Description
Clarence Massiani et Régis Decaix évoque l'aventure de la compagnie Speira .
Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.
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Description
Clarence Massiani et Régis Decaix évoque l'aventure de la compagnie Speira .
Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.
Transcription
Bonjour, Gis. Bonjour, Clarence. Aujourd'hui, j'aimerais que nous évoquions l'élément qui nous a réunis, moi, comédienne, toi, poète, nos collaborations, nos travails communs. En dehors de Isadora BC, à savoir la compagnie Spera.
Eh bien, la compagnie Spera, en 1996, à Montreuil, j'ai contribué à former un petit collectif qui s'est constitué autour de différentes valeurs. D'abord le corps, notamment parce que nous étions pour la plupart des pratiquants de yoga, mais aussi parce que les... Et dans les participants, certains étaient des acrobates issus de ce que l'on a appelé le nouveau cirque. Donc, d'une part le corps, mais également l'art en général, et surtout la nature, avec l'envie de créer un mode de vie un peu alternatif.
Nous ne nous connaissions pas encore à cette époque. Alors, peux-tu nous dire ce que Spéra signifie et pourquoi vous aviez choisi ce nom ?
Alors, Spéra, c'est un mot grec qui signifie spirale. Mais... Le sens réel, il est à chercher au niveau du yoga et plus particulièrement du sanskrit. Parce qu'il existe dans cette langue ancienne une racine verbe composée uniquement de consonnes. C'est S-P-R, donc SPRE. Cette racine verbe, elle signifie sauver, libérer, gagner, l'autre rive. Il y avait donc cette idée d'émancipation, de liberté. Ce qui est intéressant, c'est qu'à partir de cette racine verbe, se sont constitués un tas de mots européens comme inspirer, expirer en français ou spiritus en latin, encore spirit en anglais, puis l'idée de spir, spirale à chaque fois avec cette suite de consonnes S-P-R, toujours dans le même ordre.
Il n'y avait donc pas encore de création de spectacle à ce moment-là ?
Non, non, au début il y avait une réflexion sur l'art, l'expression, le corps, la nature. avec des stages, des ateliers qui étaient mis en place, une petite feuille trimestrielle aussi avec différents articles. Je me rappelle en avoir signé un dont le titre était L'art ne naît pas
Ce titre en dit long sur le côté précurseur et un peu surréaliste de ton travail, si je peux me permettre.
Disons que pour moi l'idée c'était que l'artiste ne fait qu'agencer, coller, ordonner, découper, etc. Que le véritable art, c'était la vie tout simplement, le vivant, la sève qui s'écoule dans les arbres, la beauté des fleurs, l'air qu'on respire.
Et donc, qu'est-ce qui va opérer un changement, un cheminement vers la compagnie ?
Vers 1989-2000, l'association ne faisait plus grand-chose. C'est né en 1996 et après, il y a eu un petit saut. Mais elle existait...
Excuse-moi, tu as dit 89, donc en fait c'est...
99, excuse-moi, j'ai fait un bond de 10 années. Non, non, en fait, effectivement, elle existait toujours, mais elle était quand même dans un état latent, il ne se passait plus grand-chose. Un peu comme une mute, une métamorphose. Et c'est là, en fait, que toi tu apparaîs d'abord, que la compagnie se dote de la parole, on va dire.
Effectivement, nous sommes en 2002, et nous décidons alors de travailler ensemble à partir de la parole. du récit et puis de la narration.
Alors il y a tout d'abord eu un déménagement du siège social de la compagnie de Montreuil vers Fontainebleau. L'activité est devenue de plus en plus une compagnie, justement avec ses explorations, autour de cette idée centrale qui était comment porter un récit. Au départ, on était passé de l'art plus général avec cette implication corporelle à cette idée de comment est-ce qu'on porte un récit.
Je me souviens que nous étions véritablement en recherche. Effectivement, tu avais beaucoup travaillé autour de l'idée du corps. Et là, avec mes expériences de comédienne, nous étions plutôt à nous demander quel angle prendre pour pouvoir s'emparer des mots et les transmettre sans pour autant être dans la création avec des textes d'auteurs classiques et ou contemporains. Nous ne savions pas encore, d'ailleurs, quel pouvait être notre matériau de départ. À l'époque, je faisais déjà un peu de spectacles jeunes publics, mais j'avais envie d'aller vers de la création plus proche des récits-spectacles. que de rester dans le domaine du conte où finalement je ne me reconnaissais pas complètement. Et puis je voulais rester lié à l'espace scénique et théâtral.
Alors, il y a deux éléments forts qui vont structurer le travail de la compagnie, assez rapidement en fait. C'est-à-dire qu'en premier lieu, il y a l'idée de territoire. Au départ, moi j'emprunte cette réflexion sur le territoire à la sociologie. Pour qui justement le territoire, il est défini par une limite, une frontière. qui va déterminer le dit territoire, justement. De quoi on parle ? Justement, ça peut être une ville, un quartier, une rue. Ensuite, deuxième chose, le territoire, il est habité. Il y a des êtres qui donnent vie à ce territoire. Il ne vit pas tout seul, il y a des gens qui y habitent. Et là intervient ce deuxième élément constitutif de la compagnie, à savoir le collectage. Donc, la première démarche consistait à avoir un territoire qui est habité et à collecter la parole des habitants. La seconde étant l'instauration d'un récit et sa restitution sous forme de spectacle.
Je me souviens que la toute première expérimentation que nous avions mise en place était de participer à l'inauguration d'une nouvelle structure de la ville pour laquelle j'avais pris des photos de déconstruction et reconstruction du chantier durant une année. Et nous avions proposé, lors de cet événement inaugural, une projection filmée accompagnée d'un récit sur ce chantier que je racontais. et mis en musique et en chant par une musicienne, Emma Pietre, et un chanteur, Julien Lamassonne.
Et dans la même année, il y a eu Parcelles 53.
Oui, Parcelles 53 est née d'une collecte de paroles dans une association de jardins familiaux, qui sont les anciens jardins ouvriers, pour laquelle j'avais rencontré de nombreuses et nombreux habitants et habitantes qui cultivaient un jardin potager. Et ce, pour différentes raisons. Afin de manger leurs propres légumes, de militer contre les supermarchés, par tradition ancestrale, familiale, pour le plaisir d'être dehors, pour la retraite, etc. Cela avait duré quelques mois, cette collecte dans les jardins, avant l'écriture du spectacle. Et je découvrais alors que ces moments de collecte étaient aussi forts que ceux de la création, car ils étaient et sont d'ores et déjà, encore aujourd'hui, le début d'une création. Celle-ci se construit au fur et à mesure que les mots sont enregistrés et conservés. Et ce qui m'avait frappé à l'époque, et qui est toujours d'actualité, c'est de savoir que personne, ni nous, ni les gens collectés, ni les administrés qui nous font les commandes, ne savons encore sous quelle forme, quels spectacles vont naître et naissent de ces matériaux bruts. Mais nous aimons déjà l'idée que les gens rencontrés vont devenir les auteurs et autrices de ces créations. Et j'aime toujours quand on me dit, bon, ça, je vous le dis, mais ça reste entre nous. Mon enregistreur garde les secrets malgré tout, mais ils ont été dits.
