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Inspirer, Explorer - Le podcast.

Inspirer, Explorer #1 - Thibaud Dumas, Dr en Neurosciences - Ep 2 : Neurosciences et enjeu d'adaptation, de survie.

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18min |11/11/2024
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Description

🎯 Ce 2ème épisode aborde la question de la capacité de notre cerveau / corps à s'adapter à des milieux extrêmes ou bien à se préparer à l'évolution de notre environnement liée au dérèglement climatique en cours.

Jérôme Brisebourg


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Thibaut, dans notre premier épisode, on est revenu sur notre expérience commune au Mont-Blanc, qui était une véritable découverte pour toi. Et voilà comment tu t'es adapté dans un milieu inconnu, l'altitude. Tu avais une expérience préalable, mais en tout cas, on a été plus loin. Et puis, on a mis des paramètres de risque, de difficultés liées au climat. Et donc, c'est le point qu'on a vu ensemble. J'ai envie, sur ce deuxième épisode, justement, d'élargir et de voir finalement avec toi les neurosciences et les milieux extrêmes. en tout cas l'adaptation de l'homme dans des conditions difficiles. Et on finira aussi peut-être par les nouvelles conditions qu'on est en train de rencontrer avec le dérèglement climatique. Est-ce que nous, on évolue peut-être aussi vite que les conditions climatiques ? Alors, est-ce que dans un premier temps, tu peux nous dire comment le cerveau fonctionne ? quand on est dans un environnement méconnu. Là, on est tranquillement dans un studio, il fait un peu chaud, et imaginons qu'on reparte sur le Mont-Blanc. Donc, comment le cerveau fonctionne pour s'adapter à des contraintes vraiment très fortes ?

  • Speaker #1

    Alors, de manière générale, l'environnement dans lequel on vit est un environnement très complexe, rempli d'incertitudes. Donc, notre cerveau, il a l'habitude, entre guillemets, de vivre dans ce genre d'environnement très complexe. La conséquence de ça, c'est qu'en fait, c'est beaucoup plus complexe pour lui que ce qu'il est capable de traiter, de processer, d'analyser. Donc il va avoir tendance à simplifier les choses. Ça, c'est quelque chose... Il faut bien comprendre que le cerveau n'est pas du tout comme un ordinateur. C'est pas du tout une machine qui va analyser, faire des calculs sur les différents événements, capter des informations, les accumuler, faire tout un tas d'analyses sur tout ça. Non, l'objectif... Pour nous, en tant qu'espèce, au niveau biologique, c'est d'assurer notre survie. Donc c'est vraiment l'objectif de base de notre cerveau. Améliorer notre survie, améliorer notre fonctionnement. Et c'est pour ça que ça a été gardé dans l'évolution, justement. Et donc parfois, pour améliorer la survie, il vaut mieux pas avoir quelque chose de très analytique. Il vaut mieux avoir quelque chose de rapide, prendre des décisions automatiques et le plus rapidement possible. Pour faire le parallèle avec l'entrepreneuriat, c'est un peu pareil. Des fois, c'est... L'objectif n'est pas d'avoir la meilleure décision, mais de la prendre vite. C'est pareil en milieu extrême et c'est pareil un peu dans la vie en général.

  • Speaker #0

    La question Thibault, si tu me permets, c'est que tu es dans un milieu extrême. Dans un milieu extrême, on n'a pas trop de deuxième chance.

  • Speaker #1

    Exactement.

  • Speaker #0

    Tu l'as vu sur le Mont Blanc, on a marché sur des ponts de neige. Si le pont de neige, on a mal évalué l'épaisseur et qu'on tombe dans la crevasse, on ne va pas pouvoir dire, si on ressortait de la crevasse, maintenant qu'on sait que ce pont de neige est fragile, on va passer à côté. Du coup, est-ce que le cerveau est adapté, par la prise de décision rapide, à intégrer des informations dont il n'a pas l'habitude, comme celles qu'on peut rencontrer en milieu extrême ?

  • Speaker #1

    Alors oui et non. Il va y avoir une grande partie de la prise de décision dans ces moments-là qui va être impactée par l'expertise ou l'expérience. Ça, ça va beaucoup impacter la qualité de la prise de décision. Plus je vais avoir l'expérience de monter en montagne, plus mon cerveau va être capable de détecter des éléments qui vont peut-être faire référence à des choses passées ou à des signaux qui pourra l'aider dans sa prise de décision. Mais parfois... En fait, comme il ne fait pas d'analyse vraiment poussée, il va capter des éléments qui ressemblent à quelque chose qu'il a connu. Par exemple, je suis dans la forêt, dans la jungle, je vois une forme par terre. Mon cerveau ne va pas se demander est-ce que c'est un serpent, est-ce que c'est un bout de bois ? Non, il ne va pas analyser. Il détecte quelque chose qui ressemble de près ou de loin à un serpent à danger. il déclenche la réaction qui va être appropriée. Et c'est longtemps après, en fait, qu'il va commencer à analyser, mais en fait, c'était pas un serpent, c'était un bout de bois, mais tant mieux, c'est pas grave. Le comportement a été lancé, et on a assuré notre survie, même s'il n'y avait pas de danger. Donc en fait, il va à la fois faire des approximations, avec comme objectif de maximiser la survie, quitte à ce que ce ne soit pas la bonne solution, mais au moins ce serait une sorte de faux positif en quelque sorte. Soit il va vraiment être informé et amélioré par l'expérience. Donc ça c'est vraiment important. La prise de décision de manière générale, c'est quelque chose de très très complexe. Il y a des équipes entières, l'Institut du cerveau qui travaille là-dessus, dans le monde entier, c'est une complexité incroyable. Et ça peut être lié effectivement à des choses très basiques comme toujours la balance entre ce que ça nous coûte et ce que ça nous rapporte. Par exemple, je veux aller au sommet, quelle est la récompense que je vais avoir au sommet, ce que ça va me coûter à moi en termes d'efforts. Ça, c'est un peu le modèle le plus simple, le plus basique. Mais en fait, ça s'est très simplifié. Là-dessus va se rajouter la mémoire, va se rajouter les émotions, vont se rajouter tout un tas de choses qu'on a vécues. Et ensuite, il y a aussi un élément très important. et c'est ça qui va être l'élément peut-être fondamental aussi lié à l'expertise, c'est qu'une fois que notre cerveau a pris une décision en quelque sorte, on a ce qu'on appelle la métacognition, qui est en fait notre capacité à nous d'avoir conscience du fait qu'on a conscience. C'est un peu fou, mais c'est un peu ça.

  • Speaker #0

    Refais doucement.

  • Speaker #1

    La métacognition, c'est la conscience d'avoir conscience. C'est-à-dire que non seulement j'ai conscience de ce qui se passe, Mais en plus, j'ai conscience du fait que j'ai conscience de ce qui se passe. C'est un truc de fou. Et ça, ça va être aussi impacté dans la décision, la prise de décision. Notre système de prise de décision, il va générer, par exemple, imaginons, je suis en train de vouloir monter le sommet. Il va dire, OK, j'y vais. Ça, c'est la décision qui va être générée par mon cerveau. Il avait le choix entre j'y vais, j'y vais pas, il a choisi j'y vais. Parce qu'il se dit la récompense va être plus forte que le coût que ça va me représenter. Mais c'est pas pour autant que j'y vais. En fait, à ce moment-là, s'enclenche une deuxième phase, qui est une sorte de phase de délibération, où là, je vais commencer à me dire, mais est-ce que vraiment, vraiment, j'ai envie d'y aller ? Est-ce que c'est pas dangereux ? Est-ce que c'est pas ceci ? Je vais commencer à intellectualiser. Et là, tout un tas de choses vont rentrer en ligne de compte. Et cette phase de délibération, qui est en fait une phase de métacognition, c'est celle-là qui peut prendre longtemps. Et donc c'est là que parfois on peut rajouter soit des biais, soit au contraire de l'expertise.

  • Speaker #0

    Du coup, ça m'amène Thibault à te poser une question sur ce qui est important dans les milieux extrêmes, c'est la capacité à un moment donné à ne pas y aller et à renoncer. J'ai connu quelques situations où... On a un biais cognitif qu'on appelle l'escalade de l'engagement. Tu parles du sommet, le sommet, il est tout proche. J'ai l'impression qu'il est vraiment à portée de main. Tout rationnellement m'indique qu'il ne faut pas y aller, mais j'ai très envie d'y aller. Donc, comment se passe cette prise de décision où tu as vraiment dans ton arbitrage, ce que tu es en train d'évoquer, vraiment des forces qui sont largement opposées ? Comment ça se passe ?

  • Speaker #1

    C'est exactement ça, c'est ce que tu dis, c'est l'espirale, l'escalade de l'engagement. Plus on va investir dans quelque chose et plus c'est dur de renoncer. Oui, oui. Et ça, ça a été pour moi un des éléments les plus marquants justement de cette ascension, parce qu'on s'en a beaucoup investi. On a investi du temps, de l'argent, des efforts. On a tout le groupe avec nous. Et là, on se dit bon, malheureusement, il va peut-être falloir arrêter en cours de route. On ne va pas aller au sommet. Alors que tout était réuni pour, sur tous les autres plans, mais la météo est contre nous, on va devoir arrêter. Et là, c'est là que le danger peut commencer à apparaître, parce qu'en fait, est-ce que je pousse, je pousse, je pousse, je pousse jusqu'à l'extrême, ou là, je me mets en danger ? Ou est-ce que j'abandonne et je dois gérer cet abandon ? Donc ça, c'est vrai que c'est difficile pour nous, mais c'est plus un aspect psychologique plus que neurobiologique, en fait. Après ? C'est justement dans cette phase de délibération que là, ça va agir. Et tout l'enjeu de la prise de décision, c'est aussi de se dire, il y a la prise de décision basique qui va être générée par mon cerveau, et puis il y a moi ensuite, par rapport à tout mon vécu, par rapport à tout ce que j'ai emmagasiné comme expérience, d'essayer de penser contre mon cerveau. C'est un peu bizarre comme logique, mais c'est un peu ça l'idée. Parfois, notre cerveau, il se trompe. Surtout lorsque l'on est dans un contexte dangereux. En fait, le dernier élément qui va impacter la prise de décision, c'est le contexte. Je peux prendre tout l'ensemble de la prise de décision, tous les éléments dont je t'ai parlé, le coût, la récompense, les émotions, l'expertise, etc. Mais entre... prendre ses décisions sur mon canapé, tranquille, je suis à l'aise, tout va bien, et la prendre dans un contexte difficile, ça n'a rien à voir, on est d'accord ?

