#63 - "Devenir libre, rester amazigh : déconstruire pour se reconstruire" avec Nawal Benali cover
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HeyA

#63 - "Devenir libre, rester amazigh : déconstruire pour se reconstruire" avec Nawal Benali

#63 - "Devenir libre, rester amazigh : déconstruire pour se reconstruire" avec Nawal Benali

50min |07/05/2025
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#63 - "Devenir libre, rester amazigh : déconstruire pour se reconstruire" avec Nawal Benali

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Description

Cette semaine, je suis ravie de vous partager ma conversation avec Nawal Ibtissam Benali.


Nawal est journaliste, podcasteuse et créatrice de la plateforme « Ya ça chez nous », qui vise à déconstruire et analyser les dynamiques du racisme anti-noir propres à l’Afrique du Nord et à ses diasporas.

 

Elle est d’origine amazighe, née en Tunisie, et a passé la majeure partie de sa vie en France.

Fière de son héritage, elle s’engage activement pour la reconnaissance et la valorisation de l’identité amazighe.

 

Après des études littéraires et une formation en journalisme, elle s’est construit une carrière riche, éclectique et non linéaire. Depuis quelques années, elle se consacre pleinement à ses thématiques de prédilection : l’identité, l’appartenance, et les dynamiques de pouvoir qui les façonnent.

 

Dans cet épisode, on a parlé :

  • de ses racines amazighes et de ce qu’elles représentent pour elle,

  • de pourquoi il est préférable d’utiliser le mot « amazigh » plutôt que « berbère »,

  • du tiraillement que peuvent ressentir certaines personnes entre arabité et africanité,

  • et du sujet sensible mais essentiel qu’est le racisme au sein même de nos communautés.

 

J’ai pris beaucoup de plaisir à enregistrer cet épisode, car il nous invite à réfléchir et à déconstruire des sujets qui sont généralement tabous.

 

Sans plus attendre, je vous laisse avec la HeyA du jour : Nawal Ibtissam Benali.

 

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Pour suivre Nawal

Instagram : @nanupharr

 

Pour rejoindre la communauté Heya 

Instagram: @heya_podcast


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour à toutes et à tous, ici Pochra Pourti et bienvenue sur HEIA. En arabe, HEIA signifie « elle » . C'est parce que ce mot n'est pas suffisamment utilisé pour parler de réussite et d'ambition féminine que j'ai décidé de lancer ce podcast. Les inégalités et la sous-représentation liées au genre sont malheureusement une réalité et une approche intersectionnelle ne fait qu'amplifier ces phénomènes. Chaque épisode est une conversation où j'invite une femme de culture arabe à venir partager son histoire et évoquer sa réussite. Mes invités ont toutes des backgrounds et trajectoires différentes. Elles sont journalistes, entrepreneurs, écrivaines, artistes ou encore médecins, et vous serez, je l'espère, inspirés par leur réussite. L'objectif de ce podcast est de vous, tout d'abord, promouvoir une image différente de la femme arabe, en mettant en lumière ses parcours exceptionnels, mais aussi aider les plus jeunes ou celles en quête de renouveau. à trouver des rôles modèles et ambitionner leur avenir. Ma conviction ultime est que la seule manière d'y croire, c'est de le voir, ou en l'occurrence d'entendre. Si ce podcast vous plaît, je vous invite à prendre quelques minutes pour le noter 5 étoiles sur iTunes ou Apple Podcasts. C'est la meilleure manière de le soutenir. Sans plus attendre, je vous laisse découvrir notre invité du jour. Bonjour à toutes et à tous et bienvenue sur Heya. Je vous retrouve pour un nouvel épisode. où je reçois Nawel Ebtisem Ben Ali. Nawel est journaliste, podcasteuse et créatrice de la plateforme Yatza Chez Nous. Yatza Chez Nous, c'est une plateforme qui vise à déconstruire et analyser les dynamiques du racisme anti-noir propre à l'Afrique du Nord et à ses diasporas. Nawel est d'origine amazigh, elle est née en Tunisie et elle a passé la majeure partie de sa vie en France. Fière de son héritage, elle s'est engagée pleinement et activement pour la reconnaissance et la valorisation de l'identité amazigh. Elle a fait des études littéraires et une formation en journalisme, et elle a construit une carrière qui est très riche et très intéressante parce que éclectique et non linéaire. Depuis quelques années, elle se consacre pleinement à ces thématiques de prédilection que sont l'identité, l'appartenance et les dynamiques de pouvoir qui les façonnent. Dans cet épisode, on a parlé de beaucoup de choses, et entre autres de ses racines amazighes, de ce qu'elles représentent pour elle, de pourquoi il est préférable d'utiliser le terme amazigh plutôt que berbère, du tiraillement que peuvent ressentir certaines personnes entre arabité et africanité et du sujet sensible mais essentiel qu'est le racisme au sein même de nos communautés. J'ai pris beaucoup de plaisir à enregistrer cet épisode parce qu'il nous invite à réfléchir et à déconstruire des sujets qui sont généralement tabous. Donc sans plus attendre, je vous laisse avec la réé du jour, Nawel Ebtisem Ben Ali. Nawel, merci beaucoup d'avoir accepté mon invitation. Je suis ravie de te compter. parmi mes invités sur Heya.

  • Speaker #1

    Merci à toi pour ton invitation. C'est touchant déjà ce que tu dis de moi et comment tu perçois mon travail parce que du coup, tu as fait tes recherches. Et la raison de l'invitation, je suppose aussi, c'est parce que ça te parle et c'est des choses aussi qui parlent à beaucoup d'entre nous. Et c'est vrai que pour moi, en fait, ce que tu as dit sur le fait que, oui, je suis d'origine amazighaire, je suis tunisienne, je suis nante tunisie, j'ai passé la majeure partie de ma vie en France, certes. Mon parcours journalistique n'a pas tant d'importance que ça parce que in fine, ce que tu dis à la fin... de ton intro, la vérité c'est que j'en viens à quelque chose qui est un réancrage de carrière certes, mais ça rejoint aussi le pan humain et de qui je suis en dehors de ça, c'est de se dire que mon but, in fine, c'est de valoriser nos cultures, nos identités, notre diversité, nos aspérités, et ça passe par différentes choses que je peux faire et le podcast, il y a ça chez nous, effectivement, en fait partie, donc merci pour cette introduction.

  • Speaker #0

    C'est grand plaisir.

  • Speaker #1

    Ta patte. Ça va, ça va.

  • Speaker #0

    Nawel, pour débuter, souvent on commence par les origines. Est-ce que tu pourrais brièvement nous parler de la petite Nawel, le type d'éducation que tu as eu, l'environnement dans lequel tu as grandi ?

  • Speaker #1

    Moi, je suis née en Tunisie, c'est ce que tu as dit dans l'intro. J'ai une histoire familiale un peu complexe. J'ai migré quand j'étais bébé. Je n'ai pas grandi avec ma famille biologique. Dans ma famille adoptive, mon âme a zérité, je la découvre. parce qu'en fait, j'ai été élevée dans une famille algérienne du côté de mon père. Mon père qui est amazigh aussi, mais algérien, qui est métisse entre deux ethnies, une du nord-ouest et de la région de l'Orani, et une du sud, du coup, de la région de Bénéabès, donc dans le Sahara. Et moi, du coup, je ne grandis pas nécessairement avec une culture amazigh hyper affirmée et identifiable en tant que telle, mais je grandis avec un père qui dit « Ouais, n'oublie pas qu'on n'est pas des Arabes, on est des Amazigh » . Ok ! Donc je pense pas que même, faudrait peut-être lui demander, mais à l'époque je pense même pas qu'il avait, je crois qu'il a pas compris ce qu'il a fait germer en moi, moi je me suis dit ok. Moi, je l'ai creusé. Il n'y avait pas quelqu'un de truc. Et du coup, du côté de ma mère, franco-russe, et je dis ça parce que c'était la mère de ma mère qui avait ses origines russes et elle y tenait, elle y était attachée. Donc, même si pour ma mère, il y a quelque chose de l'ordre de la reconnaissance asymolale qui n'est pas simple. Bon, c'est quelque chose que je tiens quand même à redire parce que je sais que c'était très important pour ma grand-mère. Donc je grandis dans une famille de profs. Donc beaucoup de gens de ma famille sont profs. ou l'étaient, pour ceux qui sont plus de ce monde. Et notamment ma grand-mère maternelle aussi, qui je pense qu'elle, du coup, n'avait rien à voir avec le monde amazigh, etc. Mais qui, elle, en fait, était prof de français et prof d'histoire aussi. Et donc, du coup, nécessairement, j'étais très proche d'elle et les discussions que j'ai pu avoir avec elle, combinées à mon père qui me lâche des petits indices. Ouais, il y avait de fortes chances pour que je devienne journaliste, ou en tout cas que je m'intéresse beaucoup aux questions historiques, à la littérature et aux formes narratives qui aujourd'hui se retrouvent dans mon podcast et dans d'autres choses que je peux faire, mais du coup que je mets au service de nos identités et des problématiques qui sont les nôtres.

  • Speaker #0

    Et à quoi rêvait la petite Nawel dans l'environnement que tu viens de nous expliquer ? Il y avait un job que tu voulais faire ?

  • Speaker #1

    Je crois que j'ai voulu tout faire et rien faire. Je crois que dans ma vie, quand j'étais petite, de ce que je me souviens, Mon plus gros flex, c'était de me dire, mais moi, je suis un pirate, moi, je suis un aventurier, moi, je m'en fous de vos trucs. Vas-y, moi, on y va. Je ne sais pas, je pense que j'avais une imagination qui était très fertile. Je pense aussi que j'ai eu la chance de grandir dans un environnement où on me racontait beaucoup d'histoires. C'était très important. On nous a aussi poussé, mon père et ma mère, et beaucoup plus ma mère, du coup, à lire beaucoup, très jeune. et je pense que cette appétence pour la narration, pour la... pour le fait de raconter des histoires, et des histoires qui sont aussi des contes traditionnels, et de se dire qu'il y a quelque chose soit d'initiatique ou qui raconte l'histoire de nos ancêtres à travers quelque chose qui paraît facile d'accès pour les plus jeunes, mais que tu les relis ou tu les réécoutes plus âgés, tu y trouves d'autres sans se cacher. J'ai quand même grandi avec ça. Du coup, je ne rêvais pas nécessairement à quelque chose de précis. Je savais que je voulais vivre ma meilleure vie. Je savais que j'avais soif d'aller toujours plus loin, d'être libre. Et qu'on n'essaie pas de me casser la tête à me dire tu vas être ci ou tu vas être ça. C'était le plus important.

  • Speaker #0

    Ta liberté.

  • Speaker #1

    Oui, oui. Mais finalement, quand on est à Mazir et le peuple des hommes et des femmes libres, peut-être un truc qui faisait sens sans que je me rende compte.

  • Speaker #0

    Oui, c'est beau quand même de voir. Des fois, quand on repense à notre histoire, on revoit le chemin et on se dit en fait, il y avait une guigne tracée qu'on ne voyait pas forcément. Je voulais revenir sur le podcast et la plateforme Yatza Chez Nous. Quel a été le déclic ? Pourquoi tu as créé cette plateforme ?

  • Speaker #1

    C'est vraiment une plateforme, comme tu l'as dit dans ton intro, qui vise vraiment à démystifier, étudier, critiquer, comprendre les dynamiques racistes, raciales et nécessairement aussi ethniques et tous les crossovers qu'il peut y avoir avec tous ces pans d'identité au nord de l'Afrique et dans la diaspora française. Donc, je me concentre sur le triptyque Algérie-Maroc-Tunisie parce qu'on se regarde croisés entre les deux pans de la Méditerranée. On n'a pas de grosse communauté libyenne ou égyptienne en France, donc ça aurait été un petit peu plus compliqué. Et déjà, trois pays qui n'ont pas les mêmes histoires contemporaines et même un peu plus anciennes, mais on va dire, je m'intéresse aussi à ce que la politique post-coloniale, à partir du moment où on a des gouvernements, lorsqu'il y a des indépendances, génère dans cet imaginaire-là qui prend aussi sa source bien avant, lorsqu'il s'agit de racisme et des questions de race, etc. Qu'est-ce que ça a généré comme différence dans les trois pays ? Et qu'est-ce que finalement ça génère dans cette transmission de racisme, de discrimination, de colorisme, de discrimination aussi vis-à-vis des personnes qui vont s'identifier en tant qu'amazir, parce qu'elles vont être encore jugées comme séparatistes. Tout ce que ça génère. Donc en fait, le point de départ, c'est que moi j'ai grandi avec une forme de complexité ethnico-raciale ou en fait dans. la communauté nord-africaine, je n'ai pas vraiment été perçue comme telle. On m'a toujours demandé de justifier parce que ma couleur de peau, la texture de mes cheveux, tout plein de codes aussi qui devaient être les nôtres, qui sont quand même ceux d'enfants descendants d'immigrés quand même à la base et qui ne sont pas grand-chose quand on est des enfants, mais auxquels, visiblement, je dérogeais. Mais ça, c'est une question aussi d'éducation, le fait que... J'ai aussi grandi dans une famille qui soit très ouverte sur le reste du monde. Alors oui, notre culture algérienne était importante, mais pas que. Il y avait plein d'à côté. Donc du coup, j'étais oui. Mais ! Mais ! Et ce mais là, tu vois, il dérangeait. Et après aussi, quand les gens apprenaient que j'étais née en Tunisie, ils me disaient « Ah mais en fait, du coup, toi t'es pas comme nous, t'es une blédarde ! » Et moi j'étais là « Ok, si ça fait sens. » Et du coup, il y avait plein de facteurs de distinction qui sont juste des particularismes qu'on peut tous avoir parce qu'on n'a pas tous la même histoire, pas tous la même histoire de migration, etc. Mais qui manifestement pouvaient s'avérer problématiques. Parce que peut-être aussi, quand tu sors de l'enfance et que tu arrives à la préadolescence et l'adolescence, il y a ce système de faire communauté avec tes pères. Alors, ça peut être pour plein de types d'affiliation, donc culturelle, ethnique, par centre d'intérêt, etc. Donc, c'était un petit peu un crossover de tout ça. Mais dans tout ce qui s'avérait être du registre de la communauté nord-africaine, j'étais associée et désassociée assez facilement en fonction de... plusieurs critères auxquels je répondais ou je répondais pas. Et pour moi, c'était assez invraisemblable, parce que grandissant dans une famille métisse, et je parle là juste du côté algérien, parce que du côté de mon père et de son père, ce sont des personnes noires, et du côté de sa mère, c'est des personnes qui sont plus claires, même si elles ne sont pas non plus des personnes nord-africaines blanches. Moi, en fait, c'était tout à fait normal que personne n'ait la même tête, que personne n'ait la même couleur de cheveux, et puis la complexité aussi de la génétique nord-africaine. Il faut la comprendre, il faut la vivre. Et moi, je vivais dedans. Pour moi, tout était normal. Et c'est les autres qui me renvoyaient à quelque chose de... Un truc chelou chez toi, ce n'est pas normal. Tu n'es pas vraiment comme nous. Et du coup, les gens ne comprenaient pas nécessairement pourquoi. J'étais tunisienne, mais mon père était algérien. Et ma mère était blanche, française et tout ça. C'est toute une complexité avec laquelle je vis. Je me dis, bon, quand même, on a un peu des problèmes, nous, là, dans notre communauté, à se toiser les uns les autres, cocher des cases.

  • Speaker #0

    À quel moment tu te rends compte de ça ?

  • Speaker #1

    Assez jeune, même si je n'ai pas nécessairement le vocabulaire. Et en parallèle, comme j'ai eu la chance de voyager beaucoup en Afrique du Nord, même en étant très jeune, et plusieurs fois par an, parfois aussi, ce n'était pas juste les grandes vacances d'été. j'ai aussi une expérience sociale qui est ce qu'elle est, qui n'est pas celle de quelqu'un qui vit sur place mais où tu te confrontes quand même à... à ce que sont les sociétés. Et encore une fois, moi, j'étais quand même dans des grandes villes, donc Rabat pour le Maroc, Oran pour l'Algérie, donc c'est pas non plus le milieu rural où il y a encore d'autres... Il y a encore des différences d'appréhension pour plein d'autres raisons. Mais tu te confondes quand même à certaines réalités, notamment aux réalités de genre et de race. Et ça, je m'en rends compte assez tôt parce que quand je suis pré-adolescente en Algérie, je me mange des insultes, je me mange des regards et tout ça. Et du coup, moi, les premières insultes racistes que je me mange dans la rue en Algérie, je vais voir mon référentiel paternel. Je dis, qu'est-ce qui se passe ? Pourquoi on m'a dit ça et tout ? Et mon père qui me dit, non, t'inquiète, c'est juste que tu ne corresponds pas au standard de beauté nord-africain. Je dis, bah, sympa. Ce n'était pas ma question en plus. Mais je pense que c'était sa manière un peu d'édulcorer la chose et peut-être que lui-même était surpris.

  • Speaker #0

    De dramatiser la situation,

  • Speaker #1

    oui. Peut-être même qu'il ne se disait pas que j'allais me manger des insultes dans la rue aussi jeune. Et en plus, comme il n'était pas là. Je me rends compte de plein de choses assez rapidement. Et je me rends compte que quand je pose des questions, parce qu'on ne devient pas journaliste pour rien, parce qu'on se pose des questions très tôt, je n'ai pas les réponses satisfaisantes. Je me dis que je vais aller chercher. Ça vient vraiment de questionnements personnels. Et puis aussi de toute mon identité tunisienne et de mon amazérité tunisienne. Il y a tout un cheminement personnel qui est quand même à la base de ça. Mais beaucoup d'expériences sociales, ce n'est pas juste la mienne, c'est celle de mes pères, de plein d'autres Nord-Africains, de Nord-Africains qui n'ont pas un faciès méditerranéen auquel manifestement il faut répondre pour être un Nord-Africain validé. Et voilà. Et après, il y a des agressions extrêmement racistes à caractère, je n'aime pas trop le mot, négrophobes, on va dire anti-noirs. qui sont proférées en 2021. Et là, je me dis, bon, faisons quelque chose et mettons nos compétences journalistiques à profit d'une cause qui me tient à cœur. Il y a un vrai sujet qu'on ne souhaite jamais aborder parce que c'est extrêmement tabou. Elle est en crossover avec les questions d'ethnicité. Ça pose les questions de nos identités. Il faut faire quelque chose. Auparavant, une année avant... On m'avait demandé de participer à une vidéo collective et ça c'est Zineb qui était créatrice du compte Instagram Kahwa Half Half où en fait elle parlait des identités arabo-amazir, afro-arabe, noir-amazir où en fait déjà elle mettait en lumière pas mal de problématiques et elle nous avait demandé à pas mal de personnes du continent du nord de l'Afrique. et de la diaspora qui étions amazighes, métisses ou noires, de prendre position sur un événement qui avait lieu en France et qui a été l'appel d'Assa Traoré à défiler devant le TGI pour son frère Adama Traoré, parce que pour ceux qui ont suivi les avancées de l'enquête, des procédures, etc., c'est extrêmement compliqué et on lui refusait énormément de choses, ce qui est toujours le cas. Il y avait eu un élan de solidarité trans-africain-diasporique assez incroyable, où on voyait la diaspora nord-africaine Merci. non-noirs et non-métis se joindre justement à plein de personnes afro-descendantes noires pour ce combat antiraciste qui finalement était le nôtre. Et Zineb, à ce moment-là, dit « alors ça, c'est super. Et du coup, quand c'est chez nous et dans notre communauté, on n'est pas capable de le faire. » Et du coup, elle nous avait demandé de chacun donner un avis en fonction de nos professions respectives ou de nos expériences personnelles respectives sur ce qu'était le racisme, le colorisme en Afrique du Nord dans les communautés nord-africaines. Et ce qui est fou, c'est qu'une année après, on observe deux agressions à caractère anti-noir en France, proférées par des Nord-Africains non-noirs et non-métis. Et c'est des discordes de la vie du quotidien. C'est vraiment des trucs nuls. Donc, une à Sergi et une à Anmas. Et directement, ce qui ressort quand l'embrouille commence à devenir un petit peu plus intense, ce sont des insultes racistes. Et là, la couleur de la personne en face et le fait qu'elle soit noire, ça a une importance. Pourquoi ? Et ça parle d'esclavage et ça lance des trucs horribles. Voilà. Et moi, je me suis dit non, mais attends, c'est trop. Donc, j'ai juste pris l'extrait que j'avais donné à Zineb parce que je ne voulais pas engager la parole des autres là-dessus, parce que c'était juste moi. Je l'ai republié. J'ai dit comment ça se fait qu'à un an d'intervalle, alors qu'il y a eu... Parce que l'appel d'Assa Traoré pour défiler devant le TGI, ça a quand même fait quelque chose au niveau des débats publics sur le racisme et l'antiracisme. Je ne dis pas que ça... bien avancé, mais on en parle un peu plus qu'avant. Donc il y a eu quand même une mainstreamisation des questions racistes et antiracistes dans les médias, bien que nous ne soyons toujours pas satisfaits des résultats, malheureusement. Et je me suis dit, un an d'intervalle, je peux... Je ne change rien de cette vidéo,

  • Speaker #0

    tout est toujours aussi exact.

  • Speaker #1

    Pourquoi ? Et alors, à l'époque, j'étais pas très très suivie sur Instagram. Et les personnes qui me suivent me connaissent en tant que journaliste, connaissent mes convictions politiques, connaissent mes positionnements sur ce que j'estime être la réduction des rapports Nord-Sud, même sur le continent, parce que c'est un petit peu ça qu'il y a entre le Nord de l'Afrique qu'on estime être complètement coupé du reste. Ce qui n'est pas réellement vrai, c'est des fractures idéologiques plus qu'autre chose et qui ne sont pas réelles, en vrai, ni dans l'histoire, ni dans l'économie, ni dans rien, en vrai. C'est purement idéologique. Donc... les personnes qui me suivaient savaient. Et alors là, cette vidéo-là a été énormément partagée sur Facebook, sur Twitter, sur Instagram, partout. Et moi, j'étais au travail, je n'avais pas mon téléphone, et d'un coup, ça vibre à... Et vague de cyberharcèlement, direct.

  • Speaker #0

    Et qu'est-ce qu'on te reprochait ?

  • Speaker #1

    Déjà d'avoir ouvert ma bouche et comment est-ce que je cause ? Deux, comment ça se fait qu'une nord-africaine avec une tête de métisse qu'on n'identifie pas comme nord-africaine selon des critères extrêmement restreints et ignares, ose descendre sa propre communauté ? Les gens, en fait, moi, comme j'étais au travail, je ne voyais même pas son parti fouiller mon Instagram. Ils disaient « Ouais, mais elle passe sa vie en Afrique, elle passe sa vie en Afrique du Nord, elle est partout, machin, et elle est là, elle nous crache dessus, c'est pour faire le buzz, mais buzz de coups ! » Et ça devient viral. Et la violence que je me mange à ce moment-là, déjà, bon, c'était difficile parce que c'était ma première vague de cyberharcèlement. Maintenant, on est rodé, on a l'habitude, mais c'est extrêmement violent. Et je me dis, mais waouh, il y a quelque chose. Et donc là, du coup, à partir de là, je questionne. Je dis, est-ce que ça vous intéresse que je crée du contenu là-dessus ? Parce que manifestement, il y a des choses à dire, il y a des choses à faire. Et c'est là que je me dis, bon, je vais vraiment mettre mes compétences journalistiques que je mets à profit de médias qui ne me font pas traiter de thématiques qui me tiennent réellement à cœur, alors que ça, ça m'intéresserait réellement. et qu'il y a un vrai sujet, ça intéresse plein de personnes, allez, on va le faire. Les gens ont dit « Ah ouais, vraiment, on est chaud pour que tu fasses ça » . Et j'ai dit « Podcast » , parce que je voulais garantir l'anonymat de mes invités, si ils et elles le souhaitaient. Parce que vu la violence que ça déchaîne, je voulais pouvoir dire déjà de 1, on ne se laisse pas déconcentrer par un physique, un faciès. On a juste une voix, un témoignage, qu'il soit militant, académique ou juste testimonial d'une personne qui est concernée par la sous-thématique que je traite dans mes épisodes. Et voilà, c'est comme ça que ça a commencé.

  • Speaker #0

    C'est fou. Ça me fait penser tout ce que tu dis. J'étais à un dîner samedi avec des gens complètement éduqués, donc que personne ne disait peut-être que. Et à table, conversation classique autour d'un fait divers ou d'une histoire. Et une des personnes, et je précise, les personnes autour de la table étaient tous franco-tunisiennes, franco-marocaines, d'origine maghrébine. Et un des invités dit « oui, mais lui, c'est un Africain » . Et continue la conversation. Et là, je me dis, mais mince, ça m'a vraiment interpellée. Et je reviens et je lui dis, mais on est Africain aussi. Et ça me fait penser à ce que tu viens de dire, à ce sujet de ne pas se sentir Africain. On fait partie de ce continent. Et juste commencer par là et se situer géographiquement pourrait être un début. Et pourquoi vraiment ma question ici, à ton avis, toi qui connais le sujet beaucoup mieux que moi, pourquoi on a ce... Ce problème d'accepter notre africanité ?

  • Speaker #1

    Je pense que déjà dans les inconscients collectifs, africains égale noirs. Donc si on n'est pas noirs, dans beaucoup d'inconscients collectifs, et je ne parle pas juste des nord-africains, pour beaucoup de personnes subsahariennes, je suis obligée de faire un disclaimer parce que je vais quand même employer des terminologies que je n'aime pas trop, mais jusqu'alors, pour parler de ces... et pour faire le distinguo, pour qu'on situe bien de quoi on parle, je suis obligée de les employer parce que je ne suis pas d'accord. nécessairement pour parler de nord-africains et de subsahariens parce qu'effectivement, ça veut dire que je joue le jeu de cette fracture avec laquelle je ne suis pas d'accord. Secondo, ça veut dire quoi ? Nous, les nord-africains, plus ou moins, les cinq pays, on est tous les mêmes, ce qui est absolument faux. Et ça veut dire que du coup, toutes les personnes qui seraient en dessous seraient aussi toutes les mêmes. Donc en fait, on est des blocs culturels, ethniques, économiques et tout ce que tu veux, complètement monolithiques. Il y a juste une fracture et c'est le Sahara. Du coup, je pose aussi la question de qu'est-ce qu'on fait des peuples du Sahara et du Sahel. pas cool parce qu'ils existent. Qu'est-ce qu'on fait de nos histoires ? Des routes d'émigration, de métissage qui ont eu lieu et qui ont encore lieu. Des phénomènes aussi d'acculturation parce que les peuples aussi se sont côtoyés. Ça me paraît complètement inouï de parler de cette fracture comme quelque chose de réel. C'est vraiment purement idéologique. Mais dans les inconscients collectifs, africains égal noirs. Aujourd'hui, quand on dit L'Afrique, on dit le continent noir. Alors moi, je veux bien entendre qu'il y ait une majorité de population noire en Afrique, c'est sûr. Ça ne veut pas dire que les personnes qui le sont moins, si on prend la colorimétrie, qu'on va dans un côté un petit peu plus dégressif, que les personnes les plus claires ne seraient pas africaines. Ça ne veut pas dire qu'on n'a pas de métissage et de personnes qui seraient métisses parce que venues d'ailleurs. Et l'Afrique du Nord, de par sa proximité avec la Méditerranée, le monde arabe d'un autre pan, bien sûr. est extrêmement métissée. C'est aussi des métissages qu'on peut voir dans plein d'autres endroits du monde. Pourtant, on ne va pas ôter l'étiquette de l'appartenance à ces gens-là sous prétexte qu'ils sont métisses. Tu vois, explique-moi avec le métissage qu'on pourrait retrouver en Afrique de l'Est, des gens qui ont été beaucoup plus arabisés que les Nord-Africains dans les faits. Et avec des vestiges très présents et très prégnants du passage des Arabes, qu'ils soient restés, etc. Ce n'est pas la même histoire que l'Afrique du Nord. Tu vois, typiquement, les Africains de l'Est, on ne leur fera pas le procès de cette justification de leur africanité et eux ne vont pas nécessairement s'exclure de ce qu'est l'Afrique comme les Nord-Africains le font. Et c'est même assez intéressant de comparer plusieurs régions. qui auraient été touchées par une vague de colonisation, comme ça a été, ou d'islamisation, et ou d'islamisation d'ailleurs, et tout ce que ça a généré aujourd'hui dans les inconscients collectifs.

  • Speaker #0

    Mais est-ce que nier cette africanité, c'est aussi driver par le colonialisme ? Et plus on s'éloigne de cette Afrique, plus on se rapproche de l'Europe, et plus on est blanc, et blanc veut dire civilisé, éduqué. élite, tout ce qu'on a fait sur ça.

