« Perdez dans la dignité et gagnez sobrement » : quelques leçons de vie de Makhtar Diop, Directeur général d’IFC cover
« Perdez dans la dignité et gagnez sobrement » : quelques leçons de vie de Makhtar Diop, Directeur général d’IFC cover
Impossible-Possible (version française)

« Perdez dans la dignité et gagnez sobrement » : quelques leçons de vie de Makhtar Diop, Directeur général d’IFC

« Perdez dans la dignité et gagnez sobrement » : quelques leçons de vie de Makhtar Diop, Directeur général d’IFC

10min |24/10/2024
Play
« Perdez dans la dignité et gagnez sobrement » : quelques leçons de vie de Makhtar Diop, Directeur général d’IFC cover
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Description

Comment un jeune ministre de l’Économie et des Finances du Sénégal a-t-il navigué dans les complexités du pouvoir tout en gardant l'humilité et le respect au cœur de ses actions ? Dans cet épisode captivant d’Impossible • Possible, Makhtar Diop, directeur général d’International Finance Corporation, partage son parcours inspirant. Il déclare : "La confiance se construit sur le long terme, mais elle peut se perdre en un instant." À travers ses réflexions, il nous invite à prendre des risques, tout en soulignant l'importance d'encourager les autres à dépasser leurs limites. Découvrez comment les choix déterminants de sa vie, l'influence de sa famille et son éducation ont façonné ce leader visionnaire.


À propos du podcast Impossible • Possible

Pour ses 160 ans, Société Générale a voulu célébrer ses relations de confiance avec celles et ceux sans qui rien n’aurait été possible, ses clients et partenaires. Ainsi est né le projet artistique Impossible • Possible. Le photographe Marco D’Anna a réalisé pour le compte du Groupe une série de 75 portraits de ces derniers, entrepreneur(e)s, médecins, financiers, familles, bénévoles, musiciennes, industriels… Nous allons voulu aller au-delà des images…Découvrez ces histoires humaines, où l’impossible devient possible, ces récits authentiques où les protagonistes vous dévoilent leurs parcours, leurs visions, leurs passions.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Makhtar Diop

