Poil de cheveu cover
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INTERSTICES

Poil de cheveu

Poil de cheveu

10min |19/06/2022
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INTERSTICES

Poil de cheveu

Poil de cheveu

10min |19/06/2022
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Description

Ça ne tient à pas grand-chose des fois, l’humanité.  


Je tire ma valise à roulettes dans le sous-sol d'une grande gare parisienne. 

C'est la transhumance estivale. J'avance doucement en direction du métro, dans un couloir bondé de familles aux bagages volumineux. 

Soudain, choqué et surpris, un géant que je n'ai pas entendu venir m'a doublé en courant, le grand sac de sport sur son épaule me heurtant brutalement. J'ai eu peur, mais ça va. Ni excuse, ni déviation, il fonce en forçant et bousculant tout sans retenue sur son passage. Pas un mot ne sort de sa bouche, mais tout son corps exprime
la colère. 

En accédant à l'escalier mécanique surplombant le quai, je l'observe, bloqué au beau milieu des marches, derrière le mur de valises d'un petit groupe d'américains. Impossible de passer. Il hurle, et sa rage s'amplifie à la lenteur de la descente, tandis que la rame qu'il ne peut plus que manquer arrive à quai. Les secondes passent, il éructe, le métro sonne, ferme ses portes et repart à peu près au moment où il parvient à se dégager. 

Encore un court instant et j'arrive derrière. Je dois dépasser l'énergumène devenu la violence incarnée, pestant en déambulant sur toute la largeur du quai, les mâchoires serrées entre deux jurons et ses grands poings fermés boxant l'air confiné de la station. 

Jeune, immense, il dégage beaucoup de force, une boule d'énergie incontrôlée qui en impose. Peu téméraire, je le contourne avec précaution et vais m'asseoir un peu plus loin, sur une brochette de sièges fraîchement vidée. 

Le tableau annonce cinq minutes avant la prochaine rame. Le bonhomme a terminé sa danse et voilà qu'il se dirige vers moi. Il y a des sièges de libres à droite, mais non, c'est celui que j'ai laissé juste à ma gauche qu'il choisit. Quatre minutes à tenir. Je me promets de ne faire quoi que ce soit qui attire son attention, rien qu'il risquerait de prendre pour une provocation, car certes, il s'est assis, mais l'irruption volcanique est loin d'être tarie. Il sue et ne fait que jurer. 

« Cool ! Tout va bien se passer. » 

Je me concentre sur mon souffle, comme je le fais souvent pour que la contagion se fasse dans le bon sens, entre paix intérieure et chaos externe. J'y crois. 

3 minutes. 

Le gars entreprend d'évacuer son énergie en imprimant un puissant rythme nerveux à son genou gauche. De la barrette des sièges, tous suivent le même mouvement
solidaire et me voilà secoué, vibré de multiples soubresauts. « Passivité, patience. Admettons, acceptons. Il n'y en a pas pour longtemps ». 

J'ai vraiment pensé que j'allais y arriver, jusqu'à m'apercevoir avec stupéfaction du dédoublement complet de ma tête, espérant la sagesse, et de mon corps qui m'atterre de le voir jouer seul sa partition. 

Depuis mon trampoline, je suis incapable de réfréner l'inclination tranquille de mes épaules et de mon visage pour me tourner vers lui sans complexe. 

Et, bingo ! Il ne se passe pas une seconde pour que ses yeux furieux se plantent dans les miens et qu'il vomisse sur moi son énergie enrouée, dans ce que j'interprète qu'il me dit en substance : « Quoi ? Qu'est-ce t'as toi ? Qu'est-ce tu veux ? ». 

Je me sens empêtré pour chercher ce que je pourrais bien lui répondre, sans me douter que mon libre arbitre va de nouveau m'échapper, et c'est encore avec stupeur que je m'entends dire d'une voix absolument calme et maîtrisée : « Rien d'assez important pour qu'on se dispute ! ». Wow, je n'aurais pas imaginé mieux ! Il me regarde, peut-être aussi hébété que je le suis moi-même, en tout cas éteint. Il a besoin de deux ou trois secondes pour se refaire.

(...)