  • Speaker #0

    Je souris parce qu'effectivement, tu as beaucoup de commentaires a posteriori d'accidents qui ont lieu en montagne, en disant qu'ils n'auraient pas dû faire ça, c'est évident qu'il n'aurait pas fallu faire ça.

  • Speaker #1

    Et voilà, parce que là, rationnellement, on peut analyser les choses. Mais qu'est-ce qui se passe quand on est dans un environnement dangereux ? La raison, elle est... Moins invoquée, on va dire, l'aspect rationnel de notre cerveau. Pourquoi ? Parce que dès qu'on est dans un environnement dangereux, notre cerveau active la réponse de stress. Et la réponse de stress, elle a pour objectif de générer un comportement rapide et automatique. Donc de squeezer, de bypasser, de court-circuiter tous les mécanismes rationnels pour essayer de nous pousser à avoir un comportement de survie. L'un des éléments qu'on peut retrouver en montagne, par exemple, Ça va être cet effet tunnel, par exemple, d'avoir un effet attentionnel. Notre attention va se réduire et va se focaliser sur les choses les plus élémentaires, marcher un pas devant l'autre. Ça, c'est intéressant de faire l'expérience parce que c'est exactement ce qui se déroule. Ou aussi de déclencher des réponses de comportement de type fuite, combat, sidération, on ne bouge plus, etc.

  • Speaker #0

    Thibaut, j'ai une question. Là, tu nous as décrit le mécanisme de prise de décision. On voit qu'il est exacerbé puisqu'on est... En vulnérabilité, en logique de survie. Est-ce qu'il y a une transférabilité de ces compétences ? On va dire que, justement, ça aiguise ces compétences, en tout cas ces capacités à prendre des décisions en prenant en compte le danger. Est-ce que quand tu reviens dans la vie de tous les jours, est-ce qu'il y a un apprentissage ? C'est-à-dire, ce que tu as développé en milieu extrême, quel qu'il soit, est-ce que ça peut nous aider dans la vie de tous les jours, professionnel ou perso ?

  • Speaker #1

    C'est une bonne question. C'est un sujet qui n'est pas encore complètement clair au niveau neuroscientifique. C'est la question de la transférabilité des compétences de manière générale. Est-ce qu'une compétence, par exemple, que j'obtiens dans un sport, je peux la récupérer au niveau managérial ou inversement ? C'est très difficile à dire. Ce qu'on voit, c'est quand même que les expertises sont vraiment spécifiques à quelque chose. C'est-à-dire, si mon expertise, c'est de faire de la musique de jazz, ce n'est pas la musique en général, c'est la musique de jazz. Et c'est un peu ça qu'on pourrait retrouver là. A priori, l'expertise qu'on va développer là, c'est chausser les crampons, c'est utiliser le piolet, c'est s'encorder. Ce n'est pas directement transférable à autre chose. En revanche, ce que je vais pouvoir développer comme expérience, comme sentiment, comme élément par rapport à la confiance en soi, par rapport à la planification, par rapport à la gestion des émotions, la gestion du stress, ça par contre, ça pourra peut-être être transférable. d'une certaine façon indirectement dans d'autres pratiques.

  • Speaker #0

    Donc tu dis peut-ĂŞtre.

  • Speaker #1

    Je dis peut-ĂŞtre, au cas par cas.

  • Speaker #0

    En tout cas, ça peut peut-être agir sur la confiance en soi et la capacité ou la croyance que j'ai que je vais pouvoir faire face à des situations nouvelles. Donc une question, Thibault, maintenant si on se projette... sur le dérèglement climatique. Ça veut dire que nous, dans nos zones tempérées, le climat va évoluer. Donc, on a une certaine habitude de fonctionnement avec un contexte connu. J'ai deux questions, finalement. Est-ce que le cerveau évolue aussi vite que le dérèglement climatique ? Ça, c'est la première question. La deuxième question, c'est est-ce qu'on peut s'y préparer ? Puisque finalement, dans les projections, on commence à connaître les conséquences, au moins sur le plan intellectuel et théorique. mais pas encore sur le plan pratique.

  • Speaker #1

    Alors si on regarde du point de vue de l'évolution, nous on fait partie de l'espèce des homo sapiens, qui est apparue environ 300 000 ans. Notre cerveau, il est le même, à peu de choses près, avec tout l'ensemble des homo sapiens, c'est-à-dire qu'il n'a pas changé dans les grandes lignes en 300 000 ans. Le processus de l'hominisation, c'est-à-dire de passer de nos... nos ancêtres communs avec les primates, avec les autres primates, puisque c'est notre famille quand même les primates, jusqu'à maintenant, ça a pris des millions d'années. Donc les modifications de la boîte crânienne, du volume du cerveau, les replis avec les sillons, etc., ça, ça a pris des millions d'années. Donc imaginer qu'on puisse s'adapter à quelque chose qui arrive en quelques dizaines, centaines d'années, ça me paraît difficile à imaginer. En tout cas pour l'être humain. En revanche, on a des capacités d'adaptation. Ça, c'est vrai qu'on est capable de s'acclimater, notamment à des environnements un peu extrêmes. Mais c'est sur des durées courtes. On ne vit pas en permanence au sommet de l'Everest. On ne vit pas en permanence au fond de l'eau. Il y a quand même des environnements qui ne sont pas faits pour l'être humain, dans lesquels l'être humain ne s'est pas adapté. En ce qui concerne la température, la température dans laquelle l'être humain... Et optimal, c'est entre 20 et 22 degrés. Au-delà de cette température-là, il commence à devoir mettre en place des systèmes pour réguler sa température et baisser sa température. Plus on va s'éloigner des conditions optimales de la vie pour les êtres humains, plus le corps et le cerveau vont devoir lutter pour assurer sa survie. Donc forcément, ça va engendrer des conséquences. Et dès on voit, il y a des études qui montrent que dès 25, 30, 35 degrés, on commence déjà à avoir des effets sur le cerveau, des températures.

  • Speaker #0

    Et quels effets, par exemple ? On réfléchit moins vite ? On perçoit moins les informations ?

  • Speaker #1

    Exactement. Alors, les premiers effets qu'on a mesurés, c'est par exemple durant les phases de canicule, dans certaines villes, notamment aux États-Unis, je crois que c'est à Miami, à Los Angeles, Chicago aussi. Ils ont vu que dès que la température augmentait, ils avaient une augmentation de la violence, en fait, dans les villes. Pourquoi ? Parce qu'en fait, on note une augmentation de l'impulsivité, on note une augmentation de notre difficulté à gérer les émotions, etc. Ça, c'est une première chose qui peut être problématique quand même. Comme on vit en société, c'est quand même un problème. L'autre élément, c'est aussi au niveau cognitif. Donc là, on voit des baisses dans notre capacité à résoudre des problèmes. Il y a eu des expériences faites dans des écoles où on voit que des écoles qui ont la climatisation et d'autres qui ne l'ont pas, dans la même ville, à la même température, quand ça commence à augmenter en période de canicule, eh bien, on voit des baisses des résultats scolaires juste dues à la chaleur. Donc voilà, ça c'est aussi un effet. Alors pourquoi ? Quel est le mécanisme ? Ce serait difficile à dire. Est-ce que c'est lié à un phénomène de déshydratation ? Donc moins d'électrolytes, moins d'eau, problème de circulation sanguine, les réactions biochimiques ont plus de mal à se faire parce qu'on a moins d'eau, etc. Peut-être, peut-être d'autres choses. Mais en tout cas, le résultat, il est là. Il est clair. Plus on augmente la température, plus on augmente les problèmes à plein de niveaux dans notre psychologie, dans notre fonctionnement.

  • Speaker #0

    Donc là, on a une traçabilité déjà avec ces expériences. Peut-être que ça nous donne des pistes aussi pour s'y préparer. On est parti, quoi qu'il en soit, sur un réchauffement.

  • Speaker #1

    C'est ça.

  • Speaker #0

    OK. Donc voilà, j'ai bien entendu 20-22 degrés. J'en parlerai à ma femme parce qu'elle, c'est plutôt 25 degrés à la maison. Donc je lui dirai que son cerveau fonctionne mal. Non,

  • Speaker #1

    c'est pas moi qui l'ai dit ça.

  • Speaker #0

    Merci Thibaut de résoudre un problème de couple. J'en suis ravi. Donc on peut s'adapter, mais ça va nous coûter de l'énergie ou peut-être des pertes de fonction qui sont optimales dans les conditions que tu viens de signaler.

  • Speaker #1

    C'est ça. Après, ce qui est fascinant avec le corps humain, c'est qu'à l'échelle individuelle, on voit des personnes qui sont capables à s'adapter à des choses incroyables. Je pense à Guillaume Nery qui est athnéiste. Quand il descend au fond de l'océan, il a ses poumons qui font la taille d'un point. je me dis c'est dingue, ils résistent à des pressions à un manque d'oxygène incroyable quand on voit les Sherpas qui vivent à des hautes altitudes et qui du coup ont développé une forme d'adaptation héréditaire presque, je ne sais pas, il faudrait creuser le sujet mais on voit qu'il y a quand même des cas qui sont assez intrigants sur nos capacités à nous dépasser en tant qu'être humain mais ça reste malgré tout dans des limites physiologiques voilà qu'il faut prendre en compte.

  • Speaker #0

    Ce n'est pas forcément une bonne nouvelle que tu nous annonces, en fait. Bon, merci Thibault pour ce point, pour voir effectivement comment on peut s'adapter à des conditions extrêmes. On a vu le froid, on a vu l'altitude, on a vu le réchauffement. Sur le prochain épisode, j'aimerais bien t'interroger justement sur l'adaptation en contexte d'entreprise. On parle beaucoup d'employabilité dans l'entreprise. Il faut développer des compétences, il faut commencer à s'adapter à des nouveaux outils, à l'intelligence artificielle peut-être, des nouveaux process, etc. Et à nouveau, même question, est-ce que notre cerveau est apte à évoluer aussi vite finalement que les process ou les enjeux dans l'entreprise ? Merci à toi Thibault et donc suite au prochain épisode.

