis super important, imaginez le schizo, il est le centre du monde, tout vient de lui, ou j'en sais rien, une pathologie où déjà le gamin est dans la toute puissance. Ou au contraire, un gamin qui doit se dire, je dois être sacrément malade pour que... Pour qu'on s'occupe autant de moi, je dois vraiment être barrée. Je veux vraiment avoir un gros problème. Alors que des fois, c'est vraiment, comme je disais tout à l'heure, des problèmes non pas psychiatriques, mais psychologiques bénins qui pourraient se régler ailleurs. Et simplement. Donc énormément de moyens. Il faut savoir que dans les hôpitaux de jour, la plupart du temps, les enfants viennent en taxi. Donc ça, c'est pris en charge à 100% par la Sécurité sociale. Au point que certaines fois, les parents ne sont pas contents parce que le taxi est en retard. Le boulot du cadre dans un hôpital de jour, ça fait en grande partie gérer le planning des taxis. Donc il a ses tableaux Excel, il est content, il rentre ses horaires, ses prises en charge, etc. Donc des gens qui peuvent être là aussi et ne rien faire, puisqu'on est très nombreux pour pas grand monde. Je parlais de l'engagement tout à l'heure, moi j'ai vu des infirmières, c'était une caricature du sketch des inconnus. Alors ça m'arrache un peu la tronche de le dire. La plupart du temps c'était des immigrés ou des descendants d'immigrés, des antillaises, qui pouvaient passer devant un gamin prostré qui était là dans le couloir depuis deux heures, et même pas lui adresser un regard, et se diriger vers son bocal. et faire ses recherches sur les soldes ou son prochain billet d'avion pour le bled ou j'en sais rien. Donc quand je parlais d'engagement tout à l'heure, il y a aussi tout ce côté humain, il ne suffit pas de grand chose, un gamin qui est prostré dans un couloir, juste se mettre à sa hauteur, le regarder, il peut se passer un truc de quelques secondes, et t'as fait le boulot, t'as pas fait une révolution mais t'as fait bouger quelque chose. Non, là, il pouvait passer, ne pas les regarder, ou faire pchit, enfin, encore lui.

  • Speaker #0

    Mais en fait, vous décrivez un monde qui se rapproche de plus en plus du tiers-monde, c'est-à-dire des institutions qui ne marchent plus, auxquelles plus personne ne croit. Il n'y a plus de notion d'intérêt commun.

  • Speaker #1

    Non, il n'y a plus d'intérêt commun. Il n'y a plus que des gens, je vous dis, qui font leur petite niche là, leur petite carrière, qui ne sont pas dérangés. C'est un boulot, si vous n'êtes pas dérangé, vous n'avez rien fait. Vous avez traversé l'hôpital. L'hôpital de jour, vous auriez pu travailler dans une banque, ça aurait été pareil. Moi, ça m'a fait bouger. Les premières expériences, notamment, ont été extrêmement douloureuses et m'ont fait avancer sur des choses, m'ont permis de comprendre d'autres choses, tant de par ce que les enfants malades vous renvoient que l'équipe.

  • Speaker #0

    C'est un engagement intime.

  • Speaker #1

    Oui, et quand on est présent, ce n'est pas du présentiel. C'est une réelle présence. Donc voilà, on parlait tout à l'heure des supervisions, je vous le disais, 520 euros les deux heures. Vous imaginez ? Autre exemple, moi, le dernier poste que j'ai occupé, dernier poste en date, j'étais payée pour travailler 28 heures. Je pouvais avoir des semaines et ça a été la constante. Sur les neuf mois où je suis intervenue dans cette structure privée, donc avec cette directrice... castratrice, omniprésente, qui a recruté ses cousins libanais, etc. Tout un trafic de prise en charge, elle traficotait le nombre de gamins qui étaient pris en charge. Du coup, elle avait les sous de la sécu tombés. C'était de la corruption, même pas voilée. C'était quasiment assumé. Et quoi ? Moi, j'étais payée 1 700 euros pour faire 28 heures. En gros, j'ai eu un élève, 30 minutes. par semaine. Donc évidemment, j'ai fait remonter, comme on dit, à ma noble hiérarchie. Tout ça, mais il ne s'est rien passé. Alors ces structures, elles commencent à être mises... On commence à les inspecter un petit peu plus. Et notamment, il est question de retirer les enseignants de ces endroits-là. Oui, tu parles. Moi, on me payait 28 heures, je travaillais 30 minutes, j'étais pas bien.

  • Speaker #0

    Et quel est le rôle de l'immigration dans tout ce mécanisme que vous avez évoqué ? En partie, il y a une partie des patients, des enfants qui sont issus de migration, donc ça pose des problèmes particuliers, y compris, et aussi, d'un autre côté, dans la hiérarchie, on a des gens qui, effectivement... travailler ici comme on travaille dans le tiers-monde. Le post-modernisme rejoint le pré-modernisme. Quel est pour vous l'impact de l'immigration ? Comment vous voyez l'interaction entre la pédopsychiatrie et l'immigration ?

  • Speaker #1

    Dans les structures dans lesquelles j'ai travaillé, c'était à 80% des enfants issus de l'immigration, soit récentes, soit de deuxième génération. La plupart du temps, j'ai eu beaucoup de cas d'enfants consanguins, issus d'unions consanguines. Là aussi, on n'interroge pas, c'est très mal vu, même en réunion entre nous, entre soignants, d'interroger le fait qu'une mère qui a déjà trois enfants... pris en charge en psychiatrie, en pédopsychiatrie, pour des troubles sévères, des maladies mentales sévères, vraiment des trucs lourds, voire des maladies génétiques type trisomie, qui enchaînent la quatrième grossesse allègrement avec son cousin. Ça ne s'interroge pas. C'est du racisme. Ce n'est pas du racisme, en tous les cas. Je n'ai pas jugé de la volonté du désir d'enfant de cette femme. Je n'ai pas interrogé le fait qu'elle se soit mariée avec son cousin. Les psychiatres sont des médecins. Ce que je leur raconte, moi je suis un stit, ils savent très bien, ils ont fait de la génétique. C'est un secret de polychinelle que les mariages consanguins... Le risque est multiplié par je ne sais pas combien d'avoir un enfant.

  • Speaker #0

    Pour le coup, la scène barbarique est couverte par la théorie de l'attachement et tout ce que vous racontiez auparavant. C'est-à-dire qu'on déculpabilise les mères, on refuse de responsabiliser les parents, on ne sait qu'accompagner, etc.

  • Speaker #1

    C'est cohérent. C'est très cohérent. Il y a aussi la question de... Maurice Barger a écrit un livre il y a quelques années très intéressant là-dessus sur la séparation. La séparation dans le milieu pédopsychiatrie ou de l'ASE, l'aide sociale à l'enfance, et toutes les polémiques auxquelles ça donnait lieu de placer ou non un enfant, de le séparer de sa famille. Il y a un truc, moi, en pédopsychiatrie qui m'a passablement énervée, et que je n'ai pas retrouvé à l'éducation nationale d'ailleurs. Pour le coup, c'était un point positif au sein de l'éducation nationale, c'est-à-dire que nous, le boulot, les instituts, on le faisait, les signalements. Et souvent on disait mais il faut enlever cet enfant de cette famille, il est battu, il est maltraité, le père est alcoolique, ou la gamine à la 6 ans elle est voilée, ou des cas de maltraitance physique ou psychique, les insistes en général, souvent ça vient de l'école les signalements. Là, il y avait un truc, c'était la sacro-sainte alliance avec les familles. Sous prétexte encore d'un truc, un nom pompeux, on appelle ça la systémique. On travaille le système, la cellule familiale. C'est presque religieux comme truc, c'est-à-dire que c'est la famille, c'est l'unité, la cellule première de la société. On n'y touche pas.

  • Speaker #0

    Ce n'est peut-être pas faux théoriquement, mais ça a plutôt l'air d'être l'occasion de ne rien faire.

  • Speaker #1

    De ne rien faire, de se décharger, là encore, de se désengager. On parlait d'engagement, là c'est une façon de se désengager. Le boulot, on ne va pas mettre le gamin dans une institution où ça va être un éducateur, une équipe qui va devoir s'en occuper 24 heures sur 24, mais on va le laisser dans sa famille, on va l'accueillir deux ou trois fois par deux heures par semaine. Il y a ce qu'on appelle les VAD, les visites à domicile qui vont être mises en place. Il y a des fois, ce n'est pas possible les visites à domicile parce que c'est des familles tellement déstructurées que ce n'est pas possible. Mais bon, on rationalise ça encore une fois en disant oui, mais le lien entre l'enfant et sa famille, c'est important. Mais l'enfant, il est en train d'être bousillé là. On le voit, il n'y a pas besoin d'être devin. Là, vous allez faire un psychopathe, c'est un enfant battu. Il va battre quelqu'un, dès qu'il aura la force physique, il ira défoncer quelqu'un, je ne sais pas, ou agresser quelqu'un dans la rue. Il y a une fabrique du psychopathe là, pour moi. On voit tout venir, on voit tout arriver, on a tous les éléments, toutes les pièces du puzzle sont là. Et on laisse faire et on recouvre ça d'un discours aussi de ce que Daniel Siboni, que vous avez reçu je crois au sein de cette émission, appelle la culpabilité narcissique. C'est-à-dire qu'il y a un excusissement hallucinant. C'est-à-dire qu'on excuse à peu près tout au nom de la culture qui est différente, au nom de l'altérité qu'on dénie, qu'on ne veut pas affronter.