Alors, pour Parcelles 53, nous avions monté le spectacle dans la forêt, aux abords des jardins familiaux. Donc, sur le territoire des jardins, quasiment. Ce qui avait permis que tout le monde soit présent. Il n'y avait pas à se rendre au théâtre. C'est lui qui venait vers les gens. Et d'ailleurs, le directeur du théâtre, à l'époque, c'était M. Cuny, il était présent avec M. le maire, Frédéric Valtoux, maintenant député, accompagné de ses élus. Cela avait été un beau moment de réunir tout ce monde dans un endroit éloigné du milieu culturel, un endroit autant hors les murs. Moi, je me souviens que personne ne nous connaissait, pas encore vraiment. Nous ne faisions que commencer avec l'inauguration précédente, dont tu as parlé, le gymnase. Et puis, c'était assez extraordinaire ce qui s'était passé cette première année. Cela a marqué vraiment l'entrée en scène de la compagnie Spera dans la région de Fontainebleau.
Ensuite, nous avions travaillé sur le thème de la forêt avec le spectacle du vacarme et des arbres, qui traitaient de ce sujet sous l'angle de la peur, de la disparition, de ce que la forêt peut engendrer d'angoisse et de crainte. Et pour cela, nous étions partis de faits divers, comme la disparition ou la mort des gens dans la forêt de Fontainebleau au fur et à mesure des époques, jusqu'aux femmes qui courent aujourd'hui en forêt et qui disparaissent ou se font tuer. Nous avions mêlé ces faits réels à une des métamorphoses d'Ovide, intitulée Philemon et Bocys, qui raconte comment un couple de personnes âgées, après avoir offert leur hospitalité à deux hommes, qui vont s'avérer finalement être des dieux antiques, vont être transformés en arbres afin de naître. jamais séparés, ni par la vie, ni par la mort.
Ce qui est intéressant, c'était comment nous avions procédé. Déjà, nous avions mélangé des artistes, à savoir qu'il y avait des comédiens, des comédiennes amateurs. Enfin, des comédiens amateurs, tu te rappelles, on avait fait un casting. Des élèves aussi, qui avaient écrit des slams, qui ont fait partie intégrante de l'écriture du spectacle, de l'histoire. Des danseuses. Il y avait un musicien professionnel et bien sûr, il y avait toi en tant que comédienne raconteuse d'histoire. Et il y avait trois lieux de diffusion qu'on avait sélectionnés. C'était un qui était la MJC, la maison des jeunes d'un quartier. Il y avait en second lieu un ermitage qui se situait en pleine forêt. Et bien sûr, un lieu éminemment culturel, celui du théâtre municipal. Nous avions construit notre public en fonction de ces lieux. Pour la MJC, évidemment, c'était le public du quartier qui était venu. En forêt, nous avions collaboré avec des associations de randonneurs qui étaient venues au spectacle après cette promenée, justement, en forêt. Et puis au théâtre, c'était la programmation théâtrale, donc ouverte à tous et toutes. Et je me souviens que certaines personnes sont venues aux trois représentations, car même si le fond était semblable, les lieux, ils offraient... Une forme un peu différente, évidemment que dans la salle de l'Hermitage avec des têtes de cerfs au mur, on n'était pas dans la même configuration que sur la scène du théâtre avec les éclairages qui vont bien, etc.
Et en parallèle à ces créations, nous avions mis en place un processus de petites formes inventives et créatives sous un projet intitulé Songe d'une ville Nous faisions participer des amateurs en théâtre, à différentes performances, des mises en scène photographiques, des collègues de parole, dans une librairie, une salle de la mairie, dans la rue. Et je crois qu'avec ces différents projets, nous commencions à nous faire bien identifier et à trouver ce qu'on voulait faire. Mais je pense quand même que c'est le projet dans le hameau de Cuny qui nous a le plus révélé et dans lequel notre recherche a pris le plus sa forme.
Tu oublies aussi qu'avant Cuny, il y a eu Récit de ville, Récit de vie, avec la ville nouvelle de Sénard, pour laquelle il a fallu construire sur très très peu d'histoires, parce qu'il y avait 40 ans d'existence, si tu veux, mais il y avait une machine. En fait, il y avait une machine qui était pareille à une espèce de photomaton, qui enregistrait les paroles des habitants. C'était un peu ciblé, c'était votre première fois à Scénar, machin, des choses comme ça, tout en les filmant. Et nous, on avait ces enregistrements. Il a fallu tirer de la matière de ces enregistrements. On en a fait une création. J'avais tout particulièrement travaillé sur la forme scénique de ce spectacle, la mise en scène et peut-être pour combler un peu, effectivement, le fond.
Oui, en fait, ce photobaton, c'était le... le lieu, la structure avec laquelle on travaillait, qui avait fait venir, je crois, ce qui avait fait venir aussi notre compagnie en amont de nous pour travailler sur ce photo.
Oui, c'est ça, des gens de Toulouse qui travaillaient sur l'image.
Voilà, et donc ensuite, nous, nous avions pu prendre quelques extraits de ce qu'ils avaient enregistré pour aller vers notre création. Donc, il y a presque deux compagnies qui ont travaillé sur ce spectacle-là.
Oui, tout à fait.
Et c'est vrai que ce qui était marquant pour nous, c'est que comme nous avions... peu de paroles à retranscrire avec ce photomaton, il nous a fallu réfléchir de comment nous approprier ce territoire pour en parler. Ce 40 ans d'existence, ce n'est pas beaucoup et nous avions très peu de matériaux. Je me rappelle très bien d'avoir passé des heures en voiture où j'arpentais les différentes villes et communes, où je m'arrêtais pour prendre des photos, où je pestais parce que souvent, il n'y avait rien. Il n'y avait pas de café, il n'y avait pas d'endroit pour faire une pause. Parce que finalement, tout avait été construit autour d'un centre commercial gigantesque où tout était rassemblé. Mais il fallait faire des kilomètres pour y accéder, car il était au centre de ce territoire. C'était un véritable temple de la consommation à l'américaine qui marche et qui s'est encore agrandi de nos jours. Cela avait été pensé et construit comme ça, autour de ce centre. Donc si tu veux prendre un café, il faut prendre ta voiture et te rendre là-bas. Mais le spectacle était super. super, on avait été ravis du résultat. Il y avait eu beaucoup de visuels, une grosse mise en scène, les vidéos des gens dans le photomaton, un peu de collègues, de la musique, de la danse. Finalement, scéniquement, avec très peu de choses, c'était très ambitieux.
Oui, tout à fait. Après, effectivement, comme tu le disais, il y a eu CUNY qui est arrivé dans la même année. Ça s'était un peu télescopé.
CUNY, ça reste pour moi encore aujourd'hui un des projets qui m'a le plus tenu à cœur. C'était sans doute dû à la collecte de l'histoire, mais également à la longueur du projet qui a duré presque deux années de travail. Je te laisse en parler.
La première année, il a fallu trouver des sous, du subventionnement. Nous nous sommes battus pour convaincre le ministère de la Culture de l'Île-de-France d'aider une petite compagnie pour un projet dans un tout petit hameau perdu en campagne. Le rendez-vous avec eux et les élus des villages était mémorable, terriblement touchant. Ça avait marché, nous on avait eu les sous et tous les autres partenaires se sont alignés, le projet a pu démarrer. C'était déjà extraordinaire que nous avions réussi à enclencher un début. Nous pouvions raconter l'histoire de cette dynamiterie qui avait fait vivre ces deux villages en tant que cités ouvrières et qui marquait le début et la fin d'une époque un peu paternaliste, où le patron s'occupait comme un grand-papa de ses ouvriers, de leur bien-être, etc.