  • Speaker #1

    Merci Jérôme.

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🎯 Ce 2ème épisode aborde la question de la capacité de notre cerveau / corps à s'adapter à des milieux extrêmes ou bien à se préparer à l'évolution de notre environnement liée au dérèglement climatique en cours.

Jérôme Brisebourg


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Thibaut, dans notre premier épisode, on est revenu sur notre expérience commune au Mont-Blanc, qui était une véritable découverte pour toi. Et voilà comment tu t'es adapté dans un milieu inconnu, l'altitude. Tu avais une expérience préalable, mais en tout cas, on a été plus loin. Et puis, on a mis des paramètres de risque, de difficultés liées au climat. Et donc, c'est le point qu'on a vu ensemble. J'ai envie, sur ce deuxième épisode, justement, d'élargir et de voir finalement avec toi les neurosciences et les milieux extrêmes. en tout cas l'adaptation de l'homme dans des conditions difficiles. Et on finira aussi peut-être par les nouvelles conditions qu'on est en train de rencontrer avec le dérèglement climatique. Est-ce que nous, on évolue peut-être aussi vite que les conditions climatiques ? Alors, est-ce que dans un premier temps, tu peux nous dire comment le cerveau fonctionne ? quand on est dans un environnement méconnu. Là, on est tranquillement dans un studio, il fait un peu chaud, et imaginons qu'on reparte sur le Mont-Blanc. Donc, comment le cerveau fonctionne pour s'adapter à des contraintes vraiment très fortes ?

  • Speaker #1

    Alors, de manière générale, l'environnement dans lequel on vit est un environnement très complexe, rempli d'incertitudes. Donc, notre cerveau, il a l'habitude, entre guillemets, de vivre dans ce genre d'environnement très complexe. La conséquence de ça, c'est qu'en fait, c'est beaucoup plus complexe pour lui que ce qu'il est capable de traiter, de processer, d'analyser. Donc il va avoir tendance à simplifier les choses. Ça, c'est quelque chose... Il faut bien comprendre que le cerveau n'est pas du tout comme un ordinateur. C'est pas du tout une machine qui va analyser, faire des calculs sur les différents événements, capter des informations, les accumuler, faire tout un tas d'analyses sur tout ça. Non, l'objectif... Pour nous, en tant qu'espèce, au niveau biologique, c'est d'assurer notre survie. Donc c'est vraiment l'objectif de base de notre cerveau. Améliorer notre survie, améliorer notre fonctionnement. Et c'est pour ça que ça a été gardé dans l'évolution, justement. Et donc parfois, pour améliorer la survie, il vaut mieux pas avoir quelque chose de très analytique. Il vaut mieux avoir quelque chose de rapide, prendre des décisions automatiques et le plus rapidement possible. Pour faire le parallèle avec l'entrepreneuriat, c'est un peu pareil. Des fois, c'est... L'objectif n'est pas d'avoir la meilleure décision, mais de la prendre vite. C'est pareil en milieu extrême et c'est pareil un peu dans la vie en général.

  • Speaker #0

    La question Thibault, si tu me permets, c'est que tu es dans un milieu extrême. Dans un milieu extrême, on n'a pas trop de deuxième chance.

  • Speaker #1

    Exactement.

  • Speaker #0

    Tu l'as vu sur le Mont Blanc, on a marché sur des ponts de neige. Si le pont de neige, on a mal évalué l'épaisseur et qu'on tombe dans la crevasse, on ne va pas pouvoir dire, si on ressortait de la crevasse, maintenant qu'on sait que ce pont de neige est fragile, on va passer à côté. Du coup, est-ce que le cerveau est adapté, par la prise de décision rapide, à intégrer des informations dont il n'a pas l'habitude, comme celles qu'on peut rencontrer en milieu extrême ?

  • Speaker #1

    Alors oui et non. Il va y avoir une grande partie de la prise de décision dans ces moments-là qui va être impactée par l'expertise ou l'expérience. Ça, ça va beaucoup impacter la qualité de la prise de décision. Plus je vais avoir l'expérience de monter en montagne, plus mon cerveau va être capable de détecter des éléments qui vont peut-être faire référence à des choses passées ou à des signaux qui pourra l'aider dans sa prise de décision. Mais parfois... En fait, comme il ne fait pas d'analyse vraiment poussée, il va capter des éléments qui ressemblent à quelque chose qu'il a connu. Par exemple, je suis dans la forêt, dans la jungle, je vois une forme par terre. Mon cerveau ne va pas se demander est-ce que c'est un serpent, est-ce que c'est un bout de bois ? Non, il ne va pas analyser. Il détecte quelque chose qui ressemble de près ou de loin à un serpent à danger. il déclenche la réaction qui va être appropriée. Et c'est longtemps après, en fait, qu'il va commencer à analyser, mais en fait, c'était pas un serpent, c'était un bout de bois, mais tant mieux, c'est pas grave. Le comportement a été lancé, et on a assuré notre survie, même s'il n'y avait pas de danger. Donc en fait, il va à la fois faire des approximations, avec comme objectif de maximiser la survie, quitte à ce que ce ne soit pas la bonne solution, mais au moins ce serait une sorte de faux positif en quelque sorte. Soit il va vraiment être informé et amélioré par l'expérience. Donc ça c'est vraiment important. La prise de décision de manière générale, c'est quelque chose de très très complexe. Il y a des équipes entières, l'Institut du cerveau qui travaille là-dessus, dans le monde entier, c'est une complexité incroyable. Et ça peut être lié effectivement à des choses très basiques comme toujours la balance entre ce que ça nous coûte et ce que ça nous rapporte. Par exemple, je veux aller au sommet, quelle est la récompense que je vais avoir au sommet, ce que ça va me coûter à moi en termes d'efforts. Ça, c'est un peu le modèle le plus simple, le plus basique. Mais en fait, ça s'est très simplifié. Là-dessus va se rajouter la mémoire, va se rajouter les émotions, vont se rajouter tout un tas de choses qu'on a vécues. Et ensuite, il y a aussi un élément très important. et c'est ça qui va être l'élément peut-être fondamental aussi lié à l'expertise, c'est qu'une fois que notre cerveau a pris une décision en quelque sorte, on a ce qu'on appelle la métacognition, qui est en fait notre capacité à nous d'avoir conscience du fait qu'on a conscience. C'est un peu fou, mais c'est un peu ça.

  • Speaker #0

    Refais doucement.

  • Speaker #1

    La métacognition, c'est la conscience d'avoir conscience. C'est-à-dire que non seulement j'ai conscience de ce qui se passe, Mais en plus, j'ai conscience du fait que j'ai conscience de ce qui se passe. C'est un truc de fou. Et ça, ça va être aussi impacté dans la décision, la prise de décision. Notre système de prise de décision, il va générer, par exemple, imaginons, je suis en train de vouloir monter le sommet. Il va dire, OK, j'y vais. Ça, c'est la décision qui va être générée par mon cerveau. Il avait le choix entre j'y vais, j'y vais pas, il a choisi j'y vais. Parce qu'il se dit la récompense va être plus forte que le coût que ça va me représenter. Mais c'est pas pour autant que j'y vais. En fait, à ce moment-là, s'enclenche une deuxième phase, qui est une sorte de phase de délibération, où là, je vais commencer à me dire, mais est-ce que vraiment, vraiment, j'ai envie d'y aller ? Est-ce que c'est pas dangereux ? Est-ce que c'est pas ceci ? Je vais commencer à intellectualiser. Et là, tout un tas de choses vont rentrer en ligne de compte. Et cette phase de délibération, qui est en fait une phase de métacognition, c'est celle-là qui peut prendre longtemps. Et donc c'est là que parfois on peut rajouter soit des biais, soit au contraire de l'expertise.

  • Speaker #0

    Du coup, ça m'amène Thibault à te poser une question sur ce qui est important dans les milieux extrêmes, c'est la capacité à un moment donné à ne pas y aller et à renoncer. J'ai connu quelques situations où... On a un biais cognitif qu'on appelle l'escalade de l'engagement. Tu parles du sommet, le sommet, il est tout proche. J'ai l'impression qu'il est vraiment à portée de main. Tout rationnellement m'indique qu'il ne faut pas y aller, mais j'ai très envie d'y aller. Donc, comment se passe cette prise de décision où tu as vraiment dans ton arbitrage, ce que tu es en train d'évoquer, vraiment des forces qui sont largement opposées ? Comment ça se passe ?

  • Speaker #1

    C'est exactement ça, c'est ce que tu dis, c'est l'espirale, l'escalade de l'engagement. Plus on va investir dans quelque chose et plus c'est dur de renoncer. Oui, oui. Et ça, ça a été pour moi un des éléments les plus marquants justement de cette ascension, parce qu'on s'en a beaucoup investi. On a investi du temps, de l'argent, des efforts. On a tout le groupe avec nous. Et là, on se dit bon, malheureusement, il va peut-être falloir arrêter en cours de route. On ne va pas aller au sommet. Alors que tout était réuni pour, sur tous les autres plans, mais la météo est contre nous, on va devoir arrêter. Et là, c'est là que le danger peut commencer à apparaître, parce qu'en fait, est-ce que je pousse, je pousse, je pousse, je pousse jusqu'à l'extrême, ou là, je me mets en danger ? Ou est-ce que j'abandonne et je dois gérer cet abandon ? Donc ça, c'est vrai que c'est difficile pour nous, mais c'est plus un aspect psychologique plus que neurobiologique, en fait. Après ? C'est justement dans cette phase de délibération que là, ça va agir. Et tout l'enjeu de la prise de décision, c'est aussi de se dire, il y a la prise de décision basique qui va être générée par mon cerveau, et puis il y a moi ensuite, par rapport à tout mon vécu, par rapport à tout ce que j'ai emmagasiné comme expérience, d'essayer de penser contre mon cerveau. C'est un peu bizarre comme logique, mais c'est un peu ça l'idée. Parfois, notre cerveau, il se trompe. Surtout lorsque l'on est dans un contexte dangereux. En fait, le dernier élément qui va impacter la prise de décision, c'est le contexte. Je peux prendre tout l'ensemble de la prise de décision, tous les éléments dont je t'ai parlé, le coût, la récompense, les émotions, l'expertise, etc. Mais entre... prendre ses décisions sur mon canapé, tranquille, je suis à l'aise, tout va bien, et la prendre dans un contexte difficile, ça n'a rien à voir, on est d'accord ?

