- Speaker #0
Bonjour à toutes et à tous et bienvenue sur le podcast Inclusif. Dans cet épisode hors série, nous abordons la réalité souvent silencieuse de celles et ceux qui accompagnent un proche, tout en jonglant avec une vie professionnelle, une vie de famille et une charge émotionnelle considérable. Notre invité, Florence, raconte ce que cela signifie d'être un aidant familial. La fatigue, les choix difficiles, mais aussi l'importance de préserver l'autonomie de ses proches aussi longtemps que possible et de trouver malgré tout quelques ressources pour garder son équilibre. Elle aborde aussi la solitude des aidants, le sentiment parfois de culpabilité, mais également les petits moments de plaisir qui permettent de tenir. A travers son témoignage, il sera aussi question de ce que les entreprises peuvent mettre en place pour mieux reconnaître et soutenir les salariés aidants, pour que cette réalité ne reste plus dans l'ombre. Je suis Sandra, et dans ce podcast, nous donnons la parole à celles et à ceux qui ont pu transformer leur fragilité en force. Ils partageront leurs expériences, leurs défis et les stratégies mises en place pour créer un environnement de travail véritablement ouvert à tous. Bonjour, merci de me recevoir au sein de votre entreprise. Je vais vous laisser vous présenter, qu'on sache un peu votre nom, votre situation, ce que vous faites.
- Speaker #1
Bonjour, alors moi je m'appelle Florence, je travaille dans cette entreprise depuis 15 ans maintenant. Je suis à la comptabilité.
- Speaker #0
Aujourd'hui, on va parler d'un sujet un peu particulier qui est de l'aidance familiale. Je crois que c'est quelque chose qui vous touche personnellement. Est-ce que vous pouvez nous en dire quelques mots ?
- Speaker #1
Oui, alors effectivement, je suis aidante de ma maman. J'ai mes parents qui ont 86 et 89 ans, qui habitaient dans le sud de la France. Et moi, je suis fille unique et j'habite à Haute-Savoie. Donc, je me retrouve face à des complexités à beaucoup de points de vue. Et j'essaye de faire de mon mieux tout en travaillant, tout en ayant une vie de famille avec des enfants, des petits-enfants. On se retrouve dans des situations où on n'est pas forcément aidé. C'est un tas de points de vue, je veux dire. Le dossier de ma maman, là actuellement, elle était jusque-là à domicile parce que mon papa est quand même toujours valide. Là, elle a été hospitalisée il y a un mois. Donc, elle était à l'hôpital d'Avignon pendant quelques semaines. Et puis là, elle a été transférée dans un centre de convalescence. Son état de santé se dégrade, mais le plus gros problème est qu'elle ne marche quasiment plus. Mais elle développe beaucoup de troubles cognitifs. Donc, le quotidien pour mon père est devenu impossible, sachant que la veille de l'hospitalisation, est lié tombé une énième fois et que là, elle l'a entraîné dans sa chute. Donc, je suis obligée de prendre des dispositions. J'ai monté un dossier sur une application qui s'appelle le Via Trajectoire pour une place à l'EHPAD. J'aimerais qu'elle soit dans l'EHPAD du village où habite mon père parce que pour lui, hormis le village, c'est très compliqué. Même s'il conduit encore, je ne veux pas qu'il aille au-delà. Néanmoins, je ne veux pas lui enlever son autonomie parce que ça, c'est très important. Parce qu'aujourd'hui, la société fait que... petit à petit, on leur retire tout, parce que tout aujourd'hui est dématérialisé, et c'est pas cette génération-là. Voilà. Dans les plus grandes lignes, tout mon quotidien qui tourne aujourd'hui autour d'eux, et aujourd'hui c'est dans le fait d'avoir cette place dans les pattes du village où on habite, sauf qu'il n'y a pas de place.
- Speaker #0
Il y a des délais d'attente ?
- Speaker #1
Oui, mais je ne les connais pas. Donc là, aujourd'hui, ma fille prend le relais pour pouvoir les appeler, parce que le problème, c'est que quand vous travaillez, et notamment dans un open space, ce n'est pas toujours évident, sans arrêt de sortir, de passer des coups de fil. Ça reste quelque chose de personnel. Tout le monde a ses soucis. Je n'ai pas forcément envie de raconter tout ça à tout le monde puisque chacun a son lot, je pense. Et donc, l'appel d'aujourd'hui va être de savoir, dans notre dossier, quelle est sa position sur une liste d'attente. Parce qu'à partir de là, il va falloir que je prenne d'autres décisions. Mais je ne sais pas encore lesquelles.
- Speaker #0
Et pour votre papa, comment vous arrivez à maintenir aujourd'hui son autonomie ? Est-ce qu'il a besoin d'aide au quotidien ? Comment vous arrivez à gérer ça à distance ? Parce qu'il y a quand même cette distance qui n'est pas moindre.