  • Speaker #1

    Pour moi, en fait, on tape clairement là-dedans, mais en plus à deux niveaux, c'est-à-dire qu'il y a effectivement ce regard tourné vers l'Europe et tu le vois dans quelque chose de très physique et de très... très réel et très palpable facilement, c'est-à-dire quelque chose de physique. C'est-à-dire qu'on va valoriser des faciès, des corps, des cheveux et des esthétiques qui sont nord-africaines et qui vont avoir un passing européen, voire parfois nordique. Et on va dire, ah ouais, non, ça c'est canonisation ultime. Ou alors, glorifier des faciès qui vont se rapprocher de ce qui a été vanté, d'ailleurs, dans les contes au Moyen-Âge, de ce que va être... la beauté de la femme arabe, du corps de la femme arabe et ses délices. Sans rentrer dans le côté orientaliste qui vient appuyer ça avec un regard blanc, sexualisé et tout y cointit. Peut-être qu'on abordera ça après. Mais in fine, même dans ce truc de la canonisation des corps arabes, on va chercher l'arabe le plus blanc avec une typologie particulière et des traits très marqués au niveau de... La noirceur des cheveux qui doit vraiment être de jet. Une peau qui peut être pâle. Des sourcils fournis. Certains types. Mais in fine, parce qu'il y a des Arabes, et j'entends du Golfe, qui sont des Arabes noirs et qui n'ont rien à voir avec les communautés afro-arabes. Ils sont quand même descendantes d'Afrique et je ne parle pas de ça. Je parle vraiment des tribus qui ont une peau extrêmement foncée. Et qui sont du coup des personnes noires. donc on va quand même toujours valoriser ces deux pans-là. Et ça, en fait, et j'avais parlé justement dans la vidéo qui est devenue virale, là, il y a quelques années, d'un double syndrome de Stockholm vis-à-vis de nos anciens envahisseurs. Donc, à la fois tourner vers les Arabes et bien un type particulier d'Arabe et l'Europe à la fois. Et donc, on a encore aujourd'hui du mal à valoriser notre diversité, alors que pourtant, on la voit, on la côtoie, on la sait. Mais ça évolue. C'est une réalité, ça évolue. Mais c'est toujours pas suffisant.

  • Speaker #0

    Oui, je voulais revenir. Je prends ma feuille pour m'assurer d'avoir ma citation. Le président tunisien a soutenu en février 2023, et je le cite, cette immigration clandestine relevée d'une entreprise criminelle ourdie adorée de ce siècle pour changer la composition démographique de la Tunisie afin de la transformer en un pays africain seulement et estomper son caractère arabo-musulman. Je ferme les guillemets. Qu'est-ce que tu as ressenti quand ce discours a été prononcé, en étant tunisienne et en étant engagée sur ces sujets ?

  • Speaker #1

    Et tu sais qu'en plus, quand il a dit ça, j'étais rentrée en France depuis genre, je crois, je ne sais pas, quatre jours. C'était en Tunisie, juste avant ça. Et j'ai dit, oh, ce n'est pas vrai. J'étais extrêmement choquée. Et alors, je me suis dit deux choses. Je me suis dit, peut-être que ce président a oublié qu'aujourd'hui, si on parle d'Afrique, Africa, Africa, parce qu'il friquilla et ça c'est le... C'est l'ancien nom de la Tunisie. Il y a peut-être un truc à revoir à ce type-là. Je me suis dit, il n'a pas tout compris. Et du coup, c'est quoi de parler d'un pays africain seulement et lui ôter ? Moi, je me suis même dit, c'est quoi le caractère arabo-musulman ? J'aimerais qu'on me définisse clairement ce qu'est l'identité arabo-musulmane. Parce que j'ai eu la chance de voyager dans pas mal d'endroits et de voir des communautés musulmanes de pas mal de pays. Les pratiques sont différentes. C'est une juxtaposition de ce qu'il y avait avant l'arrivée de l'islam et de l'islam et comment il s'est adapté. Et encore faut-il définir ce courant de l'islam qui est arrivé à ce moment-là. Pour moi, lui ôter son caractère arabo-musulman, à la Tunisie, je ne vois pas comment. De parler d'une submersion migratoire, c'est faux. Parce que quand on a les chiffres, on se rend compte que ce n'est vraiment pas grand-chose. Si on veut vraiment être très pointu et très très chiant, on peut dire qu'il y a pas mal d'Africains de l'Ouest musulmans qui arrivent en Tunisie et qui prennent la Tunisie comme un pays de transit. Et ces gens-là, du coup, on n'enlève pas le caractère musulman à la Tunisie, qui sont des musulmans. Et donc, si on veut vraiment être très chiant, on peut diguer très loin là-dedans. Mais en revanche, aussi, ce que je me suis dit, c'est que je me suis dit, voilà jusqu'où on peut aller. C'est très effulant. C'est très violent, mais je me suis dit, voilà à ne pas éduquer, à ne pas faire de sensibilisation, à ne pas penser les questions de racisme et de discrimination comme un vrai problème d'État. Voilà où on en arrive. Parce que moi, mon problème là-dedans, ce n'est pas qu'il soit raciste, qu'il ne soit pas raciste. Moi, je m'en fous éperdument. Moi, ça, ce n'est pas mon problème. Moi, c'est ce qu'il a dit et pourquoi il l'a dit. Parce qu'il sait très bien à quoi ça lui sert. Et ce qu'il représente,

  • Speaker #0

    l'impact qu'il a à un président de la République.

  • Speaker #1

    Mais il sait très bien qu'il surfe sur un truc qui est latent. Parce qu'avant la révolution de 2011, parler des questions ethniques, parler des questions raciales,

  • Speaker #0

    C'était impossible. Sous Bourguiba et sous Ben Ali, ce n'était pas possible. Donc après la Révolution, on a une liberté de ton qui commence à prendre place et tu vois naître des associations de personnes qui luttent pour les droits humains. Et quand je dis de lutte pour les droits humains, c'est assez vaste. C'est les questions antiracistes, c'est les questions LGBT, c'est les questions féministes, c'est les personnes qui veulent justement essayer de revaloriser le patrimoine et l'identité. et les communautés iméziraines en Tunisie. Et tout ça, avant 2011, en fait, ce n'est pas possible. Donc déjà, ça te laisse une marge entre 1956, où la Tunisie est indépendante, et 2011. Ça te laisse une marge de pas mal de dizaines d'années où tu te dis, bon, ça, sensibiliser, parler vraiment de ces choses-là librement, ce n'est pas possible. Il y a toujours le saut de l'État. Et le saut de l'État, en fait, c'est juste de dire, non, on est tous tunisiens. Quand on a une liberté de ton qui nous permet ensuite d'avoir des organisations, il y a du bon travail qui est fourni. Est-il suffisant ? Non, parce que ce n'est pas simple. Il y a toujours la question des budgets, de comment faire, des réticences idéologiques, de dire « mais chez nous, ce n'est pas un sujet » , énormément de choses. In fine, on a quand même un peuple qui n'est pas suffisamment éduqué, et sur ces questions-là particulièrement, parce que ce n'est pas un sujet. Et on peut comprendre aussi que dans des situations de crise, On n'est pas en train de se dire que la priorité, c'est de penser aux questions raciales, ethniques. Et voilà, ce n'est pas la priorité. Quand on a un peuple aussi qui s'appauvrit parce qu'il y a un manque de vision politique et donc de vision économique, que les gens ont faim, c'est très facile de tomber dans des travers populistes. Et c'est typiquement ce que le président fait. Et le travers populiste qu'il a choisi dans ce discours-là, c'est de se dire, votre ennemi, entre autres, mais en tout cas dans ce discours-là, c'est de dire, le dernier arrivé sur le territoire, c'est lui la source de tous vos problèmes. c'est pas lui et sa gestion catastrophique du pays. Ce n'est pas lui et son manque de vision politique. C'est eux qui arrivent en grand nombre, qui viennent pour vous voler votre travail, qui viennent semer le chaos, qui sont la cause de la nouvelle criminalité qu'on observe. Et voilà. Quand ton peuple à faim n'est pas éduqué, qu'il y a un racisme latent qui n'a jamais vraiment été traité, c'est extrêmement facile de voir... de voir cette idéologie, en fait, je ne vais même pas dire prendre racine, mais reprendre racine là où elle avait peut-être été un peu estompée, etc.

  • Speaker #1

    Mais sur ce sujet-là, sans faire de la politique tunisienne, ce n'est pas le but du podcast, mais il y a une avocate, Sonia Dahmeni, pour la Cité, qui est emprisonnée parce que dans un plateau télé, elle a été vocale sur ces sujets et sur le racisme potentiel. de l'État tunisien. Elle a été embarquée tout de suite après. Je n'ai pas tous les détails, mais je pense très rapidement après. Je sais, on discutait offline, je sais et je le vois sur ton compte que tu es souvent en Tunisie. Est-ce qu'avec ce qu'on vient de décrire, est-ce que tu as peur ? Est-ce que c'est une question que tu te poses d'une réaction potentielle de la police ou je ne sais quoi par rapport à tes positions et ta nationalité ?

  • Speaker #0

    Pas pour l'instant. Pas pour l'instant. En revanche, des personnes que je côtoie, elles sont mises en danger par leurs actions, par la carrière antiraciste qu'elles ont menée à différentes échelles, etc. Et donc, moi, à côté de ça, rien du tout. Moi, je suis en Tunisie. J'arrive avec un passeport qui est mon passeport français. Les personnes qui sont mises en danger et qui, pour certaines, sont déjà comme Sonia Dahmani. qui sont emprisonnées, elles sont déjà sous le joug de ce muselage et de cette répression qui est assez foudroyante, on doit le dire, parce que ça arrivait très vite en réalité. Une succession d'arrestations extrêmement musclées qui ont pris place juste avant de nouvelles élections où le président a été réélu. Donc moi, je n'ai pas nécessairement peur pour moi, j'ai plus peur pour les gens que je connais et qui ont un courage assez formidable d'ailleurs de ne pas... pas lâcher prise et de ne pas décider de s'absoudre rien de leur conviction par peur d'un régime qui, en plus d'être répressif, est très très aléateur sur sa manière de procéder. Donc, voilà.

  • Speaker #1

    Un peu imprévisible.

  • Speaker #0

    Voilà.

  • Speaker #1

    Noël, je voulais revenir sur la masérité, on dit. Oui. En préparant cette interview, je confesse mon ignorance de certains de ces sujets. En regardant, j'ai découvert que historiquement et géographiquement, la masérité n'est pas... que dans le Maghreb, chose que je pensais, et je pense que beaucoup d'auditeurs probablement partageront ça, et que ça existait bien au-delà, dans l'Afrique subsaharienne, pour le coup, pour utiliser ce mot-là. Pourquoi on fait ce clivage-là, et pourquoi on renvoie l'Afrique du Nord à l'arabité et à l'islam ? Même moi, c'est ce que je te disais, je suis née en Tunisie, et j'entendais très peu. Parler de culture amazigh, on associe ça vite au folklore. D'où vient cet effacement et la non-existence vraiment de ce terme-là ?

  • Speaker #0

    Pour parler de la Tunisie, ça c'est le travail de Bourguiba qui a fait vraiment de très grosses manœuvres de suppression de la amazighité. Tout ce qu'il en restait, c'est du folklore. Est-ce que c'est un axe de résistance, de résilience ? C'est une adaptation qui s'est faite. Mais en réalité, les travers de tous ça, et on peut parler aussi de l'Algérie et du Maroc, le Maroc c'est un peu particulier parce qu'après l'indépendance, il y a quand même eu de la part du roi ce qu'on appelle la berbérité d'État, avec quand même une accointance avec les grands chefs à Mazire, voilà, alliance politique stratégique. Donc je pense que c'est ce qui a permis aussi la subsistance d'une identité à Mazire qu'on observe aujourd'hui peut-être plus marquée au Maroc, et quand les gens pensent à la Mazérité, ils pensent aux Marocains et ils pensent au Kabil en Algérie. Mais c'est parce qu'en fait, c'est... Voilà, il y a plusieurs raisons pour lesquelles on pense à... Il y a plein de groupes amazigh au Maroc, mais on pense au Maroc parce que c'est peut-être plus visible et parce qu'il n'y a pas eu un effacement aussi prononcé et politiquement orchestré. En tout cas, pas d'une manière aussi brutale que ça a pu l'être en Algérie ou comme ça a pu l'être en Tunisie. C'était plus en... Des choses très brutales et des choses un petit peu plus subtiles au Maroc. Et en Algérie, en Tunisie, par contre, c'était différent. Dès lors qu'il y a les indépendances et la création des identités nationales, c'est un petit peu compliqué parce qu'on en vient à se dire comment est-ce qu'on va fédérer tous ces gens-là ? Qui sont quand même des groupes différents, qui n'ont pas nécessairement les mêmes intérêts, qui ne parlent pas nécessairement tous la même langue parce qu'on dit, oui, les langues sont différentes. Mais en fait, il y en a plusieurs. Il y a un alphabet. Ça ne s'écrit pas partout de la même manière, d'ailleurs. Donc, ce n'est pas si simple. Et donc, nécessairement, peut-être aussi dans une urgence de reconstruction, d'impulser des nouvelles dynamiques post-indépendance, on se dit oui, les questions identitaires, c'est aller à la trappe. On est tous algériens, on est tous marocains, on est tous tunisiens. Les questions émasires, c'est des questions séparatistes. Et même encore aujourd'hui. Quand tu revendiques ton amazérité, il y a quelque chose de politique malgré toi, parce qu'en fait, on a l'impression que tu prends position contre une arabité qui n'est pas nécessairement d'ailleurs la nôtre. Se revendiquer amazir, c'est comme si tu es contre quelque chose. Je pense que se revendiquer amazir, c'est peut-être déjà honorer ses ancêtres, son histoire, et ensuite juste se dire, vous vous définissez en tant que tel. Moi, pour les raisons qui sont les mêmes, notamment des questions de lignage et des histoires de ma famille, je ne peux pas me revendiquer comme arabe ou autre chose ou descendant d'autre chose parce que ce n'est pas ce que je suis. Et ça doit se respecter, ça doit s'entendre. Ça fait partie de la diversité de qui nous sommes. Et ce n'est pas simple, mais il y a eu un gros travail d'effacement qui a été fait. Pourquoi on pense au Kabyle quand on pense aux Amazigh ? Et quand les gens voient le symbole Amazigh, le yes, et notamment le drapeau Amazigh, les gens pensent que c'est le drapeau. Et beaucoup de gens pensent que c'est le drapeau Kabyle. Mais pourquoi ? C'est parce qu'en fait, il y avait l'Académie Berbère qui a fait un gros travail dans les années 80. Il y avait beaucoup de penseurs Kabyle. Et notamment des massacres dans ces années-là aussi, qui ont été percutés par le pouvoir algérien, parce que justement, se revendiquait Amazigh. Et si on veut même creuser un petit peu plus... Des penseurs, des intellectuels, Emazir Kabil, qui disaient « Mais moi, non seulement je suis Emazir, je suis Kabil, je ne suis pas arabe. » Et en plus, certains avaient l'audace de se dire « Moi, je ne suis pas musulman, je suis laïque. » Mais alors là, c'était un affront pas possible. Donc, il y a eu des massacres assez incroyables qui sont documentés. Et d'ailleurs, beaucoup de pentes de l'identité Emazir aussi a pu survivre grâce aux diasporas qui étaient en France. Et avec ce... ces allers-retours de part et d'autre de la Méditerranée, il y a eu des choses qui ont été sauvegardées. D'autres qui ont été amoindries, d'autres qui ont été folklorisées et d'autres qui ont été tuées, pratiquement. Et ça, en Algérie, au Maroc et en Tunisie.

  • Speaker #1

    Et quel serait le conseil ? Je sais que beaucoup des auditeurs sont fiers de leurs identités, mais sont aussi à la recherche et veulent comprendre et font un peu un travail historique à l'échelle familiale. Peut-être, sur base de ce qu'on vient de dire et cet effacement, si quelqu'un aimerait explorer plus ou en tout cas analyser et investiguer plus en détail dans sa famille pour savoir potentiellement est-ce que cette arabité est vraiment... Est-ce que c'est de la masérité effacée ou est-ce que c'est de l'arabité ? Quel serait peut-être ton conseil par où commencer ? Parce que ça peut paraître très compliqué.

  • Speaker #0

    C'est jamais simple. Et cette arabité, qui était aussi un petit peu ce que tu me posais comme question juste avant, je pense que c'est aussi l'affiliation linguistique. Mais on peut peut-être retrouver ça, un parallèle intéressant qu'on peut faire. J'aime pas trop utiliser ce terme, mais tu sais, la communauté latina, qui est un melting pot d'absolument plein de choses, et tu te retrouves à peu près dans les mêmes travers que la communauté nord-africaine, tu vois, parce qu'il y a aussi, en Amérique, la communauté latina, ça comprend pratiquement toute la communauté hispanophone d'Amérique du Sud et d'Amérique centrale. Donc ça comprend quoi ? Dans ce terme qui veut tout dire et rien dire, ça comprend les personnes autochtones. qui sont du coup maintenant locutrices peut-être de leur langue autochtone pour celles qui la parlent encore, et de l'espagnol qui est devenu la langue nationale de ce pays après colonisation. Toutes les personnes qui ont été déportées, parce qu'il y a eu l'esclavage aussi là-bas, et des personnes qui ont été déportées d'Afrique, qui se sont métissées soit avec des colons espagnols, des personnes autochtones. Il y a un brassage ethnique et culturel qui est assez impressionnant. et on va les mettre sous la caisse « ouais, mais vous êtes des latinos » . Pour moi, en fait, c'est un peu la même chose qu'on fait aux nord-africains. C'est qu'aussi, on nous enlève la potentialité vraiment d'étudier tous les métissages contraints ou voulus. Voilà, tu n'en es pas à tout rose non plus. Il ne faut pas glorifier le métissage au nom de machin. On n'est pas United Colors of Benetton, on est un petit peu... On nous enlève aussi le droit de nous autodéfinir, déjà de un. Si on parle aussi d'un point de vue purement diasporique, il y a vraiment l'étiquette d'Arabe de France qui est extrêmement présente. Et ça aussi, c'est ce qu'on a vu pendant la colonisation française en Afrique du Nord. Quand les colons et l'anthropologie coloniale qui débarquent avec ça, parce qu'il faut bien nous étudier, nous, les indigènes, on parle de berbères, pour qualifier les populations à Mazir, et cette anthropologie qui décide juste de scinder la population en deux grosses parties. Et je ne rentre même pas dans ceux qui vont être les pieds noirs. et les personnes juives qui ont aussi été mises sur le côté dans d'autres catégories. Mais si on prend juste les personnes nord-africaines, t'avais les berbères, qui étaient juste les personnes locutrices de langue tamazirte, et les arabes, donc du coup les personnes qui parlaient l'arabe d'Alja, qui n'est même pas un arabe qui se rapprocherait de ce qu'on peut appeler l'arabe littéraire classique. Donc en réalité, il y a plein de choses qui cimentent cette étiquette d'arabe, à l'extérieur et à l'intérieur de nos pays. et des politiques de création d'identité nationale, on se dit, oui, bon, alors, vos trucs de race et des damasirités et de machin, oui, bon, pas du tout, non. On n'a pas le temps pour ça. On est Algériens, Tunisiens, Marocains. Et avec peut-être ce truc d'étiquette d'Arabe qui arrive parce qu'on est quand même... À la limite, ça me gêne qu'on parle de monde arabe pour l'Afrique du Nord parce que nous sommes Africains, avec toutes les aspérités ethniques et même de l'extérieur qui ont pu venir, qui ne sont pas nécessairement les Arabes, parce qu'en fait, on n'a pas tant d'Arabes que ça chez nous. et de personnes descendantes d'arabes. En revanche, si on parle de monde arabophone, je me dis, OK, c'est correct, ça fait un peu plus sens. Ça me paraît un peu plus plausible. Parler de monde arabe, du coup, moi, j'aimerais qu'on le définisse. Qu'est-ce que c'est et quels sont les critères ? Qu'on me définisse ce qu'est le monde arabe ? Sur quels critères ? À part la langue et, du coup, l'islam, qu'on affilie aux arabes. Mais du coup, la plus grosse communauté musulmane, c'est en Indonésie. Mais eux, on ne va pas leur dire qu'ils sont arabes. Donc, il y a des biais comme ça qui, pour moi, sont très pernicieux, mais qui, à force de répétition, de move politique, etc., ont pris place dans les esprits et les consciences collectives. Et c'est très compliqué de s'en défaire.

  • Speaker #1

    Tu as utilisé un adjectif qu'on n'a pas utilisé jusque-là, c'est berbère. Et peut-être si tu pouvais juste revenir sur Berber versus Amazir. Et je pense que souvent, le terme Amazir est préféré pour une raison étymologique, si je ne dis pas de bêtises.

  • Speaker #0

    Malheureusement, il n'est pas encore préféré.

  • Speaker #1

    Non,

  • Speaker #0

    il n'est pas encore préféré par les personnes qui connaissent le sujet. mène aussi des travaux dans le sens du respect, de la révérence ou juste de l'étude des personnes nord-africaines dans leurs aspérités et diversités. Le mot hamasir, c'est simple, ça veut dire le peuple des hommes et des femmes libres ou dignes, ça dépend des interprétations. Et c'est quand même un mot qui est utilisé par les personnes hamasir pour s'autodéfinir. Le mot berbère, en fait... Mais il a une racine gréco-latine qui est exactement la même que le mot barbare. Ça définit quand même quelqu'un qui est l'étranger, qui ne parle pas la langue. Donc c'est défini par l'autre pour nous dire que nous, nous sommes des rustres, nous ne parlons pas la langue de l'envahisseur comme s'ils étaient chez eux alors qu'on est chez nous. Donc il y a un vrai problème avec le mot berbère. C'est pour ça qu'on aimerait que de plus en plus, même si je pense qu'en plus ça constitue un vrai effort pour les personnes de dire pas les arabes, pas les nord-africains, pas les maghrébins, les berbères. Je sais qu'il y a un processus en plus. On va essayer de cibler vraiment de qui on veut parler là. C'est toujours pas ça.

  • Speaker #1

    C'est sur le bon chemin.

  • Speaker #0

    Parce que beaucoup de personnes aussi ignorent. Et il y a des personnes même qui pensent que Amazigh et Berber, on ne parle pas des mêmes personnes. Il y a aussi beaucoup de personnes qui disent « Mais en fait, du coup, c'est quoi la différence ? » La différence, c'est qu'il y en a une, c'est un peu insultant. C'est toujours comment tu es perçu dans le regard de l'autre et de celui qui vient chez toi en te disant que tu n'es pas chez toi. Et l'autre, c'est comment nous, on s'autodéfinit avec des valeurs qui sont les nôtres. Tout simplement, mais difficilement, du coup.

  • Speaker #1

    Non, merci. Je pense que c'est important de définir.

  • Speaker #0

    Merci pour cette question.

  • Speaker #1

    Naoued, on va passer sur des thèmes un peu plus philosophiques et plus sur ta personne. Quelle serait ta définition de la réussite ?

  • Speaker #0

    Je sais. Franchement, pour moi, la définition de la réussite, je ne sais pas, c'est être heureux. Qu'importe. Moi, je ne suis pas là, tu vois, pour... Je pense qu'on a chacun notre définition de la réussite. Très facile à dire, un peu plus compliqué à mettre en application parce qu'en plus, on est en constante évolution.

  • Speaker #1

    Je ne sais pas ce que ça veut dire.

  • Speaker #0

    Être heureux, pour moi, c'est ça, réussir. Parce que ce n'est pas facile. Non. Être heureux. et faire ce qu'il faut pour l'être et essayer de pérenniser le truc, même si ce n'est pas un état. La vie est toujours en dents de scie, ce n'est pas un long fleuve tranquille, etc. Mais il faut faire ce qu'il faut pour être heureux. Pas de jugement du moment que tu ne portes pas préjudice à quelqu'un.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce que tu dirais à la Nawel enfant ?

  • Speaker #0

    Tu n'es pas prête pour ce qui t'attend, mais vas-y. C'est ça que je lui dirais. J'ai fait une interview il y a quelques jours, on m'a posé cette même question. Et ce n'était pas une interview où tu vas enregistrer comme ça. J'ai eu le temps de réfléchir. J'y ai réfléchi, je me suis dit, mais je suis en écho. Mais in fine, c'est ça. Je pense qu'à la Nawal d'avant, je lui dirais Ausha, tu penses que là où tu vas, tu fais fausse route, tu fais pas du tout fausse route. Vas-y, continue. T'es pas prête pour ce qui t'attend, tu seras très agréablement surprise et t'auras raison de pas lâcher. Et t'es pas folle. T'es pas folle.

  • Speaker #1

    Pourquoi ? Parce qu'on t'a fait passer pour folle ?

  • Speaker #0

    Oui mais non. encore. Tout à fait. Tu es une femme, a priori, tu es une hystérique, tu as de l'expertise sur rien. Tout ce que tu dis, c'est d'une affabulation, c'est fantasmé. Et oui, en dehors de ça, même dans ma vie personnelle, tu vois être... Oui, bien sûr, on m'a toujours dit que j'étais folle. J'accepte. Mais pas folle comme ce qu'il disait. Folle autrement.

  • Speaker #1

    On va passer à la dernière partie de l'interview, Noël. Et c'est des petites questions. Le but, c'est de répondre du tac au tac. Un terme à masir que tu aimes particulièrement ?

  • Speaker #0

    Tu vois, c'est juste ce qu'on disait par rapport au fait de s'autodéfinir en tant qu'amazir. Moi, la liberté, je me rends compte que dans ma vie, c'est toujours ce qui me porte. Il faut lutter pour sa liberté parce qu'en fait, dans la vie, malheureusement, on n'est pas tous égaux. On n'a pas tous les mêmes chances. Il y a des victoires qu'il faut arracher. Et en fait, moi, je me rends compte que tout ce qui m'anime constamment, c'est toujours une quête de liberté, de plus de liberté. ça veut pas dire que j'ai pas d'accroche et que j'ai pas d'attache etc tu vois c'est pas antinomique avec les ancrages mais je me rends compte que moi en fait c'est ma quête ultime en fait c'est la liberté finalement donc du coup le mot amazigh me va très bien qui veut dire le peuple des femmes et des hommes libres et je me dis mais je suis dedans on est là quoi il y a l'alignement c'est ouais vraiment un livre oh my god j'en ai tellement C'est un livre d'Amadou Empateba. En vrai, il faut lire tous les livres d'Amadou Empateba. Mais un seul. Oui. OK, bon. Mais bon, j'ai dit qu'il fallait tous les lire. J'ai dit qu'il fallait tous les lire. Mais c'est le livre qu'il écrit sur la vie de Thierno Bocard. « Enseignement et vie de Thiernio Bocart, le sage de Bandiagara » . Et c'est un livre que lui a écrit sur celui qui était un peu son... C'est pas son maître à penser, parce que justement, il y avait tellement de liberté, mais pas de jugement non plus dans sa manière d'accompagner Amadou Empateba pendant sa jeunesse et dans son parcours spirituel, etc. Moi, c'est un livre qui m'a fait pleurer, qui m'a apporté énormément, spirituellement, historiquement. Ah ouais, si vous avez l'opportunité de vous procurer ce livre, si vous ne le connaissez pas et que vous ne l'avez pas lu, Il faut lire ce livre, vous en ressortirez pas indemne, mais positivement.

  • Speaker #1

    Ton plat préféré ?

  • Speaker #0

    Je vais dire un truc parce que c'est plus Madeleine de Proust qu'autre chose. C'est pas mon plat préféré, mais c'est là où j'ai une affection particulière. En vrai, le couscous de mon père.

  • Speaker #1

    Donc un couscous algérien ?

  • Speaker #0

    Ouais, sauce rouge. Pas sauce blanche, mais ah non. Pardon, mais pas de blague.

  • Speaker #1

    Et une femme que tu me recommanderais d'inviter sur le podcast ?

  • Speaker #0

    Oh les problèmes.

  • Speaker #1

    une et ça veut pas dire que les autres ne sont pas

  • Speaker #0

    Chara ton coeur alors attends là j'ai besoin de réfléchir invite Naïra invite Naïra parce que ce qu'elle fait musicalement c'est très fort et l'aura qu'elle développe autour de sa propre construction identitaire qui est entre autres Amazir déjà moi j'aime beaucoup sa musique mais en dehors de ça la manière dont elle le fait je la trouve très actuelle très intelligente Et la manière de se réapproprier plein de nos codes, vraiment, ce qu'elle fait, c'est de l'excellent travail avec une très belle intelligence derrière. Et c'est une belle personne. Il faut inviter Naïra.

  • Speaker #1

    Rajouter à ma liste. Ouais. Nawel, merci infiniment. C'était un plaisir d'échanger avec toi.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup. Plaisir partagé. Merci infiniment.

  • Speaker #1

    À très bientôt.

  • Speaker #0

    À bientôt.

