Speaker #0Bonjour à toutes et à tous, bienvenue sur HEYA, j'espère que vous allez bien, j'espère que vous avez passé un bel été, de belles vacances si vous vous en avez pris. Avant de commencer l'épisode, j'aimerais prendre quelques secondes pour vous remercier infiniment de tous vos messages, de votre soutien, de votre bienveillance depuis l'annonce de ce nouveau projet, cette collection de livres jeunesse HEYA qui met en lumière des femmes de culture arabe et amazigh qui ont marqué l'histoire. Vos messages m'ont porté dans cet été qui a été un peu en montagne russe en termes d'émotions. Tous ces messages m'ont aussi inspiré cet épisode de podcast qui sera le dernier, « Des coulisses » . Comme je vous l'ai dit dans l'épisode précédent, le premier livre sera disponible en précommande dans quelques jours. Il portera sur Tawhida Ben Cheikh, la première femme médecin du monde arabe. Donc dans vos messages, vous disiez que c'est ce qui m'avait inspiré l'épisode du jour. au-delà de la gentillesse. et du soutien, certaines personnes se questionnaient, me questionnaient sur pourquoi l'auto-édition. Et j'entends complètement ce point parce que moi-même, je n'y serais pas allée si je savais dès le début que ce projet verrait le jour en auto-édition. Ce projet a commencé, comme je l'ai mentionné dans le premier épisode, par un coup de fil d'une maison d'édition qui m'avait contactée pour me proposer de convertir le podcast en livre. À ce moment-là, j'avais ce projet de livre jeunesse dans ma tête. J'étais aussi enceinte de mon deuxième enfant. Et quand on m'a proposé ça, évidemment, j'étais flattée. Mais rapidement, je leur ai dit « j'ai une autre idée et j'aimerais la tester avec vous » . Un livre, une collection de livres jeunesse plutôt. Ils ne faisaient pas de la jeunesse, ils ont dû prendre le temps de la réflexion. Et puis, ils me sont revenus en me disant « on est OK, on aimerait t'accompagner et travailler sur ce projet ensemble » . À l'époque, j'avais une histoire d'écrite. On a travaillé sur les trois premières ensemble. Donc, on commençait à discuter des illustrations. Et durant un call, ils m'annoncent qu'ils doivent fermer boutique. Car, comme je le mentionnais, c'est une petite maison d'édition. Et le monde éditorial, je ne sais pas si vous le connaissez, moi, j'ai découvert cette industrie récemment. C'est un milieu qui est très compétitif, très concentré. Et ce qui rend les choses très difficiles pour des petites maisons, surtout si elles ne font pas partie des grands réseaux de diffusion et de distribution. J'aimerais beaucoup d'ailleurs faire un épisode sur ce milieu-là parce que je trouve que c'est assez intéressant de discuter de ça et de mettre en lumière ce marché qui est dominé par quelques grands groupes. Certains d'entre eux sont très politisés et l'impact que ça a sur la diversité des récits, des écrits. ouvrages qui sont publiés. Je referme cette parenthèse et je ferai peut-être un épisode sur ça un jour. Donc je reviens, j'ai cette annonce-là, évidemment ça a été un choc pour moi, parce que je me voyais vraiment avancer avec eux et finaliser notre collaboration. Je m'entendais très bien avec l'équipe, on était alignés, les mêmes valeurs. Donc j'étais triste pour eux avant tout, parce que c'était leur business. Et puis ensuite, j'ai dû moi faire pause et réfléchir à la suite. ce que je devais faire parce que là, pour le coup, je n'avais plus cette maison d'édition. Est-ce que je continuais ? Est-ce que je cherchais une autre maison d'édition ? Rapidement, je me suis dit que ces livres devaient voir le jour et je me suis dit que je vais aller chercher une nouvelle maison d'édition. J'y croyais, je me disais que le projet a du sens, qu'il y a un besoin et que ça mettra peut-être quelques mois. Mais j'étais convaincue de trouver une maison d'édition qui allait m'accompagner. Je pars avec mon bâton de pèlerin à découvrir ce milieu, à essayer de comprendre les codes, qui fait quoi, qui contacter en utilisant un peu mon réseau, en faisant des recherches, en lisant, etc. Suite à ce travail, j'ai pu rentrer en contact avec plusieurs personnes, quelques rendez-vous, des petites maisons d'édition qui m'envoyaient des signaux faibles qui étaient intéressants pour moi parce que les feedbacks étaient toujours positifs. sur le projet, sur l'ouvrage en lui-même. Et puis un jour, j'ai cette réponse d'une grande maison d'édition qui me propose un call parce que mon email et le pitch que j'avais envoyé les a interpellés et ils voulaient en discuter avec moi. Donc j'étais ravie. Honnêtement, moi j'étais partie pour discuter avec des petites maisons d'édition en pensant que ce serait très compliqué d'atteindre les grosses maisons. On a un premier call. hyper convivial. On discute du projet. Il m'explique qu'il trouve l'idée très intéressante, qu'il y a un vrai marché, qu'il y a très peu d'ouvrages dans ce sens-là. Et il me demande, comme à ce moment-là, j'avais avancé avec la première maison d'édition, il me demande si j'étais ouverte à faire quelques modifications. Ma réponse était évidemment que je l'étais. Je comprenais que le travail avait été fait avec une maison d'édition. Et puis, tout ça est assez subjectif et qu'ils voudraient probablement mettre leurs pattes. Donc, je disais, évidemment, je suis open. Deuxième call de prévu avec d'autres personnes de la maison d'édition. Et là, la première question, c'était, on comprend suite à votre discussion avec nos collègues que vous êtes ouverte à quelques changements. Et je dis, oui, oui, tout à