- Journaliste
(Mathilde Touvier) "On sait aujourd'hui qu'environ 1 décès sur 5 dans le monde est lié à un problème d'alimentation ou bien à un manque d'activité physique." Bienvenue dans ce podcast proposé par l'Institut National du Cancer. Agence d'expertise sanitaire et scientifique de l'État, l'Institut National du Cancer fédère, et coordonne les acteurs de la lutte contre les cancers en France autour d'un objectif, réduire le nombre des cancers et leur impact dans notre société. Il soutient financièrement chaque année des centaines de projets de recherche, autant de parcours de femmes et d'hommes que nous vous proposons de découvrir dans ce podcast. Nous sommes aujourd'hui à Bobigny, en région parisienne. Ici, dans cette antenne de l'université Sorbonne Paris-Nord, des équipes travaillent sur la recherche autour des risques de cancer liés à l'alimentation déséquilibrée et le surpoids. Aliments ultra transformés, boissons sucrées, sel, alcool, de nos jours, leur consommation excessive présente un risque avéré de développer un cancer. C'est en tout cas ce que montrent les études des deux chercheurs avec qui nous avons rendez-vous.
- Mathilde Touvier
Je suis docteure Mathilde Touvier, je dirige l'équipe de recherche en épidémiologie nutritionnelle, l'EREN, et je suis investigatrice principale de la cohorte NutriNet-Santé. Je suis de formation ingénieure en nutrition, donc de l'AgroParisTech, et j'ai ensuite réalisé un master et un doctorat en épidémiologie et santé publique. J'ai travaillé six ans à l'ANSES pour ensuite rejoindre le laboratoire ici, et j'ai pris la direction du laboratoire officiellement depuis 2019.
- Bernard Srour
Je suis le docteur Bernard Srour, je suis chercheur en épidémiologie au sein de l'EREN et je dirige un réseau de recherche qui s'appelle le réseau NACRe pour Nutrition, Activité Physique, Cancer, Recherche. Je suis pharmacien de formation, j'ai travaillé quelques années en officine, après j'ai décidé de me lancer dans la santé publique. Je travaille donc sur les liens entre certains aspects de l'alimentation, avec les maladies chroniques dont le cancer et la santé plus généralement. Et je coordonne donc ce réseau de recherche qui s'appelle le réseau NACRe.
- Mathilde Touvier
Est-ce qu'on peut regarder les facteurs loadings qui caractérisent chacune des composantes de l'ACP ?
- Collaborateurs Labo
Oui. Là, ce qui caractérise la première composante, les cinq premiers par exemple, donc on a le E950, le E331, E150, E338, E951. E950 et E951, c'est des édulcorants.
- Mathilde Touvier
D'accord, c'est l'aspartame et l'acésulfame potassium... Nous sommes ici dans l'équipe CRES-EREN. où nous nous intéressons aux relations entre la nutrition, donc l'alimentation, l'activité physique et la santé, et donc notamment le risque de cancer, et on s'intéresse aussi aux maladies cardiovasculaires, au diabète et à d'autres pathologies. On a une approche épidémiologique, donc ça veut dire qu'on conduit des études sur de grandes populations, on regarde ce que les personnes consomment et on met cela en relation avec le risque de développer un cancer ou d'autres pathologies au cours du temps. L'étude NutriNet-Santé, l'idée c'est une étude en ligne, donc sur Internet. On a développé des outils pour mesurer les consommations alimentaires et puis d'autres facteurs d'exposition qui sont validés, mais qui sont faciles à utiliser, qui sont intuitifs et qui permettent aux participants de renseigner, par exemple, ce qu'on appelle nous des enregistrements alimentaires de 24 heures. Et donc sur ces 24 heures-là, les personnes vont noter tous les aliments, les boissons, les confiseries, donc tout ce qu'ils ont consommés. On leur demande aussi la portion, avec des photos, pour estimer les tailles de portion. Et puis, on leur demande la marque, par exemple, lorsque il s'agit d'aliments industriels. Et donc, tout cela, pour nous, ça représente une base de données énorme que l'on va lier aussi avec d'autres bases, comme la base Open Food Fact, par exemple, ce qui va nous permettre d'avoir la composition en additifs des produits, leur Nutri-Score ou même leur impact sur l'environnement. Et ensuite, le principe d'une cohorte, c'est qu'on suit les participants dans le temps. Au départ, ils n'ont pas de cancer, ils n'ont pas d'autres pathologies. Et puis, certains vont développer un cancer ou une autre pathologie. On a des médecins, notamment, qui vont valider les événements de santé, quand un participant nous déclare un cancer, on collecte les informations sur son hospitalisation, sur les comptes rendus d'analyse de la tumeur. Et nous, ça nous permet ensuite de pouvoir faire des liens avec des statisticiens, des études statistiques qui vont relier les niveaux de consommation à tel aliment, tel additif ou autre, et le risque plus ou moins important de développer un cancer.