  • Speaker #1

    Cet épisode de Réal est maintenant terminé. Je vous remercie sincèrement de l'avoir écouté jusqu'au bout. Ce qui, j'espère, veut dire que vous l'avez apprécié. N'hésitez pas à le partager autour de vous, avec des amis ou sur les réseaux sociaux. C'est ce qui permet au podcast de grandir. Vous pouvez aussi le noter 5 étoiles et me laisser un petit commentaire. C'est un vrai plaisir de les lire. Si vous avez des questions ou voulez me suggérer une invité, n'hésitez pas à me contacter sur la page Instagram « Heya underscore podcast » . A très bientôt.

Description

Cette semaine, je suis ravie de vous partager ma conversation avec Nawal Ibtissam Benali.


Nawal est journaliste, podcasteuse et créatrice de la plateforme « Ya ça chez nous », qui vise à déconstruire et analyser les dynamiques du racisme anti-noir propres à l’Afrique du Nord et à ses diasporas.

 

Elle est d’origine amazighe, née en Tunisie, et a passé la majeure partie de sa vie en France.

Fière de son héritage, elle s’engage activement pour la reconnaissance et la valorisation de l’identité amazighe.

 

Après des études littéraires et une formation en journalisme, elle s’est construit une carrière riche, éclectique et non linéaire. Depuis quelques années, elle se consacre pleinement à ses thématiques de prédilection : l’identité, l’appartenance, et les dynamiques de pouvoir qui les façonnent.

 

Dans cet épisode, on a parlé :

  • de ses racines amazighes et de ce qu’elles représentent pour elle,

  • de pourquoi il est préférable d’utiliser le mot « amazigh » plutôt que « berbère »,

  • du tiraillement que peuvent ressentir certaines personnes entre arabité et africanité,

  • et du sujet sensible mais essentiel qu’est le racisme au sein même de nos communautés.

 

J’ai pris beaucoup de plaisir à enregistrer cet épisode, car il nous invite à réfléchir et à déconstruire des sujets qui sont généralement tabous.

 

Sans plus attendre, je vous laisse avec la HeyA du jour : Nawal Ibtissam Benali.

 

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Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour à toutes et à tous, ici Pochra Pourti et bienvenue sur HEIA. En arabe, HEIA signifie « elle » . C'est parce que ce mot n'est pas suffisamment utilisé pour parler de réussite et d'ambition féminine que j'ai décidé de lancer ce podcast. Les inégalités et la sous-représentation liées au genre sont malheureusement une réalité et une approche intersectionnelle ne fait qu'amplifier ces phénomènes. Chaque épisode est une conversation où j'invite une femme de culture arabe à venir partager son histoire et évoquer sa réussite. Mes invités ont toutes des backgrounds et trajectoires différentes. Elles sont journalistes, entrepreneurs, écrivaines, artistes ou encore médecins, et vous serez, je l'espère, inspirés par leur réussite. L'objectif de ce podcast est de vous, tout d'abord, promouvoir une image différente de la femme arabe, en mettant en lumière ses parcours exceptionnels, mais aussi aider les plus jeunes ou celles en quête de renouveau. à trouver des rôles modèles et ambitionner leur avenir. Ma conviction ultime est que la seule manière d'y croire, c'est de le voir, ou en l'occurrence d'entendre. Si ce podcast vous plaît, je vous invite à prendre quelques minutes pour le noter 5 étoiles sur iTunes ou Apple Podcasts. C'est la meilleure manière de le soutenir. Sans plus attendre, je vous laisse découvrir notre invité du jour. Bonjour à toutes et à tous et bienvenue sur Heya. Je vous retrouve pour un nouvel épisode. où je reçois Nawel Ebtisem Ben Ali. Nawel est journaliste, podcasteuse et créatrice de la plateforme Yatza Chez Nous. Yatza Chez Nous, c'est une plateforme qui vise à déconstruire et analyser les dynamiques du racisme anti-noir propre à l'Afrique du Nord et à ses diasporas. Nawel est d'origine amazigh, elle est née en Tunisie et elle a passé la majeure partie de sa vie en France. Fière de son héritage, elle s'est engagée pleinement et activement pour la reconnaissance et la valorisation de l'identité amazigh. Elle a fait des études littéraires et une formation en journalisme, et elle a construit une carrière qui est très riche et très intéressante parce que éclectique et non linéaire. Depuis quelques années, elle se consacre pleinement à ces thématiques de prédilection que sont l'identité, l'appartenance et les dynamiques de pouvoir qui les façonnent. Dans cet épisode, on a parlé de beaucoup de choses, et entre autres de ses racines amazighes, de ce qu'elles représentent pour elle, de pourquoi il est préférable d'utiliser le terme amazigh plutôt que berbère, du tiraillement que peuvent ressentir certaines personnes entre arabité et africanité et du sujet sensible mais essentiel qu'est le racisme au sein même de nos communautés. J'ai pris beaucoup de plaisir à enregistrer cet épisode parce qu'il nous invite à réfléchir et à déconstruire des sujets qui sont généralement tabous. Donc sans plus attendre, je vous laisse avec la réé du jour, Nawel Ebtisem Ben Ali. Nawel, merci beaucoup d'avoir accepté mon invitation. Je suis ravie de te compter. parmi mes invités sur Heya.

  • Speaker #1

    Merci à toi pour ton invitation. C'est touchant déjà ce que tu dis de moi et comment tu perçois mon travail parce que du coup, tu as fait tes recherches. Et la raison de l'invitation, je suppose aussi, c'est parce que ça te parle et c'est des choses aussi qui parlent à beaucoup d'entre nous. Et c'est vrai que pour moi, en fait, ce que tu as dit sur le fait que, oui, je suis d'origine amazighaire, je suis tunisienne, je suis nante tunisie, j'ai passé la majeure partie de ma vie en France, certes. Mon parcours journalistique n'a pas tant d'importance que ça parce que in fine, ce que tu dis à la fin... de ton intro, la vérité c'est que j'en viens à quelque chose qui est un réancrage de carrière certes, mais ça rejoint aussi le pan humain et de qui je suis en dehors de ça, c'est de se dire que mon but, in fine, c'est de valoriser nos cultures, nos identités, notre diversité, nos aspérités, et ça passe par différentes choses que je peux faire et le podcast, il y a ça chez nous, effectivement, en fait partie, donc merci pour cette introduction.

  • Speaker #0

    C'est grand plaisir.

  • Speaker #1

    Ta patte. Ça va, ça va.

  • Speaker #0

    Nawel, pour débuter, souvent on commence par les origines. Est-ce que tu pourrais brièvement nous parler de la petite Nawel, le type d'éducation que tu as eu, l'environnement dans lequel tu as grandi ?

  • Speaker #1

    Moi, je suis née en Tunisie, c'est ce que tu as dit dans l'intro. J'ai une histoire familiale un peu complexe. J'ai migré quand j'étais bébé. Je n'ai pas grandi avec ma famille biologique. Dans ma famille adoptive, mon âme a zérité, je la découvre. parce qu'en fait, j'ai été élevée dans une famille algérienne du côté de mon père. Mon père qui est amazigh aussi, mais algérien, qui est métisse entre deux ethnies, une du nord-ouest et de la région de l'Orani, et une du sud, du coup, de la région de Bénéabès, donc dans le Sahara. Et moi, du coup, je ne grandis pas nécessairement avec une culture amazigh hyper affirmée et identifiable en tant que telle, mais je grandis avec un père qui dit « Ouais, n'oublie pas qu'on n'est pas des Arabes, on est des Amazigh » . Ok ! Donc je pense pas que même, faudrait peut-être lui demander, mais à l'époque je pense même pas qu'il avait, je crois qu'il a pas compris ce qu'il a fait germer en moi, moi je me suis dit ok. Moi, je l'ai creusé. Il n'y avait pas quelqu'un de truc. Et du coup, du côté de ma mère, franco-russe, et je dis ça parce que c'était la mère de ma mère qui avait ses origines russes et elle y tenait, elle y était attachée. Donc, même si pour ma mère, il y a quelque chose de l'ordre de la reconnaissance asymolale qui n'est pas simple. Bon, c'est quelque chose que je tiens quand même à redire parce que je sais que c'était très important pour ma grand-mère. Donc je grandis dans une famille de profs. Donc beaucoup de gens de ma famille sont profs. ou l'étaient, pour ceux qui sont plus de ce monde. Et notamment ma grand-mère maternelle aussi, qui je pense qu'elle, du coup, n'avait rien à voir avec le monde amazigh, etc. Mais qui, elle, en fait, était prof de français et prof d'histoire aussi. Et donc, du coup, nécessairement, j'étais très proche d'elle et les discussions que j'ai pu avoir avec elle, combinées à mon père qui me lâche des petits indices. Ouais, il y avait de fortes chances pour que je devienne journaliste, ou en tout cas que je m'intéresse beaucoup aux questions historiques, à la littérature et aux formes narratives qui aujourd'hui se retrouvent dans mon podcast et dans d'autres choses que je peux faire, mais du coup que je mets au service de nos identités et des problématiques qui sont les nôtres.

  • Speaker #0

    Et à quoi rêvait la petite Nawel dans l'environnement que tu viens de nous expliquer ? Il y avait un job que tu voulais faire ?

  • Speaker #1

    Je crois que j'ai voulu tout faire et rien faire. Je crois que dans ma vie, quand j'étais petite, de ce que je me souviens, Mon plus gros flex, c'était de me dire, mais moi, je suis un pirate, moi, je suis un aventurier, moi, je m'en fous de vos trucs. Vas-y, moi, on y va. Je ne sais pas, je pense que j'avais une imagination qui était très fertile. Je pense aussi que j'ai eu la chance de grandir dans un environnement où on me racontait beaucoup d'histoires. C'était très important. On nous a aussi poussé, mon père et ma mère, et beaucoup plus ma mère, du coup, à lire beaucoup, très jeune. et je pense que cette appétence pour la narration, pour la... pour le fait de raconter des histoires, et des histoires qui sont aussi des contes traditionnels, et de se dire qu'il y a quelque chose soit d'initiatique ou qui raconte l'histoire de nos ancêtres à travers quelque chose qui paraît facile d'accès pour les plus jeunes, mais que tu les relis ou tu les réécoutes plus âgés, tu y trouves d'autres sans se cacher. J'ai quand même grandi avec ça. Du coup, je ne rêvais pas nécessairement à quelque chose de précis. Je savais que je voulais vivre ma meilleure vie. Je savais que j'avais soif d'aller toujours plus loin, d'être libre. Et qu'on n'essaie pas de me casser la tête à me dire tu vas être ci ou tu vas être ça. C'était le plus important.

  • Speaker #0

    Ta liberté.

  • Speaker #1

    Oui, oui. Mais finalement, quand on est à Mazir et le peuple des hommes et des femmes libres, peut-être un truc qui faisait sens sans que je me rende compte.

  • Speaker #0

    Oui, c'est beau quand même de voir. Des fois, quand on repense à notre histoire, on revoit le chemin et on se dit en fait, il y avait une guigne tracée qu'on ne voyait pas forcément. Je voulais revenir sur le podcast et la plateforme Yatza Chez Nous. Quel a été le déclic ? Pourquoi tu as créé cette plateforme ?

  • Speaker #1

    C'est vraiment une plateforme, comme tu l'as dit dans ton intro, qui vise vraiment à démystifier, étudier, critiquer, comprendre les dynamiques racistes, raciales et nécessairement aussi ethniques et tous les crossovers qu'il peut y avoir avec tous ces pans d'identité au nord de l'Afrique et dans la diaspora française. Donc, je me concentre sur le triptyque Algérie-Maroc-Tunisie parce qu'on se regarde croisés entre les deux pans de la Méditerranée. On n'a pas de grosse communauté libyenne ou égyptienne en France, donc ça aurait été un petit peu plus compliqué. Et déjà, trois pays qui n'ont pas les mêmes histoires contemporaines et même un peu plus anciennes, mais on va dire, je m'intéresse aussi à ce que la politique post-coloniale, à partir du moment où on a des gouvernements, lorsqu'il y a des indépendances, génère dans cet imaginaire-là qui prend aussi sa source bien avant, lorsqu'il s'agit de racisme et des questions de race, etc. Qu'est-ce que ça a généré comme différence dans les trois pays ? Et qu'est-ce que finalement ça génère dans cette transmission de racisme, de discrimination, de colorisme, de discrimination aussi vis-à-vis des personnes qui vont s'identifier en tant qu'amazir, parce qu'elles vont être encore jugées comme séparatistes. Tout ce que ça génère. Donc en fait, le point de départ, c'est que moi j'ai grandi avec une forme de complexité ethnico-raciale ou en fait dans. la communauté nord-africaine, je n'ai pas vraiment été perçue comme telle. On m'a toujours demandé de justifier parce que ma couleur de peau, la texture de mes cheveux, tout plein de codes aussi qui devaient être les nôtres, qui sont quand même ceux d'enfants descendants d'immigrés quand même à la base et qui ne sont pas grand-chose quand on est des enfants, mais auxquels, visiblement, je dérogeais. Mais ça, c'est une question aussi d'éducation, le fait que... J'ai aussi grandi dans une famille qui soit très ouverte sur le reste du monde. Alors oui, notre culture algérienne était importante, mais pas que. Il y avait plein d'à côté. Donc du coup, j'étais oui. Mais ! Mais ! Et ce mais là, tu vois, il dérangeait. Et après aussi, quand les gens apprenaient que j'étais née en Tunisie, ils me disaient « Ah mais en fait, du coup, toi t'es pas comme nous, t'es une blédarde ! » Et moi j'étais là « Ok, si ça fait sens. » Et du coup, il y avait plein de facteurs de distinction qui sont juste des particularismes qu'on peut tous avoir parce qu'on n'a pas tous la même histoire, pas tous la même histoire de migration, etc. Mais qui manifestement pouvaient s'avérer problématiques. Parce que peut-être aussi, quand tu sors de l'enfance et que tu arrives à la préadolescence et l'adolescence, il y a ce système de faire communauté avec tes pères. Alors, ça peut être pour plein de types d'affiliation, donc culturelle, ethnique, par centre d'intérêt, etc. Donc, c'était un petit peu un crossover de tout ça. Mais dans tout ce qui s'avérait être du registre de la communauté nord-africaine, j'étais associée et désassociée assez facilement en fonction de... plusieurs critères auxquels je répondais ou je répondais pas. Et pour moi, c'était assez invraisemblable, parce que grandissant dans une famille métisse, et je parle là juste du côté algérien, parce que du côté de mon père et de son père, ce sont des personnes noires, et du côté de sa mère, c'est des personnes qui sont plus claires, même si elles ne sont pas non plus des personnes nord-africaines blanches. Moi, en fait, c'était tout à fait normal que personne n'ait la même tête, que personne n'ait la même couleur de cheveux, et puis la complexité aussi de la génétique nord-africaine. Il faut la comprendre, il faut la vivre. Et moi, je vivais dedans. Pour moi, tout était normal. Et c'est les autres qui me renvoyaient à quelque chose de... Un truc chelou chez toi, ce n'est pas normal. Tu n'es pas vraiment comme nous. Et du coup, les gens ne comprenaient pas nécessairement pourquoi. J'étais tunisienne, mais mon père était algérien. Et ma mère était blanche, française et tout ça. C'est toute une complexité avec laquelle je vis. Je me dis, bon, quand même, on a un peu des problèmes, nous, là, dans notre communauté, à se toiser les uns les autres, cocher des cases.

  • Speaker #0

    À quel moment tu te rends compte de ça ?

  • Speaker #1

    Assez jeune, même si je n'ai pas nécessairement le vocabulaire. Et en parallèle, comme j'ai eu la chance de voyager beaucoup en Afrique du Nord, même en étant très jeune, et plusieurs fois par an, parfois aussi, ce n'était pas juste les grandes vacances d'été. j'ai aussi une expérience sociale qui est ce qu'elle est, qui n'est pas celle de quelqu'un qui vit sur place mais où tu te confrontes quand même à... à ce que sont les sociétés. Et encore une fois, moi, j'étais quand même dans des grandes villes, donc Rabat pour le Maroc, Oran pour l'Algérie, donc c'est pas non plus le milieu rural où il y a encore d'autres... Il y a encore des différences d'appréhension pour plein d'autres raisons. Mais tu te confondes quand même à certaines réalités, notamment aux réalités de genre et de race. Et ça, je m'en rends compte assez tôt parce que quand je suis pré-adolescente en Algérie, je me mange des insultes, je me mange des regards et tout ça. Et du coup, moi, les premières insultes racistes que je me mange dans la rue en Algérie, je vais voir mon référentiel paternel. Je dis, qu'est-ce qui se passe ? Pourquoi on m'a dit ça et tout ? Et mon père qui me dit, non, t'inquiète, c'est juste que tu ne corresponds pas au standard de beauté nord-africain. Je dis, bah, sympa. Ce n'était pas ma question en plus. Mais je pense que c'était sa manière un peu d'édulcorer la chose et peut-être que lui-même était surpris.

  • Speaker #0

    De dramatiser la situation,

  • Speaker #1

    oui. Peut-être même qu'il ne se disait pas que j'allais me manger des insultes dans la rue aussi jeune. Et en plus, comme il n'était pas là. Je me rends compte de plein de choses assez rapidement. Et je me rends compte que quand je pose des questions, parce qu'on ne devient pas journaliste pour rien, parce qu'on se pose des questions très tôt, je n'ai pas les réponses satisfaisantes. Je me dis que je vais aller chercher. Ça vient vraiment de questionnements personnels. Et puis aussi de toute mon identité tunisienne et de mon amazérité tunisienne. Il y a tout un cheminement personnel qui est quand même à la base de ça. Mais beaucoup d'expériences sociales, ce n'est pas juste la mienne, c'est celle de mes pères, de plein d'autres Nord-Africains, de Nord-Africains qui n'ont pas un faciès méditerranéen auquel manifestement il faut répondre pour être un Nord-Africain validé. Et voilà. Et après, il y a des agressions extrêmement racistes à caractère, je n'aime pas trop le mot, négrophobes, on va dire anti-noirs. qui sont proférées en 2021. Et là, je me dis, bon, faisons quelque chose et mettons nos compétences journalistiques à profit d'une cause qui me tient à cœur. Il y a un vrai sujet qu'on ne souhaite jamais aborder parce que c'est extrêmement tabou. Elle est en crossover avec les questions d'ethnicité. Ça pose les questions de nos identités. Il faut faire quelque chose. Auparavant, une année avant... On m'avait demandé de participer à une vidéo collective et ça c'est Zineb qui était créatrice du compte Instagram Kahwa Half Half où en fait elle parlait des identités arabo-amazir, afro-arabe, noir-amazir où en fait déjà elle mettait en lumière pas mal de problématiques et elle nous avait demandé à pas mal de personnes du continent du nord de l'Afrique. et de la diaspora qui étions amazighes, métisses ou noires, de prendre position sur un événement qui avait lieu en France et qui a été l'appel d'Assa Traoré à défiler devant le TGI pour son frère Adama Traoré, parce que pour ceux qui ont suivi les avancées de l'enquête, des procédures, etc., c'est extrêmement compliqué et on lui refusait énormément de choses, ce qui est toujours le cas. Il y avait eu un élan de solidarité trans-africain-diasporique assez incroyable, où on voyait la diaspora nord-africaine Merci. non-noirs et non-métis se joindre justement à plein de personnes afro-descendantes noires pour ce combat antiraciste qui finalement était le nôtre. Et Zineb, à ce moment-là, dit « alors ça, c'est super. Et du coup, quand c'est chez nous et dans notre communauté, on n'est pas capable de le faire. » Et du coup, elle nous avait demandé de chacun donner un avis en fonction de nos professions respectives ou de nos expériences personnelles respectives sur ce qu'était le racisme, le colorisme en Afrique du Nord dans les communautés nord-africaines. Et ce qui est fou, c'est qu'une année après, on observe deux agressions à caractère anti-noir en France, proférées par des Nord-Africains non-noirs et non-métis. Et c'est des discordes de la vie du quotidien. C'est vraiment des trucs nuls. Donc, une à Sergi et une à Anmas. Et directement, ce qui ressort quand l'embrouille commence à devenir un petit peu plus intense, ce sont des insultes racistes. Et là, la couleur de la personne en face et le fait qu'elle soit noire, ça a une importance. Pourquoi ? Et ça parle d'esclavage et ça lance des trucs horribles. Voilà. Et moi, je me suis dit non, mais attends, c'est trop. Donc, j'ai juste pris l'extrait que j'avais donné à Zineb parce que je ne voulais pas engager la parole des autres là-dessus, parce que c'était juste moi. Je l'ai republié. J'ai dit comment ça se fait qu'à un an d'intervalle, alors qu'il y a eu... Parce que l'appel d'Assa Traoré pour défiler devant le TGI, ça a quand même fait quelque chose au niveau des débats publics sur le racisme et l'antiracisme. Je ne dis pas que ça... bien avancé, mais on en parle un peu plus qu'avant. Donc il y a eu quand même une mainstreamisation des questions racistes et antiracistes dans les médias, bien que nous ne soyons toujours pas satisfaits des résultats, malheureusement. Et je me suis dit, un an d'intervalle, je peux... Je ne change rien de cette vidéo,

  • Speaker #0

    tout est toujours aussi exact.

  • Speaker #1

    Pourquoi ? Et alors, à l'époque, j'étais pas très très suivie sur Instagram. Et les personnes qui me suivent me connaissent en tant que journaliste, connaissent mes convictions politiques, connaissent mes positionnements sur ce que j'estime être la réduction des rapports Nord-Sud, même sur le continent, parce que c'est un petit peu ça qu'il y a entre le Nord de l'Afrique qu'on estime être complètement coupé du reste. Ce qui n'est pas réellement vrai, c'est des fractures idéologiques plus qu'autre chose et qui ne sont pas réelles, en vrai, ni dans l'histoire, ni dans l'économie, ni dans rien, en vrai. C'est purement idéologique. Donc... les personnes qui me suivaient savaient. Et alors là, cette vidéo-là a été énormément partagée sur Facebook, sur Twitter, sur Instagram, partout. Et moi, j'étais au travail, je n'avais pas mon téléphone, et d'un coup, ça vibre à... Et vague de cyberharcèlement, direct.

  • Speaker #0

    Et qu'est-ce qu'on te reprochait ?

  • Speaker #1

    Déjà d'avoir ouvert ma bouche et comment est-ce que je cause ? Deux, comment ça se fait qu'une nord-africaine avec une tête de métisse qu'on n'identifie pas comme nord-africaine selon des critères extrêmement restreints et ignares, ose descendre sa propre communauté ? Les gens, en fait, moi, comme j'étais au travail, je ne voyais même pas son parti fouiller mon Instagram. Ils disaient « Ouais, mais elle passe sa vie en Afrique, elle passe sa vie en Afrique du Nord, elle est partout, machin, et elle est là, elle nous crache dessus, c'est pour faire le buzz, mais buzz de coups ! » Et ça devient viral. Et la violence que je me mange à ce moment-là, déjà, bon, c'était difficile parce que c'était ma première vague de cyberharcèlement. Maintenant, on est rodé, on a l'habitude, mais c'est extrêmement violent. Et je me dis, mais waouh, il y a quelque chose. Et donc là, du coup, à partir de là, je questionne. Je dis, est-ce que ça vous intéresse que je crée du contenu là-dessus ? Parce que manifestement, il y a des choses à dire, il y a des choses à faire. Et c'est là que je me dis, bon, je vais vraiment mettre mes compétences journalistiques que je mets à profit de médias qui ne me font pas traiter de thématiques qui me tiennent réellement à cœur, alors que ça, ça m'intéresserait réellement. et qu'il y a un vrai sujet, ça intéresse plein de personnes, allez, on va le faire. Les gens ont dit « Ah ouais, vraiment, on est chaud pour que tu fasses ça » . Et j'ai dit « Podcast » , parce que je voulais garantir l'anonymat de mes invités, si ils et elles le souhaitaient. Parce que vu la violence que ça déchaîne, je voulais pouvoir dire déjà de 1, on ne se laisse pas déconcentrer par un physique, un faciès. On a juste une voix, un témoignage, qu'il soit militant, académique ou juste testimonial d'une personne qui est concernée par la sous-thématique que je traite dans mes épisodes. Et voilà, c'est comme ça que ça a commencé.

  • Speaker #0

    C'est fou. Ça me fait penser tout ce que tu dis. J'étais à un dîner samedi avec des gens complètement éduqués, donc que personne ne disait peut-être que. Et à table, conversation classique autour d'un fait divers ou d'une histoire. Et une des personnes, et je précise, les personnes autour de la table étaient tous franco-tunisiennes, franco-marocaines, d'origine maghrébine. Et un des invités dit « oui, mais lui, c'est un Africain » . Et continue la conversation. Et là, je me dis, mais mince, ça m'a vraiment interpellée. Et je reviens et je lui dis, mais on est Africain aussi. Et ça me fait penser à ce que tu viens de dire, à ce sujet de ne pas se sentir Africain. On fait partie de ce continent. Et juste commencer par là et se situer géographiquement pourrait être un début. Et pourquoi vraiment ma question ici, à ton avis, toi qui connais le sujet beaucoup mieux que moi, pourquoi on a ce... Ce problème d'accepter notre africanité ?

  • Speaker #1

    Je pense que déjà dans les inconscients collectifs, africains égale noirs. Donc si on n'est pas noirs, dans beaucoup d'inconscients collectifs, et je ne parle pas juste des nord-africains, pour beaucoup de personnes subsahariennes, je suis obligée de faire un disclaimer parce que je vais quand même employer des terminologies que je n'aime pas trop, mais jusqu'alors, pour parler de ces... et pour faire le distinguo, pour qu'on situe bien de quoi on parle, je suis obligée de les employer parce que je ne suis pas d'accord. nécessairement pour parler de nord-africains et de subsahariens parce qu'effectivement, ça veut dire que je joue le jeu de cette fracture avec laquelle je ne suis pas d'accord. Secondo, ça veut dire quoi ? Nous, les nord-africains, plus ou moins, les cinq pays, on est tous les mêmes, ce qui est absolument faux. Et ça veut dire que du coup, toutes les personnes qui seraient en dessous seraient aussi toutes les mêmes. Donc en fait, on est des blocs culturels, ethniques, économiques et tout ce que tu veux, complètement monolithiques. Il y a juste une fracture et c'est le Sahara. Du coup, je pose aussi la question de qu'est-ce qu'on fait des peuples du Sahara et du Sahel. pas cool parce qu'ils existent. Qu'est-ce qu'on fait de nos histoires ? Des routes d'émigration, de métissage qui ont eu lieu et qui ont encore lieu. Des phénomènes aussi d'acculturation parce que les peuples aussi se sont côtoyés. Ça me paraît complètement inouï de parler de cette fracture comme quelque chose de réel. C'est vraiment purement idéologique. Mais dans les inconscients collectifs, africains égal noirs. Aujourd'hui, quand on dit L'Afrique, on dit le continent noir. Alors moi, je veux bien entendre qu'il y ait une majorité de population noire en Afrique, c'est sûr. Ça ne veut pas dire que les personnes qui le sont moins, si on prend la colorimétrie, qu'on va dans un côté un petit peu plus dégressif, que les personnes les plus claires ne seraient pas africaines. Ça ne veut pas dire qu'on n'a pas de métissage et de personnes qui seraient métisses parce que venues d'ailleurs. Et l'Afrique du Nord, de par sa proximité avec la Méditerranée, le monde arabe d'un autre pan, bien sûr. est extrêmement métissée. C'est aussi des métissages qu'on peut voir dans plein d'autres endroits du monde. Pourtant, on ne va pas ôter l'étiquette de l'appartenance à ces gens-là sous prétexte qu'ils sont métisses. Tu vois, explique-moi avec le métissage qu'on pourrait retrouver en Afrique de l'Est, des gens qui ont été beaucoup plus arabisés que les Nord-Africains dans les faits. Et avec des vestiges très présents et très prégnants du passage des Arabes, qu'ils soient restés, etc. Ce n'est pas la même histoire que l'Afrique du Nord. Tu vois, typiquement, les Africains de l'Est, on ne leur fera pas le procès de cette justification de leur africanité et eux ne vont pas nécessairement s'exclure de ce qu'est l'Afrique comme les Nord-Africains le font. Et c'est même assez intéressant de comparer plusieurs régions. qui auraient été touchées par une vague de colonisation, comme ça a été, ou d'islamisation, et ou d'islamisation d'ailleurs, et tout ce que ça a généré aujourd'hui dans les inconscients collectifs.

  • Speaker #0

    Mais est-ce que nier cette africanité, c'est aussi driver par le colonialisme ? Et plus on s'éloigne de cette Afrique, plus on se rapproche de l'Europe, et plus on est blanc, et blanc veut dire civilisé, éduqué. élite, tout ce qu'on a fait sur ça.