fait. On peut discuter, revoir le texte ensemble. Elle me dit, non, non, le texte est très bien. Je dis, OK, alors c'est des petites modifs. Ça va être très rapide. Ils me disent « oui, oui, plutôt, c'est des petites modifs, on vous enverra les petites modifs sur le texte. Par contre, il y a un point, vous savez, nous on est une grande maison d'édition, on sait ce qui marche, on connaît le marché, on aimerait rediscuter du point du terme arabe » . Et j'étais là « comment ça ? Je ne suis pas sûre de comprendre » . Là, on me dit « vous savez, madame, on vit dans un contexte qui est particulier, le terme arabe est assez clivant, et pour toucher une audience plus grande et pour être inclusif, on aimerait… » . Juste changer ce terme-là et mettre méditerranéen à la place. La douche froide, moi qui me voyais signer avec eux et puis travailler juste sur mes textes et les laisser gérer tout le reste. Là, évidemment, une grosse claque. Ma réponse a été évidente. Il était hors de question qu'on touche au terme arabe. C'est l'ADN, l'essence même du projet. Donc c'était un no-go pour moi et le call a été interrompu. Donc grosse déception. Et là je me dis, si eux y croyaient, il y en aura d'autres. Le projet clairement intéresse. Donc je ne baisse pas les bras. On était à peu près à six mois, je pense, à ce moment-là. Je continue plusieurs mois de discussion et de conversation, petite, moyenne, maison d'édition. Et là, une autre maison d'édition, encore plus importante que la première. répond à mon email et me propose un call. Donc, évidemment, j'y vais. On discute, on me félicite pour l'idée, pour la qualité des récits, pour le choix des femmes. Je dis trop bien. Et pareil, on me demande rapidement si j'étais flexible, que le projet était quasiment fini et qu'ils ont besoin de mettre leurs pattes. J'ai dit je comprends sans aucun problème. Là, ils me disent « Mais vous savez, c'est sur des choses vraiment, des toutes petites choses. Votre texte, comme je l'ai mentionné, il est bilingue. Il y a une page en français, une page en arabe. C'est une bonne idée, c'est une très bonne idée de mettre deux langues. On est dans une société où il y a une pluralité, où souvent les enfants parlent plusieurs langues, ou en tout cas les parents veulent que leurs enfants soient exposés à plusieurs langues. » Je dis là « Oui, évidemment, surtout dans ces récits-là. » C'était important pour moi de mettre en avant la langue arabe, même si les enfants ne sont pas bilingues, de voir la calligraphie, de voir les choses assez basiques, que l'arabe s'écrit de droite à gauche, et voir la beauté de cette calligraphie qui est magnifique et à laquelle on n'est pas toujours confronté à ces âges-là. Ils disent oui, oui, on comprend, mais par contre, vous savez, nous, on a une vision très stratégique. On est distribué un peu partout et c'est sur ce point qu'on aimerait discuter. On aimerait enlever l'arabe, madame, et le remplacer par de l'anglais. Parce que vous savez, l'anglais, c'est la langue que tout le monde parle maintenant. Et puis, pour être honnête, ce n'est pas vraiment nous en tant que personnes, mais vous savez, aujourd'hui, avec tout ce qui se passe dans le monde, l'écriture arabe est souvent associée à des choses un peu extrêmes et on ne veut pas choquer certains de nos... Nos clients pensent que l'anglais sera quelque chose qui sera bien mieux reçu. Vous savez, vous ne devez pas vous inquiéter, nous on a nos traducteurs, ce sera fait en quelques jours. Et la redouche froide. Après le mot arabe, c'est la langue arabe qui est remise en question. Donc évidemment, j'ai interrompu ce call en disant bah non, évidemment que non. Le choix de cette langue était... mûrement réfléchi. Je suis anglophone, j'aurais pu l'écrire en anglais moi-même. Mais No Way, c'est pas du tout le but, de faire des livres qui soient lus dans des pays anglophones. Donc voilà, conversation et espoir qui s'effondrent. Et là, j'étais à quasiment un an de conversation et de discussion avec différentes maisons d'édition. Et là, j'ai dit stop. Et j'ai dit stop parce que c'est de retour. Changer le mot arabe par méditerranéen. Et enlever l'arabe parce que clivant, parce que ça peut heurter, parce que c'est associé à des choses qui font peur, ça m'a secoué dans le sens, ça m'a montré à quel point ce projet était aussi utile pour ça. Que l'invisibilisation de l'arabe, entre guillemets, que ce soit la langue et l'arabe en tant que personne, la femme ou l'homme, c'était aussi l'essence du projet, c'était la raison pour laquelle il était important de les mettre en avant. Il est important que nos enfants grandissent avec des modèles arabes, amazigh. Donc voilà, un peu ras-le-bol, un an de discussion, d'énergie, et je me suis dit tant pis. J'aurai probablement une force de frappe qui sera moindre, j'aurai probablement beaucoup plus de travail que ce que je pensais. Mais je veux que ce projet sorte avec ces valeurs-là, sans aucun compromis, et tant pis. s'il s'en vend moins, mais au moins il sera aligné avec mes valeurs, les valeurs que je partage avec beaucoup d'entre vous sur ce podcast. Et voilà, c'est les raisons du pourquoi de l'auto-édition. Donc voilà, merci de votre écoute. Comme je vous le disais, les précommandes seront ouvertes dans quelques jours. Je vous donnerai la date exacte très bientôt. J'espère que... ces livres et que ce premier livre vous plaira, qui répondra à un besoin qui correspondra à vos attentes et qui sera utile pour nos enfants surtout. Je vous embrasse très fort et je vous dis à très bientôt.