- Collaborateurs Labo
Et la en revanche on est sur donc 472A, 472C, donc c'est monodiglycérides.
- Mathilde Touvier
Ah oui les monodiglycérides d'acides gras, donc des émulsifiants plutôt, tout à fait... Nous sommes environ une centaine de personnes qui travaillons sur l'étude NutriNet et sur ces données. Nous avons notamment des informaticiens qui vont développer les questionnaires et le site internet de l'étude. Nous avons également des data managers et statisticiens qui vont mettre en forme ces données et pouvoir aussi les traiter, les analyser. Et puis les stagiaires, les doctorants, les postdoctorants et les chercheurs analysent ces données et les valorisent. Nous avons également des diététiciens qui vont pouvoir traduire les quantités d'aliments consommés en composé, on commence à avoir des informations sur les relations, la manière dont la nutrition impacte notre santé. On sait aujourd'hui qu'environ 1 décès sur 5 dans le monde est lié à un problème d'alimentation, ça inclut aussi l'alcool, une alimentation déséquilibrée, une obésité ou bien un manque d'activité physique. Nos recherches s'intéressent à ces liens-là. Elles ont permis jusqu'à présent de pouvoir en découler des recommandations, au moins 5 portions de fruits et légumes par jour, etc... pour prévenir au maximum le risque de développer un cancer, une maladie cardiovasculaire, un diabète. Ça, c'est ce qu'on a fait jusqu'à présent. Aujourd'hui, on s'intéresse à des facteurs de risques ou protecteurs de notre alimentation qui sont plus émergents. On s'intéresse par exemple aux additifs alimentaires, à l'impact de l'alimentation industrielle, les packagings, les matériaux au contact des aliments, sur la santé, tout ce qui est pesticides également, ou encore à d'autres expositions liées à l'alimentation.
- Bernard Srour
Est-ce que Eléa tu peux montrer dans la revue de la littérature que tu avais faite, si on a des études sur les rythmes circadiens liés à l'alimentation en lien avec le cancer ? Ce serait intéressant parce que nous on va pouvoir regarder quelques biomarqueurs de la santé métabolique qui vont nous permettre aussi de faire un lien plus tard avec le risque... Si on prend l'application à l'alimentation, c'est l'heure à laquelle nous allons prendre notre petit déjeuner, notre déjeuner, notre dîner, etc. qui va aussi réguler nos horloges biologiques parce que l'humain a des horloges biologiques, ce qui va lui permettre donc d'être en phase avec la nature, avec l'environnement dans lequel il se trouve. On commence aussi à s'intéresser à savoir que l'alimentation permet aussi de réguler les horloges biologiques, surtout les horloges périphériques au niveau de certains organes, ce qui pourrait donc peut-être avoir un rôle avec certaines pathologies comme le cancer.
