Description
Embarquement dans l'ébullition des circonvolutions
Quelle boulimie mentale mon moulinet crânien, au réveil matinal, m'obnubile et me guette à trouver tous moyens d'accaparer ma tête.
Écouter la radio, consulter mes messages, avaler les infos, zapper toutes les pages, spéculer sur les cas de ces jours annoncés, m'inquiéter du tracas de qui a pu penser ce que j'aurais pu dire et aurais mieux dû taire, que pourrais-je prédire de ce qu'il reste à faire.
Tout est bon simplement pour gâcher désormais mon juste sentiment et perdre à tout jamais de me savoir vivant, de me vivre au présent.
Dès le moteur en route, l'autoradio délivre des faits déjà connus sur les mêmes affaires, des propos qui déroutent, arguments, invectives à me surinformer, dont je n'ai rien à faire.
Je vois bien la manœuvre. Voici la mise en œuvre d'un zèle personnel de conscience, par lequel, vigie périphérique aux élans hystériques, je me voudrais capable de voir à l'extérieur ce qui, à l'intérieur le rend indispensable, me poussant en terrain, franchement pas le mien, une drôle de pâture, loin de ma vraie nature, en dehors de ma flamme, rien en affinité à la tranquillité paisible de mon âme.
Démontrer au contraire qu'autour de mes frontières, l'exigence empoisonne, l'aléa est tenace, l'existence foisonne de maux et de menaces. N'aurais-je d'autres choix, pour sauver ma gouverne, qu'avancer sur la voie de scénarios externes ? Loin de me confronter sainement au réel, de bonne volonté et de plein potentiel.
Dès lors, ça me dépasse ! Je me vois dans la nasse de l'entière dépendance à géniale influence de stocks de pirouettes en lots de certitudes, accumulations d'aides bravant mon aptitude à assumer ma place au point que je déclasse ma souveraineté d'oser les congédier.
Au propre, au figuré, j'arrête la radio. Est-ce le bon scénario ?
J'ai de quoi en douter, car ça n'est pas gagné ! Des vagues imaginaires brisant les digues en mer poussent à coups de boutoir mon esprit saturé, vraiment pas attiré par tant de défouloirs. Or si dans la voiture, j'impose le silence, en rien cela n'assure de taire ma turbulence. Assez inattendu, rien n'est perdu non plus. Au lieu, comme souvent d'emprunter des dédales en dehors du présent d'où mes pensées détalent, je me trouve inspiré d'observer la filasse de la pluie retirée des balais d'essuie-glace, libérant ma vision d'un décor qui fume à l'aube en éclosion, sur des nuées de brumes. Je me demande à quoi tient cette continuelle infidèle appétence, ce qu'elle dit de moi, de mon état actuel et quel en est le sens.
J'ai plus d'une heure de route. J'aimerais, à l'écoute, grandir dans le silence, retrouver l'expérience d'un temps privilégié, me laissant submerger bien positivement d'un bel enseignement au-delà des clichés et autres arguties que ces banalités que je me suis farci.
Je languis en effet du calme satisfait d'inspiration profonde d'authentique nature, dont l'évidence abonde de sage nourriture.
Réussir l'entreprise de dribbler le mental créerait le coup frontal de réduire son emprise, même si j'ai bien conscience qu'après ma vigilance, j'honnirai sa tactique de vol automatique.
Assez de l'équivoque par laquelle je convoque le calme par la pensée, proposant au mental ce défi impossible, l'effort monumental de se prendre pour cible. Tirons en la leçon, trouvons les conditions pour arriver au mieux en visitant les lieux où le moi est absent ou très peu agissant.
Je me trouve au volant, dévouant mon attention à la toute préhension de ce moment présent. Le jour se lève. Il pleut. La campagne en hiver habite sa misère parée de voiles d'ombre, qui prend les airs frileux d'un horizon bien sombre dont la ligne s'étale sous un ciel de métal.
J'entends de la croisière tous ses bruits de matière : mélodie du moteur, flux des arrivées d'air...
(...)
---
Texte déposé ©Renaud Soubise / 2022
Musique : ©Moussorgsky/ Une nuit sur le mont Chauve, 1867_Epic Classical Music ; TITAN - Scott Buckley_Libre de Droit