Je me souviens que j'avais collecté 80 heures de paroles, ce qui était énorme. Et je me souviens avoir parfois eu le sentiment de me retrouver dans l'univers de Zola. Parce que les gens me parlaient d'un monde qui n'existait plus et pourtant, il n'y avait que 50 ans de passé entre leurs existences à la dynamiterie aujourd'hui. Mais tout était déjà aujourd'hui tellement différent. Le rapport hiérarchique, le travail, les relations du village, etc. Tout a tellement changé si vite que quand je collectais les gens, je ressentais une véritable nostalgie du monde qu'ils avaient vécu. Et ce, malgré le danger. que ce travail représentait.
Alors le jour de la représentation, il était unique, parce qu'il y a quand même plus de 350 habitants dans le public, tous venus entendre l'histoire de leur père, de leur mère, de leurs grands-parents, de leurs voisines, voisins, puis aussi de celles et ceux qui venaient de mourir, parfois juste avant la date du spectacle.
Oui, et c'était la première fois que sur scène, j'avais le sentiment d'être réellement dans l'intime des gens, à ce point-là, dans quelque chose de la véritable histoire. D'ailleurs, je ne jouais pas les gens, je les racontais, je dépliais nos rencontres. Tu vois, ce terme comme déplier la littérature me revient. Je sentais que tout le public était vissé à mes paroles, à ce que j'allais dire. Il y avait un silence comme je n'avais jamais entendu dans toute ma carrière et pourtant, nous étions dehors, en plein air. au pied de la dynamiterie. Il n'y avait rien, pas un bruit, juste ma parole, la musique, les pas de la danseuse, c'était totalement magique. Je me souviens avoir pleuré longtemps après le spectacle, en regardant les photos, en regardant le film que Céline Le Tournel, la vidéaste, avait fait pendant toute la résidence. J'ai mis du temps à me défaire de cette aventure, à la fois culturelle et aussi profondément humaine, parce que ce fut un vrai tournant dans ma carrière de collectrice et de comédienne. J'avais le sentiment à ce moment-là d'avoir une mission à porter et qu'il ne fallait pas la rater. Parce qu'elle portait en elle tout le passé, le présent, l'avenir de ces villages, de celles et ceux qui avaient vécu et de celles et ceux qui y vivaient et puis des autres qui allaient arriver. Je ne sais pas aujourd'hui si les gens s'en rappellent, mais moi, moi oui, et je ne pourrai jamais l'oublier. Et je me souviens tout à fait de cette phrase de... L'élu à la culture qu'on a revu, je crois, deux ans après, qui nous disait que des gens disaient Ah, tu te souviens du spectacle, de théâtre, dans le théâtre ! Et alors qu'il n'y avait pas de théâtre, on était vraiment au pied de la dynamétrie. Donc voilà, je pense que ça avait quand même marqué pas mal les esprits, ce magnifique projet de CUNY.
Alors donc, à l'époque, bien sûr, on est en 2016, et là, bien que nous poursuivions le travail de la compagnie, tu décides de partir en résidence. une résidence artistique dans les Hauts-de-Seine pour continuer...
Non, pas les Hauts-de-Seine,
les Hauts-de-France. Ah oui, c'est pas les mêmes.
C'est pas les mêmes.
Donc les Hauts-de-France pour continuer les collectes et les écritures. Mais plus dans la transmission avec les publics. C'est un autre type de travail. Leur faire partager et faire sentir en eux leur potentiel, leur créativité, etc.
Oui. À la fois de travailler avec les publics de cette façon et aussi de me rapprocher de mon écriture. Ça c'est important pour moi parce que c'est vrai que jusque-là l'écriture a servi pour les spectacles et que je suis arrivée à un moment donné de mon parcours où j'ai envie d'explorer. Et écrire des ouvrages, de plonger un peu plus en moi-même et de découvrir aussi ma propre écriture personnelle. Alors évidemment, je ne perds pas l'idée de reconstruire un projet ou une création collective. Puisque de toute façon, la compagnie, elle est en nous. C'est toi, c'est moi, c'est les autres. Mais nous sommes, comment on pourrait dire, nous sommes l'âme de ces projets.
Alors, c'est toujours cette idée de comment raconter quelque chose, le récit, qui a guidé les actions de la compagnie, et avec une multitude de projets, on ne va pas tous les énumérer là, avec des publics bien sûr différents, ça aussi c'est intéressant, parce qu'il y a eu tout type de public, mais bien sûr l'aventure continue.
Oui, d'ailleurs il y a un site.
qui s'appelle spera.org que je vous invite à aller on mettra le lien sur le site de Isadora BC
Merci Régis pour cet historique de cette compagnie qui a vécu de Montreuil à Fontainebleau du corps à la parole et je vous invite à écouter ce podcast sur le site Isadora BC Merci beaucoup Régis.
Merci à toi et merci à vous.
A bientôt.
A bientôt.
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Clarence Massiani et Régis Decaix évoque l'aventure de la compagnie Speira .
Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.
Transcription
Bonjour, Gis. Bonjour, Clarence. Aujourd'hui, j'aimerais que nous évoquions l'élément qui nous a réunis, moi, comédienne, toi, poète, nos collaborations, nos travails communs. En dehors de Isadora BC, à savoir la compagnie Spera.
Eh bien, la compagnie Spera, en 1996, à Montreuil, j'ai contribué à former un petit collectif qui s'est constitué autour de différentes valeurs. D'abord le corps, notamment parce que nous étions pour la plupart des pratiquants de yoga, mais aussi parce que les... Et dans les participants, certains étaient des acrobates issus de ce que l'on a appelé le nouveau cirque. Donc, d'une part le corps, mais également l'art en général, et surtout la nature, avec l'envie de créer un mode de vie un peu alternatif.
Nous ne nous connaissions pas encore à cette époque. Alors, peux-tu nous dire ce que Spéra signifie et pourquoi vous aviez choisi ce nom ?
Alors, Spéra, c'est un mot grec qui signifie spirale. Mais... Le sens réel, il est à chercher au niveau du yoga et plus particulièrement du sanskrit. Parce qu'il existe dans cette langue ancienne une racine verbe composée uniquement de consonnes. C'est S-P-R, donc SPRE. Cette racine verbe, elle signifie sauver, libérer, gagner, l'autre rive. Il y avait donc cette idée d'émancipation, de liberté. Ce qui est intéressant, c'est qu'à partir de cette racine verbe, se sont constitués un tas de mots européens comme inspirer, expirer en français ou spiritus en latin, encore spirit en anglais, puis l'idée de spir, spirale à chaque fois avec cette suite de consonnes S-P-R, toujours dans le même ordre.
Il n'y avait donc pas encore de création de spectacle à ce moment-là ?
Non, non, au début il y avait une réflexion sur l'art, l'expression, le corps, la nature. avec des stages, des ateliers qui étaient mis en place, une petite feuille trimestrielle aussi avec différents articles. Je me rappelle en avoir signé un dont le titre était L'art ne naît pas
Ce titre en dit long sur le côté précurseur et un peu surréaliste de ton travail, si je peux me permettre.
Disons que pour moi l'idée c'était que l'artiste ne fait qu'agencer, coller, ordonner, découper, etc. Que le véritable art, c'était la vie tout simplement, le vivant, la sève qui s'écoule dans les arbres, la beauté des fleurs, l'air qu'on respire.
Et donc, qu'est-ce qui va opérer un changement, un cheminement vers la compagnie ?
