undefined cover
undefined cover
Impact sociétal, responsabilité et innovation - Entretien avec Julie Jouvencel cover
Impact sociétal, responsabilité et innovation - Entretien avec Julie Jouvencel cover
Interface

Impact sociétal, responsabilité et innovation - Entretien avec Julie Jouvencel

Impact sociétal, responsabilité et innovation - Entretien avec Julie Jouvencel

31min |19/03/2025
Play
undefined cover
undefined cover
Impact sociétal, responsabilité et innovation - Entretien avec Julie Jouvencel cover
Impact sociétal, responsabilité et innovation - Entretien avec Julie Jouvencel cover
Interface

Impact sociétal, responsabilité et innovation - Entretien avec Julie Jouvencel

Impact sociétal, responsabilité et innovation - Entretien avec Julie Jouvencel

31min |19/03/2025
Play

Description

Comment intégrer l’impact sociétal dès la conception d’un projet ? Quels sont les leviers pour convaincre les acteurs économiques que l'innovation responsable est aussi une opportunité stratégique ? Pour répondre à ces questions, nous recevons Julie Jouvencel, Directrice Générale de SoScience, entreprise pionnière en Recherche et Innovation Responsable. Ancienne avocate d’affaires et entrepreneure engagée, elle partage avec nous sa vision de l'impact sociétal et les clés pour conjuguer responsabilité et innovation.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    La démographie, les boîtes de développement mettent en danger notre planète et ses apôtres. L'état vert. L'univers. L'univers. Peu importe le scénario, il faudra compter avec les forces les plus puissantes de notre époque.

  • Speaker #1

    L'écologie.

  • Speaker #0

    L'économie. Celles-ci doivent évoluer dans le sens d'un développement vertueux et attentif aux vivants et répondre aux besoins de nos personnes. Merci.

  • Speaker #1

    Bienvenue pour ce nouvel épisode d'Interface, le podcast de la communauté Impact Sociétal de la Direction de la Recherche Technologique du CEA, le podcast où la science et l'innovation rencontrent la société. Aujourd'hui, j'ai la chance d'accueillir Julie Jouvencel, directrice générale de SoScience, entreprise pionnière en matière de recherche et d'innovation responsable. Bonjour Julie.

  • Speaker #0

    Bonjour Julien.

  • Speaker #1

    Vous êtes donc directrice générale de SoScience depuis 2020, notamment en charge de la transformation numérique. Ancien avocate d'affaires passée par la finance et plusieurs fois entrepreneur, vous accompagnez depuis plus de 10 ans des acteurs privés et publics dans leur stratégie d'innovation et de transformation digitale. Votre parcours est marqué par la recherche d'impact social, avec un engagement fort sur les enjeux de biodiversité, de changement climatique et de justice sociale. Vous avez également évolué dans les médias et la production audiovisuelle. Diplômé de l'école du barreau de Grenoble en 2000 et titulaire d'un DEA de droit privé, Vous transmettez aussi votre expérience en accompagnant, depuis 2006, étudiants et entrepreneurs dans leur développement. Pour débuter, et comme avec chaque invité, pouvez-vous me dire quelle est votre définition personnelle de l'impact sociétal ?

  • Speaker #0

    En fait, ce qui est intéressant dans cette question, c'est que, quelles que soient les personnes à qui vous posez la question, on aura tous une définition différente. D'ailleurs, on pourra revenir sur le groupe de travail qu'on a fait, qu'on a co-dirigé avec le CEA, la DRT, dans le cadre du High Level Forum, pour justement... mettre à plat cette définition et se mettre d'accord sur ce qu'on entend par impact. Ce qui est intéressant également, c'est de voir que dans la recherche, le terme impact a déjà une connotation. C'est-à-dire que pour beaucoup, l'impact, c'est ce que je vais apporter à la société en révélant de la connaissance. Et dès lors, les chercheurs se disent, à partir du moment où je produis la connaissance en tant que chercheur, j'ai un impact. Encore cette semaine, la semaine dernière, je discutais avec un acteur du ministère qui me disait, par défaut, finalement, la recherche a un impact, par nature. Et ce qui est inquiétant dans ce prisme-là, qui est un petit peu limitatif, c'est de se dire finalement, quoi que je fasse, ça a un impact. Et du coup, ça pose la question de c'est quoi l'impact derrière ? Donc, pour répondre à votre question, l'impact en ce qui me concerne, la définition personnelle, j'ai envie de dire peu importe. Ce qui compte, c'est d'avoir une définition précisément unifiée. Et celle qu'on a définie avec le High Level Forum en 2024, c'est de dire que finalement, l'impact de la recherche et de l'innovation, ce sont toutes les conséquences d'un projet de recherche. à plus ou moins long terme. C'est-à-dire que c'est tous les changements qui vont intervenir par l'application de la recherche, que ce soit direct, indirect, positif ou négatif, que ce soit anticipé ou non anticipé. Et dans cette acception hyper large de ce qu'est l'impact, ça permet justement de se dire, en amont d'un projet de recherche, on n'est pas en capacité de se poser la question quel va être mon impact ? Mais dire je vais avoir de l'impact par définition, c'est se cacher un petit peu derrière son petit doigt pour se dire finalement, quoi que je fasse, ça a de l'impact, et peu importe quelles vont être les applications. Et c'est là le danger. C'est comme si on voulait faire finalement de la RSE, donc la responsabilité sociale des entreprises, sans mettre en place de reporting, sans mettre en place d'action pour améliorer ses actions, son activité, sans essayer de se poser la question de son portefeuille de produits. Finalement, faire de l'impact sans mettre en place des critères, sans transformer ses façons de faire, est-ce qu'on peut dire et garantir qu'on va avoir un impact ? Donc, pour répondre à votre question, Ce n'est pas la définition personnelle qui importe, c'est se mettre d'accord. Et surtout, quand on dit faire de l'impact, c'est s'aligner avec ce qu'on prétend vouloir faire, donc mettre en place des critères, s'aligner sur les actions qui vont permettre cet impact, et du coup structurer une démarche d'impact.

  • Speaker #1

    Donc, impact social, impact sociétal. Comment en êtes-vous venu à vous intéresser à la recherche et à l'innovation responsable, donc à ces questions d'impact sociétal des technologies ? Y a-t-il un événement, une rencontre qui a été déterminant dans votre parcours ?

  • Speaker #0

    Oui, alors la rencontre, elle est déterminante avec Mélanie Marcel, qui est la fondatrice de SoScience. Rapidement, pour parler de mon parcours, je venais plutôt de l'innovation. La recherche, je n'y connaissais rien avant d'arriver chez SoScience. L'innovation, en revanche, j'en ai toujours fait finalement. Je suis avocate de formation, j'ai commencé comme avocate et puis très vite, j'ai travaillé dans d'autres secteurs. La production audiovisuelle, à une époque où elle se transformait du point de vue digital, je débarquais donc dans un secteur que je ne connaissais pas, à une époque de révolution. Et ça permet quand vous êtes nouveau dans un secteur, précisément d'avoir un regard hyper neuf. Donc je suis devenue un peu experte en transformation digitale, en innovation, de façon pragmatique, parce que j'ai accompagné l'évolution d'un secteur qui se dépatouillait et qui avait du mal à se transformer, parce qu'il ne comprenait pas les nouveaux usages. Et quand vous arrivez de l'extérieur, finalement, c'est beaucoup plus facile d'apporter un regard neuf et de comprendre les mutations. Du coup, j'ai travaillé dans les médias pendant toute cette période de transformation digitale, c'était plutôt sur de l'innovation. Et puis en parallèle, j'avais également travaillé dans la finance, également dans l'innovation financière, à travers tous les mécanismes de titrisation. de financement structuré, et j'avais cofondé une institution de microfinance au Cameroun. Et donc pendant une dizaine d'années, j'avais un pied dans chaque secteur, un pied dans le secteur bancaire, dans la microfinance, avec finalement une évolution aussi du secteur, par le numérique, par les mobiles, etc. Et puis de l'autre, avec les médias qui se transformaient numériquement. Et dans le cadre de l'investissement en Afrique, je travaillais avec des fonds d'impact, moi je me coupais plutôt de la levée de fonds. Et du coup, je travaillais plutôt avec des fonds de fonds et des fonds à impact. Et c'est là que j'ai vu qu'il y avait des gens qui finançaient, puis derrière, qui accompagnaient les acteurs financés à se transformer. Et donc, j'étais dans ces connotations un petit peu d'impact. Mais la mesure d'impact de la microfinance, c'était la création d'entreprises, la création d'emplois, c'était la structuration de l'économie, parce que dans certains pays, on était dans des économies informelles. Donc là, pareil, l'impact avait une connotation très spécifique. Et de l'autre, je faisais de la communication, des médias, de l'innovation. Mais l'impact ne se posait absolument pas. Il y a eu un moment donné où il y avait une espèce de dichotomie entre ma jambe qui était dans l'innovation et le digital, et puis de l'autre, l'impact. Et finalement, je me suis dit, c'est marrant que l'impact ne soit pas partout. Parce que finalement, c'est considération de se dire l'innovation, à quoi ça sert ? Pourquoi dans les médias, on ne se pose pas la question quels sont les messages que je porte et à quoi ça va servir ? Et c'est vrai que moi, je travaillais plutôt finalement dans du marketing, dans des sujets de communication, où finalement, on était beaucoup sur la forme et peu dans le fond. Et donc j'ai voulu à un moment donné faire une espèce de convergence entre ces deux aspects qui sont l'innovation et puis l'impact. Alors il y a eu une première rencontre avec Elisabeth Laville, qui est la fondatrice du cabinet Utopique, un cabinet de RSE, et qui justement travaillait déjà, alors elle fait 25 ans qu'elle fait de la RSE, mais du coup il y avait déjà une évolution de la RSE il y a une dizaine d'années, qui allait vers l'innovation responsable. Donc finalement pour dire, la RSE ce n'est pas un silo, donc la responsabilité sociale et environnementale, donc l'impact pour les entreprises. Ça ne doit pas être vu comme simplement un département à part où on va faire de la compliance, donc du respect du réglementaire, etc. Mais c'est comment on transforme son marketing et donc sa stratégie, donc son offre de produits, pour en faire une entreprise qui est responsable et engagée sur un certain nombre de valeurs. Et du coup, cette innovation-là, elle restait quand même sur des modèles économiques, sur de la transformation produit, sur la transformation marketing. Et à un moment donné, j'ai rencontré Mélanie Marcel, qui elle, travaillait sur l'innovation au service de la recherche. Donc finalement, moi, la recherche, je ne connaissais pas tellement, mais j'avais tout cet environnement autour et j'avais pour habitude de créer des ponts entre différents secteurs. Donc en fait, la bascule recherche et innovation responsable, elle s'est faite avec la rencontre de Mélanie Marcel.

  • Speaker #1

    Et pouvez-vous nous en dire un petit peu plus sur Mélanie Marcel, sur son livre et sur SoScience également ?

  • Speaker #0

    Alors Mélanie Marcel, c'est une jeune entrepreneuse, c'est une entrepreneuse sociale, donc elle a eu pas mal de prix quand elle a créé sa société. Au départ, elle est ingénieure en neurosciences et elle travaillait sur les applications, un petit peu l'interaction homme-machine. Et elle était partie faire, je ne sais pas quel contrat, avec un opérateur de telco au Japon pour travailler sur les interactions homme-machine. Quand l'occasion d'une discussion avec son manager, elle s'est rendue compte que finalement, Une question qu'elle ne s'était jamais posée, c'est pourquoi ils avaient financé sa recherche. Et en fait, eux, leur sujet, c'était de dire, si demain, la télécommunication doit passer par une puce dans le cerveau, on veut être les premiers sur le marché. Et elle a eu finalement une espèce d'électrochoc en se disant, mais en fait, moi, quand on est chercheur, c'est vrai qu'on essaie de trouver de la connaissance, on essaie de révéler des choses, on essaie de produire du savoir, mais on ne se pose pas la question de savoir à quoi ça va servir. Et est-ce que moi, j'ai envie de m'engager dans de la production de savoir qui va finalement servir à faire des cyberpunks ? Peut-être que ce sera l'avenir de l'humanité, mais est-ce que moi j'ai envie de faire ça ? Est-ce que je me pose la question ? Et donc elle a eu une espèce d'épiphanie et donc elle a commencé à creuser la question. Elle a écrit un livre qui s'appelle « Science et l'impact social » . Et à travers ce livre, elle a interrogé des tas d'acteurs de la recherche, privés comme publics, des entreprises, des entrepreneurs sociaux, pour voir comment ils produisaient de la recherche, comment on produit de la connaissance et à quelle fin. Et ce qui était intéressant, et ce livre, je vous le recommande parce qu'il est vraiment passionnant, il y a plein d'anecdotes. Je vais vous en donner une, vraiment, parce que moi ça m'avait... Marqué, c'est finalement dans les années 70-80, il y avait une étude qui était sortie et qui révélait que la plupart des décès de fœtus dans le ventre de leur mère étaient dus à hauteur vraiment flagrante, supérieure à tout le reste, par des accidents de voiture. Donc ils se sont dit comment se fait-il que la cause principale des fœtus dans le ventre de leur mère, c'est dans les accidents de voiture. Et en creusant la question, ils se sont rendus compte simplement que la ceinture de sécurité n'a jamais été pensée pour des femmes enceintes. Et parce qu'on se retrouve dans un cas de figure où finalement on a des hommes ingénieurs qui résonnent entre hommes, et il n'y a pas un moment, une femme peut-être qui va dire « Eh les gars, est-ce que vous avez pensé que peut-être une femme enceinte, il ne va pas falloir que la ceinture fonctionne de la même façon ? » Donc en fait, toute sa réflexion part de là. C'est que si la diversité au niveau de la recherche n'est pas dès l'amont de la question scientifique, dès les premières réflexions, on peut se priver finalement. d'un certain nombre de points de vue qui vont enrichir la réflexion.

  • Speaker #1

    Donc Mélanie Marcel a créé sa société en 2012. Qu'est-ce que vous pouvez nous décrire un petit peu SoScience ? Qu'est-ce que vous faites, vos actions concrètement ?

  • Speaker #0

    Alors au début, SoScience, c'était il me semble une association, parce que moi ça ne fait que cinq ans que j'ai rejoint la boîte. Alors je crois qu'elle a été fondée en 2014. Mais au début, c'était une association. Et puis très vite, il y a des entreprises qui ont dit « Ah mais c'est intéressant votre prisme, effectivement, ça nous intéresse. » Donc les premières missions de conseil... C'était avec des acteurs type Air Liquide ou Renault, donc on est vraiment sur des gros industriels avec des capacités de R&D, qui se disent finalement, est-ce que le prisme de l'impact peut m'ouvrir des opportunités de marché ? Est-ce que si j'ai une grille de critères qui m'ouvre des horizons, je vais pouvoir penser mon produit différemment ? Donc les premières missions qu'on a faites, c'était effectivement ça, avec des grilles, des matrices un peu basiques, de par exemple, on continue à utiliser ce type d'outils, mais c'est de dire, si je prends tous les objectifs de développement durable, il y en a 17, Que moi, avec mes actifs, ma capacité à faire, ma chaîne de valeur, si je me dis, tiens, je vais répondre à tel ou tel SDG, enfin, pardon, des objectifs de développement durable, donc Sustainable Development Goals en anglais, donc quand je dis SDG, c'est l'acronyme, est-ce que je vais pouvoir avoir d'autres idées ? Et en fait, ils font x10 en termes d'idées. Donc c'est un outil, un pacte d'ouverture des horizons un peu technologiques. Et ça permet aussi d'aligner la recherche et l'innovation à des enjeux existants qui sont nommés, qui sont définis, dont on attend des réponses. et auxquels on s'imagine que la technologie, la recherche et l'innovation vont pouvoir apporter des réponses.

  • Speaker #1

    Concrètement aujourd'hui, qui vient vous voir ? Qu'est-ce que vous proposez ? Comment ça se passe ?

  • Speaker #0

    Notre métier, c'est vraiment de créer des ponts entre différents acteurs, de la recherche, de l'innovation. On travaille aussi bien pour des acteurs publics. Par exemple, on a travaillé pour le gouvernement des Seychelles sur une problématique de collecte des plastiques sur les littoraux. Évidemment, sur une île, vous n'avez pas toute la technologie et toutes les expertises et les débouchés nécessaires pour traiter ce sujet. Comment on fait pour aller monter un écosystème spécifique, pour régler un problème spécifique, avec des acteurs qui ne sont pas sur le territoire, mais pour un enjeu territorial ? Donc ça peut être des acteurs qui nous sollicitent, qui sont des acteurs publics, ça peut être des entreprises industrielles qui veulent innover, et c'est également le cas pour des universités ou des acteurs de la recherche qui veulent accélérer le transfert de leurs chercheurs vers des enjeux sociétaux. Donc on a trois types d'acteurs. Donc on a plusieurs... activités. La première, c'est de monter ces écosystèmes-là. Donc, on a une méthode qui s'appelle The Future Off, qui a été reconnue par l'ONU comme bonne pratique en faveur des objectifs de développement durable en 2021 et qui est finalement une méthode encadrée, timée. Donc, ça dure six mois pour monter un écosystème et puis six mois pour lancer des consortiums. Là, je vous donne un exemple. On travaille avec l'Université Paris Sciences et Lettres, PSL. Ils veulent travailler, à la demande de leurs chercheurs et d'écoles d'architectes qui font partie de l'université PSL, sur les nouveaux matériaux. On appelle aussi les métamatériaux ou les matériaux structurés, qui ont des propriétés spécifiques à base d'ondes et qui permettent d'avoir des applications, que ce soit en termes de mode durable, en termes d'urbanisme, de construction durable, qui peuvent aussi avoir un effet sur la pollution de l'air. ou la pollution même de l'eau. Donc en fait, c'est des matériaux qui vont avoir des propriétés différentes. Comment ces matériaux-là peuvent être pensés et utilisés pour optimiser la circularité dans ces secteurs ? Donc nous, l'enjeu qu'on calibre, il va être autour de l'impact, mais on va aller chercher des acteurs qui sont à la fois des chercheurs, des start-up, des architectes, des designers, des cabinets conseils, des politipubes, des acteurs de la ville. Et en fait, on les réunit ensemble pour qu'ils puissent monter des consortiums et des expérimentations. Donc ce premier métier, c'est vraiment, je monte un écosystème autour d'une thématique. qui est multi-acteur, qui est transdisciplinaire, et je vais favoriser la création de projets, parce qu'aujourd'hui, sur la plupart des enjeux d'impact, précisément, on ne peut pas y arriver seul. Donc comment on fait pour aller chercher des acteurs avec lesquels on n'a pas l'habitude de travailler ? En recherche, on a beaucoup besoin de confiance, on a besoin de discuter rapidement de propriétés intellectuelles. Donc nous, en fait, ce qu'on a fait, c'est arriver à engager les gens rapidement, pour qu'ils se fassent confiance rapidement, et qu'on puisse accélérer aussi le process de recherche. Et la deuxième activité qu'on a, qu'on vient de lancer, C'est finalement... Il y a de plus en plus de chercheurs qui sont intéressés par l'impact et qui veulent donc comprendre un petit peu comment on qualifie son impact et sortir des critères un peu classiques qui sont nombre de publications, brevets, etc. Et du coup, on s'est rendu compte qu'à part ces chercheurs-là qui demandent et qui sont demandeurs, la plupart des acteurs n'ont pas forcément de besoins urgents. pour lesquels l'impact est vu comme un outil. En revanche, ceux qui ont un outil, c'est ceux qui vont chercher de l'argent au niveau des fonds européens, de la recherche, notamment Horizon Europe. Il y a de plus en plus d'opérateurs français, type ANR, BPI, etc., qui demandent qu'on qualifie l'impact de son projet. Et chez Sociens, on nous sollicite souvent pour être évaluateurs. Donc on lit un tas de projets et on se rend compte à quel point les chercheurs ne savent pas qualifier leur impact. Et d'ailleurs, ils le disent. Un, ce n'est pas mon boulot. Deux, comment voulez-vous qu'on dise à l'avance quel impact ça va avoir ? On n'en a aucune idée. Et donc il y a des outils qui existent, et notamment un outil développé par la Commission européenne qui s'appelle l'Impact Passway, qui permet justement ex ante de définir un peu et de cadrer l'impact qu'on va avoir. Et aujourd'hui ça, ça coûte pour un tiers de la note dans les financements européens. Donc pour ces gens qui ont besoin, ces porteurs de projets qui ont besoin d'aller chercher de l'argent au niveau européen, cette activité, en fait on a digitalisé notre expertise et on a un petit outil pratique qui guide pas à pas les chercheurs pour qu'ils se posent les bonnes questions au bon moment, qu'ils identifient, qu'ils structurent bien leurs problèmes. qu'ils identifient les bénéficiaires, les parties prenantes, et qu'ils élargissent un petit peu. Donc aujourd'hui, un chercheur, demain, ne peut pas se contenter d'avoir une bonne idée et d'être excellent au niveau scientifique. Il faut de toute façon qu'il puisse déterminer un petit peu quel va être son plan de dissémination et d'exploitation, pour favoriser le transfert. Ça déjà, ils ont tendance à dire, c'est pas notre job, c'est le job des équipes Valo, de valorisation et de transfert. Et maintenant, on leur demande en plus d'anticiper, en tout cas de prévoir et d'avoir une espèce de projection sur l'impact. Et pourquoi c'est important ? C'est parce que les évaluateurs vont privilégier le financement de projets qui sont alignés avec les objectifs de l'Europe ou avec les objectifs d'une ville. Donc en fait, quand vous répondez à un appel à projet de financement, si vous n'êtes pas aligné avec l'objectif qui est derrière le financeur, vous serez discriminé par rapport à des projets qui y répondent. Donc comment on arrive, d'un point de vue tech, à démontrer finalement que ce qu'on va produire va pouvoir avoir un impact sur la résolution du problème ?