  • Speaker #0

    Je souris parce qu'effectivement, tu as beaucoup de commentaires a posteriori d'accidents qui ont lieu en montagne, en disant qu'ils n'auraient pas dû faire ça, c'est évident qu'il n'aurait pas fallu faire ça.

  • Speaker #1

    Et voilà, parce que là, rationnellement, on peut analyser les choses. Mais qu'est-ce qui se passe quand on est dans un environnement dangereux ? La raison, elle est... Moins invoquée, on va dire, l'aspect rationnel de notre cerveau. Pourquoi ? Parce que dès qu'on est dans un environnement dangereux, notre cerveau active la réponse de stress. Et la réponse de stress, elle a pour objectif de générer un comportement rapide et automatique. Donc de squeezer, de bypasser, de court-circuiter tous les mécanismes rationnels pour essayer de nous pousser à avoir un comportement de survie. L'un des éléments qu'on peut retrouver en montagne, par exemple, Ça va être cet effet tunnel, par exemple, d'avoir un effet attentionnel. Notre attention va se réduire et va se focaliser sur les choses les plus élémentaires, marcher un pas devant l'autre. Ça, c'est intéressant de faire l'expérience parce que c'est exactement ce qui se déroule. Ou aussi de déclencher des réponses de comportement de type fuite, combat, sidération, on ne bouge plus, etc.

  • Speaker #0

    Thibaut, j'ai une question. Là, tu nous as décrit le mécanisme de prise de décision. On voit qu'il est exacerbé puisqu'on est... En vulnérabilité, en logique de survie. Est-ce qu'il y a une transférabilité de ces compétences ? On va dire que, justement, ça aiguise ces compétences, en tout cas ces capacités à prendre des décisions en prenant en compte le danger. Est-ce que quand tu reviens dans la vie de tous les jours, est-ce qu'il y a un apprentissage ? C'est-à-dire, ce que tu as développé en milieu extrême, quel qu'il soit, est-ce que ça peut nous aider dans la vie de tous les jours, professionnel ou perso ?

  • Speaker #1

    C'est une bonne question. C'est un sujet qui n'est pas encore complètement clair au niveau neuroscientifique. C'est la question de la transférabilité des compétences de manière générale. Est-ce qu'une compétence, par exemple, que j'obtiens dans un sport, je peux la récupérer au niveau managérial ou inversement ? C'est très difficile à dire. Ce qu'on voit, c'est quand même que les expertises sont vraiment spécifiques à quelque chose. C'est-à-dire, si mon expertise, c'est de faire de la musique de jazz, ce n'est pas la musique en général, c'est la musique de jazz. Et c'est un peu ça qu'on pourrait retrouver là. A priori, l'expertise qu'on va développer là, c'est chausser les crampons, c'est utiliser le piolet, c'est s'encorder. Ce n'est pas directement transférable à autre chose. En revanche, ce que je vais pouvoir développer comme expérience, comme sentiment, comme élément par rapport à la confiance en soi, par rapport à la planification, par rapport à la gestion des émotions, la gestion du stress, ça par contre, ça pourra peut-être être transférable. d'une certaine façon indirectement dans d'autres pratiques.

  • Speaker #0

    Donc tu dis peut-ĂŞtre.

  • Speaker #1

    Je dis peut-ĂŞtre, au cas par cas.

  • Speaker #0

    En tout cas, ça peut peut-être agir sur la confiance en soi et la capacité ou la croyance que j'ai que je vais pouvoir faire face à des situations nouvelles. Donc une question, Thibault, maintenant si on se projette... sur le dérèglement climatique. Ça veut dire que nous, dans nos zones tempérées, le climat va évoluer. Donc, on a une certaine habitude de fonctionnement avec un contexte connu. J'ai deux questions, finalement. Est-ce que le cerveau évolue aussi vite que le dérèglement climatique ? Ça, c'est la première question. La deuxième question, c'est est-ce qu'on peut s'y préparer ? Puisque finalement, dans les projections, on commence à connaître les conséquences, au moins sur le plan intellectuel et théorique. mais pas encore sur le plan pratique.

  • Speaker #1

    Alors si on regarde du point de vue de l'évolution, nous on fait partie de l'espèce des homo sapiens, qui est apparue environ 300 000 ans. Notre cerveau, il est le même, à peu de choses près, avec tout l'ensemble des homo sapiens, c'est-à-dire qu'il n'a pas changé dans les grandes lignes en 300 000 ans. Le processus de l'hominisation, c'est-à-dire de passer de nos... nos ancêtres communs avec les primates, avec les autres primates, puisque c'est notre famille quand même les primates, jusqu'à maintenant, ça a pris des millions d'années. Donc les modifications de la boîte crânienne, du volume du cerveau, les replis avec les sillons, etc., ça, ça a pris des millions d'années. Donc imaginer qu'on puisse s'adapter à quelque chose qui arrive en quelques dizaines, centaines d'années, ça me paraît difficile à imaginer. En tout cas pour l'être humain. En revanche, on a des capacités d'adaptation. Ça, c'est vrai qu'on est capable de s'acclimater, notamment à des environnements un peu extrêmes. Mais c'est sur des durées courtes. On ne vit pas en permanence au sommet de l'Everest. On ne vit pas en permanence au fond de l'eau. Il y a quand même des environnements qui ne sont pas faits pour l'être humain, dans lesquels l'être humain ne s'est pas adapté. En ce qui concerne la température, la température dans laquelle l'être humain... Et optimal, c'est entre 20 et 22 degrés. Au-delà de cette température-là, il commence à devoir mettre en place des systèmes pour réguler sa température et baisser sa température. Plus on va s'éloigner des conditions optimales de la vie pour les êtres humains, plus le corps et le cerveau vont devoir lutter pour assurer sa survie. Donc forcément, ça va engendrer des conséquences. Et dès on voit, il y a des études qui montrent que dès 25, 30, 35 degrés, on commence déjà à avoir des effets sur le cerveau, des températures.

  • Speaker #0

    Et quels effets, par exemple ? On réfléchit moins vite ? On perçoit moins les informations ?

  • Speaker #1

    Exactement. Alors, les premiers effets qu'on a mesurés, c'est par exemple durant les phases de canicule, dans certaines villes, notamment aux États-Unis, je crois que c'est à Miami, à Los Angeles, Chicago aussi. Ils ont vu que dès que la température augmentait, ils avaient une augmentation de la violence, en fait, dans les villes. Pourquoi ? Parce qu'en fait, on note une augmentation de l'impulsivité, on note une augmentation de notre difficulté à gérer les émotions, etc. Ça, c'est une première chose qui peut être problématique quand même. Comme on vit en société, c'est quand même un problème. L'autre élément, c'est aussi au niveau cognitif. Donc là, on voit des baisses dans notre capacité à résoudre des problèmes. Il y a eu des expériences faites dans des écoles où on voit que des écoles qui ont la climatisation et d'autres qui ne l'ont pas, dans la même ville, à la même température, quand ça commence à augmenter en période de canicule, eh bien, on voit des baisses des résultats scolaires juste dues à la chaleur. Donc voilà, ça c'est aussi un effet. Alors pourquoi ? Quel est le mécanisme ? Ce serait difficile à dire. Est-ce que c'est lié à un phénomène de déshydratation ? Donc moins d'électrolytes, moins d'eau, problème de circulation sanguine, les réactions biochimiques ont plus de mal à se faire parce qu'on a moins d'eau, etc. Peut-être, peut-être d'autres choses. Mais en tout cas, le résultat, il est là. Il est clair. Plus on augmente la température, plus on augmente les problèmes à plein de niveaux dans notre psychologie, dans notre fonctionnement.

  • Speaker #0

    Donc là, on a une traçabilité déjà avec ces expériences. Peut-être que ça nous donne des pistes aussi pour s'y préparer. On est parti, quoi qu'il en soit, sur un réchauffement.

  • Speaker #1

    C'est ça.

  • Speaker #0

    OK. Donc voilà, j'ai bien entendu 20-22 degrés. J'en parlerai à ma femme parce qu'elle, c'est plutôt 25 degrés à la maison. Donc je lui dirai que son cerveau fonctionne mal. Non,

  • Speaker #1

    c'est pas moi qui l'ai dit ça.

  • Speaker #0

    Merci Thibaut de résoudre un problème de couple. J'en suis ravi. Donc on peut s'adapter, mais ça va nous coûter de l'énergie ou peut-être des pertes de fonction qui sont optimales dans les conditions que tu viens de signaler.

  • Speaker #1

    C'est ça. Après, ce qui est fascinant avec le corps humain, c'est qu'à l'échelle individuelle, on voit des personnes qui sont capables à s'adapter à des choses incroyables. Je pense à Guillaume Nery qui est athnéiste. Quand il descend au fond de l'océan, il a ses poumons qui font la taille d'un point. je me dis c'est dingue, ils résistent à des pressions à un manque d'oxygène incroyable quand on voit les Sherpas qui vivent à des hautes altitudes et qui du coup ont développé une forme d'adaptation héréditaire presque, je ne sais pas, il faudrait creuser le sujet mais on voit qu'il y a quand même des cas qui sont assez intrigants sur nos capacités à nous dépasser en tant qu'être humain mais ça reste malgré tout dans des limites physiologiques voilà qu'il faut prendre en compte.

  • Speaker #0

    Ce n'est pas forcément une bonne nouvelle que tu nous annonces, en fait. Bon, merci Thibault pour ce point, pour voir effectivement comment on peut s'adapter à des conditions extrêmes. On a vu le froid, on a vu l'altitude, on a vu le réchauffement. Sur le prochain épisode, j'aimerais bien t'interroger justement sur l'adaptation en contexte d'entreprise. On parle beaucoup d'employabilité dans l'entreprise. Il faut développer des compétences, il faut commencer à s'adapter à des nouveaux outils, à l'intelligence artificielle peut-être, des nouveaux process, etc. Et à nouveau, même question, est-ce que notre cerveau est apte à évoluer aussi vite finalement que les process ou les enjeux dans l'entreprise ? Merci à toi Thibault et donc suite au prochain épisode.