    C'est une constellation d'événements qui font ce que je suis. Il y a des moments précis de ma vie, il y a eu des choix à faire, des décisions, avec une dose de spontanéité, une dose de réflexion, qui m'ont mené à être ce que je suis. Donc, il n'y a pas un événement, il y a une succession d'événements qui m'ont mené à un chemin critique qui fait ce que je suis. Je suis vraiment chanceux d'avoir la vie que j'ai eue. Une vie où j'ai eu une famille qui était dans un sens très ancrée dans notre tradition, mais également avec une ouverture extraordinaire. Et j'ai vécu dans un environnement où comprendre notre tradition et être très fier de ce qu'on est, était important et je crois que ce mix m'a beaucoup aidé à être ce que je suis. Il y avait quelque chose que mon père disait : « Respecte tout le monde. Traite la personne qui est hiérarchiquement en dessous de toi de la même manière que tu traites la personne qui est une personne de pouvoir. » Et donc ce rapport au pouvoir, très tôt on nous a inculqué que ce n'était pas la chose la plus importante, il fallait faire la chose juste. Donc c'était dans cette ambiance que l'on vivait. Quand j'ai commencé à diriger des négociations avec le Fonds monétaire et la Banque mondiale du côté du Sénégal, j'avais 26 ans, donc c'est relativement jeune. J'ai décidé de faire des études d'économie et d'approfondir l'économie parce que j'avais surtout fait de la finance et de l'économie, mais je voulais maintenant me spécialiser en économie et je voulais le faire dans un pays de langue anglaise. Donc j'ai étudié à l'université de Warwick et à l'université de Nottingham, puis je suis allé ensuite au Fonds monétaire où j'ai travaillé aussi comme économiste. Quand il y a eu un changement de gouvernement dans les années 2000, j'avais 39 ans, j'étais relativement jeune aussi. J'ai été appelé à occuper les fonctions de ministre de l'économie et des finances du Sénégal. C'était vraiment l'un des premiers gouvernements de coalition. Ça a été une aventure extraordinaire parce que j'étais avec tous les chefs de partis d'une coalition. Il fallait passer de l'époque où l'on écrivait des notes et conseillait un ministre, à une position où l'on était celui qui devait prendre les décisions et subir immédiatement les conséquences de ces décisions. Et je crois que tant que l'on n'a pas fait ce pas, on ne réalise pas des fois la complexité qu'il y a à prendre ces décisions, à les faire accepter en conseil des ministres, à convaincre le chef de l'État quand cela est nécessaire, à pouvoir prendre des responsabilités qui protègent le gouvernement. Et tout ce parcours m'a enrichi et m'a permis, je crois, lorsque j'ai occupé les fonctions à la Banque mondiale de directeur, puis de vice-président et de directeur général de la SFI maintenant, de voir les choses de différents angles. Et je pense que dans mes fonctions, j'ai bâti à chaque fois sur l'expérience antérieure ou les expériences antérieures que j'ai eues pour pouvoir essayer d'apporter des solutions. Dans certains cas, certaines décisions requièrent qu'on pense et qu'on aborde l'inconnu avec un certain regard. Et des fois, comme ils disent en anglais, il y a un saut de confiance qu'on doit faire « Leap of faith ». On doit se dire : « Écoutez, là, je ne suis pas sûr. Peut-être moitié vert, moitié plein, moitié vide, moitié vert. Est-ce que je dois le faire, je ne dois pas le faire ? » Et à ces moments où l'on doit prendre une décision rapidement, sans vraiment avoir beaucoup de temps pour réfléchir, la confiance est un élément important. Et si on ne l'a pas, on ne peut pas prendre certaines décisions qui sont des décisions opportunes, mais opportunes qui doivent être prises dans un moment très court. C'est surtout ça qui est important. À un moment, il faut prendre la décision maintenant. On ne peut pas la différer. Ce n'est pas dans 10 ans, ce n'est pas dans 20 ans, ce n'est pas dans un mois, c'est maintenant, à l'instant. C'est la réalité qui nous interpelle. À ce moment, on regarde la personne dans les yeux et puis on se dit : « écoute, est-ce que je peux faire ce pari avec cette personne ou pas ? » Donc pour moi, c'est ça la confiance. Maintenant, cela étant dit, cette confiance se bâtit sur une longue durée et cette confiance se perd très rapidement. Donc c'est quelque chose de tout à fait asymétrique. Ça prend du temps pour gagner cette confiance, et on la perd très facilement. Et ce n'est pas seulement vis-à-vis de ces interlocuteurs, c'est vis-à-vis de ces équipes. Des fois, et je donne des fois un exemple qui peut paraître très trivial et très simple. Pour ceux d'entre nous qui ont des enfants et qui leur ont appris à nager, au début vous vous dites que le gamin a une bouée, ou que la gamine a une bouée, on enlève sa bouée, on lui dit : « Maintenant vous avez appris à nager la brasse, vous pouvez faire deux, trois brassées. » Ils boivent la tasse, une ou deux fois, ils sont mécontents, on leur dit : « non, tu peux le faire mon fils ou ma fille, allez, cinq mètres de plus, trois mètres de plus, quatre mètres…» et un jour, vous dites : « mon fils ou ma fille ou mon neveu, on te lance dans la piscine et tu vas faire toute la longueur. » Pendant cette durée, cette personne se pose beaucoup de questions. Des fois, elle ne vous aime pas du tout. « Je bois la tasse, je déteste, pourquoi est-ce qu'on m'a forcé à le faire ? » Mais lorsque la personne arrive au bout de la piscine et dit « j'ai fait quelque chose que je n'ai jamais réussi à faire » et vous fait ce grand sourire, c'est quelque chose d'unique. Et pour que cette personne fasse ce chemin avec vous, il faut que vous ayez bâti cette confiance. Quand il s'agit d'enfants ou de familles ou de jeunes proches, cette confiance existe, elle a été bâtie depuis la naissance. Quand c'est des gens avec qui vous avez cheminé pendant une période plus courte, il faudrait que cette confiance existe. Et la vie, le développement, c'est ça. On plonge dans la piscine, des fois on se dit qu'on ne peut pas arriver au bout de la piscine mais on peut y arriver et on y arrive et quand on y arrive, on accomplit tous ensemble quelque chose de spécial. Le pendant de la confiance est la responsabilité. Quand à 39 ans j'ai été choisi pour administrer l'économie et les finances de mon propre pays, pour la première fois qu'il y avait un changement d'administration, c'est une responsabilité énorme. On a une obligation et un devoir de ne pas décevoir les gens qu'on sert. De la même manière dans mes fonctions actuelles, c'est beaucoup de responsabilités. Il ne faut pas décevoir, mais ne pas décevoir ne doit pas vous rendre conservateur, ne doit pas annihiler votre habilité à créer, à prendre des risques. Et je crois que le sport a contribué à cela pour moi. Mon père nous a tous forcés à faire du sport et mon entraîneur d'athlétisme qui m'a beaucoup formé était allé aux Jeux Olympiques trois fois, il était finaliste. Il nous disait ceci: « Perdez dans la dignité et gagnez sobrement. » Et c'est pourquoi que même en sport, j'avais pris l'habitude de célébrer. Il disait que c'était une manière de respecter aussi son adversaire. Et ça, il nous l'a vraiment inculqué. Une autre chose, c'est que si vous étiez entraîné comme il le fallait, il n'y aurait jamais eu de confusion pour que l'arbitre puisse interpréter une décision dans un sens ou l'autre. Donc, c'est deux valeurs où on se remet en cause, où on ne cherche pas des excuses à ses échecs, parce que dans la vie on a de nombreux échecs. Et d'apprendre de ça c'est important. Et le deuxième, c'est de respecter les gens. Parce que de la même manière que j'ai eu une carrière dont je suis fier, il y a beaucoup d'autres personnes qui avaient des capacités intellectuelles peut-être beaucoup plus élevées que les miennes, qui n'ont pas eu l'opportunité, la chance ou les circonstances qui les ont menés là où je suis. Et donc, je pense qu'il faut avec humilité se dire qu'on n'est pas unique. Une des questions, pour tout vous dire, qui me gêne souvent, c'est quand on me dit : « Ah, vous êtes le premier Africain à être dans telle ou telle position, donc vous êtes spécial. » Non, je ne suis pas spécial du tout. Il y a des centaines d'Africains qui pourraient être là où je suis. Et c'est simplement les circonstances... Et quand on me pose cette question, je leur demande souvent : « Est-ce que vous poseriez la même question si c'était un Européen ou un Asiatique ? » Donc, je ne me sens pas du tout spécial ou exceptionnel. C'est juste les circonstances de la vie qui m'ont mené là où je suis.

