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Innovation managériale, regard sur le management de demain

Manager dans un monde VUCA

Manager dans un monde VUCA

22min |23/07/2025|

126

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Innovation managériale, regard sur le management de demain

Manager dans un monde VUCA

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22min |23/07/2025|

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Description

Dans un monde qui change plus vite qu’il ne s’explique, la grille de lecture VUCA — Volatilité, Incertitude, Complexité, Ambiguïté — s’impose comme un outil incontournable pour comprendre les bouleversements que vivent les organisations.

Mais comprendre ne suffit plus. Ce podcast vous propose d’aller plus loin :
– Pourquoi les modèles managériaux traditionnels (command & control, qualité totale, maîtrise des risques) ne tiennent plus ?
– Comment la volatilité bouscule les habitudes, l’incertitude fragilise le besoin de contrôle, la complexité met à mal les experts et l’ambiguïté provoque du doute ?
– Quels leviers concrets mobiliser pour passer de la sidération à l’action ?

Ce n’est pas un podcast de plus sur le changement : c’est une boussole pour celles et ceux qui doivent décider, accompagner, ou tenir bon… quand les repères vacillent.


Lire l'article sur le sujet : https://www.innovationmanageriale.com/comment-manager-dans-un-monde-vuca/


Interview de Francis Boyer par Marija Nikolendzic


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour et bienvenue dans cette série de podcasts sur le management d'aujourd'hui et de demain. Avec Francis Boyer, ancien DRH devenu consultant, coach et conférencier en innovation managériale, nous vous invitons à faire un pas de côté pour repenser vos pratiques à la croisée de la sociologie. de la psychologie, de la philosophie, des neurosciences et bien évidemment des pratiques du terrain. Pour ce premier épisode, nous allons parler du VUCA. Quatre lettres qui résument bien notre époque, volatile, incertaine, complexe et ambiguë. Pour les dirigeants des RH et managers, ce n'est déjà plus un concept abstrait, mais c'est leur quotidien. Dans ce podcast, Francis, tu vas nous aider à poser un diagnostic lucide sur ce monde devenu instable et à identifier les leviers d'action concrets pour y faire face. Comment est-ce qu'on peut manager sans visibilité ? Comment garder le cap quand tout change sans cesse ? Ce que vous allez entendre, c'est une grille de lecture stratégique pour ne plus subir la complexité, mais apprendre à y voir plus clair. Bonjour Francis.

  • Speaker #1

    Bonjour.

  • Speaker #0

    VUCA est un mot qu'on entend partout depuis quelques années, mais que dit-il vraiment de notre époque ? Et pourquoi est-ce que c'est une grille de lecture utile pour les managers selon toi ?

  • Speaker #1

    VUCA est intéressante comme grille de lecture parce qu'elle répond à une problématique que rencontrent aujourd'hui beaucoup d'entreprises, à savoir qu'elles vivent très très mal les crises, elles ne les comprennent pas, elles ne savent pas comment réagir. Donc souvent on vient de solliciter sur « pourrais-tu nous aider pour mieux naviguer dans l'incertitude, dans un petit peu perdu ? » Et j'ai l'habitude de leur présenter cet acronyme VUCA, qui n'est pas récent puisque ça date de 1998, mais qui a beaucoup de sens aujourd'hui, après la Covid, compte tenu de la succession de crises qu'on est en train de vivre. et l'idée c'est de de bien faire comprendre aux entreprises qu'elles ont quatre critères, quatre dimensions à prendre en considération, que décrit très bien ce modèle. Savoir la volatilité. Qu'est-ce que veut dire la volatilité ? C'est tout simplement que le monde y change en permanence. C'est la particularité, c'est l'accélération des changements. Ça, c'est le premier critère. Ensuite, il y a l'incertitude. L'incertitude nous indique qu'en fait, on n'est plus capable de savoir ce qui va se passer dans les jours, voire les mois qui viennent. Vous avez ensuite la complexité, c'est-à-dire qu'il est fréquent qu'on comprenne un posteriori. compte tenu de la densité d'informations et des interactions qu'il y a entre les informations, qui rendent l'agriculture un peu complexe, et l'ambiguïté, à savoir les paradoxes ou certains noms de décisions qui sont prises, qui ne sont pas logiques, qui ne sont pas cohérentes. Et tout ça, ça vient malmener à la fois l'équilibre des individus et en même temps l'équilibre des organisations.

  • Speaker #0

    Alors effectivement, c'est un concept qui est très large. Ce que je te propose, c'est qu'on reprenne, lettre par lettre, les différentes dimensions du VUCA. On parle de la volatilité pour commencer. Quel est l'impact que la volatilité a sur les individus et le management aujourd'hui ?

  • Speaker #1

    Alors ça qui est intéressant, c'est de permettre aux entreprises de prendre conscience de l'impact qu'a le changement permanent. Alors il faut savoir que les êtres humains n'aiment pas le changement, sauf ceux qu'ils impulsent. En général, moi j'aime bien impulser des changements, je trouve qu'ils sont plutôt cools, mais je n'aime pas qu'on m'impose un changement. Donc un petit exercice que je fais d'habitude, je demande aux gens de croiser les bras. Toi tu peux croiser les bras si tu veux.

  • Speaker #0

    J'essaye.

  • Speaker #1

    Fais-le.

  • Speaker #0

    Ok.

  • Speaker #1

    Et ensuite, je demande de croiser dans l'autre sens.

  • Speaker #0

    Ok.

  • Speaker #1

    Ok, ça c'est un changement subi, donc c'est assez désagréable.

  • Speaker #0

    Je confirme.

  • Speaker #1

    Et l'idée, c'est de permettre aux personnes de prendre conscience que c'est normal que le changement soit mal vécu, tout simplement parce que ça malmène les habitudes. Et une habitude, la vocation d'une habitude, qui correspond à peu près à entre 40 et 60% de notre journée, c'est de nous apporter du confort et de la sécurité. Donc quand ça change en permanence, on se sent en inconfort et en insécurité. au niveau de l'individu. Au niveau des organisations, eh bien, ça va malmener tout ce qui était prévu, la planification, la pensée stratégique, parce que ce qu'on a commencé à mettre en place peut être malmené assez rapidement. Et on l'a vu avec les crises qui sont succédées ces dernières années, c'est qu'on commence, il y a un événement géopolitique qui arrive, une crise, une guerre. On est obligé de tout remettre en question, de tout reposer à plat. Et c'est assez dérangeant dans notre culture à nous où on aime bien avoir le contrôle.

  • Speaker #0

    OK. Alors la volatilité, effectivement... malmènent aussi bien l'individu que l'organisation, mais est-ce que ça pourrait être aussi une opportunité ?

  • Speaker #1

    Tout à fait, parce que si on part du principe que le monde ne va pas changer pour vous, et ça on le verra, c'est quand même une tendance assez française de considérer et de croire qu'on va revenir à la normale, et désolé pour ceux qui le croient, mais j'ai eu bien peur que non, l'idée c'est plutôt d'en faire une opportunité de changement, et d'aller voir par exemple ces équipes en disant le monde change en permanence, confrontons nos modèles d'organisation et de collaboration et voyons si on est fait pour évoluer sereinement dans ce changement permanent. Donc il y a plusieurs axes de progrès, c'est-à-dire que le changement permanent nous invite à être beaucoup plus souples, adaptables et réactifs. Donc ça vient remettre en considération un certain nombre de pratiques que l'on connaît, telles que les pratiques bureaucratiques. qui sont loin d'être souples, agiles et réactives. Donc, ça permet de légitimer ce changement-là au niveau des équipes, tant du point de vue personnel, c'est-à-dire d'explorer son rapport au changement. Il y a des personnalités qui kiffent le changement, puis d'autres, c'est insupportable. Et d'en faire un axe de développement à la fois individuel et aussi collectif.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu aurais des exemples de dirigeants, de managers, voire d'entreprises qui ont saisi cette opportunité pour changer différemment par rapport à...

  • Speaker #1

    On l'a vu aussi, même pendant le confinement, des exemples, ce sont des pratiques qui sont relativement simples. Par exemple, le visual management, qui consiste à faire des points de rencontre réguliers avec ses équipes sur un certain nombre de sujets, à savoir le lancement du projet, ou ce peut être aussi l'occasion d'avoir des feedbacks sur l'humeur, comment je me sens. Puisque ça change tout le temps, n'attendons pas une année pour en tirer les conclusions. Essayons d'adopter des rites-faits qui nous permettent, assez régulièrement, avec des temporalités différentes, selon les sujets, mais assez régulièrement de se dire les choses. Bon, justement, renforcer l'agilité, c'est ce qu'on pratique en fait dans l'agile. La nouveauté du fonctionnement agile, c'est d'avoir des runs de deux semaines alors qu'à fond, on avait plutôt tendance à faire des points au bout de six mois.

  • Speaker #0

    Très bien, là, on vient de voir la volatilité. Et qu'en est-il de l'incertitude ? Ça bouscule quand même un besoin fondamental aujourd'hui en France, le contrôle. Quel est l'impact, en fait, que ça a ?

  • Speaker #1

    En fait, ce qui est assez paradoxal, c'est qu'à bien y réfléchir, on ne sait pas ce qui va se passer dans deux secondes ou dans une semaine. Donc, ce qui est intéressant, c'est de s'interroger sur les raisons pour lesquelles on n'est pas à l'aise avec l'incertitude. On n'est pas à l'aise avec l'incertitude parce que, tout simplement, on perd le contrôle. Il y a un concept en neurosciences qui s'appelle le biais de négativité, qui dit que quand je ne sais pas ce qui va se passer, j'ai plutôt tendance à imaginer le pire. Et ça, ça remonte à la préhistoire. Un petit exercice que j'aime bien donner, c'est que vous êtes en train de cueillir des baies. Et donc c'est la faune, c'est sauvage, vous ne voyez rien, vous entendez un bruit qui se rapproche de plus en plus. La question c'est que faites-vous ? Donc il y a deux réactions naturelles. La première c'est je ne fais rien parce que c'est juste du vent, une petite marmotte. Et si c'est un jaguar ou un tigre au dents de sable, je suis mort. Ou alors je me barre. Et si c'est une petite marmotte, j'ai juste perdu un peu de temps. Donc l'être humain, parce que rappelons-nous quand même que l'être humain ne sait pas voler, n'a pas de griffes. On n'a pas de carapace, on est très faible, assez fragile. A compris que face à quelque chose qu'il ne connaît pas, qu'il ne peut pas anticiper, il est plutôt dans son intérêt de se barrer pour rester en vie. Donc ça c'est le biais de négativité, totalement normal, et c'est de se dire, il faut vraiment accepter l'idée que quand je ne sais pas ce qui va arriver, ma réaction naturelle c'est d'avoir de l'anxiété, de la peur, et de faire tout ce qu'il faut pour ne pas être en danger.

  • Speaker #0

    C'est lié à notre cerveau reptilien,

  • Speaker #1

    je crois ? Tout à fait. Et beaucoup de... D'ailleurs, il n'y a pas que les êtres humains. C'est-à-dire, le néocortex s'est développé bien plus tard. Donc, c'est propre à toutes les espèces que de voir compris, sauf si je suis un éléphant éventuellement, que quand il y a quelque chose qu'on ne comprend pas très bien, le mieux, c'est quand même de s'enfuir. Ça, c'est le premier point. Et il y a quelque chose qui est aussi intéressant, c'est cette perte de contrôle, qui est particulièrement présente dans notre pays. Alors, peut-être que c'est dû à notre... L'éducation, peut-être que c'est dû à notre religion, qui est basée quand même sur cette notion de bien, de mal, de vrai, de faux. D'un point de vue de psychologie sociale, celui qui a de la valeur dans ce pays, c'est celui qui sait, donc qui maîtrise. Et d'un point de vue philosophique, on nous dit que c'est juste impossible de tout savoir, de tout maîtriser. Donc c'est ça qui fait un petit peu défaut aussi, au niveau de l'incertitude, c'est la peur d'être en danger.

  • Speaker #0

    Une fois qu'on a posé cette peur qui est finalement tout à fait normale et ancrée en nous depuis des décennies, comment est-ce qu'on peut transformer cette peur en opportunité aujourd'hui ? En quoi est-ce que ça peut être une opportunité ?

  • Speaker #1

    C'est là où c'est intéressant de prendre conscience de ce qu'on appelle la pensée stoïcienne. La pensée stoïcienne nous invite à faire la part des choses entre ce sur quoi on peut agir et ce sur quoi on ne peut pas agir. Qu'est-ce que nous dit la pensée stoïcienne ? Elle nous dit que c'est un peu ridicule d'avoir peur puisque de toute façon, tu ne peux pas agir dessus, le monde il est comme il est. Concentre-toi sur ta zone de pouvoir d'action. Et deux réactions possibles face à l'incertitude. La première, c'est apprendre à lâcher prise, ce qui n'est pas évident. Donc accepter le fait que je ne puisse pas agir, accepter une espèce de sentiment d'impuissance et se concentrer sur ce sur quoi je peux agir. Ça, c'est la première chose à faire. Et la deuxième, ne pas attendre de se faire bouffer par le tigre et être beaucoup plus proactif. On l'a vu d'ailleurs pendant le confinement, avec un exemple qui est le quick and collect. On a vu que la restauration était malmenée. Il y en a qui ont décidé de proagir en créant le quick and collect, puis d'autres d'attendre que la vague passe. Donc l'incertitude est une manière pour moi de légitimer vis-à-vis de ces équipes le fait qu'on ne va pas attendre de savoir à quelle sauce on va être mangé, d'intégrer aussi l'idée peut-être qu'on ne reviendra pas en arrière, ça c'est important. Et puis de légitimer auprès de ces équipes qu'il faut être beaucoup plus proactif et apprendre à lâcher prise.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu peux nous citer quelques pratiques qui sont apparues face à ces incertitudes en management ?

  • Speaker #1

    Là, on est sur de l'anxiété. Donc, il y a eu beaucoup de pratiques qui ont été mises en place dans le cadre du bien-être au travail, notamment les déclarations des humeurs. C'est-à-dire inviter ces équipes à déclarer dans quelle humeur elles sont, individuellement ou collectivement, pour avoir de l'information et pouvoir traiter tout ça. Sur la réactivité, aller plutôt davantage sur des pratiques du type innovation, proposer des nouvelles idées, on en parlera dans un podcast sur l'antifragilité. C'est consacrer un peu de temps et d'argent à mobiliser les équipes sur l'expérimentation de nouvelles idées. Ça, c'est pour soutenir la réactivité, enfin la proactivité, pardon. Et puis la déclaration des humeurs, c'est pour avoir une information sur le niveau de l'intégration du lâcher-prise.