  • Speaker #1

    Merci Jérôme.

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Description

🎯 Ce 2ème épisode aborde la question de la capacité de notre cerveau / corps à s'adapter à des milieux extrêmes ou bien à se préparer à l'évolution de notre environnement liée au dérèglement climatique en cours.

Jérôme Brisebourg


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Thibaut, dans notre premier épisode, on est revenu sur notre expérience commune au Mont-Blanc, qui était une véritable découverte pour toi. Et voilà comment tu t'es adapté dans un milieu inconnu, l'altitude. Tu avais une expérience préalable, mais en tout cas, on a été plus loin. Et puis, on a mis des paramètres de risque, de difficultés liées au climat. Et donc, c'est le point qu'on a vu ensemble. J'ai envie, sur ce deuxième épisode, justement, d'élargir et de voir finalement avec toi les neurosciences et les milieux extrêmes. en tout cas l'adaptation de l'homme dans des conditions difficiles. Et on finira aussi peut-être par les nouvelles conditions qu'on est en train de rencontrer avec le dérèglement climatique. Est-ce que nous, on évolue peut-être aussi vite que les conditions climatiques ? Alors, est-ce que dans un premier temps, tu peux nous dire comment le cerveau fonctionne ? quand on est dans un environnement méconnu. Là, on est tranquillement dans un studio, il fait un peu chaud, et imaginons qu'on reparte sur le Mont-Blanc. Donc, comment le cerveau fonctionne pour s'adapter à des contraintes vraiment très fortes ?

  • Speaker #1

    Alors, de manière générale, l'environnement dans lequel on vit est un environnement très complexe, rempli d'incertitudes. Donc, notre cerveau, il a l'habitude, entre guillemets, de vivre dans ce genre d'environnement très complexe. La conséquence de ça, c'est qu'en fait, c'est beaucoup plus complexe pour lui que ce qu'il est capable de traiter, de processer, d'analyser. Donc il va avoir tendance à simplifier les choses. Ça, c'est quelque chose... Il faut bien comprendre que le cerveau n'est pas du tout comme un ordinateur. C'est pas du tout une machine qui va analyser, faire des calculs sur les différents événements, capter des informations, les accumuler, faire tout un tas d'analyses sur tout ça. Non, l'objectif... Pour nous, en tant qu'espèce, au niveau biologique, c'est d'assurer notre survie. Donc c'est vraiment l'objectif de base de notre cerveau. Améliorer notre survie, améliorer notre fonctionnement. Et c'est pour ça que ça a été gardé dans l'évolution, justement. Et donc parfois, pour améliorer la survie, il vaut mieux pas avoir quelque chose de très analytique. Il vaut mieux avoir quelque chose de rapide, prendre des décisions automatiques et le plus rapidement possible. Pour faire le parallèle avec l'entrepreneuriat, c'est un peu pareil. Des fois, c'est... L'objectif n'est pas d'avoir la meilleure décision, mais de la prendre vite. C'est pareil en milieu extrême et c'est pareil un peu dans la vie en général.

  • Speaker #0

    La question Thibault, si tu me permets, c'est que tu es dans un milieu extrême. Dans un milieu extrême, on n'a pas trop de deuxième chance.

  • Speaker #1

    Exactement.

  • Speaker #0

    Tu l'as vu sur le Mont Blanc, on a marché sur des ponts de neige. Si le pont de neige, on a mal évalué l'épaisseur et qu'on tombe dans la crevasse, on ne va pas pouvoir dire, si on ressortait de la crevasse, maintenant qu'on sait que ce pont de neige est fragile, on va passer à côté. Du coup, est-ce que le cerveau est adapté, par la prise de décision rapide, à intégrer des informations dont il n'a pas l'habitude, comme celles qu'on peut rencontrer en milieu extrême ?

  • Speaker #1

    Alors oui et non. Il va y avoir une grande partie de la prise de décision dans ces moments-là qui va être impactée par l'expertise ou l'expérience. Ça, ça va beaucoup impacter la qualité de la prise de décision. Plus je vais avoir l'expérience de monter en montagne, plus mon cerveau va être capable de détecter des éléments qui vont peut-être faire référence à des choses passées ou à des signaux qui pourra l'aider dans sa prise de décision. Mais parfois... En fait, comme il ne fait pas d'analyse vraiment poussée, il va capter des éléments qui ressemblent à quelque chose qu'il a connu. Par exemple, je suis dans la forêt, dans la jungle, je vois une forme par terre. Mon cerveau ne va pas se demander est-ce que c'est un serpent, est-ce que c'est un bout de bois ? Non, il ne va pas analyser. Il détecte quelque chose qui ressemble de près ou de loin à un serpent à danger. il déclenche la réaction qui va être appropriée. Et c'est longtemps après, en fait, qu'il va commencer à analyser, mais en fait, c'était pas un serpent, c'était un bout de bois, mais tant mieux, c'est pas grave. Le comportement a été lancé, et on a assuré notre survie, même s'il n'y avait pas de danger. Donc en fait, il va à la fois faire des approximations, avec comme objectif de maximiser la survie, quitte à ce que ce ne soit pas la bonne solution, mais au moins ce serait une sorte de faux positif en quelque sorte. Soit il va vraiment être informé et amélioré par l'expérience. Donc ça c'est vraiment important. La prise de décision de manière générale, c'est quelque chose de très très complexe. Il y a des équipes entières, l'Institut du cerveau qui travaille là-dessus, dans le monde entier, c'est une complexité incroyable. Et ça peut être lié effectivement à des choses très basiques comme toujours la balance entre ce que ça nous coûte et ce que ça nous rapporte. Par exemple, je veux aller au sommet, quelle est la récompense que je vais avoir au sommet, ce que ça va me coûter à moi en termes d'efforts. Ça, c'est un peu le modèle le plus simple, le plus basique. Mais en fait, ça s'est très simplifié. Là-dessus va se rajouter la mémoire, va se rajouter les émotions, vont se rajouter tout un tas de choses qu'on a vécues. Et ensuite, il y a aussi un élément très important. et c'est ça qui va être l'élément peut-être fondamental aussi lié à l'expertise, c'est qu'une fois que notre cerveau a pris une décision en quelque sorte, on a ce qu'on appelle la métacognition, qui est en fait notre capacité à nous d'avoir conscience du fait qu'on a conscience. C'est un peu fou, mais c'est un peu ça.

  • Speaker #0

    Refais doucement.

  • Speaker #1

    La métacognition, c'est la conscience d'avoir conscience. C'est-à-dire que non seulement j'ai conscience de ce qui se passe, Mais en plus, j'ai conscience du fait que j'ai conscience de ce qui se passe. C'est un truc de fou. Et ça, ça va être aussi impacté dans la décision, la prise de décision. Notre système de prise de décision, il va générer, par exemple, imaginons, je suis en train de vouloir monter le sommet. Il va dire, OK, j'y vais. Ça, c'est la décision qui va être générée par mon cerveau. Il avait le choix entre j'y vais, j'y vais pas, il a choisi j'y vais. Parce qu'il se dit la récompense va être plus forte que le coût que ça va me représenter. Mais c'est pas pour autant que j'y vais. En fait, à ce moment-là, s'enclenche une deuxième phase, qui est une sorte de phase de délibération, où là, je vais commencer à me dire, mais est-ce que vraiment, vraiment, j'ai envie d'y aller ? Est-ce que c'est pas dangereux ? Est-ce que c'est pas ceci ? Je vais commencer à intellectualiser. Et là, tout un tas de choses vont rentrer en ligne de compte. Et cette phase de délibération, qui est en fait une phase de métacognition, c'est celle-là qui peut prendre longtemps. Et donc c'est là que parfois on peut rajouter soit des biais, soit au contraire de l'expertise.

  • Speaker #0

    Du coup, ça m'amène Thibault à te poser une question sur ce qui est important dans les milieux extrêmes, c'est la capacité à un moment donné à ne pas y aller et à renoncer. J'ai connu quelques situations où... On a un biais cognitif qu'on appelle l'escalade de l'engagement. Tu parles du sommet, le sommet, il est tout proche. J'ai l'impression qu'il est vraiment à portée de main. Tout rationnellement m'indique qu'il ne faut pas y aller, mais j'ai très envie d'y aller. Donc, comment se passe cette prise de décision où tu as vraiment dans ton arbitrage, ce que tu es en train d'évoquer, vraiment des forces qui sont largement opposées ? Comment ça se passe ?

  • Speaker #1

    C'est exactement ça, c'est ce que tu dis, c'est l'espirale, l'escalade de l'engagement. Plus on va investir dans quelque chose et plus c'est dur de renoncer. Oui, oui. Et ça, ça a été pour moi un des éléments les plus marquants justement de cette ascension, parce qu'on s'en a beaucoup investi. On a investi du temps, de l'argent, des efforts. On a tout le groupe avec nous. Et là, on se dit bon, malheureusement, il va peut-être falloir arrêter en cours de route. On ne va pas aller au sommet. Alors que tout était réuni pour, sur tous les autres plans, mais la météo est contre nous, on va devoir arrêter. Et là, c'est là que le danger peut commencer à apparaître, parce qu'en fait, est-ce que je pousse, je pousse, je pousse, je pousse jusqu'à l'extrême, ou là, je me mets en danger ? Ou est-ce que j'abandonne et je dois gérer cet abandon ? Donc ça, c'est vrai que c'est difficile pour nous, mais c'est plus un aspect psychologique plus que neurobiologique, en fait. Après ? C'est justement dans cette phase de délibération que là, ça va agir. Et tout l'enjeu de la prise de décision, c'est aussi de se dire, il y a la prise de décision basique qui va être générée par mon cerveau, et puis il y a moi ensuite, par rapport à tout mon vécu, par rapport à tout ce que j'ai emmagasiné comme expérience, d'essayer de penser contre mon cerveau. C'est un peu bizarre comme logique, mais c'est un peu ça l'idée. Parfois, notre cerveau, il se trompe. Surtout lorsque l'on est dans un contexte dangereux. En fait, le dernier élément qui va impacter la prise de décision, c'est le contexte. Je peux prendre tout l'ensemble de la prise de décision, tous les éléments dont je t'ai parlé, le coût, la récompense, les émotions, l'expertise, etc. Mais entre... prendre ses décisions sur mon canapé, tranquille, je suis à l'aise, tout va bien, et la prendre dans un contexte difficile, ça n'a rien à voir, on est d'accord ?