Vers 1989-2000, l'association ne faisait plus grand-chose. C'est né en 1996 et après, il y a eu un petit saut. Mais elle existait...
Excuse-moi, tu as dit 89, donc en fait c'est...
99, excuse-moi, j'ai fait un bond de 10 années. Non, non, en fait, effectivement, elle existait toujours, mais elle était quand même dans un état latent, il ne se passait plus grand-chose. Un peu comme une mute, une métamorphose. Et c'est là, en fait, que toi tu apparaîs d'abord, que la compagnie se dote de la parole, on va dire.
Effectivement, nous sommes en 2002, et nous décidons alors de travailler ensemble à partir de la parole. du récit et puis de la narration.
Alors il y a tout d'abord eu un déménagement du siège social de la compagnie de Montreuil vers Fontainebleau. L'activité est devenue de plus en plus une compagnie, justement avec ses explorations, autour de cette idée centrale qui était comment porter un récit. Au départ, on était passé de l'art plus général avec cette implication corporelle à cette idée de comment est-ce qu'on porte un récit.
Je me souviens que nous étions véritablement en recherche. Effectivement, tu avais beaucoup travaillé autour de l'idée du corps. Et là, avec mes expériences de comédienne, nous étions plutôt à nous demander quel angle prendre pour pouvoir s'emparer des mots et les transmettre sans pour autant être dans la création avec des textes d'auteurs classiques et ou contemporains. Nous ne savions pas encore, d'ailleurs, quel pouvait être notre matériau de départ. À l'époque, je faisais déjà un peu de spectacles jeunes publics, mais j'avais envie d'aller vers de la création plus proche des récits-spectacles. que de rester dans le domaine du conte où finalement je ne me reconnaissais pas complètement. Et puis je voulais rester lié à l'espace scénique et théâtral.
Alors, il y a deux éléments forts qui vont structurer le travail de la compagnie, assez rapidement en fait. C'est-à-dire qu'en premier lieu, il y a l'idée de territoire. Au départ, moi j'emprunte cette réflexion sur le territoire à la sociologie. Pour qui justement le territoire, il est défini par une limite, une frontière. qui va déterminer le dit territoire, justement. De quoi on parle ? Justement, ça peut être une ville, un quartier, une rue. Ensuite, deuxième chose, le territoire, il est habité. Il y a des êtres qui donnent vie à ce territoire. Il ne vit pas tout seul, il y a des gens qui y habitent. Et là intervient ce deuxième élément constitutif de la compagnie, à savoir le collectage. Donc, la première démarche consistait à avoir un territoire qui est habité et à collecter la parole des habitants. La seconde étant l'instauration d'un récit et sa restitution sous forme de spectacle.
Je me souviens que la toute première expérimentation que nous avions mise en place était de participer à l'inauguration d'une nouvelle structure de la ville pour laquelle j'avais pris des photos de déconstruction et reconstruction du chantier durant une année. Et nous avions proposé, lors de cet événement inaugural, une projection filmée accompagnée d'un récit sur ce chantier que je racontais. et mis en musique et en chant par une musicienne, Emma Pietre, et un chanteur, Julien Lamassonne.
Et dans la même année, il y a eu Parcelles 53.
Oui, Parcelles 53 est née d'une collecte de paroles dans une association de jardins familiaux, qui sont les anciens jardins ouvriers, pour laquelle j'avais rencontré de nombreuses et nombreux habitants et habitantes qui cultivaient un jardin potager. Et ce, pour différentes raisons. Afin de manger leurs propres légumes, de militer contre les supermarchés, par tradition ancestrale, familiale, pour le plaisir d'être dehors, pour la retraite, etc. Cela avait duré quelques mois, cette collecte dans les jardins, avant l'écriture du spectacle. Et je découvrais alors que ces moments de collecte étaient aussi forts que ceux de la création, car ils étaient et sont d'ores et déjà, encore aujourd'hui, le début d'une création. Celle-ci se construit au fur et à mesure que les mots sont enregistrés et conservés. Et ce qui m'avait frappé à l'époque, et qui est toujours d'actualité, c'est de savoir que personne, ni nous, ni les gens collectés, ni les administrés qui nous font les commandes, ne savons encore sous quelle forme, quels spectacles vont naître et naissent de ces matériaux bruts. Mais nous aimons déjà l'idée que les gens rencontrés vont devenir les auteurs et autrices de ces créations. Et j'aime toujours quand on me dit, bon, ça, je vous le dis, mais ça reste entre nous. Mon enregistreur garde les secrets malgré tout, mais ils ont été dits.
Alors, pour Parcelles 53, nous avions monté le spectacle dans la forêt, aux abords des jardins familiaux. Donc, sur le territoire des jardins, quasiment. Ce qui avait permis que tout le monde soit présent. Il n'y avait pas à se rendre au théâtre. C'est lui qui venait vers les gens. Et d'ailleurs, le directeur du théâtre, à l'époque, c'était M. Cuny, il était présent avec M. le maire, Frédéric Valtoux, maintenant député, accompagné de ses élus. Cela avait été un beau moment de réunir tout ce monde dans un endroit éloigné du milieu culturel, un endroit autant hors les murs. Moi, je me souviens que personne ne nous connaissait, pas encore vraiment. Nous ne faisions que commencer avec l'inauguration précédente, dont tu as parlé, le gymnase. Et puis, c'était assez extraordinaire ce qui s'était passé cette première année. Cela a marqué vraiment l'entrée en scène de la compagnie Spera dans la région de Fontainebleau.
Ensuite, nous avions travaillé sur le thème de la forêt avec le spectacle du vacarme et des arbres, qui traitaient de ce sujet sous l'angle de la peur, de la disparition, de ce que la forêt peut engendrer d'angoisse et de crainte. Et pour cela, nous étions partis de faits divers, comme la disparition ou la mort des gens dans la forêt de Fontainebleau au fur et à mesure des époques, jusqu'aux femmes qui courent aujourd'hui en forêt et qui disparaissent ou se font tuer. Nous avions mêlé ces faits réels à une des métamorphoses d'Ovide, intitulée Philemon et Bocys, qui raconte comment un couple de personnes âgées, après avoir offert leur hospitalité à deux hommes, qui vont s'avérer finalement être des dieux antiques, vont être transformés en arbres afin de naître. jamais séparés, ni par la vie, ni par la mort.
Ce qui est intéressant, c'était comment nous avions procédé. Déjà, nous avions mélangé des artistes, à savoir qu'il y avait des comédiens, des comédiennes amateurs. Enfin, des comédiens amateurs, tu te rappelles, on avait fait un casting. Des élèves aussi, qui avaient écrit des slams, qui ont fait partie intégrante de l'écriture du spectacle, de l'histoire. Des danseuses. Il y avait un musicien professionnel et bien sûr, il y avait toi en tant que comédienne raconteuse d'histoire. Et il y avait trois lieux de diffusion qu'on avait sélectionnés. C'était un qui était la MJC, la maison des jeunes d'un quartier. Il y avait en second lieu un ermitage qui se situait en pleine forêt. Et bien sûr, un lieu éminemment culturel, celui du théâtre municipal. Nous avions construit notre public en fonction de ces lieux. Pour la MJC, évidemment, c'était le public du quartier qui était venu. En forêt, nous avions collaboré avec des associations de randonneurs qui étaient venues au spectacle après cette promenée, justement, en forêt. Et puis au théâtre, c'était la programmation théâtrale, donc ouverte à tous et toutes. Et je me souviens que certaines personnes sont venues aux trois représentations, car même si le fond était semblable, les lieux, ils offraient... Une forme un peu différente, évidemment que dans la salle de l'Hermitage avec des têtes de cerfs au mur, on n'était pas dans la même configuration que sur la scène du théâtre avec les éclairages qui vont bien, etc.