Description

Comment un jeune ministre de l’Économie et des Finances du Sénégal a-t-il navigué dans les complexités du pouvoir tout en gardant l'humilité et le respect au cœur de ses actions ? Dans cet épisode captivant d’Impossible • Possible, Makhtar Diop, directeur général d’International Finance Corporation, partage son parcours inspirant. Il déclare : "La confiance se construit sur le long terme, mais elle peut se perdre en un instant." À travers ses réflexions, il nous invite à prendre des risques, tout en soulignant l'importance d'encourager les autres à dépasser leurs limites. Découvrez comment les choix déterminants de sa vie, l'influence de sa famille et son éducation ont façonné ce leader visionnaire.


À propos du podcast Impossible • Possible

Pour ses 160 ans, Société Générale a voulu célébrer ses relations de confiance avec celles et ceux sans qui rien n’aurait été possible, ses clients et partenaires. Ainsi est né le projet artistique Impossible • Possible. Le photographe Marco D’Anna a réalisé pour le compte du Groupe une série de 75 portraits de ces derniers, entrepreneur(e)s, médecins, financiers, familles, bénévoles, musiciennes, industriels… Nous allons voulu aller au-delà des images…Découvrez ces histoires humaines, où l’impossible devient possible, ces récits authentiques où les protagonistes vous dévoilent leurs parcours, leurs visions, leurs passions.