  • Speaker #1

    Justement, quels sont les leviers ? concret pour intégrer l'impact sociétal dès la phase de conception d'un projet technologique et scientifique ? Et plus largement, comment vous voyez évoluer la question de l'impact sociétal, justement, depuis une dizaine d'années ? Est-ce que c'est quelque chose qui est de plus en plus intégré ? Est-ce que c'est juste pour un peu faire du impact washing, on va dire ? Comment vous voyez les choses ?

  • Speaker #0

    Alors, c'est assez partagé parce que il y a effectivement eu beaucoup d'impact washing et il y a eu une grosse évolution, notamment jusqu'à l'année dernière, on a vu quand même que c'est une accélération du sujet. et dans les financements, et parmi les chercheurs, les acteurs de la valorisation, etc. Il y a eu une demande vraiment qui vient du terrain. La difficulté, c'est qu'aujourd'hui, finalement, même si dans les investissements et dans les financements, on exige d'avoir cet objectif, il est mal mesuré, il est mal évolué. Donc tant qu'il n'y a pas une vraie contrainte qui pèse sur les opérateurs, il n'y aura pas vraiment de changement. Malheureusement, aujourd'hui, l'être humain est comme ça, on a besoin d'avoir une carotte, et la carotte, c'est le financement. Donc si, là aujourd'hui, on... On détermine, mais nous on voit parfois passer des... Au niveau européen, ils sont de plus en plus exigeants, mais au niveau national, on voit bien que les critères ne sont pas forcément rédhibitoires. C'est-à-dire que vous pouvez avoir un bon projet, si l'impact n'est pas ouf, ce ne sera pas déterminant pour refuser un projet, alors que ça devrait être le cas. Pourquoi la question se pose aujourd'hui ? Parce que finalement, demain, il n'y aura pas de matière première pour tout le monde, il y aura des coûts, il y a des coûts énergétiques, il y a des coûts de pollution, c'est-à-dire que ce n'est pas parce que vous développez une technologie, par exemple santé, qu'elle n'a pas à avoir un coût sur... je dis n'importe quoi parce que ce n'est pas forcément lié, mais sur la biodiversité. Donc finalement, si demain on doit choisir où on emploie les fonds publics, il est normal que ces décisions soient prises justement par les opérateurs publics pour avoir une espèce d'acception, une compréhension du projet avec un prisme et long terme et holistique. Donc ces sujets sont importants. Il y a beaucoup de chercheurs aussi qui vous disent, et beaucoup à la fois d'opérateurs de la recherche et d'industriels, qui mettent de plus en plus, ils vous disent, l'impact est au cœur de tout. Évidemment, il y a eu la CSDR qui a fait beaucoup évoluer les choses. C'est la directive européenne pour finalement évaluer son reporting sur la carbonation des activités. Donc un, il y a un prisme très carbone, qui n'est pas tout. Il y a beaucoup de sujets qui sont liés aux autres limites planétaires. Il y a d'autres sujets qui ne sont pas pris en compte par cette CSDR. Et puis aujourd'hui, c'est vécu plus qu'à part une contrainte et financière et en ressources humaines par les entreprises. Et surtout, ces enjeux-là de RSE, on va les appeler encore RSE, mais ce n'est pas la bonne terminologie, ne sont pas du tout transformées dans les pratiques de recherche et de développement. On parle beaucoup d'éco-conception, d'éco-innovation, ce qui est déjà bien, mais ça ne suffit pas non plus. Il y a aussi beaucoup d'outils comme les ACV, donc l'analyse du cycle de vie, qui est très bien évidemment, mais qui ne peut pas s'appliquer à tous les projets, qui coûte de l'argent. Parce que souvent, il faut le faire auditer de façon externe, parce que sinon, ça n'a pas une grande valeur. Donc, ça a un coût, donc on ne peut pas le faire tout le temps et surtout, on ne peut pas le faire en amont. Donc, ce qu'on a aussi mis en place avec le groupe de travail du CE1 et de la DRT, c'est de se dire, finalement, il faut qu'on arrive à avoir une boîte à outils pour pouvoir donner aux porteurs de projets des outils pour dire en amont, en continu et à un moment de clé, comment on évalue son impact. Et tant que ça, ce ne sera pas transformé et systématique. Ben finalement, ça ralentit un petit peu la transformation complète des process de recherche et de développement en faveur d'un impact sociétal, en tout cas pas garanti, mais en tout cas qui est suivi.

  • Speaker #1

    On parle beaucoup de contraintes, contraintes financières notamment, mais comment convaincre les acteurs économiques et industriels qu'innover de manière responsable est aussi une opportunité stratégique ?

  • Speaker #0

    Alors ça, c'est vraiment la clé du problème. Alors d'abord, il y a des gens qui commencent à réfléchir là-dessus pour essayer de valoriser. les projets impact et puis de dire finalement quand on met un euro dans une innovation responsable, elle va rapporter plus qu'une innovation qui ne l'est pas. Donc il y a pas mal d'initiatives qui se font. Il y a des masters. Aujourd'hui, nous, on est contactés régulièrement par des chercheurs qui analysent ça pour pouvoir justement donner des chiffres, pouvoir convaincre les gens parce que c'est encore une fois, c'est l'argent qui va motiver et de leur dire finalement pourquoi c'est un intérêt. En attendant qu'on puisse avoir des chiffres clés et qui convainquent les décideurs qu'effectivement, l'innovation responsable a du sens, aujourd'hui, on travaille plutôt nous dans une espèce de gestion de risque, en fait dans un prisme de gestion de risque. Les innovations qui sortent, qui ont coûté parfois des centaines de millions d'euros, des années de développement, si à un moment donné quand ça sort sur le marché, vous avez une association, vous avez un terrain d'expérimentation qui va dégénérer, et finalement vous allez avoir une issue, enfin un sujet d'acceptabilité sociétale. Votre innovation, elle va capoter ou elle va prendre du retard. Donc finalement, L'impact environnemental, sociétal, si vous ne vous posez pas la question le plus en amont possible, vous risquez à la sortie d'avoir non seulement la question qui se pose, mais des postures un petit peu politiques, des postures d'émotion, parce que les gens n'ont pas été concertés. Ce prisme-là, il peut être d'abord sur ce qu'on appelle le go-to-market, c'est-à-dire comment mon innovation va être acceptée par la société. Et puis ça peut être tout simplement aussi de la gestion de risque, au sens chaîne d'approvisionnement des matières premières, accessibilité aux ressources. Aujourd'hui, on sait que... Il y a des questions de souveraineté, on sait qu'il y a des questions d'accessibilité aux matières premières. Donc si ça, vous ne l'anticipez pas dans la capacité à produire, vous ne posez pas des questions de low-tech, vous ne vous dites pas, tiens, est-ce qu'il y a des alternatives qui seront peut-être moins coûteuses ? Est-ce qu'il y a des alternatives à ces matériaux qui sont dans des secteurs où on pourra encore aller taper dedans, parce que ce n'est pas dans des régions où on n'a pas la souveraineté ? Si ces questions-là ne sont pas abordées en amont, elles le seront tôt ou tard, et peut-être de façon plutôt critique. pas un moteur, à part pour les plus engagés, mais il faut que ce soit vu comme un outil de gestion de risque, du développement et du transfert de la recherche.

  • Speaker #1

    Vous avez parlé de votre collaboration avec le CEA, la direction de la recherche technologique du CEA, notamment dans le cadre du High Level Forum. Pouvez-vous nous expliquer un petit peu comment ça s'est passé, la genèse ? Et concrètement, qu'est-ce qui s'est passé ? Qu'est-ce qui se passe ?

  • Speaker #0

    Alors déjà, le CEA, en tout cas la DRT, il y a la communauté de l'impact sociétal, qui a été l'initiative de la DRT et menée, je crois, en interne par Michel Lida, il me semble, notamment. Donc, qui est déjà une communauté qui permet d'aller chercher des acteurs non académiques pour pouvoir échanger. Donc, chaque année, ils font quand même cet événement où on échange avec des acteurs non académiques et puis on aborde des sujets qui ne sont pas... le cœur de l'activité du chercheur. Donc ça, c'est déjà un premier outil, je pense, de transformation qui est très propre au CEA et que je félicite parce qu'il est plutôt rare. On est rentré dans cet univers-là, dans cette communauté et progressivement, en fait, on a échangé avec les acteurs. On a fait des formations, que ce soit dans les différents instituts du CEA. Donc, on a, nous, partagé notre expertise de l'impact parce qu'il y avait des besoins, vraiment. On a formé peut-être 200 chercheurs, je crois, sur ce sujet. C'est quoi l'impact aujourd'hui de la recherche ? Et donner cette définition, c'est aussi donner la capacité aux acteurs de penser leur projet un peu différemment. Donc c'est des outils de projection, le changement de culture, l'acculturation, la sensibilisation à ce concept-là et à l'évolution des métiers, et de la recherche et de la valorisation. Ce sont des outils aujourd'hui qui sont indispensables et qui ne sont pas encore partagés partout. Ensuite, il y a eu l'introduction au High Level Forum, où le High Level Forum, c'est... Je parle sous votre contrôle, Julien. C'est l'écosystème des écosystèmes d'innovation du CEA. Donc, c'est en gros tous les partenaires d'innovation. Je ne sais pas si vous voulez rajouter un petit mot.

  • Speaker #1

    Un réseau d'écosystèmes d'innovation internationale.

  • Speaker #0

    Oui, et qui est super d'abord parce que ça fait 25 ans qu'il existe. Ce sont des partenaires avec lesquels vous avez l'habitude de travailler. Il y a un côté très réduit. Donc, c'est vraiment comme un club privé finalement, qui est ouvert. Mais les gens se connaissent. Une taille qui est propice à l'écoute et au changement et à la discussion. Donc, ça, c'est hyper important en termes de communauté d'avoir une... une taille qui permet vraiment la vraie transformation. Et donc la première année, c'était il y a trois ans, nous étions intervenus à Tampere, en Finlande, pour faire une keynote sur... C'était plus d'inspiration, c'est quoi un petit peu l'éthique ou la philosophie d'une recherche responsable. Et ce qui était intéressant, c'est qu'il y a eu pas mal de succès, du coup, la deuxième année, l'année suivante, donc l'année dernière à Grenoble, on a fait deux tables rondes sur le sujet. Ça veut dire que déjà en un an, Souvent, la keynote c'est bien parce que ça veut dire qu'il y a un sujet qui monte. Et puis d'ailleurs qui a été transformée. Donc il y a eu deux tables rondes l'année suivante. Un sur l'évolution des métiers de la valorisation, de voir justement les équipes de Lavalot, comment ils entrevoient leur métier et comment justement ces nouveaux critères liés aux impacts sociétaux et environnementaux viennent enrichir la valorisation et accélérer le transfert. Et on a vu des acteurs comme Axelis par exemple, parce qu'au Québec, ils sont quand même plus avancés que nous dans la collaboration science-société. Et puis il y avait une deuxième table ronde vraiment plus sur l'impact, sur finalement c'est quoi l'impact, c'est quoi la définition et comment les gens... appréhende ce sujet. Et ce qui était intéressant aussi de voir sur cette table ronde là, c'était qu'il y avait des acteurs typiquement comme vous au CEA, qui utilisaient déjà des outils, des co-conceptions, d'ACV, donc on était vraiment au focus sur le projet. Il y avait des acteurs comme Tien Ho aux Pays-Bas qui sont plus dans comment la science peut être au service de la société, donc c'est comment des sciences plutôt SHS, donc sciences humaines et sociales, pouvaient produire des études pour fonder des politiques publiques. aux Pays-Bas, donc comment on pouvait légitimer des actions publiques basées sur des données produites par la science. Et il y avait un acteur comme Technalia, par exemple, en Espagne, qui est un des premiers, un des leaders, un des pionniers sur l'impact, qui, eux, ont une démarche vraiment très engagée, puisqu'ils se disent, nous, on veut être un acteur de la société, et du coup, notre job, c'est de produire de la connaissance qui va servir aux enjeux de société. Donc, eux, c'est vraiment au niveau et macro, et projet, qu'ils intègrent ces enjeux-là. Donc ça, c'était très intéressant de voir, déjà, la différence d'acception de l'impact. et la façon dont les acteurs l'intègrent et à quel niveau. Et puis, fort du succès de ces deux tables rondes, on avait décidé, à l'initiative de Julie Galland, on a lancé un groupe de travail qui réunissait 14 organisations qui composent le High Level Forum, avec à la fois des acteurs majeurs de la recherche, mais également des acteurs de financement, des acteurs de l'innovation. Et donc, avec 14 acteurs, on a déjà fait un benchmark de c'est quoi l'impact sociétal. Est-ce que c'est social ? Est-ce que c'est environnemental ? Pourquoi est-ce qu'il faut distinguer les deux ou pourquoi pas ? Donc on s'est mis d'accord sur une définition. La définition, c'est de dire que finalement, l'impact sociétal de la recherche et de l'innovation, pas que de la technologie, pas que de la science, parce que la recherche et l'innovation aujourd'hui, c'est un enjeu qui est précisément démocratique, donc qui ne doit pas se limiter aux acteurs académiques. Donc l'impact de la recherche et de l'innovation, ce sont toutes les conséquences qui peuvent être engendrées par un projet de recherche. Donc ça, c'était la définition. Et aujourd'hui, on essaie justement de mettre en place une boîte à outils. Donc, on a déjà commencé notre benchmark d'outils. Donc, qu'est-ce qu'on utilise ? À quel moment ? Comment ? Est-ce que c'est gratuit ? Est-ce qu'il faut être formé ? Est-ce que c'est facile d'accès, etc. ?

  • Speaker #1

    Oui, parce qu'il y a déjà des outils qui existent, mais qui sont peu ou pas utilisés, ou chacun dans son côté. L'idée, ce serait vraiment d'avoir une boîte à outils au niveau peut-être européen ou au niveau...

  • Speaker #0

    Même au niveau international.

  • Speaker #1

    Au niveau international.

  • Speaker #0

    Exactement. En fait, il y a plein d'outils qui existent. On en parlait, il y a la CV, il y a par exemple... Comme le TRL, qui est le Technical Readiness Level, qui permet d'évaluer la maturité technologique d'un projet, il y a des SRL, qui peuvent être S pour Sustainable ou Social, et chacun mesure des choses différentes. Donc là, l'objectif, c'est de dire finalement, il y a une boîte à outils, mais surtout, on va donner un guide pour dire aux acteurs de la recherche, selon vos besoins, est-ce que c'est en amont ? Est-ce que c'est pendant ? Est-ce que c'est à un moment donné ? Est-ce que c'est à postériori ? Quel est le besoin que vous avez ? Pourquoi ? Et en fonction de leurs besoins, faire une espèce d'arbre de décision et de leur pousser. les outils et leur expliquer en quoi c'est utile.

  • Speaker #1

    Pour conclure, quel rôle pensez-vous que des initiatives telles que la communauté Impact Sociétal du CEA pourraient avoir dans l'innovation dans les années à venir ?

  • Speaker #0

    Encore une fois, je pense que ces communautés sont d'utilité publique, mais c'est vraiment fondamental de commencer par ça. Déjà, la discussion est fondamentale. Je pense qu'il faut que les chercheurs sortent des labos et sortent aussi de la relation un peu trop binaire avec les industriels. Parce que c'est vrai qu'il y a aussi aujourd'hui une posture du chercheur qui dit finalement... Mon métier c'est la recherche, c'est ni la communication, ni la dissémination, ni le transfert. Il y a d'autres métiers qui ont été inventés, qui ont été mis en place, et des structures qui ont été mises en place pour faire le transfert. Et les chercheurs se cachent un peu derrière ça en disant « c'est pas mon travail de penser l'impact » . Alors ce qui est vrai, néanmoins ne pas se poser la question et ne pas y réfléchir, c'est aussi laisser à d'autres le soin de décider pour eux de l'impact de leur recherche. Et là il y a un risque, et là du coup il y a une responsabilité. Donc ces communautés permettent justement de créer du lien avec des acteurs. non académiques. Parce que la posture du chercheur, ça c'est un chercheur aussi qui me l'a dit un jour, qui m'a dit le problème des chercheurs c'est qu'ils sont intelligents, et donc ils pensent qu'eux seuls détiennent le savoir. Et donc ils ont du mal à penser la recherche hors secteur académique. Nous ce qu'on dit, et c'est ce que dit la Commission européenne, c'est que la recherche et l'innovation responsable c'est la collaboration. Pourquoi ? Parce qu'il y a des gens qui ont des savoirs que les chercheurs n'ont pas. Le chercheur va être spécialiste de son domaine, mais en revanche l'application et les applications possibles, il va pas les imaginer. Donc la rencontre avec des acteurs avec lesquels il n'a pas l'habitude de discuter, des gens qui vont lui faire remonter des besoins, des contraintes, des enjeux, ça va enrichir sa perspective, ça va peut-être lui permettre de pivoter. Et aujourd'hui, on voit bien, on a des startups deep tech qui vont pivoter soit leur business, soit leur techno au regard de l'impact qu'ils veulent avoir. Donc c'est important de se poser cette question-là et il y a beaucoup de chercheurs aussi qui disent qu'en amont, c'est impossible de prévoir. C'est vrai, et précisément, avoir une démarche comme la Commission le pousse, d'avoir un chemin vers l'impact, donc un impact pathway, qui est un tiers de la note des projets Réseau Europe, comme on le disait tout à l'heure, c'est une façon de structurer son projet en identifiant des partenaires sur des thématiques, et ça va permettre justement de se poser des questions qu'on n'a pas l'habitude de se poser. Donc ça fait peut-être un petit peu mal la première fois qu'on le fait, mais derrière c'est vraiment un outil stratégique de transfert, de développement de la science. d'application et de communication. Et aujourd'hui qu'on a quand même un vrai débat de société sur la science, on a quand même un recul de la science, on le voit aux États-Unis, mais même en France, il y a quand même une certaine défiance. Si la science ne sort pas de sa tour d'ivoire en mode c'est nous qui savons, et puis après la société n'a qu'à accepter, et puis s'il y a un problème d'acceptabilité, on mettra des petites études SHS pour essayer de déterminer comment faire adopter la société, il y a un côté très paternaliste à ça. La société, c'est pas... un enfant à qui on va donner des joujoux et on va leur dire c'est bien pour toi, il faut que tu les acceptes. Donc il faut qu'à un moment donné, on co-construise avec la société. Et la société a son mot à dire et sur les dépenses publiques et sur l'utilisation des ressources prioritaires. Donc cette question-là, elle doit se faire en collaboration. Voilà.