  • Speaker #0

    Le lâcher-prise en France, tu le disais tout à l'heure, ce n'était absolument pas quelque chose d'évident. Est-ce que toi, tu as observé des résultats probants dans certaines entreprises ?

  • Speaker #1

    C'est super compliqué parce que c'est déjà un travail à faire sur soi. Il m'est arrivé dans les entreprises, quand je suis sur ces sujets, en formation notamment, de consacrer une part importante de la journée sur la pensée stoïcienne, le lâcher-prise, parce que l'idée, c'est d'être serein. Il y a un dicton chez les stoïciens qui dit, est-ce que tu as un problème, oui ou non ? Si t'as pas de problème, bah sois tranquille, parce que t'as pas de problème. Si t'as un problème, donc oui. Est-ce que t'as la solution ? Oui ou non. Si t'as pas de solution, bah sois tranquille. Et puis si t'as solution, bah sois tranquille. Et tout ça, c'est pas évident, parce que comme on est dans une culture de la perfection, de la maîtrise, du succès, où on est valorisé sur notre capacité justement à tout contrôler, et ça nous demande beaucoup beaucoup de travail, nous les Français, pour pouvoir s'approprier la culture du lâcher-prise. D'autant qu'on a des gouvernants qui sont formés dans des grandes écoles où je ne pense pas que ce soit ça qu'on leur enseigne.

  • Speaker #0

    Tu soulignes avec justesse le fait qu'on n'est pas facilement dans le lâcher-prise en France. Et justement, les dirigeants aujourd'hui en France sont valorisés sur leur savoir. Comment est-ce qu'à partir de là, on peut se sentir à l'aise avec la complexité, le fameux C de VUCA, la complexité, quand on veut tout savoir ?

  • Speaker #1

    C'est vrai que la complexité, elle malmène le sachant. D'ailleurs, on l'a vécu pendant le confinement, lorsqu'on a découvert le virus et qu'on ne savait pas comment le traiter. On a vu tous les éminents virologues avoir des points de vue complètement différents, ce qui, bien évidemment, a créé du désordre. On ne pouvait plus faire confiance au sachant. Déjà, il va falloir repenser la valeur d'un dirigeant. Est-ce qu'un dirigeant est là pour tout savoir ?

  • Speaker #0

    Est-ce que c'est possible aujourd'hui, en plus, avec l'IA ?

  • Speaker #1

    compte tenu de la complexité, c'est de moins en moins possible. Et donc, du coup, ça va amener le dirigeant à peut-être avoir un autre message, et peut-être à accepter l'idée de dire à ses équipes que je ne sais pas tout, et d'ailleurs, c'est la raison pour laquelle vous travaillez avec moi, c'est que je ne sais pas, vous, vous le savez peut-être. Et c'est ce que nous invite à faire la complexité, c'est à solliciter le plus grand nombre, ce qu'on appelle mobiliser l'intelligence collective, parce qu'on pense qu'on n'est plus sachant à plusieurs que tout seul. mais ça nécessite de la part du dirigeant qui ait une position un petit peu basse, un peu plus humble vis-à-vis de ses équipes. Et je ne crois pas qu'une équipe, on voudra un dirigeant qui lui dise « je ne sais pas, je ne sais pas, mais comme tu es avec moi, nous allons trouver une solution ensemble » .

  • Speaker #0

    Donc finalement, si je comprends bien la complexité, c'est l'opportunité de passer de « je ne sais pas » à « mais peut-être nous pouvons savoir ensemble » .

  • Speaker #1

    C'est ça, c'est peut-être l'opportunité pour une entreprise. de mettre à l'épreuve ou de reconsidérer la raison d'être du manager et d'un dirigeant, à adopter de nouvelles pratiques, de nouveaux rituels, à travers des groupes de travail, à travers tout un tas de choses qui ne sont pas nouvelles, ce que je dis. On a eu des exemples, par exemple les hackathons, mettre en place des challenges, mobiliser toutes les énergies pour pouvoir essayer de trouver des solutions, parce qu'on ne sait plus ce qu'il faut faire.

  • Speaker #0

    Ça participe également à la recherche de sens, qui est de plus en plus importante de la part des équipes.

  • Speaker #1

    Alors là, je vais faire un pas de côté, Maria, si tu m'y autorises, parce que je ne crois pas qu'un individu sera touché par la grâce quand un dirigeant va lui présenter son projet d'entreprise qui fait sens pour l'entreprise. Quand on parle de sens, et je citerai Bentham, qui est un philosophe, qui nous dit, en manière un peu provoquante, nous sommes tous des égoïstes. C'est-à-dire que tout ce que nous faisons a pour vocation d'être utile pour nous. Donc oui, sur le sens. À partir du moment où on a bien vérifié que ça fait sens pour l'individu et pas forcément pour l'entreprise. Donc là, on va aller, on le verra dans un autre podcast sur la motivation. Je crois qu'on avait prévu d'évoquer ce sujet-là. Mais attention, de mon point de vue, aux termes qu'on utilise. J'entends beaucoup dans les médias, en fait, aujourd'hui, les gens veulent du sens. Mais on le verra aussi peut-être tout à l'heure. On est rentré dans une société très individualiste. Et le sens dans un monde individualiste, c'est ce qu'on appelle le TPMG, donc tout pour ma gueule, ce qui n'est pas tellement en phase avec la complexité, mais ce qui nécessite de se dire les choses, en fait.

  • Speaker #0

    Très bien. Alors, si on allait à présent explorer la dernière dimension du cas, c'est-à-dire l'ambiguïté, est-ce qu'on peut vraiment naviguer dans la contradiction aujourd'hui et dans l'ambiguïté ?

  • Speaker #1

    C'est extrêmement complexe parce que l'ambiguïté... Je vous donne un exemple d'ambiguïté, je reprends encore le confinement parce que ça parle à tout le monde, je pense, mais... Moi, quand j'intervenais en formation dans des périodes de confinement, déconfinement, couvre-feu, etc., il y avait d'un côté une injonction légitime, à savoir porter le masque, s'il vous plaît, pour éviter la propagation du virus pendant les formations. Et puis, pendant les pauses café, plus personne n'avait le masque, tout le monde se parlait. Donc, soit le virus s'arrêtait de se propager pendant les pauses café, ce qui est possible, soit on a des décisions qui n'ont pas vraiment de sens, pour le coup, et qui sont paradoxales. Pour autant, c'était, selon moi, l'une des meilleures des décisions. Il faut juste apprendre que... Dans le monde de l'entreprise, cette notion de paradoxe n'est pas nouvelle. Quand on dit par exemple, vous en tant que manager, vous devez privilégier la cohésion d'équipe, mais en même temps vous récompensez à titre individuel au regard des résultats individuels, c'est un paradoxe. Quand on dit, vous devez respecter les règles, mais en même temps vous devez faire preuve d'audace, c'est un paradoxe. Et tout ça, c'est une conjugaison de tout un tas de cultures managériales issues des années précédentes qui viennent s'entrechoquer. Et donc l'ambiguïté génère du doute. Quand on est dans l'ambiguïté, il faut essayer de lâcher ce côté « je maîtrise, je sais » et plutôt aller sur une approche d'expérimentation. Je teste. Je vais prendre un autre exemple. Quand on est passé en hybride, moi je me souviens pendant le confinement, donc on était tous un petit peu à l'arrêt les consultants, où j'ai des grands groupes qui m'appellent en disant « on aimerait bien que vous donniez une conférence sur le majeur anti-hybride » . Moi je dis « ok » , mais je ne sais pas ce que c'est, en fait c'est nouveau. Par contre je peux me renseigner, etc. Quand j'ai regardé, on n'avait aucun ouvrage, aucune base d'informations sur Libri. Donc, j'ai fait ce que j'ai pu, j'ai essayé de construire quelque chose sur le moment. Et donc, la première réaction des entreprises, et je parle du CAC 40, c'était, OK, très bien, mais est-ce que vous êtes sûrs que ça a marché, votre truc ? Je ne sais pas. Et dans une pensée leadership, où, en fait, la valeur, elle est liée au succès, à la réussite, ce n'est pas facile d'être dans l'expérimentation, parce que... Peut-être que je vais échouer et quand on est dans une logique de leadership, on ne supporte pas l'échec.

  • Speaker #0

    D'accord, donc en ambiguïté, ça veut dire que je dois passer dans un état d'esprit où je teste sans savoir si je vais réussir ?

  • Speaker #1

    D'une part, et d'autre part, on peut même aller beaucoup plus loin. Il y a un exercice que j'aime bien qui est le Prémortem, le Prémortem qui date des années 80, qui est utilisé par Pixar. Parce que Pixar part du principe que c'est impossible que la première version de dessin nommé soit la bonne, donc on va la critiquer. qui est aussi utilisé par les forces spéciales de l'armée de terre française. Le prémortem, c'est lorsque l'on a une idée, donc on part d'une intention positive, enthousiaste. Tout de suite après, on va le critiquer, et on va partir du présupposé qu'on s'est planté. Donc le prémortem est intéressant, justement, dans ce monde vu-cas, parce que ça permet de mettre à l'épreuve notre idée, ça permet de contourner un certain nombre de biais cognitifs aussi, comme par exemple le biais attentionnel, qui fait que Si j'ai une idée et je trouve qu'elle est bonne, je ne vais pas la remettre en question, puisque ça vaut aller content. Cet exercice-là qui consiste à dire qu'on a une idée, on pense qu'elle est bonne, mais on va la mettre à l'épreuve, non pas en se demandant ce qui pourrait échouer, mais plutôt ce qui a échoué, nous permet de nous renforcer dans cette proche un peu paradoxale où on ne sait pas trop si ça va marcher ou pas.

  • Speaker #0

    Finalement, c'est une façon de tester en diminuant le niveau de risque que l'on prend.

  • Speaker #1

    Et d'assumer le fait que ça ne marchera pas forcément comme on le veut. Et encore une fois, et c'est ce que nous amène le monde VUCA, et je trouve qu'il est intéressant, le monde VUCA vient quand même percuter. 100 ans d'histoire du management, l'intérêt d'utiliser la grille VUCA, c'est de dire à ses équipes « Voilà, on est rentrés dans un nouveau monde, mettons à l'épreuve tout ce qu'on a appris qui marchait, peut-être ne marche plus, et si ça ne marche plus, acceptons-le, et essayons d'adopter de nouvelles postures, de nouvelles pratiques pour mieux être alignés au monde d'aujourd'hui et des décennies qui vont venir. »

  • Speaker #0

    Tu le dis, 100 ans de management remis en question qui sont un peu bousculés. Et tu écris également que le monde du cas va nous coûter cher. Qu'est-ce que tu entends par cher ? Combien ?

  • Speaker #1

    Pas d'argent en fait. Tout ce que je viens d'évoquer, c'est un changement tellement profond que ça ne va pas se faire naturellement. Poser un nouvel acronyme qui est le cher, ça veut dire quoi ? Ça veut dire que pour pouvoir vous adapter à un monde du cas... Il va falloir à un moment donné remettre en question vos croyances et vos certitudes. Et ça, ce n'est pas facile. L'exemple que je donne tout le temps, c'est « Est-ce que Napoléon était de petite taille ? » Je ne sais pas ce que tu en penses, mais toi, si je te pose la question « Est-ce que Napoléon est de petite taille ? » , tu réponds quoi ?

  • Speaker #0

    J'aurais plutôt tendance à répondre oui. En tout cas, c'est comme ça qu'on nous l'a représenté.

  • Speaker #1

    Eh bien, c'est faux. Il était de taille moyenne de son époque. Après le H ce sont les habitudes, on en a parlé tout à l'heure. Et ensuite, on a le E, ce sont les émotions. Les émotions, on en a parlé avec le biais de négativité, avec l'anxiété que générait l'incertitude. Et le R, c'est notre raisonnement, qui est malmené aussi par l'ambiguïté. Donc ça veut dire qu'avant de s'engager dans un projet comme celui-ci, il faut vraiment bien avoir conscience que ce n'est pas naturel, et que ça demande à travailler sur ses croyances, ses habitudes, ses émotions et son mode de raisonnement.

  • Speaker #0

    Ok, alors si pour terminer ce podcast, tu devais nous donner 2-3 micro-changements à tester dès demain pour mieux traverser ce monde du cas, qu'est-ce que tu conseillerais aux dirigeants ?

  • Speaker #1

    Alors la première chose que je conseillerais à un dirigeant, et je le vois, et certaines entreprises le font, en tout cas quand j'interviens avec elles, c'est de faire partager cette grille de lecture à l'ensemble des salariés, que ce soit le comité de direction, les managers et même idéalement l'ensemble des collaborateurs. pour qu'il n'y ait plus de doutes, il n'y ait plus d'incompréhensions. C'est important de mon point de vue que les gens soient sereins dans un monde qui nous malmène, ça c'est le premier principe. Après je crois qu'au-delà des pratiques qui sont importantes, ça permet de légitimer en fait de nouvelles pratiques, c'est plutôt d'adopter un nouvel état d'esprit. Pour moi, évoluer dans un monde de VUCA, ça répond à bien s'approprier deux accords Toltec. Moi j'aime bien les accords Toltec. Le premier c'est on fait du mieux qu'on peut. On fait du mieux qu'on peut, ça ne veut pas dire qu'on lâche prise, on s'en fiche. C'est-à-dire que je continue à avancer, mais je ne m'en veux pas si je n'y arrive pas. Et puis le dernier accord Toltec qui est intéressant, qui rejoint un peu la pensée de Descartes, c'est « soyez sceptiques, mais apprenez à écouter » . C'est-à-dire qu'il faut qu'on arrive vraiment à ce que les entreprises arrêtent d'être toujours dans le schéma « je maîtrise, je sais » et peut-être adhèrent à une pensée un peu plus philosophique. ça fait deux ans que je me mis à la philosophie et j'adore la philosophie parce que ça m'aide à bien évoluer dans un monde où on est tous un petit peu perdus. Donc voilà les conseils que je donnerais, c'est partager cette grille de lecture à l'ensemble des acteurs de l'entreprise pour avancer du concert, et puis travailler un peu sur la posture pour gagner en sérénité dans un monde qui m'amène.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup pour cet épisode passionnant sur le VUCA. Comme on l'a vu avec toi, Francis, le monde VUCA n'est pas une menace, c'est plutôt un miroir. On peut décider de le subir ou d'en faire une opportunité. On ira plus loin sur les prochains podcasts. Sur les postures à adopter, sur ce qui va soutenir ce changement d'état d'esprit, cette nouvelle façon d'aborder le monde. Et au prochain épisode ?