- Speaker #1
Oui, la distance reste un point très compliqué. Dans son cas, lui, ce qui se passe, c'est que ça fait 64 ans qu'ils étaient ensemble. Et même si les derniers temps, il n'en pouvait plus, parce que c'était très très lourd physiquement, déjà. Il ne dormait plus la nuit parce qu'elle le sollicitait entre 3 et 6 fois chaque nuit. Mais là, aujourd'hui, d'un seul coup, c'est le vide pour lui. C'est ce que je me doutais déjà il y a quelques mois en arrière. C'est pour ça que les infirmières me sollicitaient énormément pour qu'on envisage un placement. J'entendais que ça allait devenir obligatoire, mais j'avais toujours la crainte par rapport à mon papa parce qu'il était tellement investi que là, aujourd'hui, il y a un vide qui s'installe. La famille étant petite et n'étant pas sur place pour lui, ce n'est vraiment pas facile. Il est triste. malheureusement je dirais qu'il va falloir qu'il fasse avec mais encore une fois j'en reviens sur ce fait que si elle est à l'EHPAD du village, pour lui il peut y aller tout seul et tous les jours encore une fois je reviens encore à cette autonomie là voilà, néanmoins lui et pour lui dans son quotidien on avait déjà mis en place des personnes qui viennent pour faire le ménage à la maison donc il y en a deux, lundi et fin de semaine pour lui c'est à peu près tout Puisqu'après, il y a une auxiliaire de vie qui, pour l'instant, est maintenue et qui vient, mais qui était liée à la situation de ma maman et qui vient, qui prépare des plats. Parce que pour moi, c'est important. Il mange correctement, sachant que lui-même a des problèmes de diabète. Voilà, pour lui, c'est tout. Mais il a toujours voulu continuer à faire les courses. Parce qu'encore une fois, l'autonomie.
- Speaker #0
Et c'est important pour tenir le coup.
- Speaker #1
C'est très important. Puis c'est ce qu'il fait. Alors, bien évidemment, il a 89 ans. Bien évidemment, il y a des choses qu'il va oublier. Mais lui, il est dans le fait de se dire « Ah oui, j'ai oublié » . Donc, il a bien cette conscience et c'est le plus lié à un âge qui est à 89 ans. Il est totalement, malgré tout, autonome. Bon, la petite histoire, il a une olivrée et là, on est descendu pour l'aider à ramasser ses olives. Voilà, et c'est une activité et c'est très, très, très important.
- Speaker #0
Souvent, c'est ce qui aide à maintenir Voilà. le plus longtemps possible, quand il y a une activité, quand il y a des liens aussi, également.
- Speaker #1
Oui, oui, oui, je pense que la vie sociale est très importante. Là, du coup, comme on a fini de ramasser ses olives à lui, du coup, lui, il va aider mon cousin, et comme ça, il voit mon cousin, ma cousine. Ça fait quand même toujours un peu rencontrer du monde, ce lien social étant très important. Et je l'ai accompagné l'année dernière, pour la première fois, chez un ostéopathe à l'âge de 88 ans, parce qu'il avait une douleur au genou. et l'ostéopathe m'a répondu mais moi à 88 ans être comme il est il a dit mais je signe de suite et il a dit mais qu'est-ce que vous faites et je dis ben moi je jardine et c'est ce que m'a répondu l'ostéopathe il me dit le secret il est là toujours garder une activité physique à son rythme bien sûr sans forcer mais oui sortir tous les jours pouvoir aller s'oxygéner je pense que l'alimentation correcte effectivement est en lien aussi
- Speaker #0
Et alors pour vous aujourd'hui, comment vous arrivez à tout concilier ? Quelles sont les difficultés ? Comment vous tenez le coup ? Parce qu'il y a aussi ça, parfois, pour les personnes qui doivent tout porter, il y a toujours un risque de craquer à un moment donné.
- Speaker #1
Oui, je ne sais pas. Pour l'instant, je tiens, on va dire, à des moments où c'est un petit peu plus dur. Je descends très régulièrement. Je suis descendue il y a 15 jours, je redescends ce week-end. Donc à mon niveau, après, il y a quand même une fatigue physique qui s'installe, en plus de toute la partie émotionnelle, partie psychologique aussi. Mais pour l'instant, j'arrive à tenir. Je n'ai pas de recette miracle. J'ai mon mari qui est là, derrière moi, qui me soutient. C'est mon pilier. J'avoue que c'est important d'avoir soi-même quelqu'un qui vous aide, avec qui vous pouvez partager vos difficultés. Pour l'instant, je suis activée en mode guerrière, je crois. Et je tiens parce que je sais qu'il faut tenir. Je me dis qu'il y aura peut-être un contre-coup à un moment, mais bon.