  • Speaker #1

    Pour moi, en fait, on tape clairement là-dedans, mais en plus à deux niveaux, c'est-à-dire qu'il y a effectivement ce regard tourné vers l'Europe et tu le vois dans quelque chose de très physique et de très... très réel et très palpable facilement, c'est-à-dire quelque chose de physique. C'est-à-dire qu'on va valoriser des faciès, des corps, des cheveux et des esthétiques qui sont nord-africaines et qui vont avoir un passing européen, voire parfois nordique. Et on va dire, ah ouais, non, ça c'est canonisation ultime. Ou alors, glorifier des faciès qui vont se rapprocher de ce qui a été vanté, d'ailleurs, dans les contes au Moyen-Âge, de ce que va être... la beauté de la femme arabe, du corps de la femme arabe et ses délices. Sans rentrer dans le côté orientaliste qui vient appuyer ça avec un regard blanc, sexualisé et tout y cointit. Peut-être qu'on abordera ça après. Mais in fine, même dans ce truc de la canonisation des corps arabes, on va chercher l'arabe le plus blanc avec une typologie particulière et des traits très marqués au niveau de... La noirceur des cheveux qui doit vraiment être de jet. Une peau qui peut être pâle. Des sourcils fournis. Certains types. Mais in fine, parce qu'il y a des Arabes, et j'entends du Golfe, qui sont des Arabes noirs et qui n'ont rien à voir avec les communautés afro-arabes. Ils sont quand même descendantes d'Afrique et je ne parle pas de ça. Je parle vraiment des tribus qui ont une peau extrêmement foncée. Et qui sont du coup des personnes noires. donc on va quand même toujours valoriser ces deux pans-là. Et ça, en fait, et j'avais parlé justement dans la vidéo qui est devenue virale, là, il y a quelques années, d'un double syndrome de Stockholm vis-à-vis de nos anciens envahisseurs. Donc, à la fois tourner vers les Arabes et bien un type particulier d'Arabe et l'Europe à la fois. Et donc, on a encore aujourd'hui du mal à valoriser notre diversité, alors que pourtant, on la voit, on la côtoie, on la sait. Mais ça évolue. C'est une réalité, ça évolue. Mais c'est toujours pas suffisant.

  • Speaker #0

    Oui, je voulais revenir. Je prends ma feuille pour m'assurer d'avoir ma citation. Le président tunisien a soutenu en février 2023, et je le cite, cette immigration clandestine relevée d'une entreprise criminelle ourdie adorée de ce siècle pour changer la composition démographique de la Tunisie afin de la transformer en un pays africain seulement et estomper son caractère arabo-musulman. Je ferme les guillemets. Qu'est-ce que tu as ressenti quand ce discours a été prononcé, en étant tunisienne et en étant engagée sur ces sujets ?

  • Speaker #1

    Et tu sais qu'en plus, quand il a dit ça, j'étais rentrée en France depuis genre, je crois, je ne sais pas, quatre jours. C'était en Tunisie, juste avant ça. Et j'ai dit, oh, ce n'est pas vrai. J'étais extrêmement choquée. Et alors, je me suis dit deux choses. Je me suis dit, peut-être que ce président a oublié qu'aujourd'hui, si on parle d'Afrique, Africa, Africa, parce qu'il friquilla et ça c'est le... C'est l'ancien nom de la Tunisie. Il y a peut-être un truc à revoir à ce type-là. Je me suis dit, il n'a pas tout compris. Et du coup, c'est quoi de parler d'un pays africain seulement et lui ôter ? Moi, je me suis même dit, c'est quoi le caractère arabo-musulman ? J'aimerais qu'on me définisse clairement ce qu'est l'identité arabo-musulmane. Parce que j'ai eu la chance de voyager dans pas mal d'endroits et de voir des communautés musulmanes de pas mal de pays. Les pratiques sont différentes. C'est une juxtaposition de ce qu'il y avait avant l'arrivée de l'islam et de l'islam et comment il s'est adapté. Et encore faut-il définir ce courant de l'islam qui est arrivé à ce moment-là. Pour moi, lui ôter son caractère arabo-musulman, à la Tunisie, je ne vois pas comment. De parler d'une submersion migratoire, c'est faux. Parce que quand on a les chiffres, on se rend compte que ce n'est vraiment pas grand-chose. Si on veut vraiment être très pointu et très très chiant, on peut dire qu'il y a pas mal d'Africains de l'Ouest musulmans qui arrivent en Tunisie et qui prennent la Tunisie comme un pays de transit. Et ces gens-là, du coup, on n'enlève pas le caractère musulman à la Tunisie, qui sont des musulmans. Et donc, si on veut vraiment être très chiant, on peut diguer très loin là-dedans. Mais en revanche, aussi, ce que je me suis dit, c'est que je me suis dit, voilà jusqu'où on peut aller. C'est très effulant. C'est très violent, mais je me suis dit, voilà à ne pas éduquer, à ne pas faire de sensibilisation, à ne pas penser les questions de racisme et de discrimination comme un vrai problème d'État. Voilà où on en arrive. Parce que moi, mon problème là-dedans, ce n'est pas qu'il soit raciste, qu'il ne soit pas raciste. Moi, je m'en fous éperdument. Moi, ça, ce n'est pas mon problème. Moi, c'est ce qu'il a dit et pourquoi il l'a dit. Parce qu'il sait très bien à quoi ça lui sert. Et ce qu'il représente,

  • Speaker #0

    l'impact qu'il a à un président de la République.

  • Speaker #1

    Mais il sait très bien qu'il surfe sur un truc qui est latent. Parce qu'avant la révolution de 2011, parler des questions ethniques, parler des questions raciales,

  • Speaker #0

    C'était impossible. Sous Bourguiba et sous Ben Ali, ce n'était pas possible. Donc après la Révolution, on a une liberté de ton qui commence à prendre place et tu vois naître des associations de personnes qui luttent pour les droits humains. Et quand je dis de lutte pour les droits humains, c'est assez vaste. C'est les questions antiracistes, c'est les questions LGBT, c'est les questions féministes, c'est les personnes qui veulent justement essayer de revaloriser le patrimoine et l'identité. et les communautés iméziraines en Tunisie. Et tout ça, avant 2011, en fait, ce n'est pas possible. Donc déjà, ça te laisse une marge entre 1956, où la Tunisie est indépendante, et 2011. Ça te laisse une marge de pas mal de dizaines d'années où tu te dis, bon, ça, sensibiliser, parler vraiment de ces choses-là librement, ce n'est pas possible. Il y a toujours le saut de l'État. Et le saut de l'État, en fait, c'est juste de dire, non, on est tous tunisiens. Quand on a une liberté de ton qui nous permet ensuite d'avoir des organisations, il y a du bon travail qui est fourni. Est-il suffisant ? Non, parce que ce n'est pas simple. Il y a toujours la question des budgets, de comment faire, des réticences idéologiques, de dire « mais chez nous, ce n'est pas un sujet » , énormément de choses. In fine, on a quand même un peuple qui n'est pas suffisamment éduqué, et sur ces questions-là particulièrement, parce que ce n'est pas un sujet. Et on peut comprendre aussi que dans des situations de crise, On n'est pas en train de se dire que la priorité, c'est de penser aux questions raciales, ethniques. Et voilà, ce n'est pas la priorité. Quand on a un peuple aussi qui s'appauvrit parce qu'il y a un manque de vision politique et donc de vision économique, que les gens ont faim, c'est très facile de tomber dans des travers populistes. Et c'est typiquement ce que le président fait. Et le travers populiste qu'il a choisi dans ce discours-là, c'est de se dire, votre ennemi, entre autres, mais en tout cas dans ce discours-là, c'est de dire, le dernier arrivé sur le territoire, c'est lui la source de tous vos problèmes. c'est pas lui et sa gestion catastrophique du pays. Ce n'est pas lui et son manque de vision politique. C'est eux qui arrivent en grand nombre, qui viennent pour vous voler votre travail, qui viennent semer le chaos, qui sont la cause de la nouvelle criminalité qu'on observe. Et voilà. Quand ton peuple à faim n'est pas éduqué, qu'il y a un racisme latent qui n'a jamais vraiment été traité, c'est extrêmement facile de voir... de voir cette idéologie, en fait, je ne vais même pas dire prendre racine, mais reprendre racine là où elle avait peut-être été un peu estompée, etc.

  • Speaker #1

    Mais sur ce sujet-là, sans faire de la politique tunisienne, ce n'est pas le but du podcast, mais il y a une avocate, Sonia Dahmeni, pour la Cité, qui est emprisonnée parce que dans un plateau télé, elle a été vocale sur ces sujets et sur le racisme potentiel. de l'État tunisien. Elle a été embarquée tout de suite après. Je n'ai pas tous les détails, mais je pense très rapidement après. Je sais, on discutait offline, je sais et je le vois sur ton compte que tu es souvent en Tunisie. Est-ce qu'avec ce qu'on vient de décrire, est-ce que tu as peur ? Est-ce que c'est une question que tu te poses d'une réaction potentielle de la police ou je ne sais quoi par rapport à tes positions et ta nationalité ?

  • Speaker #0

    Pas pour l'instant. Pas pour l'instant. En revanche, des personnes que je côtoie, elles sont mises en danger par leurs actions, par la carrière antiraciste qu'elles ont menée à différentes échelles, etc. Et donc, moi, à côté de ça, rien du tout. Moi, je suis en Tunisie. J'arrive avec un passeport qui est mon passeport français. Les personnes qui sont mises en danger et qui, pour certaines, sont déjà comme Sonia Dahmani. qui sont emprisonnées, elles sont déjà sous le joug de ce muselage et de cette répression qui est assez foudroyante, on doit le dire, parce que ça arrivait très vite en réalité. Une succession d'arrestations extrêmement musclées qui ont pris place juste avant de nouvelles élections où le président a été réélu. Donc moi, je n'ai pas nécessairement peur pour moi, j'ai plus peur pour les gens que je connais et qui ont un courage assez formidable d'ailleurs de ne pas... pas lâcher prise et de ne pas décider de s'absoudre rien de leur conviction par peur d'un régime qui, en plus d'être répressif, est très très aléateur sur sa manière de procéder. Donc, voilà.

  • Speaker #1

    Un peu imprévisible.

  • Speaker #0

    Voilà.

  • Speaker #1

    Noël, je voulais revenir sur la masérité, on dit. Oui. En préparant cette interview, je confesse mon ignorance de certains de ces sujets. En regardant, j'ai découvert que historiquement et géographiquement, la masérité n'est pas... que dans le Maghreb, chose que je pensais, et je pense que beaucoup d'auditeurs probablement partageront ça, et que ça existait bien au-delà, dans l'Afrique subsaharienne, pour le coup, pour utiliser ce mot-là. Pourquoi on fait ce clivage-là, et pourquoi on renvoie l'Afrique du Nord à l'arabité et à l'islam ? Même moi, c'est ce que je te disais, je suis née en Tunisie, et j'entendais très peu. Parler de culture amazigh, on associe ça vite au folklore. D'où vient cet effacement et la non-existence vraiment de ce terme-là ?

  • Speaker #0

    Pour parler de la Tunisie, ça c'est le travail de Bourguiba qui a fait vraiment de très grosses manœuvres de suppression de la amazighité. Tout ce qu'il en restait, c'est du folklore. Est-ce que c'est un axe de résistance, de résilience ? C'est une adaptation qui s'est faite. Mais en réalité, les travers de tous ça, et on peut parler aussi de l'Algérie et du Maroc, le Maroc c'est un peu particulier parce qu'après l'indépendance, il y a quand même eu de la part du roi ce qu'on appelle la berbérité d'État, avec quand même une accointance avec les grands chefs à Mazire, voilà, alliance politique stratégique. Donc je pense que c'est ce qui a permis aussi la subsistance d'une identité à Mazire qu'on observe aujourd'hui peut-être plus marquée au Maroc, et quand les gens pensent à la Mazérité, ils pensent aux Marocains et ils pensent au Kabil en Algérie. Mais c'est parce qu'en fait, c'est... Voilà, il y a plusieurs raisons pour lesquelles on pense à... Il y a plein de groupes amazigh au Maroc, mais on pense au Maroc parce que c'est peut-être plus visible et parce qu'il n'y a pas eu un effacement aussi prononcé et politiquement orchestré. En tout cas, pas d'une manière aussi brutale que ça a pu l'être en Algérie ou comme ça a pu l'être en Tunisie. C'était plus en... Des choses très brutales et des choses un petit peu plus subtiles au Maroc. Et en Algérie, en Tunisie, par contre, c'était différent. Dès lors qu'il y a les indépendances et la création des identités nationales, c'est un petit peu compliqué parce qu'on en vient à se dire comment est-ce qu'on va fédérer tous ces gens-là ? Qui sont quand même des groupes différents, qui n'ont pas nécessairement les mêmes intérêts, qui ne parlent pas nécessairement tous la même langue parce qu'on dit, oui, les langues sont différentes. Mais en fait, il y en a plusieurs. Il y a un alphabet. Ça ne s'écrit pas partout de la même manière, d'ailleurs. Donc, ce n'est pas si simple. Et donc, nécessairement, peut-être aussi dans une urgence de reconstruction, d'impulser des nouvelles dynamiques post-indépendance, on se dit oui, les questions identitaires, c'est aller à la trappe. On est tous algériens, on est tous marocains, on est tous tunisiens. Les questions émasires, c'est des questions séparatistes. Et même encore aujourd'hui. Quand tu revendiques ton amazérité, il y a quelque chose de politique malgré toi, parce qu'en fait, on a l'impression que tu prends position contre une arabité qui n'est pas nécessairement d'ailleurs la nôtre. Se revendiquer amazir, c'est comme si tu es contre quelque chose. Je pense que se revendiquer amazir, c'est peut-être déjà honorer ses ancêtres, son histoire, et ensuite juste se dire, vous vous définissez en tant que tel. Moi, pour les raisons qui sont les mêmes, notamment des questions de lignage et des histoires de ma famille, je ne peux pas me revendiquer comme arabe ou autre chose ou descendant d'autre chose parce que ce n'est pas ce que je suis. Et ça doit se respecter, ça doit s'entendre. Ça fait partie de la diversité de qui nous sommes. Et ce n'est pas simple, mais il y a eu un gros travail d'effacement qui a été fait. Pourquoi on pense au Kabyle quand on pense aux Amazigh ? Et quand les gens voient le symbole Amazigh, le yes, et notamment le drapeau Amazigh, les gens pensent que c'est le drapeau. Et beaucoup de gens pensent que c'est le drapeau Kabyle. Mais pourquoi ? C'est parce qu'en fait, il y avait l'Académie Berbère qui a fait un gros travail dans les années 80. Il y avait beaucoup de penseurs Kabyle. Et notamment des massacres dans ces années-là aussi, qui ont été percutés par le pouvoir algérien, parce que justement, se revendiquait Amazigh. Et si on veut même creuser un petit peu plus... Des penseurs, des intellectuels, Emazir Kabil, qui disaient « Mais moi, non seulement je suis Emazir, je suis Kabil, je ne suis pas arabe. » Et en plus, certains avaient l'audace de se dire « Moi, je ne suis pas musulman, je suis laïque. » Mais alors là, c'était un affront pas possible. Donc, il y a eu des massacres assez incroyables qui sont documentés. Et d'ailleurs, beaucoup de pentes de l'identité Emazir aussi a pu survivre grâce aux diasporas qui étaient en France. Et avec ce... ces allers-retours de part et d'autre de la Méditerranée, il y a eu des choses qui ont été sauvegardées. D'autres qui ont été amoindries, d'autres qui ont été folklorisées et d'autres qui ont été tuées, pratiquement. Et ça, en Algérie, au Maroc et en Tunisie.

  • Speaker #1

    Et quel serait le conseil ? Je sais que beaucoup des auditeurs sont fiers de leurs identités, mais sont aussi à la recherche et veulent comprendre et font un peu un travail historique à l'échelle familiale. Peut-être, sur base de ce qu'on vient de dire et cet effacement, si quelqu'un aimerait explorer plus ou en tout cas analyser et investiguer plus en détail dans sa famille pour savoir potentiellement est-ce que cette arabité est vraiment... Est-ce que c'est de la masérité effacée ou est-ce que c'est de l'arabité ? Quel serait peut-être ton conseil par où commencer ? Parce que ça peut paraître très compliqué.

  • Speaker #0

    C'est jamais simple. Et cette arabité, qui était aussi un petit peu ce que tu me posais comme question juste avant, je pense que c'est aussi l'affiliation linguistique. Mais on peut peut-être retrouver ça, un parallèle intéressant qu'on peut faire. J'aime pas trop utiliser ce terme, mais tu sais, la communauté latina, qui est un melting pot d'absolument plein de choses, et tu te retrouves à peu près dans les mêmes travers que la communauté nord-africaine, tu vois, parce qu'il y a aussi, en Amérique, la communauté latina, ça comprend pratiquement toute la communauté hispanophone d'Amérique du Sud et d'Amérique centrale. Donc ça comprend quoi ? Dans ce terme qui veut tout dire et rien dire, ça comprend les personnes autochtones. qui sont du coup maintenant locutrices peut-être de leur langue autochtone pour celles qui la parlent encore, et de l'espagnol qui est devenu la langue nationale de ce pays après colonisation. Toutes les personnes qui ont été déportées, parce qu'il y a eu l'esclavage aussi là-bas, et des personnes qui ont été déportées d'Afrique, qui se sont métissées soit avec des colons espagnols, des personnes autochtones. Il y a un brassage ethnique et culturel qui est assez impressionnant. et on va les mettre sous la caisse « ouais, mais vous êtes des latinos » . Pour moi, en fait, c'est un peu la même chose qu'on fait aux nord-africains. C'est qu'aussi, on nous enlève la potentialité vraiment d'étudier tous les métissages contraints ou voulus. Voilà, tu n'en es pas à tout rose non plus. Il ne faut pas glorifier le métissage au nom de machin. On n'est pas United Colors of Benetton, on est un petit peu... On nous enlève aussi le droit de nous autodéfinir, déjà de un. Si on parle aussi d'un point de vue purement diasporique, il y a vraiment l'étiquette d'Arabe de France qui est extrêmement présente. Et ça aussi, c'est ce qu'on a vu pendant la colonisation française en Afrique du Nord. Quand les colons et l'anthropologie coloniale qui débarquent avec ça, parce qu'il faut bien nous étudier, nous, les indigènes, on parle de berbères, pour qualifier les populations à Mazir, et cette anthropologie qui décide juste de scinder la population en deux grosses parties. Et je ne rentre même pas dans ceux qui vont être les pieds noirs. et les personnes juives qui ont aussi été mises sur le côté dans d'autres catégories. Mais si on prend juste les personnes nord-africaines, t'avais les berbères, qui étaient juste les personnes locutrices de langue tamazirte, et les arabes, donc du coup les personnes qui parlaient l'arabe d'Alja, qui n'est même pas un arabe qui se rapprocherait de ce qu'on peut appeler l'arabe littéraire classique. Donc en réalité, il y a plein de choses qui cimentent cette étiquette d'arabe, à l'extérieur et à l'intérieur de nos pays. et des politiques de création d'identité nationale, on se dit, oui, bon, alors, vos trucs de race et des damasirités et de machin, oui, bon, pas du tout, non. On n'a pas le temps pour ça. On est Algériens, Tunisiens, Marocains. Et avec peut-être ce truc d'étiquette d'Arabe qui arrive parce qu'on est quand même... À la limite, ça me gêne qu'on parle de monde arabe pour l'Afrique du Nord parce que nous sommes Africains, avec toutes les aspérités ethniques et même de l'extérieur qui ont pu venir, qui ne sont pas nécessairement les Arabes, parce qu'en fait, on n'a pas tant d'Arabes que ça chez nous. et de personnes descendantes d'arabes. En revanche, si on parle de monde arabophone, je me dis, OK, c'est correct, ça fait un peu plus sens. Ça me paraît un peu plus plausible. Parler de monde arabe, du coup, moi, j'aimerais qu'on le définisse. Qu'est-ce que c'est et quels sont les critères ? Qu'on me définisse ce qu'est le monde arabe ? Sur quels critères ? À part la langue et, du coup, l'islam, qu'on affilie aux arabes. Mais du coup, la plus grosse communauté musulmane, c'est en Indonésie. Mais eux, on ne va pas leur dire qu'ils sont arabes. Donc, il y a des biais comme ça qui, pour moi, sont très pernicieux, mais qui, à force de répétition, de move politique, etc., ont pris place dans les esprits et les consciences collectives. Et c'est très compliqué de s'en défaire.

  • Speaker #1

    Tu as utilisé un adjectif qu'on n'a pas utilisé jusque-là, c'est berbère. Et peut-être si tu pouvais juste revenir sur Berber versus Amazir. Et je pense que souvent, le terme Amazir est préféré pour une raison étymologique, si je ne dis pas de bêtises.

  • Speaker #0

    Malheureusement, il n'est pas encore préféré.

  • Speaker #1

    Non,

  • Speaker #0

    il n'est pas encore préféré par les personnes qui connaissent le sujet. mène aussi des travaux dans le sens du respect, de la révérence ou juste de l'étude des personnes nord-africaines dans leurs aspérités et diversités. Le mot hamasir, c'est simple, ça veut dire le peuple des hommes et des femmes libres ou dignes, ça dépend des interprétations. Et c'est quand même un mot qui est utilisé par les personnes hamasir pour s'autodéfinir. Le mot berbère, en fait... Mais il a une racine gréco-latine qui est exactement la même que le mot barbare. Ça définit quand même quelqu'un qui est l'étranger, qui ne parle pas la langue. Donc c'est défini par l'autre pour nous dire que nous, nous sommes des rustres, nous ne parlons pas la langue de l'envahisseur comme s'ils étaient chez eux alors qu'on est chez nous. Donc il y a un vrai problème avec le mot berbère. C'est pour ça qu'on aimerait que de plus en plus, même si je pense qu'en plus ça constitue un vrai effort pour les personnes de dire pas les arabes, pas les nord-africains, pas les maghrébins, les berbères. Je sais qu'il y a un processus en plus. On va essayer de cibler vraiment de qui on veut parler là. C'est toujours pas ça.

  • Speaker #1

    C'est sur le bon chemin.

  • Speaker #0

    Parce que beaucoup de personnes aussi ignorent. Et il y a des personnes même qui pensent que Amazigh et Berber, on ne parle pas des mêmes personnes. Il y a aussi beaucoup de personnes qui disent « Mais en fait, du coup, c'est quoi la différence ? » La différence, c'est qu'il y en a une, c'est un peu insultant. C'est toujours comment tu es perçu dans le regard de l'autre et de celui qui vient chez toi en te disant que tu n'es pas chez toi. Et l'autre, c'est comment nous, on s'autodéfinit avec des valeurs qui sont les nôtres. Tout simplement, mais difficilement, du coup.

  • Speaker #1

    Non, merci. Je pense que c'est important de définir.

  • Speaker #0

    Merci pour cette question.

  • Speaker #1

    Naoued, on va passer sur des thèmes un peu plus philosophiques et plus sur ta personne. Quelle serait ta définition de la réussite ?

  • Speaker #0

    Je sais. Franchement, pour moi, la définition de la réussite, je ne sais pas, c'est être heureux. Qu'importe. Moi, je ne suis pas là, tu vois, pour... Je pense qu'on a chacun notre définition de la réussite. Très facile à dire, un peu plus compliqué à mettre en application parce qu'en plus, on est en constante évolution.

  • Speaker #1

    Je ne sais pas ce que ça veut dire.

  • Speaker #0

    Être heureux, pour moi, c'est ça, réussir. Parce que ce n'est pas facile. Non. Être heureux. et faire ce qu'il faut pour l'être et essayer de pérenniser le truc, même si ce n'est pas un état. La vie est toujours en dents de scie, ce n'est pas un long fleuve tranquille, etc. Mais il faut faire ce qu'il faut pour être heureux. Pas de jugement du moment que tu ne portes pas préjudice à quelqu'un.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce que tu dirais à la Nawel enfant ?

  • Speaker #0

    Tu n'es pas prête pour ce qui t'attend, mais vas-y. C'est ça que je lui dirais. J'ai fait une interview il y a quelques jours, on m'a posé cette même question. Et ce n'était pas une interview où tu vas enregistrer comme ça. J'ai eu le temps de réfléchir. J'y ai réfléchi, je me suis dit, mais je suis en écho. Mais in fine, c'est ça. Je pense qu'à la Nawal d'avant, je lui dirais Ausha, tu penses que là où tu vas, tu fais fausse route, tu fais pas du tout fausse route. Vas-y, continue. T'es pas prête pour ce qui t'attend, tu seras très agréablement surprise et t'auras raison de pas lâcher. Et t'es pas folle. T'es pas folle.

  • Speaker #1

    Pourquoi ? Parce qu'on t'a fait passer pour folle ?

  • Speaker #0

    Oui mais non. encore. Tout à fait. Tu es une femme, a priori, tu es une hystérique, tu as de l'expertise sur rien. Tout ce que tu dis, c'est d'une affabulation, c'est fantasmé. Et oui, en dehors de ça, même dans ma vie personnelle, tu vois être... Oui, bien sûr, on m'a toujours dit que j'étais folle. J'accepte. Mais pas folle comme ce qu'il disait. Folle autrement.

  • Speaker #1

    On va passer à la dernière partie de l'interview, Noël. Et c'est des petites questions. Le but, c'est de répondre du tac au tac. Un terme à masir que tu aimes particulièrement ?

  • Speaker #0

    Tu vois, c'est juste ce qu'on disait par rapport au fait de s'autodéfinir en tant qu'amazir. Moi, la liberté, je me rends compte que dans ma vie, c'est toujours ce qui me porte. Il faut lutter pour sa liberté parce qu'en fait, dans la vie, malheureusement, on n'est pas tous égaux. On n'a pas tous les mêmes chances. Il y a des victoires qu'il faut arracher. Et en fait, moi, je me rends compte que tout ce qui m'anime constamment, c'est toujours une quête de liberté, de plus de liberté. ça veut pas dire que j'ai pas d'accroche et que j'ai pas d'attache etc tu vois c'est pas antinomique avec les ancrages mais je me rends compte que moi en fait c'est ma quête ultime en fait c'est la liberté finalement donc du coup le mot amazigh me va très bien qui veut dire le peuple des femmes et des hommes libres et je me dis mais je suis dedans on est là quoi il y a l'alignement c'est ouais vraiment un livre oh my god j'en ai tellement C'est un livre d'Amadou Empateba. En vrai, il faut lire tous les livres d'Amadou Empateba. Mais un seul. Oui. OK, bon. Mais bon, j'ai dit qu'il fallait tous les lire. J'ai dit qu'il fallait tous les lire. Mais c'est le livre qu'il écrit sur la vie de Thierno Bocard. « Enseignement et vie de Thiernio Bocart, le sage de Bandiagara » . Et c'est un livre que lui a écrit sur celui qui était un peu son... C'est pas son maître à penser, parce que justement, il y avait tellement de liberté, mais pas de jugement non plus dans sa manière d'accompagner Amadou Empateba pendant sa jeunesse et dans son parcours spirituel, etc. Moi, c'est un livre qui m'a fait pleurer, qui m'a apporté énormément, spirituellement, historiquement. Ah ouais, si vous avez l'opportunité de vous procurer ce livre, si vous ne le connaissez pas et que vous ne l'avez pas lu, Il faut lire ce livre, vous en ressortirez pas indemne, mais positivement.

  • Speaker #1

    Ton plat préféré ?

  • Speaker #0

    Je vais dire un truc parce que c'est plus Madeleine de Proust qu'autre chose. C'est pas mon plat préféré, mais c'est là où j'ai une affection particulière. En vrai, le couscous de mon père.

  • Speaker #1

    Donc un couscous algérien ?

  • Speaker #0

    Ouais, sauce rouge. Pas sauce blanche, mais ah non. Pardon, mais pas de blague.

  • Speaker #1

    Et une femme que tu me recommanderais d'inviter sur le podcast ?

  • Speaker #0

    Oh les problèmes.

  • Speaker #1

    une et ça veut pas dire que les autres ne sont pas

  • Speaker #0

    Chara ton coeur alors attends là j'ai besoin de réfléchir invite Naïra invite Naïra parce que ce qu'elle fait musicalement c'est très fort et l'aura qu'elle développe autour de sa propre construction identitaire qui est entre autres Amazir déjà moi j'aime beaucoup sa musique mais en dehors de ça la manière dont elle le fait je la trouve très actuelle très intelligente Et la manière de se réapproprier plein de nos codes, vraiment, ce qu'elle fait, c'est de l'excellent travail avec une très belle intelligence derrière. Et c'est une belle personne. Il faut inviter Naïra.

  • Speaker #1

    Rajouter à ma liste. Ouais. Nawel, merci infiniment. C'était un plaisir d'échanger avec toi.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup. Plaisir partagé. Merci infiniment.

  • Speaker #1

    À très bientôt.

  • Speaker #0

    À bientôt.

  • Speaker #1

    Cet épisode de Réal est maintenant terminé. Je vous remercie sincèrement de l'avoir écouté jusqu'au bout. Ce qui, j'espère, veut dire que vous l'avez apprécié. N'hésitez pas à le partager autour de vous, avec des amis ou sur les réseaux sociaux. C'est ce qui permet au podcast de grandir. Vous pouvez aussi le noter 5 étoiles et me laisser un petit commentaire. C'est un vrai plaisir de les lire. Si vous avez des questions ou voulez me suggérer une invité, n'hésitez pas à me contacter sur la page Instagram « Heya underscore podcast » . A très bientôt.