Et en parallèle à ces créations, nous avions mis en place un processus de petites formes inventives et créatives sous un projet intitulé Songe d'une ville Nous faisions participer des amateurs en théâtre, à différentes performances, des mises en scène photographiques, des collègues de parole, dans une librairie, une salle de la mairie, dans la rue. Et je crois qu'avec ces différents projets, nous commencions à nous faire bien identifier et à trouver ce qu'on voulait faire. Mais je pense quand même que c'est le projet dans le hameau de Cuny qui nous a le plus révélé et dans lequel notre recherche a pris le plus sa forme.
Tu oublies aussi qu'avant Cuny, il y a eu Récit de ville, Récit de vie, avec la ville nouvelle de Sénard, pour laquelle il a fallu construire sur très très peu d'histoires, parce qu'il y avait 40 ans d'existence, si tu veux, mais il y avait une machine. En fait, il y avait une machine qui était pareille à une espèce de photomaton, qui enregistrait les paroles des habitants. C'était un peu ciblé, c'était votre première fois à Scénar, machin, des choses comme ça, tout en les filmant. Et nous, on avait ces enregistrements. Il a fallu tirer de la matière de ces enregistrements. On en a fait une création. J'avais tout particulièrement travaillé sur la forme scénique de ce spectacle, la mise en scène et peut-être pour combler un peu, effectivement, le fond.
Oui, en fait, ce photobaton, c'était le... le lieu, la structure avec laquelle on travaillait, qui avait fait venir, je crois, ce qui avait fait venir aussi notre compagnie en amont de nous pour travailler sur ce photo.
Oui, c'est ça, des gens de Toulouse qui travaillaient sur l'image.
Voilà, et donc ensuite, nous, nous avions pu prendre quelques extraits de ce qu'ils avaient enregistré pour aller vers notre création. Donc, il y a presque deux compagnies qui ont travaillé sur ce spectacle-là.
Oui, tout à fait.
Et c'est vrai que ce qui était marquant pour nous, c'est que comme nous avions... peu de paroles à retranscrire avec ce photomaton, il nous a fallu réfléchir de comment nous approprier ce territoire pour en parler. Ce 40 ans d'existence, ce n'est pas beaucoup et nous avions très peu de matériaux. Je me rappelle très bien d'avoir passé des heures en voiture où j'arpentais les différentes villes et communes, où je m'arrêtais pour prendre des photos, où je pestais parce que souvent, il n'y avait rien. Il n'y avait pas de café, il n'y avait pas d'endroit pour faire une pause. Parce que finalement, tout avait été construit autour d'un centre commercial gigantesque où tout était rassemblé. Mais il fallait faire des kilomètres pour y accéder, car il était au centre de ce territoire. C'était un véritable temple de la consommation à l'américaine qui marche et qui s'est encore agrandi de nos jours. Cela avait été pensé et construit comme ça, autour de ce centre. Donc si tu veux prendre un café, il faut prendre ta voiture et te rendre là-bas. Mais le spectacle était super. super, on avait été ravis du résultat. Il y avait eu beaucoup de visuels, une grosse mise en scène, les vidéos des gens dans le photomaton, un peu de collègues, de la musique, de la danse. Finalement, scéniquement, avec très peu de choses, c'était très ambitieux.
Oui, tout à fait. Après, effectivement, comme tu le disais, il y a eu CUNY qui est arrivé dans la même année. Ça s'était un peu télescopé.
CUNY, ça reste pour moi encore aujourd'hui un des projets qui m'a le plus tenu à cœur. C'était sans doute dû à la collecte de l'histoire, mais également à la longueur du projet qui a duré presque deux années de travail. Je te laisse en parler.
La première année, il a fallu trouver des sous, du subventionnement. Nous nous sommes battus pour convaincre le ministère de la Culture de l'Île-de-France d'aider une petite compagnie pour un projet dans un tout petit hameau perdu en campagne. Le rendez-vous avec eux et les élus des villages était mémorable, terriblement touchant. Ça avait marché, nous on avait eu les sous et tous les autres partenaires se sont alignés, le projet a pu démarrer. C'était déjà extraordinaire que nous avions réussi à enclencher un début. Nous pouvions raconter l'histoire de cette dynamiterie qui avait fait vivre ces deux villages en tant que cités ouvrières et qui marquait le début et la fin d'une époque un peu paternaliste, où le patron s'occupait comme un grand-papa de ses ouvriers, de leur bien-être, etc.
Je me souviens que j'avais collecté 80 heures de paroles, ce qui était énorme. Et je me souviens avoir parfois eu le sentiment de me retrouver dans l'univers de Zola. Parce que les gens me parlaient d'un monde qui n'existait plus et pourtant, il n'y avait que 50 ans de passé entre leurs existences à la dynamiterie aujourd'hui. Mais tout était déjà aujourd'hui tellement différent. Le rapport hiérarchique, le travail, les relations du village, etc. Tout a tellement changé si vite que quand je collectais les gens, je ressentais une véritable nostalgie du monde qu'ils avaient vécu. Et ce, malgré le danger. que ce travail représentait.
Alors le jour de la représentation, il était unique, parce qu'il y a quand même plus de 350 habitants dans le public, tous venus entendre l'histoire de leur père, de leur mère, de leurs grands-parents, de leurs voisines, voisins, puis aussi de celles et ceux qui venaient de mourir, parfois juste avant la date du spectacle.
Oui, et c'était la première fois que sur scène, j'avais le sentiment d'être réellement dans l'intime des gens, à ce point-là, dans quelque chose de la véritable histoire. D'ailleurs, je ne jouais pas les gens, je les racontais, je dépliais nos rencontres. Tu vois, ce terme comme déplier la littérature me revient. Je sentais que tout le public était vissé à mes paroles, à ce que j'allais dire. Il y avait un silence comme je n'avais jamais entendu dans toute ma carrière et pourtant, nous étions dehors, en plein air. au pied de la dynamiterie. Il n'y avait rien, pas un bruit, juste ma parole, la musique, les pas de la danseuse, c'était totalement magique. Je me souviens avoir pleuré longtemps après le spectacle, en regardant les photos, en regardant le film que Céline Le Tournel, la vidéaste, avait fait pendant toute la résidence. J'ai mis du temps à me défaire de cette aventure, à la fois culturelle et aussi profondément humaine, parce que ce fut un vrai tournant dans ma carrière de collectrice et de comédienne. J'avais le sentiment à ce moment-là d'avoir une mission à porter et qu'il ne fallait pas la rater. Parce qu'elle portait en elle tout le passé, le présent, l'avenir de ces villages, de celles et ceux qui avaient vécu et de celles et ceux qui y vivaient et puis des autres qui allaient arriver. Je ne sais pas aujourd'hui si les gens s'en rappellent, mais moi, moi oui, et je ne pourrai jamais l'oublier. Et je me souviens tout à fait de cette phrase de... L'élu à la culture qu'on a revu, je crois, deux ans après, qui nous disait que des gens disaient Ah, tu te souviens du spectacle, de théâtre, dans le théâtre ! Et alors qu'il n'y avait pas de théâtre, on était vraiment au pied de la dynamétrie. Donc voilà, je pense que ça avait quand même marqué pas mal les esprits, ce magnifique projet de CUNY.