  • Speaker #0

    Je souris parce qu'effectivement, tu as beaucoup de commentaires a posteriori d'accidents qui ont lieu en montagne, en disant qu'ils n'auraient pas dû faire ça, c'est évident qu'il n'aurait pas fallu faire ça.

  • Speaker #1

    Et voilà, parce que là, rationnellement, on peut analyser les choses. Mais qu'est-ce qui se passe quand on est dans un environnement dangereux ? La raison, elle est... Moins invoquée, on va dire, l'aspect rationnel de notre cerveau. Pourquoi ? Parce que dès qu'on est dans un environnement dangereux, notre cerveau active la réponse de stress. Et la réponse de stress, elle a pour objectif de générer un comportement rapide et automatique. Donc de squeezer, de bypasser, de court-circuiter tous les mécanismes rationnels pour essayer de nous pousser à avoir un comportement de survie. L'un des éléments qu'on peut retrouver en montagne, par exemple, Ça va être cet effet tunnel, par exemple, d'avoir un effet attentionnel. Notre attention va se réduire et va se focaliser sur les choses les plus élémentaires, marcher un pas devant l'autre. Ça, c'est intéressant de faire l'expérience parce que c'est exactement ce qui se déroule. Ou aussi de déclencher des réponses de comportement de type fuite, combat, sidération, on ne bouge plus, etc.

  • Speaker #0

    Thibaut, j'ai une question. Là, tu nous as décrit le mécanisme de prise de décision. On voit qu'il est exacerbé puisqu'on est... En vulnérabilité, en logique de survie. Est-ce qu'il y a une transférabilité de ces compétences ? On va dire que, justement, ça aiguise ces compétences, en tout cas ces capacités à prendre des décisions en prenant en compte le danger. Est-ce que quand tu reviens dans la vie de tous les jours, est-ce qu'il y a un apprentissage ? C'est-à-dire, ce que tu as développé en milieu extrême, quel qu'il soit, est-ce que ça peut nous aider dans la vie de tous les jours, professionnel ou perso ?

  • Speaker #1

    C'est une bonne question. C'est un sujet qui n'est pas encore complètement clair au niveau neuroscientifique. C'est la question de la transférabilité des compétences de manière générale. Est-ce qu'une compétence, par exemple, que j'obtiens dans un sport, je peux la récupérer au niveau managérial ou inversement ? C'est très difficile à dire. Ce qu'on voit, c'est quand même que les expertises sont vraiment spécifiques à quelque chose. C'est-à-dire, si mon expertise, c'est de faire de la musique de jazz, ce n'est pas la musique en général, c'est la musique de jazz. Et c'est un peu ça qu'on pourrait retrouver là. A priori, l'expertise qu'on va développer là, c'est chausser les crampons, c'est utiliser le piolet, c'est s'encorder. Ce n'est pas directement transférable à autre chose. En revanche, ce que je vais pouvoir développer comme expérience, comme sentiment, comme élément par rapport à la confiance en soi, par rapport à la planification, par rapport à la gestion des émotions, la gestion du stress, ça par contre, ça pourra peut-être être transférable. d'une certaine façon indirectement dans d'autres pratiques.

  • Speaker #0

    Donc tu dis peut-ĂŞtre.

  • Speaker #1

    Je dis peut-ĂŞtre, au cas par cas.

  • Speaker #0

    En tout cas, ça peut peut-être agir sur la confiance en soi et la capacité ou la croyance que j'ai que je vais pouvoir faire face à des situations nouvelles. Donc une question, Thibault, maintenant si on se projette... sur le dérèglement climatique. Ça veut dire que nous, dans nos zones tempérées, le climat va évoluer. Donc, on a une certaine habitude de fonctionnement avec un contexte connu. J'ai deux questions, finalement. Est-ce que le cerveau évolue aussi vite que le dérèglement climatique ? Ça, c'est la première question. La deuxième question, c'est est-ce qu'on peut s'y préparer ? Puisque finalement, dans les projections, on commence à connaître les conséquences, au moins sur le plan intellectuel et théorique. mais pas encore sur le plan pratique.

  • Speaker #1

    Alors si on regarde du point de vue de l'évolution, nous on fait partie de l'espèce des homo sapiens, qui est apparue environ 300 000 ans. Notre cerveau, il est le même, à peu de choses près, avec tout l'ensemble des homo sapiens, c'est-à-dire qu'il n'a pas changé dans les grandes lignes en 300 000 ans. Le processus de l'hominisation, c'est-à-dire de passer de nos... nos ancêtres communs avec les primates, avec les autres primates, puisque c'est notre famille quand même les primates, jusqu'à maintenant, ça a pris des millions d'années. Donc les modifications de la boîte crânienne, du volume du cerveau, les replis avec les sillons, etc., ça, ça a pris des millions d'années. Donc imaginer qu'on puisse s'adapter à quelque chose qui arrive en quelques dizaines, centaines d'années, ça me paraît difficile à imaginer. En tout cas pour l'être humain. En revanche, on a des capacités d'adaptation. Ça, c'est vrai qu'on est capable de s'acclimater, notamment à des environnements un peu extrêmes. Mais c'est sur des durées courtes. On ne vit pas en permanence au sommet de l'Everest. On ne vit pas en permanence au fond de l'eau. Il y a quand même des environnements qui ne sont pas faits pour l'être humain, dans lesquels l'être humain ne s'est pas adapté. En ce qui concerne la température, la température dans laquelle l'être humain... Et optimal, c'est entre 20 et 22 degrés. Au-delà de cette température-là, il commence à devoir mettre en place des systèmes pour réguler sa température et baisser sa température. Plus on va s'éloigner des conditions optimales de la vie pour les êtres humains, plus le corps et le cerveau vont devoir lutter pour assurer sa survie. Donc forcément, ça va engendrer des conséquences. Et dès on voit, il y a des études qui montrent que dès 25, 30, 35 degrés, on commence déjà à avoir des effets sur le cerveau, des températures.

  • Speaker #0

    Et quels effets, par exemple ? On réfléchit moins vite ? On perçoit moins les informations ?

  • Speaker #1

    Exactement. Alors, les premiers effets qu'on a mesurés, c'est par exemple durant les phases de canicule, dans certaines villes, notamment aux États-Unis, je crois que c'est à Miami, à Los Angeles, Chicago aussi. Ils ont vu que dès que la température augmentait, ils avaient une augmentation de la violence, en fait, dans les villes. Pourquoi ? Parce qu'en fait, on note une augmentation de l'impulsivité, on note une augmentation de notre difficulté à gérer les émotions, etc. Ça, c'est une première chose qui peut être problématique quand même. Comme on vit en société, c'est quand même un problème. L'autre élément, c'est aussi au niveau cognitif. Donc là, on voit des baisses dans notre capacité à résoudre des problèmes. Il y a eu des expériences faites dans des écoles où on voit que des écoles qui ont la climatisation et d'autres qui ne l'ont pas, dans la même ville, à la même température, quand ça commence à augmenter en période de canicule, eh bien, on voit des baisses des résultats scolaires juste dues à la chaleur. Donc voilà, ça c'est aussi un effet. Alors pourquoi ? Quel est le mécanisme ? Ce serait difficile à dire. Est-ce que c'est lié à un phénomène de déshydratation ? Donc moins d'électrolytes, moins d'eau, problème de circulation sanguine, les réactions biochimiques ont plus de mal à se faire parce qu'on a moins d'eau, etc. Peut-être, peut-être d'autres choses. Mais en tout cas, le résultat, il est là. Il est clair. Plus on augmente la température, plus on augmente les problèmes à plein de niveaux dans notre psychologie, dans notre fonctionnement.

  • Speaker #0

    Donc là, on a une traçabilité déjà avec ces expériences. Peut-être que ça nous donne des pistes aussi pour s'y préparer. On est parti, quoi qu'il en soit, sur un réchauffement.

  • Speaker #1

    C'est ça.

  • Speaker #0

    OK. Donc voilà, j'ai bien entendu 20-22 degrés. J'en parlerai à ma femme parce qu'elle, c'est plutôt 25 degrés à la maison. Donc je lui dirai que son cerveau fonctionne mal. Non,

  • Speaker #1

    c'est pas moi qui l'ai dit ça.

  • Speaker #0

    Merci Thibaut de résoudre un problème de couple. J'en suis ravi. Donc on peut s'adapter, mais ça va nous coûter de l'énergie ou peut-être des pertes de fonction qui sont optimales dans les conditions que tu viens de signaler.

  • Speaker #1

    C'est ça. Après, ce qui est fascinant avec le corps humain, c'est qu'à l'échelle individuelle, on voit des personnes qui sont capables à s'adapter à des choses incroyables. Je pense à Guillaume Nery qui est athnéiste. Quand il descend au fond de l'océan, il a ses poumons qui font la taille d'un point. je me dis c'est dingue, ils résistent à des pressions à un manque d'oxygène incroyable quand on voit les Sherpas qui vivent à des hautes altitudes et qui du coup ont développé une forme d'adaptation héréditaire presque, je ne sais pas, il faudrait creuser le sujet mais on voit qu'il y a quand même des cas qui sont assez intrigants sur nos capacités à nous dépasser en tant qu'être humain mais ça reste malgré tout dans des limites physiologiques voilà qu'il faut prendre en compte.

  • Speaker #0

    Ce n'est pas forcément une bonne nouvelle que tu nous annonces, en fait. Bon, merci Thibault pour ce point, pour voir effectivement comment on peut s'adapter à des conditions extrêmes. On a vu le froid, on a vu l'altitude, on a vu le réchauffement. Sur le prochain épisode, j'aimerais bien t'interroger justement sur l'adaptation en contexte d'entreprise. On parle beaucoup d'employabilité dans l'entreprise. Il faut développer des compétences, il faut commencer à s'adapter à des nouveaux outils, à l'intelligence artificielle peut-être, des nouveaux process, etc. Et à nouveau, même question, est-ce que notre cerveau est apte à évoluer aussi vite finalement que les process ou les enjeux dans l'entreprise ? Merci à toi Thibault et donc suite au prochain épisode.