  • Speaker #0

    Ou qu'on refuse de reconnaître comme responsable d'elle-même. Oui. Toutes ces défauts, c'est ça la culpabilité narcissique, toutes ces défauts vont être attribués à notre comportement. Nous avons été mauvais, nous sommes mauvais, nous recevons mal les gens, nous soignons mal, etc. Donc c'est notre faute. Par contre,

  • Speaker #1

    toutes les qualités sont reconnues et ne relèvent pas de nous, entre guillemets, blancs, ou de la science du blanc. Par exemple, la question de l'ethnopsychiatrie. Si vous savez ce que c'est, l'ethnopsychiatrie, c'est une théorie élaborée par Georges Devereux, de mémoire après la Seconde Guerre mondiale. Lui a fondé cette théorie en disant qu'il y a énormément de pathologies qui sont dues à l'exil, à l'expérience de l'exil. Que c'est une expérience traumatique, et c'est vrai, que c'est une expérience traumatique et que... Pour soigner ces personnes, il faut prendre en compte leur culture. Donc on était dans ce que Lagrange appelle le déni des cultures, là on n'était pas là-dedans. On admettait qu'il y avait des cultures différentes.

  • Speaker #0

    Et qu'ils façonnent les psychismes.

  • Speaker #1

    Voilà, qu'ils façonnent les psychismes. Alors là, ça commence à être confirmé de plus en plus par des études statistiques, des prévalences plus importantes en fonction du pays d'origine, de l'ethnie ou de la culture d'origine. On sait par exemple qu'il y a plus de cas de schizophrénie chez les Antillais. Georges Devreux échafaude toute une théorie à propos de ça, mais ne la met pas en pratique à ma connaissance. En tous les cas, ne la met pas en pratique en France. Et c'est plus tard, Taubinathan qui ouvre le premier lieu de consultation en France dans les murs d'une université, en l'occurrence Paris VIII, Paris VIII Saint-Denis, Saint-Denis-Vincennes. C'est la première expérience en France, il n'y en a jamais eu. Et donc, il met en place ce qu'on appelle les consultations transculturelles.

  • Speaker #0

    C'est très intéressant, vous avez assisté à ce genre de choses.

  • Speaker #1

    Alors moi j'ai assisté à cinq séances autour d'un enfant que je suivais dans un hôpital de jour. Et c'était, là encore, les bras m'en sont tombés parce que moi j'avais des a priori plutôt positifs. Je me disais enfin, parce que jusqu'ici le discours c'était... soit on était dans le déni de la culture, soit on ne prenait pas ça en compte, ou on s'aidait à toutes les demandes des parents. Un repas thérapeutique, il y a une maman qui dit mon enfant ne mange pas de viande, c'est un repas collectif et thérapeutique, si, il va manger de la viande. Non, en face, la psychiatre ne tient pas. Oui, non, il ne mange pas de viande, il fait des crises classiques pendant le repas, débrouillez-vous. Bon, parenthèse. Donc, j'ai assisté à une séance avec un enfant autiste de 16 ans, non-verbal, qui marchait sur la pointe des pieds, enfin qui avait toutes les stéréotypies d'un autiste sévère. 16 ans, malien. La mère malienne qui l'élevait toute seule. Il avait une petite sœur de 15 ans, je crois, oui, qui avait 15 ans. Et donc tout ce beau monde se réunit, une trentaine de personnes, traducteurs de Soninke, sociologues, psychologues, il y avait des gens, je ne savais même pas c'était quoi leur fonction. des gens diplômés, d'autres non, mais qui avaient peu ou prou en lien avec la culture d'origine de cette dame. Tout cela sous l'égide d'une psychologue patronesse qui accueille tout ce beau monde. Et donc cette femme, la mère de cet enfant, Mamadou en l'occurrence, commence à exprimer les choses sur son enfant en français. Elle est tout de suite interrompue. Une psychologue interrompt quelqu'un qui commence à parler. Déjà, ça me défrise un peu. Ça me gêne beaucoup. Elle l'interrompt, elle lui dit Non, non, vous parlez en soninke La femme parlait français relativement correctement. Elle avait un accent, elle cherchait ses mots, mais elle faisait l'effort de parler français et c'était important pour elle. Donc nous, on était là avec l'équipe de jour. Tous les entretiens qu'on a eu avec cette femme, c'était en français, ça se passait bien. Bon bref, la dame patronesse psychologue, la couple, elle lui dit Non, non, vous parlez en soninke Autre parenthèse, le traducteur Soninke est payé 300 euros la séance. Donc il faut bien l'utiliser à bon escient, même si bon, il pourrait dormir aussi. Elle explique très bien en quoi l'hôpital de jour a fait progresser son enfant. Là pour le coup, je vous le dis, c'est dans cet hôpital de jour où j'ai très bien travaillé avec une équipe motivée et impliquée. L'enfant a appris à faire ses lacets, a appris à faire quelques... enfin le jeune a appris quelques gestes d'autonomie dans la vie quotidienne. De la vie quotidienne et la mère en est satisfaite. Elle explique que tout au long du parcours de cet enfant, il a été voir le père qui est en Afrique, qui fait des va-et-vient, qui a plusieurs femmes, qui ne vit plus avec eux, a imposé à la mère d'aller voir un sorcier, que le sorcier en Afrique ça a été catastrophique, et que l'hôpital de jour, ça avait été quand même le jour et la nuit par rapport à ce que le sorcier avait fait à son enfant. Qu'elle était très malheureuse de voir que son enfant avait souffert et qu'elle le voyait souffrir même pendant la séance de désenroutement. C'était une souffrance pour elle de voir son enfant ainsi manipulé par un homme. ce sorcier et là de nouveau la dame patronesse la coupe en lui disant non non le sorcier c'est bien vous pouvez pas dire que l'hôpital de jour c'est mieux non mais ça se tient c'est une façon de soigner aussi il a soigné votre enfant aussi donc avec un discours d'hyper idéalisation de la pratique de ce sorcier que la mère elle même dénonçait enfin il disait avoir vécu comme une souffrance, au-delà des effets nuls de cette pratique.

  • Speaker #0

    C'est une assignation identitaire, chimiquement pure.

  • Speaker #1

    Complètement. Moi, ça m'a révoltée. J'en ai rediscuté ensuite avec la mère. On a repris les choses. J'en avais besoin. Mais c'est une assignation identitaire. Et c'est terrible parce que c'est plus soigné.

  • Speaker #0

    à partir d'éléments culturels de la personne, en prenant en compte les éléments culturels de la personne, mais avec les thérapies de la culture d'origine.

  • Speaker #1

    Donc c'est l'enfermer en fait dans son univers culturel. Voilà. Alors qu'elle est immigrée ici, peut-être que la mère a envie de France, a envie de parler français, a envie que son enfant devienne français, a envie qu'elle demande quelque chose en venant.

  • Speaker #0

    C'est une anecdote, la petite sœur de Mamadou commençait à frayer avec l'islam radical. portait le voile noir. La mère était catastrophée, voulait pas que sa fille, voulait qu'elle finisse censée appeler de coiffeuse. Là aussi, non, mais c'est une façon de retrouver ses racines. La mère expliquait très bien que c'était pas son islam à elle, qu'elle avait jamais pratiqué ce type d'islam-là, que ça lui faisait peur, qu'elle vivait ça comme une façon... Enfin, elle culpabilisait aussi parce qu'elle se disait ma fille a été trop investie dans son rôle d'aide auprès de son frère. C'était une maman aussi, encore une fois, qui voulait se séparer de son enfant pour son bien à elle, pour le bien de sa fille et pour le bien de l'enfant. Elle attendait une place en institution en Belgique, en l'occurrence. Elle était très volontaire et très investie pour que son enfant puisse partir en Belgique. Elle lui faisait faire régulièrement ce qu'on appelle des séjours de répit, c'est-à-dire une semaine à la campagne en province, dans une institution spécialisée. Donc voilà, une mère qui était... partante pour s'intégrer, partante pour avancer, on la laisse un peu dans sa merde et on lui dit que sa merde, elle est bien. Pardonnez-moi le vocabulaire, mais c'est des choses qui m'ont proprement révoltée.