  • Speaker #1

    Au prochain épisode.

Description

Dans un monde qui change plus vite qu’il ne s’explique, la grille de lecture VUCA — Volatilité, Incertitude, Complexité, Ambiguïté — s’impose comme un outil incontournable pour comprendre les bouleversements que vivent les organisations.

Mais comprendre ne suffit plus. Ce podcast vous propose d’aller plus loin :
– Pourquoi les modèles managériaux traditionnels (command & control, qualité totale, maîtrise des risques) ne tiennent plus ?
– Comment la volatilité bouscule les habitudes, l’incertitude fragilise le besoin de contrôle, la complexité met à mal les experts et l’ambiguïté provoque du doute ?
– Quels leviers concrets mobiliser pour passer de la sidération à l’action ?

Ce n’est pas un podcast de plus sur le changement : c’est une boussole pour celles et ceux qui doivent décider, accompagner, ou tenir bon… quand les repères vacillent.


Lire l'article sur le sujet : https://www.innovationmanageriale.com/comment-manager-dans-un-monde-vuca/


Interview de Francis Boyer par Marija Nikolendzic


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Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour et bienvenue dans cette série de podcasts sur le management d'aujourd'hui et de demain. Avec Francis Boyer, ancien DRH devenu consultant, coach et conférencier en innovation managériale, nous vous invitons à faire un pas de côté pour repenser vos pratiques à la croisée de la sociologie. de la psychologie, de la philosophie, des neurosciences et bien évidemment des pratiques du terrain. Pour ce premier épisode, nous allons parler du VUCA. Quatre lettres qui résument bien notre époque, volatile, incertaine, complexe et ambiguë. Pour les dirigeants des RH et managers, ce n'est déjà plus un concept abstrait, mais c'est leur quotidien. Dans ce podcast, Francis, tu vas nous aider à poser un diagnostic lucide sur ce monde devenu instable et à identifier les leviers d'action concrets pour y faire face. Comment est-ce qu'on peut manager sans visibilité ? Comment garder le cap quand tout change sans cesse ? Ce que vous allez entendre, c'est une grille de lecture stratégique pour ne plus subir la complexité, mais apprendre à y voir plus clair. Bonjour Francis.

  • Speaker #1

    Bonjour.

  • Speaker #0

    VUCA est un mot qu'on entend partout depuis quelques années, mais que dit-il vraiment de notre époque ? Et pourquoi est-ce que c'est une grille de lecture utile pour les managers selon toi ?

  • Speaker #1

    VUCA est intéressante comme grille de lecture parce qu'elle répond à une problématique que rencontrent aujourd'hui beaucoup d'entreprises, à savoir qu'elles vivent très très mal les crises, elles ne les comprennent pas, elles ne savent pas comment réagir. Donc souvent on vient de solliciter sur « pourrais-tu nous aider pour mieux naviguer dans l'incertitude, dans un petit peu perdu ? » Et j'ai l'habitude de leur présenter cet acronyme VUCA, qui n'est pas récent puisque ça date de 1998, mais qui a beaucoup de sens aujourd'hui, après la Covid, compte tenu de la succession de crises qu'on est en train de vivre. et l'idée c'est de de bien faire comprendre aux entreprises qu'elles ont quatre critères, quatre dimensions à prendre en considération, que décrit très bien ce modèle. Savoir la volatilité. Qu'est-ce que veut dire la volatilité ? C'est tout simplement que le monde y change en permanence. C'est la particularité, c'est l'accélération des changements. Ça, c'est le premier critère. Ensuite, il y a l'incertitude. L'incertitude nous indique qu'en fait, on n'est plus capable de savoir ce qui va se passer dans les jours, voire les mois qui viennent. Vous avez ensuite la complexité, c'est-à-dire qu'il est fréquent qu'on comprenne un posteriori. compte tenu de la densité d'informations et des interactions qu'il y a entre les informations, qui rendent l'agriculture un peu complexe, et l'ambiguïté, à savoir les paradoxes ou certains noms de décisions qui sont prises, qui ne sont pas logiques, qui ne sont pas cohérentes. Et tout ça, ça vient malmener à la fois l'équilibre des individus et en même temps l'équilibre des organisations.

  • Speaker #0

    Alors effectivement, c'est un concept qui est très large. Ce que je te propose, c'est qu'on reprenne, lettre par lettre, les différentes dimensions du VUCA. On parle de la volatilité pour commencer. Quel est l'impact que la volatilité a sur les individus et le management aujourd'hui ?

  • Speaker #1

    Alors ça qui est intéressant, c'est de permettre aux entreprises de prendre conscience de l'impact qu'a le changement permanent. Alors il faut savoir que les êtres humains n'aiment pas le changement, sauf ceux qu'ils impulsent. En général, moi j'aime bien impulser des changements, je trouve qu'ils sont plutôt cools, mais je n'aime pas qu'on m'impose un changement. Donc un petit exercice que je fais d'habitude, je demande aux gens de croiser les bras. Toi tu peux croiser les bras si tu veux.

  • Speaker #0

    J'essaye.

  • Speaker #1

    Fais-le.

  • Speaker #0

    Ok.

  • Speaker #1

    Et ensuite, je demande de croiser dans l'autre sens.

  • Speaker #0

    Ok.

  • Speaker #1

    Ok, ça c'est un changement subi, donc c'est assez désagréable.

  • Speaker #0

    Je confirme.

  • Speaker #1

    Et l'idée, c'est de permettre aux personnes de prendre conscience que c'est normal que le changement soit mal vécu, tout simplement parce que ça malmène les habitudes. Et une habitude, la vocation d'une habitude, qui correspond à peu près à entre 40 et 60% de notre journée, c'est de nous apporter du confort et de la sécurité. Donc quand ça change en permanence, on se sent en inconfort et en insécurité. au niveau de l'individu. Au niveau des organisations, eh bien, ça va malmener tout ce qui était prévu, la planification, la pensée stratégique, parce que ce qu'on a commencé à mettre en place peut être malmené assez rapidement. Et on l'a vu avec les crises qui sont succédées ces dernières années, c'est qu'on commence, il y a un événement géopolitique qui arrive, une crise, une guerre. On est obligé de tout remettre en question, de tout reposer à plat. Et c'est assez dérangeant dans notre culture à nous où on aime bien avoir le contrôle.

  • Speaker #0

    OK. Alors la volatilité, effectivement... malmènent aussi bien l'individu que l'organisation, mais est-ce que ça pourrait être aussi une opportunité ?

  • Speaker #1

    Tout à fait, parce que si on part du principe que le monde ne va pas changer pour vous, et ça on le verra, c'est quand même une tendance assez française de considérer et de croire qu'on va revenir à la normale, et désolé pour ceux qui le croient, mais j'ai eu bien peur que non, l'idée c'est plutôt d'en faire une opportunité de changement, et d'aller voir par exemple ces équipes en disant le monde change en permanence, confrontons nos modèles d'organisation et de collaboration et voyons si on est fait pour évoluer sereinement dans ce changement permanent. Donc il y a plusieurs axes de progrès, c'est-à-dire que le changement permanent nous invite à être beaucoup plus souples, adaptables et réactifs. Donc ça vient remettre en considération un certain nombre de pratiques que l'on connaît, telles que les pratiques bureaucratiques. qui sont loin d'être souples, agiles et réactives. Donc, ça permet de légitimer ce changement-là au niveau des équipes, tant du point de vue personnel, c'est-à-dire d'explorer son rapport au changement. Il y a des personnalités qui kiffent le changement, puis d'autres, c'est insupportable. Et d'en faire un axe de développement à la fois individuel et aussi collectif.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu aurais des exemples de dirigeants, de managers, voire d'entreprises qui ont saisi cette opportunité pour changer différemment par rapport à...

  • Speaker #1

    On l'a vu aussi, même pendant le confinement, des exemples, ce sont des pratiques qui sont relativement simples. Par exemple, le visual management, qui consiste à faire des points de rencontre réguliers avec ses équipes sur un certain nombre de sujets, à savoir le lancement du projet, ou ce peut être aussi l'occasion d'avoir des feedbacks sur l'humeur, comment je me sens. Puisque ça change tout le temps, n'attendons pas une année pour en tirer les conclusions. Essayons d'adopter des rites-faits qui nous permettent, assez régulièrement, avec des temporalités différentes, selon les sujets, mais assez régulièrement de se dire les choses. Bon, justement, renforcer l'agilité, c'est ce qu'on pratique en fait dans l'agile. La nouveauté du fonctionnement agile, c'est d'avoir des runs de deux semaines alors qu'à fond, on avait plutôt tendance à faire des points au bout de six mois.

  • Speaker #0

    Très bien, là, on vient de voir la volatilité. Et qu'en est-il de l'incertitude ? Ça bouscule quand même un besoin fondamental aujourd'hui en France, le contrôle. Quel est l'impact, en fait, que ça a ?

  • Speaker #1

    En fait, ce qui est assez paradoxal, c'est qu'à bien y réfléchir, on ne sait pas ce qui va se passer dans deux secondes ou dans une semaine. Donc, ce qui est intéressant, c'est de s'interroger sur les raisons pour lesquelles on n'est pas à l'aise avec l'incertitude. On n'est pas à l'aise avec l'incertitude parce que, tout simplement, on perd le contrôle. Il y a un concept en neurosciences qui s'appelle le biais de négativité, qui dit que quand je ne sais pas ce qui va se passer, j'ai plutôt tendance à imaginer le pire. Et ça, ça remonte à la préhistoire. Un petit exercice que j'aime bien donner, c'est que vous êtes en train de cueillir des baies. Et donc c'est la faune, c'est sauvage, vous ne voyez rien, vous entendez un bruit qui se rapproche de plus en plus. La question c'est que faites-vous ? Donc il y a deux réactions naturelles. La première c'est je ne fais rien parce que c'est juste du vent, une petite marmotte. Et si c'est un jaguar ou un tigre au dents de sable, je suis mort. Ou alors je me barre. Et si c'est une petite marmotte, j'ai juste perdu un peu de temps. Donc l'être humain, parce que rappelons-nous quand même que l'être humain ne sait pas voler, n'a pas de griffes. On n'a pas de carapace, on est très faible, assez fragile. A compris que face à quelque chose qu'il ne connaît pas, qu'il ne peut pas anticiper, il est plutôt dans son intérêt de se barrer pour rester en vie. Donc ça c'est le biais de négativité, totalement normal, et c'est de se dire, il faut vraiment accepter l'idée que quand je ne sais pas ce qui va arriver, ma réaction naturelle c'est d'avoir de l'anxiété, de la peur, et de faire tout ce qu'il faut pour ne pas être en danger.

  • Speaker #0

    C'est lié à notre cerveau reptilien,

  • Speaker #1

    je crois ? Tout à fait. Et beaucoup de... D'ailleurs, il n'y a pas que les êtres humains. C'est-à-dire, le néocortex s'est développé bien plus tard. Donc, c'est propre à toutes les espèces que de voir compris, sauf si je suis un éléphant éventuellement, que quand il y a quelque chose qu'on ne comprend pas très bien, le mieux, c'est quand même de s'enfuir. Ça, c'est le premier point. Et il y a quelque chose qui est aussi intéressant, c'est cette perte de contrôle, qui est particulièrement présente dans notre pays. Alors, peut-être que c'est dû à notre... L'éducation, peut-être que c'est dû à notre religion, qui est basée quand même sur cette notion de bien, de mal, de vrai, de faux. D'un point de vue de psychologie sociale, celui qui a de la valeur dans ce pays, c'est celui qui sait, donc qui maîtrise. Et d'un point de vue philosophique, on nous dit que c'est juste impossible de tout savoir, de tout maîtriser. Donc c'est ça qui fait un petit peu défaut aussi, au niveau de l'incertitude, c'est la peur d'être en danger.

  • Speaker #0

    Une fois qu'on a posé cette peur qui est finalement tout à fait normale et ancrée en nous depuis des décennies, comment est-ce qu'on peut transformer cette peur en opportunité aujourd'hui ? En quoi est-ce que ça peut être une opportunité ?

  • Speaker #1

    C'est là où c'est intéressant de prendre conscience de ce qu'on appelle la pensée stoïcienne. La pensée stoïcienne nous invite à faire la part des choses entre ce sur quoi on peut agir et ce sur quoi on ne peut pas agir. Qu'est-ce que nous dit la pensée stoïcienne ? Elle nous dit que c'est un peu ridicule d'avoir peur puisque de toute façon, tu ne peux pas agir dessus, le monde il est comme il est. Concentre-toi sur ta zone de pouvoir d'action. Et deux réactions possibles face à l'incertitude. La première, c'est apprendre à lâcher prise, ce qui n'est pas évident. Donc accepter le fait que je ne puisse pas agir, accepter une espèce de sentiment d'impuissance et se concentrer sur ce sur quoi je peux agir. Ça, c'est la première chose à faire. Et la deuxième, ne pas attendre de se faire bouffer par le tigre et être beaucoup plus proactif. On l'a vu d'ailleurs pendant le confinement, avec un exemple qui est le quick and collect. On a vu que la restauration était malmenée. Il y en a qui ont décidé de proagir en créant le quick and collect, puis d'autres d'attendre que la vague passe. Donc l'incertitude est une manière pour moi de légitimer vis-à-vis de ces équipes le fait qu'on ne va pas attendre de savoir à quelle sauce on va être mangé, d'intégrer aussi l'idée peut-être qu'on ne reviendra pas en arrière, ça c'est important. Et puis de légitimer auprès de ces équipes qu'il faut être beaucoup plus proactif et apprendre à lâcher prise.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu peux nous citer quelques pratiques qui sont apparues face à ces incertitudes en management ?

  • Speaker #1

    Là, on est sur de l'anxiété. Donc, il y a eu beaucoup de pratiques qui ont été mises en place dans le cadre du bien-être au travail, notamment les déclarations des humeurs. C'est-à-dire inviter ces équipes à déclarer dans quelle humeur elles sont, individuellement ou collectivement, pour avoir de l'information et pouvoir traiter tout ça. Sur la réactivité, aller plutôt davantage sur des pratiques du type innovation, proposer des nouvelles idées, on en parlera dans un podcast sur l'antifragilité. C'est consacrer un peu de temps et d'argent à mobiliser les équipes sur l'expérimentation de nouvelles idées. Ça, c'est pour soutenir la réactivité, enfin la proactivité, pardon. Et puis la déclaration des humeurs, c'est pour avoir une information sur le niveau de l'intégration du lâcher-prise.