  • Speaker #1

    Merci Jérôme.

Description

🎯 Ce 2ème épisode aborde la question de la capacité de notre cerveau / corps à s'adapter à des milieux extrêmes ou bien à se préparer à l'évolution de notre environnement liée au dérèglement climatique en cours.

Jérôme Brisebourg


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Thibaut, dans notre premier épisode, on est revenu sur notre expérience commune au Mont-Blanc, qui était une véritable découverte pour toi. Et voilà comment tu t'es adapté dans un milieu inconnu, l'altitude. Tu avais une expérience préalable, mais en tout cas, on a été plus loin. Et puis, on a mis des paramètres de risque, de difficultés liées au climat. Et donc, c'est le point qu'on a vu ensemble. J'ai envie, sur ce deuxième épisode, justement, d'élargir et de voir finalement avec toi les neurosciences et les milieux extrêmes. en tout cas l'adaptation de l'homme dans des conditions difficiles. Et on finira aussi peut-être par les nouvelles conditions qu'on est en train de rencontrer avec le dérèglement climatique. Est-ce que nous, on évolue peut-être aussi vite que les conditions climatiques ? Alors, est-ce que dans un premier temps, tu peux nous dire comment le cerveau fonctionne ? quand on est dans un environnement méconnu. Là, on est tranquillement dans un studio, il fait un peu chaud, et imaginons qu'on reparte sur le Mont-Blanc. Donc, comment le cerveau fonctionne pour s'adapter à des contraintes vraiment très fortes ?

  • Speaker #1

    Alors, de manière générale, l'environnement dans lequel on vit est un environnement très complexe, rempli d'incertitudes. Donc, notre cerveau, il a l'habitude, entre guillemets, de vivre dans ce genre d'environnement très complexe. La conséquence de ça, c'est qu'en fait, c'est beaucoup plus complexe pour lui que ce qu'il est capable de traiter, de processer, d'analyser. Donc il va avoir tendance à simplifier les choses. Ça, c'est quelque chose... Il faut bien comprendre que le cerveau n'est pas du tout comme un ordinateur. C'est pas du tout une machine qui va analyser, faire des calculs sur les différents événements, capter des informations, les accumuler, faire tout un tas d'analyses sur tout ça. Non, l'objectif... Pour nous, en tant qu'espèce, au niveau biologique, c'est d'assurer notre survie. Donc c'est vraiment l'objectif de base de notre cerveau. Améliorer notre survie, améliorer notre fonctionnement. Et c'est pour ça que ça a été gardé dans l'évolution, justement. Et donc parfois, pour améliorer la survie, il vaut mieux pas avoir quelque chose de très analytique. Il vaut mieux avoir quelque chose de rapide, prendre des décisions automatiques et le plus rapidement possible. Pour faire le parallèle avec l'entrepreneuriat, c'est un peu pareil. Des fois, c'est... L'objectif n'est pas d'avoir la meilleure décision, mais de la prendre vite. C'est pareil en milieu extrême et c'est pareil un peu dans la vie en général.

  • Speaker #0

    La question Thibault, si tu me permets, c'est que tu es dans un milieu extrême. Dans un milieu extrême, on n'a pas trop de deuxième chance.

  • Speaker #1

    Exactement.

  • Speaker #0

    Tu l'as vu sur le Mont Blanc, on a marché sur des ponts de neige. Si le pont de neige, on a mal évalué l'épaisseur et qu'on tombe dans la crevasse, on ne va pas pouvoir dire, si on ressortait de la crevasse, maintenant qu'on sait que ce pont de neige est fragile, on va passer à côté. Du coup, est-ce que le cerveau est adapté, par la prise de décision rapide, à intégrer des informations dont il n'a pas l'habitude, comme celles qu'on peut rencontrer en milieu extrême ?

  • Speaker #1

    Alors oui et non. Il va y avoir une grande partie de la prise de décision dans ces moments-là qui va être impactée par l'expertise ou l'expérience. Ça, ça va beaucoup impacter la qualité de la prise de décision. Plus je vais avoir l'expérience de monter en montagne, plus mon cerveau va être capable de détecter des éléments qui vont peut-être faire référence à des choses passées ou à des signaux qui pourra l'aider dans sa prise de décision. Mais parfois... En fait, comme il ne fait pas d'analyse vraiment poussée, il va capter des éléments qui ressemblent à quelque chose qu'il a connu. Par exemple, je suis dans la forêt, dans la jungle, je vois une forme par terre. Mon cerveau ne va pas se demander est-ce que c'est un serpent, est-ce que c'est un bout de bois ? Non, il ne va pas analyser. Il détecte quelque chose qui ressemble de près ou de loin à un serpent à danger. il déclenche la réaction qui va être appropriée. Et c'est longtemps après, en fait, qu'il va commencer à analyser, mais en fait, c'était pas un serpent, c'était un bout de bois, mais tant mieux, c'est pas grave. Le comportement a été lancé, et on a assuré notre survie, même s'il n'y avait pas de danger. Donc en fait, il va à la fois faire des approximations, avec comme objectif de maximiser la survie, quitte à ce que ce ne soit pas la bonne solution, mais au moins ce serait une sorte de faux positif en quelque sorte. Soit il va vraiment être informé et amélioré par l'expérience. Donc ça c'est vraiment important. La prise de décision de manière générale, c'est quelque chose de très très complexe. Il y a des équipes entières, l'Institut du cerveau qui travaille là-dessus, dans le monde entier, c'est une complexité incroyable. Et ça peut être lié effectivement à des choses très basiques comme toujours la balance entre ce que ça nous coûte et ce que ça nous rapporte. Par exemple, je veux aller au sommet, quelle est la récompense que je vais avoir au sommet, ce que ça va me coûter à moi en termes d'efforts. Ça, c'est un peu le modèle le plus simple, le plus basique. Mais en fait, ça s'est très simplifié. Là-dessus va se rajouter la mémoire, va se rajouter les émotions, vont se rajouter tout un tas de choses qu'on a vécues. Et ensuite, il y a aussi un élément très important. et c'est ça qui va être l'élément peut-être fondamental aussi lié à l'expertise, c'est qu'une fois que notre cerveau a pris une décision en quelque sorte, on a ce qu'on appelle la métacognition, qui est en fait notre capacité à nous d'avoir conscience du fait qu'on a conscience. C'est un peu fou, mais c'est un peu ça.

  • Speaker #0

    Refais doucement.

  • Speaker #1

    La métacognition, c'est la conscience d'avoir conscience. C'est-à-dire que non seulement j'ai conscience de ce qui se passe, Mais en plus, j'ai conscience du fait que j'ai conscience de ce qui se passe. C'est un truc de fou. Et ça, ça va être aussi impacté dans la décision, la prise de décision. Notre système de prise de décision, il va générer, par exemple, imaginons, je suis en train de vouloir monter le sommet. Il va dire, OK, j'y vais. Ça, c'est la décision qui va être générée par mon cerveau. Il avait le choix entre j'y vais, j'y vais pas, il a choisi j'y vais. Parce qu'il se dit la récompense va être plus forte que le coût que ça va me représenter. Mais c'est pas pour autant que j'y vais. En fait, à ce moment-là, s'enclenche une deuxième phase, qui est une sorte de phase de délibération, où là, je vais commencer à me dire, mais est-ce que vraiment, vraiment, j'ai envie d'y aller ? Est-ce que c'est pas dangereux ? Est-ce que c'est pas ceci ? Je vais commencer à intellectualiser. Et là, tout un tas de choses vont rentrer en ligne de compte. Et cette phase de délibération, qui est en fait une phase de métacognition, c'est celle-là qui peut prendre longtemps. Et donc c'est là que parfois on peut rajouter soit des biais, soit au contraire de l'expertise.

  • Speaker #0

    Du coup, ça m'amène Thibault à te poser une question sur ce qui est important dans les milieux extrêmes, c'est la capacité à un moment donné à ne pas y aller et à renoncer. J'ai connu quelques situations où... On a un biais cognitif qu'on appelle l'escalade de l'engagement. Tu parles du sommet, le sommet, il est tout proche. J'ai l'impression qu'il est vraiment à portée de main. Tout rationnellement m'indique qu'il ne faut pas y aller, mais j'ai très envie d'y aller. Donc, comment se passe cette prise de décision où tu as vraiment dans ton arbitrage, ce que tu es en train d'évoquer, vraiment des forces qui sont largement opposées ? Comment ça se passe ?

  • Speaker #1

    C'est exactement ça, c'est ce que tu dis, c'est l'espirale, l'escalade de l'engagement. Plus on va investir dans quelque chose et plus c'est dur de renoncer. Oui, oui. Et ça, ça a été pour moi un des éléments les plus marquants justement de cette ascension, parce qu'on s'en a beaucoup investi. On a investi du temps, de l'argent, des efforts. On a tout le groupe avec nous. Et là, on se dit bon, malheureusement, il va peut-être falloir arrêter en cours de route. On ne va pas aller au sommet. Alors que tout était réuni pour, sur tous les autres plans, mais la météo est contre nous, on va devoir arrêter. Et là, c'est là que le danger peut commencer à apparaître, parce qu'en fait, est-ce que je pousse, je pousse, je pousse, je pousse jusqu'à l'extrême, ou là, je me mets en danger ? Ou est-ce que j'abandonne et je dois gérer cet abandon ? Donc ça, c'est vrai que c'est difficile pour nous, mais c'est plus un aspect psychologique plus que neurobiologique, en fait. Après ? C'est justement dans cette phase de délibération que là, ça va agir. Et tout l'enjeu de la prise de décision, c'est aussi de se dire, il y a la prise de décision basique qui va être générée par mon cerveau, et puis il y a moi ensuite, par rapport à tout mon vécu, par rapport à tout ce que j'ai emmagasiné comme expérience, d'essayer de penser contre mon cerveau. C'est un peu bizarre comme logique, mais c'est un peu ça l'idée. Parfois, notre cerveau, il se trompe. Surtout lorsque l'on est dans un contexte dangereux. En fait, le dernier élément qui va impacter la prise de décision, c'est le contexte. Je peux prendre tout l'ensemble de la prise de décision, tous les éléments dont je t'ai parlé, le coût, la récompense, les émotions, l'expertise, etc. Mais entre... prendre ses décisions sur mon canapé, tranquille, je suis à l'aise, tout va bien, et la prendre dans un contexte difficile, ça n'a rien à voir, on est d'accord ?