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Description

Cette semaine, je suis ravie de vous partager ma conversation avec Nawal Ibtissam Benali.


Nawal est journaliste, podcasteuse et créatrice de la plateforme « Ya ça chez nous », qui vise à déconstruire et analyser les dynamiques du racisme anti-noir propres à l’Afrique du Nord et à ses diasporas.

 

Elle est d’origine amazighe, née en Tunisie, et a passé la majeure partie de sa vie en France.

Fière de son héritage, elle s’engage activement pour la reconnaissance et la valorisation de l’identité amazighe.

 

Après des études littéraires et une formation en journalisme, elle s’est construit une carrière riche, éclectique et non linéaire. Depuis quelques années, elle se consacre pleinement à ses thématiques de prédilection : l’identité, l’appartenance, et les dynamiques de pouvoir qui les façonnent.

 

Dans cet épisode, on a parlé :

  • de ses racines amazighes et de ce qu’elles représentent pour elle,

  • de pourquoi il est préférable d’utiliser le mot « amazigh » plutôt que « berbère »,

  • du tiraillement que peuvent ressentir certaines personnes entre arabité et africanité,

  • et du sujet sensible mais essentiel qu’est le racisme au sein même de nos communautés.

 

J’ai pris beaucoup de plaisir à enregistrer cet épisode, car il nous invite à réfléchir et à déconstruire des sujets qui sont généralement tabous.

 

Sans plus attendre, je vous laisse avec la HeyA du jour : Nawal Ibtissam Benali.

 

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Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour à toutes et à tous, ici Pochra Pourti et bienvenue sur HEIA. En arabe, HEIA signifie « elle » . C'est parce que ce mot n'est pas suffisamment utilisé pour parler de réussite et d'ambition féminine que j'ai décidé de lancer ce podcast. Les inégalités et la sous-représentation liées au genre sont malheureusement une réalité et une approche intersectionnelle ne fait qu'amplifier ces phénomènes. Chaque épisode est une conversation où j'invite une femme de culture arabe à venir partager son histoire et évoquer sa réussite. Mes invités ont toutes des backgrounds et trajectoires différentes. Elles sont journalistes, entrepreneurs, écrivaines, artistes ou encore médecins, et vous serez, je l'espère, inspirés par leur réussite. L'objectif de ce podcast est de vous, tout d'abord, promouvoir une image différente de la femme arabe, en mettant en lumière ses parcours exceptionnels, mais aussi aider les plus jeunes ou celles en quête de renouveau. à trouver des rôles modèles et ambitionner leur avenir. Ma conviction ultime est que la seule manière d'y croire, c'est de le voir, ou en l'occurrence d'entendre. Si ce podcast vous plaît, je vous invite à prendre quelques minutes pour le noter 5 étoiles sur iTunes ou Apple Podcasts. C'est la meilleure manière de le soutenir. Sans plus attendre, je vous laisse découvrir notre invité du jour. Bonjour à toutes et à tous et bienvenue sur Heya. Je vous retrouve pour un nouvel épisode. où je reçois Nawel Ebtisem Ben Ali. Nawel est journaliste, podcasteuse et créatrice de la plateforme Yatza Chez Nous. Yatza Chez Nous, c'est une plateforme qui vise à déconstruire et analyser les dynamiques du racisme anti-noir propre à l'Afrique du Nord et à ses diasporas. Nawel est d'origine amazigh, elle est née en Tunisie et elle a passé la majeure partie de sa vie en France. Fière de son héritage, elle s'est engagée pleinement et activement pour la reconnaissance et la valorisation de l'identité amazigh. Elle a fait des études littéraires et une formation en journalisme, et elle a construit une carrière qui est très riche et très intéressante parce que éclectique et non linéaire. Depuis quelques années, elle se consacre pleinement à ces thématiques de prédilection que sont l'identité, l'appartenance et les dynamiques de pouvoir qui les façonnent. Dans cet épisode, on a parlé de beaucoup de choses, et entre autres de ses racines amazighes, de ce qu'elles représentent pour elle, de pourquoi il est préférable d'utiliser le terme amazigh plutôt que berbère, du tiraillement que peuvent ressentir certaines personnes entre arabité et africanité et du sujet sensible mais essentiel qu'est le racisme au sein même de nos communautés. J'ai pris beaucoup de plaisir à enregistrer cet épisode parce qu'il nous invite à réfléchir et à déconstruire des sujets qui sont généralement tabous. Donc sans plus attendre, je vous laisse avec la réé du jour, Nawel Ebtisem Ben Ali. Nawel, merci beaucoup d'avoir accepté mon invitation. Je suis ravie de te compter. parmi mes invités sur Heya.

  • Speaker #1

    Merci à toi pour ton invitation. C'est touchant déjà ce que tu dis de moi et comment tu perçois mon travail parce que du coup, tu as fait tes recherches. Et la raison de l'invitation, je suppose aussi, c'est parce que ça te parle et c'est des choses aussi qui parlent à beaucoup d'entre nous. Et c'est vrai que pour moi, en fait, ce que tu as dit sur le fait que, oui, je suis d'origine amazighaire, je suis tunisienne, je suis nante tunisie, j'ai passé la majeure partie de ma vie en France, certes. Mon parcours journalistique n'a pas tant d'importance que ça parce que in fine, ce que tu dis à la fin... de ton intro, la vérité c'est que j'en viens à quelque chose qui est un réancrage de carrière certes, mais ça rejoint aussi le pan humain et de qui je suis en dehors de ça, c'est de se dire que mon but, in fine, c'est de valoriser nos cultures, nos identités, notre diversité, nos aspérités, et ça passe par différentes choses que je peux faire et le podcast, il y a ça chez nous, effectivement, en fait partie, donc merci pour cette introduction.

  • Speaker #0

    C'est grand plaisir.

  • Speaker #1

    Ta patte. Ça va, ça va.

  • Speaker #0

    Nawel, pour débuter, souvent on commence par les origines. Est-ce que tu pourrais brièvement nous parler de la petite Nawel, le type d'éducation que tu as eu, l'environnement dans lequel tu as grandi ?

  • Speaker #1

    Moi, je suis née en Tunisie, c'est ce que tu as dit dans l'intro. J'ai une histoire familiale un peu complexe. J'ai migré quand j'étais bébé. Je n'ai pas grandi avec ma famille biologique. Dans ma famille adoptive, mon âme a zérité, je la découvre. parce qu'en fait, j'ai été élevée dans une famille algérienne du côté de mon père. Mon père qui est amazigh aussi, mais algérien, qui est métisse entre deux ethnies, une du nord-ouest et de la région de l'Orani, et une du sud, du coup, de la région de Bénéabès, donc dans le Sahara. Et moi, du coup, je ne grandis pas nécessairement avec une culture amazigh hyper affirmée et identifiable en tant que telle, mais je grandis avec un père qui dit « Ouais, n'oublie pas qu'on n'est pas des Arabes, on est des Amazigh » . Ok ! Donc je pense pas que même, faudrait peut-être lui demander, mais à l'époque je pense même pas qu'il avait, je crois qu'il a pas compris ce qu'il a fait germer en moi, moi je me suis dit ok. Moi, je l'ai creusé. Il n'y avait pas quelqu'un de truc. Et du coup, du côté de ma mère, franco-russe, et je dis ça parce que c'était la mère de ma mère qui avait ses origines russes et elle y tenait, elle y était attachée. Donc, même si pour ma mère, il y a quelque chose de l'ordre de la reconnaissance asymolale qui n'est pas simple. Bon, c'est quelque chose que je tiens quand même à redire parce que je sais que c'était très important pour ma grand-mère. Donc je grandis dans une famille de profs. Donc beaucoup de gens de ma famille sont profs. ou l'étaient, pour ceux qui sont plus de ce monde. Et notamment ma grand-mère maternelle aussi, qui je pense qu'elle, du coup, n'avait rien à voir avec le monde amazigh, etc. Mais qui, elle, en fait, était prof de français et prof d'histoire aussi. Et donc, du coup, nécessairement, j'étais très proche d'elle et les discussions que j'ai pu avoir avec elle, combinées à mon père qui me lâche des petits indices. Ouais, il y avait de fortes chances pour que je devienne journaliste, ou en tout cas que je m'intéresse beaucoup aux questions historiques, à la littérature et aux formes narratives qui aujourd'hui se retrouvent dans mon podcast et dans d'autres choses que je peux faire, mais du coup que je mets au service de nos identités et des problématiques qui sont les nôtres.

  • Speaker #0

    Et à quoi rêvait la petite Nawel dans l'environnement que tu viens de nous expliquer ? Il y avait un job que tu voulais faire ?

  • Speaker #1

    Je crois que j'ai voulu tout faire et rien faire. Je crois que dans ma vie, quand j'étais petite, de ce que je me souviens, Mon plus gros flex, c'était de me dire, mais moi, je suis un pirate, moi, je suis un aventurier, moi, je m'en fous de vos trucs. Vas-y, moi, on y va. Je ne sais pas, je pense que j'avais une imagination qui était très fertile. Je pense aussi que j'ai eu la chance de grandir dans un environnement où on me racontait beaucoup d'histoires. C'était très important. On nous a aussi poussé, mon père et ma mère, et beaucoup plus ma mère, du coup, à lire beaucoup, très jeune. et je pense que cette appétence pour la narration, pour la... pour le fait de raconter des histoires, et des histoires qui sont aussi des contes traditionnels, et de se dire qu'il y a quelque chose soit d'initiatique ou qui raconte l'histoire de nos ancêtres à travers quelque chose qui paraît facile d'accès pour les plus jeunes, mais que tu les relis ou tu les réécoutes plus âgés, tu y trouves d'autres sans se cacher. J'ai quand même grandi avec ça. Du coup, je ne rêvais pas nécessairement à quelque chose de précis. Je savais que je voulais vivre ma meilleure vie. Je savais que j'avais soif d'aller toujours plus loin, d'être libre. Et qu'on n'essaie pas de me casser la tête à me dire tu vas être ci ou tu vas être ça. C'était le plus important.

  • Speaker #0

    Ta liberté.

  • Speaker #1

    Oui, oui. Mais finalement, quand on est à Mazir et le peuple des hommes et des femmes libres, peut-être un truc qui faisait sens sans que je me rende compte.

  • Speaker #0

    Oui, c'est beau quand même de voir. Des fois, quand on repense à notre histoire, on revoit le chemin et on se dit en fait, il y avait une guigne tracée qu'on ne voyait pas forcément. Je voulais revenir sur le podcast et la plateforme Yatza Chez Nous. Quel a été le déclic ? Pourquoi tu as créé cette plateforme ?

  • Speaker #1

    C'est vraiment une plateforme, comme tu l'as dit dans ton intro, qui vise vraiment à démystifier, étudier, critiquer, comprendre les dynamiques racistes, raciales et nécessairement aussi ethniques et tous les crossovers qu'il peut y avoir avec tous ces pans d'identité au nord de l'Afrique et dans la diaspora française. Donc, je me concentre sur le triptyque Algérie-Maroc-Tunisie parce qu'on se regarde croisés entre les deux pans de la Méditerranée. On n'a pas de grosse communauté libyenne ou égyptienne en France, donc ça aurait été un petit peu plus compliqué. Et déjà, trois pays qui n'ont pas les mêmes histoires contemporaines et même un peu plus anciennes, mais on va dire, je m'intéresse aussi à ce que la politique post-coloniale, à partir du moment où on a des gouvernements, lorsqu'il y a des indépendances, génère dans cet imaginaire-là qui prend aussi sa source bien avant, lorsqu'il s'agit de racisme et des questions de race, etc. Qu'est-ce que ça a généré comme différence dans les trois pays ? Et qu'est-ce que finalement ça génère dans cette transmission de racisme, de discrimination, de colorisme, de discrimination aussi vis-à-vis des personnes qui vont s'identifier en tant qu'amazir, parce qu'elles vont être encore jugées comme séparatistes. Tout ce que ça génère. Donc en fait, le point de départ, c'est que moi j'ai grandi avec une forme de complexité ethnico-raciale ou en fait dans. la communauté nord-africaine, je n'ai pas vraiment été perçue comme telle. On m'a toujours demandé de justifier parce que ma couleur de peau, la texture de mes cheveux, tout plein de codes aussi qui devaient être les nôtres, qui sont quand même ceux d'enfants descendants d'immigrés quand même à la base et qui ne sont pas grand-chose quand on est des enfants, mais auxquels, visiblement, je dérogeais. Mais ça, c'est une question aussi d'éducation, le fait que... J'ai aussi grandi dans une famille qui soit très ouverte sur le reste du monde. Alors oui, notre culture algérienne était importante, mais pas que. Il y avait plein d'à côté. Donc du coup, j'étais oui. Mais ! Mais ! Et ce mais là, tu vois, il dérangeait. Et après aussi, quand les gens apprenaient que j'étais née en Tunisie, ils me disaient « Ah mais en fait, du coup, toi t'es pas comme nous, t'es une blédarde ! » Et moi j'étais là « Ok, si ça fait sens. » Et du coup, il y avait plein de facteurs de distinction qui sont juste des particularismes qu'on peut tous avoir parce qu'on n'a pas tous la même histoire, pas tous la même histoire de migration, etc. Mais qui manifestement pouvaient s'avérer problématiques. Parce que peut-être aussi, quand tu sors de l'enfance et que tu arrives à la préadolescence et l'adolescence, il y a ce système de faire communauté avec tes pères. Alors, ça peut être pour plein de types d'affiliation, donc culturelle, ethnique, par centre d'intérêt, etc. Donc, c'était un petit peu un crossover de tout ça. Mais dans tout ce qui s'avérait être du registre de la communauté nord-africaine, j'étais associée et désassociée assez facilement en fonction de... plusieurs critères auxquels je répondais ou je répondais pas. Et pour moi, c'était assez invraisemblable, parce que grandissant dans une famille métisse, et je parle là juste du côté algérien, parce que du côté de mon père et de son père, ce sont des personnes noires, et du côté de sa mère, c'est des personnes qui sont plus claires, même si elles ne sont pas non plus des personnes nord-africaines blanches. Moi, en fait, c'était tout à fait normal que personne n'ait la même tête, que personne n'ait la même couleur de cheveux, et puis la complexité aussi de la génétique nord-africaine. Il faut la comprendre, il faut la vivre. Et moi, je vivais dedans. Pour moi, tout était normal. Et c'est les autres qui me renvoyaient à quelque chose de... Un truc chelou chez toi, ce n'est pas normal. Tu n'es pas vraiment comme nous. Et du coup, les gens ne comprenaient pas nécessairement pourquoi. J'étais tunisienne, mais mon père était algérien. Et ma mère était blanche, française et tout ça. C'est toute une complexité avec laquelle je vis. Je me dis, bon, quand même, on a un peu des problèmes, nous, là, dans notre communauté, à se toiser les uns les autres, cocher des cases.

  • Speaker #0

    À quel moment tu te rends compte de ça ?

  • Speaker #1

    Assez jeune, même si je n'ai pas nécessairement le vocabulaire. Et en parallèle, comme j'ai eu la chance de voyager beaucoup en Afrique du Nord, même en étant très jeune, et plusieurs fois par an, parfois aussi, ce n'était pas juste les grandes vacances d'été. j'ai aussi une expérience sociale qui est ce qu'elle est, qui n'est pas celle de quelqu'un qui vit sur place mais où tu te confrontes quand même à... à ce que sont les sociétés. Et encore une fois, moi, j'étais quand même dans des grandes villes, donc Rabat pour le Maroc, Oran pour l'Algérie, donc c'est pas non plus le milieu rural où il y a encore d'autres... Il y a encore des différences d'appréhension pour plein d'autres raisons. Mais tu te confondes quand même à certaines réalités, notamment aux réalités de genre et de race. Et ça, je m'en rends compte assez tôt parce que quand je suis pré-adolescente en Algérie, je me mange des insultes, je me mange des regards et tout ça. Et du coup, moi, les premières insultes racistes que je me mange dans la rue en Algérie, je vais voir mon référentiel paternel. Je dis, qu'est-ce qui se passe ? Pourquoi on m'a dit ça et tout ? Et mon père qui me dit, non, t'inquiète, c'est juste que tu ne corresponds pas au standard de beauté nord-africain. Je dis, bah, sympa. Ce n'était pas ma question en plus. Mais je pense que c'était sa manière un peu d'édulcorer la chose et peut-être que lui-même était surpris.

  • Speaker #0

    De dramatiser la situation,

  • Speaker #1

    oui. Peut-être même qu'il ne se disait pas que j'allais me manger des insultes dans la rue aussi jeune. Et en plus, comme il n'était pas là. Je me rends compte de plein de choses assez rapidement. Et je me rends compte que quand je pose des questions, parce qu'on ne devient pas journaliste pour rien, parce qu'on se pose des questions très tôt, je n'ai pas les réponses satisfaisantes. Je me dis que je vais aller chercher. Ça vient vraiment de questionnements personnels. Et puis aussi de toute mon identité tunisienne et de mon amazérité tunisienne. Il y a tout un cheminement personnel qui est quand même à la base de ça. Mais beaucoup d'expériences sociales, ce n'est pas juste la mienne, c'est celle de mes pères, de plein d'autres Nord-Africains, de Nord-Africains qui n'ont pas un faciès méditerranéen auquel manifestement il faut répondre pour être un Nord-Africain validé. Et voilà. Et après, il y a des agressions extrêmement racistes à caractère, je n'aime pas trop le mot, négrophobes, on va dire anti-noirs. qui sont proférées en 2021. Et là, je me dis, bon, faisons quelque chose et mettons nos compétences journalistiques à profit d'une cause qui me tient à cœur. Il y a un vrai sujet qu'on ne souhaite jamais aborder parce que c'est extrêmement tabou. Elle est en crossover avec les questions d'ethnicité. Ça pose les questions de nos identités. Il faut faire quelque chose. Auparavant, une année avant... On m'avait demandé de participer à une vidéo collective et ça c'est Zineb qui était créatrice du compte Instagram Kahwa Half Half où en fait elle parlait des identités arabo-amazir, afro-arabe, noir-amazir où en fait déjà elle mettait en lumière pas mal de problématiques et elle nous avait demandé à pas mal de personnes du continent du nord de l'Afrique. et de la diaspora qui étions amazighes, métisses ou noires, de prendre position sur un événement qui avait lieu en France et qui a été l'appel d'Assa Traoré à défiler devant le TGI pour son frère Adama Traoré, parce que pour ceux qui ont suivi les avancées de l'enquête, des procédures, etc., c'est extrêmement compliqué et on lui refusait énormément de choses, ce qui est toujours le cas. Il y avait eu un élan de solidarité trans-africain-diasporique assez incroyable, où on voyait la diaspora nord-africaine Merci. non-noirs et non-métis se joindre justement à plein de personnes afro-descendantes noires pour ce combat antiraciste qui finalement était le nôtre. Et Zineb, à ce moment-là, dit « alors ça, c'est super. Et du coup, quand c'est chez nous et dans notre communauté, on n'est pas capable de le faire. » Et du coup, elle nous avait demandé de chacun donner un avis en fonction de nos professions respectives ou de nos expériences personnelles respectives sur ce qu'était le racisme, le colorisme en Afrique du Nord dans les communautés nord-africaines. Et ce qui est fou, c'est qu'une année après, on observe deux agressions à caractère anti-noir en France, proférées par des Nord-Africains non-noirs et non-métis. Et c'est des discordes de la vie du quotidien. C'est vraiment des trucs nuls. Donc, une à Sergi et une à Anmas. Et directement, ce qui ressort quand l'embrouille commence à devenir un petit peu plus intense, ce sont des insultes racistes. Et là, la couleur de la personne en face et le fait qu'elle soit noire, ça a une importance. Pourquoi ? Et ça parle d'esclavage et ça lance des trucs horribles. Voilà. Et moi, je me suis dit non, mais attends, c'est trop. Donc, j'ai juste pris l'extrait que j'avais donné à Zineb parce que je ne voulais pas engager la parole des autres là-dessus, parce que c'était juste moi. Je l'ai republié. J'ai dit comment ça se fait qu'à un an d'intervalle, alors qu'il y a eu... Parce que l'appel d'Assa Traoré pour défiler devant le TGI, ça a quand même fait quelque chose au niveau des débats publics sur le racisme et l'antiracisme. Je ne dis pas que ça... bien avancé, mais on en parle un peu plus qu'avant. Donc il y a eu quand même une mainstreamisation des questions racistes et antiracistes dans les médias, bien que nous ne soyons toujours pas satisfaits des résultats, malheureusement. Et je me suis dit, un an d'intervalle, je peux... Je ne change rien de cette vidéo,

  • Speaker #0

    tout est toujours aussi exact.

  • Speaker #1

    Pourquoi ? Et alors, à l'époque, j'étais pas très très suivie sur Instagram. Et les personnes qui me suivent me connaissent en tant que journaliste, connaissent mes convictions politiques, connaissent mes positionnements sur ce que j'estime être la réduction des rapports Nord-Sud, même sur le continent, parce que c'est un petit peu ça qu'il y a entre le Nord de l'Afrique qu'on estime être complètement coupé du reste. Ce qui n'est pas réellement vrai, c'est des fractures idéologiques plus qu'autre chose et qui ne sont pas réelles, en vrai, ni dans l'histoire, ni dans l'économie, ni dans rien, en vrai. C'est purement idéologique. Donc... les personnes qui me suivaient savaient. Et alors là, cette vidéo-là a été énormément partagée sur Facebook, sur Twitter, sur Instagram, partout. Et moi, j'étais au travail, je n'avais pas mon téléphone, et d'un coup, ça vibre à... Et vague de cyberharcèlement, direct.

  • Speaker #0

    Et qu'est-ce qu'on te reprochait ?

  • Speaker #1

    Déjà d'avoir ouvert ma bouche et comment est-ce que je cause ? Deux, comment ça se fait qu'une nord-africaine avec une tête de métisse qu'on n'identifie pas comme nord-africaine selon des critères extrêmement restreints et ignares, ose descendre sa propre communauté ? Les gens, en fait, moi, comme j'étais au travail, je ne voyais même pas son parti fouiller mon Instagram. Ils disaient « Ouais, mais elle passe sa vie en Afrique, elle passe sa vie en Afrique du Nord, elle est partout, machin, et elle est là, elle nous crache dessus, c'est pour faire le buzz, mais buzz de coups ! » Et ça devient viral. Et la violence que je me mange à ce moment-là, déjà, bon, c'était difficile parce que c'était ma première vague de cyberharcèlement. Maintenant, on est rodé, on a l'habitude, mais c'est extrêmement violent. Et je me dis, mais waouh, il y a quelque chose. Et donc là, du coup, à partir de là, je questionne. Je dis, est-ce que ça vous intéresse que je crée du contenu là-dessus ? Parce que manifestement, il y a des choses à dire, il y a des choses à faire. Et c'est là que je me dis, bon, je vais vraiment mettre mes compétences journalistiques que je mets à profit de médias qui ne me font pas traiter de thématiques qui me tiennent réellement à cœur, alors que ça, ça m'intéresserait réellement. et qu'il y a un vrai sujet, ça intéresse plein de personnes, allez, on va le faire. Les gens ont dit « Ah ouais, vraiment, on est chaud pour que tu fasses ça » . Et j'ai dit « Podcast » , parce que je voulais garantir l'anonymat de mes invités, si ils et elles le souhaitaient. Parce que vu la violence que ça déchaîne, je voulais pouvoir dire déjà de 1, on ne se laisse pas déconcentrer par un physique, un faciès. On a juste une voix, un témoignage, qu'il soit militant, académique ou juste testimonial d'une personne qui est concernée par la sous-thématique que je traite dans mes épisodes. Et voilà, c'est comme ça que ça a commencé.

  • Speaker #0

    C'est fou. Ça me fait penser tout ce que tu dis. J'étais à un dîner samedi avec des gens complètement éduqués, donc que personne ne disait peut-être que. Et à table, conversation classique autour d'un fait divers ou d'une histoire. Et une des personnes, et je précise, les personnes autour de la table étaient tous franco-tunisiennes, franco-marocaines, d'origine maghrébine. Et un des invités dit « oui, mais lui, c'est un Africain » . Et continue la conversation. Et là, je me dis, mais mince, ça m'a vraiment interpellée. Et je reviens et je lui dis, mais on est Africain aussi. Et ça me fait penser à ce que tu viens de dire, à ce sujet de ne pas se sentir Africain. On fait partie de ce continent. Et juste commencer par là et se situer géographiquement pourrait être un début. Et pourquoi vraiment ma question ici, à ton avis, toi qui connais le sujet beaucoup mieux que moi, pourquoi on a ce... Ce problème d'accepter notre africanité ?

  • Speaker #1

    Je pense que déjà dans les inconscients collectifs, africains égale noirs. Donc si on n'est pas noirs, dans beaucoup d'inconscients collectifs, et je ne parle pas juste des nord-africains, pour beaucoup de personnes subsahariennes, je suis obligée de faire un disclaimer parce que je vais quand même employer des terminologies que je n'aime pas trop, mais jusqu'alors, pour parler de ces... et pour faire le distinguo, pour qu'on situe bien de quoi on parle, je suis obligée de les employer parce que je ne suis pas d'accord. nécessairement pour parler de nord-africains et de subsahariens parce qu'effectivement, ça veut dire que je joue le jeu de cette fracture avec laquelle je ne suis pas d'accord. Secondo, ça veut dire quoi ? Nous, les nord-africains, plus ou moins, les cinq pays, on est tous les mêmes, ce qui est absolument faux. Et ça veut dire que du coup, toutes les personnes qui seraient en dessous seraient aussi toutes les mêmes. Donc en fait, on est des blocs culturels, ethniques, économiques et tout ce que tu veux, complètement monolithiques. Il y a juste une fracture et c'est le Sahara. Du coup, je pose aussi la question de qu'est-ce qu'on fait des peuples du Sahara et du Sahel. pas cool parce qu'ils existent. Qu'est-ce qu'on fait de nos histoires ? Des routes d'émigration, de métissage qui ont eu lieu et qui ont encore lieu. Des phénomènes aussi d'acculturation parce que les peuples aussi se sont côtoyés. Ça me paraît complètement inouï de parler de cette fracture comme quelque chose de réel. C'est vraiment purement idéologique. Mais dans les inconscients collectifs, africains égal noirs. Aujourd'hui, quand on dit L'Afrique, on dit le continent noir. Alors moi, je veux bien entendre qu'il y ait une majorité de population noire en Afrique, c'est sûr. Ça ne veut pas dire que les personnes qui le sont moins, si on prend la colorimétrie, qu'on va dans un côté un petit peu plus dégressif, que les personnes les plus claires ne seraient pas africaines. Ça ne veut pas dire qu'on n'a pas de métissage et de personnes qui seraient métisses parce que venues d'ailleurs. Et l'Afrique du Nord, de par sa proximité avec la Méditerranée, le monde arabe d'un autre pan, bien sûr. est extrêmement métissée. C'est aussi des métissages qu'on peut voir dans plein d'autres endroits du monde. Pourtant, on ne va pas ôter l'étiquette de l'appartenance à ces gens-là sous prétexte qu'ils sont métisses. Tu vois, explique-moi avec le métissage qu'on pourrait retrouver en Afrique de l'Est, des gens qui ont été beaucoup plus arabisés que les Nord-Africains dans les faits. Et avec des vestiges très présents et très prégnants du passage des Arabes, qu'ils soient restés, etc. Ce n'est pas la même histoire que l'Afrique du Nord. Tu vois, typiquement, les Africains de l'Est, on ne leur fera pas le procès de cette justification de leur africanité et eux ne vont pas nécessairement s'exclure de ce qu'est l'Afrique comme les Nord-Africains le font. Et c'est même assez intéressant de comparer plusieurs régions. qui auraient été touchées par une vague de colonisation, comme ça a été, ou d'islamisation, et ou d'islamisation d'ailleurs, et tout ce que ça a généré aujourd'hui dans les inconscients collectifs.

  • Speaker #0

    Mais est-ce que nier cette africanité, c'est aussi driver par le colonialisme ? Et plus on s'éloigne de cette Afrique, plus on se rapproche de l'Europe, et plus on est blanc, et blanc veut dire civilisé, éduqué. élite, tout ce qu'on a fait sur ça.