- Speaker #0
Ça a été tout le temps cette aide auprès de vos parents ou ça s'est accentué ces dernières années ?
- Speaker #1
Alors, bien évidemment, ça s'est quelque part accentué avec l'âge, dans le sens où ils m'ont donné une procuration sur leur compte bancaire pour que je puisse faire des virements, des choses comme ça. Je me suis également occupée par rapport à une vente d'un bien immobilier. J'ai géré tout ce qui est partie impôts. Maintenant, bon, j'y suis. J'ai pris en charge énormément de choses. Mais effectivement, c'est arrivé petit à petit, parce qu'il se rend compte que, en tout cas, c'est mon père qui gère tout ce qui est papier, mais il se rend compte qu'aujourd'hui, la société fait qu'on est obligé de les aider, parce qu'il n'a pas Internet, encore une fois.
- Speaker #0
Et aujourd'hui, tout passe pratiquement par le numérique, que ce soit les factures, les impôts.
- Speaker #1
Exactement, exactement. Et en fait, on fait tout pour ne plus envoyer de factures. Sauf que lui, tant qu'il reçoit, c'est lui qui se gère et il se gère très bien. Oui, c'est arrivé petit à petit dans le but de les aider, de leur alléger. Mais tant qu'ils étaient ensemble, c'était inconsciemment l'un pour l'autre, encore une fois, un soutien. Aujourd'hui, on est en déséquilibre total.
- Speaker #0
Est-ce que par rapport à votre entreprise, il y a des choses qui ont été mises en place pour vous faciliter un peu ce quotidien ? des dents ?
- Speaker #1
Alors non, non, après, bon, j'avoue que de moi-même, je n'en parle pas. Quoi qu'il en soit, bon... Mes responsables sont au courant et il m'arrive parfois d'avoir des rendez-vous. Par exemple, la semaine dernière, j'ai dû faire un rendez-vous téléphonique avec le médecin du centre de convalescence dans lequel ma maman est hospitalisée à la demande du médecin parce qu'elle avait besoin de connaître un petit peu plus son dossier médical. Et donc voilà, j'ai pris un temps, je me suis isolée pour pouvoir répondre à la demande du médecin qui était très importante pour elle. Après, personne ne m'a rien dit. Je compense de moi-même ma charge de travail. Il n'y a pas de souci. Après, je pense qu'il faudrait peut-être mettre des choses en place. Néanmoins, rien n'existe à ce jour. Mais bon, moi, je ne me plains pas. Il n'y a pas de souci. J'ai remis sous l'oeil. Si j'ai besoin de descendre, je prends mes jours et on ne me pose aucune difficulté. Donc, je m'estime plutôt chanceuse. à ce point de vue-là, même si je pense que dans les années à venir, il faudrait peut-être mettre quelque chose en place pour soulager toutes ces personnes comme moi qui ont quand même un gros poids sur les épaules.
- Speaker #0
On sait qu'effectivement dans les années qui viennent, cela va concerner de plus en plus de personnes. Est-ce que vous avez des idées de choses qui pourraient être mises en place, qui pourraient faciliter ce quotidien ?
- Speaker #1
Alors non, je n'ai pas vraiment d'idées, mais quelque part... Ça va être certainement une charge pour l'entreprise, mais effectivement, je pense qu'il faudrait envisager à ce qu'on puisse avoir des jours supplémentaires, en justifiant bien évidemment que ces jours sont bien employés pour toutes ces tâches-là. Mais actuellement, je prends des jours de congés pour gérer tout ça. Encore une fois, moi j'ai cette distance qui est complexe, dans le sens où il a fallu l'année dernière, à maintes reprises que j'aille à l'hôpital nord de Marseille, parce que ma mère, lors d'une chute, du cacéline. et cervicales. Et il n'y a pas de service approprié à l'hôpital d'Avignon, donc elle était prise en charge par le service de Marseille, l'hôpital Nord. Voilà, donc par la suite, elle a dû aller à plusieurs consultations en externe, retourner voir le chirurgien qui la suivait. Ce sont des consultations qui sont prises en semaine, parce qu'on n'a pas le choix dans le jour. Chaque fois, c'était le jeudi. Donc voilà, on vous prenait deux jours de congé pour pouvoir aller à ces rendez-vous-là. Dans mon cas, mon mari prend aussi les jours. pour pouvoir m'accompagner parce que c'est très compliqué d'aller à Marseille, vous garer, gérer la patiente. Donc effectivement, avoir un quota de jours supplémentaires en justifiant bien, bien évidemment, qu'ils soient utilisés à cet effet-là serait une aide déjà.