  • Speaker #1

    Merci Julie.

  • Speaker #0

    Avec plaisir, merci beaucoup.

Description

Comment intégrer l’impact sociétal dès la conception d’un projet ? Quels sont les leviers pour convaincre les acteurs économiques que l'innovation responsable est aussi une opportunité stratégique ? Pour répondre à ces questions, nous recevons Julie Jouvencel, Directrice Générale de SoScience, entreprise pionnière en Recherche et Innovation Responsable. Ancienne avocate d’affaires et entrepreneure engagée, elle partage avec nous sa vision de l'impact sociétal et les clés pour conjuguer responsabilité et innovation.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    La démographie, les boîtes de développement mettent en danger notre planète et ses apôtres. L'état vert. L'univers. L'univers. Peu importe le scénario, il faudra compter avec les forces les plus puissantes de notre époque.

  • Speaker #1

    L'écologie.

  • Speaker #0

    L'économie. Celles-ci doivent évoluer dans le sens d'un développement vertueux et attentif aux vivants et répondre aux besoins de nos personnes. Merci.

  • Speaker #1

    Bienvenue pour ce nouvel épisode d'Interface, le podcast de la communauté Impact Sociétal de la Direction de la Recherche Technologique du CEA, le podcast où la science et l'innovation rencontrent la société. Aujourd'hui, j'ai la chance d'accueillir Julie Jouvencel, directrice générale de SoScience, entreprise pionnière en matière de recherche et d'innovation responsable. Bonjour Julie.

  • Speaker #0

    Bonjour Julien.

  • Speaker #1

    Vous êtes donc directrice générale de SoScience depuis 2020, notamment en charge de la transformation numérique. Ancien avocate d'affaires passée par la finance et plusieurs fois entrepreneur, vous accompagnez depuis plus de 10 ans des acteurs privés et publics dans leur stratégie d'innovation et de transformation digitale. Votre parcours est marqué par la recherche d'impact social, avec un engagement fort sur les enjeux de biodiversité, de changement climatique et de justice sociale. Vous avez également évolué dans les médias et la production audiovisuelle. Diplômé de l'école du barreau de Grenoble en 2000 et titulaire d'un DEA de droit privé, Vous transmettez aussi votre expérience en accompagnant, depuis 2006, étudiants et entrepreneurs dans leur développement. Pour débuter, et comme avec chaque invité, pouvez-vous me dire quelle est votre définition personnelle de l'impact sociétal ?

  • Speaker #0

    En fait, ce qui est intéressant dans cette question, c'est que, quelles que soient les personnes à qui vous posez la question, on aura tous une définition différente. D'ailleurs, on pourra revenir sur le groupe de travail qu'on a fait, qu'on a co-dirigé avec le CEA, la DRT, dans le cadre du High Level Forum, pour justement... mettre à plat cette définition et se mettre d'accord sur ce qu'on entend par impact. Ce qui est intéressant également, c'est de voir que dans la recherche, le terme impact a déjà une connotation. C'est-à-dire que pour beaucoup, l'impact, c'est ce que je vais apporter à la société en révélant de la connaissance. Et dès lors, les chercheurs se disent, à partir du moment où je produis la connaissance en tant que chercheur, j'ai un impact. Encore cette semaine, la semaine dernière, je discutais avec un acteur du ministère qui me disait, par défaut, finalement, la recherche a un impact, par nature. Et ce qui est inquiétant dans ce prisme-là, qui est un petit peu limitatif, c'est de se dire finalement, quoi que je fasse, ça a un impact. Et du coup, ça pose la question de c'est quoi l'impact derrière ? Donc, pour répondre à votre question, l'impact en ce qui me concerne, la définition personnelle, j'ai envie de dire peu importe. Ce qui compte, c'est d'avoir une définition précisément unifiée. Et celle qu'on a définie avec le High Level Forum en 2024, c'est de dire que finalement, l'impact de la recherche et de l'innovation, ce sont toutes les conséquences d'un projet de recherche. à plus ou moins long terme. C'est-à-dire que c'est tous les changements qui vont intervenir par l'application de la recherche, que ce soit direct, indirect, positif ou négatif, que ce soit anticipé ou non anticipé. Et dans cette acception hyper large de ce qu'est l'impact, ça permet justement de se dire, en amont d'un projet de recherche, on n'est pas en capacité de se poser la question quel va être mon impact ? Mais dire je vais avoir de l'impact par définition, c'est se cacher un petit peu derrière son petit doigt pour se dire finalement, quoi que je fasse, ça a de l'impact, et peu importe quelles vont être les applications. Et c'est là le danger. C'est comme si on voulait faire finalement de la RSE, donc la responsabilité sociale des entreprises, sans mettre en place de reporting, sans mettre en place d'action pour améliorer ses actions, son activité, sans essayer de se poser la question de son portefeuille de produits. Finalement, faire de l'impact sans mettre en place des critères, sans transformer ses façons de faire, est-ce qu'on peut dire et garantir qu'on va avoir un impact ? Donc, pour répondre à votre question, Ce n'est pas la définition personnelle qui importe, c'est se mettre d'accord. Et surtout, quand on dit faire de l'impact, c'est s'aligner avec ce qu'on prétend vouloir faire, donc mettre en place des critères, s'aligner sur les actions qui vont permettre cet impact, et du coup structurer une démarche d'impact.

  • Speaker #1

    Donc, impact social, impact sociétal. Comment en êtes-vous venu à vous intéresser à la recherche et à l'innovation responsable, donc à ces questions d'impact sociétal des technologies ? Y a-t-il un événement, une rencontre qui a été déterminant dans votre parcours ?

  • Speaker #0

    Oui, alors la rencontre, elle est déterminante avec Mélanie Marcel, qui est la fondatrice de SoScience. Rapidement, pour parler de mon parcours, je venais plutôt de l'innovation. La recherche, je n'y connaissais rien avant d'arriver chez SoScience. L'innovation, en revanche, j'en ai toujours fait finalement. Je suis avocate de formation, j'ai commencé comme avocate et puis très vite, j'ai travaillé dans d'autres secteurs. La production audiovisuelle, à une époque où elle se transformait du point de vue digital, je débarquais donc dans un secteur que je ne connaissais pas, à une époque de révolution. Et ça permet quand vous êtes nouveau dans un secteur, précisément d'avoir un regard hyper neuf. Donc je suis devenue un peu experte en transformation digitale, en innovation, de façon pragmatique, parce que j'ai accompagné l'évolution d'un secteur qui se dépatouillait et qui avait du mal à se transformer, parce qu'il ne comprenait pas les nouveaux usages. Et quand vous arrivez de l'extérieur, finalement, c'est beaucoup plus facile d'apporter un regard neuf et de comprendre les mutations. Du coup, j'ai travaillé dans les médias pendant toute cette période de transformation digitale, c'était plutôt sur de l'innovation. Et puis en parallèle, j'avais également travaillé dans la finance, également dans l'innovation financière, à travers tous les mécanismes de titrisation. de financement structuré, et j'avais cofondé une institution de microfinance au Cameroun. Et donc pendant une dizaine d'années, j'avais un pied dans chaque secteur, un pied dans le secteur bancaire, dans la microfinance, avec finalement une évolution aussi du secteur, par le numérique, par les mobiles, etc. Et puis de l'autre, avec les médias qui se transformaient numériquement. Et dans le cadre de l'investissement en Afrique, je travaillais avec des fonds d'impact, moi je me coupais plutôt de la levée de fonds. Et du coup, je travaillais plutôt avec des fonds de fonds et des fonds à impact. Et c'est là que j'ai vu qu'il y avait des gens qui finançaient, puis derrière, qui accompagnaient les acteurs financés à se transformer. Et donc, j'étais dans ces connotations un petit peu d'impact. Mais la mesure d'impact de la microfinance, c'était la création d'entreprises, la création d'emplois, c'était la structuration de l'économie, parce que dans certains pays, on était dans des économies informelles. Donc là, pareil, l'impact avait une connotation très spécifique. Et de l'autre, je faisais de la communication, des médias, de l'innovation. Mais l'impact ne se posait absolument pas. Il y a eu un moment donné où il y avait une espèce de dichotomie entre ma jambe qui était dans l'innovation et le digital, et puis de l'autre, l'impact. Et finalement, je me suis dit, c'est marrant que l'impact ne soit pas partout. Parce que finalement, c'est considération de se dire l'innovation, à quoi ça sert ? Pourquoi dans les médias, on ne se pose pas la question quels sont les messages que je porte et à quoi ça va servir ? Et c'est vrai que moi, je travaillais plutôt finalement dans du marketing, dans des sujets de communication, où finalement, on était beaucoup sur la forme et peu dans le fond. Et donc j'ai voulu à un moment donné faire une espèce de convergence entre ces deux aspects qui sont l'innovation et puis l'impact. Alors il y a eu une première rencontre avec Elisabeth Laville, qui est la fondatrice du cabinet Utopique, un cabinet de RSE, et qui justement travaillait déjà, alors elle fait 25 ans qu'elle fait de la RSE, mais du coup il y avait déjà une évolution de la RSE il y a une dizaine d'années, qui allait vers l'innovation responsable. Donc finalement pour dire, la RSE ce n'est pas un silo, donc la responsabilité sociale et environnementale, donc l'impact pour les entreprises. Ça ne doit pas être vu comme simplement un département à part où on va faire de la compliance, donc du respect du réglementaire, etc. Mais c'est comment on transforme son marketing et donc sa stratégie, donc son offre de produits, pour en faire une entreprise qui est responsable et engagée sur un certain nombre de valeurs. Et du coup, cette innovation-là, elle restait quand même sur des modèles économiques, sur de la transformation produit, sur la transformation marketing. Et à un moment donné, j'ai rencontré Mélanie Marcel, qui elle, travaillait sur l'innovation au service de la recherche. Donc finalement, moi, la recherche, je ne connaissais pas tellement, mais j'avais tout cet environnement autour et j'avais pour habitude de créer des ponts entre différents secteurs. Donc en fait, la bascule recherche et innovation responsable, elle s'est faite avec la rencontre de Mélanie Marcel.

  • Speaker #1

    Et pouvez-vous nous en dire un petit peu plus sur Mélanie Marcel, sur son livre et sur SoScience également ?

  • Speaker #0

    Alors Mélanie Marcel, c'est une jeune entrepreneuse, c'est une entrepreneuse sociale, donc elle a eu pas mal de prix quand elle a créé sa société. Au départ, elle est ingénieure en neurosciences et elle travaillait sur les applications, un petit peu l'interaction homme-machine. Et elle était partie faire, je ne sais pas quel contrat, avec un opérateur de telco au Japon pour travailler sur les interactions homme-machine. Quand l'occasion d'une discussion avec son manager, elle s'est rendue compte que finalement, Une question qu'elle ne s'était jamais posée, c'est pourquoi ils avaient financé sa recherche. Et en fait, eux, leur sujet, c'était de dire, si demain, la télécommunication doit passer par une puce dans le cerveau, on veut être les premiers sur le marché. Et elle a eu finalement une espèce d'électrochoc en se disant, mais en fait, moi, quand on est chercheur, c'est vrai qu'on essaie de trouver de la connaissance, on essaie de révéler des choses, on essaie de produire du savoir, mais on ne se pose pas la question de savoir à quoi ça va servir. Et est-ce que moi, j'ai envie de m'engager dans de la production de savoir qui va finalement servir à faire des cyberpunks ? Peut-être que ce sera l'avenir de l'humanité, mais est-ce que moi j'ai envie de faire ça ? Est-ce que je me pose la question ? Et donc elle a eu une espèce d'épiphanie et donc elle a commencé à creuser la question. Elle a écrit un livre qui s'appelle « Science et l'impact social » . Et à travers ce livre, elle a interrogé des tas d'acteurs de la recherche, privés comme publics, des entreprises, des entrepreneurs sociaux, pour voir comment ils produisaient de la recherche, comment on produit de la connaissance et à quelle fin. Et ce qui était intéressant, et ce livre, je vous le recommande parce qu'il est vraiment passionnant, il y a plein d'anecdotes. Je vais vous en donner une, vraiment, parce que moi ça m'avait... Marqué, c'est finalement dans les années 70-80, il y avait une étude qui était sortie et qui révélait que la plupart des décès de fœtus dans le ventre de leur mère étaient dus à hauteur vraiment flagrante, supérieure à tout le reste, par des accidents de voiture. Donc ils se sont dit comment se fait-il que la cause principale des fœtus dans le ventre de leur mère, c'est dans les accidents de voiture. Et en creusant la question, ils se sont rendus compte simplement que la ceinture de sécurité n'a jamais été pensée pour des femmes enceintes. Et parce qu'on se retrouve dans un cas de figure où finalement on a des hommes ingénieurs qui résonnent entre hommes, et il n'y a pas un moment, une femme peut-être qui va dire « Eh les gars, est-ce que vous avez pensé que peut-être une femme enceinte, il ne va pas falloir que la ceinture fonctionne de la même façon ? » Donc en fait, toute sa réflexion part de là. C'est que si la diversité au niveau de la recherche n'est pas dès l'amont de la question scientifique, dès les premières réflexions, on peut se priver finalement. d'un certain nombre de points de vue qui vont enrichir la réflexion.

  • Speaker #1

    Donc Mélanie Marcel a créé sa société en 2012. Qu'est-ce que vous pouvez nous décrire un petit peu SoScience ? Qu'est-ce que vous faites, vos actions concrètement ?

  • Speaker #0

    Alors au début, SoScience, c'était il me semble une association, parce que moi ça ne fait que cinq ans que j'ai rejoint la boîte. Alors je crois qu'elle a été fondée en 2014. Mais au début, c'était une association. Et puis très vite, il y a des entreprises qui ont dit « Ah mais c'est intéressant votre prisme, effectivement, ça nous intéresse. » Donc les premières missions de conseil... C'était avec des acteurs type Air Liquide ou Renault, donc on est vraiment sur des gros industriels avec des capacités de R&D, qui se disent finalement, est-ce que le prisme de l'impact peut m'ouvrir des opportunités de marché ? Est-ce que si j'ai une grille de critères qui m'ouvre des horizons, je vais pouvoir penser mon produit différemment ? Donc les premières missions qu'on a faites, c'était effectivement ça, avec des grilles, des matrices un peu basiques, de par exemple, on continue à utiliser ce type d'outils, mais c'est de dire, si je prends tous les objectifs de développement durable, il y en a 17, Que moi, avec mes actifs, ma capacité à faire, ma chaîne de valeur, si je me dis, tiens, je vais répondre à tel ou tel SDG, enfin, pardon, des objectifs de développement durable, donc Sustainable Development Goals en anglais, donc quand je dis SDG, c'est l'acronyme, est-ce que je vais pouvoir avoir d'autres idées ? Et en fait, ils font x10 en termes d'idées. Donc c'est un outil, un pacte d'ouverture des horizons un peu technologiques. Et ça permet aussi d'aligner la recherche et l'innovation à des enjeux existants qui sont nommés, qui sont définis, dont on attend des réponses. et auxquels on s'imagine que la technologie, la recherche et l'innovation vont pouvoir apporter des réponses.

  • Speaker #1

    Concrètement aujourd'hui, qui vient vous voir ? Qu'est-ce que vous proposez ? Comment ça se passe ?

  • Speaker #0

    Notre métier, c'est vraiment de créer des ponts entre différents acteurs, de la recherche, de l'innovation. On travaille aussi bien pour des acteurs publics. Par exemple, on a travaillé pour le gouvernement des Seychelles sur une problématique de collecte des plastiques sur les littoraux. Évidemment, sur une île, vous n'avez pas toute la technologie et toutes les expertises et les débouchés nécessaires pour traiter ce sujet. Comment on fait pour aller monter un écosystème spécifique, pour régler un problème spécifique, avec des acteurs qui ne sont pas sur le territoire, mais pour un enjeu territorial ? Donc ça peut être des acteurs qui nous sollicitent, qui sont des acteurs publics, ça peut être des entreprises industrielles qui veulent innover, et c'est également le cas pour des universités ou des acteurs de la recherche qui veulent accélérer le transfert de leurs chercheurs vers des enjeux sociétaux. Donc on a trois types d'acteurs. Donc on a plusieurs... activités. La première, c'est de monter ces écosystèmes-là. Donc, on a une méthode qui s'appelle The Future Off, qui a été reconnue par l'ONU comme bonne pratique en faveur des objectifs de développement durable en 2021 et qui est finalement une méthode encadrée, timée. Donc, ça dure six mois pour monter un écosystème et puis six mois pour lancer des consortiums. Là, je vous donne un exemple. On travaille avec l'Université Paris Sciences et Lettres, PSL. Ils veulent travailler, à la demande de leurs chercheurs et d'écoles d'architectes qui font partie de l'université PSL, sur les nouveaux matériaux. On appelle aussi les métamatériaux ou les matériaux structurés, qui ont des propriétés spécifiques à base d'ondes et qui permettent d'avoir des applications, que ce soit en termes de mode durable, en termes d'urbanisme, de construction durable, qui peuvent aussi avoir un effet sur la pollution de l'air. ou la pollution même de l'eau. Donc en fait, c'est des matériaux qui vont avoir des propriétés différentes. Comment ces matériaux-là peuvent être pensés et utilisés pour optimiser la circularité dans ces secteurs ? Donc nous, l'enjeu qu'on calibre, il va être autour de l'impact, mais on va aller chercher des acteurs qui sont à la fois des chercheurs, des start-up, des architectes, des designers, des cabinets conseils, des politipubes, des acteurs de la ville. Et en fait, on les réunit ensemble pour qu'ils puissent monter des consortiums et des expérimentations. Donc ce premier métier, c'est vraiment, je monte un écosystème autour d'une thématique. qui est multi-acteur, qui est transdisciplinaire, et je vais favoriser la création de projets, parce qu'aujourd'hui, sur la plupart des enjeux d'impact, précisément, on ne peut pas y arriver seul. Donc comment on fait pour aller chercher des acteurs avec lesquels on n'a pas l'habitude de travailler ? En recherche, on a beaucoup besoin de confiance, on a besoin de discuter rapidement de propriétés intellectuelles. Donc nous, en fait, ce qu'on a fait, c'est arriver à engager les gens rapidement, pour qu'ils se fassent confiance rapidement, et qu'on puisse accélérer aussi le process de recherche. Et la deuxième activité qu'on a, qu'on vient de lancer, C'est finalement... Il y a de plus en plus de chercheurs qui sont intéressés par l'impact et qui veulent donc comprendre un petit peu comment on qualifie son impact et sortir des critères un peu classiques qui sont nombre de publications, brevets, etc. Et du coup, on s'est rendu compte qu'à part ces chercheurs-là qui demandent et qui sont demandeurs, la plupart des acteurs n'ont pas forcément de besoins urgents. pour lesquels l'impact est vu comme un outil. En revanche, ceux qui ont un outil, c'est ceux qui vont chercher de l'argent au niveau des fonds européens, de la recherche, notamment Horizon Europe. Il y a de plus en plus d'opérateurs français, type ANR, BPI, etc., qui demandent qu'on qualifie l'impact de son projet. Et chez Sociens, on nous sollicite souvent pour être évaluateurs. Donc on lit un tas de projets et on se rend compte à quel point les chercheurs ne savent pas qualifier leur impact. Et d'ailleurs, ils le disent. Un, ce n'est pas mon boulot. Deux, comment voulez-vous qu'on dise à l'avance quel impact ça va avoir ? On n'en a aucune idée. Et donc il y a des outils qui existent, et notamment un outil développé par la Commission européenne qui s'appelle l'Impact Passway, qui permet justement ex ante de définir un peu et de cadrer l'impact qu'on va avoir. Et aujourd'hui ça, ça coûte pour un tiers de la note dans les financements européens. Donc pour ces gens qui ont besoin, ces porteurs de projets qui ont besoin d'aller chercher de l'argent au niveau européen, cette activité, en fait on a digitalisé notre expertise et on a un petit outil pratique qui guide pas à pas les chercheurs pour qu'ils se posent les bonnes questions au bon moment, qu'ils identifient, qu'ils structurent bien leurs problèmes. qu'ils identifient les bénéficiaires, les parties prenantes, et qu'ils élargissent un petit peu. Donc aujourd'hui, un chercheur, demain, ne peut pas se contenter d'avoir une bonne idée et d'être excellent au niveau scientifique. Il faut de toute façon qu'il puisse déterminer un petit peu quel va être son plan de dissémination et d'exploitation, pour favoriser le transfert. Ça déjà, ils ont tendance à dire, c'est pas notre job, c'est le job des équipes Valo, de valorisation et de transfert. Et maintenant, on leur demande en plus d'anticiper, en tout cas de prévoir et d'avoir une espèce de projection sur l'impact. Et pourquoi c'est important ? C'est parce que les évaluateurs vont privilégier le financement de projets qui sont alignés avec les objectifs de l'Europe ou avec les objectifs d'une ville. Donc en fait, quand vous répondez à un appel à projet de financement, si vous n'êtes pas aligné avec l'objectif qui est derrière le financeur, vous serez discriminé par rapport à des projets qui y répondent. Donc comment on arrive, d'un point de vue tech, à démontrer finalement que ce qu'on va produire va pouvoir avoir un impact sur la résolution du problème ?