  • Speaker #1

    Pour moi, en fait, on tape clairement là-dedans, mais en plus à deux niveaux, c'est-à-dire qu'il y a effectivement ce regard tourné vers l'Europe et tu le vois dans quelque chose de très physique et de très... très réel et très palpable facilement, c'est-à-dire quelque chose de physique. C'est-à-dire qu'on va valoriser des faciès, des corps, des cheveux et des esthétiques qui sont nord-africaines et qui vont avoir un passing européen, voire parfois nordique. Et on va dire, ah ouais, non, ça c'est canonisation ultime. Ou alors, glorifier des faciès qui vont se rapprocher de ce qui a été vanté, d'ailleurs, dans les contes au Moyen-Âge, de ce que va être... la beauté de la femme arabe, du corps de la femme arabe et ses délices. Sans rentrer dans le côté orientaliste qui vient appuyer ça avec un regard blanc, sexualisé et tout y cointit. Peut-être qu'on abordera ça après. Mais in fine, même dans ce truc de la canonisation des corps arabes, on va chercher l'arabe le plus blanc avec une typologie particulière et des traits très marqués au niveau de... La noirceur des cheveux qui doit vraiment être de jet. Une peau qui peut être pâle. Des sourcils fournis. Certains types. Mais in fine, parce qu'il y a des Arabes, et j'entends du Golfe, qui sont des Arabes noirs et qui n'ont rien à voir avec les communautés afro-arabes. Ils sont quand même descendantes d'Afrique et je ne parle pas de ça. Je parle vraiment des tribus qui ont une peau extrêmement foncée. Et qui sont du coup des personnes noires. donc on va quand même toujours valoriser ces deux pans-là. Et ça, en fait, et j'avais parlé justement dans la vidéo qui est devenue virale, là, il y a quelques années, d'un double syndrome de Stockholm vis-à-vis de nos anciens envahisseurs. Donc, à la fois tourner vers les Arabes et bien un type particulier d'Arabe et l'Europe à la fois. Et donc, on a encore aujourd'hui du mal à valoriser notre diversité, alors que pourtant, on la voit, on la côtoie, on la sait. Mais ça évolue. C'est une réalité, ça évolue. Mais c'est toujours pas suffisant.

  • Speaker #0

    Oui, je voulais revenir. Je prends ma feuille pour m'assurer d'avoir ma citation. Le président tunisien a soutenu en février 2023, et je le cite, cette immigration clandestine relevée d'une entreprise criminelle ourdie adorée de ce siècle pour changer la composition démographique de la Tunisie afin de la transformer en un pays africain seulement et estomper son caractère arabo-musulman. Je ferme les guillemets. Qu'est-ce que tu as ressenti quand ce discours a été prononcé, en étant tunisienne et en étant engagée sur ces sujets ?

  • Speaker #1

    Et tu sais qu'en plus, quand il a dit ça, j'étais rentrée en France depuis genre, je crois, je ne sais pas, quatre jours. C'était en Tunisie, juste avant ça. Et j'ai dit, oh, ce n'est pas vrai. J'étais extrêmement choquée. Et alors, je me suis dit deux choses. Je me suis dit, peut-être que ce président a oublié qu'aujourd'hui, si on parle d'Afrique, Africa, Africa, parce qu'il friquilla et ça c'est le... C'est l'ancien nom de la Tunisie. Il y a peut-être un truc à revoir à ce type-là. Je me suis dit, il n'a pas tout compris. Et du coup, c'est quoi de parler d'un pays africain seulement et lui ôter ? Moi, je me suis même dit, c'est quoi le caractère arabo-musulman ? J'aimerais qu'on me définisse clairement ce qu'est l'identité arabo-musulmane. Parce que j'ai eu la chance de voyager dans pas mal d'endroits et de voir des communautés musulmanes de pas mal de pays. Les pratiques sont différentes. C'est une juxtaposition de ce qu'il y avait avant l'arrivée de l'islam et de l'islam et comment il s'est adapté. Et encore faut-il définir ce courant de l'islam qui est arrivé à ce moment-là. Pour moi, lui ôter son caractère arabo-musulman, à la Tunisie, je ne vois pas comment. De parler d'une submersion migratoire, c'est faux. Parce que quand on a les chiffres, on se rend compte que ce n'est vraiment pas grand-chose. Si on veut vraiment être très pointu et très très chiant, on peut dire qu'il y a pas mal d'Africains de l'Ouest musulmans qui arrivent en Tunisie et qui prennent la Tunisie comme un pays de transit. Et ces gens-là, du coup, on n'enlève pas le caractère musulman à la Tunisie, qui sont des musulmans. Et donc, si on veut vraiment être très chiant, on peut diguer très loin là-dedans. Mais en revanche, aussi, ce que je me suis dit, c'est que je me suis dit, voilà jusqu'où on peut aller. C'est très effulant. C'est très violent, mais je me suis dit, voilà à ne pas éduquer, à ne pas faire de sensibilisation, à ne pas penser les questions de racisme et de discrimination comme un vrai problème d'État. Voilà où on en arrive. Parce que moi, mon problème là-dedans, ce n'est pas qu'il soit raciste, qu'il ne soit pas raciste. Moi, je m'en fous éperdument. Moi, ça, ce n'est pas mon problème. Moi, c'est ce qu'il a dit et pourquoi il l'a dit. Parce qu'il sait très bien à quoi ça lui sert. Et ce qu'il représente,

  • Speaker #0

    l'impact qu'il a à un président de la République.

  • Speaker #1

    Mais il sait très bien qu'il surfe sur un truc qui est latent. Parce qu'avant la révolution de 2011, parler des questions ethniques, parler des questions raciales,

  • Speaker #0

    C'était impossible. Sous Bourguiba et sous Ben Ali, ce n'était pas possible. Donc après la Révolution, on a une liberté de ton qui commence à prendre place et tu vois naître des associations de personnes qui luttent pour les droits humains. Et quand je dis de lutte pour les droits humains, c'est assez vaste. C'est les questions antiracistes, c'est les questions LGBT, c'est les questions féministes, c'est les personnes qui veulent justement essayer de revaloriser le patrimoine et l'identité. et les communautés iméziraines en Tunisie. Et tout ça, avant 2011, en fait, ce n'est pas possible. Donc déjà, ça te laisse une marge entre 1956, où la Tunisie est indépendante, et 2011. Ça te laisse une marge de pas mal de dizaines d'années où tu te dis, bon, ça, sensibiliser, parler vraiment de ces choses-là librement, ce n'est pas possible. Il y a toujours le saut de l'État. Et le saut de l'État, en fait, c'est juste de dire, non, on est tous tunisiens. Quand on a une liberté de ton qui nous permet ensuite d'avoir des organisations, il y a du bon travail qui est fourni. Est-il suffisant ? Non, parce que ce n'est pas simple. Il y a toujours la question des budgets, de comment faire, des réticences idéologiques, de dire « mais chez nous, ce n'est pas un sujet » , énormément de choses. In fine, on a quand même un peuple qui n'est pas suffisamment éduqué, et sur ces questions-là particulièrement, parce que ce n'est pas un sujet. Et on peut comprendre aussi que dans des situations de crise, On n'est pas en train de se dire que la priorité, c'est de penser aux questions raciales, ethniques. Et voilà, ce n'est pas la priorité. Quand on a un peuple aussi qui s'appauvrit parce qu'il y a un manque de vision politique et donc de vision économique, que les gens ont faim, c'est très facile de tomber dans des travers populistes. Et c'est typiquement ce que le président fait. Et le travers populiste qu'il a choisi dans ce discours-là, c'est de se dire, votre ennemi, entre autres, mais en tout cas dans ce discours-là, c'est de dire, le dernier arrivé sur le territoire, c'est lui la source de tous vos problèmes. c'est pas lui et sa gestion catastrophique du pays. Ce n'est pas lui et son manque de vision politique. C'est eux qui arrivent en grand nombre, qui viennent pour vous voler votre travail, qui viennent semer le chaos, qui sont la cause de la nouvelle criminalité qu'on observe. Et voilà. Quand ton peuple à faim n'est pas éduqué, qu'il y a un racisme latent qui n'a jamais vraiment été traité, c'est extrêmement facile de voir... de voir cette idéologie, en fait, je ne vais même pas dire prendre racine, mais reprendre racine là où elle avait peut-être été un peu estompée, etc.

  • Speaker #1

    Mais sur ce sujet-là, sans faire de la politique tunisienne, ce n'est pas le but du podcast, mais il y a une avocate, Sonia Dahmeni, pour la Cité, qui est emprisonnée parce que dans un plateau télé, elle a été vocale sur ces sujets et sur le racisme potentiel. de l'État tunisien. Elle a été embarquée tout de suite après. Je n'ai pas tous les détails, mais je pense très rapidement après. Je sais, on discutait offline, je sais et je le vois sur ton compte que tu es souvent en Tunisie. Est-ce qu'avec ce qu'on vient de décrire, est-ce que tu as peur ? Est-ce que c'est une question que tu te poses d'une réaction potentielle de la police ou je ne sais quoi par rapport à tes positions et ta nationalité ?

  • Speaker #0

    Pas pour l'instant. Pas pour l'instant. En revanche, des personnes que je côtoie, elles sont mises en danger par leurs actions, par la carrière antiraciste qu'elles ont menée à différentes échelles, etc. Et donc, moi, à côté de ça, rien du tout. Moi, je suis en Tunisie. J'arrive avec un passeport qui est mon passeport français. Les personnes qui sont mises en danger et qui, pour certaines, sont déjà comme Sonia Dahmani. qui sont emprisonnées, elles sont déjà sous le joug de ce muselage et de cette répression qui est assez foudroyante, on doit le dire, parce que ça arrivait très vite en réalité. Une succession d'arrestations extrêmement musclées qui ont pris place juste avant de nouvelles élections où le président a été réélu. Donc moi, je n'ai pas nécessairement peur pour moi, j'ai plus peur pour les gens que je connais et qui ont un courage assez formidable d'ailleurs de ne pas... pas lâcher prise et de ne pas décider de s'absoudre rien de leur conviction par peur d'un régime qui, en plus d'être répressif, est très très aléateur sur sa manière de procéder. Donc, voilà.

  • Speaker #1

    Un peu imprévisible.

  • Speaker #0

    Voilà.

  • Speaker #1

    Noël, je voulais revenir sur la masérité, on dit. Oui. En préparant cette interview, je confesse mon ignorance de certains de ces sujets. En regardant, j'ai découvert que historiquement et géographiquement, la masérité n'est pas... que dans le Maghreb, chose que je pensais, et je pense que beaucoup d'auditeurs probablement partageront ça, et que ça existait bien au-delà, dans l'Afrique subsaharienne, pour le coup, pour utiliser ce mot-là. Pourquoi on fait ce clivage-là, et pourquoi on renvoie l'Afrique du Nord à l'arabité et à l'islam ? Même moi, c'est ce que je te disais, je suis née en Tunisie, et j'entendais très peu. Parler de culture amazigh, on associe ça vite au folklore. D'où vient cet effacement et la non-existence vraiment de ce terme-là ?

  • Speaker #0

    Pour parler de la Tunisie, ça c'est le travail de Bourguiba qui a fait vraiment de très grosses manœuvres de suppression de la amazighité. Tout ce qu'il en restait, c'est du folklore. Est-ce que c'est un axe de résistance, de résilience ? C'est une adaptation qui s'est faite. Mais en réalité, les travers de tous ça, et on peut parler aussi de l'Algérie et du Maroc, le Maroc c'est un peu particulier parce qu'après l'indépendance, il y a quand même eu de la part du roi ce qu'on appelle la berbérité d'État, avec quand même une accointance avec les grands chefs à Mazire, voilà, alliance politique stratégique. Donc je pense que c'est ce qui a permis aussi la subsistance d'une identité à Mazire qu'on observe aujourd'hui peut-être plus marquée au Maroc, et quand les gens pensent à la Mazérité, ils pensent aux Marocains et ils pensent au Kabil en Algérie. Mais c'est parce qu'en fait, c'est... Voilà, il y a plusieurs raisons pour lesquelles on pense à... Il y a plein de groupes amazigh au Maroc, mais on pense au Maroc parce que c'est peut-être plus visible et parce qu'il n'y a pas eu un effacement aussi prononcé et politiquement orchestré. En tout cas, pas d'une manière aussi brutale que ça a pu l'être en Algérie ou comme ça a pu l'être en Tunisie. C'était plus en... Des choses très brutales et des choses un petit peu plus subtiles au Maroc. Et en Algérie, en Tunisie, par contre, c'était différent. Dès lors qu'il y a les indépendances et la création des identités nationales, c'est un petit peu compliqué parce qu'on en vient à se dire comment est-ce qu'on va fédérer tous ces gens-là ? Qui sont quand même des groupes différents, qui n'ont pas nécessairement les mêmes intérêts, qui ne parlent pas nécessairement tous la même langue parce qu'on dit, oui, les langues sont différentes. Mais en fait, il y en a plusieurs. Il y a un alphabet. Ça ne s'écrit pas partout de la même manière, d'ailleurs. Donc, ce n'est pas si simple. Et donc, nécessairement, peut-être aussi dans une urgence de reconstruction, d'impulser des nouvelles dynamiques post-indépendance, on se dit oui, les questions identitaires, c'est aller à la trappe. On est tous algériens, on est tous marocains, on est tous tunisiens. Les questions émasires, c'est des questions séparatistes. Et même encore aujourd'hui. Quand tu revendiques ton amazérité, il y a quelque chose de politique malgré toi, parce qu'en fait, on a l'impression que tu prends position contre une arabité qui n'est pas nécessairement d'ailleurs la nôtre. Se revendiquer amazir, c'est comme si tu es contre quelque chose. Je pense que se revendiquer amazir, c'est peut-être déjà honorer ses ancêtres, son histoire, et ensuite juste se dire, vous vous définissez en tant que tel. Moi, pour les raisons qui sont les mêmes, notamment des questions de lignage et des histoires de ma famille, je ne peux pas me revendiquer comme arabe ou autre chose ou descendant d'autre chose parce que ce n'est pas ce que je suis. Et ça doit se respecter, ça doit s'entendre. Ça fait partie de la diversité de qui nous sommes. Et ce n'est pas simple, mais il y a eu un gros travail d'effacement qui a été fait. Pourquoi on pense au Kabyle quand on pense aux Amazigh ? Et quand les gens voient le symbole Amazigh, le yes, et notamment le drapeau Amazigh, les gens pensent que c'est le drapeau. Et beaucoup de gens pensent que c'est le drapeau Kabyle. Mais pourquoi ? C'est parce qu'en fait, il y avait l'Académie Berbère qui a fait un gros travail dans les années 80. Il y avait beaucoup de penseurs Kabyle. Et notamment des massacres dans ces années-là aussi, qui ont été percutés par le pouvoir algérien, parce que justement, se revendiquait Amazigh. Et si on veut même creuser un petit peu plus... Des penseurs, des intellectuels, Emazir Kabil, qui disaient « Mais moi, non seulement je suis Emazir, je suis Kabil, je ne suis pas arabe. » Et en plus, certains avaient l'audace de se dire « Moi, je ne suis pas musulman, je suis laïque. » Mais alors là, c'était un affront pas possible. Donc, il y a eu des massacres assez incroyables qui sont documentés. Et d'ailleurs, beaucoup de pentes de l'identité Emazir aussi a pu survivre grâce aux diasporas qui étaient en France. Et avec ce... ces allers-retours de part et d'autre de la Méditerranée, il y a eu des choses qui ont été sauvegardées. D'autres qui ont été amoindries, d'autres qui ont été folklorisées et d'autres qui ont été tuées, pratiquement. Et ça, en Algérie, au Maroc et en Tunisie.

  • Speaker #1

    Et quel serait le conseil ? Je sais que beaucoup des auditeurs sont fiers de leurs identités, mais sont aussi à la recherche et veulent comprendre et font un peu un travail historique à l'échelle familiale. Peut-être, sur base de ce qu'on vient de dire et cet effacement, si quelqu'un aimerait explorer plus ou en tout cas analyser et investiguer plus en détail dans sa famille pour savoir potentiellement est-ce que cette arabité est vraiment... Est-ce que c'est de la masérité effacée ou est-ce que c'est de l'arabité ? Quel serait peut-être ton conseil par où commencer ? Parce que ça peut paraître très compliqué.

  • Speaker #0

    C'est jamais simple. Et cette arabité, qui était aussi un petit peu ce que tu me posais comme question juste avant, je pense que c'est aussi l'affiliation linguistique. Mais on peut peut-être retrouver ça, un parallèle intéressant qu'on peut faire. J'aime pas trop utiliser ce terme, mais tu sais, la communauté latina, qui est un melting pot d'absolument plein de choses, et tu te retrouves à peu près dans les mêmes travers que la communauté nord-africaine, tu vois, parce qu'il y a aussi, en Amérique, la communauté latina, ça comprend pratiquement toute la communauté hispanophone d'Amérique du Sud et d'Amérique centrale. Donc ça comprend quoi ? Dans ce terme qui veut tout dire et rien dire, ça comprend les personnes autochtones. qui sont du coup maintenant locutrices peut-être de leur langue autochtone pour celles qui la parlent encore, et de l'espagnol qui est devenu la langue nationale de ce pays après colonisation. Toutes les personnes qui ont été déportées, parce qu'il y a eu l'esclavage aussi là-bas, et des personnes qui ont été déportées d'Afrique, qui se sont métissées soit avec des colons espagnols, des personnes autochtones. Il y a un brassage ethnique et culturel qui est assez impressionnant. et on va les mettre sous la caisse « ouais, mais vous êtes des latinos » . Pour moi, en fait, c'est un peu la même chose qu'on fait aux nord-africains. C'est qu'aussi, on nous enlève la potentialité vraiment d'étudier tous les métissages contraints ou voulus. Voilà, tu n'en es pas à tout rose non plus. Il ne faut pas glorifier le métissage au nom de machin. On n'est pas United Colors of Benetton, on est un petit peu... On nous enlève aussi le droit de nous autodéfinir, déjà de un. Si on parle aussi d'un point de vue purement diasporique, il y a vraiment l'étiquette d'Arabe de France qui est extrêmement présente. Et ça aussi, c'est ce qu'on a vu pendant la colonisation française en Afrique du Nord. Quand les colons et l'anthropologie coloniale qui débarquent avec ça, parce qu'il faut bien nous étudier, nous, les indigènes, on parle de berbères, pour qualifier les populations à Mazir, et cette anthropologie qui décide juste de scinder la population en deux grosses parties. Et je ne rentre même pas dans ceux qui vont être les pieds noirs. et les personnes juives qui ont aussi été mises sur le côté dans d'autres catégories. Mais si on prend juste les personnes nord-africaines, t'avais les berbères, qui étaient juste les personnes locutrices de langue tamazirte, et les arabes, donc du coup les personnes qui parlaient l'arabe d'Alja, qui n'est même pas un arabe qui se rapprocherait de ce qu'on peut appeler l'arabe littéraire classique. Donc en réalité, il y a plein de choses qui cimentent cette étiquette d'arabe, à l'extérieur et à l'intérieur de nos pays. et des politiques de création d'identité nationale, on se dit, oui, bon, alors, vos trucs de race et des damasirités et de machin, oui, bon, pas du tout, non. On n'a pas le temps pour ça. On est Algériens, Tunisiens, Marocains. Et avec peut-être ce truc d'étiquette d'Arabe qui arrive parce qu'on est quand même... À la limite, ça me gêne qu'on parle de monde arabe pour l'Afrique du Nord parce que nous sommes Africains, avec toutes les aspérités ethniques et même de l'extérieur qui ont pu venir, qui ne sont pas nécessairement les Arabes, parce qu'en fait, on n'a pas tant d'Arabes que ça chez nous. et de personnes descendantes d'arabes. En revanche, si on parle de monde arabophone, je me dis, OK, c'est correct, ça fait un peu plus sens. Ça me paraît un peu plus plausible. Parler de monde arabe, du coup, moi, j'aimerais qu'on le définisse. Qu'est-ce que c'est et quels sont les critères ? Qu'on me définisse ce qu'est le monde arabe ? Sur quels critères ? À part la langue et, du coup, l'islam, qu'on affilie aux arabes. Mais du coup, la plus grosse communauté musulmane, c'est en Indonésie. Mais eux, on ne va pas leur dire qu'ils sont arabes. Donc, il y a des biais comme ça qui, pour moi, sont très pernicieux, mais qui, à force de répétition, de move politique, etc., ont pris place dans les esprits et les consciences collectives. Et c'est très compliqué de s'en défaire.

  • Speaker #1

    Tu as utilisé un adjectif qu'on n'a pas utilisé jusque-là, c'est berbère. Et peut-être si tu pouvais juste revenir sur Berber versus Amazir. Et je pense que souvent, le terme Amazir est préféré pour une raison étymologique, si je ne dis pas de bêtises.

  • Speaker #0

    Malheureusement, il n'est pas encore préféré.

  • Speaker #1

    Non,

  • Speaker #0

    il n'est pas encore préféré par les personnes qui connaissent le sujet. mène aussi des travaux dans le sens du respect, de la révérence ou juste de l'étude des personnes nord-africaines dans leurs aspérités et diversités. Le mot hamasir, c'est simple, ça veut dire le peuple des hommes et des femmes libres ou dignes, ça dépend des interprétations. Et c'est quand même un mot qui est utilisé par les personnes hamasir pour s'autodéfinir. Le mot berbère, en fait... Mais il a une racine gréco-latine qui est exactement la même que le mot barbare. Ça définit quand même quelqu'un qui est l'étranger, qui ne parle pas la langue. Donc c'est défini par l'autre pour nous dire que nous, nous sommes des rustres, nous ne parlons pas la langue de l'envahisseur comme s'ils étaient chez eux alors qu'on est chez nous. Donc il y a un vrai problème avec le mot berbère. C'est pour ça qu'on aimerait que de plus en plus, même si je pense qu'en plus ça constitue un vrai effort pour les personnes de dire pas les arabes, pas les nord-africains, pas les maghrébins, les berbères. Je sais qu'il y a un processus en plus. On va essayer de cibler vraiment de qui on veut parler là. C'est toujours pas ça.

  • Speaker #1

    C'est sur le bon chemin.

  • Speaker #0

    Parce que beaucoup de personnes aussi ignorent. Et il y a des personnes même qui pensent que Amazigh et Berber, on ne parle pas des mêmes personnes. Il y a aussi beaucoup de personnes qui disent « Mais en fait, du coup, c'est quoi la différence ? » La différence, c'est qu'il y en a une, c'est un peu insultant. C'est toujours comment tu es perçu dans le regard de l'autre et de celui qui vient chez toi en te disant que tu n'es pas chez toi. Et l'autre, c'est comment nous, on s'autodéfinit avec des valeurs qui sont les nôtres. Tout simplement, mais difficilement, du coup.

  • Speaker #1

    Non, merci. Je pense que c'est important de définir.

  • Speaker #0

    Merci pour cette question.

  • Speaker #1

    Naoued, on va passer sur des thèmes un peu plus philosophiques et plus sur ta personne. Quelle serait ta définition de la réussite ?

  • Speaker #0

    Je sais. Franchement, pour moi, la définition de la réussite, je ne sais pas, c'est être heureux. Qu'importe. Moi, je ne suis pas là, tu vois, pour... Je pense qu'on a chacun notre définition de la réussite. Très facile à dire, un peu plus compliqué à mettre en application parce qu'en plus, on est en constante évolution.

  • Speaker #1

    Je ne sais pas ce que ça veut dire.

  • Speaker #0

    Être heureux, pour moi, c'est ça, réussir. Parce que ce n'est pas facile. Non. Être heureux. et faire ce qu'il faut pour l'être et essayer de pérenniser le truc, même si ce n'est pas un état. La vie est toujours en dents de scie, ce n'est pas un long fleuve tranquille, etc. Mais il faut faire ce qu'il faut pour être heureux. Pas de jugement du moment que tu ne portes pas préjudice à quelqu'un.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce que tu dirais à la Nawel enfant ?

  • Speaker #0

    Tu n'es pas prête pour ce qui t'attend, mais vas-y. C'est ça que je lui dirais. J'ai fait une interview il y a quelques jours, on m'a posé cette même question. Et ce n'était pas une interview où tu vas enregistrer comme ça. J'ai eu le temps de réfléchir. J'y ai réfléchi, je me suis dit, mais je suis en écho. Mais in fine, c'est ça. Je pense qu'à la Nawal d'avant, je lui dirais Ausha, tu penses que là où tu vas, tu fais fausse route, tu fais pas du tout fausse route. Vas-y, continue. T'es pas prête pour ce qui t'attend, tu seras très agréablement surprise et t'auras raison de pas lâcher. Et t'es pas folle. T'es pas folle.

  • Speaker #1

    Pourquoi ? Parce qu'on t'a fait passer pour folle ?

  • Speaker #0

    Oui mais non. encore. Tout à fait. Tu es une femme, a priori, tu es une hystérique, tu as de l'expertise sur rien. Tout ce que tu dis, c'est d'une affabulation, c'est fantasmé. Et oui, en dehors de ça, même dans ma vie personnelle, tu vois être... Oui, bien sûr, on m'a toujours dit que j'étais folle. J'accepte. Mais pas folle comme ce qu'il disait. Folle autrement.

  • Speaker #1

    On va passer à la dernière partie de l'interview, Noël. Et c'est des petites questions. Le but, c'est de répondre du tac au tac. Un terme à masir que tu aimes particulièrement ?

  • Speaker #0

    Tu vois, c'est juste ce qu'on disait par rapport au fait de s'autodéfinir en tant qu'amazir. Moi, la liberté, je me rends compte que dans ma vie, c'est toujours ce qui me porte. Il faut lutter pour sa liberté parce qu'en fait, dans la vie, malheureusement, on n'est pas tous égaux. On n'a pas tous les mêmes chances. Il y a des victoires qu'il faut arracher. Et en fait, moi, je me rends compte que tout ce qui m'anime constamment, c'est toujours une quête de liberté, de plus de liberté. ça veut pas dire que j'ai pas d'accroche et que j'ai pas d'attache etc tu vois c'est pas antinomique avec les ancrages mais je me rends compte que moi en fait c'est ma quête ultime en fait c'est la liberté finalement donc du coup le mot amazigh me va très bien qui veut dire le peuple des femmes et des hommes libres et je me dis mais je suis dedans on est là quoi il y a l'alignement c'est ouais vraiment un livre oh my god j'en ai tellement C'est un livre d'Amadou Empateba. En vrai, il faut lire tous les livres d'Amadou Empateba. Mais un seul. Oui. OK, bon. Mais bon, j'ai dit qu'il fallait tous les lire. J'ai dit qu'il fallait tous les lire. Mais c'est le livre qu'il écrit sur la vie de Thierno Bocard. « Enseignement et vie de Thiernio Bocart, le sage de Bandiagara » . Et c'est un livre que lui a écrit sur celui qui était un peu son... C'est pas son maître à penser, parce que justement, il y avait tellement de liberté, mais pas de jugement non plus dans sa manière d'accompagner Amadou Empateba pendant sa jeunesse et dans son parcours spirituel, etc. Moi, c'est un livre qui m'a fait pleurer, qui m'a apporté énormément, spirituellement, historiquement. Ah ouais, si vous avez l'opportunité de vous procurer ce livre, si vous ne le connaissez pas et que vous ne l'avez pas lu, Il faut lire ce livre, vous en ressortirez pas indemne, mais positivement.

  • Speaker #1

    Ton plat préféré ?

  • Speaker #0

    Je vais dire un truc parce que c'est plus Madeleine de Proust qu'autre chose. C'est pas mon plat préféré, mais c'est là où j'ai une affection particulière. En vrai, le couscous de mon père.

  • Speaker #1

    Donc un couscous algérien ?

  • Speaker #0

    Ouais, sauce rouge. Pas sauce blanche, mais ah non. Pardon, mais pas de blague.

  • Speaker #1

    Et une femme que tu me recommanderais d'inviter sur le podcast ?

  • Speaker #0

    Oh les problèmes.

  • Speaker #1

    une et ça veut pas dire que les autres ne sont pas

  • Speaker #0

    Chara ton coeur alors attends là j'ai besoin de réfléchir invite Naïra invite Naïra parce que ce qu'elle fait musicalement c'est très fort et l'aura qu'elle développe autour de sa propre construction identitaire qui est entre autres Amazir déjà moi j'aime beaucoup sa musique mais en dehors de ça la manière dont elle le fait je la trouve très actuelle très intelligente Et la manière de se réapproprier plein de nos codes, vraiment, ce qu'elle fait, c'est de l'excellent travail avec une très belle intelligence derrière. Et c'est une belle personne. Il faut inviter Naïra.

  • Speaker #1

    Rajouter à ma liste. Ouais. Nawel, merci infiniment. C'était un plaisir d'échanger avec toi.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup. Plaisir partagé. Merci infiniment.

  • Speaker #1

    À très bientôt.

  • Speaker #0

    À bientôt.

  • Speaker #1

    Cet épisode de Réal est maintenant terminé. Je vous remercie sincèrement de l'avoir écouté jusqu'au bout. Ce qui, j'espère, veut dire que vous l'avez apprécié. N'hésitez pas à le partager autour de vous, avec des amis ou sur les réseaux sociaux. C'est ce qui permet au podcast de grandir. Vous pouvez aussi le noter 5 étoiles et me laisser un petit commentaire. C'est un vrai plaisir de les lire. Si vous avez des questions ou voulez me suggérer une invité, n'hésitez pas à me contacter sur la page Instagram « Heya underscore podcast » . A très bientôt.