- Speaker #0
Oui, effectivement, parce que normalement, vos jours de congés seraient pour vous reposer. Parce que là, vous ne vous reposez pas et donc ça s'accumule.
- Speaker #1
Oui, c'est ça. En fait, de toute façon, ça reste le problème des aidants, globalement, si je vois par rapport à mon papa. C'est qu'en fait, on épuise la personne, l'aidant, la personne malade, malgré elle, épuise l'aidant. Et donc, ça, c'est compliqué. Il faut qu'on arrive nous-mêmes à nous recharger pour pouvoir repartir. Mais après, on rentre dans un sentiment de culpabilité.
- Speaker #0
Vous arrivez parfois à trouver quelque chose pour vous recharger, prendre un petit peu de temps pour vous ?
- Speaker #1
Là, je vous avoue que ces derniers temps, c'est de plus en plus compliqué puisqu'il y a de moins en moins de pauses.
- Speaker #0
Et puis, il y a les aidants par rapport à vos parents. Puis après, votre vie personnelle avec les enfants, les petits-enfants, donc là, ce n'est pas de l'aidance, mais bon, c'est du temps qu'on consacre à sa famille.
- Speaker #1
Oui, mais c'est important. Moi, j'ai une petite fille qui habite très proche de chez nous, que je gardais jusqu'à présent le vendredi. Et là, elle est rentrée à l'école, mais je la récupère à la cantine ce jour-là et c'est bon. C'est mon petit moment à moi, c'est un petit moment d'évasion où on va se mettre sur des problématiques plus de l'enfance, on va dire, mais ça fait du bien.
- Speaker #0
Ça fait une petite bouffée d'oxygène.
- Speaker #1
Oui, des fois, un petit moment, un petit temps juste en famille, un petit temps où on va aller boire un coup quelque part. Et du coup, ça fait apprécier certaines choses plus à leur juste valeur qu'on ne les avait eues auparavant.
- Speaker #0
C'est chouette. Est-ce que vous voyez d'autres choses à rajouter ?
- Speaker #1
Là, tout de suite, non. je dirais juste que Il y a des conséquences pour nous, un peu inquiétantes, sur des tas de domaines, du temps, du domaine émotionnel. Le temps. Le temps nous manque. On fait de son mieux. Après, je pense qu'il faut arriver à lâcher prise, à relativiser, à se dire qu'on fait le maximum. Maintenant, je travaille toujours sur le sujet. J'essaie de faire de mon mieux.
- Speaker #0
Trouver des moments pour se ressourcer, des petits moments de bien-être, la méditation, la réflexologie, les matelages, toute la palette.
- Speaker #1
Oui, exactement. Je pense qu'il faut arriver à trouver ce qui vous convient à vous, à soi-même. Pas tous les mêmes goûts, mais il faut arriver à trouver vraiment une petite activité, aller marcher un petit temps, même dix minutes, un quart d'heure, pour pouvoir souffler.
- Speaker #0
se reconnecter à la nature est une chose très bénéfique là-dessus pour tout de suite se recentrer exactement oui je partage ce besoin pour cette action
- Speaker #1
L'activité là, même si nous ici, avec le temps qu'on a eu ces derniers jours, c'était un petit peu plus compliqué.
- Speaker #0
En tout cas, je vous souhaite le mieux pour la suite et qu'une classe se libère rapidement pour votre maman. Ça sera déjà peut-être un petit soulagement déjà de ce côté-là.
- Speaker #1
Ça serait, dans mon cas personnel, un énorme soulagement parce que si ce n'est pas le cas, ça va être un retour à domicile. Et donc, dans quelles conditions, je l'ignore. Ça devient quelque part, mes parents vont être tous les deux en danger. Mais là, tout de suite, tant qu'il n'y a pas de place, je ne vois pas la solution. Parce que si c'est dans un autre EHPAD, ça veut dire que c'est un autre village, ça veut dire que mon père ne pourra pas y aller tout seul. Elle, de son côté, ne comprend pas pourquoi on ne vient pas la voir, parce qu'elle a maintenant des troubles cognitifs qui sont de plus en plus importants. Si lui peut y aller déjà très régulièrement, et même pour lui, ça fait une occupation, ça fait une activité, ça évite de casser ce lien de sous-24 ans de vie commune.
- Speaker #0
C'est normal. En tout cas, je vous le souhaite Très fortement.
- Speaker #1
Merci beaucoup.
- Speaker #0
Merci beaucoup pour ce témoignage.
- Speaker #1
Merci.
- Speaker #0
Ce podcast a été réalisé grâce au soutien de l'action sociale Prévoyance du groupe AG2R La Mondiale, qui a pour priorité d'accompagner ses clients entreprises, leurs salariés et dirigeants pour améliorer la qualité de vie au travail au travers des sujets de l'emploi, de la prévention et de la santé.