  • Speaker #1

    Justement, quels sont les leviers ? concret pour intégrer l'impact sociétal dès la phase de conception d'un projet technologique et scientifique ? Et plus largement, comment vous voyez évoluer la question de l'impact sociétal, justement, depuis une dizaine d'années ? Est-ce que c'est quelque chose qui est de plus en plus intégré ? Est-ce que c'est juste pour un peu faire du impact washing, on va dire ? Comment vous voyez les choses ?

  • Speaker #0

    Alors, c'est assez partagé parce que il y a effectivement eu beaucoup d'impact washing et il y a eu une grosse évolution, notamment jusqu'à l'année dernière, on a vu quand même que c'est une accélération du sujet. et dans les financements, et parmi les chercheurs, les acteurs de la valorisation, etc. Il y a eu une demande vraiment qui vient du terrain. La difficulté, c'est qu'aujourd'hui, finalement, même si dans les investissements et dans les financements, on exige d'avoir cet objectif, il est mal mesuré, il est mal évolué. Donc tant qu'il n'y a pas une vraie contrainte qui pèse sur les opérateurs, il n'y aura pas vraiment de changement. Malheureusement, aujourd'hui, l'être humain est comme ça, on a besoin d'avoir une carotte, et la carotte, c'est le financement. Donc si, là aujourd'hui, on... On détermine, mais nous on voit parfois passer des... Au niveau européen, ils sont de plus en plus exigeants, mais au niveau national, on voit bien que les critères ne sont pas forcément rédhibitoires. C'est-à-dire que vous pouvez avoir un bon projet, si l'impact n'est pas ouf, ce ne sera pas déterminant pour refuser un projet, alors que ça devrait être le cas. Pourquoi la question se pose aujourd'hui ? Parce que finalement, demain, il n'y aura pas de matière première pour tout le monde, il y aura des coûts, il y a des coûts énergétiques, il y a des coûts de pollution, c'est-à-dire que ce n'est pas parce que vous développez une technologie, par exemple santé, qu'elle n'a pas à avoir un coût sur... je dis n'importe quoi parce que ce n'est pas forcément lié, mais sur la biodiversité. Donc finalement, si demain on doit choisir où on emploie les fonds publics, il est normal que ces décisions soient prises justement par les opérateurs publics pour avoir une espèce d'acception, une compréhension du projet avec un prisme et long terme et holistique. Donc ces sujets sont importants. Il y a beaucoup de chercheurs aussi qui vous disent, et beaucoup à la fois d'opérateurs de la recherche et d'industriels, qui mettent de plus en plus, ils vous disent, l'impact est au cœur de tout. Évidemment, il y a eu la CSDR qui a fait beaucoup évoluer les choses. C'est la directive européenne pour finalement évaluer son reporting sur la carbonation des activités. Donc un, il y a un prisme très carbone, qui n'est pas tout. Il y a beaucoup de sujets qui sont liés aux autres limites planétaires. Il y a d'autres sujets qui ne sont pas pris en compte par cette CSDR. Et puis aujourd'hui, c'est vécu plus qu'à part une contrainte et financière et en ressources humaines par les entreprises. Et surtout, ces enjeux-là de RSE, on va les appeler encore RSE, mais ce n'est pas la bonne terminologie, ne sont pas du tout transformées dans les pratiques de recherche et de développement. On parle beaucoup d'éco-conception, d'éco-innovation, ce qui est déjà bien, mais ça ne suffit pas non plus. Il y a aussi beaucoup d'outils comme les ACV, donc l'analyse du cycle de vie, qui est très bien évidemment, mais qui ne peut pas s'appliquer à tous les projets, qui coûte de l'argent. Parce que souvent, il faut le faire auditer de façon externe, parce que sinon, ça n'a pas une grande valeur. Donc, ça a un coût, donc on ne peut pas le faire tout le temps et surtout, on ne peut pas le faire en amont. Donc, ce qu'on a aussi mis en place avec le groupe de travail du CE1 et de la DRT, c'est de se dire, finalement, il faut qu'on arrive à avoir une boîte à outils pour pouvoir donner aux porteurs de projets des outils pour dire en amont, en continu et à un moment de clé, comment on évalue son impact. Et tant que ça, ce ne sera pas transformé et systématique. Ben finalement, ça ralentit un petit peu la transformation complète des process de recherche et de développement en faveur d'un impact sociétal, en tout cas pas garanti, mais en tout cas qui est suivi.

  • Speaker #1

    On parle beaucoup de contraintes, contraintes financières notamment, mais comment convaincre les acteurs économiques et industriels qu'innover de manière responsable est aussi une opportunité stratégique ?

  • Speaker #0

    Alors ça, c'est vraiment la clé du problème. Alors d'abord, il y a des gens qui commencent à réfléchir là-dessus pour essayer de valoriser. les projets impact et puis de dire finalement quand on met un euro dans une innovation responsable, elle va rapporter plus qu'une innovation qui ne l'est pas. Donc il y a pas mal d'initiatives qui se font. Il y a des masters. Aujourd'hui, nous, on est contactés régulièrement par des chercheurs qui analysent ça pour pouvoir justement donner des chiffres, pouvoir convaincre les gens parce que c'est encore une fois, c'est l'argent qui va motiver et de leur dire finalement pourquoi c'est un intérêt. En attendant qu'on puisse avoir des chiffres clés et qui convainquent les décideurs qu'effectivement, l'innovation responsable a du sens, aujourd'hui, on travaille plutôt nous dans une espèce de gestion de risque, en fait dans un prisme de gestion de risque. Les innovations qui sortent, qui ont coûté parfois des centaines de millions d'euros, des années de développement, si à un moment donné quand ça sort sur le marché, vous avez une association, vous avez un terrain d'expérimentation qui va dégénérer, et finalement vous allez avoir une issue, enfin un sujet d'acceptabilité sociétale. Votre innovation, elle va capoter ou elle va prendre du retard. Donc finalement, L'impact environnemental, sociétal, si vous ne vous posez pas la question le plus en amont possible, vous risquez à la sortie d'avoir non seulement la question qui se pose, mais des postures un petit peu politiques, des postures d'émotion, parce que les gens n'ont pas été concertés. Ce prisme-là, il peut être d'abord sur ce qu'on appelle le go-to-market, c'est-à-dire comment mon innovation va être acceptée par la société. Et puis ça peut être tout simplement aussi de la gestion de risque, au sens chaîne d'approvisionnement des matières premières, accessibilité aux ressources. Aujourd'hui, on sait que... Il y a des questions de souveraineté, on sait qu'il y a des questions d'accessibilité aux matières premières. Donc si ça, vous ne l'anticipez pas dans la capacité à produire, vous ne posez pas des questions de low-tech, vous ne vous dites pas, tiens, est-ce qu'il y a des alternatives qui seront peut-être moins coûteuses ? Est-ce qu'il y a des alternatives à ces matériaux qui sont dans des secteurs où on pourra encore aller taper dedans, parce que ce n'est pas dans des régions où on n'a pas la souveraineté ? Si ces questions-là ne sont pas abordées en amont, elles le seront tôt ou tard, et peut-être de façon plutôt critique. pas un moteur, à part pour les plus engagés, mais il faut que ce soit vu comme un outil de gestion de risque, du développement et du transfert de la recherche.

  • Speaker #1

    Vous avez parlé de votre collaboration avec le CEA, la direction de la recherche technologique du CEA, notamment dans le cadre du High Level Forum. Pouvez-vous nous expliquer un petit peu comment ça s'est passé, la genèse ? Et concrètement, qu'est-ce qui s'est passé ? Qu'est-ce qui se passe ?

  • Speaker #0

    Alors déjà, le CEA, en tout cas la DRT, il y a la communauté de l'impact sociétal, qui a été l'initiative de la DRT et menée, je crois, en interne par Michel Lida, il me semble, notamment. Donc, qui est déjà une communauté qui permet d'aller chercher des acteurs non académiques pour pouvoir échanger. Donc, chaque année, ils font quand même cet événement où on échange avec des acteurs non académiques et puis on aborde des sujets qui ne sont pas... le cœur de l'activité du chercheur. Donc ça, c'est déjà un premier outil, je pense, de transformation qui est très propre au CEA et que je félicite parce qu'il est plutôt rare. On est rentré dans cet univers-là, dans cette communauté et progressivement, en fait, on a échangé avec les acteurs. On a fait des formations, que ce soit dans les différents instituts du CEA. Donc, on a, nous, partagé notre expertise de l'impact parce qu'il y avait des besoins, vraiment. On a formé peut-être 200 chercheurs, je crois, sur ce sujet. C'est quoi l'impact aujourd'hui de la recherche ? Et donner cette définition, c'est aussi donner la capacité aux acteurs de penser leur projet un peu différemment. Donc c'est des outils de projection, le changement de culture, l'acculturation, la sensibilisation à ce concept-là et à l'évolution des métiers, et de la recherche et de la valorisation. Ce sont des outils aujourd'hui qui sont indispensables et qui ne sont pas encore partagés partout. Ensuite, il y a eu l'introduction au High Level Forum, où le High Level Forum, c'est... Je parle sous votre contrôle, Julien. C'est l'écosystème des écosystèmes d'innovation du CEA. Donc, c'est en gros tous les partenaires d'innovation. Je ne sais pas si vous voulez rajouter un petit mot.

  • Speaker #1

    Un réseau d'écosystèmes d'innovation internationale.

  • Speaker #0

    Oui, et qui est super d'abord parce que ça fait 25 ans qu'il existe. Ce sont des partenaires avec lesquels vous avez l'habitude de travailler. Il y a un côté très réduit. Donc, c'est vraiment comme un club privé finalement, qui est ouvert. Mais les gens se connaissent. Une taille qui est propice à l'écoute et au changement et à la discussion. Donc, ça, c'est hyper important en termes de communauté d'avoir une... une taille qui permet vraiment la vraie transformation. Et donc la première année, c'était il y a trois ans, nous étions intervenus à Tampere, en Finlande, pour faire une keynote sur... C'était plus d'inspiration, c'est quoi un petit peu l'éthique ou la philosophie d'une recherche responsable. Et ce qui était intéressant, c'est qu'il y a eu pas mal de succès, du coup, la deuxième année, l'année suivante, donc l'année dernière à Grenoble, on a fait deux tables rondes sur le sujet. Ça veut dire que déjà en un an, Souvent, la keynote c'est bien parce que ça veut dire qu'il y a un sujet qui monte. Et puis d'ailleurs qui a été transformée. Donc il y a eu deux tables rondes l'année suivante. Un sur l'évolution des métiers de la valorisation, de voir justement les équipes de Lavalot, comment ils entrevoient leur métier et comment justement ces nouveaux critères liés aux impacts sociétaux et environnementaux viennent enrichir la valorisation et accélérer le transfert. Et on a vu des acteurs comme Axelis par exemple, parce qu'au Québec, ils sont quand même plus avancés que nous dans la collaboration science-société. Et puis il y avait une deuxième table ronde vraiment plus sur l'impact, sur finalement c'est quoi l'impact, c'est quoi la définition et comment les gens... appréhende ce sujet. Et ce qui était intéressant aussi de voir sur cette table ronde là, c'était qu'il y avait des acteurs typiquement comme vous au CEA, qui utilisaient déjà des outils, des co-conceptions, d'ACV, donc on était vraiment au focus sur le projet. Il y avait des acteurs comme Tien Ho aux Pays-Bas qui sont plus dans comment la science peut être au service de la société, donc c'est comment des sciences plutôt SHS, donc sciences humaines et sociales, pouvaient produire des études pour fonder des politiques publiques. aux Pays-Bas, donc comment on pouvait légitimer des actions publiques basées sur des données produites par la science. Et il y avait un acteur comme Technalia, par exemple, en Espagne, qui est un des premiers, un des leaders, un des pionniers sur l'impact, qui, eux, ont une démarche vraiment très engagée, puisqu'ils se disent, nous, on veut être un acteur de la société, et du coup, notre job, c'est de produire de la connaissance qui va servir aux enjeux de société. Donc, eux, c'est vraiment au niveau et macro, et projet, qu'ils intègrent ces enjeux-là. Donc ça, c'était très intéressant de voir, déjà, la différence d'acception de l'impact. et la façon dont les acteurs l'intègrent et à quel niveau. Et puis, fort du succès de ces deux tables rondes, on avait décidé, à l'initiative de Julie Galland, on a lancé un groupe de travail qui réunissait 14 organisations qui composent le High Level Forum, avec à la fois des acteurs majeurs de la recherche, mais également des acteurs de financement, des acteurs de l'innovation. Et donc, avec 14 acteurs, on a déjà fait un benchmark de c'est quoi l'impact sociétal. Est-ce que c'est social ? Est-ce que c'est environnemental ? Pourquoi est-ce qu'il faut distinguer les deux ou pourquoi pas ? Donc on s'est mis d'accord sur une définition. La définition, c'est de dire que finalement, l'impact sociétal de la recherche et de l'innovation, pas que de la technologie, pas que de la science, parce que la recherche et l'innovation aujourd'hui, c'est un enjeu qui est précisément démocratique, donc qui ne doit pas se limiter aux acteurs académiques. Donc l'impact de la recherche et de l'innovation, ce sont toutes les conséquences qui peuvent être engendrées par un projet de recherche. Donc ça, c'était la définition. Et aujourd'hui, on essaie justement de mettre en place une boîte à outils. Donc, on a déjà commencé notre benchmark d'outils. Donc, qu'est-ce qu'on utilise ? À quel moment ? Comment ? Est-ce que c'est gratuit ? Est-ce qu'il faut être formé ? Est-ce que c'est facile d'accès, etc. ?

  • Speaker #1

    Oui, parce qu'il y a déjà des outils qui existent, mais qui sont peu ou pas utilisés, ou chacun dans son côté. L'idée, ce serait vraiment d'avoir une boîte à outils au niveau peut-être européen ou au niveau...

  • Speaker #0

    Même au niveau international.

  • Speaker #1

    Au niveau international.

  • Speaker #0

    Exactement. En fait, il y a plein d'outils qui existent. On en parlait, il y a la CV, il y a par exemple... Comme le TRL, qui est le Technical Readiness Level, qui permet d'évaluer la maturité technologique d'un projet, il y a des SRL, qui peuvent être S pour Sustainable ou Social, et chacun mesure des choses différentes. Donc là, l'objectif, c'est de dire finalement, il y a une boîte à outils, mais surtout, on va donner un guide pour dire aux acteurs de la recherche, selon vos besoins, est-ce que c'est en amont ? Est-ce que c'est pendant ? Est-ce que c'est à un moment donné ? Est-ce que c'est à postériori ? Quel est le besoin que vous avez ? Pourquoi ? Et en fonction de leurs besoins, faire une espèce d'arbre de décision et de leur pousser. les outils et leur expliquer en quoi c'est utile.

  • Speaker #1

    Pour conclure, quel rôle pensez-vous que des initiatives telles que la communauté Impact Sociétal du CEA pourraient avoir dans l'innovation dans les années à venir ?

  • Speaker #0

    Encore une fois, je pense que ces communautés sont d'utilité publique, mais c'est vraiment fondamental de commencer par ça. Déjà, la discussion est fondamentale. Je pense qu'il faut que les chercheurs sortent des labos et sortent aussi de la relation un peu trop binaire avec les industriels. Parce que c'est vrai qu'il y a aussi aujourd'hui une posture du chercheur qui dit finalement... Mon métier c'est la recherche, c'est ni la communication, ni la dissémination, ni le transfert. Il y a d'autres métiers qui ont été inventés, qui ont été mis en place, et des structures qui ont été mises en place pour faire le transfert. Et les chercheurs se cachent un peu derrière ça en disant « c'est pas mon travail de penser l'impact » . Alors ce qui est vrai, néanmoins ne pas se poser la question et ne pas y réfléchir, c'est aussi laisser à d'autres le soin de décider pour eux de l'impact de leur recherche. Et là il y a un risque, et là du coup il y a une responsabilité. Donc ces communautés permettent justement de créer du lien avec des acteurs. non académiques. Parce que la posture du chercheur, ça c'est un chercheur aussi qui me l'a dit un jour, qui m'a dit le problème des chercheurs c'est qu'ils sont intelligents, et donc ils pensent qu'eux seuls détiennent le savoir. Et donc ils ont du mal à penser la recherche hors secteur académique. Nous ce qu'on dit, et c'est ce que dit la Commission européenne, c'est que la recherche et l'innovation responsable c'est la collaboration. Pourquoi ? Parce qu'il y a des gens qui ont des savoirs que les chercheurs n'ont pas. Le chercheur va être spécialiste de son domaine, mais en revanche l'application et les applications possibles, il va pas les imaginer. Donc la rencontre avec des acteurs avec lesquels il n'a pas l'habitude de discuter, des gens qui vont lui faire remonter des besoins, des contraintes, des enjeux, ça va enrichir sa perspective, ça va peut-être lui permettre de pivoter. Et aujourd'hui, on voit bien, on a des startups deep tech qui vont pivoter soit leur business, soit leur techno au regard de l'impact qu'ils veulent avoir. Donc c'est important de se poser cette question-là et il y a beaucoup de chercheurs aussi qui disent qu'en amont, c'est impossible de prévoir. C'est vrai, et précisément, avoir une démarche comme la Commission le pousse, d'avoir un chemin vers l'impact, donc un impact pathway, qui est un tiers de la note des projets Réseau Europe, comme on le disait tout à l'heure, c'est une façon de structurer son projet en identifiant des partenaires sur des thématiques, et ça va permettre justement de se poser des questions qu'on n'a pas l'habitude de se poser. Donc ça fait peut-être un petit peu mal la première fois qu'on le fait, mais derrière c'est vraiment un outil stratégique de transfert, de développement de la science. d'application et de communication. Et aujourd'hui qu'on a quand même un vrai débat de société sur la science, on a quand même un recul de la science, on le voit aux États-Unis, mais même en France, il y a quand même une certaine défiance. Si la science ne sort pas de sa tour d'ivoire en mode c'est nous qui savons, et puis après la société n'a qu'à accepter, et puis s'il y a un problème d'acceptabilité, on mettra des petites études SHS pour essayer de déterminer comment faire adopter la société, il y a un côté très paternaliste à ça. La société, c'est pas... un enfant à qui on va donner des joujoux et on va leur dire c'est bien pour toi, il faut que tu les acceptes. Donc il faut qu'à un moment donné, on co-construise avec la société. Et la société a son mot à dire et sur les dépenses publiques et sur l'utilisation des ressources prioritaires. Donc cette question-là, elle doit se faire en collaboration. Voilà.