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Transcription

  • Makhtar Diop

    C'est une constellation d'événements qui font ce que je suis. Il y a des moments précis de ma vie, il y a eu des choix à faire, des décisions, avec une dose de spontanéité, une dose de réflexion, qui m'ont mené à être ce que je suis. Donc, il n'y a pas un événement, il y a une succession d'événements qui m'ont mené à un chemin critique qui fait ce que je suis. Je suis vraiment chanceux d'avoir la vie que j'ai eue. Une vie où j'ai eu une famille qui était dans un sens très ancrée dans notre tradition, mais également avec une ouverture extraordinaire. Et j'ai vécu dans un environnement où comprendre notre tradition et être très fier de ce qu'on est, était important et je crois que ce mix m'a beaucoup aidé à être ce que je suis. Il y avait quelque chose que mon père disait : « Respecte tout le monde. Traite la personne qui est hiérarchiquement en dessous de toi de la même manière que tu traites la personne qui est une personne de pouvoir. » Et donc ce rapport au pouvoir, très tôt on nous a inculqué que ce n'était pas la chose la plus importante, il fallait faire la chose juste. Donc c'était dans cette ambiance que l'on vivait. Quand j'ai commencé à diriger des négociations avec le Fonds monétaire et la Banque mondiale du côté du Sénégal, j'avais 26 ans, donc c'est relativement jeune. J'ai décidé de faire des études d'économie et d'approfondir l'économie parce que j'avais surtout fait de la finance et de l'économie, mais je voulais maintenant me spécialiser en économie et je voulais le faire dans un pays de langue anglaise. Donc j'ai étudié à l'université de Warwick et à l'université de Nottingham, puis je suis allé ensuite au Fonds monétaire où j'ai travaillé aussi comme économiste. Quand il y a eu un changement de gouvernement dans les années 2000, j'avais 39 ans, j'étais relativement jeune aussi. J'ai été appelé à occuper les fonctions de ministre de l'économie et des finances du Sénégal. C'était vraiment l'un des premiers gouvernements de coalition. Ça a été une aventure extraordinaire parce que j'étais avec tous les chefs de partis d'une coalition. Il fallait passer de l'époque où l'on écrivait des notes et conseillait un ministre, à une position où l'on était celui qui devait prendre les décisions et subir immédiatement les conséquences de ces décisions. Et je crois que tant que l'on n'a pas fait ce pas, on ne réalise pas des fois la complexité qu'il y a à prendre ces décisions, à les faire accepter en conseil des ministres, à convaincre le chef de l'État quand cela est nécessaire, à pouvoir prendre des responsabilités qui protègent le gouvernement. Et tout ce parcours m'a enrichi et m'a permis, je crois, lorsque j'ai occupé les fonctions à la Banque mondiale de directeur, puis de vice-président et de directeur général de la SFI maintenant, de voir les choses de différents angles. Et je pense que dans mes fonctions, j'ai bâti à chaque fois sur l'expérience antérieure ou les expériences antérieures que j'ai eues pour pouvoir essayer d'apporter des solutions. Dans certains cas, certaines décisions requièrent qu'on pense et qu'on aborde l'inconnu avec un certain regard. Et des fois, comme ils disent en anglais, il y a un saut de confiance qu'on doit faire « Leap of faith ». On doit se dire : « Écoutez, là, je ne suis pas sûr. Peut-être moitié vert, moitié plein, moitié vide, moitié vert. Est-ce que je dois le faire, je ne dois pas le faire ? » Et à ces moments où l'on doit prendre une décision rapidement, sans vraiment avoir beaucoup de temps pour réfléchir, la confiance est un élément important. Et si on ne l'a pas, on ne peut pas prendre certaines décisions qui sont des décisions opportunes, mais opportunes qui doivent être prises dans un moment très court. C'est surtout ça qui est important. À un moment, il faut prendre la décision maintenant. On ne peut pas la différer. Ce n'est pas dans 10 ans, ce n'est pas dans 20 ans, ce n'est pas dans un mois, c'est maintenant, à l'instant. C'est la réalité qui nous interpelle. À ce moment, on regarde la personne dans les yeux et puis on se dit : « écoute, est-ce que je peux faire ce pari avec cette personne ou pas ? » Donc pour moi, c'est ça la confiance. Maintenant, cela étant dit, cette confiance se bâtit sur une longue durée et cette confiance se perd très rapidement. Donc c'est quelque chose de tout à fait asymétrique. Ça prend du temps pour gagner cette confiance, et on la perd très facilement. Et ce n'est pas seulement vis-à-vis de ces interlocuteurs, c'est vis-à-vis de ces équipes. Des fois, et je donne des fois un exemple qui peut paraître très trivial et très simple. Pour ceux d'entre nous qui ont des enfants et qui leur ont appris à nager, au début vous vous dites que le gamin a une bouée, ou que la gamine a une bouée, on enlève sa bouée, on lui dit : « Maintenant vous avez appris à nager la brasse, vous pouvez faire deux, trois brassées. » Ils boivent la tasse, une ou deux fois, ils sont mécontents, on leur dit : « non, tu peux le faire mon fils ou ma fille, allez, cinq mètres de plus, trois mètres de plus, quatre mètres…» et un jour, vous dites : « mon fils ou ma fille ou mon neveu, on te lance dans la piscine et tu vas faire toute la longueur. » Pendant cette durée, cette personne se pose beaucoup de questions. Des fois, elle ne vous aime pas du tout. « Je bois la tasse, je déteste, pourquoi est-ce qu'on m'a forcé à le faire ? » Mais lorsque la personne arrive au bout de la piscine et dit « j'ai fait quelque chose que je n'ai jamais réussi à faire » et vous fait ce grand sourire, c'est quelque chose d'unique. Et pour que cette personne fasse ce chemin avec vous, il faut que vous ayez bâti cette confiance. Quand il s'agit d'enfants ou de familles ou de jeunes proches, cette confiance existe, elle a été bâtie depuis la naissance. Quand c'est des gens avec qui vous avez cheminé pendant une période plus courte, il faudrait que cette confiance existe. Et la vie, le développement, c'est ça. On plonge dans la piscine, des fois on se dit qu'on ne peut pas arriver au bout de la piscine mais on peut y arriver et on y arrive et quand on y arrive, on accomplit tous ensemble quelque chose de spécial. Le pendant de la confiance est la responsabilité. Quand à 39 ans j'ai été choisi pour administrer l'économie et les finances de mon propre pays, pour la première fois qu'il y avait un changement d'administration, c'est une responsabilité énorme. On a une obligation et un devoir de ne pas décevoir les gens qu'on sert. De la même manière dans mes fonctions actuelles, c'est beaucoup de responsabilités. Il ne faut pas décevoir, mais ne pas décevoir ne doit pas vous rendre conservateur, ne doit pas annihiler votre habilité à créer, à prendre des risques. Et je crois que le sport a contribué à cela pour moi. Mon père nous a tous forcés à faire du sport et mon entraîneur d'athlétisme qui m'a beaucoup formé était allé aux Jeux Olympiques trois fois, il était finaliste. Il nous disait ceci: « Perdez dans la dignité et gagnez sobrement. » Et c'est pourquoi que même en sport, j'avais pris l'habitude de célébrer. Il disait que c'était une manière de respecter aussi son adversaire. Et ça, il nous l'a vraiment inculqué. Une autre chose, c'est que si vous étiez entraîné comme il le fallait, il n'y aurait jamais eu de confusion pour que l'arbitre puisse interpréter une décision dans un sens ou l'autre. Donc, c'est deux valeurs où on se remet en cause, où on ne cherche pas des excuses à ses échecs, parce que dans la vie on a de nombreux échecs. Et d'apprendre de ça c'est important. Et le deuxième, c'est de respecter les gens. Parce que de la même manière que j'ai eu une carrière dont je suis fier, il y a beaucoup d'autres personnes qui avaient des capacités intellectuelles peut-être beaucoup plus élevées que les miennes, qui n'ont pas eu l'opportunité, la chance ou les circonstances qui les ont menés là où je suis. Et donc, je pense qu'il faut avec humilité se dire qu'on n'est pas unique. Une des questions, pour tout vous dire, qui me gêne souvent, c'est quand on me dit : « Ah, vous êtes le premier Africain à être dans telle ou telle position, donc vous êtes spécial. » Non, je ne suis pas spécial du tout. Il y a des centaines d'Africains qui pourraient être là où je suis. Et c'est simplement les circonstances... Et quand on me pose cette question, je leur demande souvent : « Est-ce que vous poseriez la même question si c'était un Européen ou un Asiatique ? » Donc, je ne me sens pas du tout spécial ou exceptionnel. C'est juste les circonstances de la vie qui m'ont mené là où je suis.