  • Speaker #0

    Je souris parce qu'effectivement, tu as beaucoup de commentaires a posteriori d'accidents qui ont lieu en montagne, en disant qu'ils n'auraient pas dû faire ça, c'est évident qu'il n'aurait pas fallu faire ça.

  • Speaker #1

    Et voilà, parce que là, rationnellement, on peut analyser les choses. Mais qu'est-ce qui se passe quand on est dans un environnement dangereux ? La raison, elle est... Moins invoquée, on va dire, l'aspect rationnel de notre cerveau. Pourquoi ? Parce que dès qu'on est dans un environnement dangereux, notre cerveau active la réponse de stress. Et la réponse de stress, elle a pour objectif de générer un comportement rapide et automatique. Donc de squeezer, de bypasser, de court-circuiter tous les mécanismes rationnels pour essayer de nous pousser à avoir un comportement de survie. L'un des éléments qu'on peut retrouver en montagne, par exemple, Ça va être cet effet tunnel, par exemple, d'avoir un effet attentionnel. Notre attention va se réduire et va se focaliser sur les choses les plus élémentaires, marcher un pas devant l'autre. Ça, c'est intéressant de faire l'expérience parce que c'est exactement ce qui se déroule. Ou aussi de déclencher des réponses de comportement de type fuite, combat, sidération, on ne bouge plus, etc.

  • Speaker #0

    Thibaut, j'ai une question. Là, tu nous as décrit le mécanisme de prise de décision. On voit qu'il est exacerbé puisqu'on est... En vulnérabilité, en logique de survie. Est-ce qu'il y a une transférabilité de ces compétences ? On va dire que, justement, ça aiguise ces compétences, en tout cas ces capacités à prendre des décisions en prenant en compte le danger. Est-ce que quand tu reviens dans la vie de tous les jours, est-ce qu'il y a un apprentissage ? C'est-à-dire, ce que tu as développé en milieu extrême, quel qu'il soit, est-ce que ça peut nous aider dans la vie de tous les jours, professionnel ou perso ?

  • Speaker #1

    C'est une bonne question. C'est un sujet qui n'est pas encore complètement clair au niveau neuroscientifique. C'est la question de la transférabilité des compétences de manière générale. Est-ce qu'une compétence, par exemple, que j'obtiens dans un sport, je peux la récupérer au niveau managérial ou inversement ? C'est très difficile à dire. Ce qu'on voit, c'est quand même que les expertises sont vraiment spécifiques à quelque chose. C'est-à-dire, si mon expertise, c'est de faire de la musique de jazz, ce n'est pas la musique en général, c'est la musique de jazz. Et c'est un peu ça qu'on pourrait retrouver là. A priori, l'expertise qu'on va développer là, c'est chausser les crampons, c'est utiliser le piolet, c'est s'encorder. Ce n'est pas directement transférable à autre chose. En revanche, ce que je vais pouvoir développer comme expérience, comme sentiment, comme élément par rapport à la confiance en soi, par rapport à la planification, par rapport à la gestion des émotions, la gestion du stress, ça par contre, ça pourra peut-être être transférable. d'une certaine façon indirectement dans d'autres pratiques.

  • Speaker #0

    Donc tu dis peut-ĂŞtre.

  • Speaker #1

    Je dis peut-ĂŞtre, au cas par cas.

  • Speaker #0

    En tout cas, ça peut peut-être agir sur la confiance en soi et la capacité ou la croyance que j'ai que je vais pouvoir faire face à des situations nouvelles. Donc une question, Thibault, maintenant si on se projette... sur le dérèglement climatique. Ça veut dire que nous, dans nos zones tempérées, le climat va évoluer. Donc, on a une certaine habitude de fonctionnement avec un contexte connu. J'ai deux questions, finalement. Est-ce que le cerveau évolue aussi vite que le dérèglement climatique ? Ça, c'est la première question. La deuxième question, c'est est-ce qu'on peut s'y préparer ? Puisque finalement, dans les projections, on commence à connaître les conséquences, au moins sur le plan intellectuel et théorique. mais pas encore sur le plan pratique.

  • Speaker #1

    Alors si on regarde du point de vue de l'évolution, nous on fait partie de l'espèce des homo sapiens, qui est apparue environ 300 000 ans. Notre cerveau, il est le même, à peu de choses près, avec tout l'ensemble des homo sapiens, c'est-à-dire qu'il n'a pas changé dans les grandes lignes en 300 000 ans. Le processus de l'hominisation, c'est-à-dire de passer de nos... nos ancêtres communs avec les primates, avec les autres primates, puisque c'est notre famille quand même les primates, jusqu'à maintenant, ça a pris des millions d'années. Donc les modifications de la boîte crânienne, du volume du cerveau, les replis avec les sillons, etc., ça, ça a pris des millions d'années. Donc imaginer qu'on puisse s'adapter à quelque chose qui arrive en quelques dizaines, centaines d'années, ça me paraît difficile à imaginer. En tout cas pour l'être humain. En revanche, on a des capacités d'adaptation. Ça, c'est vrai qu'on est capable de s'acclimater, notamment à des environnements un peu extrêmes. Mais c'est sur des durées courtes. On ne vit pas en permanence au sommet de l'Everest. On ne vit pas en permanence au fond de l'eau. Il y a quand même des environnements qui ne sont pas faits pour l'être humain, dans lesquels l'être humain ne s'est pas adapté. En ce qui concerne la température, la température dans laquelle l'être humain... Et optimal, c'est entre 20 et 22 degrés. Au-delà de cette température-là, il commence à devoir mettre en place des systèmes pour réguler sa température et baisser sa température. Plus on va s'éloigner des conditions optimales de la vie pour les êtres humains, plus le corps et le cerveau vont devoir lutter pour assurer sa survie. Donc forcément, ça va engendrer des conséquences. Et dès on voit, il y a des études qui montrent que dès 25, 30, 35 degrés, on commence déjà à avoir des effets sur le cerveau, des températures.

  • Speaker #0

    Et quels effets, par exemple ? On réfléchit moins vite ? On perçoit moins les informations ?

  • Speaker #1

    Exactement. Alors, les premiers effets qu'on a mesurés, c'est par exemple durant les phases de canicule, dans certaines villes, notamment aux États-Unis, je crois que c'est à Miami, à Los Angeles, Chicago aussi. Ils ont vu que dès que la température augmentait, ils avaient une augmentation de la violence, en fait, dans les villes. Pourquoi ? Parce qu'en fait, on note une augmentation de l'impulsivité, on note une augmentation de notre difficulté à gérer les émotions, etc. Ça, c'est une première chose qui peut être problématique quand même. Comme on vit en société, c'est quand même un problème. L'autre élément, c'est aussi au niveau cognitif. Donc là, on voit des baisses dans notre capacité à résoudre des problèmes. Il y a eu des expériences faites dans des écoles où on voit que des écoles qui ont la climatisation et d'autres qui ne l'ont pas, dans la même ville, à la même température, quand ça commence à augmenter en période de canicule, eh bien, on voit des baisses des résultats scolaires juste dues à la chaleur. Donc voilà, ça c'est aussi un effet. Alors pourquoi ? Quel est le mécanisme ? Ce serait difficile à dire. Est-ce que c'est lié à un phénomène de déshydratation ? Donc moins d'électrolytes, moins d'eau, problème de circulation sanguine, les réactions biochimiques ont plus de mal à se faire parce qu'on a moins d'eau, etc. Peut-être, peut-être d'autres choses. Mais en tout cas, le résultat, il est là. Il est clair. Plus on augmente la température, plus on augmente les problèmes à plein de niveaux dans notre psychologie, dans notre fonctionnement.

  • Speaker #0

    Donc là, on a une traçabilité déjà avec ces expériences. Peut-être que ça nous donne des pistes aussi pour s'y préparer. On est parti, quoi qu'il en soit, sur un réchauffement.

  • Speaker #1

    C'est ça.

  • Speaker #0

    OK. Donc voilà, j'ai bien entendu 20-22 degrés. J'en parlerai à ma femme parce qu'elle, c'est plutôt 25 degrés à la maison. Donc je lui dirai que son cerveau fonctionne mal. Non,

  • Speaker #1

    c'est pas moi qui l'ai dit ça.

  • Speaker #0

    Merci Thibaut de résoudre un problème de couple. J'en suis ravi. Donc on peut s'adapter, mais ça va nous coûter de l'énergie ou peut-être des pertes de fonction qui sont optimales dans les conditions que tu viens de signaler.

  • Speaker #1

    C'est ça. Après, ce qui est fascinant avec le corps humain, c'est qu'à l'échelle individuelle, on voit des personnes qui sont capables à s'adapter à des choses incroyables. Je pense à Guillaume Nery qui est athnéiste. Quand il descend au fond de l'océan, il a ses poumons qui font la taille d'un point. je me dis c'est dingue, ils résistent à des pressions à un manque d'oxygène incroyable quand on voit les Sherpas qui vivent à des hautes altitudes et qui du coup ont développé une forme d'adaptation héréditaire presque, je ne sais pas, il faudrait creuser le sujet mais on voit qu'il y a quand même des cas qui sont assez intrigants sur nos capacités à nous dépasser en tant qu'être humain mais ça reste malgré tout dans des limites physiologiques voilà qu'il faut prendre en compte.

  • Speaker #0

    Ce n'est pas forcément une bonne nouvelle que tu nous annonces, en fait. Bon, merci Thibault pour ce point, pour voir effectivement comment on peut s'adapter à des conditions extrêmes. On a vu le froid, on a vu l'altitude, on a vu le réchauffement. Sur le prochain épisode, j'aimerais bien t'interroger justement sur l'adaptation en contexte d'entreprise. On parle beaucoup d'employabilité dans l'entreprise. Il faut développer des compétences, il faut commencer à s'adapter à des nouveaux outils, à l'intelligence artificielle peut-être, des nouveaux process, etc. Et à nouveau, même question, est-ce que notre cerveau est apte à évoluer aussi vite finalement que les process ou les enjeux dans l'entreprise ? Merci à toi Thibault et donc suite au prochain épisode.

  • Speaker #1

    Merci Jérôme.

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