Description

Cette semaine, je suis ravie de vous partager ma conversation avec Nawal Ibtissam Benali.


Nawal est journaliste, podcasteuse et créatrice de la plateforme « Ya ça chez nous », qui vise à déconstruire et analyser les dynamiques du racisme anti-noir propres à l’Afrique du Nord et à ses diasporas.

 

Elle est d’origine amazighe, née en Tunisie, et a passé la majeure partie de sa vie en France.

Fière de son héritage, elle s’engage activement pour la reconnaissance et la valorisation de l’identité amazighe.

 

Après des études littéraires et une formation en journalisme, elle s’est construit une carrière riche, éclectique et non linéaire. Depuis quelques années, elle se consacre pleinement à ses thématiques de prédilection : l’identité, l’appartenance, et les dynamiques de pouvoir qui les façonnent.

 

Dans cet épisode, on a parlé :

  • de ses racines amazighes et de ce qu’elles représentent pour elle,

  • de pourquoi il est préférable d’utiliser le mot « amazigh » plutôt que « berbère »,

  • du tiraillement que peuvent ressentir certaines personnes entre arabité et africanité,

  • et du sujet sensible mais essentiel qu’est le racisme au sein même de nos communautés.

 

J’ai pris beaucoup de plaisir à enregistrer cet épisode, car il nous invite à réfléchir et à déconstruire des sujets qui sont généralement tabous.

 

Sans plus attendre, je vous laisse avec la HeyA du jour : Nawal Ibtissam Benali.

 

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Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour à toutes et à tous, ici Pochra Pourti et bienvenue sur HEIA. En arabe, HEIA signifie « elle » . C'est parce que ce mot n'est pas suffisamment utilisé pour parler de réussite et d'ambition féminine que j'ai décidé de lancer ce podcast. Les inégalités et la sous-représentation liées au genre sont malheureusement une réalité et une approche intersectionnelle ne fait qu'amplifier ces phénomènes. Chaque épisode est une conversation où j'invite une femme de culture arabe à venir partager son histoire et évoquer sa réussite. Mes invités ont toutes des backgrounds et trajectoires différentes. Elles sont journalistes, entrepreneurs, écrivaines, artistes ou encore médecins, et vous serez, je l'espère, inspirés par leur réussite. L'objectif de ce podcast est de vous, tout d'abord, promouvoir une image différente de la femme arabe, en mettant en lumière ses parcours exceptionnels, mais aussi aider les plus jeunes ou celles en quête de renouveau. à trouver des rôles modèles et ambitionner leur avenir. Ma conviction ultime est que la seule manière d'y croire, c'est de le voir, ou en l'occurrence d'entendre. Si ce podcast vous plaît, je vous invite à prendre quelques minutes pour le noter 5 étoiles sur iTunes ou Apple Podcasts. C'est la meilleure manière de le soutenir. Sans plus attendre, je vous laisse découvrir notre invité du jour. Bonjour à toutes et à tous et bienvenue sur Heya. Je vous retrouve pour un nouvel épisode. où je reçois Nawel Ebtisem Ben Ali. Nawel est journaliste, podcasteuse et créatrice de la plateforme Yatza Chez Nous. Yatza Chez Nous, c'est une plateforme qui vise à déconstruire et analyser les dynamiques du racisme anti-noir propre à l'Afrique du Nord et à ses diasporas. Nawel est d'origine amazigh, elle est née en Tunisie et elle a passé la majeure partie de sa vie en France. Fière de son héritage, elle s'est engagée pleinement et activement pour la reconnaissance et la valorisation de l'identité amazigh. Elle a fait des études littéraires et une formation en journalisme, et elle a construit une carrière qui est très riche et très intéressante parce que éclectique et non linéaire. Depuis quelques années, elle se consacre pleinement à ces thématiques de prédilection que sont l'identité, l'appartenance et les dynamiques de pouvoir qui les façonnent. Dans cet épisode, on a parlé de beaucoup de choses, et entre autres de ses racines amazighes, de ce qu'elles représentent pour elle, de pourquoi il est préférable d'utiliser le terme amazigh plutôt que berbère, du tiraillement que peuvent ressentir certaines personnes entre arabité et africanité et du sujet sensible mais essentiel qu'est le racisme au sein même de nos communautés. J'ai pris beaucoup de plaisir à enregistrer cet épisode parce qu'il nous invite à réfléchir et à déconstruire des sujets qui sont généralement tabous. Donc sans plus attendre, je vous laisse avec la réé du jour, Nawel Ebtisem Ben Ali. Nawel, merci beaucoup d'avoir accepté mon invitation. Je suis ravie de te compter. parmi mes invités sur Heya.

  • Speaker #1

    Merci à toi pour ton invitation. C'est touchant déjà ce que tu dis de moi et comment tu perçois mon travail parce que du coup, tu as fait tes recherches. Et la raison de l'invitation, je suppose aussi, c'est parce que ça te parle et c'est des choses aussi qui parlent à beaucoup d'entre nous. Et c'est vrai que pour moi, en fait, ce que tu as dit sur le fait que, oui, je suis d'origine amazighaire, je suis tunisienne, je suis nante tunisie, j'ai passé la majeure partie de ma vie en France, certes. Mon parcours journalistique n'a pas tant d'importance que ça parce que in fine, ce que tu dis à la fin... de ton intro, la vérité c'est que j'en viens à quelque chose qui est un réancrage de carrière certes, mais ça rejoint aussi le pan humain et de qui je suis en dehors de ça, c'est de se dire que mon but, in fine, c'est de valoriser nos cultures, nos identités, notre diversité, nos aspérités, et ça passe par différentes choses que je peux faire et le podcast, il y a ça chez nous, effectivement, en fait partie, donc merci pour cette introduction.

  • Speaker #0

    C'est grand plaisir.

  • Speaker #1

    Ta patte. Ça va, ça va.

  • Speaker #0

    Nawel, pour débuter, souvent on commence par les origines. Est-ce que tu pourrais brièvement nous parler de la petite Nawel, le type d'éducation que tu as eu, l'environnement dans lequel tu as grandi ?

  • Speaker #1

    Moi, je suis née en Tunisie, c'est ce que tu as dit dans l'intro. J'ai une histoire familiale un peu complexe. J'ai migré quand j'étais bébé. Je n'ai pas grandi avec ma famille biologique. Dans ma famille adoptive, mon âme a zérité, je la découvre. parce qu'en fait, j'ai été élevée dans une famille algérienne du côté de mon père. Mon père qui est amazigh aussi, mais algérien, qui est métisse entre deux ethnies, une du nord-ouest et de la région de l'Orani, et une du sud, du coup, de la région de Bénéabès, donc dans le Sahara. Et moi, du coup, je ne grandis pas nécessairement avec une culture amazigh hyper affirmée et identifiable en tant que telle, mais je grandis avec un père qui dit « Ouais, n'oublie pas qu'on n'est pas des Arabes, on est des Amazigh » . Ok ! Donc je pense pas que même, faudrait peut-être lui demander, mais à l'époque je pense même pas qu'il avait, je crois qu'il a pas compris ce qu'il a fait germer en moi, moi je me suis dit ok. Moi, je l'ai creusé. Il n'y avait pas quelqu'un de truc. Et du coup, du côté de ma mère, franco-russe, et je dis ça parce que c'était la mère de ma mère qui avait ses origines russes et elle y tenait, elle y était attachée. Donc, même si pour ma mère, il y a quelque chose de l'ordre de la reconnaissance asymolale qui n'est pas simple. Bon, c'est quelque chose que je tiens quand même à redire parce que je sais que c'était très important pour ma grand-mère. Donc je grandis dans une famille de profs. Donc beaucoup de gens de ma famille sont profs. ou l'étaient, pour ceux qui sont plus de ce monde. Et notamment ma grand-mère maternelle aussi, qui je pense qu'elle, du coup, n'avait rien à voir avec le monde amazigh, etc. Mais qui, elle, en fait, était prof de français et prof d'histoire aussi. Et donc, du coup, nécessairement, j'étais très proche d'elle et les discussions que j'ai pu avoir avec elle, combinées à mon père qui me lâche des petits indices. Ouais, il y avait de fortes chances pour que je devienne journaliste, ou en tout cas que je m'intéresse beaucoup aux questions historiques, à la littérature et aux formes narratives qui aujourd'hui se retrouvent dans mon podcast et dans d'autres choses que je peux faire, mais du coup que je mets au service de nos identités et des problématiques qui sont les nôtres.

  • Speaker #0

    Et à quoi rêvait la petite Nawel dans l'environnement que tu viens de nous expliquer ? Il y avait un job que tu voulais faire ?

  • Speaker #1

    Je crois que j'ai voulu tout faire et rien faire. Je crois que dans ma vie, quand j'étais petite, de ce que je me souviens, Mon plus gros flex, c'était de me dire, mais moi, je suis un pirate, moi, je suis un aventurier, moi, je m'en fous de vos trucs. Vas-y, moi, on y va. Je ne sais pas, je pense que j'avais une imagination qui était très fertile. Je pense aussi que j'ai eu la chance de grandir dans un environnement où on me racontait beaucoup d'histoires. C'était très important. On nous a aussi poussé, mon père et ma mère, et beaucoup plus ma mère, du coup, à lire beaucoup, très jeune. et je pense que cette appétence pour la narration, pour la... pour le fait de raconter des histoires, et des histoires qui sont aussi des contes traditionnels, et de se dire qu'il y a quelque chose soit d'initiatique ou qui raconte l'histoire de nos ancêtres à travers quelque chose qui paraît facile d'accès pour les plus jeunes, mais que tu les relis ou tu les réécoutes plus âgés, tu y trouves d'autres sans se cacher. J'ai quand même grandi avec ça. Du coup, je ne rêvais pas nécessairement à quelque chose de précis. Je savais que je voulais vivre ma meilleure vie. Je savais que j'avais soif d'aller toujours plus loin, d'être libre. Et qu'on n'essaie pas de me casser la tête à me dire tu vas être ci ou tu vas être ça. C'était le plus important.

  • Speaker #0

    Ta liberté.

  • Speaker #1

    Oui, oui. Mais finalement, quand on est à Mazir et le peuple des hommes et des femmes libres, peut-être un truc qui faisait sens sans que je me rende compte.

  • Speaker #0

    Oui, c'est beau quand même de voir. Des fois, quand on repense à notre histoire, on revoit le chemin et on se dit en fait, il y avait une guigne tracée qu'on ne voyait pas forcément. Je voulais revenir sur le podcast et la plateforme Yatza Chez Nous. Quel a été le déclic ? Pourquoi tu as créé cette plateforme ?

  • Speaker #1

    C'est vraiment une plateforme, comme tu l'as dit dans ton intro, qui vise vraiment à démystifier, étudier, critiquer, comprendre les dynamiques racistes, raciales et nécessairement aussi ethniques et tous les crossovers qu'il peut y avoir avec tous ces pans d'identité au nord de l'Afrique et dans la diaspora française. Donc, je me concentre sur le triptyque Algérie-Maroc-Tunisie parce qu'on se regarde croisés entre les deux pans de la Méditerranée. On n'a pas de grosse communauté libyenne ou égyptienne en France, donc ça aurait été un petit peu plus compliqué. Et déjà, trois pays qui n'ont pas les mêmes histoires contemporaines et même un peu plus anciennes, mais on va dire, je m'intéresse aussi à ce que la politique post-coloniale, à partir du moment où on a des gouvernements, lorsqu'il y a des indépendances, génère dans cet imaginaire-là qui prend aussi sa source bien avant, lorsqu'il s'agit de racisme et des questions de race, etc. Qu'est-ce que ça a généré comme différence dans les trois pays ? Et qu'est-ce que finalement ça génère dans cette transmission de racisme, de discrimination, de colorisme, de discrimination aussi vis-à-vis des personnes qui vont s'identifier en tant qu'amazir, parce qu'elles vont être encore jugées comme séparatistes. Tout ce que ça génère. Donc en fait, le point de départ, c'est que moi j'ai grandi avec une forme de complexité ethnico-raciale ou en fait dans. la communauté nord-africaine, je n'ai pas vraiment été perçue comme telle. On m'a toujours demandé de justifier parce que ma couleur de peau, la texture de mes cheveux, tout plein de codes aussi qui devaient être les nôtres, qui sont quand même ceux d'enfants descendants d'immigrés quand même à la base et qui ne sont pas grand-chose quand on est des enfants, mais auxquels, visiblement, je dérogeais. Mais ça, c'est une question aussi d'éducation, le fait que... J'ai aussi grandi dans une famille qui soit très ouverte sur le reste du monde. Alors oui, notre culture algérienne était importante, mais pas que. Il y avait plein d'à côté. Donc du coup, j'étais oui. Mais ! Mais ! Et ce mais là, tu vois, il dérangeait. Et après aussi, quand les gens apprenaient que j'étais née en Tunisie, ils me disaient « Ah mais en fait, du coup, toi t'es pas comme nous, t'es une blédarde ! » Et moi j'étais là « Ok, si ça fait sens. » Et du coup, il y avait plein de facteurs de distinction qui sont juste des particularismes qu'on peut tous avoir parce qu'on n'a pas tous la même histoire, pas tous la même histoire de migration, etc. Mais qui manifestement pouvaient s'avérer problématiques. Parce que peut-être aussi, quand tu sors de l'enfance et que tu arrives à la préadolescence et l'adolescence, il y a ce système de faire communauté avec tes pères. Alors, ça peut être pour plein de types d'affiliation, donc culturelle, ethnique, par centre d'intérêt, etc. Donc, c'était un petit peu un crossover de tout ça. Mais dans tout ce qui s'avérait être du registre de la communauté nord-africaine, j'étais associée et désassociée assez facilement en fonction de... plusieurs critères auxquels je répondais ou je répondais pas. Et pour moi, c'était assez invraisemblable, parce que grandissant dans une famille métisse, et je parle là juste du côté algérien, parce que du côté de mon père et de son père, ce sont des personnes noires, et du côté de sa mère, c'est des personnes qui sont plus claires, même si elles ne sont pas non plus des personnes nord-africaines blanches. Moi, en fait, c'était tout à fait normal que personne n'ait la même tête, que personne n'ait la même couleur de cheveux, et puis la complexité aussi de la génétique nord-africaine. Il faut la comprendre, il faut la vivre. Et moi, je vivais dedans. Pour moi, tout était normal. Et c'est les autres qui me renvoyaient à quelque chose de... Un truc chelou chez toi, ce n'est pas normal. Tu n'es pas vraiment comme nous. Et du coup, les gens ne comprenaient pas nécessairement pourquoi. J'étais tunisienne, mais mon père était algérien. Et ma mère était blanche, française et tout ça. C'est toute une complexité avec laquelle je vis. Je me dis, bon, quand même, on a un peu des problèmes, nous, là, dans notre communauté, à se toiser les uns les autres, cocher des cases.

  • Speaker #0

    À quel moment tu te rends compte de ça ?

  • Speaker #1

    Assez jeune, même si je n'ai pas nécessairement le vocabulaire. Et en parallèle, comme j'ai eu la chance de voyager beaucoup en Afrique du Nord, même en étant très jeune, et plusieurs fois par an, parfois aussi, ce n'était pas juste les grandes vacances d'été. j'ai aussi une expérience sociale qui est ce qu'elle est, qui n'est pas celle de quelqu'un qui vit sur place mais où tu te confrontes quand même à... à ce que sont les sociétés. Et encore une fois, moi, j'étais quand même dans des grandes villes, donc Rabat pour le Maroc, Oran pour l'Algérie, donc c'est pas non plus le milieu rural où il y a encore d'autres... Il y a encore des différences d'appréhension pour plein d'autres raisons. Mais tu te confondes quand même à certaines réalités, notamment aux réalités de genre et de race. Et ça, je m'en rends compte assez tôt parce que quand je suis pré-adolescente en Algérie, je me mange des insultes, je me mange des regards et tout ça. Et du coup, moi, les premières insultes racistes que je me mange dans la rue en Algérie, je vais voir mon référentiel paternel. Je dis, qu'est-ce qui se passe ? Pourquoi on m'a dit ça et tout ? Et mon père qui me dit, non, t'inquiète, c'est juste que tu ne corresponds pas au standard de beauté nord-africain. Je dis, bah, sympa. Ce n'était pas ma question en plus. Mais je pense que c'était sa manière un peu d'édulcorer la chose et peut-être que lui-même était surpris.

  • Speaker #0

    De dramatiser la situation,

  • Speaker #1

    oui. Peut-être même qu'il ne se disait pas que j'allais me manger des insultes dans la rue aussi jeune. Et en plus, comme il n'était pas là. Je me rends compte de plein de choses assez rapidement. Et je me rends compte que quand je pose des questions, parce qu'on ne devient pas journaliste pour rien, parce qu'on se pose des questions très tôt, je n'ai pas les réponses satisfaisantes. Je me dis que je vais aller chercher. Ça vient vraiment de questionnements personnels. Et puis aussi de toute mon identité tunisienne et de mon amazérité tunisienne. Il y a tout un cheminement personnel qui est quand même à la base de ça. Mais beaucoup d'expériences sociales, ce n'est pas juste la mienne, c'est celle de mes pères, de plein d'autres Nord-Africains, de Nord-Africains qui n'ont pas un faciès méditerranéen auquel manifestement il faut répondre pour être un Nord-Africain validé. Et voilà. Et après, il y a des agressions extrêmement racistes à caractère, je n'aime pas trop le mot, négrophobes, on va dire anti-noirs. qui sont proférées en 2021. Et là, je me dis, bon, faisons quelque chose et mettons nos compétences journalistiques à profit d'une cause qui me tient à cœur. Il y a un vrai sujet qu'on ne souhaite jamais aborder parce que c'est extrêmement tabou. Elle est en crossover avec les questions d'ethnicité. Ça pose les questions de nos identités. Il faut faire quelque chose. Auparavant, une année avant... On m'avait demandé de participer à une vidéo collective et ça c'est Zineb qui était créatrice du compte Instagram Kahwa Half Half où en fait elle parlait des identités arabo-amazir, afro-arabe, noir-amazir où en fait déjà elle mettait en lumière pas mal de problématiques et elle nous avait demandé à pas mal de personnes du continent du nord de l'Afrique. et de la diaspora qui étions amazighes, métisses ou noires, de prendre position sur un événement qui avait lieu en France et qui a été l'appel d'Assa Traoré à défiler devant le TGI pour son frère Adama Traoré, parce que pour ceux qui ont suivi les avancées de l'enquête, des procédures, etc., c'est extrêmement compliqué et on lui refusait énormément de choses, ce qui est toujours le cas. Il y avait eu un élan de solidarité trans-africain-diasporique assez incroyable, où on voyait la diaspora nord-africaine Merci. non-noirs et non-métis se joindre justement à plein de personnes afro-descendantes noires pour ce combat antiraciste qui finalement était le nôtre. Et Zineb, à ce moment-là, dit « alors ça, c'est super. Et du coup, quand c'est chez nous et dans notre communauté, on n'est pas capable de le faire. » Et du coup, elle nous avait demandé de chacun donner un avis en fonction de nos professions respectives ou de nos expériences personnelles respectives sur ce qu'était le racisme, le colorisme en Afrique du Nord dans les communautés nord-africaines. Et ce qui est fou, c'est qu'une année après, on observe deux agressions à caractère anti-noir en France, proférées par des Nord-Africains non-noirs et non-métis. Et c'est des discordes de la vie du quotidien. C'est vraiment des trucs nuls. Donc, une à Sergi et une à Anmas. Et directement, ce qui ressort quand l'embrouille commence à devenir un petit peu plus intense, ce sont des insultes racistes. Et là, la couleur de la personne en face et le fait qu'elle soit noire, ça a une importance. Pourquoi ? Et ça parle d'esclavage et ça lance des trucs horribles. Voilà. Et moi, je me suis dit non, mais attends, c'est trop. Donc, j'ai juste pris l'extrait que j'avais donné à Zineb parce que je ne voulais pas engager la parole des autres là-dessus, parce que c'était juste moi. Je l'ai republié. J'ai dit comment ça se fait qu'à un an d'intervalle, alors qu'il y a eu... Parce que l'appel d'Assa Traoré pour défiler devant le TGI, ça a quand même fait quelque chose au niveau des débats publics sur le racisme et l'antiracisme. Je ne dis pas que ça... bien avancé, mais on en parle un peu plus qu'avant. Donc il y a eu quand même une mainstreamisation des questions racistes et antiracistes dans les médias, bien que nous ne soyons toujours pas satisfaits des résultats, malheureusement. Et je me suis dit, un an d'intervalle, je peux... Je ne change rien de cette vidéo,

  • Speaker #0

    tout est toujours aussi exact.

  • Speaker #1

    Pourquoi ? Et alors, à l'époque, j'étais pas très très suivie sur Instagram. Et les personnes qui me suivent me connaissent en tant que journaliste, connaissent mes convictions politiques, connaissent mes positionnements sur ce que j'estime être la réduction des rapports Nord-Sud, même sur le continent, parce que c'est un petit peu ça qu'il y a entre le Nord de l'Afrique qu'on estime être complètement coupé du reste. Ce qui n'est pas réellement vrai, c'est des fractures idéologiques plus qu'autre chose et qui ne sont pas réelles, en vrai, ni dans l'histoire, ni dans l'économie, ni dans rien, en vrai. C'est purement idéologique. Donc... les personnes qui me suivaient savaient. Et alors là, cette vidéo-là a été énormément partagée sur Facebook, sur Twitter, sur Instagram, partout. Et moi, j'étais au travail, je n'avais pas mon téléphone, et d'un coup, ça vibre à... Et vague de cyberharcèlement, direct.

  • Speaker #0

    Et qu'est-ce qu'on te reprochait ?

  • Speaker #1

    Déjà d'avoir ouvert ma bouche et comment est-ce que je cause ? Deux, comment ça se fait qu'une nord-africaine avec une tête de métisse qu'on n'identifie pas comme nord-africaine selon des critères extrêmement restreints et ignares, ose descendre sa propre communauté ? Les gens, en fait, moi, comme j'étais au travail, je ne voyais même pas son parti fouiller mon Instagram. Ils disaient « Ouais, mais elle passe sa vie en Afrique, elle passe sa vie en Afrique du Nord, elle est partout, machin, et elle est là, elle nous crache dessus, c'est pour faire le buzz, mais buzz de coups ! » Et ça devient viral. Et la violence que je me mange à ce moment-là, déjà, bon, c'était difficile parce que c'était ma première vague de cyberharcèlement. Maintenant, on est rodé, on a l'habitude, mais c'est extrêmement violent. Et je me dis, mais waouh, il y a quelque chose. Et donc là, du coup, à partir de là, je questionne. Je dis, est-ce que ça vous intéresse que je crée du contenu là-dessus ? Parce que manifestement, il y a des choses à dire, il y a des choses à faire. Et c'est là que je me dis, bon, je vais vraiment mettre mes compétences journalistiques que je mets à profit de médias qui ne me font pas traiter de thématiques qui me tiennent réellement à cœur, alors que ça, ça m'intéresserait réellement. et qu'il y a un vrai sujet, ça intéresse plein de personnes, allez, on va le faire. Les gens ont dit « Ah ouais, vraiment, on est chaud pour que tu fasses ça » . Et j'ai dit « Podcast » , parce que je voulais garantir l'anonymat de mes invités, si ils et elles le souhaitaient. Parce que vu la violence que ça déchaîne, je voulais pouvoir dire déjà de 1, on ne se laisse pas déconcentrer par un physique, un faciès. On a juste une voix, un témoignage, qu'il soit militant, académique ou juste testimonial d'une personne qui est concernée par la sous-thématique que je traite dans mes épisodes. Et voilà, c'est comme ça que ça a commencé.

  • Speaker #0

    C'est fou. Ça me fait penser tout ce que tu dis. J'étais à un dîner samedi avec des gens complètement éduqués, donc que personne ne disait peut-être que. Et à table, conversation classique autour d'un fait divers ou d'une histoire. Et une des personnes, et je précise, les personnes autour de la table étaient tous franco-tunisiennes, franco-marocaines, d'origine maghrébine. Et un des invités dit « oui, mais lui, c'est un Africain » . Et continue la conversation. Et là, je me dis, mais mince, ça m'a vraiment interpellée. Et je reviens et je lui dis, mais on est Africain aussi. Et ça me fait penser à ce que tu viens de dire, à ce sujet de ne pas se sentir Africain. On fait partie de ce continent. Et juste commencer par là et se situer géographiquement pourrait être un début. Et pourquoi vraiment ma question ici, à ton avis, toi qui connais le sujet beaucoup mieux que moi, pourquoi on a ce... Ce problème d'accepter notre africanité ?

  • Speaker #1

    Je pense que déjà dans les inconscients collectifs, africains égale noirs. Donc si on n'est pas noirs, dans beaucoup d'inconscients collectifs, et je ne parle pas juste des nord-africains, pour beaucoup de personnes subsahariennes, je suis obligée de faire un disclaimer parce que je vais quand même employer des terminologies que je n'aime pas trop, mais jusqu'alors, pour parler de ces... et pour faire le distinguo, pour qu'on situe bien de quoi on parle, je suis obligée de les employer parce que je ne suis pas d'accord. nécessairement pour parler de nord-africains et de subsahariens parce qu'effectivement, ça veut dire que je joue le jeu de cette fracture avec laquelle je ne suis pas d'accord. Secondo, ça veut dire quoi ? Nous, les nord-africains, plus ou moins, les cinq pays, on est tous les mêmes, ce qui est absolument faux. Et ça veut dire que du coup, toutes les personnes qui seraient en dessous seraient aussi toutes les mêmes. Donc en fait, on est des blocs culturels, ethniques, économiques et tout ce que tu veux, complètement monolithiques. Il y a juste une fracture et c'est le Sahara. Du coup, je pose aussi la question de qu'est-ce qu'on fait des peuples du Sahara et du Sahel. pas cool parce qu'ils existent. Qu'est-ce qu'on fait de nos histoires ? Des routes d'émigration, de métissage qui ont eu lieu et qui ont encore lieu. Des phénomènes aussi d'acculturation parce que les peuples aussi se sont côtoyés. Ça me paraît complètement inouï de parler de cette fracture comme quelque chose de réel. C'est vraiment purement idéologique. Mais dans les inconscients collectifs, africains égal noirs. Aujourd'hui, quand on dit L'Afrique, on dit le continent noir. Alors moi, je veux bien entendre qu'il y ait une majorité de population noire en Afrique, c'est sûr. Ça ne veut pas dire que les personnes qui le sont moins, si on prend la colorimétrie, qu'on va dans un côté un petit peu plus dégressif, que les personnes les plus claires ne seraient pas africaines. Ça ne veut pas dire qu'on n'a pas de métissage et de personnes qui seraient métisses parce que venues d'ailleurs. Et l'Afrique du Nord, de par sa proximité avec la Méditerranée, le monde arabe d'un autre pan, bien sûr. est extrêmement métissée. C'est aussi des métissages qu'on peut voir dans plein d'autres endroits du monde. Pourtant, on ne va pas ôter l'étiquette de l'appartenance à ces gens-là sous prétexte qu'ils sont métisses. Tu vois, explique-moi avec le métissage qu'on pourrait retrouver en Afrique de l'Est, des gens qui ont été beaucoup plus arabisés que les Nord-Africains dans les faits. Et avec des vestiges très présents et très prégnants du passage des Arabes, qu'ils soient restés, etc. Ce n'est pas la même histoire que l'Afrique du Nord. Tu vois, typiquement, les Africains de l'Est, on ne leur fera pas le procès de cette justification de leur africanité et eux ne vont pas nécessairement s'exclure de ce qu'est l'Afrique comme les Nord-Africains le font. Et c'est même assez intéressant de comparer plusieurs régions. qui auraient été touchées par une vague de colonisation, comme ça a été, ou d'islamisation, et ou d'islamisation d'ailleurs, et tout ce que ça a généré aujourd'hui dans les inconscients collectifs.

  • Speaker #0

    Mais est-ce que nier cette africanité, c'est aussi driver par le colonialisme ? Et plus on s'éloigne de cette Afrique, plus on se rapproche de l'Europe, et plus on est blanc, et blanc veut dire civilisé, éduqué. élite, tout ce qu'on a fait sur ça.