- Mathilde Touvier
Jusqu'à présent, la science nutrition santé s'intéressait aux protéines, aux lipides, aux vitamines, aux micronutriments et aux macronutriments et leur impact sur le risque de cancer ou d'autres pathologies. On s'aperçoit en fait que dans notre alimentation, il y a énormément de composés qui sont véhiculés par cette alimentation et qui peuvent impacter notre santé, mais pour lesquels on n'a à peu près aucune idée de leur impact sur le risque de maladie à long terme. En Europe, il y a à peu près 330 additifs qui sont autorisés. Ils sont évalués par une agence au niveau européen qui s'appelle l'EFSA et qui fixe des limites de sécurité, mais finalement sur la base de la littérature scientifique, des preuves scientifiques disponibles à un instant donné. Et jusqu'à présent, il y a eu à peu près aucune étude chez l'humain qui permettait de regarder justement le lien avec le risque à long terme de cancer ou d'autres maladies chroniques, et pas non plus d'études qui s'intéressaient au mélange. Or, dans notre alimentation, dans la vie réelle, on ne consomme pas un seul additif de manière isolée. On consomme des mélanges qui peuvent avoir ce qu'on appelle des "effets cocktails", avec des interactions, des synergies qui peuvent jouer ensemble sur le risque de cancer. Donc on a développé ce projet-là grâce au financement de l'Institut National du Cancer, qui nous permet de quantifier, c'est-à-dire de mesurer les doses d'additifs consommés dans cette population de nutrinotes, de participants à l'étude neutrinette santé. Donc on a plus de 100 000 adultes pour lesquels on a ces doses d'additifs consommées. On a pu d'ores et déjà mettre en évidence des liens entre consommation de différents édulcorants et risque accru de cancer. Nous sommes en train en ce moment de valider des résultats sur les émulsifiants et le risque de cancer. On a aussi observé des choses sur les nitrites et on a beaucoup de perspectives sur les colorants, les conservateurs et puis les mélanges d'additifs. Par exemple, cet été, le Centre International de Recherche sur le Cancer, le CIRC de l'OMS, a conclu au fait que l'aspartame était un cancérigène possible pour l'homme. Et bien dans cette expertise collective, les travaux de l'étude NutriNet Santé ont occupé une place importante, ont permis de nourrir cette expertise-là.
- Bernard Srour
Parmi les facteurs qui augmentent le risque de cancer, on a bien évidemment l'alcool, nous avons aussi la viande rouge et la charcuterie, et quelques compléments alimentaires qui sont très fortement dosés en bêta-carotène. D'autre part, et heureusement, il y a aussi des facteurs nutritionnels, des aliments qui permettent de réduire son risque de cancer. Les fruits et légumes, on en entend souvent parler, les fibres, mais aussi les produits laitiers et l'activité physique qui permettraient donc de réduire le risque de plusieurs cancers, mais aussi le risque d'être en surpoids et d'obésité et donc indirectement réduire le risque d'avoir un cancer sous-jacent. Là, on va voir besoin de sortir 150 échantillons justement, c'est sur l'étude où on a voulu sélectionner en plus du sous-échantillon de la cohorte. Là, on va voir le 3510 à sortir et qui est dans le rack...
- Mathilde Touvier
Il y a beaucoup de choses qui nous interpellent. Par exemple, quand on a commencé l'étude NutriNet Santé, et puis même un peu plus récemment, on s'est dit, avec la mondialisation de l'alimentation, il doit y avoir une uniformisation des consommations. Et on était assez étonnés de voir qu'il y a encore énormément de contrastes selon les régions. Par exemple, en France, on a encore toujours la France du beurre et la France de l'huile, avec plus d'huile d'olive dans le sud-est et plus de beurre vers la Bretagne. On a des contrastes aussi sur les consommations de charcuterie, de fromage aussi très marqués selon les régions. Et puis on a aussi un gradient socio-économique. Dans NutriNet par exemple, entre les plus hauts revenus et les plus bas revenus, on a 30% de consommation de légumes ou de poissons en moins chez les plus bas revenus. Et puis on voit ce même gradient pour les chiffres de surpoids et d'obésité.
- Bernard Srour
L'idée, c'est de pouvoir un peu transmettre cette vérité scientifique au plus grand nombre, bien évidemment en utilisant des moyens qui soient accessibles au plus grand nombre pour non seulement transmettre la bonne information, mais également contribuer à réduire les inégalités de santé.