  • Speaker #1

    Merci Julie.

  • Speaker #0

    Avec plaisir, merci beaucoup.

Share

Embed

You may also like

Description

Comment intégrer l’impact sociétal dès la conception d’un projet ? Quels sont les leviers pour convaincre les acteurs économiques que l'innovation responsable est aussi une opportunité stratégique ? Pour répondre à ces questions, nous recevons Julie Jouvencel, Directrice Générale de SoScience, entreprise pionnière en Recherche et Innovation Responsable. Ancienne avocate d’affaires et entrepreneure engagée, elle partage avec nous sa vision de l'impact sociétal et les clés pour conjuguer responsabilité et innovation.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    La démographie, les boîtes de développement mettent en danger notre planète et ses apôtres. L'état vert. L'univers. L'univers. Peu importe le scénario, il faudra compter avec les forces les plus puissantes de notre époque.

  • Speaker #1

    L'écologie.

  • Speaker #0

    L'économie. Celles-ci doivent évoluer dans le sens d'un développement vertueux et attentif aux vivants et répondre aux besoins de nos personnes. Merci.

  • Speaker #1

    Bienvenue pour ce nouvel épisode d'Interface, le podcast de la communauté Impact Sociétal de la Direction de la Recherche Technologique du CEA, le podcast où la science et l'innovation rencontrent la société. Aujourd'hui, j'ai la chance d'accueillir Julie Jouvencel, directrice générale de SoScience, entreprise pionnière en matière de recherche et d'innovation responsable. Bonjour Julie.

  • Speaker #0

    Bonjour Julien.

  • Speaker #1

    Vous êtes donc directrice générale de SoScience depuis 2020, notamment en charge de la transformation numérique. Ancien avocate d'affaires passée par la finance et plusieurs fois entrepreneur, vous accompagnez depuis plus de 10 ans des acteurs privés et publics dans leur stratégie d'innovation et de transformation digitale. Votre parcours est marqué par la recherche d'impact social, avec un engagement fort sur les enjeux de biodiversité, de changement climatique et de justice sociale. Vous avez également évolué dans les médias et la production audiovisuelle. Diplômé de l'école du barreau de Grenoble en 2000 et titulaire d'un DEA de droit privé, Vous transmettez aussi votre expérience en accompagnant, depuis 2006, étudiants et entrepreneurs dans leur développement. Pour débuter, et comme avec chaque invité, pouvez-vous me dire quelle est votre définition personnelle de l'impact sociétal ?

  • Speaker #0

    En fait, ce qui est intéressant dans cette question, c'est que, quelles que soient les personnes à qui vous posez la question, on aura tous une définition différente. D'ailleurs, on pourra revenir sur le groupe de travail qu'on a fait, qu'on a co-dirigé avec le CEA, la DRT, dans le cadre du High Level Forum, pour justement... mettre à plat cette définition et se mettre d'accord sur ce qu'on entend par impact. Ce qui est intéressant également, c'est de voir que dans la recherche, le terme impact a déjà une connotation. C'est-à-dire que pour beaucoup, l'impact, c'est ce que je vais apporter à la société en révélant de la connaissance. Et dès lors, les chercheurs se disent, à partir du moment où je produis la connaissance en tant que chercheur, j'ai un impact. Encore cette semaine, la semaine dernière, je discutais avec un acteur du ministère qui me disait, par défaut, finalement, la recherche a un impact, par nature. Et ce qui est inquiétant dans ce prisme-là, qui est un petit peu limitatif, c'est de se dire finalement, quoi que je fasse, ça a un impact. Et du coup, ça pose la question de c'est quoi l'impact derrière ? Donc, pour répondre à votre question, l'impact en ce qui me concerne, la définition personnelle, j'ai envie de dire peu importe. Ce qui compte, c'est d'avoir une définition précisément unifiée. Et celle qu'on a définie avec le High Level Forum en 2024, c'est de dire que finalement, l'impact de la recherche et de l'innovation, ce sont toutes les conséquences d'un projet de recherche. à plus ou moins long terme. C'est-à-dire que c'est tous les changements qui vont intervenir par l'application de la recherche, que ce soit direct, indirect, positif ou négatif, que ce soit anticipé ou non anticipé. Et dans cette acception hyper large de ce qu'est l'impact, ça permet justement de se dire, en amont d'un projet de recherche, on n'est pas en capacité de se poser la question quel va être mon impact ? Mais dire je vais avoir de l'impact par définition, c'est se cacher un petit peu derrière son petit doigt pour se dire finalement, quoi que je fasse, ça a de l'impact, et peu importe quelles vont être les applications. Et c'est là le danger. C'est comme si on voulait faire finalement de la RSE, donc la responsabilité sociale des entreprises, sans mettre en place de reporting, sans mettre en place d'action pour améliorer ses actions, son activité, sans essayer de se poser la question de son portefeuille de produits. Finalement, faire de l'impact sans mettre en place des critères, sans transformer ses façons de faire, est-ce qu'on peut dire et garantir qu'on va avoir un impact ? Donc, pour répondre à votre question, Ce n'est pas la définition personnelle qui importe, c'est se mettre d'accord. Et surtout, quand on dit faire de l'impact, c'est s'aligner avec ce qu'on prétend vouloir faire, donc mettre en place des critères, s'aligner sur les actions qui vont permettre cet impact, et du coup structurer une démarche d'impact.

  • Speaker #1

    Donc, impact social, impact sociétal. Comment en êtes-vous venu à vous intéresser à la recherche et à l'innovation responsable, donc à ces questions d'impact sociétal des technologies ? Y a-t-il un événement, une rencontre qui a été déterminant dans votre parcours ?

  • Speaker #0

    Oui, alors la rencontre, elle est déterminante avec Mélanie Marcel, qui est la fondatrice de SoScience. Rapidement, pour parler de mon parcours, je venais plutôt de l'innovation. La recherche, je n'y connaissais rien avant d'arriver chez SoScience. L'innovation, en revanche, j'en ai toujours fait finalement. Je suis avocate de formation, j'ai commencé comme avocate et puis très vite, j'ai travaillé dans d'autres secteurs. La production audiovisuelle, à une époque où elle se transformait du point de vue digital, je débarquais donc dans un secteur que je ne connaissais pas, à une époque de révolution. Et ça permet quand vous êtes nouveau dans un secteur, précisément d'avoir un regard hyper neuf. Donc je suis devenue un peu experte en transformation digitale, en innovation, de façon pragmatique, parce que j'ai accompagné l'évolution d'un secteur qui se dépatouillait et qui avait du mal à se transformer, parce qu'il ne comprenait pas les nouveaux usages. Et quand vous arrivez de l'extérieur, finalement, c'est beaucoup plus facile d'apporter un regard neuf et de comprendre les mutations. Du coup, j'ai travaillé dans les médias pendant toute cette période de transformation digitale, c'était plutôt sur de l'innovation. Et puis en parallèle, j'avais également travaillé dans la finance, également dans l'innovation financière, à travers tous les mécanismes de titrisation. de financement structuré, et j'avais cofondé une institution de microfinance au Cameroun. Et donc pendant une dizaine d'années, j'avais un pied dans chaque secteur, un pied dans le secteur bancaire, dans la microfinance, avec finalement une évolution aussi du secteur, par le numérique, par les mobiles, etc. Et puis de l'autre, avec les médias qui se transformaient numériquement. Et dans le cadre de l'investissement en Afrique, je travaillais avec des fonds d'impact, moi je me coupais plutôt de la levée de fonds. Et du coup, je travaillais plutôt avec des fonds de fonds et des fonds à impact. Et c'est là que j'ai vu qu'il y avait des gens qui finançaient, puis derrière, qui accompagnaient les acteurs financés à se transformer. Et donc, j'étais dans ces connotations un petit peu d'impact. Mais la mesure d'impact de la microfinance, c'était la création d'entreprises, la création d'emplois, c'était la structuration de l'économie, parce que dans certains pays, on était dans des économies informelles. Donc là, pareil, l'impact avait une connotation très spécifique. Et de l'autre, je faisais de la communication, des médias, de l'innovation. Mais l'impact ne se posait absolument pas. Il y a eu un moment donné où il y avait une espèce de dichotomie entre ma jambe qui était dans l'innovation et le digital, et puis de l'autre, l'impact. Et finalement, je me suis dit, c'est marrant que l'impact ne soit pas partout. Parce que finalement, c'est considération de se dire l'innovation, à quoi ça sert ? Pourquoi dans les médias, on ne se pose pas la question quels sont les messages que je porte et à quoi ça va servir ? Et c'est vrai que moi, je travaillais plutôt finalement dans du marketing, dans des sujets de communication, où finalement, on était beaucoup sur la forme et peu dans le fond. Et donc j'ai voulu à un moment donné faire une espèce de convergence entre ces deux aspects qui sont l'innovation et puis l'impact. Alors il y a eu une première rencontre avec Elisabeth Laville, qui est la fondatrice du cabinet Utopique, un cabinet de RSE, et qui justement travaillait déjà, alors elle fait 25 ans qu'elle fait de la RSE, mais du coup il y avait déjà une évolution de la RSE il y a une dizaine d'années, qui allait vers l'innovation responsable. Donc finalement pour dire, la RSE ce n'est pas un silo, donc la responsabilité sociale et environnementale, donc l'impact pour les entreprises. Ça ne doit pas être vu comme simplement un département à part où on va faire de la compliance, donc du respect du réglementaire, etc. Mais c'est comment on transforme son marketing et donc sa stratégie, donc son offre de produits, pour en faire une entreprise qui est responsable et engagée sur un certain nombre de valeurs. Et du coup, cette innovation-là, elle restait quand même sur des modèles économiques, sur de la transformation produit, sur la transformation marketing. Et à un moment donné, j'ai rencontré Mélanie Marcel, qui elle, travaillait sur l'innovation au service de la recherche. Donc finalement, moi, la recherche, je ne connaissais pas tellement, mais j'avais tout cet environnement autour et j'avais pour habitude de créer des ponts entre différents secteurs. Donc en fait, la bascule recherche et innovation responsable, elle s'est faite avec la rencontre de Mélanie Marcel.

  • Speaker #1

    Et pouvez-vous nous en dire un petit peu plus sur Mélanie Marcel, sur son livre et sur SoScience également ?

  • Speaker #0

    Alors Mélanie Marcel, c'est une jeune entrepreneuse, c'est une entrepreneuse sociale, donc elle a eu pas mal de prix quand elle a créé sa société. Au départ, elle est ingénieure en neurosciences et elle travaillait sur les applications, un petit peu l'interaction homme-machine. Et elle était partie faire, je ne sais pas quel contrat, avec un opérateur de telco au Japon pour travailler sur les interactions homme-machine. Quand l'occasion d'une discussion avec son manager, elle s'est rendue compte que finalement, Une question qu'elle ne s'était jamais posée, c'est pourquoi ils avaient financé sa recherche. Et en fait, eux, leur sujet, c'était de dire, si demain, la télécommunication doit passer par une puce dans le cerveau, on veut être les premiers sur le marché. Et elle a eu finalement une espèce d'électrochoc en se disant, mais en fait, moi, quand on est chercheur, c'est vrai qu'on essaie de trouver de la connaissance, on essaie de révéler des choses, on essaie de produire du savoir, mais on ne se pose pas la question de savoir à quoi ça va servir. Et est-ce que moi, j'ai envie de m'engager dans de la production de savoir qui va finalement servir à faire des cyberpunks ? Peut-être que ce sera l'avenir de l'humanité, mais est-ce que moi j'ai envie de faire ça ? Est-ce que je me pose la question ? Et donc elle a eu une espèce d'épiphanie et donc elle a commencé à creuser la question. Elle a écrit un livre qui s'appelle « Science et l'impact social » . Et à travers ce livre, elle a interrogé des tas d'acteurs de la recherche, privés comme publics, des entreprises, des entrepreneurs sociaux, pour voir comment ils produisaient de la recherche, comment on produit de la connaissance et à quelle fin. Et ce qui était intéressant, et ce livre, je vous le recommande parce qu'il est vraiment passionnant, il y a plein d'anecdotes. Je vais vous en donner une, vraiment, parce que moi ça m'avait... Marqué, c'est finalement dans les années 70-80, il y avait une étude qui était sortie et qui révélait que la plupart des décès de fœtus dans le ventre de leur mère étaient dus à hauteur vraiment flagrante, supérieure à tout le reste, par des accidents de voiture. Donc ils se sont dit comment se fait-il que la cause principale des fœtus dans le ventre de leur mère, c'est dans les accidents de voiture. Et en creusant la question, ils se sont rendus compte simplement que la ceinture de sécurité n'a jamais été pensée pour des femmes enceintes. Et parce qu'on se retrouve dans un cas de figure où finalement on a des hommes ingénieurs qui résonnent entre hommes, et il n'y a pas un moment, une femme peut-être qui va dire « Eh les gars, est-ce que vous avez pensé que peut-être une femme enceinte, il ne va pas falloir que la ceinture fonctionne de la même façon ? » Donc en fait, toute sa réflexion part de là. C'est que si la diversité au niveau de la recherche n'est pas dès l'amont de la question scientifique, dès les premières réflexions, on peut se priver finalement. d'un certain nombre de points de vue qui vont enrichir la réflexion.

  • Speaker #1

    Donc Mélanie Marcel a créé sa société en 2012. Qu'est-ce que vous pouvez nous décrire un petit peu SoScience ? Qu'est-ce que vous faites, vos actions concrètement ?

  • Speaker #0

    Alors au début, SoScience, c'était il me semble une association, parce que moi ça ne fait que cinq ans que j'ai rejoint la boîte. Alors je crois qu'elle a été fondée en 2014. Mais au début, c'était une association. Et puis très vite, il y a des entreprises qui ont dit « Ah mais c'est intéressant votre prisme, effectivement, ça nous intéresse. » Donc les premières missions de conseil... C'était avec des acteurs type Air Liquide ou Renault, donc on est vraiment sur des gros industriels avec des capacités de R&D, qui se disent finalement, est-ce que le prisme de l'impact peut m'ouvrir des opportunités de marché ? Est-ce que si j'ai une grille de critères qui m'ouvre des horizons, je vais pouvoir penser mon produit différemment ? Donc les premières missions qu'on a faites, c'était effectivement ça, avec des grilles, des matrices un peu basiques, de par exemple, on continue à utiliser ce type d'outils, mais c'est de dire, si je prends tous les objectifs de développement durable, il y en a 17, Que moi, avec mes actifs, ma capacité à faire, ma chaîne de valeur, si je me dis, tiens, je vais répondre à tel ou tel SDG, enfin, pardon, des objectifs de développement durable, donc Sustainable Development Goals en anglais, donc quand je dis SDG, c'est l'acronyme, est-ce que je vais pouvoir avoir d'autres idées ? Et en fait, ils font x10 en termes d'idées. Donc c'est un outil, un pacte d'ouverture des horizons un peu technologiques. Et ça permet aussi d'aligner la recherche et l'innovation à des enjeux existants qui sont nommés, qui sont définis, dont on attend des réponses. et auxquels on s'imagine que la technologie, la recherche et l'innovation vont pouvoir apporter des réponses.

  • Speaker #1

    Concrètement aujourd'hui, qui vient vous voir ? Qu'est-ce que vous proposez ? Comment ça se passe ?

  • Speaker #0

    Notre métier, c'est vraiment de créer des ponts entre différents acteurs, de la recherche, de l'innovation. On travaille aussi bien pour des acteurs publics. Par exemple, on a travaillé pour le gouvernement des Seychelles sur une problématique de collecte des plastiques sur les littoraux. Évidemment, sur une île, vous n'avez pas toute la technologie et toutes les expertises et les débouchés nécessaires pour traiter ce sujet. Comment on fait pour aller monter un écosystème spécifique, pour régler un problème spécifique, avec des acteurs qui ne sont pas sur le territoire, mais pour un enjeu territorial ? Donc ça peut être des acteurs qui nous sollicitent, qui sont des acteurs publics, ça peut être des entreprises industrielles qui veulent innover, et c'est également le cas pour des universités ou des acteurs de la recherche qui veulent accélérer le transfert de leurs chercheurs vers des enjeux sociétaux. Donc on a trois types d'acteurs. Donc on a plusieurs... activités. La première, c'est de monter ces écosystèmes-là. Donc, on a une méthode qui s'appelle The Future Off, qui a été reconnue par l'ONU comme bonne pratique en faveur des objectifs de développement durable en 2021 et qui est finalement une méthode encadrée, timée. Donc, ça dure six mois pour monter un écosystème et puis six mois pour lancer des consortiums. Là, je vous donne un exemple. On travaille avec l'Université Paris Sciences et Lettres, PSL. Ils veulent travailler, à la demande de leurs chercheurs et d'écoles d'architectes qui font partie de l'université PSL, sur les nouveaux matériaux. On appelle aussi les métamatériaux ou les matériaux structurés, qui ont des propriétés spécifiques à base d'ondes et qui permettent d'avoir des applications, que ce soit en termes de mode durable, en termes d'urbanisme, de construction durable, qui peuvent aussi avoir un effet sur la pollution de l'air. ou la pollution même de l'eau. Donc en fait, c'est des matériaux qui vont avoir des propriétés différentes. Comment ces matériaux-là peuvent être pensés et utilisés pour optimiser la circularité dans ces secteurs ? Donc nous, l'enjeu qu'on calibre, il va être autour de l'impact, mais on va aller chercher des acteurs qui sont à la fois des chercheurs, des start-up, des architectes, des designers, des cabinets conseils, des politipubes, des acteurs de la ville. Et en fait, on les réunit ensemble pour qu'ils puissent monter des consortiums et des expérimentations. Donc ce premier métier, c'est vraiment, je monte un écosystème autour d'une thématique. qui est multi-acteur, qui est transdisciplinaire, et je vais favoriser la création de projets, parce qu'aujourd'hui, sur la plupart des enjeux d'impact, précisément, on ne peut pas y arriver seul. Donc comment on fait pour aller chercher des acteurs avec lesquels on n'a pas l'habitude de travailler ? En recherche, on a beaucoup besoin de confiance, on a besoin de discuter rapidement de propriétés intellectuelles. Donc nous, en fait, ce qu'on a fait, c'est arriver à engager les gens rapidement, pour qu'ils se fassent confiance rapidement, et qu'on puisse accélérer aussi le process de recherche. Et la deuxième activité qu'on a, qu'on vient de lancer, C'est finalement... Il y a de plus en plus de chercheurs qui sont intéressés par l'impact et qui veulent donc comprendre un petit peu comment on qualifie son impact et sortir des critères un peu classiques qui sont nombre de publications, brevets, etc. Et du coup, on s'est rendu compte qu'à part ces chercheurs-là qui demandent et qui sont demandeurs, la plupart des acteurs n'ont pas forcément de besoins urgents. pour lesquels l'impact est vu comme un outil. En revanche, ceux qui ont un outil, c'est ceux qui vont chercher de l'argent au niveau des fonds européens, de la recherche, notamment Horizon Europe. Il y a de plus en plus d'opérateurs français, type ANR, BPI, etc., qui demandent qu'on qualifie l'impact de son projet. Et chez Sociens, on nous sollicite souvent pour être évaluateurs. Donc on lit un tas de projets et on se rend compte à quel point les chercheurs ne savent pas qualifier leur impact. Et d'ailleurs, ils le disent. Un, ce n'est pas mon boulot. Deux, comment voulez-vous qu'on dise à l'avance quel impact ça va avoir ? On n'en a aucune idée. Et donc il y a des outils qui existent, et notamment un outil développé par la Commission européenne qui s'appelle l'Impact Passway, qui permet justement ex ante de définir un peu et de cadrer l'impact qu'on va avoir. Et aujourd'hui ça, ça coûte pour un tiers de la note dans les financements européens. Donc pour ces gens qui ont besoin, ces porteurs de projets qui ont besoin d'aller chercher de l'argent au niveau européen, cette activité, en fait on a digitalisé notre expertise et on a un petit outil pratique qui guide pas à pas les chercheurs pour qu'ils se posent les bonnes questions au bon moment, qu'ils identifient, qu'ils structurent bien leurs problèmes. qu'ils identifient les bénéficiaires, les parties prenantes, et qu'ils élargissent un petit peu. Donc aujourd'hui, un chercheur, demain, ne peut pas se contenter d'avoir une bonne idée et d'être excellent au niveau scientifique. Il faut de toute façon qu'il puisse déterminer un petit peu quel va être son plan de dissémination et d'exploitation, pour favoriser le transfert. Ça déjà, ils ont tendance à dire, c'est pas notre job, c'est le job des équipes Valo, de valorisation et de transfert. Et maintenant, on leur demande en plus d'anticiper, en tout cas de prévoir et d'avoir une espèce de projection sur l'impact. Et pourquoi c'est important ? C'est parce que les évaluateurs vont privilégier le financement de projets qui sont alignés avec les objectifs de l'Europe ou avec les objectifs d'une ville. Donc en fait, quand vous répondez à un appel à projet de financement, si vous n'êtes pas aligné avec l'objectif qui est derrière le financeur, vous serez discriminé par rapport à des projets qui y répondent. Donc comment on arrive, d'un point de vue tech, à démontrer finalement que ce qu'on va produire va pouvoir avoir un impact sur la résolution du problème ?