  • Speaker #1

    Ici encore, on rationalise un comportement régressif qui est le communautarisme. C'est ça. Tout simplement. Et avec une discipline qui pourtant est très prometteuse, l'ethnopsychiatrie est passionnante dans son ambition, et profondément existentielle. Est-ce que le psychisme est le même de culture en culture ? Jusqu'où il y a des différences ?

  • Speaker #0

    Attends, il a réglé la question. Les psychismes sont différents. Le deep, c'est du n'importe quoi. Ça n'existe pas, le complexe de deep. Ha ha ha, il y a une étude danoise qui a demandé à des enfants maternels avec qui ils aimeraient se marier. 80% ont répondu avec mon copain de classe. Donc, ils n'ont pas répondu avec mon papa ou avec ma maman. Donc, il n'y a pas de deep. L'argument scientifique décisif.

  • Speaker #1

    On est au niveau zéro de la réflexion.

  • Speaker #0

    Convoqué par Toby Nathan pour dire... Toby Nathan, il soigne les schizophrènes en leur expliquant qu'il y a une instance extérieure qui leur en veut, effectivement. Donc on va convoquer un sorcier, on va attraper son ennemi extérieur. Il a une entité extérieure qui lui en veut. Et c'est pour ça qu'il entend des voix, lui parle. Et c'est pour ça qu'elle lui dit de faire des choses. Mais on va en convoquant encore un thérapeute.

  • Speaker #1

    Mais ça peut être efficace, pourquoi pas ?

  • Speaker #0

    Moi je pense que pour un schizophrène ça peut être ravageur. D'accompagner ces formes de crise schizoparanoïde en lui disant que tout ça vient de l'extérieur, ça le déresponsabilise totalement. Il n'est plus sujet de sa maladie, il n'est plus qu'objet d'une instance extérieure. La généalogie de la famille Nathan, c'est des rabbins, comment on appelle ça, thérapeutes. C'est pour moi une très grande régression aussi d'une discipline qui était très prometteuse, comme vous disiez, et qui rejoint là encore, on retourne sur des formes traditionnelles de pratiques dites thérapeutiques qui sont extrêmement violentes. Pour des gens qui sont peut-être dans un processus d'assimilation, dans certains cas, c'est la médecine musulmane. C'est des séances de désenroutement, parce que la gamine a 16 ans, elle commence à avoir une libido, elle va avoir un petit copain. On ramène le sorcier et on le limite, on met dans une posture de quasi-viol collectif, cette gamine. Vous voyez comment ça peut aussi faire le lit du développement de certaines pratiques. problématique, pour le moins.

  • Speaker #1

    Et finalement, est-ce que vous avez suivi des enfants qui sont passés par ces institutions et que vous avez vu régresser ou ne pas progresser au mieux dans leur parcours de soins ? Qu'est-ce que vous avez eu devant sur ce qu'ils sont devenus ou leur parcours ?

  • Speaker #0

    Alors... Pas tellement. J'en ai pas suivi, pour tout vous avouer, dans l'après.

  • Speaker #1

    Notamment, je pense à des primo-délinquants ou des jeunes qui étaient destinés psychologiquement à la délinquance ?

  • Speaker #0

    Alors, je sais que...

  • Speaker #1

    Vous étiez déjà engagée là-dedans ?

  • Speaker #0

    Oui. Je sais qu'il y a des jeunes que j'ai eus qui étaient déjà... qui étaient en cours de procédure judiciaire pour des faits de délinquance, de violences sur personnes notamment, qui étaient emprisonnés après. Donc les faits devaient être graves puisque depuis la réforme Belloubet, les peines inférieures à un mois, ça aussi c'est catastrophique comme réforme.

  • Speaker #1

    Là aussi on est dans l'absence de limites.

  • Speaker #0

    Oui. Les magistrates c'est aussi beaucoup des gynécées. La magistrature c'est beaucoup des femmes.

  • Speaker #1

    Vous avez évoqué les gynécées et vous voyez un manque de mixité dans les équipes.

  • Speaker #0

    Oui. Et ce n'est pas tant un problème de manque de mixité. Il se peut que dans une équipe, il n'y ait que deux hommes, ou peut-être qu'un seul, ou même pas du tout. Là, c'est quand même problématique quand il n'y en a pas du tout. Mais cette fonction... Cette fonction paternelle peut être...

  • Speaker #2

    Pardon, c'est quoi Ginésie ?

  • Speaker #0

    C'est que des femmes. C'est un groupe, dans la Chilé grecque, c'était un lieu où il n'y avait que des femmes. Effectivement, des équipes où il n'y a que des femmes, où un seul homme qui va souvent être castré, qui va devoir être une mère parmi les mères, et occuper une fonction maternante. Moi, souvent dans ces équipes-là, d'ailleurs, j'occupais une fonction paternelle. Symbolique. Les gamins étaient à la limite de m'appeler monsieur. J'incarnais la loi et j'en prenais plein la figure souvent parce que je voulais poser des sanctions. Alors c'est toujours très délicat, ça se discute avec des enfants de ce profil-là. Avec d'autres, ça ne se discutait pas. Je voyais très bien que l'enfant était en capacité de comprendre la sanction et d'en faire quelque chose. Et elle était importante à poser. Maintenant, on parlait tout à l'heure du rapport à la loi, mais c'est pareil dans le traitement de la délinquance aujourd'hui. où on a aussi comment il s'appelle qui parlait de Big Mother Big Mother Michel Schneider où toutes les institutions même dans celle dans laquelle il peut y avoir des hommes, c'est la mamelle. C'est la mamelle maternante, c'est la mamelle nourrissante, c'est la cave qui tombe, les aides sociales, on enveloppe les gens, on les prend. Tout est fait en sorte pour qu'ils soient dans leur petit utérus, tranquilles, et qu'ils ne rencontrent jamais la loi. Et les conséquences de la transgression de la loi. Maurice Berger en parle très bien je vous renvoie vraiment à ses écrits parce qu'il en parle mille fois mieux que moi qui est un peu encore évasif mais moi je trouve ça terrible qu'un enfant qui en acte, ou qu'un jeune qui en acte demande une sanction, demande à être arrêté et on lui dit, bah continue le message envoyé par l'institution judiciaire dans 80% des cas aujourd'hui, c'est tu viens de violer une femme Bon, t'as pas les codes, tu viens d'une culture différente, au mieux on va te mettre un petit bracelet électronique et puis tu te promèneras avec et tu continueras de violer. au pire, tu vas faire des travaux d'intérim généraux. C'est primordial que ces jeunes rencontrent à un moment donné dans leur vie la loi, et une loi qui soit compréhensible, qui soit liée et proportionnelle aux actes commis, à la transgression commise, et qui rencontre autre chose que la violence d'un système. Puisque pour moi, le maternage, ça va peut-être vous choquer, Mais le quasi inceste féminin envers les enfants ou les jeunes dans les postures maternantes abusives et pulsionnelles dégoûtantes, pour moi c'est presque aussi violent qu'une violence physique paternelle. C'est-à-dire que des gamins, là encore Maurice Berger en parle très bien, les jeunes africains qui sont souvent des enfants battus par leur père africain. qui n'ont jamais rencontré qu'une loi arbitraire, indiscutable ou incohérente, des figures incohérentes dans l'exercice de leur autorité, qui puissent rencontrer à un moment une loi rationnelle, comme je disais tout à l'heure, où les actes sont sanctionnés proportionnellement aux délits commis, c'est très important et ça a des effets extrêmement positifs. C'est-à-dire que ce sont... Là encore, on fabrique un barbare si on ne le fait pas.

  • Speaker #1

    C'est la phrase de Gérard Mandel, celui qu'on empêche de grandir, il ne reste plus que d'élire. Et on se retrouve aujourd'hui avec des armées de djihadistes, des jeunes qui cherchent la loi et qui la trouvent dans la mort finalement, qui est l'ultime limite.

  • Speaker #0

    Un espace très structurant pour ces jeunes-là, s'ils ont des chances de s'en sortir et de ne pas être pavris complètement dans la délinquance. ou l'autodestruction, parce que ça peut être des toxicomanes, des SDF, des craqués, ils sont tous passés par des institutions du type de celles que je décris, ils peuvent aussi rencontrer la mosquée du coin qui va extrêmement les cadrer, qui va leur faire énormément de bien, et un jour, quelqu'un d'un peu plus malin que dans cette mosquée, leur mettra une ceinture autour de la taille. Et paf quoi.

  • Speaker #1

    C'est pour ça qu'aujourd'hui on se retrouve avec des terroristes entre guillemets qui sont diagnostiqués déséquilibrés. Et on a un micmac entre l'engagement dans la religion et le déséquilibre psychiatrique. Les deux sont très vrais et c'est très certainement des jeunes qui sont passés par le type d'institution que vous avez décrit.