 ---  

Texte déposé : ©Renaud Soubise

Musique : ©Ma Musique Libre - No Copyright| Cinematic Epic Background Music | Free Background Music | Royalty Free | Audio Instore, Licence de paternité Creative Commons
// Musique Action Epique - Action Strike, Rafael Krux // Sound-fishing - bruitages metro-1sation-loop ; MrKey_Cornflakes-Memories_LMK ; Le-vagabond-et-le-marginal_LMK

Description

Ça ne tient à pas grand-chose des fois, l’humanité.  


Je tire ma valise à roulettes dans le sous-sol d'une grande gare parisienne. 

C'est la transhumance estivale. J'avance doucement en direction du métro, dans un couloir bondé de familles aux bagages volumineux. 

Soudain, choqué et surpris, un géant que je n'ai pas entendu venir m'a doublé en courant, le grand sac de sport sur son épaule me heurtant brutalement. J'ai eu peur, mais ça va. Ni excuse, ni déviation, il fonce en forçant et bousculant tout sans retenue sur son passage. Pas un mot ne sort de sa bouche, mais tout son corps exprime
la colère. 

En accédant à l'escalier mécanique surplombant le quai, je l'observe, bloqué au beau milieu des marches, derrière le mur de valises d'un petit groupe d'américains. Impossible de passer. Il hurle, et sa rage s'amplifie à la lenteur de la descente, tandis que la rame qu'il ne peut plus que manquer arrive à quai. Les secondes passent, il éructe, le métro sonne, ferme ses portes et repart à peu près au moment où il parvient à se dégager. 

Encore un court instant et j'arrive derrière. Je dois dépasser l'énergumène devenu la violence incarnée, pestant en déambulant sur toute la largeur du quai, les mâchoires serrées entre deux jurons et ses grands poings fermés boxant l'air confiné de la station. 

Jeune, immense, il dégage beaucoup de force, une boule d'énergie incontrôlée qui en impose. Peu téméraire, je le contourne avec précaution et vais m'asseoir un peu plus loin, sur une brochette de sièges fraîchement vidée. 

Le tableau annonce cinq minutes avant la prochaine rame. Le bonhomme a terminé sa danse et voilà qu'il se dirige vers moi. Il y a des sièges de libres à droite, mais non, c'est celui que j'ai laissé juste à ma gauche qu'il choisit. Quatre minutes à tenir. Je me promets de ne faire quoi que ce soit qui attire son attention, rien qu'il risquerait de prendre pour une provocation, car certes, il s'est assis, mais l'irruption volcanique est loin d'être tarie. Il sue et ne fait que jurer. 

« Cool ! Tout va bien se passer. » 

Je me concentre sur mon souffle, comme je le fais souvent pour que la contagion se fasse dans le bon sens, entre paix intérieure et chaos externe. J'y crois. 

3 minutes. 

Le gars entreprend d'évacuer son énergie en imprimant un puissant rythme nerveux à son genou gauche. De la barrette des sièges, tous suivent le même mouvement
solidaire et me voilà secoué, vibré de multiples soubresauts. « Passivité, patience. Admettons, acceptons. Il n'y en a pas pour longtemps ». 

J'ai vraiment pensé que j'allais y arriver, jusqu'à m'apercevoir avec stupéfaction du dédoublement complet de ma tête, espérant la sagesse, et de mon corps qui m'atterre de le voir jouer seul sa partition. 

Depuis mon trampoline, je suis incapable de réfréner l'inclination tranquille de mes épaules et de mon visage pour me tourner vers lui sans complexe. 

Et, bingo ! Il ne se passe pas une seconde pour que ses yeux furieux se plantent dans les miens et qu'il vomisse sur moi son énergie enrouée, dans ce que j'interprète qu'il me dit en substance : « Quoi ? Qu'est-ce t'as toi ? Qu'est-ce tu veux ? ». 

Je me sens empêtré pour chercher ce que je pourrais bien lui répondre, sans me douter que mon libre arbitre va de nouveau m'échapper, et c'est encore avec stupeur que je m'entends dire d'une voix absolument calme et maîtrisée : « Rien d'assez important pour qu'on se dispute ! ». Wow, je n'aurais pas imaginé mieux ! Il me regarde, peut-être aussi hébété que je le suis moi-même, en tout cas éteint. Il a besoin de deux ou trois secondes pour se refaire.

(...)