  • Speaker #1

    Justement, quels sont les leviers ? concret pour intégrer l'impact sociétal dès la phase de conception d'un projet technologique et scientifique ? Et plus largement, comment vous voyez évoluer la question de l'impact sociétal, justement, depuis une dizaine d'années ? Est-ce que c'est quelque chose qui est de plus en plus intégré ? Est-ce que c'est juste pour un peu faire du impact washing, on va dire ? Comment vous voyez les choses ?

  • Speaker #0

    Alors, c'est assez partagé parce que il y a effectivement eu beaucoup d'impact washing et il y a eu une grosse évolution, notamment jusqu'à l'année dernière, on a vu quand même que c'est une accélération du sujet. et dans les financements, et parmi les chercheurs, les acteurs de la valorisation, etc. Il y a eu une demande vraiment qui vient du terrain. La difficulté, c'est qu'aujourd'hui, finalement, même si dans les investissements et dans les financements, on exige d'avoir cet objectif, il est mal mesuré, il est mal évolué. Donc tant qu'il n'y a pas une vraie contrainte qui pèse sur les opérateurs, il n'y aura pas vraiment de changement. Malheureusement, aujourd'hui, l'être humain est comme ça, on a besoin d'avoir une carotte, et la carotte, c'est le financement. Donc si, là aujourd'hui, on... On détermine, mais nous on voit parfois passer des... Au niveau européen, ils sont de plus en plus exigeants, mais au niveau national, on voit bien que les critères ne sont pas forcément rédhibitoires. C'est-à-dire que vous pouvez avoir un bon projet, si l'impact n'est pas ouf, ce ne sera pas déterminant pour refuser un projet, alors que ça devrait être le cas. Pourquoi la question se pose aujourd'hui ? Parce que finalement, demain, il n'y aura pas de matière première pour tout le monde, il y aura des coûts, il y a des coûts énergétiques, il y a des coûts de pollution, c'est-à-dire que ce n'est pas parce que vous développez une technologie, par exemple santé, qu'elle n'a pas à avoir un coût sur... je dis n'importe quoi parce que ce n'est pas forcément lié, mais sur la biodiversité. Donc finalement, si demain on doit choisir où on emploie les fonds publics, il est normal que ces décisions soient prises justement par les opérateurs publics pour avoir une espèce d'acception, une compréhension du projet avec un prisme et long terme et holistique. Donc ces sujets sont importants. Il y a beaucoup de chercheurs aussi qui vous disent, et beaucoup à la fois d'opérateurs de la recherche et d'industriels, qui mettent de plus en plus, ils vous disent, l'impact est au cœur de tout. Évidemment, il y a eu la CSDR qui a fait beaucoup évoluer les choses. C'est la directive européenne pour finalement évaluer son reporting sur la carbonation des activités. Donc un, il y a un prisme très carbone, qui n'est pas tout. Il y a beaucoup de sujets qui sont liés aux autres limites planétaires. Il y a d'autres sujets qui ne sont pas pris en compte par cette CSDR. Et puis aujourd'hui, c'est vécu plus qu'à part une contrainte et financière et en ressources humaines par les entreprises. Et surtout, ces enjeux-là de RSE, on va les appeler encore RSE, mais ce n'est pas la bonne terminologie, ne sont pas du tout transformées dans les pratiques de recherche et de développement. On parle beaucoup d'éco-conception, d'éco-innovation, ce qui est déjà bien, mais ça ne suffit pas non plus. Il y a aussi beaucoup d'outils comme les ACV, donc l'analyse du cycle de vie, qui est très bien évidemment, mais qui ne peut pas s'appliquer à tous les projets, qui coûte de l'argent. Parce que souvent, il faut le faire auditer de façon externe, parce que sinon, ça n'a pas une grande valeur. Donc, ça a un coût, donc on ne peut pas le faire tout le temps et surtout, on ne peut pas le faire en amont. Donc, ce qu'on a aussi mis en place avec le groupe de travail du CE1 et de la DRT, c'est de se dire, finalement, il faut qu'on arrive à avoir une boîte à outils pour pouvoir donner aux porteurs de projets des outils pour dire en amont, en continu et à un moment de clé, comment on évalue son impact. Et tant que ça, ce ne sera pas transformé et systématique. Ben finalement, ça ralentit un petit peu la transformation complète des process de recherche et de développement en faveur d'un impact sociétal, en tout cas pas garanti, mais en tout cas qui est suivi.

  • Speaker #1

    On parle beaucoup de contraintes, contraintes financières notamment, mais comment convaincre les acteurs économiques et industriels qu'innover de manière responsable est aussi une opportunité stratégique ?

  • Speaker #0

    Alors ça, c'est vraiment la clé du problème. Alors d'abord, il y a des gens qui commencent à réfléchir là-dessus pour essayer de valoriser. les projets impact et puis de dire finalement quand on met un euro dans une innovation responsable, elle va rapporter plus qu'une innovation qui ne l'est pas. Donc il y a pas mal d'initiatives qui se font. Il y a des masters. Aujourd'hui, nous, on est contactés régulièrement par des chercheurs qui analysent ça pour pouvoir justement donner des chiffres, pouvoir convaincre les gens parce que c'est encore une fois, c'est l'argent qui va motiver et de leur dire finalement pourquoi c'est un intérêt. En attendant qu'on puisse avoir des chiffres clés et qui convainquent les décideurs qu'effectivement, l'innovation responsable a du sens, aujourd'hui, on travaille plutôt nous dans une espèce de gestion de risque, en fait dans un prisme de gestion de risque. Les innovations qui sortent, qui ont coûté parfois des centaines de millions d'euros, des années de développement, si à un moment donné quand ça sort sur le marché, vous avez une association, vous avez un terrain d'expérimentation qui va dégénérer, et finalement vous allez avoir une issue, enfin un sujet d'acceptabilité sociétale. Votre innovation, elle va capoter ou elle va prendre du retard. Donc finalement, L'impact environnemental, sociétal, si vous ne vous posez pas la question le plus en amont possible, vous risquez à la sortie d'avoir non seulement la question qui se pose, mais des postures un petit peu politiques, des postures d'émotion, parce que les gens n'ont pas été concertés. Ce prisme-là, il peut être d'abord sur ce qu'on appelle le go-to-market, c'est-à-dire comment mon innovation va être acceptée par la société. Et puis ça peut être tout simplement aussi de la gestion de risque, au sens chaîne d'approvisionnement des matières premières, accessibilité aux ressources. Aujourd'hui, on sait que... Il y a des questions de souveraineté, on sait qu'il y a des questions d'accessibilité aux matières premières. Donc si ça, vous ne l'anticipez pas dans la capacité à produire, vous ne posez pas des questions de low-tech, vous ne vous dites pas, tiens, est-ce qu'il y a des alternatives qui seront peut-être moins coûteuses ? Est-ce qu'il y a des alternatives à ces matériaux qui sont dans des secteurs où on pourra encore aller taper dedans, parce que ce n'est pas dans des régions où on n'a pas la souveraineté ? Si ces questions-là ne sont pas abordées en amont, elles le seront tôt ou tard, et peut-être de façon plutôt critique. pas un moteur, à part pour les plus engagés, mais il faut que ce soit vu comme un outil de gestion de risque, du développement et du transfert de la recherche.

  • Speaker #1

    Vous avez parlé de votre collaboration avec le CEA, la direction de la recherche technologique du CEA, notamment dans le cadre du High Level Forum. Pouvez-vous nous expliquer un petit peu comment ça s'est passé, la genèse ? Et concrètement, qu'est-ce qui s'est passé ? Qu'est-ce qui se passe ?

  • Speaker #0

    Alors déjà, le CEA, en tout cas la DRT, il y a la communauté de l'impact sociétal, qui a été l'initiative de la DRT et menée, je crois, en interne par Michel Lida, il me semble, notamment. Donc, qui est déjà une communauté qui permet d'aller chercher des acteurs non académiques pour pouvoir échanger. Donc, chaque année, ils font quand même cet événement où on échange avec des acteurs non académiques et puis on aborde des sujets qui ne sont pas... le cœur de l'activité du chercheur. Donc ça, c'est déjà un premier outil, je pense, de transformation qui est très propre au CEA et que je félicite parce qu'il est plutôt rare. On est rentré dans cet univers-là, dans cette communauté et progressivement, en fait, on a échangé avec les acteurs. On a fait des formations, que ce soit dans les différents instituts du CEA. Donc, on a, nous, partagé notre expertise de l'impact parce qu'il y avait des besoins, vraiment. On a formé peut-être 200 chercheurs, je crois, sur ce sujet. C'est quoi l'impact aujourd'hui de la recherche ? Et donner cette définition, c'est aussi donner la capacité aux acteurs de penser leur projet un peu différemment. Donc c'est des outils de projection, le changement de culture, l'acculturation, la sensibilisation à ce concept-là et à l'évolution des métiers, et de la recherche et de la valorisation. Ce sont des outils aujourd'hui qui sont indispensables et qui ne sont pas encore partagés partout. Ensuite, il y a eu l'introduction au High Level Forum, où le High Level Forum, c'est... Je parle sous votre contrôle, Julien. C'est l'écosystème des écosystèmes d'innovation du CEA. Donc, c'est en gros tous les partenaires d'innovation. Je ne sais pas si vous voulez rajouter un petit mot.

  • Speaker #1

    Un réseau d'écosystèmes d'innovation internationale.

  • Speaker #0

    Oui, et qui est super d'abord parce que ça fait 25 ans qu'il existe. Ce sont des partenaires avec lesquels vous avez l'habitude de travailler. Il y a un côté très réduit. Donc, c'est vraiment comme un club privé finalement, qui est ouvert. Mais les gens se connaissent. Une taille qui est propice à l'écoute et au changement et à la discussion. Donc, ça, c'est hyper important en termes de communauté d'avoir une... une taille qui permet vraiment la vraie transformation. Et donc la première année, c'était il y a trois ans, nous étions intervenus à Tampere, en Finlande, pour faire une keynote sur... C'était plus d'inspiration, c'est quoi un petit peu l'éthique ou la philosophie d'une recherche responsable. Et ce qui était intéressant, c'est qu'il y a eu pas mal de succès, du coup, la deuxième année, l'année suivante, donc l'année dernière à Grenoble, on a fait deux tables rondes sur le sujet. Ça veut dire que déjà en un an, Souvent, la keynote c'est bien parce que ça veut dire qu'il y a un sujet qui monte. Et puis d'ailleurs qui a été transformée. Donc il y a eu deux tables rondes l'année suivante. Un sur l'évolution des métiers de la valorisation, de voir justement les équipes de Lavalot, comment ils entrevoient leur métier et comment justement ces nouveaux critères liés aux impacts sociétaux et environnementaux viennent enrichir la valorisation et accélérer le transfert. Et on a vu des acteurs comme Axelis par exemple, parce qu'au Québec, ils sont quand même plus avancés que nous dans la collaboration science-société. Et puis il y avait une deuxième table ronde vraiment plus sur l'impact, sur finalement c'est quoi l'impact, c'est quoi la définition et comment les gens... appréhende ce sujet. Et ce qui était intéressant aussi de voir sur cette table ronde là, c'était qu'il y avait des acteurs typiquement comme vous au CEA, qui utilisaient déjà des outils, des co-conceptions, d'ACV, donc on était vraiment au focus sur le projet. Il y avait des acteurs comme Tien Ho aux Pays-Bas qui sont plus dans comment la science peut être au service de la société, donc c'est comment des sciences plutôt SHS, donc sciences humaines et sociales, pouvaient produire des études pour fonder des politiques publiques. aux Pays-Bas, donc comment on pouvait légitimer des actions publiques basées sur des données produites par la science. Et il y avait un acteur comme Technalia, par exemple, en Espagne, qui est un des premiers, un des leaders, un des pionniers sur l'impact, qui, eux, ont une démarche vraiment très engagée, puisqu'ils se disent, nous, on veut être un acteur de la société, et du coup, notre job, c'est de produire de la connaissance qui va servir aux enjeux de société. Donc, eux, c'est vraiment au niveau et macro, et projet, qu'ils intègrent ces enjeux-là. Donc ça, c'était très intéressant de voir, déjà, la différence d'acception de l'impact. et la façon dont les acteurs l'intègrent et à quel niveau. Et puis, fort du succès de ces deux tables rondes, on avait décidé, à l'initiative de Julie Galland, on a lancé un groupe de travail qui réunissait 14 organisations qui composent le High Level Forum, avec à la fois des acteurs majeurs de la recherche, mais également des acteurs de financement, des acteurs de l'innovation. Et donc, avec 14 acteurs, on a déjà fait un benchmark de c'est quoi l'impact sociétal. Est-ce que c'est social ? Est-ce que c'est environnemental ? Pourquoi est-ce qu'il faut distinguer les deux ou pourquoi pas ? Donc on s'est mis d'accord sur une définition. La définition, c'est de dire que finalement, l'impact sociétal de la recherche et de l'innovation, pas que de la technologie, pas que de la science, parce que la recherche et l'innovation aujourd'hui, c'est un enjeu qui est précisément démocratique, donc qui ne doit pas se limiter aux acteurs académiques. Donc l'impact de la recherche et de l'innovation, ce sont toutes les conséquences qui peuvent être engendrées par un projet de recherche. Donc ça, c'était la définition. Et aujourd'hui, on essaie justement de mettre en place une boîte à outils. Donc, on a déjà commencé notre benchmark d'outils. Donc, qu'est-ce qu'on utilise ? À quel moment ? Comment ? Est-ce que c'est gratuit ? Est-ce qu'il faut être formé ? Est-ce que c'est facile d'accès, etc. ?

  • Speaker #1

    Oui, parce qu'il y a déjà des outils qui existent, mais qui sont peu ou pas utilisés, ou chacun dans son côté. L'idée, ce serait vraiment d'avoir une boîte à outils au niveau peut-être européen ou au niveau...

  • Speaker #0

    Même au niveau international.

  • Speaker #1

    Au niveau international.

  • Speaker #0

    Exactement. En fait, il y a plein d'outils qui existent. On en parlait, il y a la CV, il y a par exemple... Comme le TRL, qui est le Technical Readiness Level, qui permet d'évaluer la maturité technologique d'un projet, il y a des SRL, qui peuvent être S pour Sustainable ou Social, et chacun mesure des choses différentes. Donc là, l'objectif, c'est de dire finalement, il y a une boîte à outils, mais surtout, on va donner un guide pour dire aux acteurs de la recherche, selon vos besoins, est-ce que c'est en amont ? Est-ce que c'est pendant ? Est-ce que c'est à un moment donné ? Est-ce que c'est à postériori ? Quel est le besoin que vous avez ? Pourquoi ? Et en fonction de leurs besoins, faire une espèce d'arbre de décision et de leur pousser. les outils et leur expliquer en quoi c'est utile.

  • Speaker #1

    Pour conclure, quel rôle pensez-vous que des initiatives telles que la communauté Impact Sociétal du CEA pourraient avoir dans l'innovation dans les années à venir ?

  • Speaker #0

    Encore une fois, je pense que ces communautés sont d'utilité publique, mais c'est vraiment fondamental de commencer par ça. Déjà, la discussion est fondamentale. Je pense qu'il faut que les chercheurs sortent des labos et sortent aussi de la relation un peu trop binaire avec les industriels. Parce que c'est vrai qu'il y a aussi aujourd'hui une posture du chercheur qui dit finalement... Mon métier c'est la recherche, c'est ni la communication, ni la dissémination, ni le transfert. Il y a d'autres métiers qui ont été inventés, qui ont été mis en place, et des structures qui ont été mises en place pour faire le transfert. Et les chercheurs se cachent un peu derrière ça en disant « c'est pas mon travail de penser l'impact » . Alors ce qui est vrai, néanmoins ne pas se poser la question et ne pas y réfléchir, c'est aussi laisser à d'autres le soin de décider pour eux de l'impact de leur recherche. Et là il y a un risque, et là du coup il y a une responsabilité. Donc ces communautés permettent justement de créer du lien avec des acteurs. non académiques. Parce que la posture du chercheur, ça c'est un chercheur aussi qui me l'a dit un jour, qui m'a dit le problème des chercheurs c'est qu'ils sont intelligents, et donc ils pensent qu'eux seuls détiennent le savoir. Et donc ils ont du mal à penser la recherche hors secteur académique. Nous ce qu'on dit, et c'est ce que dit la Commission européenne, c'est que la recherche et l'innovation responsable c'est la collaboration. Pourquoi ? Parce qu'il y a des gens qui ont des savoirs que les chercheurs n'ont pas. Le chercheur va être spécialiste de son domaine, mais en revanche l'application et les applications possibles, il va pas les imaginer. Donc la rencontre avec des acteurs avec lesquels il n'a pas l'habitude de discuter, des gens qui vont lui faire remonter des besoins, des contraintes, des enjeux, ça va enrichir sa perspective, ça va peut-être lui permettre de pivoter. Et aujourd'hui, on voit bien, on a des startups deep tech qui vont pivoter soit leur business, soit leur techno au regard de l'impact qu'ils veulent avoir. Donc c'est important de se poser cette question-là et il y a beaucoup de chercheurs aussi qui disent qu'en amont, c'est impossible de prévoir. C'est vrai, et précisément, avoir une démarche comme la Commission le pousse, d'avoir un chemin vers l'impact, donc un impact pathway, qui est un tiers de la note des projets Réseau Europe, comme on le disait tout à l'heure, c'est une façon de structurer son projet en identifiant des partenaires sur des thématiques, et ça va permettre justement de se poser des questions qu'on n'a pas l'habitude de se poser. Donc ça fait peut-être un petit peu mal la première fois qu'on le fait, mais derrière c'est vraiment un outil stratégique de transfert, de développement de la science. d'application et de communication. Et aujourd'hui qu'on a quand même un vrai débat de société sur la science, on a quand même un recul de la science, on le voit aux États-Unis, mais même en France, il y a quand même une certaine défiance. Si la science ne sort pas de sa tour d'ivoire en mode c'est nous qui savons, et puis après la société n'a qu'à accepter, et puis s'il y a un problème d'acceptabilité, on mettra des petites études SHS pour essayer de déterminer comment faire adopter la société, il y a un côté très paternaliste à ça. La société, c'est pas... un enfant à qui on va donner des joujoux et on va leur dire c'est bien pour toi, il faut que tu les acceptes. Donc il faut qu'à un moment donné, on co-construise avec la société. Et la société a son mot à dire et sur les dépenses publiques et sur l'utilisation des ressources prioritaires. Donc cette question-là, elle doit se faire en collaboration. Voilà.