Alors donc, à l'époque, bien sûr, on est en 2016, et là, bien que nous poursuivions le travail de la compagnie, tu décides de partir en résidence. une résidence artistique dans les Hauts-de-Seine pour continuer...
Non, pas les Hauts-de-Seine,
les Hauts-de-France. Ah oui, c'est pas les mêmes.
C'est pas les mêmes.
Donc les Hauts-de-France pour continuer les collectes et les écritures. Mais plus dans la transmission avec les publics. C'est un autre type de travail. Leur faire partager et faire sentir en eux leur potentiel, leur créativité, etc.
Oui. À la fois de travailler avec les publics de cette façon et aussi de me rapprocher de mon écriture. Ça c'est important pour moi parce que c'est vrai que jusque-là l'écriture a servi pour les spectacles et que je suis arrivée à un moment donné de mon parcours où j'ai envie d'explorer. Et écrire des ouvrages, de plonger un peu plus en moi-même et de découvrir aussi ma propre écriture personnelle. Alors évidemment, je ne perds pas l'idée de reconstruire un projet ou une création collective. Puisque de toute façon, la compagnie, elle est en nous. C'est toi, c'est moi, c'est les autres. Mais nous sommes, comment on pourrait dire, nous sommes l'âme de ces projets.
Alors, c'est toujours cette idée de comment raconter quelque chose, le récit, qui a guidé les actions de la compagnie, et avec une multitude de projets, on ne va pas tous les énumérer là, avec des publics bien sûr différents, ça aussi c'est intéressant, parce qu'il y a eu tout type de public, mais bien sûr l'aventure continue.
Oui, d'ailleurs il y a un site.
qui s'appelle spera.org que je vous invite à aller on mettra le lien sur le site de Isadora BC
Merci Régis pour cet historique de cette compagnie qui a vécu de Montreuil à Fontainebleau du corps à la parole et je vous invite à écouter ce podcast sur le site Isadora BC Merci beaucoup Régis.
Merci à toi et merci à vous.
A bientôt.
A bientôt.
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Description
Clarence Massiani et Régis Decaix évoque l'aventure de la compagnie Speira .
Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.
Transcription
Bonjour, Gis. Bonjour, Clarence. Aujourd'hui, j'aimerais que nous évoquions l'élément qui nous a réunis, moi, comédienne, toi, poète, nos collaborations, nos travails communs. En dehors de Isadora BC, à savoir la compagnie Spera.
Eh bien, la compagnie Spera, en 1996, à Montreuil, j'ai contribué à former un petit collectif qui s'est constitué autour de différentes valeurs. D'abord le corps, notamment parce que nous étions pour la plupart des pratiquants de yoga, mais aussi parce que les... Et dans les participants, certains étaient des acrobates issus de ce que l'on a appelé le nouveau cirque. Donc, d'une part le corps, mais également l'art en général, et surtout la nature, avec l'envie de créer un mode de vie un peu alternatif.
Nous ne nous connaissions pas encore à cette époque. Alors, peux-tu nous dire ce que Spéra signifie et pourquoi vous aviez choisi ce nom ?
Alors, Spéra, c'est un mot grec qui signifie spirale. Mais... Le sens réel, il est à chercher au niveau du yoga et plus particulièrement du sanskrit. Parce qu'il existe dans cette langue ancienne une racine verbe composée uniquement de consonnes. C'est S-P-R, donc SPRE. Cette racine verbe, elle signifie sauver, libérer, gagner, l'autre rive. Il y avait donc cette idée d'émancipation, de liberté. Ce qui est intéressant, c'est qu'à partir de cette racine verbe, se sont constitués un tas de mots européens comme inspirer, expirer en français ou spiritus en latin, encore spirit en anglais, puis l'idée de spir, spirale à chaque fois avec cette suite de consonnes S-P-R, toujours dans le même ordre.
Il n'y avait donc pas encore de création de spectacle à ce moment-là ?
Non, non, au début il y avait une réflexion sur l'art, l'expression, le corps, la nature. avec des stages, des ateliers qui étaient mis en place, une petite feuille trimestrielle aussi avec différents articles. Je me rappelle en avoir signé un dont le titre était L'art ne naît pas
Ce titre en dit long sur le côté précurseur et un peu surréaliste de ton travail, si je peux me permettre.
Disons que pour moi l'idée c'était que l'artiste ne fait qu'agencer, coller, ordonner, découper, etc. Que le véritable art, c'était la vie tout simplement, le vivant, la sève qui s'écoule dans les arbres, la beauté des fleurs, l'air qu'on respire.
Et donc, qu'est-ce qui va opérer un changement, un cheminement vers la compagnie ?
Vers 1989-2000, l'association ne faisait plus grand-chose. C'est né en 1996 et après, il y a eu un petit saut. Mais elle existait...
Excuse-moi, tu as dit 89, donc en fait c'est...
99, excuse-moi, j'ai fait un bond de 10 années. Non, non, en fait, effectivement, elle existait toujours, mais elle était quand même dans un état latent, il ne se passait plus grand-chose. Un peu comme une mute, une métamorphose. Et c'est là, en fait, que toi tu apparaîs d'abord, que la compagnie se dote de la parole, on va dire.
Effectivement, nous sommes en 2002, et nous décidons alors de travailler ensemble à partir de la parole. du récit et puis de la narration.
Alors il y a tout d'abord eu un déménagement du siège social de la compagnie de Montreuil vers Fontainebleau. L'activité est devenue de plus en plus une compagnie, justement avec ses explorations, autour de cette idée centrale qui était comment porter un récit. Au départ, on était passé de l'art plus général avec cette implication corporelle à cette idée de comment est-ce qu'on porte un récit.
Je me souviens que nous étions véritablement en recherche. Effectivement, tu avais beaucoup travaillé autour de l'idée du corps. Et là, avec mes expériences de comédienne, nous étions plutôt à nous demander quel angle prendre pour pouvoir s'emparer des mots et les transmettre sans pour autant être dans la création avec des textes d'auteurs classiques et ou contemporains. Nous ne savions pas encore, d'ailleurs, quel pouvait être notre matériau de départ. À l'époque, je faisais déjà un peu de spectacles jeunes publics, mais j'avais envie d'aller vers de la création plus proche des récits-spectacles. que de rester dans le domaine du conte où finalement je ne me reconnaissais pas complètement. Et puis je voulais rester lié à l'espace scénique et théâtral.
Alors, il y a deux éléments forts qui vont structurer le travail de la compagnie, assez rapidement en fait. C'est-à-dire qu'en premier lieu, il y a l'idée de territoire. Au départ, moi j'emprunte cette réflexion sur le territoire à la sociologie. Pour qui justement le territoire, il est défini par une limite, une frontière. qui va déterminer le dit territoire, justement. De quoi on parle ? Justement, ça peut être une ville, un quartier, une rue. Ensuite, deuxième chose, le territoire, il est habité. Il y a des êtres qui donnent vie à ce territoire. Il ne vit pas tout seul, il y a des gens qui y habitent. Et là intervient ce deuxième élément constitutif de la compagnie, à savoir le collectage. Donc, la première démarche consistait à avoir un territoire qui est habité et à collecter la parole des habitants. La seconde étant l'instauration d'un récit et sa restitution sous forme de spectacle.