  • Speaker #0

    Le lâcher-prise en France, tu le disais tout à l'heure, ce n'était absolument pas quelque chose d'évident. Est-ce que toi, tu as observé des résultats probants dans certaines entreprises ?

  • Speaker #1

    C'est super compliqué parce que c'est déjà un travail à faire sur soi. Il m'est arrivé dans les entreprises, quand je suis sur ces sujets, en formation notamment, de consacrer une part importante de la journée sur la pensée stoïcienne, le lâcher-prise, parce que l'idée, c'est d'être serein. Il y a un dicton chez les stoïciens qui dit, est-ce que tu as un problème, oui ou non ? Si t'as pas de problème, bah sois tranquille, parce que t'as pas de problème. Si t'as un problème, donc oui. Est-ce que t'as la solution ? Oui ou non. Si t'as pas de solution, bah sois tranquille. Et puis si t'as solution, bah sois tranquille. Et tout ça, c'est pas évident, parce que comme on est dans une culture de la perfection, de la maîtrise, du succès, où on est valorisé sur notre capacité justement à tout contrôler, et ça nous demande beaucoup beaucoup de travail, nous les Français, pour pouvoir s'approprier la culture du lâcher-prise. D'autant qu'on a des gouvernants qui sont formés dans des grandes écoles où je ne pense pas que ce soit ça qu'on leur enseigne.

  • Speaker #0

    Tu soulignes avec justesse le fait qu'on n'est pas facilement dans le lâcher-prise en France. Et justement, les dirigeants aujourd'hui en France sont valorisés sur leur savoir. Comment est-ce qu'à partir de là, on peut se sentir à l'aise avec la complexité, le fameux C de VUCA, la complexité, quand on veut tout savoir ?

  • Speaker #1

    C'est vrai que la complexité, elle malmène le sachant. D'ailleurs, on l'a vécu pendant le confinement, lorsqu'on a découvert le virus et qu'on ne savait pas comment le traiter. On a vu tous les éminents virologues avoir des points de vue complètement différents, ce qui, bien évidemment, a créé du désordre. On ne pouvait plus faire confiance au sachant. Déjà, il va falloir repenser la valeur d'un dirigeant. Est-ce qu'un dirigeant est là pour tout savoir ?

  • Speaker #0

    Est-ce que c'est possible aujourd'hui, en plus, avec l'IA ?

  • Speaker #1

    compte tenu de la complexité, c'est de moins en moins possible. Et donc, du coup, ça va amener le dirigeant à peut-être avoir un autre message, et peut-être à accepter l'idée de dire à ses équipes que je ne sais pas tout, et d'ailleurs, c'est la raison pour laquelle vous travaillez avec moi, c'est que je ne sais pas, vous, vous le savez peut-être. Et c'est ce que nous invite à faire la complexité, c'est à solliciter le plus grand nombre, ce qu'on appelle mobiliser l'intelligence collective, parce qu'on pense qu'on n'est plus sachant à plusieurs que tout seul. mais ça nécessite de la part du dirigeant qui ait une position un petit peu basse, un peu plus humble vis-à-vis de ses équipes. Et je ne crois pas qu'une équipe, on voudra un dirigeant qui lui dise « je ne sais pas, je ne sais pas, mais comme tu es avec moi, nous allons trouver une solution ensemble » .

  • Speaker #0

    Donc finalement, si je comprends bien la complexité, c'est l'opportunité de passer de « je ne sais pas » à « mais peut-être nous pouvons savoir ensemble » .

  • Speaker #1

    C'est ça, c'est peut-être l'opportunité pour une entreprise. de mettre à l'épreuve ou de reconsidérer la raison d'être du manager et d'un dirigeant, à adopter de nouvelles pratiques, de nouveaux rituels, à travers des groupes de travail, à travers tout un tas de choses qui ne sont pas nouvelles, ce que je dis. On a eu des exemples, par exemple les hackathons, mettre en place des challenges, mobiliser toutes les énergies pour pouvoir essayer de trouver des solutions, parce qu'on ne sait plus ce qu'il faut faire.

  • Speaker #0

    Ça participe également à la recherche de sens, qui est de plus en plus importante de la part des équipes.

  • Speaker #1

    Alors là, je vais faire un pas de côté, Maria, si tu m'y autorises, parce que je ne crois pas qu'un individu sera touché par la grâce quand un dirigeant va lui présenter son projet d'entreprise qui fait sens pour l'entreprise. Quand on parle de sens, et je citerai Bentham, qui est un philosophe, qui nous dit, en manière un peu provoquante, nous sommes tous des égoïstes. C'est-à-dire que tout ce que nous faisons a pour vocation d'être utile pour nous. Donc oui, sur le sens. À partir du moment où on a bien vérifié que ça fait sens pour l'individu et pas forcément pour l'entreprise. Donc là, on va aller, on le verra dans un autre podcast sur la motivation. Je crois qu'on avait prévu d'évoquer ce sujet-là. Mais attention, de mon point de vue, aux termes qu'on utilise. J'entends beaucoup dans les médias, en fait, aujourd'hui, les gens veulent du sens. Mais on le verra aussi peut-être tout à l'heure. On est rentré dans une société très individualiste. Et le sens dans un monde individualiste, c'est ce qu'on appelle le TPMG, donc tout pour ma gueule, ce qui n'est pas tellement en phase avec la complexité, mais ce qui nécessite de se dire les choses, en fait.

  • Speaker #0

    Très bien. Alors, si on allait à présent explorer la dernière dimension du cas, c'est-à-dire l'ambiguïté, est-ce qu'on peut vraiment naviguer dans la contradiction aujourd'hui et dans l'ambiguïté ?

  • Speaker #1

    C'est extrêmement complexe parce que l'ambiguïté... Je vous donne un exemple d'ambiguïté, je reprends encore le confinement parce que ça parle à tout le monde, je pense, mais... Moi, quand j'intervenais en formation dans des périodes de confinement, déconfinement, couvre-feu, etc., il y avait d'un côté une injonction légitime, à savoir porter le masque, s'il vous plaît, pour éviter la propagation du virus pendant les formations. Et puis, pendant les pauses café, plus personne n'avait le masque, tout le monde se parlait. Donc, soit le virus s'arrêtait de se propager pendant les pauses café, ce qui est possible, soit on a des décisions qui n'ont pas vraiment de sens, pour le coup, et qui sont paradoxales. Pour autant, c'était, selon moi, l'une des meilleures des décisions. Il faut juste apprendre que... Dans le monde de l'entreprise, cette notion de paradoxe n'est pas nouvelle. Quand on dit par exemple, vous en tant que manager, vous devez privilégier la cohésion d'équipe, mais en même temps vous récompensez à titre individuel au regard des résultats individuels, c'est un paradoxe. Quand on dit, vous devez respecter les règles, mais en même temps vous devez faire preuve d'audace, c'est un paradoxe. Et tout ça, c'est une conjugaison de tout un tas de cultures managériales issues des années précédentes qui viennent s'entrechoquer. Et donc l'ambiguïté génère du doute. Quand on est dans l'ambiguïté, il faut essayer de lâcher ce côté « je maîtrise, je sais » et plutôt aller sur une approche d'expérimentation. Je teste. Je vais prendre un autre exemple. Quand on est passé en hybride, moi je me souviens pendant le confinement, donc on était tous un petit peu à l'arrêt les consultants, où j'ai des grands groupes qui m'appellent en disant « on aimerait bien que vous donniez une conférence sur le majeur anti-hybride » . Moi je dis « ok » , mais je ne sais pas ce que c'est, en fait c'est nouveau. Par contre je peux me renseigner, etc. Quand j'ai regardé, on n'avait aucun ouvrage, aucune base d'informations sur Libri. Donc, j'ai fait ce que j'ai pu, j'ai essayé de construire quelque chose sur le moment. Et donc, la première réaction des entreprises, et je parle du CAC 40, c'était, OK, très bien, mais est-ce que vous êtes sûrs que ça a marché, votre truc ? Je ne sais pas. Et dans une pensée leadership, où, en fait, la valeur, elle est liée au succès, à la réussite, ce n'est pas facile d'être dans l'expérimentation, parce que... Peut-être que je vais échouer et quand on est dans une logique de leadership, on ne supporte pas l'échec.

  • Speaker #0

    D'accord, donc en ambiguïté, ça veut dire que je dois passer dans un état d'esprit où je teste sans savoir si je vais réussir ?

  • Speaker #1

    D'une part, et d'autre part, on peut même aller beaucoup plus loin. Il y a un exercice que j'aime bien qui est le Prémortem, le Prémortem qui date des années 80, qui est utilisé par Pixar. Parce que Pixar part du principe que c'est impossible que la première version de dessin nommé soit la bonne, donc on va la critiquer. qui est aussi utilisé par les forces spéciales de l'armée de terre française. Le prémortem, c'est lorsque l'on a une idée, donc on part d'une intention positive, enthousiaste. Tout de suite après, on va le critiquer, et on va partir du présupposé qu'on s'est planté. Donc le prémortem est intéressant, justement, dans ce monde vu-cas, parce que ça permet de mettre à l'épreuve notre idée, ça permet de contourner un certain nombre de biais cognitifs aussi, comme par exemple le biais attentionnel, qui fait que Si j'ai une idée et je trouve qu'elle est bonne, je ne vais pas la remettre en question, puisque ça vaut aller content. Cet exercice-là qui consiste à dire qu'on a une idée, on pense qu'elle est bonne, mais on va la mettre à l'épreuve, non pas en se demandant ce qui pourrait échouer, mais plutôt ce qui a échoué, nous permet de nous renforcer dans cette proche un peu paradoxale où on ne sait pas trop si ça va marcher ou pas.

  • Speaker #0

    Finalement, c'est une façon de tester en diminuant le niveau de risque que l'on prend.

  • Speaker #1

    Et d'assumer le fait que ça ne marchera pas forcément comme on le veut. Et encore une fois, et c'est ce que nous amène le monde VUCA, et je trouve qu'il est intéressant, le monde VUCA vient quand même percuter. 100 ans d'histoire du management, l'intérêt d'utiliser la grille VUCA, c'est de dire à ses équipes « Voilà, on est rentrés dans un nouveau monde, mettons à l'épreuve tout ce qu'on a appris qui marchait, peut-être ne marche plus, et si ça ne marche plus, acceptons-le, et essayons d'adopter de nouvelles postures, de nouvelles pratiques pour mieux être alignés au monde d'aujourd'hui et des décennies qui vont venir. »

  • Speaker #0

    Tu le dis, 100 ans de management remis en question qui sont un peu bousculés. Et tu écris également que le monde du cas va nous coûter cher. Qu'est-ce que tu entends par cher ? Combien ?

  • Speaker #1

    Pas d'argent en fait. Tout ce que je viens d'évoquer, c'est un changement tellement profond que ça ne va pas se faire naturellement. Poser un nouvel acronyme qui est le cher, ça veut dire quoi ? Ça veut dire que pour pouvoir vous adapter à un monde du cas... Il va falloir à un moment donné remettre en question vos croyances et vos certitudes. Et ça, ce n'est pas facile. L'exemple que je donne tout le temps, c'est « Est-ce que Napoléon était de petite taille ? » Je ne sais pas ce que tu en penses, mais toi, si je te pose la question « Est-ce que Napoléon est de petite taille ? » , tu réponds quoi ?

  • Speaker #0

    J'aurais plutôt tendance à répondre oui. En tout cas, c'est comme ça qu'on nous l'a représenté.

  • Speaker #1

    Eh bien, c'est faux. Il était de taille moyenne de son époque. Après le H ce sont les habitudes, on en a parlé tout à l'heure. Et ensuite, on a le E, ce sont les émotions. Les émotions, on en a parlé avec le biais de négativité, avec l'anxiété que générait l'incertitude. Et le R, c'est notre raisonnement, qui est malmené aussi par l'ambiguïté. Donc ça veut dire qu'avant de s'engager dans un projet comme celui-ci, il faut vraiment bien avoir conscience que ce n'est pas naturel, et que ça demande à travailler sur ses croyances, ses habitudes, ses émotions et son mode de raisonnement.

  • Speaker #0

    Ok, alors si pour terminer ce podcast, tu devais nous donner 2-3 micro-changements à tester dès demain pour mieux traverser ce monde du cas, qu'est-ce que tu conseillerais aux dirigeants ?

  • Speaker #1

    Alors la première chose que je conseillerais à un dirigeant, et je le vois, et certaines entreprises le font, en tout cas quand j'interviens avec elles, c'est de faire partager cette grille de lecture à l'ensemble des salariés, que ce soit le comité de direction, les managers et même idéalement l'ensemble des collaborateurs. pour qu'il n'y ait plus de doutes, il n'y ait plus d'incompréhensions. C'est important de mon point de vue que les gens soient sereins dans un monde qui nous malmène, ça c'est le premier principe. Après je crois qu'au-delà des pratiques qui sont importantes, ça permet de légitimer en fait de nouvelles pratiques, c'est plutôt d'adopter un nouvel état d'esprit. Pour moi, évoluer dans un monde de VUCA, ça répond à bien s'approprier deux accords Toltec. Moi j'aime bien les accords Toltec. Le premier c'est on fait du mieux qu'on peut. On fait du mieux qu'on peut, ça ne veut pas dire qu'on lâche prise, on s'en fiche. C'est-à-dire que je continue à avancer, mais je ne m'en veux pas si je n'y arrive pas. Et puis le dernier accord Toltec qui est intéressant, qui rejoint un peu la pensée de Descartes, c'est « soyez sceptiques, mais apprenez à écouter » . C'est-à-dire qu'il faut qu'on arrive vraiment à ce que les entreprises arrêtent d'être toujours dans le schéma « je maîtrise, je sais » et peut-être adhèrent à une pensée un peu plus philosophique. ça fait deux ans que je me mis à la philosophie et j'adore la philosophie parce que ça m'aide à bien évoluer dans un monde où on est tous un petit peu perdus. Donc voilà les conseils que je donnerais, c'est partager cette grille de lecture à l'ensemble des acteurs de l'entreprise pour avancer du concert, et puis travailler un peu sur la posture pour gagner en sérénité dans un monde qui m'amène.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup pour cet épisode passionnant sur le VUCA. Comme on l'a vu avec toi, Francis, le monde VUCA n'est pas une menace, c'est plutôt un miroir. On peut décider de le subir ou d'en faire une opportunité. On ira plus loin sur les prochains podcasts. Sur les postures à adopter, sur ce qui va soutenir ce changement d'état d'esprit, cette nouvelle façon d'aborder le monde. Et au prochain épisode ?