  • Speaker #0

    Mera c'était le cas, Némouch c'était le cas, c'est le cas d'énormément de terroristes. Ils sont tous plus ou moins passés par l'aide sociale à l'enfance. Ils ont tous été à un moment donné signalés que ce soit par une instit, une assistante sociale, voire fait des tout petits séjours en centre éducatif fermé ou des choses comme ça.

  • Speaker #1

    Donc là, pour le coup, on a des jeunes pour qui la notion d'institution a été complètement discréditée. L'Occident apparaît comme un énorme vide à coloniser. Et si au début, ils n'étaient pas violents ou psychopathes, effectivement, d'après ce que vous avez décrit, les établissements les fabriquent.

  • Speaker #0

    les fabriquent en quelque sorte pour moi dans la mesure où ils n'ont jamais par culpabilité narcissique, mais aussi par confort, ou par fainéantise, ou par je-m'en-foutisme, ou par c'est trop dur, parce que c'est dur. Je ne voudrais pas non plus donner l'image de quelqu'un qui prend les gens de haut et qui dit que c'est facile. C'est extrêmement dur. Passer une heure dans une salle avec un psychotique, revenir me voir après, vous êtes en lambeau. C'est quand même... C'est très... D'où les supervisions. ces moments d'analyse collective pour déposer des choses. Mais le travail n'est pas simple, je ne suis pas en train de dire qu'il suffirait d'eux, qu'il y aurait cas. Je dis simplement, oui, là où il y a une demande explicite de limite, il faut y répondre, c'est primordial d'y répondre.

  • Speaker #2

    Vous venez d'entendre la dernière partie de l'entretien avec Sophia, pédopsychiatrie, la fabrique des barbares. Rendez-vous dans 15 jours pour un nouvel entretien, la révolution culturelle de 1960 à 1990 avec Jean-Pierre Le Goff. Vous pouvez retrouver les documents évoqués lors de l'émission ainsi que d'autres permettant de prolonger la réflexion sur notre site heretico-pluriel.fr. Ce podcast est disponible sur toutes les plateformes d'écoute.

Description

Jusqu'ici cantonnés à des milieux jugés dépressifs ou nostalgiques, les discours alarmants sur le délabrement de nos sociétés se sont répandus. Ils sont maintenant cautionnés par le sommet de l'État, qui évoque ouvertement « l’effondrement" et la "décivilisation". C'est que les effets concrets en sont de moins en moins escamotables : chacun peut vivre, à sa petite échelle, la dégradation continue de ses conditions de vie et l'irruption, à présent quotidienne, d’une violence feutrée ou meurtrière.

L'univers médico-social est peut-être la pointe avancée de cette déliquescence, à la croisée de la "crise" de l'éducation, de l'avachissement de la psychiatrie, de la surenchère technologique, de la politique gestionnaire et du changement de nature de l'immigration. Les institutions de soin et d'éducation, censées former et accompagner des individus libres et responsables, deviennent progressivement des fabriques de barbares.

Sofia, animatrice, institutrice puis psychopédagogue expérimentée, décrit cette catastrophe permanente avec la justesse des praticiens de base pour en appeler à la renaissance de l’intérêt collectif et la fin de la bêtise savante.


heretiques.fr


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Hérétique est un podcast politique mêlant entretien et débat. Hérétique pour questionner les dogmes et les mythes. Hérétique parce que la politique n'est pas la religion. Hérétique parce que vouloir penser est toujours le début de la dissidence. Pédopsychiatrie, la fabrique des barbares,

  • Speaker #1

    seconde partie.

  • Speaker #0

    Et cette sorte de techno-solutionnisme, en fait, où on cherche dans la technique une solution systématique à tous les problèmes, et qui fait naître d'autres problèmes, on le trouve aussi dans la théorie. Vous parliez tout à l'heure de le blabla théorique, le recouvrement à l'aide de mots ronflants. qui recouvrent des pratiques qui sont complètement régressives. Est-ce qu'on retrouve ce type de techno-obsession dans la théorie qui ont cours dans les établissements que vous avez fréquentés ?

  • Speaker #1

    Oui, alors depuis un peu plus d'une dizaine d'années maintenant, il y a un mouvement très fort de lobby. qui a déroulé au sein du gouvernement, qui a une grande influence maintenant sur les autorités de santé, qui est le mouvement des comportementalistes, des cognitivo-comportementalistes. Un mouvement qui s'est développé aussi par rapport à toutes les dérives des orientations plutôt psychanalytiques, parce que je n'ai pas précisé, mais en général, 99% de ces structures, hôpitaux de jour, instituts médicaux éducatifs, ces SAD, se placent dans une orientation psychanalytique. C'est du flan, on l'a bien vu. c'est juste une pause, une posture. Mais ça ne recouvre aucune réalité autre que ravageuse, comme on a pu le décrire. Donc effectivement, des collectifs de parents qui se sont constitués, qui ont vu leur enfant régresser encore plus en étant hospitalisé en hôpitaux de jour. Il y a eu des choses discutables, effectivement. Par exemple, je ne vais pas rentrer dans ce débat qui est très polémique, la question du packing, de l'enveloppement dans du linge humide, une thérapie qui a été mise en place par le professeur de Lyon, développée en France par le professeur de Lyon, un psychiatre, qui s'en est pris plein la tronche, effectivement, parce que c'était assimilé à de la maltraitance pour certains enfants. Tout dépend comment ça a été fait. Moi, je ne peux pas en parler. Je ne préfère pas m'avancer parce que je n'ai eu qu'une fois cette expérience-là. Mais bon, voilà, des situations où on ne savait pas trop ce qu'on faisait avec leur enfant. Les parents récupéraient des enfants dans un état lamentable, encore pire que quand ils étaient entrés en hôpital de jour. Au bout de trois mois d'hôpital de jour, c'était encore pire. Et sont arrivés des États-Unis, donc ces méthodes comportementales de type ABBA, je ne sais plus l'acronyme, il faudrait peut-être le rechercher, je m'excuse. Donc méthode de quasi-dressage, on va dire, des enfants. Des méthodes qu'on dit éducatives, mais qui sont pour moi rééducatives. Alors pourquoi pas, effectivement, un autiste très régressé, moi j'entends la détresse d'une mère qui voudrait bien que son enfant apprenne juste à mettre ses chaussettes tout seul à 12 ans. Voilà, moi j'ai eu le cas d'une mère à la fin de la prise en charge, à la fin de l'année scolaire. Le lien s'était bien établi avec elle. On avait vraiment avancé ensemble, de façon quasiment clandestine par rapport à la direction et à la psychiatre en chef. Et elle me demandait conseil. Voilà, j'ai une institution à bas qui a une place pour mon enfant. Est-ce que vous pensez que je devrais le mettre ? Qu'est-ce que vous en pensez ? Parce que j'ai peur, parce que je ne sais pas. C'est un enfant qui était accompagné en classe quelques trois heures par semaine. Il avait trois heures de classe par semaine puisqu'on les inclut de plus en plus. C'est la société inclusive pour le meilleur et pour le pire. Il était accompagné par une AVS, une assistante en classe. qui venait d'une association privée, qui s'était montée par des parents et qui formait des AVS à leur pratique comportementaliste. Au lieu d'un recrutement classique d'AVS par l'éducation nationale, en gros, c'était ces jeunes filles qui étaient étudiantes en psychologie et qui accompagnaient ces enfants. Donc, elle trouvait que ce n'était pas mal ce que cette jeune fille faisait à l'école avec son enfant. Elle me disait, je vais le faire rentrer dans une institution où il sera pris en charge à 100% selon ces méthodes éducatives-là. J'étais embarrassée. En même temps, je voyais bien que ce qu'on faisait ici était d'une indigence quasi criminelle. En même temps, je n'ai pas trouvé d'autre réponse que Soyez vigilante, est-ce que votre enfant ne devienne pas un robot ? C'était un enfant qui était très humain, qui exprimait des émotions, qui était vivant. C'était pas non plus... un autiste très mutique ou catatonique. Il y avait un lien quand même. Il soutenait les regards. Donc voilà, j'ai rien trouvé d'autre à lui dire que, en tant que mère, soyez vigilante à ce qu'il ne devienne pas un robot. Pourquoi ? Parce que c'est des méthodes effectivement qui vont fonctionner à base de demandes, exécution de la demande, récompense. Donc là, on n'est pas loin du dressage d'un chien.

  • Speaker #0

    Et on est surtout dans une conception du soin qui a mis le lieu des fondamentaux de la psychanalyse, où le but n'est pas de rendre l'individu adéquat à sa société, mais de le rendre autonome.