Je me souviens que la toute première expérimentation que nous avions mise en place était de participer à l'inauguration d'une nouvelle structure de la ville pour laquelle j'avais pris des photos de déconstruction et reconstruction du chantier durant une année. Et nous avions proposé, lors de cet événement inaugural, une projection filmée accompagnée d'un récit sur ce chantier que je racontais. et mis en musique et en chant par une musicienne, Emma Pietre, et un chanteur, Julien Lamassonne.
Et dans la même année, il y a eu Parcelles 53.
Oui, Parcelles 53 est née d'une collecte de paroles dans une association de jardins familiaux, qui sont les anciens jardins ouvriers, pour laquelle j'avais rencontré de nombreuses et nombreux habitants et habitantes qui cultivaient un jardin potager. Et ce, pour différentes raisons. Afin de manger leurs propres légumes, de militer contre les supermarchés, par tradition ancestrale, familiale, pour le plaisir d'être dehors, pour la retraite, etc. Cela avait duré quelques mois, cette collecte dans les jardins, avant l'écriture du spectacle. Et je découvrais alors que ces moments de collecte étaient aussi forts que ceux de la création, car ils étaient et sont d'ores et déjà, encore aujourd'hui, le début d'une création. Celle-ci se construit au fur et à mesure que les mots sont enregistrés et conservés. Et ce qui m'avait frappé à l'époque, et qui est toujours d'actualité, c'est de savoir que personne, ni nous, ni les gens collectés, ni les administrés qui nous font les commandes, ne savons encore sous quelle forme, quels spectacles vont naître et naissent de ces matériaux bruts. Mais nous aimons déjà l'idée que les gens rencontrés vont devenir les auteurs et autrices de ces créations. Et j'aime toujours quand on me dit, bon, ça, je vous le dis, mais ça reste entre nous. Mon enregistreur garde les secrets malgré tout, mais ils ont été dits.
Alors, pour Parcelles 53, nous avions monté le spectacle dans la forêt, aux abords des jardins familiaux. Donc, sur le territoire des jardins, quasiment. Ce qui avait permis que tout le monde soit présent. Il n'y avait pas à se rendre au théâtre. C'est lui qui venait vers les gens. Et d'ailleurs, le directeur du théâtre, à l'époque, c'était M. Cuny, il était présent avec M. le maire, Frédéric Valtoux, maintenant député, accompagné de ses élus. Cela avait été un beau moment de réunir tout ce monde dans un endroit éloigné du milieu culturel, un endroit autant hors les murs. Moi, je me souviens que personne ne nous connaissait, pas encore vraiment. Nous ne faisions que commencer avec l'inauguration précédente, dont tu as parlé, le gymnase. Et puis, c'était assez extraordinaire ce qui s'était passé cette première année. Cela a marqué vraiment l'entrée en scène de la compagnie Spera dans la région de Fontainebleau.
Ensuite, nous avions travaillé sur le thème de la forêt avec le spectacle du vacarme et des arbres, qui traitaient de ce sujet sous l'angle de la peur, de la disparition, de ce que la forêt peut engendrer d'angoisse et de crainte. Et pour cela, nous étions partis de faits divers, comme la disparition ou la mort des gens dans la forêt de Fontainebleau au fur et à mesure des époques, jusqu'aux femmes qui courent aujourd'hui en forêt et qui disparaissent ou se font tuer. Nous avions mêlé ces faits réels à une des métamorphoses d'Ovide, intitulée Philemon et Bocys, qui raconte comment un couple de personnes âgées, après avoir offert leur hospitalité à deux hommes, qui vont s'avérer finalement être des dieux antiques, vont être transformés en arbres afin de naître. jamais séparés, ni par la vie, ni par la mort.
Ce qui est intéressant, c'était comment nous avions procédé. Déjà, nous avions mélangé des artistes, à savoir qu'il y avait des comédiens, des comédiennes amateurs. Enfin, des comédiens amateurs, tu te rappelles, on avait fait un casting. Des élèves aussi, qui avaient écrit des slams, qui ont fait partie intégrante de l'écriture du spectacle, de l'histoire. Des danseuses. Il y avait un musicien professionnel et bien sûr, il y avait toi en tant que comédienne raconteuse d'histoire. Et il y avait trois lieux de diffusion qu'on avait sélectionnés. C'était un qui était la MJC, la maison des jeunes d'un quartier. Il y avait en second lieu un ermitage qui se situait en pleine forêt. Et bien sûr, un lieu éminemment culturel, celui du théâtre municipal. Nous avions construit notre public en fonction de ces lieux. Pour la MJC, évidemment, c'était le public du quartier qui était venu. En forêt, nous avions collaboré avec des associations de randonneurs qui étaient venues au spectacle après cette promenée, justement, en forêt. Et puis au théâtre, c'était la programmation théâtrale, donc ouverte à tous et toutes. Et je me souviens que certaines personnes sont venues aux trois représentations, car même si le fond était semblable, les lieux, ils offraient... Une forme un peu différente, évidemment que dans la salle de l'Hermitage avec des têtes de cerfs au mur, on n'était pas dans la même configuration que sur la scène du théâtre avec les éclairages qui vont bien, etc.
Et en parallèle à ces créations, nous avions mis en place un processus de petites formes inventives et créatives sous un projet intitulé Songe d'une ville Nous faisions participer des amateurs en théâtre, à différentes performances, des mises en scène photographiques, des collègues de parole, dans une librairie, une salle de la mairie, dans la rue. Et je crois qu'avec ces différents projets, nous commencions à nous faire bien identifier et à trouver ce qu'on voulait faire. Mais je pense quand même que c'est le projet dans le hameau de Cuny qui nous a le plus révélé et dans lequel notre recherche a pris le plus sa forme.
Tu oublies aussi qu'avant Cuny, il y a eu Récit de ville, Récit de vie, avec la ville nouvelle de Sénard, pour laquelle il a fallu construire sur très très peu d'histoires, parce qu'il y avait 40 ans d'existence, si tu veux, mais il y avait une machine. En fait, il y avait une machine qui était pareille à une espèce de photomaton, qui enregistrait les paroles des habitants. C'était un peu ciblé, c'était votre première fois à Scénar, machin, des choses comme ça, tout en les filmant. Et nous, on avait ces enregistrements. Il a fallu tirer de la matière de ces enregistrements. On en a fait une création. J'avais tout particulièrement travaillé sur la forme scénique de ce spectacle, la mise en scène et peut-être pour combler un peu, effectivement, le fond.
Oui, en fait, ce photobaton, c'était le... le lieu, la structure avec laquelle on travaillait, qui avait fait venir, je crois, ce qui avait fait venir aussi notre compagnie en amont de nous pour travailler sur ce photo.
Oui, c'est ça, des gens de Toulouse qui travaillaient sur l'image.
Voilà, et donc ensuite, nous, nous avions pu prendre quelques extraits de ce qu'ils avaient enregistré pour aller vers notre création. Donc, il y a presque deux compagnies qui ont travaillé sur ce spectacle-là.
Oui, tout à fait.