  • Speaker #1

    Au prochain épisode.

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Description

Dans un monde qui change plus vite qu’il ne s’explique, la grille de lecture VUCA — Volatilité, Incertitude, Complexité, Ambiguïté — s’impose comme un outil incontournable pour comprendre les bouleversements que vivent les organisations.

Mais comprendre ne suffit plus. Ce podcast vous propose d’aller plus loin :
– Pourquoi les modèles managériaux traditionnels (command & control, qualité totale, maîtrise des risques) ne tiennent plus ?
– Comment la volatilité bouscule les habitudes, l’incertitude fragilise le besoin de contrôle, la complexité met à mal les experts et l’ambiguïté provoque du doute ?
– Quels leviers concrets mobiliser pour passer de la sidération à l’action ?

Ce n’est pas un podcast de plus sur le changement : c’est une boussole pour celles et ceux qui doivent décider, accompagner, ou tenir bon… quand les repères vacillent.


Lire l'article sur le sujet : https://www.innovationmanageriale.com/comment-manager-dans-un-monde-vuca/


Interview de Francis Boyer par Marija Nikolendzic


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour et bienvenue dans cette série de podcasts sur le management d'aujourd'hui et de demain. Avec Francis Boyer, ancien DRH devenu consultant, coach et conférencier en innovation managériale, nous vous invitons à faire un pas de côté pour repenser vos pratiques à la croisée de la sociologie. de la psychologie, de la philosophie, des neurosciences et bien évidemment des pratiques du terrain. Pour ce premier épisode, nous allons parler du VUCA. Quatre lettres qui résument bien notre époque, volatile, incertaine, complexe et ambiguë. Pour les dirigeants des RH et managers, ce n'est déjà plus un concept abstrait, mais c'est leur quotidien. Dans ce podcast, Francis, tu vas nous aider à poser un diagnostic lucide sur ce monde devenu instable et à identifier les leviers d'action concrets pour y faire face. Comment est-ce qu'on peut manager sans visibilité ? Comment garder le cap quand tout change sans cesse ? Ce que vous allez entendre, c'est une grille de lecture stratégique pour ne plus subir la complexité, mais apprendre à y voir plus clair. Bonjour Francis.

  • Speaker #1

    Bonjour.

  • Speaker #0

    VUCA est un mot qu'on entend partout depuis quelques années, mais que dit-il vraiment de notre époque ? Et pourquoi est-ce que c'est une grille de lecture utile pour les managers selon toi ?

  • Speaker #1

    VUCA est intéressante comme grille de lecture parce qu'elle répond à une problématique que rencontrent aujourd'hui beaucoup d'entreprises, à savoir qu'elles vivent très très mal les crises, elles ne les comprennent pas, elles ne savent pas comment réagir. Donc souvent on vient de solliciter sur « pourrais-tu nous aider pour mieux naviguer dans l'incertitude, dans un petit peu perdu ? » Et j'ai l'habitude de leur présenter cet acronyme VUCA, qui n'est pas récent puisque ça date de 1998, mais qui a beaucoup de sens aujourd'hui, après la Covid, compte tenu de la succession de crises qu'on est en train de vivre. et l'idée c'est de de bien faire comprendre aux entreprises qu'elles ont quatre critères, quatre dimensions à prendre en considération, que décrit très bien ce modèle. Savoir la volatilité. Qu'est-ce que veut dire la volatilité ? C'est tout simplement que le monde y change en permanence. C'est la particularité, c'est l'accélération des changements. Ça, c'est le premier critère. Ensuite, il y a l'incertitude. L'incertitude nous indique qu'en fait, on n'est plus capable de savoir ce qui va se passer dans les jours, voire les mois qui viennent. Vous avez ensuite la complexité, c'est-à-dire qu'il est fréquent qu'on comprenne un posteriori. compte tenu de la densité d'informations et des interactions qu'il y a entre les informations, qui rendent l'agriculture un peu complexe, et l'ambiguïté, à savoir les paradoxes ou certains noms de décisions qui sont prises, qui ne sont pas logiques, qui ne sont pas cohérentes. Et tout ça, ça vient malmener à la fois l'équilibre des individus et en même temps l'équilibre des organisations.

  • Speaker #0

    Alors effectivement, c'est un concept qui est très large. Ce que je te propose, c'est qu'on reprenne, lettre par lettre, les différentes dimensions du VUCA. On parle de la volatilité pour commencer. Quel est l'impact que la volatilité a sur les individus et le management aujourd'hui ?

  • Speaker #1

    Alors ça qui est intéressant, c'est de permettre aux entreprises de prendre conscience de l'impact qu'a le changement permanent. Alors il faut savoir que les êtres humains n'aiment pas le changement, sauf ceux qu'ils impulsent. En général, moi j'aime bien impulser des changements, je trouve qu'ils sont plutôt cools, mais je n'aime pas qu'on m'impose un changement. Donc un petit exercice que je fais d'habitude, je demande aux gens de croiser les bras. Toi tu peux croiser les bras si tu veux.

  • Speaker #0

    J'essaye.

  • Speaker #1

    Fais-le.

  • Speaker #0

    Ok.

  • Speaker #1

    Et ensuite, je demande de croiser dans l'autre sens.

  • Speaker #0

    Ok.

  • Speaker #1

    Ok, ça c'est un changement subi, donc c'est assez désagréable.

  • Speaker #0

    Je confirme.

  • Speaker #1

    Et l'idée, c'est de permettre aux personnes de prendre conscience que c'est normal que le changement soit mal vécu, tout simplement parce que ça malmène les habitudes. Et une habitude, la vocation d'une habitude, qui correspond à peu près à entre 40 et 60% de notre journée, c'est de nous apporter du confort et de la sécurité. Donc quand ça change en permanence, on se sent en inconfort et en insécurité. au niveau de l'individu. Au niveau des organisations, eh bien, ça va malmener tout ce qui était prévu, la planification, la pensée stratégique, parce que ce qu'on a commencé à mettre en place peut être malmené assez rapidement. Et on l'a vu avec les crises qui sont succédées ces dernières années, c'est qu'on commence, il y a un événement géopolitique qui arrive, une crise, une guerre. On est obligé de tout remettre en question, de tout reposer à plat. Et c'est assez dérangeant dans notre culture à nous où on aime bien avoir le contrôle.

  • Speaker #0

    OK. Alors la volatilité, effectivement... malmènent aussi bien l'individu que l'organisation, mais est-ce que ça pourrait être aussi une opportunité ?

  • Speaker #1

    Tout à fait, parce que si on part du principe que le monde ne va pas changer pour vous, et ça on le verra, c'est quand même une tendance assez française de considérer et de croire qu'on va revenir à la normale, et désolé pour ceux qui le croient, mais j'ai eu bien peur que non, l'idée c'est plutôt d'en faire une opportunité de changement, et d'aller voir par exemple ces équipes en disant le monde change en permanence, confrontons nos modèles d'organisation et de collaboration et voyons si on est fait pour évoluer sereinement dans ce changement permanent. Donc il y a plusieurs axes de progrès, c'est-à-dire que le changement permanent nous invite à être beaucoup plus souples, adaptables et réactifs. Donc ça vient remettre en considération un certain nombre de pratiques que l'on connaît, telles que les pratiques bureaucratiques. qui sont loin d'être souples, agiles et réactives. Donc, ça permet de légitimer ce changement-là au niveau des équipes, tant du point de vue personnel, c'est-à-dire d'explorer son rapport au changement. Il y a des personnalités qui kiffent le changement, puis d'autres, c'est insupportable. Et d'en faire un axe de développement à la fois individuel et aussi collectif.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu aurais des exemples de dirigeants, de managers, voire d'entreprises qui ont saisi cette opportunité pour changer différemment par rapport à...

  • Speaker #1

    On l'a vu aussi, même pendant le confinement, des exemples, ce sont des pratiques qui sont relativement simples. Par exemple, le visual management, qui consiste à faire des points de rencontre réguliers avec ses équipes sur un certain nombre de sujets, à savoir le lancement du projet, ou ce peut être aussi l'occasion d'avoir des feedbacks sur l'humeur, comment je me sens. Puisque ça change tout le temps, n'attendons pas une année pour en tirer les conclusions. Essayons d'adopter des rites-faits qui nous permettent, assez régulièrement, avec des temporalités différentes, selon les sujets, mais assez régulièrement de se dire les choses. Bon, justement, renforcer l'agilité, c'est ce qu'on pratique en fait dans l'agile. La nouveauté du fonctionnement agile, c'est d'avoir des runs de deux semaines alors qu'à fond, on avait plutôt tendance à faire des points au bout de six mois.

  • Speaker #0

    Très bien, là, on vient de voir la volatilité. Et qu'en est-il de l'incertitude ? Ça bouscule quand même un besoin fondamental aujourd'hui en France, le contrôle. Quel est l'impact, en fait, que ça a ?

  • Speaker #1

    En fait, ce qui est assez paradoxal, c'est qu'à bien y réfléchir, on ne sait pas ce qui va se passer dans deux secondes ou dans une semaine. Donc, ce qui est intéressant, c'est de s'interroger sur les raisons pour lesquelles on n'est pas à l'aise avec l'incertitude. On n'est pas à l'aise avec l'incertitude parce que, tout simplement, on perd le contrôle. Il y a un concept en neurosciences qui s'appelle le biais de négativité, qui dit que quand je ne sais pas ce qui va se passer, j'ai plutôt tendance à imaginer le pire. Et ça, ça remonte à la préhistoire. Un petit exercice que j'aime bien donner, c'est que vous êtes en train de cueillir des baies. Et donc c'est la faune, c'est sauvage, vous ne voyez rien, vous entendez un bruit qui se rapproche de plus en plus. La question c'est que faites-vous ? Donc il y a deux réactions naturelles. La première c'est je ne fais rien parce que c'est juste du vent, une petite marmotte. Et si c'est un jaguar ou un tigre au dents de sable, je suis mort. Ou alors je me barre. Et si c'est une petite marmotte, j'ai juste perdu un peu de temps. Donc l'être humain, parce que rappelons-nous quand même que l'être humain ne sait pas voler, n'a pas de griffes. On n'a pas de carapace, on est très faible, assez fragile. A compris que face à quelque chose qu'il ne connaît pas, qu'il ne peut pas anticiper, il est plutôt dans son intérêt de se barrer pour rester en vie. Donc ça c'est le biais de négativité, totalement normal, et c'est de se dire, il faut vraiment accepter l'idée que quand je ne sais pas ce qui va arriver, ma réaction naturelle c'est d'avoir de l'anxiété, de la peur, et de faire tout ce qu'il faut pour ne pas être en danger.

  • Speaker #0

    C'est lié à notre cerveau reptilien,

  • Speaker #1

    je crois ? Tout à fait. Et beaucoup de... D'ailleurs, il n'y a pas que les êtres humains. C'est-à-dire, le néocortex s'est développé bien plus tard. Donc, c'est propre à toutes les espèces que de voir compris, sauf si je suis un éléphant éventuellement, que quand il y a quelque chose qu'on ne comprend pas très bien, le mieux, c'est quand même de s'enfuir. Ça, c'est le premier point. Et il y a quelque chose qui est aussi intéressant, c'est cette perte de contrôle, qui est particulièrement présente dans notre pays. Alors, peut-être que c'est dû à notre... L'éducation, peut-être que c'est dû à notre religion, qui est basée quand même sur cette notion de bien, de mal, de vrai, de faux. D'un point de vue de psychologie sociale, celui qui a de la valeur dans ce pays, c'est celui qui sait, donc qui maîtrise. Et d'un point de vue philosophique, on nous dit que c'est juste impossible de tout savoir, de tout maîtriser. Donc c'est ça qui fait un petit peu défaut aussi, au niveau de l'incertitude, c'est la peur d'être en danger.

  • Speaker #0

    Une fois qu'on a posé cette peur qui est finalement tout à fait normale et ancrée en nous depuis des décennies, comment est-ce qu'on peut transformer cette peur en opportunité aujourd'hui ? En quoi est-ce que ça peut être une opportunité ?

  • Speaker #1

    C'est là où c'est intéressant de prendre conscience de ce qu'on appelle la pensée stoïcienne. La pensée stoïcienne nous invite à faire la part des choses entre ce sur quoi on peut agir et ce sur quoi on ne peut pas agir. Qu'est-ce que nous dit la pensée stoïcienne ? Elle nous dit que c'est un peu ridicule d'avoir peur puisque de toute façon, tu ne peux pas agir dessus, le monde il est comme il est. Concentre-toi sur ta zone de pouvoir d'action. Et deux réactions possibles face à l'incertitude. La première, c'est apprendre à lâcher prise, ce qui n'est pas évident. Donc accepter le fait que je ne puisse pas agir, accepter une espèce de sentiment d'impuissance et se concentrer sur ce sur quoi je peux agir. Ça, c'est la première chose à faire. Et la deuxième, ne pas attendre de se faire bouffer par le tigre et être beaucoup plus proactif. On l'a vu d'ailleurs pendant le confinement, avec un exemple qui est le quick and collect. On a vu que la restauration était malmenée. Il y en a qui ont décidé de proagir en créant le quick and collect, puis d'autres d'attendre que la vague passe. Donc l'incertitude est une manière pour moi de légitimer vis-à-vis de ces équipes le fait qu'on ne va pas attendre de savoir à quelle sauce on va être mangé, d'intégrer aussi l'idée peut-être qu'on ne reviendra pas en arrière, ça c'est important. Et puis de légitimer auprès de ces équipes qu'il faut être beaucoup plus proactif et apprendre à lâcher prise.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu peux nous citer quelques pratiques qui sont apparues face à ces incertitudes en management ?

  • Speaker #1

    Là, on est sur de l'anxiété. Donc, il y a eu beaucoup de pratiques qui ont été mises en place dans le cadre du bien-être au travail, notamment les déclarations des humeurs. C'est-à-dire inviter ces équipes à déclarer dans quelle humeur elles sont, individuellement ou collectivement, pour avoir de l'information et pouvoir traiter tout ça. Sur la réactivité, aller plutôt davantage sur des pratiques du type innovation, proposer des nouvelles idées, on en parlera dans un podcast sur l'antifragilité. C'est consacrer un peu de temps et d'argent à mobiliser les équipes sur l'expérimentation de nouvelles idées. Ça, c'est pour soutenir la réactivité, enfin la proactivité, pardon. Et puis la déclaration des humeurs, c'est pour avoir une information sur le niveau de l'intégration du lâcher-prise.