  • Speaker #1

    Pour moi, en fait, on tape clairement là-dedans, mais en plus à deux niveaux, c'est-à-dire qu'il y a effectivement ce regard tourné vers l'Europe et tu le vois dans quelque chose de très physique et de très... très réel et très palpable facilement, c'est-à-dire quelque chose de physique. C'est-à-dire qu'on va valoriser des faciès, des corps, des cheveux et des esthétiques qui sont nord-africaines et qui vont avoir un passing européen, voire parfois nordique. Et on va dire, ah ouais, non, ça c'est canonisation ultime. Ou alors, glorifier des faciès qui vont se rapprocher de ce qui a été vanté, d'ailleurs, dans les contes au Moyen-Âge, de ce que va être... la beauté de la femme arabe, du corps de la femme arabe et ses délices. Sans rentrer dans le côté orientaliste qui vient appuyer ça avec un regard blanc, sexualisé et tout y cointit. Peut-être qu'on abordera ça après. Mais in fine, même dans ce truc de la canonisation des corps arabes, on va chercher l'arabe le plus blanc avec une typologie particulière et des traits très marqués au niveau de... La noirceur des cheveux qui doit vraiment être de jet. Une peau qui peut être pâle. Des sourcils fournis. Certains types. Mais in fine, parce qu'il y a des Arabes, et j'entends du Golfe, qui sont des Arabes noirs et qui n'ont rien à voir avec les communautés afro-arabes. Ils sont quand même descendantes d'Afrique et je ne parle pas de ça. Je parle vraiment des tribus qui ont une peau extrêmement foncée. Et qui sont du coup des personnes noires. donc on va quand même toujours valoriser ces deux pans-là. Et ça, en fait, et j'avais parlé justement dans la vidéo qui est devenue virale, là, il y a quelques années, d'un double syndrome de Stockholm vis-à-vis de nos anciens envahisseurs. Donc, à la fois tourner vers les Arabes et bien un type particulier d'Arabe et l'Europe à la fois. Et donc, on a encore aujourd'hui du mal à valoriser notre diversité, alors que pourtant, on la voit, on la côtoie, on la sait. Mais ça évolue. C'est une réalité, ça évolue. Mais c'est toujours pas suffisant.

  • Speaker #0

    Oui, je voulais revenir. Je prends ma feuille pour m'assurer d'avoir ma citation. Le président tunisien a soutenu en février 2023, et je le cite, cette immigration clandestine relevée d'une entreprise criminelle ourdie adorée de ce siècle pour changer la composition démographique de la Tunisie afin de la transformer en un pays africain seulement et estomper son caractère arabo-musulman. Je ferme les guillemets. Qu'est-ce que tu as ressenti quand ce discours a été prononcé, en étant tunisienne et en étant engagée sur ces sujets ?

  • Speaker #1

    Et tu sais qu'en plus, quand il a dit ça, j'étais rentrée en France depuis genre, je crois, je ne sais pas, quatre jours. C'était en Tunisie, juste avant ça. Et j'ai dit, oh, ce n'est pas vrai. J'étais extrêmement choquée. Et alors, je me suis dit deux choses. Je me suis dit, peut-être que ce président a oublié qu'aujourd'hui, si on parle d'Afrique, Africa, Africa, parce qu'il friquilla et ça c'est le... C'est l'ancien nom de la Tunisie. Il y a peut-être un truc à revoir à ce type-là. Je me suis dit, il n'a pas tout compris. Et du coup, c'est quoi de parler d'un pays africain seulement et lui ôter ? Moi, je me suis même dit, c'est quoi le caractère arabo-musulman ? J'aimerais qu'on me définisse clairement ce qu'est l'identité arabo-musulmane. Parce que j'ai eu la chance de voyager dans pas mal d'endroits et de voir des communautés musulmanes de pas mal de pays. Les pratiques sont différentes. C'est une juxtaposition de ce qu'il y avait avant l'arrivée de l'islam et de l'islam et comment il s'est adapté. Et encore faut-il définir ce courant de l'islam qui est arrivé à ce moment-là. Pour moi, lui ôter son caractère arabo-musulman, à la Tunisie, je ne vois pas comment. De parler d'une submersion migratoire, c'est faux. Parce que quand on a les chiffres, on se rend compte que ce n'est vraiment pas grand-chose. Si on veut vraiment être très pointu et très très chiant, on peut dire qu'il y a pas mal d'Africains de l'Ouest musulmans qui arrivent en Tunisie et qui prennent la Tunisie comme un pays de transit. Et ces gens-là, du coup, on n'enlève pas le caractère musulman à la Tunisie, qui sont des musulmans. Et donc, si on veut vraiment être très chiant, on peut diguer très loin là-dedans. Mais en revanche, aussi, ce que je me suis dit, c'est que je me suis dit, voilà jusqu'où on peut aller. C'est très effulant. C'est très violent, mais je me suis dit, voilà à ne pas éduquer, à ne pas faire de sensibilisation, à ne pas penser les questions de racisme et de discrimination comme un vrai problème d'État. Voilà où on en arrive. Parce que moi, mon problème là-dedans, ce n'est pas qu'il soit raciste, qu'il ne soit pas raciste. Moi, je m'en fous éperdument. Moi, ça, ce n'est pas mon problème. Moi, c'est ce qu'il a dit et pourquoi il l'a dit. Parce qu'il sait très bien à quoi ça lui sert. Et ce qu'il représente,

  • Speaker #0

    l'impact qu'il a à un président de la République.

  • Speaker #1

    Mais il sait très bien qu'il surfe sur un truc qui est latent. Parce qu'avant la révolution de 2011, parler des questions ethniques, parler des questions raciales,

  • Speaker #0

    C'était impossible. Sous Bourguiba et sous Ben Ali, ce n'était pas possible. Donc après la Révolution, on a une liberté de ton qui commence à prendre place et tu vois naître des associations de personnes qui luttent pour les droits humains. Et quand je dis de lutte pour les droits humains, c'est assez vaste. C'est les questions antiracistes, c'est les questions LGBT, c'est les questions féministes, c'est les personnes qui veulent justement essayer de revaloriser le patrimoine et l'identité. et les communautés iméziraines en Tunisie. Et tout ça, avant 2011, en fait, ce n'est pas possible. Donc déjà, ça te laisse une marge entre 1956, où la Tunisie est indépendante, et 2011. Ça te laisse une marge de pas mal de dizaines d'années où tu te dis, bon, ça, sensibiliser, parler vraiment de ces choses-là librement, ce n'est pas possible. Il y a toujours le saut de l'État. Et le saut de l'État, en fait, c'est juste de dire, non, on est tous tunisiens. Quand on a une liberté de ton qui nous permet ensuite d'avoir des organisations, il y a du bon travail qui est fourni. Est-il suffisant ? Non, parce que ce n'est pas simple. Il y a toujours la question des budgets, de comment faire, des réticences idéologiques, de dire « mais chez nous, ce n'est pas un sujet » , énormément de choses. In fine, on a quand même un peuple qui n'est pas suffisamment éduqué, et sur ces questions-là particulièrement, parce que ce n'est pas un sujet. Et on peut comprendre aussi que dans des situations de crise, On n'est pas en train de se dire que la priorité, c'est de penser aux questions raciales, ethniques. Et voilà, ce n'est pas la priorité. Quand on a un peuple aussi qui s'appauvrit parce qu'il y a un manque de vision politique et donc de vision économique, que les gens ont faim, c'est très facile de tomber dans des travers populistes. Et c'est typiquement ce que le président fait. Et le travers populiste qu'il a choisi dans ce discours-là, c'est de se dire, votre ennemi, entre autres, mais en tout cas dans ce discours-là, c'est de dire, le dernier arrivé sur le territoire, c'est lui la source de tous vos problèmes. c'est pas lui et sa gestion catastrophique du pays. Ce n'est pas lui et son manque de vision politique. C'est eux qui arrivent en grand nombre, qui viennent pour vous voler votre travail, qui viennent semer le chaos, qui sont la cause de la nouvelle criminalité qu'on observe. Et voilà. Quand ton peuple à faim n'est pas éduqué, qu'il y a un racisme latent qui n'a jamais vraiment été traité, c'est extrêmement facile de voir... de voir cette idéologie, en fait, je ne vais même pas dire prendre racine, mais reprendre racine là où elle avait peut-être été un peu estompée, etc.

  • Speaker #1

    Mais sur ce sujet-là, sans faire de la politique tunisienne, ce n'est pas le but du podcast, mais il y a une avocate, Sonia Dahmeni, pour la Cité, qui est emprisonnée parce que dans un plateau télé, elle a été vocale sur ces sujets et sur le racisme potentiel. de l'État tunisien. Elle a été embarquée tout de suite après. Je n'ai pas tous les détails, mais je pense très rapidement après. Je sais, on discutait offline, je sais et je le vois sur ton compte que tu es souvent en Tunisie. Est-ce qu'avec ce qu'on vient de décrire, est-ce que tu as peur ? Est-ce que c'est une question que tu te poses d'une réaction potentielle de la police ou je ne sais quoi par rapport à tes positions et ta nationalité ?

  • Speaker #0

    Pas pour l'instant. Pas pour l'instant. En revanche, des personnes que je côtoie, elles sont mises en danger par leurs actions, par la carrière antiraciste qu'elles ont menée à différentes échelles, etc. Et donc, moi, à côté de ça, rien du tout. Moi, je suis en Tunisie. J'arrive avec un passeport qui est mon passeport français. Les personnes qui sont mises en danger et qui, pour certaines, sont déjà comme Sonia Dahmani. qui sont emprisonnées, elles sont déjà sous le joug de ce muselage et de cette répression qui est assez foudroyante, on doit le dire, parce que ça arrivait très vite en réalité. Une succession d'arrestations extrêmement musclées qui ont pris place juste avant de nouvelles élections où le président a été réélu. Donc moi, je n'ai pas nécessairement peur pour moi, j'ai plus peur pour les gens que je connais et qui ont un courage assez formidable d'ailleurs de ne pas... pas lâcher prise et de ne pas décider de s'absoudre rien de leur conviction par peur d'un régime qui, en plus d'être répressif, est très très aléateur sur sa manière de procéder. Donc, voilà.

  • Speaker #1

    Un peu imprévisible.

  • Speaker #0

    Voilà.

  • Speaker #1

    Noël, je voulais revenir sur la masérité, on dit. Oui. En préparant cette interview, je confesse mon ignorance de certains de ces sujets. En regardant, j'ai découvert que historiquement et géographiquement, la masérité n'est pas... que dans le Maghreb, chose que je pensais, et je pense que beaucoup d'auditeurs probablement partageront ça, et que ça existait bien au-delà, dans l'Afrique subsaharienne, pour le coup, pour utiliser ce mot-là. Pourquoi on fait ce clivage-là, et pourquoi on renvoie l'Afrique du Nord à l'arabité et à l'islam ? Même moi, c'est ce que je te disais, je suis née en Tunisie, et j'entendais très peu. Parler de culture amazigh, on associe ça vite au folklore. D'où vient cet effacement et la non-existence vraiment de ce terme-là ?

  • Speaker #0

    Pour parler de la Tunisie, ça c'est le travail de Bourguiba qui a fait vraiment de très grosses manœuvres de suppression de la amazighité. Tout ce qu'il en restait, c'est du folklore. Est-ce que c'est un axe de résistance, de résilience ? C'est une adaptation qui s'est faite. Mais en réalité, les travers de tous ça, et on peut parler aussi de l'Algérie et du Maroc, le Maroc c'est un peu particulier parce qu'après l'indépendance, il y a quand même eu de la part du roi ce qu'on appelle la berbérité d'État, avec quand même une accointance avec les grands chefs à Mazire, voilà, alliance politique stratégique. Donc je pense que c'est ce qui a permis aussi la subsistance d'une identité à Mazire qu'on observe aujourd'hui peut-être plus marquée au Maroc, et quand les gens pensent à la Mazérité, ils pensent aux Marocains et ils pensent au Kabil en Algérie. Mais c'est parce qu'en fait, c'est... Voilà, il y a plusieurs raisons pour lesquelles on pense à... Il y a plein de groupes amazigh au Maroc, mais on pense au Maroc parce que c'est peut-être plus visible et parce qu'il n'y a pas eu un effacement aussi prononcé et politiquement orchestré. En tout cas, pas d'une manière aussi brutale que ça a pu l'être en Algérie ou comme ça a pu l'être en Tunisie. C'était plus en... Des choses très brutales et des choses un petit peu plus subtiles au Maroc. Et en Algérie, en Tunisie, par contre, c'était différent. Dès lors qu'il y a les indépendances et la création des identités nationales, c'est un petit peu compliqué parce qu'on en vient à se dire comment est-ce qu'on va fédérer tous ces gens-là ? Qui sont quand même des groupes différents, qui n'ont pas nécessairement les mêmes intérêts, qui ne parlent pas nécessairement tous la même langue parce qu'on dit, oui, les langues sont différentes. Mais en fait, il y en a plusieurs. Il y a un alphabet. Ça ne s'écrit pas partout de la même manière, d'ailleurs. Donc, ce n'est pas si simple. Et donc, nécessairement, peut-être aussi dans une urgence de reconstruction, d'impulser des nouvelles dynamiques post-indépendance, on se dit oui, les questions identitaires, c'est aller à la trappe. On est tous algériens, on est tous marocains, on est tous tunisiens. Les questions émasires, c'est des questions séparatistes. Et même encore aujourd'hui. Quand tu revendiques ton amazérité, il y a quelque chose de politique malgré toi, parce qu'en fait, on a l'impression que tu prends position contre une arabité qui n'est pas nécessairement d'ailleurs la nôtre. Se revendiquer amazir, c'est comme si tu es contre quelque chose. Je pense que se revendiquer amazir, c'est peut-être déjà honorer ses ancêtres, son histoire, et ensuite juste se dire, vous vous définissez en tant que tel. Moi, pour les raisons qui sont les mêmes, notamment des questions de lignage et des histoires de ma famille, je ne peux pas me revendiquer comme arabe ou autre chose ou descendant d'autre chose parce que ce n'est pas ce que je suis. Et ça doit se respecter, ça doit s'entendre. Ça fait partie de la diversité de qui nous sommes. Et ce n'est pas simple, mais il y a eu un gros travail d'effacement qui a été fait. Pourquoi on pense au Kabyle quand on pense aux Amazigh ? Et quand les gens voient le symbole Amazigh, le yes, et notamment le drapeau Amazigh, les gens pensent que c'est le drapeau. Et beaucoup de gens pensent que c'est le drapeau Kabyle. Mais pourquoi ? C'est parce qu'en fait, il y avait l'Académie Berbère qui a fait un gros travail dans les années 80. Il y avait beaucoup de penseurs Kabyle. Et notamment des massacres dans ces années-là aussi, qui ont été percutés par le pouvoir algérien, parce que justement, se revendiquait Amazigh. Et si on veut même creuser un petit peu plus... Des penseurs, des intellectuels, Emazir Kabil, qui disaient « Mais moi, non seulement je suis Emazir, je suis Kabil, je ne suis pas arabe. » Et en plus, certains avaient l'audace de se dire « Moi, je ne suis pas musulman, je suis laïque. » Mais alors là, c'était un affront pas possible. Donc, il y a eu des massacres assez incroyables qui sont documentés. Et d'ailleurs, beaucoup de pentes de l'identité Emazir aussi a pu survivre grâce aux diasporas qui étaient en France. Et avec ce... ces allers-retours de part et d'autre de la Méditerranée, il y a eu des choses qui ont été sauvegardées. D'autres qui ont été amoindries, d'autres qui ont été folklorisées et d'autres qui ont été tuées, pratiquement. Et ça, en Algérie, au Maroc et en Tunisie.

  • Speaker #1

    Et quel serait le conseil ? Je sais que beaucoup des auditeurs sont fiers de leurs identités, mais sont aussi à la recherche et veulent comprendre et font un peu un travail historique à l'échelle familiale. Peut-être, sur base de ce qu'on vient de dire et cet effacement, si quelqu'un aimerait explorer plus ou en tout cas analyser et investiguer plus en détail dans sa famille pour savoir potentiellement est-ce que cette arabité est vraiment... Est-ce que c'est de la masérité effacée ou est-ce que c'est de l'arabité ? Quel serait peut-être ton conseil par où commencer ? Parce que ça peut paraître très compliqué.

  • Speaker #0

    C'est jamais simple. Et cette arabité, qui était aussi un petit peu ce que tu me posais comme question juste avant, je pense que c'est aussi l'affiliation linguistique. Mais on peut peut-être retrouver ça, un parallèle intéressant qu'on peut faire. J'aime pas trop utiliser ce terme, mais tu sais, la communauté latina, qui est un melting pot d'absolument plein de choses, et tu te retrouves à peu près dans les mêmes travers que la communauté nord-africaine, tu vois, parce qu'il y a aussi, en Amérique, la communauté latina, ça comprend pratiquement toute la communauté hispanophone d'Amérique du Sud et d'Amérique centrale. Donc ça comprend quoi ? Dans ce terme qui veut tout dire et rien dire, ça comprend les personnes autochtones. qui sont du coup maintenant locutrices peut-être de leur langue autochtone pour celles qui la parlent encore, et de l'espagnol qui est devenu la langue nationale de ce pays après colonisation. Toutes les personnes qui ont été déportées, parce qu'il y a eu l'esclavage aussi là-bas, et des personnes qui ont été déportées d'Afrique, qui se sont métissées soit avec des colons espagnols, des personnes autochtones. Il y a un brassage ethnique et culturel qui est assez impressionnant. et on va les mettre sous la caisse « ouais, mais vous êtes des latinos » . Pour moi, en fait, c'est un peu la même chose qu'on fait aux nord-africains. C'est qu'aussi, on nous enlève la potentialité vraiment d'étudier tous les métissages contraints ou voulus. Voilà, tu n'en es pas à tout rose non plus. Il ne faut pas glorifier le métissage au nom de machin. On n'est pas United Colors of Benetton, on est un petit peu... On nous enlève aussi le droit de nous autodéfinir, déjà de un. Si on parle aussi d'un point de vue purement diasporique, il y a vraiment l'étiquette d'Arabe de France qui est extrêmement présente. Et ça aussi, c'est ce qu'on a vu pendant la colonisation française en Afrique du Nord. Quand les colons et l'anthropologie coloniale qui débarquent avec ça, parce qu'il faut bien nous étudier, nous, les indigènes, on parle de berbères, pour qualifier les populations à Mazir, et cette anthropologie qui décide juste de scinder la population en deux grosses parties. Et je ne rentre même pas dans ceux qui vont être les pieds noirs. et les personnes juives qui ont aussi été mises sur le côté dans d'autres catégories. Mais si on prend juste les personnes nord-africaines, t'avais les berbères, qui étaient juste les personnes locutrices de langue tamazirte, et les arabes, donc du coup les personnes qui parlaient l'arabe d'Alja, qui n'est même pas un arabe qui se rapprocherait de ce qu'on peut appeler l'arabe littéraire classique. Donc en réalité, il y a plein de choses qui cimentent cette étiquette d'arabe, à l'extérieur et à l'intérieur de nos pays. et des politiques de création d'identité nationale, on se dit, oui, bon, alors, vos trucs de race et des damasirités et de machin, oui, bon, pas du tout, non. On n'a pas le temps pour ça. On est Algériens, Tunisiens, Marocains. Et avec peut-être ce truc d'étiquette d'Arabe qui arrive parce qu'on est quand même... À la limite, ça me gêne qu'on parle de monde arabe pour l'Afrique du Nord parce que nous sommes Africains, avec toutes les aspérités ethniques et même de l'extérieur qui ont pu venir, qui ne sont pas nécessairement les Arabes, parce qu'en fait, on n'a pas tant d'Arabes que ça chez nous. et de personnes descendantes d'arabes. En revanche, si on parle de monde arabophone, je me dis, OK, c'est correct, ça fait un peu plus sens. Ça me paraît un peu plus plausible. Parler de monde arabe, du coup, moi, j'aimerais qu'on le définisse. Qu'est-ce que c'est et quels sont les critères ? Qu'on me définisse ce qu'est le monde arabe ? Sur quels critères ? À part la langue et, du coup, l'islam, qu'on affilie aux arabes. Mais du coup, la plus grosse communauté musulmane, c'est en Indonésie. Mais eux, on ne va pas leur dire qu'ils sont arabes. Donc, il y a des biais comme ça qui, pour moi, sont très pernicieux, mais qui, à force de répétition, de move politique, etc., ont pris place dans les esprits et les consciences collectives. Et c'est très compliqué de s'en défaire.

  • Speaker #1

    Tu as utilisé un adjectif qu'on n'a pas utilisé jusque-là, c'est berbère. Et peut-être si tu pouvais juste revenir sur Berber versus Amazir. Et je pense que souvent, le terme Amazir est préféré pour une raison étymologique, si je ne dis pas de bêtises.

  • Speaker #0

    Malheureusement, il n'est pas encore préféré.

  • Speaker #1

    Non,

  • Speaker #0

    il n'est pas encore préféré par les personnes qui connaissent le sujet. mène aussi des travaux dans le sens du respect, de la révérence ou juste de l'étude des personnes nord-africaines dans leurs aspérités et diversités. Le mot hamasir, c'est simple, ça veut dire le peuple des hommes et des femmes libres ou dignes, ça dépend des interprétations. Et c'est quand même un mot qui est utilisé par les personnes hamasir pour s'autodéfinir. Le mot berbère, en fait... Mais il a une racine gréco-latine qui est exactement la même que le mot barbare. Ça définit quand même quelqu'un qui est l'étranger, qui ne parle pas la langue. Donc c'est défini par l'autre pour nous dire que nous, nous sommes des rustres, nous ne parlons pas la langue de l'envahisseur comme s'ils étaient chez eux alors qu'on est chez nous. Donc il y a un vrai problème avec le mot berbère. C'est pour ça qu'on aimerait que de plus en plus, même si je pense qu'en plus ça constitue un vrai effort pour les personnes de dire pas les arabes, pas les nord-africains, pas les maghrébins, les berbères. Je sais qu'il y a un processus en plus. On va essayer de cibler vraiment de qui on veut parler là. C'est toujours pas ça.

  • Speaker #1

    C'est sur le bon chemin.

  • Speaker #0

    Parce que beaucoup de personnes aussi ignorent. Et il y a des personnes même qui pensent que Amazigh et Berber, on ne parle pas des mêmes personnes. Il y a aussi beaucoup de personnes qui disent « Mais en fait, du coup, c'est quoi la différence ? » La différence, c'est qu'il y en a une, c'est un peu insultant. C'est toujours comment tu es perçu dans le regard de l'autre et de celui qui vient chez toi en te disant que tu n'es pas chez toi. Et l'autre, c'est comment nous, on s'autodéfinit avec des valeurs qui sont les nôtres. Tout simplement, mais difficilement, du coup.

  • Speaker #1

    Non, merci. Je pense que c'est important de définir.

  • Speaker #0

    Merci pour cette question.

  • Speaker #1

    Naoued, on va passer sur des thèmes un peu plus philosophiques et plus sur ta personne. Quelle serait ta définition de la réussite ?

  • Speaker #0

    Je sais. Franchement, pour moi, la définition de la réussite, je ne sais pas, c'est être heureux. Qu'importe. Moi, je ne suis pas là, tu vois, pour... Je pense qu'on a chacun notre définition de la réussite. Très facile à dire, un peu plus compliqué à mettre en application parce qu'en plus, on est en constante évolution.

  • Speaker #1

    Je ne sais pas ce que ça veut dire.

  • Speaker #0

    Être heureux, pour moi, c'est ça, réussir. Parce que ce n'est pas facile. Non. Être heureux. et faire ce qu'il faut pour l'être et essayer de pérenniser le truc, même si ce n'est pas un état. La vie est toujours en dents de scie, ce n'est pas un long fleuve tranquille, etc. Mais il faut faire ce qu'il faut pour être heureux. Pas de jugement du moment que tu ne portes pas préjudice à quelqu'un.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce que tu dirais à la Nawel enfant ?

  • Speaker #0

    Tu n'es pas prête pour ce qui t'attend, mais vas-y. C'est ça que je lui dirais. J'ai fait une interview il y a quelques jours, on m'a posé cette même question. Et ce n'était pas une interview où tu vas enregistrer comme ça. J'ai eu le temps de réfléchir. J'y ai réfléchi, je me suis dit, mais je suis en écho. Mais in fine, c'est ça. Je pense qu'à la Nawal d'avant, je lui dirais Ausha, tu penses que là où tu vas, tu fais fausse route, tu fais pas du tout fausse route. Vas-y, continue. T'es pas prête pour ce qui t'attend, tu seras très agréablement surprise et t'auras raison de pas lâcher. Et t'es pas folle. T'es pas folle.

  • Speaker #1

    Pourquoi ? Parce qu'on t'a fait passer pour folle ?

  • Speaker #0

    Oui mais non. encore. Tout à fait. Tu es une femme, a priori, tu es une hystérique, tu as de l'expertise sur rien. Tout ce que tu dis, c'est d'une affabulation, c'est fantasmé. Et oui, en dehors de ça, même dans ma vie personnelle, tu vois être... Oui, bien sûr, on m'a toujours dit que j'étais folle. J'accepte. Mais pas folle comme ce qu'il disait. Folle autrement.

  • Speaker #1

    On va passer à la dernière partie de l'interview, Noël. Et c'est des petites questions. Le but, c'est de répondre du tac au tac. Un terme à masir que tu aimes particulièrement ?

  • Speaker #0

    Tu vois, c'est juste ce qu'on disait par rapport au fait de s'autodéfinir en tant qu'amazir. Moi, la liberté, je me rends compte que dans ma vie, c'est toujours ce qui me porte. Il faut lutter pour sa liberté parce qu'en fait, dans la vie, malheureusement, on n'est pas tous égaux. On n'a pas tous les mêmes chances. Il y a des victoires qu'il faut arracher. Et en fait, moi, je me rends compte que tout ce qui m'anime constamment, c'est toujours une quête de liberté, de plus de liberté. ça veut pas dire que j'ai pas d'accroche et que j'ai pas d'attache etc tu vois c'est pas antinomique avec les ancrages mais je me rends compte que moi en fait c'est ma quête ultime en fait c'est la liberté finalement donc du coup le mot amazigh me va très bien qui veut dire le peuple des femmes et des hommes libres et je me dis mais je suis dedans on est là quoi il y a l'alignement c'est ouais vraiment un livre oh my god j'en ai tellement C'est un livre d'Amadou Empateba. En vrai, il faut lire tous les livres d'Amadou Empateba. Mais un seul. Oui. OK, bon. Mais bon, j'ai dit qu'il fallait tous les lire. J'ai dit qu'il fallait tous les lire. Mais c'est le livre qu'il écrit sur la vie de Thierno Bocard. « Enseignement et vie de Thiernio Bocart, le sage de Bandiagara » . Et c'est un livre que lui a écrit sur celui qui était un peu son... C'est pas son maître à penser, parce que justement, il y avait tellement de liberté, mais pas de jugement non plus dans sa manière d'accompagner Amadou Empateba pendant sa jeunesse et dans son parcours spirituel, etc. Moi, c'est un livre qui m'a fait pleurer, qui m'a apporté énormément, spirituellement, historiquement. Ah ouais, si vous avez l'opportunité de vous procurer ce livre, si vous ne le connaissez pas et que vous ne l'avez pas lu, Il faut lire ce livre, vous en ressortirez pas indemne, mais positivement.

  • Speaker #1

    Ton plat préféré ?

  • Speaker #0

    Je vais dire un truc parce que c'est plus Madeleine de Proust qu'autre chose. C'est pas mon plat préféré, mais c'est là où j'ai une affection particulière. En vrai, le couscous de mon père.

  • Speaker #1

    Donc un couscous algérien ?

  • Speaker #0

    Ouais, sauce rouge. Pas sauce blanche, mais ah non. Pardon, mais pas de blague.

  • Speaker #1

    Et une femme que tu me recommanderais d'inviter sur le podcast ?

  • Speaker #0

    Oh les problèmes.

  • Speaker #1

    une et ça veut pas dire que les autres ne sont pas

  • Speaker #0

    Chara ton coeur alors attends là j'ai besoin de réfléchir invite Naïra invite Naïra parce que ce qu'elle fait musicalement c'est très fort et l'aura qu'elle développe autour de sa propre construction identitaire qui est entre autres Amazir déjà moi j'aime beaucoup sa musique mais en dehors de ça la manière dont elle le fait je la trouve très actuelle très intelligente Et la manière de se réapproprier plein de nos codes, vraiment, ce qu'elle fait, c'est de l'excellent travail avec une très belle intelligence derrière. Et c'est une belle personne. Il faut inviter Naïra.

  • Speaker #1

    Rajouter à ma liste. Ouais. Nawel, merci infiniment. C'était un plaisir d'échanger avec toi.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup. Plaisir partagé. Merci infiniment.

  • Speaker #1

    À très bientôt.

  • Speaker #0

    À bientôt.

  • Speaker #1

    Cet épisode de Réal est maintenant terminé. Je vous remercie sincèrement de l'avoir écouté jusqu'au bout. Ce qui, j'espère, veut dire que vous l'avez apprécié. N'hésitez pas à le partager autour de vous, avec des amis ou sur les réseaux sociaux. C'est ce qui permet au podcast de grandir. Vous pouvez aussi le noter 5 étoiles et me laisser un petit commentaire. C'est un vrai plaisir de les lire. Si vous avez des questions ou voulez me suggérer une invité, n'hésitez pas à me contacter sur la page Instagram « Heya underscore podcast » . A très bientôt.

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