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Comment un jeune ministre de l’Économie et des Finances du Sénégal a-t-il navigué dans les complexités du pouvoir tout en gardant l'humilité et le respect au cœur de ses actions ? Dans cet épisode captivant d’Impossible • Possible, Makhtar Diop, directeur général d’International Finance Corporation, partage son parcours inspirant. Il déclare : "La confiance se construit sur le long terme, mais elle peut se perdre en un instant." À travers ses réflexions, il nous invite à prendre des risques, tout en soulignant l'importance d'encourager les autres à dépasser leurs limites. Découvrez comment les choix déterminants de sa vie, l'influence de sa famille et son éducation ont façonné ce leader visionnaire.


À propos du podcast Impossible • Possible

Pour ses 160 ans, Société Générale a voulu célébrer ses relations de confiance avec celles et ceux sans qui rien n’aurait été possible, ses clients et partenaires. Ainsi est né le projet artistique Impossible • Possible. Le photographe Marco D’Anna a réalisé pour le compte du Groupe une série de 75 portraits de ces derniers, entrepreneur(e)s, médecins, financiers, familles, bénévoles, musiciennes, industriels… Nous allons voulu aller au-delà des images…Découvrez ces histoires humaines, où l’impossible devient possible, ces récits authentiques où les protagonistes vous dévoilent leurs parcours, leurs visions, leurs passions.