  • Speaker #0

    Le lâcher-prise en France, tu le disais tout à l'heure, ce n'était absolument pas quelque chose d'évident. Est-ce que toi, tu as observé des résultats probants dans certaines entreprises ?

  • Speaker #1

    C'est super compliqué parce que c'est déjà un travail à faire sur soi. Il m'est arrivé dans les entreprises, quand je suis sur ces sujets, en formation notamment, de consacrer une part importante de la journée sur la pensée stoïcienne, le lâcher-prise, parce que l'idée, c'est d'être serein. Il y a un dicton chez les stoïciens qui dit, est-ce que tu as un problème, oui ou non ? Si t'as pas de problème, bah sois tranquille, parce que t'as pas de problème. Si t'as un problème, donc oui. Est-ce que t'as la solution ? Oui ou non. Si t'as pas de solution, bah sois tranquille. Et puis si t'as solution, bah sois tranquille. Et tout ça, c'est pas évident, parce que comme on est dans une culture de la perfection, de la maîtrise, du succès, où on est valorisé sur notre capacité justement à tout contrôler, et ça nous demande beaucoup beaucoup de travail, nous les Français, pour pouvoir s'approprier la culture du lâcher-prise. D'autant qu'on a des gouvernants qui sont formés dans des grandes écoles où je ne pense pas que ce soit ça qu'on leur enseigne.

  • Speaker #0

    Tu soulignes avec justesse le fait qu'on n'est pas facilement dans le lâcher-prise en France. Et justement, les dirigeants aujourd'hui en France sont valorisés sur leur savoir. Comment est-ce qu'à partir de là, on peut se sentir à l'aise avec la complexité, le fameux C de VUCA, la complexité, quand on veut tout savoir ?

  • Speaker #1

    C'est vrai que la complexité, elle malmène le sachant. D'ailleurs, on l'a vécu pendant le confinement, lorsqu'on a découvert le virus et qu'on ne savait pas comment le traiter. On a vu tous les éminents virologues avoir des points de vue complètement différents, ce qui, bien évidemment, a créé du désordre. On ne pouvait plus faire confiance au sachant. Déjà, il va falloir repenser la valeur d'un dirigeant. Est-ce qu'un dirigeant est là pour tout savoir ?

  • Speaker #0

    Est-ce que c'est possible aujourd'hui, en plus, avec l'IA ?

  • Speaker #1

    compte tenu de la complexité, c'est de moins en moins possible. Et donc, du coup, ça va amener le dirigeant à peut-être avoir un autre message, et peut-être à accepter l'idée de dire à ses équipes que je ne sais pas tout, et d'ailleurs, c'est la raison pour laquelle vous travaillez avec moi, c'est que je ne sais pas, vous, vous le savez peut-être. Et c'est ce que nous invite à faire la complexité, c'est à solliciter le plus grand nombre, ce qu'on appelle mobiliser l'intelligence collective, parce qu'on pense qu'on n'est plus sachant à plusieurs que tout seul. mais ça nécessite de la part du dirigeant qui ait une position un petit peu basse, un peu plus humble vis-à-vis de ses équipes. Et je ne crois pas qu'une équipe, on voudra un dirigeant qui lui dise « je ne sais pas, je ne sais pas, mais comme tu es avec moi, nous allons trouver une solution ensemble » .

  • Speaker #0

    Donc finalement, si je comprends bien la complexité, c'est l'opportunité de passer de « je ne sais pas » à « mais peut-être nous pouvons savoir ensemble » .

  • Speaker #1

    C'est ça, c'est peut-être l'opportunité pour une entreprise. de mettre à l'épreuve ou de reconsidérer la raison d'être du manager et d'un dirigeant, à adopter de nouvelles pratiques, de nouveaux rituels, à travers des groupes de travail, à travers tout un tas de choses qui ne sont pas nouvelles, ce que je dis. On a eu des exemples, par exemple les hackathons, mettre en place des challenges, mobiliser toutes les énergies pour pouvoir essayer de trouver des solutions, parce qu'on ne sait plus ce qu'il faut faire.

  • Speaker #0

    Ça participe également à la recherche de sens, qui est de plus en plus importante de la part des équipes.

  • Speaker #1

    Alors là, je vais faire un pas de côté, Maria, si tu m'y autorises, parce que je ne crois pas qu'un individu sera touché par la grâce quand un dirigeant va lui présenter son projet d'entreprise qui fait sens pour l'entreprise. Quand on parle de sens, et je citerai Bentham, qui est un philosophe, qui nous dit, en manière un peu provoquante, nous sommes tous des égoïstes. C'est-à-dire que tout ce que nous faisons a pour vocation d'être utile pour nous. Donc oui, sur le sens. À partir du moment où on a bien vérifié que ça fait sens pour l'individu et pas forcément pour l'entreprise. Donc là, on va aller, on le verra dans un autre podcast sur la motivation. Je crois qu'on avait prévu d'évoquer ce sujet-là. Mais attention, de mon point de vue, aux termes qu'on utilise. J'entends beaucoup dans les médias, en fait, aujourd'hui, les gens veulent du sens. Mais on le verra aussi peut-être tout à l'heure. On est rentré dans une société très individualiste. Et le sens dans un monde individualiste, c'est ce qu'on appelle le TPMG, donc tout pour ma gueule, ce qui n'est pas tellement en phase avec la complexité, mais ce qui nécessite de se dire les choses, en fait.

  • Speaker #0

    Très bien. Alors, si on allait à présent explorer la dernière dimension du cas, c'est-à-dire l'ambiguïté, est-ce qu'on peut vraiment naviguer dans la contradiction aujourd'hui et dans l'ambiguïté ?

  • Speaker #1

    C'est extrêmement complexe parce que l'ambiguïté... Je vous donne un exemple d'ambiguïté, je reprends encore le confinement parce que ça parle à tout le monde, je pense, mais... Moi, quand j'intervenais en formation dans des périodes de confinement, déconfinement, couvre-feu, etc., il y avait d'un côté une injonction légitime, à savoir porter le masque, s'il vous plaît, pour éviter la propagation du virus pendant les formations. Et puis, pendant les pauses café, plus personne n'avait le masque, tout le monde se parlait. Donc, soit le virus s'arrêtait de se propager pendant les pauses café, ce qui est possible, soit on a des décisions qui n'ont pas vraiment de sens, pour le coup, et qui sont paradoxales. Pour autant, c'était, selon moi, l'une des meilleures des décisions. Il faut juste apprendre que... Dans le monde de l'entreprise, cette notion de paradoxe n'est pas nouvelle. Quand on dit par exemple, vous en tant que manager, vous devez privilégier la cohésion d'équipe, mais en même temps vous récompensez à titre individuel au regard des résultats individuels, c'est un paradoxe. Quand on dit, vous devez respecter les règles, mais en même temps vous devez faire preuve d'audace, c'est un paradoxe. Et tout ça, c'est une conjugaison de tout un tas de cultures managériales issues des années précédentes qui viennent s'entrechoquer. Et donc l'ambiguïté génère du doute. Quand on est dans l'ambiguïté, il faut essayer de lâcher ce côté « je maîtrise, je sais » et plutôt aller sur une approche d'expérimentation. Je teste. Je vais prendre un autre exemple. Quand on est passé en hybride, moi je me souviens pendant le confinement, donc on était tous un petit peu à l'arrêt les consultants, où j'ai des grands groupes qui m'appellent en disant « on aimerait bien que vous donniez une conférence sur le majeur anti-hybride » . Moi je dis « ok » , mais je ne sais pas ce que c'est, en fait c'est nouveau. Par contre je peux me renseigner, etc. Quand j'ai regardé, on n'avait aucun ouvrage, aucune base d'informations sur Libri. Donc, j'ai fait ce que j'ai pu, j'ai essayé de construire quelque chose sur le moment. Et donc, la première réaction des entreprises, et je parle du CAC 40, c'était, OK, très bien, mais est-ce que vous êtes sûrs que ça a marché, votre truc ? Je ne sais pas. Et dans une pensée leadership, où, en fait, la valeur, elle est liée au succès, à la réussite, ce n'est pas facile d'être dans l'expérimentation, parce que... Peut-être que je vais échouer et quand on est dans une logique de leadership, on ne supporte pas l'échec.

  • Speaker #0

    D'accord, donc en ambiguïté, ça veut dire que je dois passer dans un état d'esprit où je teste sans savoir si je vais réussir ?

  • Speaker #1

    D'une part, et d'autre part, on peut même aller beaucoup plus loin. Il y a un exercice que j'aime bien qui est le Prémortem, le Prémortem qui date des années 80, qui est utilisé par Pixar. Parce que Pixar part du principe que c'est impossible que la première version de dessin nommé soit la bonne, donc on va la critiquer. qui est aussi utilisé par les forces spéciales de l'armée de terre française. Le prémortem, c'est lorsque l'on a une idée, donc on part d'une intention positive, enthousiaste. Tout de suite après, on va le critiquer, et on va partir du présupposé qu'on s'est planté. Donc le prémortem est intéressant, justement, dans ce monde vu-cas, parce que ça permet de mettre à l'épreuve notre idée, ça permet de contourner un certain nombre de biais cognitifs aussi, comme par exemple le biais attentionnel, qui fait que Si j'ai une idée et je trouve qu'elle est bonne, je ne vais pas la remettre en question, puisque ça vaut aller content. Cet exercice-là qui consiste à dire qu'on a une idée, on pense qu'elle est bonne, mais on va la mettre à l'épreuve, non pas en se demandant ce qui pourrait échouer, mais plutôt ce qui a échoué, nous permet de nous renforcer dans cette proche un peu paradoxale où on ne sait pas trop si ça va marcher ou pas.

  • Speaker #0

    Finalement, c'est une façon de tester en diminuant le niveau de risque que l'on prend.

  • Speaker #1

    Et d'assumer le fait que ça ne marchera pas forcément comme on le veut. Et encore une fois, et c'est ce que nous amène le monde VUCA, et je trouve qu'il est intéressant, le monde VUCA vient quand même percuter. 100 ans d'histoire du management, l'intérêt d'utiliser la grille VUCA, c'est de dire à ses équipes « Voilà, on est rentrés dans un nouveau monde, mettons à l'épreuve tout ce qu'on a appris qui marchait, peut-être ne marche plus, et si ça ne marche plus, acceptons-le, et essayons d'adopter de nouvelles postures, de nouvelles pratiques pour mieux être alignés au monde d'aujourd'hui et des décennies qui vont venir. »

  • Speaker #0

    Tu le dis, 100 ans de management remis en question qui sont un peu bousculés. Et tu écris également que le monde du cas va nous coûter cher. Qu'est-ce que tu entends par cher ? Combien ?

  • Speaker #1

    Pas d'argent en fait. Tout ce que je viens d'évoquer, c'est un changement tellement profond que ça ne va pas se faire naturellement. Poser un nouvel acronyme qui est le cher, ça veut dire quoi ? Ça veut dire que pour pouvoir vous adapter à un monde du cas... Il va falloir à un moment donné remettre en question vos croyances et vos certitudes. Et ça, ce n'est pas facile. L'exemple que je donne tout le temps, c'est « Est-ce que Napoléon était de petite taille ? » Je ne sais pas ce que tu en penses, mais toi, si je te pose la question « Est-ce que Napoléon est de petite taille ? » , tu réponds quoi ?

  • Speaker #0

    J'aurais plutôt tendance à répondre oui. En tout cas, c'est comme ça qu'on nous l'a représenté.

  • Speaker #1

    Eh bien, c'est faux. Il était de taille moyenne de son époque. Après le H ce sont les habitudes, on en a parlé tout à l'heure. Et ensuite, on a le E, ce sont les émotions. Les émotions, on en a parlé avec le biais de négativité, avec l'anxiété que générait l'incertitude. Et le R, c'est notre raisonnement, qui est malmené aussi par l'ambiguïté. Donc ça veut dire qu'avant de s'engager dans un projet comme celui-ci, il faut vraiment bien avoir conscience que ce n'est pas naturel, et que ça demande à travailler sur ses croyances, ses habitudes, ses émotions et son mode de raisonnement.

  • Speaker #0

    Ok, alors si pour terminer ce podcast, tu devais nous donner 2-3 micro-changements à tester dès demain pour mieux traverser ce monde du cas, qu'est-ce que tu conseillerais aux dirigeants ?

  • Speaker #1

    Alors la première chose que je conseillerais à un dirigeant, et je le vois, et certaines entreprises le font, en tout cas quand j'interviens avec elles, c'est de faire partager cette grille de lecture à l'ensemble des salariés, que ce soit le comité de direction, les managers et même idéalement l'ensemble des collaborateurs. pour qu'il n'y ait plus de doutes, il n'y ait plus d'incompréhensions. C'est important de mon point de vue que les gens soient sereins dans un monde qui nous malmène, ça c'est le premier principe. Après je crois qu'au-delà des pratiques qui sont importantes, ça permet de légitimer en fait de nouvelles pratiques, c'est plutôt d'adopter un nouvel état d'esprit. Pour moi, évoluer dans un monde de VUCA, ça répond à bien s'approprier deux accords Toltec. Moi j'aime bien les accords Toltec. Le premier c'est on fait du mieux qu'on peut. On fait du mieux qu'on peut, ça ne veut pas dire qu'on lâche prise, on s'en fiche. C'est-à-dire que je continue à avancer, mais je ne m'en veux pas si je n'y arrive pas. Et puis le dernier accord Toltec qui est intéressant, qui rejoint un peu la pensée de Descartes, c'est « soyez sceptiques, mais apprenez à écouter » . C'est-à-dire qu'il faut qu'on arrive vraiment à ce que les entreprises arrêtent d'être toujours dans le schéma « je maîtrise, je sais » et peut-être adhèrent à une pensée un peu plus philosophique. ça fait deux ans que je me mis à la philosophie et j'adore la philosophie parce que ça m'aide à bien évoluer dans un monde où on est tous un petit peu perdus. Donc voilà les conseils que je donnerais, c'est partager cette grille de lecture à l'ensemble des acteurs de l'entreprise pour avancer du concert, et puis travailler un peu sur la posture pour gagner en sérénité dans un monde qui m'amène.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup pour cet épisode passionnant sur le VUCA. Comme on l'a vu avec toi, Francis, le monde VUCA n'est pas une menace, c'est plutôt un miroir. On peut décider de le subir ou d'en faire une opportunité. On ira plus loin sur les prochains podcasts. Sur les postures à adopter, sur ce qui va soutenir ce changement d'état d'esprit, cette nouvelle façon d'aborder le monde. Et au prochain épisode ?