  • Speaker #1

    Merci Julie.

  • Speaker #0

    Avec plaisir, merci beaucoup.

Description

Comment intégrer l’impact sociétal dès la conception d’un projet ? Quels sont les leviers pour convaincre les acteurs économiques que l'innovation responsable est aussi une opportunité stratégique ? Pour répondre à ces questions, nous recevons Julie Jouvencel, Directrice Générale de SoScience, entreprise pionnière en Recherche et Innovation Responsable. Ancienne avocate d’affaires et entrepreneure engagée, elle partage avec nous sa vision de l'impact sociétal et les clés pour conjuguer responsabilité et innovation.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    La démographie, les boîtes de développement mettent en danger notre planète et ses apôtres. L'état vert. L'univers. L'univers. Peu importe le scénario, il faudra compter avec les forces les plus puissantes de notre époque.

  • Speaker #1

    L'écologie.

  • Speaker #0

    L'économie. Celles-ci doivent évoluer dans le sens d'un développement vertueux et attentif aux vivants et répondre aux besoins de nos personnes. Merci.

  • Speaker #1

    Bienvenue pour ce nouvel épisode d'Interface, le podcast de la communauté Impact Sociétal de la Direction de la Recherche Technologique du CEA, le podcast où la science et l'innovation rencontrent la société. Aujourd'hui, j'ai la chance d'accueillir Julie Jouvencel, directrice générale de SoScience, entreprise pionnière en matière de recherche et d'innovation responsable. Bonjour Julie.

  • Speaker #0

    Bonjour Julien.

  • Speaker #1

    Vous êtes donc directrice générale de SoScience depuis 2020, notamment en charge de la transformation numérique. Ancien avocate d'affaires passée par la finance et plusieurs fois entrepreneur, vous accompagnez depuis plus de 10 ans des acteurs privés et publics dans leur stratégie d'innovation et de transformation digitale. Votre parcours est marqué par la recherche d'impact social, avec un engagement fort sur les enjeux de biodiversité, de changement climatique et de justice sociale. Vous avez également évolué dans les médias et la production audiovisuelle. Diplômé de l'école du barreau de Grenoble en 2000 et titulaire d'un DEA de droit privé, Vous transmettez aussi votre expérience en accompagnant, depuis 2006, étudiants et entrepreneurs dans leur développement. Pour débuter, et comme avec chaque invité, pouvez-vous me dire quelle est votre définition personnelle de l'impact sociétal ?

  • Speaker #0

    En fait, ce qui est intéressant dans cette question, c'est que, quelles que soient les personnes à qui vous posez la question, on aura tous une définition différente. D'ailleurs, on pourra revenir sur le groupe de travail qu'on a fait, qu'on a co-dirigé avec le CEA, la DRT, dans le cadre du High Level Forum, pour justement... mettre à plat cette définition et se mettre d'accord sur ce qu'on entend par impact. Ce qui est intéressant également, c'est de voir que dans la recherche, le terme impact a déjà une connotation. C'est-à-dire que pour beaucoup, l'impact, c'est ce que je vais apporter à la société en révélant de la connaissance. Et dès lors, les chercheurs se disent, à partir du moment où je produis la connaissance en tant que chercheur, j'ai un impact. Encore cette semaine, la semaine dernière, je discutais avec un acteur du ministère qui me disait, par défaut, finalement, la recherche a un impact, par nature. Et ce qui est inquiétant dans ce prisme-là, qui est un petit peu limitatif, c'est de se dire finalement, quoi que je fasse, ça a un impact. Et du coup, ça pose la question de c'est quoi l'impact derrière ? Donc, pour répondre à votre question, l'impact en ce qui me concerne, la définition personnelle, j'ai envie de dire peu importe. Ce qui compte, c'est d'avoir une définition précisément unifiée. Et celle qu'on a définie avec le High Level Forum en 2024, c'est de dire que finalement, l'impact de la recherche et de l'innovation, ce sont toutes les conséquences d'un projet de recherche. à plus ou moins long terme. C'est-à-dire que c'est tous les changements qui vont intervenir par l'application de la recherche, que ce soit direct, indirect, positif ou négatif, que ce soit anticipé ou non anticipé. Et dans cette acception hyper large de ce qu'est l'impact, ça permet justement de se dire, en amont d'un projet de recherche, on n'est pas en capacité de se poser la question quel va être mon impact ? Mais dire je vais avoir de l'impact par définition, c'est se cacher un petit peu derrière son petit doigt pour se dire finalement, quoi que je fasse, ça a de l'impact, et peu importe quelles vont être les applications. Et c'est là le danger. C'est comme si on voulait faire finalement de la RSE, donc la responsabilité sociale des entreprises, sans mettre en place de reporting, sans mettre en place d'action pour améliorer ses actions, son activité, sans essayer de se poser la question de son portefeuille de produits. Finalement, faire de l'impact sans mettre en place des critères, sans transformer ses façons de faire, est-ce qu'on peut dire et garantir qu'on va avoir un impact ? Donc, pour répondre à votre question, Ce n'est pas la définition personnelle qui importe, c'est se mettre d'accord. Et surtout, quand on dit faire de l'impact, c'est s'aligner avec ce qu'on prétend vouloir faire, donc mettre en place des critères, s'aligner sur les actions qui vont permettre cet impact, et du coup structurer une démarche d'impact.

  • Speaker #1

    Donc, impact social, impact sociétal. Comment en êtes-vous venu à vous intéresser à la recherche et à l'innovation responsable, donc à ces questions d'impact sociétal des technologies ? Y a-t-il un événement, une rencontre qui a été déterminant dans votre parcours ?

  • Speaker #0

    Oui, alors la rencontre, elle est déterminante avec Mélanie Marcel, qui est la fondatrice de SoScience. Rapidement, pour parler de mon parcours, je venais plutôt de l'innovation. La recherche, je n'y connaissais rien avant d'arriver chez SoScience. L'innovation, en revanche, j'en ai toujours fait finalement. Je suis avocate de formation, j'ai commencé comme avocate et puis très vite, j'ai travaillé dans d'autres secteurs. La production audiovisuelle, à une époque où elle se transformait du point de vue digital, je débarquais donc dans un secteur que je ne connaissais pas, à une époque de révolution. Et ça permet quand vous êtes nouveau dans un secteur, précisément d'avoir un regard hyper neuf. Donc je suis devenue un peu experte en transformation digitale, en innovation, de façon pragmatique, parce que j'ai accompagné l'évolution d'un secteur qui se dépatouillait et qui avait du mal à se transformer, parce qu'il ne comprenait pas les nouveaux usages. Et quand vous arrivez de l'extérieur, finalement, c'est beaucoup plus facile d'apporter un regard neuf et de comprendre les mutations. Du coup, j'ai travaillé dans les médias pendant toute cette période de transformation digitale, c'était plutôt sur de l'innovation. Et puis en parallèle, j'avais également travaillé dans la finance, également dans l'innovation financière, à travers tous les mécanismes de titrisation. de financement structuré, et j'avais cofondé une institution de microfinance au Cameroun. Et donc pendant une dizaine d'années, j'avais un pied dans chaque secteur, un pied dans le secteur bancaire, dans la microfinance, avec finalement une évolution aussi du secteur, par le numérique, par les mobiles, etc. Et puis de l'autre, avec les médias qui se transformaient numériquement. Et dans le cadre de l'investissement en Afrique, je travaillais avec des fonds d'impact, moi je me coupais plutôt de la levée de fonds. Et du coup, je travaillais plutôt avec des fonds de fonds et des fonds à impact. Et c'est là que j'ai vu qu'il y avait des gens qui finançaient, puis derrière, qui accompagnaient les acteurs financés à se transformer. Et donc, j'étais dans ces connotations un petit peu d'impact. Mais la mesure d'impact de la microfinance, c'était la création d'entreprises, la création d'emplois, c'était la structuration de l'économie, parce que dans certains pays, on était dans des économies informelles. Donc là, pareil, l'impact avait une connotation très spécifique. Et de l'autre, je faisais de la communication, des médias, de l'innovation. Mais l'impact ne se posait absolument pas. Il y a eu un moment donné où il y avait une espèce de dichotomie entre ma jambe qui était dans l'innovation et le digital, et puis de l'autre, l'impact. Et finalement, je me suis dit, c'est marrant que l'impact ne soit pas partout. Parce que finalement, c'est considération de se dire l'innovation, à quoi ça sert ? Pourquoi dans les médias, on ne se pose pas la question quels sont les messages que je porte et à quoi ça va servir ? Et c'est vrai que moi, je travaillais plutôt finalement dans du marketing, dans des sujets de communication, où finalement, on était beaucoup sur la forme et peu dans le fond. Et donc j'ai voulu à un moment donné faire une espèce de convergence entre ces deux aspects qui sont l'innovation et puis l'impact. Alors il y a eu une première rencontre avec Elisabeth Laville, qui est la fondatrice du cabinet Utopique, un cabinet de RSE, et qui justement travaillait déjà, alors elle fait 25 ans qu'elle fait de la RSE, mais du coup il y avait déjà une évolution de la RSE il y a une dizaine d'années, qui allait vers l'innovation responsable. Donc finalement pour dire, la RSE ce n'est pas un silo, donc la responsabilité sociale et environnementale, donc l'impact pour les entreprises. Ça ne doit pas être vu comme simplement un département à part où on va faire de la compliance, donc du respect du réglementaire, etc. Mais c'est comment on transforme son marketing et donc sa stratégie, donc son offre de produits, pour en faire une entreprise qui est responsable et engagée sur un certain nombre de valeurs. Et du coup, cette innovation-là, elle restait quand même sur des modèles économiques, sur de la transformation produit, sur la transformation marketing. Et à un moment donné, j'ai rencontré Mélanie Marcel, qui elle, travaillait sur l'innovation au service de la recherche. Donc finalement, moi, la recherche, je ne connaissais pas tellement, mais j'avais tout cet environnement autour et j'avais pour habitude de créer des ponts entre différents secteurs. Donc en fait, la bascule recherche et innovation responsable, elle s'est faite avec la rencontre de Mélanie Marcel.

  • Speaker #1

    Et pouvez-vous nous en dire un petit peu plus sur Mélanie Marcel, sur son livre et sur SoScience également ?

  • Speaker #0

    Alors Mélanie Marcel, c'est une jeune entrepreneuse, c'est une entrepreneuse sociale, donc elle a eu pas mal de prix quand elle a créé sa société. Au départ, elle est ingénieure en neurosciences et elle travaillait sur les applications, un petit peu l'interaction homme-machine. Et elle était partie faire, je ne sais pas quel contrat, avec un opérateur de telco au Japon pour travailler sur les interactions homme-machine. Quand l'occasion d'une discussion avec son manager, elle s'est rendue compte que finalement, Une question qu'elle ne s'était jamais posée, c'est pourquoi ils avaient financé sa recherche. Et en fait, eux, leur sujet, c'était de dire, si demain, la télécommunication doit passer par une puce dans le cerveau, on veut être les premiers sur le marché. Et elle a eu finalement une espèce d'électrochoc en se disant, mais en fait, moi, quand on est chercheur, c'est vrai qu'on essaie de trouver de la connaissance, on essaie de révéler des choses, on essaie de produire du savoir, mais on ne se pose pas la question de savoir à quoi ça va servir. Et est-ce que moi, j'ai envie de m'engager dans de la production de savoir qui va finalement servir à faire des cyberpunks ? Peut-être que ce sera l'avenir de l'humanité, mais est-ce que moi j'ai envie de faire ça ? Est-ce que je me pose la question ? Et donc elle a eu une espèce d'épiphanie et donc elle a commencé à creuser la question. Elle a écrit un livre qui s'appelle « Science et l'impact social » . Et à travers ce livre, elle a interrogé des tas d'acteurs de la recherche, privés comme publics, des entreprises, des entrepreneurs sociaux, pour voir comment ils produisaient de la recherche, comment on produit de la connaissance et à quelle fin. Et ce qui était intéressant, et ce livre, je vous le recommande parce qu'il est vraiment passionnant, il y a plein d'anecdotes. Je vais vous en donner une, vraiment, parce que moi ça m'avait... Marqué, c'est finalement dans les années 70-80, il y avait une étude qui était sortie et qui révélait que la plupart des décès de fœtus dans le ventre de leur mère étaient dus à hauteur vraiment flagrante, supérieure à tout le reste, par des accidents de voiture. Donc ils se sont dit comment se fait-il que la cause principale des fœtus dans le ventre de leur mère, c'est dans les accidents de voiture. Et en creusant la question, ils se sont rendus compte simplement que la ceinture de sécurité n'a jamais été pensée pour des femmes enceintes. Et parce qu'on se retrouve dans un cas de figure où finalement on a des hommes ingénieurs qui résonnent entre hommes, et il n'y a pas un moment, une femme peut-être qui va dire « Eh les gars, est-ce que vous avez pensé que peut-être une femme enceinte, il ne va pas falloir que la ceinture fonctionne de la même façon ? » Donc en fait, toute sa réflexion part de là. C'est que si la diversité au niveau de la recherche n'est pas dès l'amont de la question scientifique, dès les premières réflexions, on peut se priver finalement. d'un certain nombre de points de vue qui vont enrichir la réflexion.

  • Speaker #1

    Donc Mélanie Marcel a créé sa société en 2012. Qu'est-ce que vous pouvez nous décrire un petit peu SoScience ? Qu'est-ce que vous faites, vos actions concrètement ?

  • Speaker #0

    Alors au début, SoScience, c'était il me semble une association, parce que moi ça ne fait que cinq ans que j'ai rejoint la boîte. Alors je crois qu'elle a été fondée en 2014. Mais au début, c'était une association. Et puis très vite, il y a des entreprises qui ont dit « Ah mais c'est intéressant votre prisme, effectivement, ça nous intéresse. » Donc les premières missions de conseil... C'était avec des acteurs type Air Liquide ou Renault, donc on est vraiment sur des gros industriels avec des capacités de R&D, qui se disent finalement, est-ce que le prisme de l'impact peut m'ouvrir des opportunités de marché ? Est-ce que si j'ai une grille de critères qui m'ouvre des horizons, je vais pouvoir penser mon produit différemment ? Donc les premières missions qu'on a faites, c'était effectivement ça, avec des grilles, des matrices un peu basiques, de par exemple, on continue à utiliser ce type d'outils, mais c'est de dire, si je prends tous les objectifs de développement durable, il y en a 17, Que moi, avec mes actifs, ma capacité à faire, ma chaîne de valeur, si je me dis, tiens, je vais répondre à tel ou tel SDG, enfin, pardon, des objectifs de développement durable, donc Sustainable Development Goals en anglais, donc quand je dis SDG, c'est l'acronyme, est-ce que je vais pouvoir avoir d'autres idées ? Et en fait, ils font x10 en termes d'idées. Donc c'est un outil, un pacte d'ouverture des horizons un peu technologiques. Et ça permet aussi d'aligner la recherche et l'innovation à des enjeux existants qui sont nommés, qui sont définis, dont on attend des réponses. et auxquels on s'imagine que la technologie, la recherche et l'innovation vont pouvoir apporter des réponses.

  • Speaker #1

    Concrètement aujourd'hui, qui vient vous voir ? Qu'est-ce que vous proposez ? Comment ça se passe ?

  • Speaker #0

    Notre métier, c'est vraiment de créer des ponts entre différents acteurs, de la recherche, de l'innovation. On travaille aussi bien pour des acteurs publics. Par exemple, on a travaillé pour le gouvernement des Seychelles sur une problématique de collecte des plastiques sur les littoraux. Évidemment, sur une île, vous n'avez pas toute la technologie et toutes les expertises et les débouchés nécessaires pour traiter ce sujet. Comment on fait pour aller monter un écosystème spécifique, pour régler un problème spécifique, avec des acteurs qui ne sont pas sur le territoire, mais pour un enjeu territorial ? Donc ça peut être des acteurs qui nous sollicitent, qui sont des acteurs publics, ça peut être des entreprises industrielles qui veulent innover, et c'est également le cas pour des universités ou des acteurs de la recherche qui veulent accélérer le transfert de leurs chercheurs vers des enjeux sociétaux. Donc on a trois types d'acteurs. Donc on a plusieurs... activités. La première, c'est de monter ces écosystèmes-là. Donc, on a une méthode qui s'appelle The Future Off, qui a été reconnue par l'ONU comme bonne pratique en faveur des objectifs de développement durable en 2021 et qui est finalement une méthode encadrée, timée. Donc, ça dure six mois pour monter un écosystème et puis six mois pour lancer des consortiums. Là, je vous donne un exemple. On travaille avec l'Université Paris Sciences et Lettres, PSL. Ils veulent travailler, à la demande de leurs chercheurs et d'écoles d'architectes qui font partie de l'université PSL, sur les nouveaux matériaux. On appelle aussi les métamatériaux ou les matériaux structurés, qui ont des propriétés spécifiques à base d'ondes et qui permettent d'avoir des applications, que ce soit en termes de mode durable, en termes d'urbanisme, de construction durable, qui peuvent aussi avoir un effet sur la pollution de l'air. ou la pollution même de l'eau. Donc en fait, c'est des matériaux qui vont avoir des propriétés différentes. Comment ces matériaux-là peuvent être pensés et utilisés pour optimiser la circularité dans ces secteurs ? Donc nous, l'enjeu qu'on calibre, il va être autour de l'impact, mais on va aller chercher des acteurs qui sont à la fois des chercheurs, des start-up, des architectes, des designers, des cabinets conseils, des politipubes, des acteurs de la ville. Et en fait, on les réunit ensemble pour qu'ils puissent monter des consortiums et des expérimentations. Donc ce premier métier, c'est vraiment, je monte un écosystème autour d'une thématique. qui est multi-acteur, qui est transdisciplinaire, et je vais favoriser la création de projets, parce qu'aujourd'hui, sur la plupart des enjeux d'impact, précisément, on ne peut pas y arriver seul. Donc comment on fait pour aller chercher des acteurs avec lesquels on n'a pas l'habitude de travailler ? En recherche, on a beaucoup besoin de confiance, on a besoin de discuter rapidement de propriétés intellectuelles. Donc nous, en fait, ce qu'on a fait, c'est arriver à engager les gens rapidement, pour qu'ils se fassent confiance rapidement, et qu'on puisse accélérer aussi le process de recherche. Et la deuxième activité qu'on a, qu'on vient de lancer, C'est finalement... Il y a de plus en plus de chercheurs qui sont intéressés par l'impact et qui veulent donc comprendre un petit peu comment on qualifie son impact et sortir des critères un peu classiques qui sont nombre de publications, brevets, etc. Et du coup, on s'est rendu compte qu'à part ces chercheurs-là qui demandent et qui sont demandeurs, la plupart des acteurs n'ont pas forcément de besoins urgents. pour lesquels l'impact est vu comme un outil. En revanche, ceux qui ont un outil, c'est ceux qui vont chercher de l'argent au niveau des fonds européens, de la recherche, notamment Horizon Europe. Il y a de plus en plus d'opérateurs français, type ANR, BPI, etc., qui demandent qu'on qualifie l'impact de son projet. Et chez Sociens, on nous sollicite souvent pour être évaluateurs. Donc on lit un tas de projets et on se rend compte à quel point les chercheurs ne savent pas qualifier leur impact. Et d'ailleurs, ils le disent. Un, ce n'est pas mon boulot. Deux, comment voulez-vous qu'on dise à l'avance quel impact ça va avoir ? On n'en a aucune idée. Et donc il y a des outils qui existent, et notamment un outil développé par la Commission européenne qui s'appelle l'Impact Passway, qui permet justement ex ante de définir un peu et de cadrer l'impact qu'on va avoir. Et aujourd'hui ça, ça coûte pour un tiers de la note dans les financements européens. Donc pour ces gens qui ont besoin, ces porteurs de projets qui ont besoin d'aller chercher de l'argent au niveau européen, cette activité, en fait on a digitalisé notre expertise et on a un petit outil pratique qui guide pas à pas les chercheurs pour qu'ils se posent les bonnes questions au bon moment, qu'ils identifient, qu'ils structurent bien leurs problèmes. qu'ils identifient les bénéficiaires, les parties prenantes, et qu'ils élargissent un petit peu. Donc aujourd'hui, un chercheur, demain, ne peut pas se contenter d'avoir une bonne idée et d'être excellent au niveau scientifique. Il faut de toute façon qu'il puisse déterminer un petit peu quel va être son plan de dissémination et d'exploitation, pour favoriser le transfert. Ça déjà, ils ont tendance à dire, c'est pas notre job, c'est le job des équipes Valo, de valorisation et de transfert. Et maintenant, on leur demande en plus d'anticiper, en tout cas de prévoir et d'avoir une espèce de projection sur l'impact. Et pourquoi c'est important ? C'est parce que les évaluateurs vont privilégier le financement de projets qui sont alignés avec les objectifs de l'Europe ou avec les objectifs d'une ville. Donc en fait, quand vous répondez à un appel à projet de financement, si vous n'êtes pas aligné avec l'objectif qui est derrière le financeur, vous serez discriminé par rapport à des projets qui y répondent. Donc comment on arrive, d'un point de vue tech, à démontrer finalement que ce qu'on va produire va pouvoir avoir un impact sur la résolution du problème ?