  • Speaker #1

    Oui, là c'est fonctionnel. De rendre le gamin, et moi j'en ai vu des gamins qui sortaient, qui en venaient ou qui étaient pris en charge par ce type de méthode à 100% de leur temps, J'en ai croisé, c'est terrible. Ils vous disent bonjour, vous avez l'impression que c'est une intelligence artificielle qui vous parle. Il y a une prosodie, une bonjour madame, au revoir. Je veux, moi veux. Alors effectivement, les autistes ont ce qu'on appelle l'inversion des pronoms. C'est-à-dire qu'au lieu de dire je, ils vont dire tu. Tu ramasses en parlant d'eux, tu vas chercher, tu dors, tu manges. Alors qu'ils n'ont pas accès, ils ne s'identifient pas. Ils n'utilisent pas le pronom je. Alors là, ils utilisent le pronom je, il n'y a pas de problème. Mais c'est un robot qui vous parle. C'est dur à voir. Et en même temps... L'enfant, il arrive à faire certaines choses. Donc moi, de ma position de pédagogue, qui je suis pour dire à une mère... Non, laissez-le. Jusqu'à 18 ans, il ne saura pas faire ses lacets, dire bonjour, rentrer dans une salle sans s'effondrer.

  • Speaker #0

    On peut retrouver, si je peux faire un parallèle un peu audacieux, la chose dans le monde juridique, où on se retrouve en face d'un chaos judiciaire, où on ne sait pas du tout quelles vont être les sanctions. On a toujours régulièrement des faits divers qui se concluent par des non-lieux ou par des... des relax ou des peines qui sont complètement disproportionnées. Et on a aussi l'effet inverse, c'est-à-dire des actes qui sont délictueux mais ridicules et qui sont sursanctionnés. Et en réalité, il y a un refus, c'est comme s'il y avait un refus dans toute la société d'affronter la difficulté à juger, mais en très général, à juger les choses. La psychanalyse, même la thérapie en général, ça fait partie de ce que Freud appelle les métiers impossibles. Le métier de thérapeute, de politique et d'éducateur, c'est-à-dire on prend la personne et on tente de la mener à un niveau d'autonomie tel que ce soit capable de se passer de nous. C'est extrêmement difficile, extrêmement délicat, c'est un métier impossible d'après eux. Et plutôt que d'affronter cette difficulté, on retombe dans des solutions de facilité où on simplifie à l'extrême.

  • Speaker #1

    Oui, ça devient une question de technique. Voilà. Il y a un mode d'emploi. Moi, j'ai vu des instituts médicaux, médicaux éducatifs dans lesquels je suis aussi intervenu. de façon très courte dans la durée, parce que je me suis tirée très rapidement, c'était infernal. Je suis arrivée, j'ai eu deux psychologues en face de moi, deux femmes, donc c'était une gynécée encore, là, que des nanas. Elles m'ont présenté chaque cas d'enfant. J'avais un classeur d'une trentaine de pages, conduite à tenir, avant la crise, pendant la crise, mode d'emploi. Je vous assure, c'était un mode d'emploi pour chaque gamin. avec l'histoire des renforcateurs, s'il fait ça, lui donner ça, s'il fait ci, le priver de ça.

  • Speaker #0

    Oui, il y a un milieu.

  • Speaker #1

    Alors entre la psychanalyse effectivement qui cherche l'émergence du sujet, qui est dans des dérives catastrophiques. entre le mode d'emploi, une chose très complexe, et sur la durée, c'est long. C'est un travail qui est long, qui est lent, qui est fait d'avancées, de régressions. Là, vous mettez votre gamin dans une structure à bas, effectivement, il est... Les progrès sont miraculeux, extraordinaires en trois semaines.

  • Speaker #0

    C'est une mouvante balancier parce qu'aujourd'hui, il n'est plus question de remettre en cause les parents. Alors que la psychanalyse, ou même les thérapies groupales, par définition, impliquent toute la totalité des acteurs autour. Il y a eu un grand moment depuis une dizaine d'années, effectivement, de basculement, où il y a un refus de culpabiliser les parents, de culpabiliser la mère. Et on considère que le problème de l'autiste est dû à l'autiste et que ça n'a rien à voir avec l'environnement de la famille.

  • Speaker #1

    Oui, mais c'est un mouvement de balancier extrême parce qu'on ne pose plus la question en termes de culpabilité. C'est très bien, je me souviens du livre de Bethelheim, La forteresse vide. C'était une violence inouïe pour... pour les parents et surtout pour les mères, mais on est passé à c'est une question de gêne, c'est une question de machin, donc plus de responsabilité. Entre culpabilité et responsabilité, il y a un monde. C'est celui de l'apparition du sujet qui s'oppose. Oui, là j'ai merdé, là j'ai pas merdé. Enfin, j'en sais rien. Ou c'est du fait de mon histoire. Ou c'est-à-dire qu'il n'y a plus besoin d'autoreflexivité. En gros, réfléchir sur soi-même, ce qu'on a mis en place, pourquoi on a voulu cet enfant, pourquoi... qu'est-ce qui s'est passé ? Enfin bref, quelque chose d'humain, mais qui reste une responsabilité. Là, on a trouvé la cause, c'est les pesticides, c'est la D-PATKIN, je ne sais plus quel nom de médicament, qu'on met aussi en cause comme hypothèse de source de développement de spectrosystiques. ou autre chose.

  • Speaker #0

    Vous avez un discours qui n'implique pas du tout un manque de moyens, alors que c'est une revendication qu'on entend sourdre de toute la société. Tous les secteurs de la société racontent qu'il y a un manque de moyens. Dès qu'il y a un moindre problème, les paysans ont balance des milliards, les gilets jaunes ont balance des milliards. Il ne faut rien résoudre. Quel est votre point de vue quant au manque de moyens du monde médico-social ?

  • Speaker #1

    Là, on risque de faire hurler... Les éducateurs, effectivement, il y a énormément de moyens. Tant en termes de masse salariale, pour parler comme un patron, il y a énormément de personnel. C'est des équipes, c'est pas moins de 20-30 personnes pour l'accueil d'une trentaine d'enfants, avec des séances, des demi-journées, où ils sont 8-10 maximum sur la structure. Donc 20 personnes pour 8 enfants présents. par demi-journée. C'est des réunions, à un moment j'étais enseignante référente, donc enseignante référente c'est un poste à cheval entre l'éducation nationale et la maison des handicapés, la MDPH, qui gère les dossiers des enfants, la mise en place des aides, etc. Je me suis retrouvée dans des réunions où on était pas moins de 30 personnes. psychologues, médecins psychiatres, instituteurs, enfin, ou professeurs, professeurs principaux quand c'était des collégiens. Énormément de monde. Donc, au-delà du coût, du coût en termes de salaire, toutes ces personnes qui étaient là, pour trois personnes qui allaient parler en trois heures de réunion. C'était toujours les quatre, cinq personnes qui allaient s'exprimer, toutes les autres, elles étaient là. Bon, elles faisaient leurs heures, il n'y a pas de problème. Vous imaginez, donc c'est des réunions où les jeunes ou les enfants sont conviés à être présents. Vous imaginez l'effet sur un gamin. Il y a 30 personnes là qui, pendant 3 heures, discutent de mon cas. Donc soit je suis super important, imaginez le schizo, il est le centre du monde, tout vient de lui, ou j'en sais rien, une pathologie où déjà le gamin est dans la toute puissance. Ou au contraire, un gamin qui doit se dire, je dois être sacrément malade pour que... Pour qu'on s'occupe autant de moi, je dois vraiment être barrée. Je veux vraiment avoir un gros problème. Alors que des fois, c'est vraiment, comme je disais tout à l'heure, des problèmes non pas psychiatriques, mais psychologiques bénins qui pourraient se régler ailleurs. Et simplement. Donc énormément de moyens. Il faut savoir que dans les hôpitaux de jour, la plupart du temps, les enfants viennent en taxi. Donc ça, c'est pris en charge à 100% par la Sécurité sociale. Au point que certaines fois, les parents ne sont pas contents parce que le taxi est en retard. Le boulot du cadre dans un hôpital de jour, ça fait en grande partie gérer le planning des taxis. Donc il a ses tableaux Excel, il est content, il rentre ses horaires, ses prises en charge, etc. Donc des gens qui peuvent être là aussi et ne rien faire, puisqu'on est très nombreux pour pas grand monde. Je parlais de l'engagement tout à l'heure, moi j'ai vu des infirmières, c'était une caricature du sketch des inconnus. Alors ça m'arrache un peu la tronche de le dire. La plupart du temps c'était des immigrés ou des descendants d'immigrés, des antillaises, qui pouvaient passer devant un gamin prostré qui était là dans le couloir depuis deux heures, et même pas lui adresser un regard, et se diriger vers son bocal. et faire ses recherches sur les soldes ou son prochain billet d'avion pour le bled ou j'en sais rien. Donc quand je parlais d'engagement tout à l'heure, il y a aussi tout ce côté humain, il ne suffit pas de grand chose, un gamin qui est prostré dans un couloir, juste se mettre à sa hauteur, le regarder, il peut se passer un truc de quelques secondes, et t'as fait le boulot, t'as pas fait une révolution mais t'as fait bouger quelque chose. Non, là, il pouvait passer, ne pas les regarder, ou faire pchit, enfin, encore lui.