- Mathilde Touvier
(Collaborateurs) "À la place 10. Vous l'avez retrouvé ? Je peux cocher ? Oui, c'est bon." Il y a quand même des choses qu'on sait, et notamment les recommandations du Programme National Nutrition Santé. Alors il y a au moins cinq portions de fruits et légumes par jour, mais il y a également le poisson deux fois par semaine, la charcuterie pas plus de 150 grammes par semaine, etc. Donc il y a tout un ensemble de recommandations qui sont d'ailleurs aussi très en phase avec ce que l'Institut national du cancer a publié comme recommandation pour la prévention spécifique des cancers. Et donc on ne peut pas dire aujourd'hui, on ne sait pas très bien comment manger. On a quand même un guide, et donc l'idée c'est vraiment d'essayer au quotidien de se rapprocher au maximum de ces recommandations. Et ça, ce sont vraiment des informations fiables qui ont fait l'objet des expertises collectives. Donc la communication est vraiment importante, puisque quand on regarde le budget dont dispose l'industrie agroalimentaire pour les publicités, pour des produits gras, sucrés, salés ou de l'alcool. Je pense qu'il y a vraiment un équilibre qui n'est pas encore atteint. C'est pour ça qu'on a dans notre équipe une activité de communication qui est assez importante sur ce sujet qui touche vraiment tout le monde. Et donc ça passe par des interventions, des interviews dans la presse grand public. On a aussi des conférences qu'on organise pour le public ou des ateliers ou des webinaires pour vraiment diffuser ces messages de santé publique au plus grand nombre. L'Institut National du Cancer, pour nous, est vraiment un soutien très important. Il a permis de financer plusieurs projets de recherche. Par exemple, un projet de recherche qui nous a permis de tester le Nutri-Score, c'est le logo à cinq couleurs, cinq lettres sur les emballages, que nous avons inventé, que nous avons développé et validé. Nous avons pu le tester non seulement dans nos cohortes, mais aussi dans la cohorte européenne EPIC sur dix pays, et montrer que les personnes qui mangeaient mieux noté au Nutri-Score, des aliments mieux notés, avaient moins de risques de cancer, de mortalité par cancer notamment.
- Bernard Srour
L'idée d'un réseau fédérateur de la recherche qui va permettre à ces chercheurs de différentes disciplines de travailler entre eux pour avoir une image plus complète de ce puzzle de la science et de la nutrition et de cancer. Ce réseau va permettre aussi de diffuser les messages qui sont issus de ces recherches scientifiques à la communauté des professionnels de santé. Donc leur donner les dernières recommandations, les dernières guidelines en termes de recherche en nutrition et cancer, mais aussi de donner ces informations à la communauté du grand public, aux médias et aussi aux patients. Et tout ça, on arrive à le faire grâce au soutien de l'Institut National du Cancer qui a soutenu le réseau NACRe depuis sa création.
- Mathilde Touvier
Moi, vraiment, j'adresse un appel aux participants qui ont au moins 15 ans, qui voudraient nous aider à faire progresser les connaissances sur l'impact de notre alimentation sur le risque de cancer et d'autres maladies chroniques. Il suffit de se connecter sur le site, donc www.études-nutrinet-santé.fr. Ça participe à la recherche publique en nutrition santé pour améliorer à la fois le contenu de nos assiettes maintenant, mais aussi le contenu des assiettes des générations futures.
- Journaliste
Lorsqu'elle est déséquilibrée, l'alimentation serait à l'origine de 19 000 nouveaux cas de cancer par an. On l'a entendu, la bonne nouvelle c'est que l'on peut agir en adaptant nos modes de consommation. La prévention est une priorité majeure de la stratégie décennale de lutte contre les cancers. C'est donc pour cela que l'Institut National du Cancer soutient des projets comme ceux des équipes de Mathilde Touvier et Bernard Srour pour mieux comprendre les facteurs protecteurs et les facteurs à risque et d'agir en conséquence. Voilà donc pour cet épisode sur la recherche autour des risques de cancer liés à l'alimentation. N'hésitez pas à le partager et à le commenter. Retrouvez tous les épisodes de ce podcast sur le site de l'Institut National du Cancer et sur les plateformes d'écoute.
- Voix off
Parlons recherche contre les cancers.