  • Speaker #1

    Au prochain épisode.

Description

Dans un monde qui change plus vite qu’il ne s’explique, la grille de lecture VUCA — Volatilité, Incertitude, Complexité, Ambiguïté — s’impose comme un outil incontournable pour comprendre les bouleversements que vivent les organisations.

Mais comprendre ne suffit plus. Ce podcast vous propose d’aller plus loin :
– Pourquoi les modèles managériaux traditionnels (command & control, qualité totale, maîtrise des risques) ne tiennent plus ?
– Comment la volatilité bouscule les habitudes, l’incertitude fragilise le besoin de contrôle, la complexité met à mal les experts et l’ambiguïté provoque du doute ?
– Quels leviers concrets mobiliser pour passer de la sidération à l’action ?

Ce n’est pas un podcast de plus sur le changement : c’est une boussole pour celles et ceux qui doivent décider, accompagner, ou tenir bon… quand les repères vacillent.


Lire l'article sur le sujet : https://www.innovationmanageriale.com/comment-manager-dans-un-monde-vuca/


Interview de Francis Boyer par Marija Nikolendzic


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour et bienvenue dans cette série de podcasts sur le management d'aujourd'hui et de demain. Avec Francis Boyer, ancien DRH devenu consultant, coach et conférencier en innovation managériale, nous vous invitons à faire un pas de côté pour repenser vos pratiques à la croisée de la sociologie. de la psychologie, de la philosophie, des neurosciences et bien évidemment des pratiques du terrain. Pour ce premier épisode, nous allons parler du VUCA. Quatre lettres qui résument bien notre époque, volatile, incertaine, complexe et ambiguë. Pour les dirigeants des RH et managers, ce n'est déjà plus un concept abstrait, mais c'est leur quotidien. Dans ce podcast, Francis, tu vas nous aider à poser un diagnostic lucide sur ce monde devenu instable et à identifier les leviers d'action concrets pour y faire face. Comment est-ce qu'on peut manager sans visibilité ? Comment garder le cap quand tout change sans cesse ? Ce que vous allez entendre, c'est une grille de lecture stratégique pour ne plus subir la complexité, mais apprendre à y voir plus clair. Bonjour Francis.

  • Speaker #1

    Bonjour.

  • Speaker #0

    VUCA est un mot qu'on entend partout depuis quelques années, mais que dit-il vraiment de notre époque ? Et pourquoi est-ce que c'est une grille de lecture utile pour les managers selon toi ?

  • Speaker #1

    VUCA est intéressante comme grille de lecture parce qu'elle répond à une problématique que rencontrent aujourd'hui beaucoup d'entreprises, à savoir qu'elles vivent très très mal les crises, elles ne les comprennent pas, elles ne savent pas comment réagir. Donc souvent on vient de solliciter sur « pourrais-tu nous aider pour mieux naviguer dans l'incertitude, dans un petit peu perdu ? » Et j'ai l'habitude de leur présenter cet acronyme VUCA, qui n'est pas récent puisque ça date de 1998, mais qui a beaucoup de sens aujourd'hui, après la Covid, compte tenu de la succession de crises qu'on est en train de vivre. et l'idée c'est de de bien faire comprendre aux entreprises qu'elles ont quatre critères, quatre dimensions à prendre en considération, que décrit très bien ce modèle. Savoir la volatilité. Qu'est-ce que veut dire la volatilité ? C'est tout simplement que le monde y change en permanence. C'est la particularité, c'est l'accélération des changements. Ça, c'est le premier critère. Ensuite, il y a l'incertitude. L'incertitude nous indique qu'en fait, on n'est plus capable de savoir ce qui va se passer dans les jours, voire les mois qui viennent. Vous avez ensuite la complexité, c'est-à-dire qu'il est fréquent qu'on comprenne un posteriori. compte tenu de la densité d'informations et des interactions qu'il y a entre les informations, qui rendent l'agriculture un peu complexe, et l'ambiguïté, à savoir les paradoxes ou certains noms de décisions qui sont prises, qui ne sont pas logiques, qui ne sont pas cohérentes. Et tout ça, ça vient malmener à la fois l'équilibre des individus et en même temps l'équilibre des organisations.

  • Speaker #0

    Alors effectivement, c'est un concept qui est très large. Ce que je te propose, c'est qu'on reprenne, lettre par lettre, les différentes dimensions du VUCA. On parle de la volatilité pour commencer. Quel est l'impact que la volatilité a sur les individus et le management aujourd'hui ?

  • Speaker #1

    Alors ça qui est intéressant, c'est de permettre aux entreprises de prendre conscience de l'impact qu'a le changement permanent. Alors il faut savoir que les êtres humains n'aiment pas le changement, sauf ceux qu'ils impulsent. En général, moi j'aime bien impulser des changements, je trouve qu'ils sont plutôt cools, mais je n'aime pas qu'on m'impose un changement. Donc un petit exercice que je fais d'habitude, je demande aux gens de croiser les bras. Toi tu peux croiser les bras si tu veux.

  • Speaker #0

    J'essaye.

  • Speaker #1

    Fais-le.

  • Speaker #0

    Ok.

  • Speaker #1

    Et ensuite, je demande de croiser dans l'autre sens.

  • Speaker #0

    Ok.

  • Speaker #1

    Ok, ça c'est un changement subi, donc c'est assez désagréable.

  • Speaker #0

    Je confirme.

  • Speaker #1

    Et l'idée, c'est de permettre aux personnes de prendre conscience que c'est normal que le changement soit mal vécu, tout simplement parce que ça malmène les habitudes. Et une habitude, la vocation d'une habitude, qui correspond à peu près à entre 40 et 60% de notre journée, c'est de nous apporter du confort et de la sécurité. Donc quand ça change en permanence, on se sent en inconfort et en insécurité. au niveau de l'individu. Au niveau des organisations, eh bien, ça va malmener tout ce qui était prévu, la planification, la pensée stratégique, parce que ce qu'on a commencé à mettre en place peut être malmené assez rapidement. Et on l'a vu avec les crises qui sont succédées ces dernières années, c'est qu'on commence, il y a un événement géopolitique qui arrive, une crise, une guerre. On est obligé de tout remettre en question, de tout reposer à plat. Et c'est assez dérangeant dans notre culture à nous où on aime bien avoir le contrôle.

  • Speaker #0

    OK. Alors la volatilité, effectivement... malmènent aussi bien l'individu que l'organisation, mais est-ce que ça pourrait être aussi une opportunité ?

  • Speaker #1

    Tout à fait, parce que si on part du principe que le monde ne va pas changer pour vous, et ça on le verra, c'est quand même une tendance assez française de considérer et de croire qu'on va revenir à la normale, et désolé pour ceux qui le croient, mais j'ai eu bien peur que non, l'idée c'est plutôt d'en faire une opportunité de changement, et d'aller voir par exemple ces équipes en disant le monde change en permanence, confrontons nos modèles d'organisation et de collaboration et voyons si on est fait pour évoluer sereinement dans ce changement permanent. Donc il y a plusieurs axes de progrès, c'est-à-dire que le changement permanent nous invite à être beaucoup plus souples, adaptables et réactifs. Donc ça vient remettre en considération un certain nombre de pratiques que l'on connaît, telles que les pratiques bureaucratiques. qui sont loin d'être souples, agiles et réactives. Donc, ça permet de légitimer ce changement-là au niveau des équipes, tant du point de vue personnel, c'est-à-dire d'explorer son rapport au changement. Il y a des personnalités qui kiffent le changement, puis d'autres, c'est insupportable. Et d'en faire un axe de développement à la fois individuel et aussi collectif.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu aurais des exemples de dirigeants, de managers, voire d'entreprises qui ont saisi cette opportunité pour changer différemment par rapport à...

  • Speaker #1

    On l'a vu aussi, même pendant le confinement, des exemples, ce sont des pratiques qui sont relativement simples. Par exemple, le visual management, qui consiste à faire des points de rencontre réguliers avec ses équipes sur un certain nombre de sujets, à savoir le lancement du projet, ou ce peut être aussi l'occasion d'avoir des feedbacks sur l'humeur, comment je me sens. Puisque ça change tout le temps, n'attendons pas une année pour en tirer les conclusions. Essayons d'adopter des rites-faits qui nous permettent, assez régulièrement, avec des temporalités différentes, selon les sujets, mais assez régulièrement de se dire les choses. Bon, justement, renforcer l'agilité, c'est ce qu'on pratique en fait dans l'agile. La nouveauté du fonctionnement agile, c'est d'avoir des runs de deux semaines alors qu'à fond, on avait plutôt tendance à faire des points au bout de six mois.

  • Speaker #0

    Très bien, là, on vient de voir la volatilité. Et qu'en est-il de l'incertitude ? Ça bouscule quand même un besoin fondamental aujourd'hui en France, le contrôle. Quel est l'impact, en fait, que ça a ?

  • Speaker #1

    En fait, ce qui est assez paradoxal, c'est qu'à bien y réfléchir, on ne sait pas ce qui va se passer dans deux secondes ou dans une semaine. Donc, ce qui est intéressant, c'est de s'interroger sur les raisons pour lesquelles on n'est pas à l'aise avec l'incertitude. On n'est pas à l'aise avec l'incertitude parce que, tout simplement, on perd le contrôle. Il y a un concept en neurosciences qui s'appelle le biais de négativité, qui dit que quand je ne sais pas ce qui va se passer, j'ai plutôt tendance à imaginer le pire. Et ça, ça remonte à la préhistoire. Un petit exercice que j'aime bien donner, c'est que vous êtes en train de cueillir des baies. Et donc c'est la faune, c'est sauvage, vous ne voyez rien, vous entendez un bruit qui se rapproche de plus en plus. La question c'est que faites-vous ? Donc il y a deux réactions naturelles. La première c'est je ne fais rien parce que c'est juste du vent, une petite marmotte. Et si c'est un jaguar ou un tigre au dents de sable, je suis mort. Ou alors je me barre. Et si c'est une petite marmotte, j'ai juste perdu un peu de temps. Donc l'être humain, parce que rappelons-nous quand même que l'être humain ne sait pas voler, n'a pas de griffes. On n'a pas de carapace, on est très faible, assez fragile. A compris que face à quelque chose qu'il ne connaît pas, qu'il ne peut pas anticiper, il est plutôt dans son intérêt de se barrer pour rester en vie. Donc ça c'est le biais de négativité, totalement normal, et c'est de se dire, il faut vraiment accepter l'idée que quand je ne sais pas ce qui va arriver, ma réaction naturelle c'est d'avoir de l'anxiété, de la peur, et de faire tout ce qu'il faut pour ne pas être en danger.

  • Speaker #0

    C'est lié à notre cerveau reptilien,

  • Speaker #1

    je crois ? Tout à fait. Et beaucoup de... D'ailleurs, il n'y a pas que les êtres humains. C'est-à-dire, le néocortex s'est développé bien plus tard. Donc, c'est propre à toutes les espèces que de voir compris, sauf si je suis un éléphant éventuellement, que quand il y a quelque chose qu'on ne comprend pas très bien, le mieux, c'est quand même de s'enfuir. Ça, c'est le premier point. Et il y a quelque chose qui est aussi intéressant, c'est cette perte de contrôle, qui est particulièrement présente dans notre pays. Alors, peut-être que c'est dû à notre... L'éducation, peut-être que c'est dû à notre religion, qui est basée quand même sur cette notion de bien, de mal, de vrai, de faux. D'un point de vue de psychologie sociale, celui qui a de la valeur dans ce pays, c'est celui qui sait, donc qui maîtrise. Et d'un point de vue philosophique, on nous dit que c'est juste impossible de tout savoir, de tout maîtriser. Donc c'est ça qui fait un petit peu défaut aussi, au niveau de l'incertitude, c'est la peur d'être en danger.

  • Speaker #0

    Une fois qu'on a posé cette peur qui est finalement tout à fait normale et ancrée en nous depuis des décennies, comment est-ce qu'on peut transformer cette peur en opportunité aujourd'hui ? En quoi est-ce que ça peut être une opportunité ?

  • Speaker #1

    C'est là où c'est intéressant de prendre conscience de ce qu'on appelle la pensée stoïcienne. La pensée stoïcienne nous invite à faire la part des choses entre ce sur quoi on peut agir et ce sur quoi on ne peut pas agir. Qu'est-ce que nous dit la pensée stoïcienne ? Elle nous dit que c'est un peu ridicule d'avoir peur puisque de toute façon, tu ne peux pas agir dessus, le monde il est comme il est. Concentre-toi sur ta zone de pouvoir d'action. Et deux réactions possibles face à l'incertitude. La première, c'est apprendre à lâcher prise, ce qui n'est pas évident. Donc accepter le fait que je ne puisse pas agir, accepter une espèce de sentiment d'impuissance et se concentrer sur ce sur quoi je peux agir. Ça, c'est la première chose à faire. Et la deuxième, ne pas attendre de se faire bouffer par le tigre et être beaucoup plus proactif. On l'a vu d'ailleurs pendant le confinement, avec un exemple qui est le quick and collect. On a vu que la restauration était malmenée. Il y en a qui ont décidé de proagir en créant le quick and collect, puis d'autres d'attendre que la vague passe. Donc l'incertitude est une manière pour moi de légitimer vis-à-vis de ces équipes le fait qu'on ne va pas attendre de savoir à quelle sauce on va être mangé, d'intégrer aussi l'idée peut-être qu'on ne reviendra pas en arrière, ça c'est important. Et puis de légitimer auprès de ces équipes qu'il faut être beaucoup plus proactif et apprendre à lâcher prise.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu peux nous citer quelques pratiques qui sont apparues face à ces incertitudes en management ?

  • Speaker #1

    Là, on est sur de l'anxiété. Donc, il y a eu beaucoup de pratiques qui ont été mises en place dans le cadre du bien-être au travail, notamment les déclarations des humeurs. C'est-à-dire inviter ces équipes à déclarer dans quelle humeur elles sont, individuellement ou collectivement, pour avoir de l'information et pouvoir traiter tout ça. Sur la réactivité, aller plutôt davantage sur des pratiques du type innovation, proposer des nouvelles idées, on en parlera dans un podcast sur l'antifragilité. C'est consacrer un peu de temps et d'argent à mobiliser les équipes sur l'expérimentation de nouvelles idées. Ça, c'est pour soutenir la réactivité, enfin la proactivité, pardon. Et puis la déclaration des humeurs, c'est pour avoir une information sur le niveau de l'intégration du lâcher-prise.