  • Speaker #0

    Mais en fait, vous décrivez un monde qui se rapproche de plus en plus du tiers-monde, c'est-à-dire des institutions qui ne marchent plus, auxquelles plus personne ne croit. Il n'y a plus de notion d'intérêt commun.

  • Speaker #1

    Non, il n'y a plus d'intérêt commun. Il n'y a plus que des gens, je vous dis, qui font leur petite niche là, leur petite carrière, qui ne sont pas dérangés. C'est un boulot, si vous n'êtes pas dérangé, vous n'avez rien fait. Vous avez traversé l'hôpital. L'hôpital de jour, vous auriez pu travailler dans une banque, ça aurait été pareil. Moi, ça m'a fait bouger. Les premières expériences, notamment, ont été extrêmement douloureuses et m'ont fait avancer sur des choses, m'ont permis de comprendre d'autres choses, tant de par ce que les enfants malades vous renvoient que l'équipe.

  • Speaker #0

    C'est un engagement intime.

  • Speaker #1

    Oui, et quand on est présent, ce n'est pas du présentiel. C'est une réelle présence. Donc voilà, on parlait tout à l'heure des supervisions, je vous le disais, 520 euros les deux heures. Vous imaginez ? Autre exemple, moi, le dernier poste que j'ai occupé, dernier poste en date, j'étais payée pour travailler 28 heures. Je pouvais avoir des semaines et ça a été la constante. Sur les neuf mois où je suis intervenue dans cette structure privée, donc avec cette directrice... castratrice, omniprésente, qui a recruté ses cousins libanais, etc. Tout un trafic de prise en charge, elle traficotait le nombre de gamins qui étaient pris en charge. Du coup, elle avait les sous de la sécu tombés. C'était de la corruption, même pas voilée. C'était quasiment assumé. Et quoi ? Moi, j'étais payée 1 700 euros pour faire 28 heures. En gros, j'ai eu un élève, 30 minutes. par semaine. Donc évidemment, j'ai fait remonter, comme on dit, à ma noble hiérarchie. Tout ça, mais il ne s'est rien passé. Alors ces structures, elles commencent à être mises... On commence à les inspecter un petit peu plus. Et notamment, il est question de retirer les enseignants de ces endroits-là. Oui, tu parles. Moi, on me payait 28 heures, je travaillais 30 minutes, j'étais pas bien.

  • Speaker #0

    Et quel est le rôle de l'immigration dans tout ce mécanisme que vous avez évoqué ? En partie, il y a une partie des patients, des enfants qui sont issus de migration, donc ça pose des problèmes particuliers, y compris, et aussi, d'un autre côté, dans la hiérarchie, on a des gens qui, effectivement... travailler ici comme on travaille dans le tiers-monde. Le post-modernisme rejoint le pré-modernisme. Quel est pour vous l'impact de l'immigration ? Comment vous voyez l'interaction entre la pédopsychiatrie et l'immigration ?

  • Speaker #1

    Dans les structures dans lesquelles j'ai travaillé, c'était à 80% des enfants issus de l'immigration, soit récentes, soit de deuxième génération. La plupart du temps, j'ai eu beaucoup de cas d'enfants consanguins, issus d'unions consanguines. Là aussi, on n'interroge pas, c'est très mal vu, même en réunion entre nous, entre soignants, d'interroger le fait qu'une mère qui a déjà trois enfants... pris en charge en psychiatrie, en pédopsychiatrie, pour des troubles sévères, des maladies mentales sévères, vraiment des trucs lourds, voire des maladies génétiques type trisomie, qui enchaînent la quatrième grossesse allègrement avec son cousin. Ça ne s'interroge pas. C'est du racisme. Ce n'est pas du racisme, en tous les cas. Je n'ai pas jugé de la volonté du désir d'enfant de cette femme. Je n'ai pas interrogé le fait qu'elle se soit mariée avec son cousin. Les psychiatres sont des médecins. Ce que je leur raconte, moi je suis un stit, ils savent très bien, ils ont fait de la génétique. C'est un secret de polychinelle que les mariages consanguins... Le risque est multiplié par je ne sais pas combien d'avoir un enfant.

  • Speaker #0

    Pour le coup, la scène barbarique est couverte par la théorie de l'attachement et tout ce que vous racontiez auparavant. C'est-à-dire qu'on déculpabilise les mères, on refuse de responsabiliser les parents, on ne sait qu'accompagner, etc.

  • Speaker #1

    C'est cohérent. C'est très cohérent. Il y a aussi la question de... Maurice Barger a écrit un livre il y a quelques années très intéressant là-dessus sur la séparation. La séparation dans le milieu pédopsychiatrie ou de l'ASE, l'aide sociale à l'enfance, et toutes les polémiques auxquelles ça donnait lieu de placer ou non un enfant, de le séparer de sa famille. Il y a un truc, moi, en pédopsychiatrie qui m'a passablement énervée, et que je n'ai pas retrouvé à l'éducation nationale d'ailleurs. Pour le coup, c'était un point positif au sein de l'éducation nationale, c'est-à-dire que nous, le boulot, les instituts, on le faisait, les signalements. Et souvent on disait mais il faut enlever cet enfant de cette famille, il est battu, il est maltraité, le père est alcoolique, ou la gamine à la 6 ans elle est voilée, ou des cas de maltraitance physique ou psychique, les insistes en général, souvent ça vient de l'école les signalements. Là, il y avait un truc, c'était la sacro-sainte alliance avec les familles. Sous prétexte encore d'un truc, un nom pompeux, on appelle ça la systémique. On travaille le système, la cellule familiale. C'est presque religieux comme truc, c'est-à-dire que c'est la famille, c'est l'unité, la cellule première de la société. On n'y touche pas.

  • Speaker #0

    Ce n'est peut-être pas faux théoriquement, mais ça a plutôt l'air d'être l'occasion de ne rien faire.

  • Speaker #1

    De ne rien faire, de se décharger, là encore, de se désengager. On parlait d'engagement, là c'est une façon de se désengager. Le boulot, on ne va pas mettre le gamin dans une institution où ça va être un éducateur, une équipe qui va devoir s'en occuper 24 heures sur 24, mais on va le laisser dans sa famille, on va l'accueillir deux ou trois fois par deux heures par semaine. Il y a ce qu'on appelle les VAD, les visites à domicile qui vont être mises en place. Il y a des fois, ce n'est pas possible les visites à domicile parce que c'est des familles tellement déstructurées que ce n'est pas possible. Mais bon, on rationalise ça encore une fois en disant oui, mais le lien entre l'enfant et sa famille, c'est important. Mais l'enfant, il est en train d'être bousillé là. On le voit, il n'y a pas besoin d'être devin. Là, vous allez faire un psychopathe, c'est un enfant battu. Il va battre quelqu'un, dès qu'il aura la force physique, il ira défoncer quelqu'un, je ne sais pas, ou agresser quelqu'un dans la rue. Il y a une fabrique du psychopathe là, pour moi. On voit tout venir, on voit tout arriver, on a tous les éléments, toutes les pièces du puzzle sont là. Et on laisse faire et on recouvre ça d'un discours aussi de ce que Daniel Siboni, que vous avez reçu je crois au sein de cette émission, appelle la culpabilité narcissique. C'est-à-dire qu'il y a un excusissement hallucinant. C'est-à-dire qu'on excuse à peu près tout au nom de la culture qui est différente, au nom de l'altérité qu'on dénie, qu'on ne veut pas affronter.

  • Speaker #0

    Ou qu'on refuse de reconnaître comme responsable d'elle-même. Oui. Toutes ces défauts, c'est ça la culpabilité narcissique, toutes ces défauts vont être attribués à notre comportement. Nous avons été mauvais, nous sommes mauvais, nous recevons mal les gens, nous soignons mal, etc. Donc c'est notre faute. Par contre,

  • Speaker #1

    toutes les qualités sont reconnues et ne relèvent pas de nous, entre guillemets, blancs, ou de la science du blanc. Par exemple, la question de l'ethnopsychiatrie. Si vous savez ce que c'est, l'ethnopsychiatrie, c'est une théorie élaborée par Georges Devereux, de mémoire après la Seconde Guerre mondiale. Lui a fondé cette théorie en disant qu'il y a énormément de pathologies qui sont dues à l'exil, à l'expérience de l'exil. Que c'est une expérience traumatique, et c'est vrai, que c'est une expérience traumatique et que... Pour soigner ces personnes, il faut prendre en compte leur culture. Donc on était dans ce que Lagrange appelle le déni des cultures, là on n'était pas là-dedans. On admettait qu'il y avait des cultures différentes.

  • Speaker #0

    Et qu'ils façonnent les psychismes.