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Texte déposé : ©Renaud Soubise

Musique : ©Ma Musique Libre - No Copyright| Cinematic Epic Background Music | Free Background Music | Royalty Free | Audio Instore, Licence de paternité Creative Commons
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Ça ne tient à pas grand-chose des fois, l’humanité.  


Je tire ma valise à roulettes dans le sous-sol d'une grande gare parisienne. 

C'est la transhumance estivale. J'avance doucement en direction du métro, dans un couloir bondé de familles aux bagages volumineux. 

Soudain, choqué et surpris, un géant que je n'ai pas entendu venir m'a doublé en courant, le grand sac de sport sur son épaule me heurtant brutalement. J'ai eu peur, mais ça va. Ni excuse, ni déviation, il fonce en forçant et bousculant tout sans retenue sur son passage. Pas un mot ne sort de sa bouche, mais tout son corps exprime
la colère. 

En accédant à l'escalier mécanique surplombant le quai, je l'observe, bloqué au beau milieu des marches, derrière le mur de valises d'un petit groupe d'américains. Impossible de passer. Il hurle, et sa rage s'amplifie à la lenteur de la descente, tandis que la rame qu'il ne peut plus que manquer arrive à quai. Les secondes passent, il éructe, le métro sonne, ferme ses portes et repart à peu près au moment où il parvient à se dégager. 

Encore un court instant et j'arrive derrière. Je dois dépasser l'énergumène devenu la violence incarnée, pestant en déambulant sur toute la largeur du quai, les mâchoires serrées entre deux jurons et ses grands poings fermés boxant l'air confiné de la station. 

Jeune, immense, il dégage beaucoup de force, une boule d'énergie incontrôlée qui en impose. Peu téméraire, je le contourne avec précaution et vais m'asseoir un peu plus loin, sur une brochette de sièges fraîchement vidée. 

Le tableau annonce cinq minutes avant la prochaine rame. Le bonhomme a terminé sa danse et voilà qu'il se dirige vers moi. Il y a des sièges de libres à droite, mais non, c'est celui que j'ai laissé juste à ma gauche qu'il choisit. Quatre minutes à tenir. Je me promets de ne faire quoi que ce soit qui attire son attention, rien qu'il risquerait de prendre pour une provocation, car certes, il s'est assis, mais l'irruption volcanique est loin d'être tarie. Il sue et ne fait que jurer. 

« Cool ! Tout va bien se passer. » 

Je me concentre sur mon souffle, comme je le fais souvent pour que la contagion se fasse dans le bon sens, entre paix intérieure et chaos externe. J'y crois. 

3 minutes. 

Le gars entreprend d'évacuer son énergie en imprimant un puissant rythme nerveux à son genou gauche. De la barrette des sièges, tous suivent le même mouvement
solidaire et me voilà secoué, vibré de multiples soubresauts. « Passivité, patience. Admettons, acceptons. Il n'y en a pas pour longtemps ». 

J'ai vraiment pensé que j'allais y arriver, jusqu'à m'apercevoir avec stupéfaction du dédoublement complet de ma tête, espérant la sagesse, et de mon corps qui m'atterre de le voir jouer seul sa partition. 

Depuis mon trampoline, je suis incapable de réfréner l'inclination tranquille de mes épaules et de mon visage pour me tourner vers lui sans complexe. 

Et, bingo ! Il ne se passe pas une seconde pour que ses yeux furieux se plantent dans les miens et qu'il vomisse sur moi son énergie enrouée, dans ce que j'interprète qu'il me dit en substance : « Quoi ? Qu'est-ce t'as toi ? Qu'est-ce tu veux ? ». 

Je me sens empêtré pour chercher ce que je pourrais bien lui répondre, sans me douter que mon libre arbitre va de nouveau m'échapper, et c'est encore avec stupeur que je m'entends dire d'une voix absolument calme et maîtrisée : « Rien d'assez important pour qu'on se dispute ! ». Wow, je n'aurais pas imaginé mieux ! Il me regarde, peut-être aussi hébété que je le suis moi-même, en tout cas éteint. Il a besoin de deux ou trois secondes pour se refaire.

(...)

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Texte déposé : ©Renaud Soubise

Musique : ©Ma Musique Libre - No Copyright| Cinematic Epic Background Music | Free Background Music | Royalty Free | Audio Instore, Licence de paternité Creative Commons
// Musique Action Epique - Action Strike, Rafael Krux // Sound-fishing - bruitages metro-1sation-loop ; MrKey_Cornflakes-Memories_LMK ; Le-vagabond-et-le-marginal_LMK

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Ça ne tient à pas grand-chose des fois, l’humanité.  