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  • Makhtar Diop

    C'est une constellation d'événements qui font ce que je suis. Il y a des moments précis de ma vie, il y a eu des choix à faire, des décisions, avec une dose de spontanéité, une dose de réflexion, qui m'ont mené à être ce que je suis. Donc, il n'y a pas un événement, il y a une succession d'événements qui m'ont mené à un chemin critique qui fait ce que je suis. Je suis vraiment chanceux d'avoir la vie que j'ai eue. Une vie où j'ai eu une famille qui était dans un sens très ancrée dans notre tradition, mais également avec une ouverture extraordinaire. Et j'ai vécu dans un environnement où comprendre notre tradition et être très fier de ce qu'on est, était important et je crois que ce mix m'a beaucoup aidé à être ce que je suis. Il y avait quelque chose que mon père disait : « Respecte tout le monde. Traite la personne qui est hiérarchiquement en dessous de toi de la même manière que tu traites la personne qui est une personne de pouvoir. » Et donc ce rapport au pouvoir, très tôt on nous a inculqué que ce n'était pas la chose la plus importante, il fallait faire la chose juste. Donc c'était dans cette ambiance que l'on vivait. Quand j'ai commencé à diriger des négociations avec le Fonds monétaire et la Banque mondiale du côté du Sénégal, j'avais 26 ans, donc c'est relativement jeune. J'ai décidé de faire des études d'économie et d'approfondir l'économie parce que j'avais surtout fait de la finance et de l'économie, mais je voulais maintenant me spécialiser en économie et je voulais le faire dans un pays de langue anglaise. Donc j'ai étudié à l'université de Warwick et à l'université de Nottingham, puis je suis allé ensuite au Fonds monétaire où j'ai travaillé aussi comme économiste. Quand il y a eu un changement de gouvernement dans les années 2000, j'avais 39 ans, j'étais relativement jeune aussi. J'ai été appelé à occuper les fonctions de ministre de l'économie et des finances du Sénégal. C'était vraiment l'un des premiers gouvernements de coalition. Ça a été une aventure extraordinaire parce que j'étais avec tous les chefs de partis d'une coalition. Il fallait passer de l'époque où l'on écrivait des notes et conseillait un ministre, à une position où l'on était celui qui devait prendre les décisions et subir immédiatement les conséquences de ces décisions. Et je crois que tant que l'on n'a pas fait ce pas, on ne réalise pas des fois la complexité qu'il y a à prendre ces décisions, à les faire accepter en conseil des ministres, à convaincre le chef de l'État quand cela est nécessaire, à pouvoir prendre des responsabilités qui protègent le gouvernement. Et tout ce parcours m'a enrichi et m'a permis, je crois, lorsque j'ai occupé les fonctions à la Banque mondiale de directeur, puis de vice-président et de directeur général de la SFI maintenant, de voir les choses de différents angles. Et je pense que dans mes fonctions, j'ai bâti à chaque fois sur l'expérience antérieure ou les expériences antérieures que j'ai eues pour pouvoir essayer d'apporter des solutions. Dans certains cas, certaines décisions requièrent qu'on pense et qu'on aborde l'inconnu avec un certain regard. Et des fois, comme ils disent en anglais, il y a un saut de confiance qu'on doit faire « Leap of faith ». On doit se dire : « Écoutez, là, je ne suis pas sûr. Peut-être moitié vert, moitié plein, moitié vide, moitié vert. Est-ce que je dois le faire, je ne dois pas le faire ? » Et à ces moments où l'on doit prendre une décision rapidement, sans vraiment avoir beaucoup de temps pour réfléchir, la confiance est un élément important. Et si on ne l'a pas, on ne peut pas prendre certaines décisions qui sont des décisions opportunes, mais opportunes qui doivent être prises dans un moment très court. C'est surtout ça qui est important. À un moment, il faut prendre la décision maintenant. On ne peut pas la différer. Ce n'est pas dans 10 ans, ce n'est pas dans 20 ans, ce n'est pas dans un mois, c'est maintenant, à l'instant. C'est la réalité qui nous interpelle. À ce moment, on regarde la personne dans les yeux et puis on se dit : « écoute, est-ce que je peux faire ce pari avec cette personne ou pas ? » Donc pour moi, c'est ça la confiance. Maintenant, cela étant dit, cette confiance se bâtit sur une longue durée et cette confiance se perd très rapidement. Donc c'est quelque chose de tout à fait asymétrique. Ça prend du temps pour gagner cette confiance, et on la perd très facilement. Et ce n'est pas seulement vis-à-vis de ces interlocuteurs, c'est vis-à-vis de ces équipes. Des fois, et je donne des fois un exemple qui peut paraître très trivial et très simple. Pour ceux d'entre nous qui ont des enfants et qui leur ont appris à nager, au début vous vous dites que le gamin a une bouée, ou que la gamine a une bouée, on enlève sa bouée, on lui dit : « Maintenant vous avez appris à nager la brasse, vous pouvez faire deux, trois brassées. » Ils boivent la tasse, une ou deux fois, ils sont mécontents, on leur dit : « non, tu peux le faire mon fils ou ma fille, allez, cinq mètres de plus, trois mètres de plus, quatre mètres…» et un jour, vous dites : « mon fils ou ma fille ou mon neveu, on te lance dans la piscine et tu vas faire toute la longueur. » Pendant cette durée, cette personne se pose beaucoup de questions. Des fois, elle ne vous aime pas du tout. « Je bois la tasse, je déteste, pourquoi est-ce qu'on m'a forcé à le faire ? » Mais lorsque la personne arrive au bout de la piscine et dit « j'ai fait quelque chose que je n'ai jamais réussi à faire » et vous fait ce grand sourire, c'est quelque chose d'unique. Et pour que cette personne fasse ce chemin avec vous, il faut que vous ayez bâti cette confiance. Quand il s'agit d'enfants ou de familles ou de jeunes proches, cette confiance existe, elle a été bâtie depuis la naissance. Quand c'est des gens avec qui vous avez cheminé pendant une période plus courte, il faudrait que cette confiance existe. Et la vie, le développement, c'est ça. On plonge dans la piscine, des fois on se dit qu'on ne peut pas arriver au bout de la piscine mais on peut y arriver et on y arrive et quand on y arrive, on accomplit tous ensemble quelque chose de spécial. Le pendant de la confiance est la responsabilité. Quand à 39 ans j'ai été choisi pour administrer l'économie et les finances de mon propre pays, pour la première fois qu'il y avait un changement d'administration, c'est une responsabilité énorme. On a une obligation et un devoir de ne pas décevoir les gens qu'on sert. De la même manière dans mes fonctions actuelles, c'est beaucoup de responsabilités. Il ne faut pas décevoir, mais ne pas décevoir ne doit pas vous rendre conservateur, ne doit pas annihiler votre habilité à créer, à prendre des risques. Et je crois que le sport a contribué à cela pour moi. Mon père nous a tous forcés à faire du sport et mon entraîneur d'athlétisme qui m'a beaucoup formé était allé aux Jeux Olympiques trois fois, il était finaliste. Il nous disait ceci: « Perdez dans la dignité et gagnez sobrement. » Et c'est pourquoi que même en sport, j'avais pris l'habitude de célébrer. Il disait que c'était une manière de respecter aussi son adversaire. Et ça, il nous l'a vraiment inculqué. Une autre chose, c'est que si vous étiez entraîné comme il le fallait, il n'y aurait jamais eu de confusion pour que l'arbitre puisse interpréter une décision dans un sens ou l'autre. Donc, c'est deux valeurs où on se remet en cause, où on ne cherche pas des excuses à ses échecs, parce que dans la vie on a de nombreux échecs. Et d'apprendre de ça c'est important. Et le deuxième, c'est de respecter les gens. Parce que de la même manière que j'ai eu une carrière dont je suis fier, il y a beaucoup d'autres personnes qui avaient des capacités intellectuelles peut-être beaucoup plus élevées que les miennes, qui n'ont pas eu l'opportunité, la chance ou les circonstances qui les ont menés là où je suis. Et donc, je pense qu'il faut avec humilité se dire qu'on n'est pas unique. Une des questions, pour tout vous dire, qui me gêne souvent, c'est quand on me dit : « Ah, vous êtes le premier Africain à être dans telle ou telle position, donc vous êtes spécial. » Non, je ne suis pas spécial du tout. Il y a des centaines d'Africains qui pourraient être là où je suis. Et c'est simplement les circonstances... Et quand on me pose cette question, je leur demande souvent : « Est-ce que vous poseriez la même question si c'était un Européen ou un Asiatique ? » Donc, je ne me sens pas du tout spécial ou exceptionnel. C'est juste les circonstances de la vie qui m'ont mené là où je suis.