  • Speaker #1

    Voilà, qu'ils façonnent les psychismes. Alors là, ça commence à être confirmé de plus en plus par des études statistiques, des prévalences plus importantes en fonction du pays d'origine, de l'ethnie ou de la culture d'origine. On sait par exemple qu'il y a plus de cas de schizophrénie chez les Antillais. Georges Devreux échafaude toute une théorie à propos de ça, mais ne la met pas en pratique à ma connaissance. En tous les cas, ne la met pas en pratique en France. Et c'est plus tard, Taubinathan qui ouvre le premier lieu de consultation en France dans les murs d'une université, en l'occurrence Paris VIII, Paris VIII Saint-Denis, Saint-Denis-Vincennes. C'est la première expérience en France, il n'y en a jamais eu. Et donc, il met en place ce qu'on appelle les consultations transculturelles.

  • Speaker #0

    C'est très intéressant, vous avez assisté à ce genre de choses.

  • Speaker #1

    Alors moi j'ai assisté à cinq séances autour d'un enfant que je suivais dans un hôpital de jour. Et c'était, là encore, les bras m'en sont tombés parce que moi j'avais des a priori plutôt positifs. Je me disais enfin, parce que jusqu'ici le discours c'était... soit on était dans le déni de la culture, soit on ne prenait pas ça en compte, ou on s'aidait à toutes les demandes des parents. Un repas thérapeutique, il y a une maman qui dit mon enfant ne mange pas de viande, c'est un repas collectif et thérapeutique, si, il va manger de la viande. Non, en face, la psychiatre ne tient pas. Oui, non, il ne mange pas de viande, il fait des crises classiques pendant le repas, débrouillez-vous. Bon, parenthèse. Donc, j'ai assisté à une séance avec un enfant autiste de 16 ans, non-verbal, qui marchait sur la pointe des pieds, enfin qui avait toutes les stéréotypies d'un autiste sévère. 16 ans, malien. La mère malienne qui l'élevait toute seule. Il avait une petite sœur de 15 ans, je crois, oui, qui avait 15 ans. Et donc tout ce beau monde se réunit, une trentaine de personnes, traducteurs de Soninke, sociologues, psychologues, il y avait des gens, je ne savais même pas c'était quoi leur fonction. des gens diplômés, d'autres non, mais qui avaient peu ou prou en lien avec la culture d'origine de cette dame. Tout cela sous l'égide d'une psychologue patronesse qui accueille tout ce beau monde. Et donc cette femme, la mère de cet enfant, Mamadou en l'occurrence, commence à exprimer les choses sur son enfant en français. Elle est tout de suite interrompue. Une psychologue interrompt quelqu'un qui commence à parler. Déjà, ça me défrise un peu. Ça me gêne beaucoup. Elle l'interrompt, elle lui dit Non, non, vous parlez en soninke La femme parlait français relativement correctement. Elle avait un accent, elle cherchait ses mots, mais elle faisait l'effort de parler français et c'était important pour elle. Donc nous, on était là avec l'équipe de jour. Tous les entretiens qu'on a eu avec cette femme, c'était en français, ça se passait bien. Bon bref, la dame patronesse psychologue, la couple, elle lui dit Non, non, vous parlez en soninke Autre parenthèse, le traducteur Soninke est payé 300 euros la séance. Donc il faut bien l'utiliser à bon escient, même si bon, il pourrait dormir aussi. Elle explique très bien en quoi l'hôpital de jour a fait progresser son enfant. Là pour le coup, je vous le dis, c'est dans cet hôpital de jour où j'ai très bien travaillé avec une équipe motivée et impliquée. L'enfant a appris à faire ses lacets, a appris à faire quelques... enfin le jeune a appris quelques gestes d'autonomie dans la vie quotidienne. De la vie quotidienne et la mère en est satisfaite. Elle explique que tout au long du parcours de cet enfant, il a été voir le père qui est en Afrique, qui fait des va-et-vient, qui a plusieurs femmes, qui ne vit plus avec eux, a imposé à la mère d'aller voir un sorcier, que le sorcier en Afrique ça a été catastrophique, et que l'hôpital de jour, ça avait été quand même le jour et la nuit par rapport à ce que le sorcier avait fait à son enfant. Qu'elle était très malheureuse de voir que son enfant avait souffert et qu'elle le voyait souffrir même pendant la séance de désenroutement. C'était une souffrance pour elle de voir son enfant ainsi manipulé par un homme. ce sorcier et là de nouveau la dame patronesse la coupe en lui disant non non le sorcier c'est bien vous pouvez pas dire que l'hôpital de jour c'est mieux non mais ça se tient c'est une façon de soigner aussi il a soigné votre enfant aussi donc avec un discours d'hyper idéalisation de la pratique de ce sorcier que la mère elle même dénonçait enfin il disait avoir vécu comme une souffrance, au-delà des effets nuls de cette pratique.

  • Speaker #0

    C'est une assignation identitaire, chimiquement pure.

  • Speaker #1

    Complètement. Moi, ça m'a révoltée. J'en ai rediscuté ensuite avec la mère. On a repris les choses. J'en avais besoin. Mais c'est une assignation identitaire. Et c'est terrible parce que c'est plus soigné.

  • Speaker #0

    à partir d'éléments culturels de la personne, en prenant en compte les éléments culturels de la personne, mais avec les thérapies de la culture d'origine.

  • Speaker #1

    Donc c'est l'enfermer en fait dans son univers culturel. Voilà. Alors qu'elle est immigrée ici, peut-être que la mère a envie de France, a envie de parler français, a envie que son enfant devienne français, a envie qu'elle demande quelque chose en venant.

  • Speaker #0

    C'est une anecdote, la petite sœur de Mamadou commençait à frayer avec l'islam radical. portait le voile noir. La mère était catastrophée, voulait pas que sa fille, voulait qu'elle finisse censée appeler de coiffeuse. Là aussi, non, mais c'est une façon de retrouver ses racines. La mère expliquait très bien que c'était pas son islam à elle, qu'elle avait jamais pratiqué ce type d'islam-là, que ça lui faisait peur, qu'elle vivait ça comme une façon... Enfin, elle culpabilisait aussi parce qu'elle se disait ma fille a été trop investie dans son rôle d'aide auprès de son frère. C'était une maman aussi, encore une fois, qui voulait se séparer de son enfant pour son bien à elle, pour le bien de sa fille et pour le bien de l'enfant. Elle attendait une place en institution en Belgique, en l'occurrence. Elle était très volontaire et très investie pour que son enfant puisse partir en Belgique. Elle lui faisait faire régulièrement ce qu'on appelle des séjours de répit, c'est-à-dire une semaine à la campagne en province, dans une institution spécialisée. Donc voilà, une mère qui était... partante pour s'intégrer, partante pour avancer, on la laisse un peu dans sa merde et on lui dit que sa merde, elle est bien. Pardonnez-moi le vocabulaire, mais c'est des choses qui m'ont proprement révoltée.

  • Speaker #1

    Ici encore, on rationalise un comportement régressif qui est le communautarisme. C'est ça. Tout simplement. Et avec une discipline qui pourtant est très prometteuse, l'ethnopsychiatrie est passionnante dans son ambition, et profondément existentielle. Est-ce que le psychisme est le même de culture en culture ? Jusqu'où il y a des différences ?

  • Speaker #0

    Attends, il a réglé la question. Les psychismes sont différents. Le deep, c'est du n'importe quoi. Ça n'existe pas, le complexe de deep. Ha ha ha, il y a une étude danoise qui a demandé à des enfants maternels avec qui ils aimeraient se marier. 80% ont répondu avec mon copain de classe. Donc, ils n'ont pas répondu avec mon papa ou avec ma maman. Donc, il n'y a pas de deep. L'argument scientifique décisif.

  • Speaker #1

    On est au niveau zéro de la réflexion.

  • Speaker #0

    Convoqué par Toby Nathan pour dire... Toby Nathan, il soigne les schizophrènes en leur expliquant qu'il y a une instance extérieure qui leur en veut, effectivement. Donc on va convoquer un sorcier, on va attraper son ennemi extérieur. Il a une entité extérieure qui lui en veut. Et c'est pour ça qu'il entend des voix, lui parle. Et c'est pour ça qu'elle lui dit de faire des choses. Mais on va en convoquant encore un thérapeute.

  • Speaker #1

    Mais ça peut être efficace, pourquoi pas ?