  • Speaker #0

    Le lâcher-prise en France, tu le disais tout à l'heure, ce n'était absolument pas quelque chose d'évident. Est-ce que toi, tu as observé des résultats probants dans certaines entreprises ?

  • Speaker #1

    C'est super compliqué parce que c'est déjà un travail à faire sur soi. Il m'est arrivé dans les entreprises, quand je suis sur ces sujets, en formation notamment, de consacrer une part importante de la journée sur la pensée stoïcienne, le lâcher-prise, parce que l'idée, c'est d'être serein. Il y a un dicton chez les stoïciens qui dit, est-ce que tu as un problème, oui ou non ? Si t'as pas de problème, bah sois tranquille, parce que t'as pas de problème. Si t'as un problème, donc oui. Est-ce que t'as la solution ? Oui ou non. Si t'as pas de solution, bah sois tranquille. Et puis si t'as solution, bah sois tranquille. Et tout ça, c'est pas évident, parce que comme on est dans une culture de la perfection, de la maîtrise, du succès, où on est valorisé sur notre capacité justement à tout contrôler, et ça nous demande beaucoup beaucoup de travail, nous les Français, pour pouvoir s'approprier la culture du lâcher-prise. D'autant qu'on a des gouvernants qui sont formés dans des grandes écoles où je ne pense pas que ce soit ça qu'on leur enseigne.

  • Speaker #0

    Tu soulignes avec justesse le fait qu'on n'est pas facilement dans le lâcher-prise en France. Et justement, les dirigeants aujourd'hui en France sont valorisés sur leur savoir. Comment est-ce qu'à partir de là, on peut se sentir à l'aise avec la complexité, le fameux C de VUCA, la complexité, quand on veut tout savoir ?

  • Speaker #1

    C'est vrai que la complexité, elle malmène le sachant. D'ailleurs, on l'a vécu pendant le confinement, lorsqu'on a découvert le virus et qu'on ne savait pas comment le traiter. On a vu tous les éminents virologues avoir des points de vue complètement différents, ce qui, bien évidemment, a créé du désordre. On ne pouvait plus faire confiance au sachant. Déjà, il va falloir repenser la valeur d'un dirigeant. Est-ce qu'un dirigeant est là pour tout savoir ?

  • Speaker #0

    Est-ce que c'est possible aujourd'hui, en plus, avec l'IA ?

  • Speaker #1

    compte tenu de la complexité, c'est de moins en moins possible. Et donc, du coup, ça va amener le dirigeant à peut-être avoir un autre message, et peut-être à accepter l'idée de dire à ses équipes que je ne sais pas tout, et d'ailleurs, c'est la raison pour laquelle vous travaillez avec moi, c'est que je ne sais pas, vous, vous le savez peut-être. Et c'est ce que nous invite à faire la complexité, c'est à solliciter le plus grand nombre, ce qu'on appelle mobiliser l'intelligence collective, parce qu'on pense qu'on n'est plus sachant à plusieurs que tout seul. mais ça nécessite de la part du dirigeant qui ait une position un petit peu basse, un peu plus humble vis-à-vis de ses équipes. Et je ne crois pas qu'une équipe, on voudra un dirigeant qui lui dise « je ne sais pas, je ne sais pas, mais comme tu es avec moi, nous allons trouver une solution ensemble » .

  • Speaker #0

    Donc finalement, si je comprends bien la complexité, c'est l'opportunité de passer de « je ne sais pas » à « mais peut-être nous pouvons savoir ensemble » .

  • Speaker #1

    C'est ça, c'est peut-être l'opportunité pour une entreprise. de mettre à l'épreuve ou de reconsidérer la raison d'être du manager et d'un dirigeant, à adopter de nouvelles pratiques, de nouveaux rituels, à travers des groupes de travail, à travers tout un tas de choses qui ne sont pas nouvelles, ce que je dis. On a eu des exemples, par exemple les hackathons, mettre en place des challenges, mobiliser toutes les énergies pour pouvoir essayer de trouver des solutions, parce qu'on ne sait plus ce qu'il faut faire.

  • Speaker #0

    Ça participe également à la recherche de sens, qui est de plus en plus importante de la part des équipes.

  • Speaker #1

    Alors là, je vais faire un pas de côté, Maria, si tu m'y autorises, parce que je ne crois pas qu'un individu sera touché par la grâce quand un dirigeant va lui présenter son projet d'entreprise qui fait sens pour l'entreprise. Quand on parle de sens, et je citerai Bentham, qui est un philosophe, qui nous dit, en manière un peu provoquante, nous sommes tous des égoïstes. C'est-à-dire que tout ce que nous faisons a pour vocation d'être utile pour nous. Donc oui, sur le sens. À partir du moment où on a bien vérifié que ça fait sens pour l'individu et pas forcément pour l'entreprise. Donc là, on va aller, on le verra dans un autre podcast sur la motivation. Je crois qu'on avait prévu d'évoquer ce sujet-là. Mais attention, de mon point de vue, aux termes qu'on utilise. J'entends beaucoup dans les médias, en fait, aujourd'hui, les gens veulent du sens. Mais on le verra aussi peut-être tout à l'heure. On est rentré dans une société très individualiste. Et le sens dans un monde individualiste, c'est ce qu'on appelle le TPMG, donc tout pour ma gueule, ce qui n'est pas tellement en phase avec la complexité, mais ce qui nécessite de se dire les choses, en fait.

  • Speaker #0

    Très bien. Alors, si on allait à présent explorer la dernière dimension du cas, c'est-à-dire l'ambiguïté, est-ce qu'on peut vraiment naviguer dans la contradiction aujourd'hui et dans l'ambiguïté ?

  • Speaker #1

    C'est extrêmement complexe parce que l'ambiguïté... Je vous donne un exemple d'ambiguïté, je reprends encore le confinement parce que ça parle à tout le monde, je pense, mais... Moi, quand j'intervenais en formation dans des périodes de confinement, déconfinement, couvre-feu, etc., il y avait d'un côté une injonction légitime, à savoir porter le masque, s'il vous plaît, pour éviter la propagation du virus pendant les formations. Et puis, pendant les pauses café, plus personne n'avait le masque, tout le monde se parlait. Donc, soit le virus s'arrêtait de se propager pendant les pauses café, ce qui est possible, soit on a des décisions qui n'ont pas vraiment de sens, pour le coup, et qui sont paradoxales. Pour autant, c'était, selon moi, l'une des meilleures des décisions. Il faut juste apprendre que... Dans le monde de l'entreprise, cette notion de paradoxe n'est pas nouvelle. Quand on dit par exemple, vous en tant que manager, vous devez privilégier la cohésion d'équipe, mais en même temps vous récompensez à titre individuel au regard des résultats individuels, c'est un paradoxe. Quand on dit, vous devez respecter les règles, mais en même temps vous devez faire preuve d'audace, c'est un paradoxe. Et tout ça, c'est une conjugaison de tout un tas de cultures managériales issues des années précédentes qui viennent s'entrechoquer. Et donc l'ambiguïté génère du doute. Quand on est dans l'ambiguïté, il faut essayer de lâcher ce côté « je maîtrise, je sais » et plutôt aller sur une approche d'expérimentation. Je teste. Je vais prendre un autre exemple. Quand on est passé en hybride, moi je me souviens pendant le confinement, donc on était tous un petit peu à l'arrêt les consultants, où j'ai des grands groupes qui m'appellent en disant « on aimerait bien que vous donniez une conférence sur le majeur anti-hybride » . Moi je dis « ok » , mais je ne sais pas ce que c'est, en fait c'est nouveau. Par contre je peux me renseigner, etc. Quand j'ai regardé, on n'avait aucun ouvrage, aucune base d'informations sur Libri. Donc, j'ai fait ce que j'ai pu, j'ai essayé de construire quelque chose sur le moment. Et donc, la première réaction des entreprises, et je parle du CAC 40, c'était, OK, très bien, mais est-ce que vous êtes sûrs que ça a marché, votre truc ? Je ne sais pas. Et dans une pensée leadership, où, en fait, la valeur, elle est liée au succès, à la réussite, ce n'est pas facile d'être dans l'expérimentation, parce que... Peut-être que je vais échouer et quand on est dans une logique de leadership, on ne supporte pas l'échec.

  • Speaker #0

    D'accord, donc en ambiguïté, ça veut dire que je dois passer dans un état d'esprit où je teste sans savoir si je vais réussir ?

  • Speaker #1

    D'une part, et d'autre part, on peut même aller beaucoup plus loin. Il y a un exercice que j'aime bien qui est le Prémortem, le Prémortem qui date des années 80, qui est utilisé par Pixar. Parce que Pixar part du principe que c'est impossible que la première version de dessin nommé soit la bonne, donc on va la critiquer. qui est aussi utilisé par les forces spéciales de l'armée de terre française. Le prémortem, c'est lorsque l'on a une idée, donc on part d'une intention positive, enthousiaste. Tout de suite après, on va le critiquer, et on va partir du présupposé qu'on s'est planté. Donc le prémortem est intéressant, justement, dans ce monde vu-cas, parce que ça permet de mettre à l'épreuve notre idée, ça permet de contourner un certain nombre de biais cognitifs aussi, comme par exemple le biais attentionnel, qui fait que Si j'ai une idée et je trouve qu'elle est bonne, je ne vais pas la remettre en question, puisque ça vaut aller content. Cet exercice-là qui consiste à dire qu'on a une idée, on pense qu'elle est bonne, mais on va la mettre à l'épreuve, non pas en se demandant ce qui pourrait échouer, mais plutôt ce qui a échoué, nous permet de nous renforcer dans cette proche un peu paradoxale où on ne sait pas trop si ça va marcher ou pas.

  • Speaker #0

    Finalement, c'est une façon de tester en diminuant le niveau de risque que l'on prend.

  • Speaker #1

    Et d'assumer le fait que ça ne marchera pas forcément comme on le veut. Et encore une fois, et c'est ce que nous amène le monde VUCA, et je trouve qu'il est intéressant, le monde VUCA vient quand même percuter. 100 ans d'histoire du management, l'intérêt d'utiliser la grille VUCA, c'est de dire à ses équipes « Voilà, on est rentrés dans un nouveau monde, mettons à l'épreuve tout ce qu'on a appris qui marchait, peut-être ne marche plus, et si ça ne marche plus, acceptons-le, et essayons d'adopter de nouvelles postures, de nouvelles pratiques pour mieux être alignés au monde d'aujourd'hui et des décennies qui vont venir. »

  • Speaker #0

    Tu le dis, 100 ans de management remis en question qui sont un peu bousculés. Et tu écris également que le monde du cas va nous coûter cher. Qu'est-ce que tu entends par cher ? Combien ?

  • Speaker #1

    Pas d'argent en fait. Tout ce que je viens d'évoquer, c'est un changement tellement profond que ça ne va pas se faire naturellement. Poser un nouvel acronyme qui est le cher, ça veut dire quoi ? Ça veut dire que pour pouvoir vous adapter à un monde du cas... Il va falloir à un moment donné remettre en question vos croyances et vos certitudes. Et ça, ce n'est pas facile. L'exemple que je donne tout le temps, c'est « Est-ce que Napoléon était de petite taille ? » Je ne sais pas ce que tu en penses, mais toi, si je te pose la question « Est-ce que Napoléon est de petite taille ? » , tu réponds quoi ?

  • Speaker #0

    J'aurais plutôt tendance à répondre oui. En tout cas, c'est comme ça qu'on nous l'a représenté.

  • Speaker #1

    Eh bien, c'est faux. Il était de taille moyenne de son époque. Après le H ce sont les habitudes, on en a parlé tout à l'heure. Et ensuite, on a le E, ce sont les émotions. Les émotions, on en a parlé avec le biais de négativité, avec l'anxiété que générait l'incertitude. Et le R, c'est notre raisonnement, qui est malmené aussi par l'ambiguïté. Donc ça veut dire qu'avant de s'engager dans un projet comme celui-ci, il faut vraiment bien avoir conscience que ce n'est pas naturel, et que ça demande à travailler sur ses croyances, ses habitudes, ses émotions et son mode de raisonnement.

  • Speaker #0

    Ok, alors si pour terminer ce podcast, tu devais nous donner 2-3 micro-changements à tester dès demain pour mieux traverser ce monde du cas, qu'est-ce que tu conseillerais aux dirigeants ?

  • Speaker #1

    Alors la première chose que je conseillerais à un dirigeant, et je le vois, et certaines entreprises le font, en tout cas quand j'interviens avec elles, c'est de faire partager cette grille de lecture à l'ensemble des salariés, que ce soit le comité de direction, les managers et même idéalement l'ensemble des collaborateurs. pour qu'il n'y ait plus de doutes, il n'y ait plus d'incompréhensions. C'est important de mon point de vue que les gens soient sereins dans un monde qui nous malmène, ça c'est le premier principe. Après je crois qu'au-delà des pratiques qui sont importantes, ça permet de légitimer en fait de nouvelles pratiques, c'est plutôt d'adopter un nouvel état d'esprit. Pour moi, évoluer dans un monde de VUCA, ça répond à bien s'approprier deux accords Toltec. Moi j'aime bien les accords Toltec. Le premier c'est on fait du mieux qu'on peut. On fait du mieux qu'on peut, ça ne veut pas dire qu'on lâche prise, on s'en fiche. C'est-à-dire que je continue à avancer, mais je ne m'en veux pas si je n'y arrive pas. Et puis le dernier accord Toltec qui est intéressant, qui rejoint un peu la pensée de Descartes, c'est « soyez sceptiques, mais apprenez à écouter » . C'est-à-dire qu'il faut qu'on arrive vraiment à ce que les entreprises arrêtent d'être toujours dans le schéma « je maîtrise, je sais » et peut-être adhèrent à une pensée un peu plus philosophique. ça fait deux ans que je me mis à la philosophie et j'adore la philosophie parce que ça m'aide à bien évoluer dans un monde où on est tous un petit peu perdus. Donc voilà les conseils que je donnerais, c'est partager cette grille de lecture à l'ensemble des acteurs de l'entreprise pour avancer du concert, et puis travailler un peu sur la posture pour gagner en sérénité dans un monde qui m'amène.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup pour cet épisode passionnant sur le VUCA. Comme on l'a vu avec toi, Francis, le monde VUCA n'est pas une menace, c'est plutôt un miroir. On peut décider de le subir ou d'en faire une opportunité. On ira plus loin sur les prochains podcasts. Sur les postures à adopter, sur ce qui va soutenir ce changement d'état d'esprit, cette nouvelle façon d'aborder le monde. Et au prochain épisode ?

  • Speaker #1

    Au prochain épisode.

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