Description

Comment un jeune ministre de l’Économie et des Finances du Sénégal a-t-il navigué dans les complexités du pouvoir tout en gardant l'humilité et le respect au cœur de ses actions ? Dans cet épisode captivant d’Impossible • Possible, Makhtar Diop, directeur général d’International Finance Corporation, partage son parcours inspirant. Il déclare : "La confiance se construit sur le long terme, mais elle peut se perdre en un instant." À travers ses réflexions, il nous invite à prendre des risques, tout en soulignant l'importance d'encourager les autres à dépasser leurs limites. Découvrez comment les choix déterminants de sa vie, l'influence de sa famille et son éducation ont façonné ce leader visionnaire.


À propos du podcast Impossible • Possible

Pour ses 160 ans, Société Générale a voulu célébrer ses relations de confiance avec celles et ceux sans qui rien n’aurait été possible, ses clients et partenaires. Ainsi est né le projet artistique Impossible • Possible. Le photographe Marco D’Anna a réalisé pour le compte du Groupe une série de 75 portraits de ces derniers, entrepreneur(e)s, médecins, financiers, familles, bénévoles, musiciennes, industriels… Nous allons voulu aller au-delà des images…Découvrez ces histoires humaines, où l’impossible devient possible, ces récits authentiques où les protagonistes vous dévoilent leurs parcours, leurs visions, leurs passions.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Makhtar Diop