  • Speaker #0

    Moi je pense que pour un schizophrène ça peut être ravageur. D'accompagner ces formes de crise schizoparanoïde en lui disant que tout ça vient de l'extérieur, ça le déresponsabilise totalement. Il n'est plus sujet de sa maladie, il n'est plus qu'objet d'une instance extérieure. La généalogie de la famille Nathan, c'est des rabbins, comment on appelle ça, thérapeutes. C'est pour moi une très grande régression aussi d'une discipline qui était très prometteuse, comme vous disiez, et qui rejoint là encore, on retourne sur des formes traditionnelles de pratiques dites thérapeutiques qui sont extrêmement violentes. Pour des gens qui sont peut-être dans un processus d'assimilation, dans certains cas, c'est la médecine musulmane. C'est des séances de désenroutement, parce que la gamine a 16 ans, elle commence à avoir une libido, elle va avoir un petit copain. On ramène le sorcier et on le limite, on met dans une posture de quasi-viol collectif, cette gamine. Vous voyez comment ça peut aussi faire le lit du développement de certaines pratiques. problématique, pour le moins.

  • Speaker #1

    Et finalement, est-ce que vous avez suivi des enfants qui sont passés par ces institutions et que vous avez vu régresser ou ne pas progresser au mieux dans leur parcours de soins ? Qu'est-ce que vous avez eu devant sur ce qu'ils sont devenus ou leur parcours ?

  • Speaker #0

    Alors... Pas tellement. J'en ai pas suivi, pour tout vous avouer, dans l'après.

  • Speaker #1

    Notamment, je pense à des primo-délinquants ou des jeunes qui étaient destinés psychologiquement à la délinquance ?

  • Speaker #0

    Alors, je sais que...

  • Speaker #1

    Vous étiez déjà engagée là-dedans ?

  • Speaker #0

    Oui. Je sais qu'il y a des jeunes que j'ai eus qui étaient déjà... qui étaient en cours de procédure judiciaire pour des faits de délinquance, de violences sur personnes notamment, qui étaient emprisonnés après. Donc les faits devaient être graves puisque depuis la réforme Belloubet, les peines inférieures à un mois, ça aussi c'est catastrophique comme réforme.

  • Speaker #1

    Là aussi on est dans l'absence de limites.

  • Speaker #0

    Oui. Les magistrates c'est aussi beaucoup des gynécées. La magistrature c'est beaucoup des femmes.

  • Speaker #1

    Vous avez évoqué les gynécées et vous voyez un manque de mixité dans les équipes.

  • Speaker #0

    Oui. Et ce n'est pas tant un problème de manque de mixité. Il se peut que dans une équipe, il n'y ait que deux hommes, ou peut-être qu'un seul, ou même pas du tout. Là, c'est quand même problématique quand il n'y en a pas du tout. Mais cette fonction... Cette fonction paternelle peut être...

  • Speaker #2

    Pardon, c'est quoi Ginésie ?

  • Speaker #0

    C'est que des femmes. C'est un groupe, dans la Chilé grecque, c'était un lieu où il n'y avait que des femmes. Effectivement, des équipes où il n'y a que des femmes, où un seul homme qui va souvent être castré, qui va devoir être une mère parmi les mères, et occuper une fonction maternante. Moi, souvent dans ces équipes-là, d'ailleurs, j'occupais une fonction paternelle. Symbolique. Les gamins étaient à la limite de m'appeler monsieur. J'incarnais la loi et j'en prenais plein la figure souvent parce que je voulais poser des sanctions. Alors c'est toujours très délicat, ça se discute avec des enfants de ce profil-là. Avec d'autres, ça ne se discutait pas. Je voyais très bien que l'enfant était en capacité de comprendre la sanction et d'en faire quelque chose. Et elle était importante à poser. Maintenant, on parlait tout à l'heure du rapport à la loi, mais c'est pareil dans le traitement de la délinquance aujourd'hui. où on a aussi comment il s'appelle qui parlait de Big Mother Big Mother Michel Schneider où toutes les institutions même dans celle dans laquelle il peut y avoir des hommes, c'est la mamelle. C'est la mamelle maternante, c'est la mamelle nourrissante, c'est la cave qui tombe, les aides sociales, on enveloppe les gens, on les prend. Tout est fait en sorte pour qu'ils soient dans leur petit utérus, tranquilles, et qu'ils ne rencontrent jamais la loi. Et les conséquences de la transgression de la loi. Maurice Berger en parle très bien je vous renvoie vraiment à ses écrits parce qu'il en parle mille fois mieux que moi qui est un peu encore évasif mais moi je trouve ça terrible qu'un enfant qui en acte, ou qu'un jeune qui en acte demande une sanction, demande à être arrêté et on lui dit, bah continue le message envoyé par l'institution judiciaire dans 80% des cas aujourd'hui, c'est tu viens de violer une femme Bon, t'as pas les codes, tu viens d'une culture différente, au mieux on va te mettre un petit bracelet électronique et puis tu te promèneras avec et tu continueras de violer. au pire, tu vas faire des travaux d'intérim généraux. C'est primordial que ces jeunes rencontrent à un moment donné dans leur vie la loi, et une loi qui soit compréhensible, qui soit liée et proportionnelle aux actes commis, à la transgression commise, et qui rencontre autre chose que la violence d'un système. Puisque pour moi, le maternage, ça va peut-être vous choquer, Mais le quasi inceste féminin envers les enfants ou les jeunes dans les postures maternantes abusives et pulsionnelles dégoûtantes, pour moi c'est presque aussi violent qu'une violence physique paternelle. C'est-à-dire que des gamins, là encore Maurice Berger en parle très bien, les jeunes africains qui sont souvent des enfants battus par leur père africain. qui n'ont jamais rencontré qu'une loi arbitraire, indiscutable ou incohérente, des figures incohérentes dans l'exercice de leur autorité, qui puissent rencontrer à un moment une loi rationnelle, comme je disais tout à l'heure, où les actes sont sanctionnés proportionnellement aux délits commis, c'est très important et ça a des effets extrêmement positifs. C'est-à-dire que ce sont... Là encore, on fabrique un barbare si on ne le fait pas.

  • Speaker #1

    C'est la phrase de Gérard Mandel, celui qu'on empêche de grandir, il ne reste plus que d'élire. Et on se retrouve aujourd'hui avec des armées de djihadistes, des jeunes qui cherchent la loi et qui la trouvent dans la mort finalement, qui est l'ultime limite.

  • Speaker #0

    Un espace très structurant pour ces jeunes-là, s'ils ont des chances de s'en sortir et de ne pas être pavris complètement dans la délinquance. ou l'autodestruction, parce que ça peut être des toxicomanes, des SDF, des craqués, ils sont tous passés par des institutions du type de celles que je décris, ils peuvent aussi rencontrer la mosquée du coin qui va extrêmement les cadrer, qui va leur faire énormément de bien, et un jour, quelqu'un d'un peu plus malin que dans cette mosquée, leur mettra une ceinture autour de la taille. Et paf quoi.

  • Speaker #1

    C'est pour ça qu'aujourd'hui on se retrouve avec des terroristes entre guillemets qui sont diagnostiqués déséquilibrés. Et on a un micmac entre l'engagement dans la religion et le déséquilibre psychiatrique. Les deux sont très vrais et c'est très certainement des jeunes qui sont passés par le type d'institution que vous avez décrit.

  • Speaker #0

    Mera c'était le cas, Némouch c'était le cas, c'est le cas d'énormément de terroristes. Ils sont tous plus ou moins passés par l'aide sociale à l'enfance. Ils ont tous été à un moment donné signalés que ce soit par une instit, une assistante sociale, voire fait des tout petits séjours en centre éducatif fermé ou des choses comme ça.

  • Speaker #1

    Donc là, pour le coup, on a des jeunes pour qui la notion d'institution a été complètement discréditée. L'Occident apparaît comme un énorme vide à coloniser. Et si au début, ils n'étaient pas violents ou psychopathes, effectivement, d'après ce que vous avez décrit, les établissements les fabriquent.

  • Speaker #0

    les fabriquent en quelque sorte pour moi dans la mesure où ils n'ont jamais par culpabilité narcissique, mais aussi par confort, ou par fainéantise, ou par je-m'en-foutisme, ou par c'est trop dur, parce que c'est dur. Je ne voudrais pas non plus donner l'image de quelqu'un qui prend les gens de haut et qui dit que c'est facile. C'est extrêmement dur. Passer une heure dans une salle avec un psychotique, revenir me voir après, vous êtes en lambeau. C'est quand même... C'est très... D'où les supervisions. ces moments d'analyse collective pour déposer des choses. Mais le travail n'est pas simple, je ne suis pas en train de dire qu'il suffirait d'eux, qu'il y aurait cas. Je dis simplement, oui, là où il y a une demande explicite de limite, il faut y répondre, c'est primordial d'y répondre.

  • Speaker #2

    Vous venez d'entendre la dernière partie de l'entretien avec Sophia, pédopsychiatrie, la fabrique des barbares. Rendez-vous dans 15 jours pour un nouvel entretien, la révolution culturelle de 1960 à 1990 avec Jean-Pierre Le Goff. Vous pouvez retrouver les documents évoqués lors de l'émission ainsi que d'autres permettant de prolonger la réflexion sur notre site heretico-pluriel.fr. Ce podcast est disponible sur toutes les plateformes d'écoute.

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