Je tire ma valise à roulettes dans le sous-sol d'une grande gare parisienne. 

C'est la transhumance estivale. J'avance doucement en direction du métro, dans un couloir bondé de familles aux bagages volumineux. 

Soudain, choqué et surpris, un géant que je n'ai pas entendu venir m'a doublé en courant, le grand sac de sport sur son épaule me heurtant brutalement. J'ai eu peur, mais ça va. Ni excuse, ni déviation, il fonce en forçant et bousculant tout sans retenue sur son passage. Pas un mot ne sort de sa bouche, mais tout son corps exprime
la colère. 

En accédant à l'escalier mécanique surplombant le quai, je l'observe, bloqué au beau milieu des marches, derrière le mur de valises d'un petit groupe d'américains. Impossible de passer. Il hurle, et sa rage s'amplifie à la lenteur de la descente, tandis que la rame qu'il ne peut plus que manquer arrive à quai. Les secondes passent, il éructe, le métro sonne, ferme ses portes et repart à peu près au moment où il parvient à se dégager. 

Encore un court instant et j'arrive derrière. Je dois dépasser l'énergumène devenu la violence incarnée, pestant en déambulant sur toute la largeur du quai, les mâchoires serrées entre deux jurons et ses grands poings fermés boxant l'air confiné de la station. 

Jeune, immense, il dégage beaucoup de force, une boule d'énergie incontrôlée qui en impose. Peu téméraire, je le contourne avec précaution et vais m'asseoir un peu plus loin, sur une brochette de sièges fraîchement vidée. 

Le tableau annonce cinq minutes avant la prochaine rame. Le bonhomme a terminé sa danse et voilà qu'il se dirige vers moi. Il y a des sièges de libres à droite, mais non, c'est celui que j'ai laissé juste à ma gauche qu'il choisit. Quatre minutes à tenir. Je me promets de ne faire quoi que ce soit qui attire son attention, rien qu'il risquerait de prendre pour une provocation, car certes, il s'est assis, mais l'irruption volcanique est loin d'être tarie. Il sue et ne fait que jurer. 

« Cool ! Tout va bien se passer. » 

Je me concentre sur mon souffle, comme je le fais souvent pour que la contagion se fasse dans le bon sens, entre paix intérieure et chaos externe. J'y crois. 

3 minutes. 

Le gars entreprend d'évacuer son énergie en imprimant un puissant rythme nerveux à son genou gauche. De la barrette des sièges, tous suivent le même mouvement
solidaire et me voilà secoué, vibré de multiples soubresauts. « Passivité, patience. Admettons, acceptons. Il n'y en a pas pour longtemps ». 

J'ai vraiment pensé que j'allais y arriver, jusqu'à m'apercevoir avec stupéfaction du dédoublement complet de ma tête, espérant la sagesse, et de mon corps qui m'atterre de le voir jouer seul sa partition. 

Depuis mon trampoline, je suis incapable de réfréner l'inclination tranquille de mes épaules et de mon visage pour me tourner vers lui sans complexe. 

Et, bingo ! Il ne se passe pas une seconde pour que ses yeux furieux se plantent dans les miens et qu'il vomisse sur moi son énergie enrouée, dans ce que j'interprète qu'il me dit en substance : « Quoi ? Qu'est-ce t'as toi ? Qu'est-ce tu veux ? ». 

Je me sens empêtré pour chercher ce que je pourrais bien lui répondre, sans me douter que mon libre arbitre va de nouveau m'échapper, et c'est encore avec stupeur que je m'entends dire d'une voix absolument calme et maîtrisée : « Rien d'assez important pour qu'on se dispute ! ». Wow, je n'aurais pas imaginé mieux ! Il me regarde, peut-être aussi hébété que je le suis moi-même, en tout cas éteint. Il a besoin de deux ou trois secondes pour se refaire.

(...)

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Texte déposé : ©Renaud Soubise

Musique : ©Ma Musique Libre - No Copyright| Cinematic Epic Background Music | Free Background Music | Royalty Free | Audio Instore, Licence de paternité Creative Commons
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