    C'est une constellation d'événements qui font ce que je suis. Il y a des moments précis de ma vie, il y a eu des choix à faire, des décisions, avec une dose de spontanéité, une dose de réflexion, qui m'ont mené à être ce que je suis. Donc, il n'y a pas un événement, il y a une succession d'événements qui m'ont mené à un chemin critique qui fait ce que je suis. Je suis vraiment chanceux d'avoir la vie que j'ai eue. Une vie où j'ai eu une famille qui était dans un sens très ancrée dans notre tradition, mais également avec une ouverture extraordinaire. Et j'ai vécu dans un environnement où comprendre notre tradition et être très fier de ce qu'on est, était important et je crois que ce mix m'a beaucoup aidé à être ce que je suis. Il y avait quelque chose que mon père disait : « Respecte tout le monde. Traite la personne qui est hiérarchiquement en dessous de toi de la même manière que tu traites la personne qui est une personne de pouvoir. » Et donc ce rapport au pouvoir, très tôt on nous a inculqué que ce n'était pas la chose la plus importante, il fallait faire la chose juste. Donc c'était dans cette ambiance que l'on vivait. Quand j'ai commencé à diriger des négociations avec le Fonds monétaire et la Banque mondiale du côté du Sénégal, j'avais 26 ans, donc c'est relativement jeune. J'ai décidé de faire des études d'économie et d'approfondir l'économie parce que j'avais surtout fait de la finance et de l'économie, mais je voulais maintenant me spécialiser en économie et je voulais le faire dans un pays de langue anglaise. Donc j'ai étudié à l'université de Warwick et à l'université de Nottingham, puis je suis allé ensuite au Fonds monétaire où j'ai travaillé aussi comme économiste. Quand il y a eu un changement de gouvernement dans les années 2000, j'avais 39 ans, j'étais relativement jeune aussi. J'ai été appelé à occuper les fonctions de ministre de l'économie et des finances du Sénégal. C'était vraiment l'un des premiers gouvernements de coalition. Ça a été une aventure extraordinaire parce que j'étais avec tous les chefs de partis d'une coalition. Il fallait passer de l'époque où l'on écrivait des notes et conseillait un ministre, à une position où l'on était celui qui devait prendre les décisions et subir immédiatement les conséquences de ces décisions. Et je crois que tant que l'on n'a pas fait ce pas, on ne réalise pas des fois la complexité qu'il y a à prendre ces décisions, à les faire accepter en conseil des ministres, à convaincre le chef de l'État quand cela est nécessaire, à pouvoir prendre des responsabilités qui protègent le gouvernement. Et tout ce parcours m'a enrichi et m'a permis, je crois, lorsque j'ai occupé les fonctions à la Banque mondiale de directeur, puis de vice-président et de directeur général de la SFI maintenant, de voir les choses de différents angles. Et je pense que dans mes fonctions, j'ai bâti à chaque fois sur l'expérience antérieure ou les expériences antérieures que j'ai eues pour pouvoir essayer d'apporter des solutions. Dans certains cas, certaines décisions requièrent qu'on pense et qu'on aborde l'inconnu avec un certain regard. Et des fois, comme ils disent en anglais, il y a un saut de confiance qu'on doit faire « Leap of faith ». On doit se dire : « Écoutez, là, je ne suis pas sûr. Peut-être moitié vert, moitié plein, moitié vide, moitié vert. Est-ce que je dois le faire, je ne dois pas le faire ? » Et à ces moments où l'on doit prendre une décision rapidement, sans vraiment avoir beaucoup de temps pour réfléchir, la confiance est un élément important. Et si on ne l'a pas, on ne peut pas prendre certaines décisions qui sont des décisions opportunes, mais opportunes qui doivent être prises dans un moment très court. C'est surtout ça qui est important. À un moment, il faut prendre la décision maintenant. On ne peut pas la différer. Ce n'est pas dans 10 ans, ce n'est pas dans 20 ans, ce n'est pas dans un mois, c'est maintenant, à l'instant. C'est la réalité qui nous interpelle. À ce moment, on regarde la personne dans les yeux et puis on se dit : « écoute, est-ce que je peux faire ce pari avec cette personne ou pas ? » Donc pour moi, c'est ça la confiance. Maintenant, cela étant dit, cette confiance se bâtit sur une longue durée et cette confiance se perd très rapidement. Donc c'est quelque chose de tout à fait asymétrique. Ça prend du temps pour gagner cette confiance, et on la perd très facilement. Et ce n'est pas seulement vis-à-vis de ces interlocuteurs, c'est vis-à-vis de ces équipes. Des fois, et je donne des fois un exemple qui peut paraître très trivial et très simple. Pour ceux d'entre nous qui ont des enfants et qui leur ont appris à nager, au début vous vous dites que le gamin a une bouée, ou que la gamine a une bouée, on enlève sa bouée, on lui dit : « Maintenant vous avez appris à nager la brasse, vous pouvez faire deux, trois brassées. » Ils boivent la tasse, une ou deux fois, ils sont mécontents, on leur dit : « non, tu peux le faire mon fils ou ma fille, allez, cinq mètres de plus, trois mètres de plus, quatre mètres…» et un jour, vous dites : « mon fils ou ma fille ou mon neveu, on te lance dans la piscine et tu vas faire toute la longueur. » Pendant cette durée, cette personne se pose beaucoup de questions. Des fois, elle ne vous aime pas du tout. « Je bois la tasse, je déteste, pourquoi est-ce qu'on m'a forcé à le faire ? » Mais lorsque la personne arrive au bout de la piscine et dit « j'ai fait quelque chose que je n'ai jamais réussi à faire » et vous fait ce grand sourire, c'est quelque chose d'unique. Et pour que cette personne fasse ce chemin avec vous, il faut que vous ayez bâti cette confiance. Quand il s'agit d'enfants ou de familles ou de jeunes proches, cette confiance existe, elle a été bâtie depuis la naissance. Quand c'est des gens avec qui vous avez cheminé pendant une période plus courte, il faudrait que cette confiance existe. Et la vie, le développement, c'est ça. On plonge dans la piscine, des fois on se dit qu'on ne peut pas arriver au bout de la piscine mais on peut y arriver et on y arrive et quand on y arrive, on accomplit tous ensemble quelque chose de spécial. Le pendant de la confiance est la responsabilité. Quand à 39 ans j'ai été choisi pour administrer l'économie et les finances de mon propre pays, pour la première fois qu'il y avait un changement d'administration, c'est une responsabilité énorme. On a une obligation et un devoir de ne pas décevoir les gens qu'on sert. De la même manière dans mes fonctions actuelles, c'est beaucoup de responsabilités. Il ne faut pas décevoir, mais ne pas décevoir ne doit pas vous rendre conservateur, ne doit pas annihiler votre habilité à créer, à prendre des risques. Et je crois que le sport a contribué à cela pour moi. Mon père nous a tous forcés à faire du sport et mon entraîneur d'athlétisme qui m'a beaucoup formé était allé aux Jeux Olympiques trois fois, il était finaliste. Il nous disait ceci: « Perdez dans la dignité et gagnez sobrement. » Et c'est pourquoi que même en sport, j'avais pris l'habitude de célébrer. Il disait que c'était une manière de respecter aussi son adversaire. Et ça, il nous l'a vraiment inculqué. Une autre chose, c'est que si vous étiez entraîné comme il le fallait, il n'y aurait jamais eu de confusion pour que l'arbitre puisse interpréter une décision dans un sens ou l'autre. Donc, c'est deux valeurs où on se remet en cause, où on ne cherche pas des excuses à ses échecs, parce que dans la vie on a de nombreux échecs. Et d'apprendre de ça c'est important. Et le deuxième, c'est de respecter les gens. Parce que de la même manière que j'ai eu une carrière dont je suis fier, il y a beaucoup d'autres personnes qui avaient des capacités intellectuelles peut-être beaucoup plus élevées que les miennes, qui n'ont pas eu l'opportunité, la chance ou les circonstances qui les ont menés là où je suis. Et donc, je pense qu'il faut avec humilité se dire qu'on n'est pas unique. Une des questions, pour tout vous dire, qui me gêne souvent, c'est quand on me dit : « Ah, vous êtes le premier Africain à être dans telle ou telle position, donc vous êtes spécial. » Non, je ne suis pas spécial du tout. Il y a des centaines d'Africains qui pourraient être là où je suis. Et c'est simplement les circonstances... Et quand on me pose cette question, je leur demande souvent : « Est-ce que vous poseriez la même question si c'était un Européen ou un Asiatique ? » Donc, je ne me sens pas du tout spécial ou exceptionnel. C'est juste les circonstances de la vie qui m'ont mené là où je suis.

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