  • Speaker #1

    Justement, quels sont les leviers ? concret pour intégrer l'impact sociétal dès la phase de conception d'un projet technologique et scientifique ? Et plus largement, comment vous voyez évoluer la question de l'impact sociétal, justement, depuis une dizaine d'années ? Est-ce que c'est quelque chose qui est de plus en plus intégré ? Est-ce que c'est juste pour un peu faire du impact washing, on va dire ? Comment vous voyez les choses ?

  • Speaker #0

    Alors, c'est assez partagé parce que il y a effectivement eu beaucoup d'impact washing et il y a eu une grosse évolution, notamment jusqu'à l'année dernière, on a vu quand même que c'est une accélération du sujet. et dans les financements, et parmi les chercheurs, les acteurs de la valorisation, etc. Il y a eu une demande vraiment qui vient du terrain. La difficulté, c'est qu'aujourd'hui, finalement, même si dans les investissements et dans les financements, on exige d'avoir cet objectif, il est mal mesuré, il est mal évolué. Donc tant qu'il n'y a pas une vraie contrainte qui pèse sur les opérateurs, il n'y aura pas vraiment de changement. Malheureusement, aujourd'hui, l'être humain est comme ça, on a besoin d'avoir une carotte, et la carotte, c'est le financement. Donc si, là aujourd'hui, on... On détermine, mais nous on voit parfois passer des... Au niveau européen, ils sont de plus en plus exigeants, mais au niveau national, on voit bien que les critères ne sont pas forcément rédhibitoires. C'est-à-dire que vous pouvez avoir un bon projet, si l'impact n'est pas ouf, ce ne sera pas déterminant pour refuser un projet, alors que ça devrait être le cas. Pourquoi la question se pose aujourd'hui ? Parce que finalement, demain, il n'y aura pas de matière première pour tout le monde, il y aura des coûts, il y a des coûts énergétiques, il y a des coûts de pollution, c'est-à-dire que ce n'est pas parce que vous développez une technologie, par exemple santé, qu'elle n'a pas à avoir un coût sur... je dis n'importe quoi parce que ce n'est pas forcément lié, mais sur la biodiversité. Donc finalement, si demain on doit choisir où on emploie les fonds publics, il est normal que ces décisions soient prises justement par les opérateurs publics pour avoir une espèce d'acception, une compréhension du projet avec un prisme et long terme et holistique. Donc ces sujets sont importants. Il y a beaucoup de chercheurs aussi qui vous disent, et beaucoup à la fois d'opérateurs de la recherche et d'industriels, qui mettent de plus en plus, ils vous disent, l'impact est au cœur de tout. Évidemment, il y a eu la CSDR qui a fait beaucoup évoluer les choses. C'est la directive européenne pour finalement évaluer son reporting sur la carbonation des activités. Donc un, il y a un prisme très carbone, qui n'est pas tout. Il y a beaucoup de sujets qui sont liés aux autres limites planétaires. Il y a d'autres sujets qui ne sont pas pris en compte par cette CSDR. Et puis aujourd'hui, c'est vécu plus qu'à part une contrainte et financière et en ressources humaines par les entreprises. Et surtout, ces enjeux-là de RSE, on va les appeler encore RSE, mais ce n'est pas la bonne terminologie, ne sont pas du tout transformées dans les pratiques de recherche et de développement. On parle beaucoup d'éco-conception, d'éco-innovation, ce qui est déjà bien, mais ça ne suffit pas non plus. Il y a aussi beaucoup d'outils comme les ACV, donc l'analyse du cycle de vie, qui est très bien évidemment, mais qui ne peut pas s'appliquer à tous les projets, qui coûte de l'argent. Parce que souvent, il faut le faire auditer de façon externe, parce que sinon, ça n'a pas une grande valeur. Donc, ça a un coût, donc on ne peut pas le faire tout le temps et surtout, on ne peut pas le faire en amont. Donc, ce qu'on a aussi mis en place avec le groupe de travail du CE1 et de la DRT, c'est de se dire, finalement, il faut qu'on arrive à avoir une boîte à outils pour pouvoir donner aux porteurs de projets des outils pour dire en amont, en continu et à un moment de clé, comment on évalue son impact. Et tant que ça, ce ne sera pas transformé et systématique. Ben finalement, ça ralentit un petit peu la transformation complète des process de recherche et de développement en faveur d'un impact sociétal, en tout cas pas garanti, mais en tout cas qui est suivi.

  • Speaker #1

    On parle beaucoup de contraintes, contraintes financières notamment, mais comment convaincre les acteurs économiques et industriels qu'innover de manière responsable est aussi une opportunité stratégique ?

  • Speaker #0

    Alors ça, c'est vraiment la clé du problème. Alors d'abord, il y a des gens qui commencent à réfléchir là-dessus pour essayer de valoriser. les projets impact et puis de dire finalement quand on met un euro dans une innovation responsable, elle va rapporter plus qu'une innovation qui ne l'est pas. Donc il y a pas mal d'initiatives qui se font. Il y a des masters. Aujourd'hui, nous, on est contactés régulièrement par des chercheurs qui analysent ça pour pouvoir justement donner des chiffres, pouvoir convaincre les gens parce que c'est encore une fois, c'est l'argent qui va motiver et de leur dire finalement pourquoi c'est un intérêt. En attendant qu'on puisse avoir des chiffres clés et qui convainquent les décideurs qu'effectivement, l'innovation responsable a du sens, aujourd'hui, on travaille plutôt nous dans une espèce de gestion de risque, en fait dans un prisme de gestion de risque. Les innovations qui sortent, qui ont coûté parfois des centaines de millions d'euros, des années de développement, si à un moment donné quand ça sort sur le marché, vous avez une association, vous avez un terrain d'expérimentation qui va dégénérer, et finalement vous allez avoir une issue, enfin un sujet d'acceptabilité sociétale. Votre innovation, elle va capoter ou elle va prendre du retard. Donc finalement, L'impact environnemental, sociétal, si vous ne vous posez pas la question le plus en amont possible, vous risquez à la sortie d'avoir non seulement la question qui se pose, mais des postures un petit peu politiques, des postures d'émotion, parce que les gens n'ont pas été concertés. Ce prisme-là, il peut être d'abord sur ce qu'on appelle le go-to-market, c'est-à-dire comment mon innovation va être acceptée par la société. Et puis ça peut être tout simplement aussi de la gestion de risque, au sens chaîne d'approvisionnement des matières premières, accessibilité aux ressources. Aujourd'hui, on sait que... Il y a des questions de souveraineté, on sait qu'il y a des questions d'accessibilité aux matières premières. Donc si ça, vous ne l'anticipez pas dans la capacité à produire, vous ne posez pas des questions de low-tech, vous ne vous dites pas, tiens, est-ce qu'il y a des alternatives qui seront peut-être moins coûteuses ? Est-ce qu'il y a des alternatives à ces matériaux qui sont dans des secteurs où on pourra encore aller taper dedans, parce que ce n'est pas dans des régions où on n'a pas la souveraineté ? Si ces questions-là ne sont pas abordées en amont, elles le seront tôt ou tard, et peut-être de façon plutôt critique. pas un moteur, à part pour les plus engagés, mais il faut que ce soit vu comme un outil de gestion de risque, du développement et du transfert de la recherche.

  • Speaker #1

    Vous avez parlé de votre collaboration avec le CEA, la direction de la recherche technologique du CEA, notamment dans le cadre du High Level Forum. Pouvez-vous nous expliquer un petit peu comment ça s'est passé, la genèse ? Et concrètement, qu'est-ce qui s'est passé ? Qu'est-ce qui se passe ?

  • Speaker #0

    Alors déjà, le CEA, en tout cas la DRT, il y a la communauté de l'impact sociétal, qui a été l'initiative de la DRT et menée, je crois, en interne par Michel Lida, il me semble, notamment. Donc, qui est déjà une communauté qui permet d'aller chercher des acteurs non académiques pour pouvoir échanger. Donc, chaque année, ils font quand même cet événement où on échange avec des acteurs non académiques et puis on aborde des sujets qui ne sont pas... le cœur de l'activité du chercheur. Donc ça, c'est déjà un premier outil, je pense, de transformation qui est très propre au CEA et que je félicite parce qu'il est plutôt rare. On est rentré dans cet univers-là, dans cette communauté et progressivement, en fait, on a échangé avec les acteurs. On a fait des formations, que ce soit dans les différents instituts du CEA. Donc, on a, nous, partagé notre expertise de l'impact parce qu'il y avait des besoins, vraiment. On a formé peut-être 200 chercheurs, je crois, sur ce sujet. C'est quoi l'impact aujourd'hui de la recherche ? Et donner cette définition, c'est aussi donner la capacité aux acteurs de penser leur projet un peu différemment. Donc c'est des outils de projection, le changement de culture, l'acculturation, la sensibilisation à ce concept-là et à l'évolution des métiers, et de la recherche et de la valorisation. Ce sont des outils aujourd'hui qui sont indispensables et qui ne sont pas encore partagés partout. Ensuite, il y a eu l'introduction au High Level Forum, où le High Level Forum, c'est... Je parle sous votre contrôle, Julien. C'est l'écosystème des écosystèmes d'innovation du CEA. Donc, c'est en gros tous les partenaires d'innovation. Je ne sais pas si vous voulez rajouter un petit mot.

  • Speaker #1

    Un réseau d'écosystèmes d'innovation internationale.

  • Speaker #0

    Oui, et qui est super d'abord parce que ça fait 25 ans qu'il existe. Ce sont des partenaires avec lesquels vous avez l'habitude de travailler. Il y a un côté très réduit. Donc, c'est vraiment comme un club privé finalement, qui est ouvert. Mais les gens se connaissent. Une taille qui est propice à l'écoute et au changement et à la discussion. Donc, ça, c'est hyper important en termes de communauté d'avoir une... une taille qui permet vraiment la vraie transformation. Et donc la première année, c'était il y a trois ans, nous étions intervenus à Tampere, en Finlande, pour faire une keynote sur... C'était plus d'inspiration, c'est quoi un petit peu l'éthique ou la philosophie d'une recherche responsable. Et ce qui était intéressant, c'est qu'il y a eu pas mal de succès, du coup, la deuxième année, l'année suivante, donc l'année dernière à Grenoble, on a fait deux tables rondes sur le sujet. Ça veut dire que déjà en un an, Souvent, la keynote c'est bien parce que ça veut dire qu'il y a un sujet qui monte. Et puis d'ailleurs qui a été transformée. Donc il y a eu deux tables rondes l'année suivante. Un sur l'évolution des métiers de la valorisation, de voir justement les équipes de Lavalot, comment ils entrevoient leur métier et comment justement ces nouveaux critères liés aux impacts sociétaux et environnementaux viennent enrichir la valorisation et accélérer le transfert. Et on a vu des acteurs comme Axelis par exemple, parce qu'au Québec, ils sont quand même plus avancés que nous dans la collaboration science-société. Et puis il y avait une deuxième table ronde vraiment plus sur l'impact, sur finalement c'est quoi l'impact, c'est quoi la définition et comment les gens... appréhende ce sujet. Et ce qui était intéressant aussi de voir sur cette table ronde là, c'était qu'il y avait des acteurs typiquement comme vous au CEA, qui utilisaient déjà des outils, des co-conceptions, d'ACV, donc on était vraiment au focus sur le projet. Il y avait des acteurs comme Tien Ho aux Pays-Bas qui sont plus dans comment la science peut être au service de la société, donc c'est comment des sciences plutôt SHS, donc sciences humaines et sociales, pouvaient produire des études pour fonder des politiques publiques. aux Pays-Bas, donc comment on pouvait légitimer des actions publiques basées sur des données produites par la science. Et il y avait un acteur comme Technalia, par exemple, en Espagne, qui est un des premiers, un des leaders, un des pionniers sur l'impact, qui, eux, ont une démarche vraiment très engagée, puisqu'ils se disent, nous, on veut être un acteur de la société, et du coup, notre job, c'est de produire de la connaissance qui va servir aux enjeux de société. Donc, eux, c'est vraiment au niveau et macro, et projet, qu'ils intègrent ces enjeux-là. Donc ça, c'était très intéressant de voir, déjà, la différence d'acception de l'impact. et la façon dont les acteurs l'intègrent et à quel niveau. Et puis, fort du succès de ces deux tables rondes, on avait décidé, à l'initiative de Julie Galland, on a lancé un groupe de travail qui réunissait 14 organisations qui composent le High Level Forum, avec à la fois des acteurs majeurs de la recherche, mais également des acteurs de financement, des acteurs de l'innovation. Et donc, avec 14 acteurs, on a déjà fait un benchmark de c'est quoi l'impact sociétal. Est-ce que c'est social ? Est-ce que c'est environnemental ? Pourquoi est-ce qu'il faut distinguer les deux ou pourquoi pas ? Donc on s'est mis d'accord sur une définition. La définition, c'est de dire que finalement, l'impact sociétal de la recherche et de l'innovation, pas que de la technologie, pas que de la science, parce que la recherche et l'innovation aujourd'hui, c'est un enjeu qui est précisément démocratique, donc qui ne doit pas se limiter aux acteurs académiques. Donc l'impact de la recherche et de l'innovation, ce sont toutes les conséquences qui peuvent être engendrées par un projet de recherche. Donc ça, c'était la définition. Et aujourd'hui, on essaie justement de mettre en place une boîte à outils. Donc, on a déjà commencé notre benchmark d'outils. Donc, qu'est-ce qu'on utilise ? À quel moment ? Comment ? Est-ce que c'est gratuit ? Est-ce qu'il faut être formé ? Est-ce que c'est facile d'accès, etc. ?

  • Speaker #1

    Oui, parce qu'il y a déjà des outils qui existent, mais qui sont peu ou pas utilisés, ou chacun dans son côté. L'idée, ce serait vraiment d'avoir une boîte à outils au niveau peut-être européen ou au niveau...

  • Speaker #0

    Même au niveau international.

  • Speaker #1

    Au niveau international.

  • Speaker #0

    Exactement. En fait, il y a plein d'outils qui existent. On en parlait, il y a la CV, il y a par exemple... Comme le TRL, qui est le Technical Readiness Level, qui permet d'évaluer la maturité technologique d'un projet, il y a des SRL, qui peuvent être S pour Sustainable ou Social, et chacun mesure des choses différentes. Donc là, l'objectif, c'est de dire finalement, il y a une boîte à outils, mais surtout, on va donner un guide pour dire aux acteurs de la recherche, selon vos besoins, est-ce que c'est en amont ? Est-ce que c'est pendant ? Est-ce que c'est à un moment donné ? Est-ce que c'est à postériori ? Quel est le besoin que vous avez ? Pourquoi ? Et en fonction de leurs besoins, faire une espèce d'arbre de décision et de leur pousser. les outils et leur expliquer en quoi c'est utile.

  • Speaker #1

    Pour conclure, quel rôle pensez-vous que des initiatives telles que la communauté Impact Sociétal du CEA pourraient avoir dans l'innovation dans les années à venir ?

  • Speaker #0

    Encore une fois, je pense que ces communautés sont d'utilité publique, mais c'est vraiment fondamental de commencer par ça. Déjà, la discussion est fondamentale. Je pense qu'il faut que les chercheurs sortent des labos et sortent aussi de la relation un peu trop binaire avec les industriels. Parce que c'est vrai qu'il y a aussi aujourd'hui une posture du chercheur qui dit finalement... Mon métier c'est la recherche, c'est ni la communication, ni la dissémination, ni le transfert. Il y a d'autres métiers qui ont été inventés, qui ont été mis en place, et des structures qui ont été mises en place pour faire le transfert. Et les chercheurs se cachent un peu derrière ça en disant « c'est pas mon travail de penser l'impact » . Alors ce qui est vrai, néanmoins ne pas se poser la question et ne pas y réfléchir, c'est aussi laisser à d'autres le soin de décider pour eux de l'impact de leur recherche. Et là il y a un risque, et là du coup il y a une responsabilité. Donc ces communautés permettent justement de créer du lien avec des acteurs. non académiques. Parce que la posture du chercheur, ça c'est un chercheur aussi qui me l'a dit un jour, qui m'a dit le problème des chercheurs c'est qu'ils sont intelligents, et donc ils pensent qu'eux seuls détiennent le savoir. Et donc ils ont du mal à penser la recherche hors secteur académique. Nous ce qu'on dit, et c'est ce que dit la Commission européenne, c'est que la recherche et l'innovation responsable c'est la collaboration. Pourquoi ? Parce qu'il y a des gens qui ont des savoirs que les chercheurs n'ont pas. Le chercheur va être spécialiste de son domaine, mais en revanche l'application et les applications possibles, il va pas les imaginer. Donc la rencontre avec des acteurs avec lesquels il n'a pas l'habitude de discuter, des gens qui vont lui faire remonter des besoins, des contraintes, des enjeux, ça va enrichir sa perspective, ça va peut-être lui permettre de pivoter. Et aujourd'hui, on voit bien, on a des startups deep tech qui vont pivoter soit leur business, soit leur techno au regard de l'impact qu'ils veulent avoir. Donc c'est important de se poser cette question-là et il y a beaucoup de chercheurs aussi qui disent qu'en amont, c'est impossible de prévoir. C'est vrai, et précisément, avoir une démarche comme la Commission le pousse, d'avoir un chemin vers l'impact, donc un impact pathway, qui est un tiers de la note des projets Réseau Europe, comme on le disait tout à l'heure, c'est une façon de structurer son projet en identifiant des partenaires sur des thématiques, et ça va permettre justement de se poser des questions qu'on n'a pas l'habitude de se poser. Donc ça fait peut-être un petit peu mal la première fois qu'on le fait, mais derrière c'est vraiment un outil stratégique de transfert, de développement de la science. d'application et de communication. Et aujourd'hui qu'on a quand même un vrai débat de société sur la science, on a quand même un recul de la science, on le voit aux États-Unis, mais même en France, il y a quand même une certaine défiance. Si la science ne sort pas de sa tour d'ivoire en mode c'est nous qui savons, et puis après la société n'a qu'à accepter, et puis s'il y a un problème d'acceptabilité, on mettra des petites études SHS pour essayer de déterminer comment faire adopter la société, il y a un côté très paternaliste à ça. La société, c'est pas... un enfant à qui on va donner des joujoux et on va leur dire c'est bien pour toi, il faut que tu les acceptes. Donc il faut qu'à un moment donné, on co-construise avec la société. Et la société a son mot à dire et sur les dépenses publiques et sur l'utilisation des ressources prioritaires. Donc cette question-là, elle doit se faire en collaboration. Voilà.

  • Speaker #1

    Merci Julie.

  • Speaker #0

    Avec plaisir, merci beaucoup.

Share

Embed

You may also like