Et c'est vrai que ce qui était marquant pour nous, c'est que comme nous avions... peu de paroles à retranscrire avec ce photomaton, il nous a fallu réfléchir de comment nous approprier ce territoire pour en parler. Ce 40 ans d'existence, ce n'est pas beaucoup et nous avions très peu de matériaux. Je me rappelle très bien d'avoir passé des heures en voiture où j'arpentais les différentes villes et communes, où je m'arrêtais pour prendre des photos, où je pestais parce que souvent, il n'y avait rien. Il n'y avait pas de café, il n'y avait pas d'endroit pour faire une pause. Parce que finalement, tout avait été construit autour d'un centre commercial gigantesque où tout était rassemblé. Mais il fallait faire des kilomètres pour y accéder, car il était au centre de ce territoire. C'était un véritable temple de la consommation à l'américaine qui marche et qui s'est encore agrandi de nos jours. Cela avait été pensé et construit comme ça, autour de ce centre. Donc si tu veux prendre un café, il faut prendre ta voiture et te rendre là-bas. Mais le spectacle était super. super, on avait été ravis du résultat. Il y avait eu beaucoup de visuels, une grosse mise en scène, les vidéos des gens dans le photomaton, un peu de collègues, de la musique, de la danse. Finalement, scéniquement, avec très peu de choses, c'était très ambitieux.
Oui, tout à fait. Après, effectivement, comme tu le disais, il y a eu CUNY qui est arrivé dans la même année. Ça s'était un peu télescopé.
CUNY, ça reste pour moi encore aujourd'hui un des projets qui m'a le plus tenu à cœur. C'était sans doute dû à la collecte de l'histoire, mais également à la longueur du projet qui a duré presque deux années de travail. Je te laisse en parler.
La première année, il a fallu trouver des sous, du subventionnement. Nous nous sommes battus pour convaincre le ministère de la Culture de l'Île-de-France d'aider une petite compagnie pour un projet dans un tout petit hameau perdu en campagne. Le rendez-vous avec eux et les élus des villages était mémorable, terriblement touchant. Ça avait marché, nous on avait eu les sous et tous les autres partenaires se sont alignés, le projet a pu démarrer. C'était déjà extraordinaire que nous avions réussi à enclencher un début. Nous pouvions raconter l'histoire de cette dynamiterie qui avait fait vivre ces deux villages en tant que cités ouvrières et qui marquait le début et la fin d'une époque un peu paternaliste, où le patron s'occupait comme un grand-papa de ses ouvriers, de leur bien-être, etc.
Je me souviens que j'avais collecté 80 heures de paroles, ce qui était énorme. Et je me souviens avoir parfois eu le sentiment de me retrouver dans l'univers de Zola. Parce que les gens me parlaient d'un monde qui n'existait plus et pourtant, il n'y avait que 50 ans de passé entre leurs existences à la dynamiterie aujourd'hui. Mais tout était déjà aujourd'hui tellement différent. Le rapport hiérarchique, le travail, les relations du village, etc. Tout a tellement changé si vite que quand je collectais les gens, je ressentais une véritable nostalgie du monde qu'ils avaient vécu. Et ce, malgré le danger. que ce travail représentait.
Alors le jour de la représentation, il était unique, parce qu'il y a quand même plus de 350 habitants dans le public, tous venus entendre l'histoire de leur père, de leur mère, de leurs grands-parents, de leurs voisines, voisins, puis aussi de celles et ceux qui venaient de mourir, parfois juste avant la date du spectacle.
Oui, et c'était la première fois que sur scène, j'avais le sentiment d'être réellement dans l'intime des gens, à ce point-là, dans quelque chose de la véritable histoire. D'ailleurs, je ne jouais pas les gens, je les racontais, je dépliais nos rencontres. Tu vois, ce terme comme déplier la littérature me revient. Je sentais que tout le public était vissé à mes paroles, à ce que j'allais dire. Il y avait un silence comme je n'avais jamais entendu dans toute ma carrière et pourtant, nous étions dehors, en plein air. au pied de la dynamiterie. Il n'y avait rien, pas un bruit, juste ma parole, la musique, les pas de la danseuse, c'était totalement magique. Je me souviens avoir pleuré longtemps après le spectacle, en regardant les photos, en regardant le film que Céline Le Tournel, la vidéaste, avait fait pendant toute la résidence. J'ai mis du temps à me défaire de cette aventure, à la fois culturelle et aussi profondément humaine, parce que ce fut un vrai tournant dans ma carrière de collectrice et de comédienne. J'avais le sentiment à ce moment-là d'avoir une mission à porter et qu'il ne fallait pas la rater. Parce qu'elle portait en elle tout le passé, le présent, l'avenir de ces villages, de celles et ceux qui avaient vécu et de celles et ceux qui y vivaient et puis des autres qui allaient arriver. Je ne sais pas aujourd'hui si les gens s'en rappellent, mais moi, moi oui, et je ne pourrai jamais l'oublier. Et je me souviens tout à fait de cette phrase de... L'élu à la culture qu'on a revu, je crois, deux ans après, qui nous disait que des gens disaient Ah, tu te souviens du spectacle, de théâtre, dans le théâtre ! Et alors qu'il n'y avait pas de théâtre, on était vraiment au pied de la dynamétrie. Donc voilà, je pense que ça avait quand même marqué pas mal les esprits, ce magnifique projet de CUNY.
Alors donc, à l'époque, bien sûr, on est en 2016, et là, bien que nous poursuivions le travail de la compagnie, tu décides de partir en résidence. une résidence artistique dans les Hauts-de-Seine pour continuer...
Non, pas les Hauts-de-Seine,
les Hauts-de-France. Ah oui, c'est pas les mêmes.
C'est pas les mêmes.
Donc les Hauts-de-France pour continuer les collectes et les écritures. Mais plus dans la transmission avec les publics. C'est un autre type de travail. Leur faire partager et faire sentir en eux leur potentiel, leur créativité, etc.
Oui. À la fois de travailler avec les publics de cette façon et aussi de me rapprocher de mon écriture. Ça c'est important pour moi parce que c'est vrai que jusque-là l'écriture a servi pour les spectacles et que je suis arrivée à un moment donné de mon parcours où j'ai envie d'explorer. Et écrire des ouvrages, de plonger un peu plus en moi-même et de découvrir aussi ma propre écriture personnelle. Alors évidemment, je ne perds pas l'idée de reconstruire un projet ou une création collective. Puisque de toute façon, la compagnie, elle est en nous. C'est toi, c'est moi, c'est les autres. Mais nous sommes, comment on pourrait dire, nous sommes l'âme de ces projets.
Alors, c'est toujours cette idée de comment raconter quelque chose, le récit, qui a guidé les actions de la compagnie, et avec une multitude de projets, on ne va pas tous les énumérer là, avec des publics bien sûr différents, ça aussi c'est intéressant, parce qu'il y a eu tout type de public, mais bien sûr l'aventure continue.
Oui, d'ailleurs il y a un site.
qui s'appelle spera.org que je vous invite à aller on mettra le lien sur le site de Isadora BC
Merci Régis pour cet historique de cette compagnie qui a vécu de Montreuil à Fontainebleau du corps à la parole et je vous invite à écouter ce podcast sur le site Isadora BC Merci beaucoup Régis.
Merci à toi et merci à vous.
A bientôt.
A bientôt.
Description
Clarence Massiani et Régis Decaix évoque l'aventure de la compagnie Speira .
Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.
Transcription
Bonjour, Gis. Bonjour, Clarence. Aujourd'hui, j'aimerais que nous évoquions l'élément qui nous a réunis, moi, comédienne, toi, poète, nos collaborations, nos travails communs. En dehors de Isadora BC, à savoir la compagnie Spera.
Eh bien, la compagnie Spera, en 1996, à Montreuil, j'ai contribué à former un petit collectif qui s'est constitué autour de différentes valeurs. D'abord le corps, notamment parce que nous étions pour la plupart des pratiquants de yoga, mais aussi parce que les... Et dans les participants, certains étaient des acrobates issus de ce que l'on a appelé le nouveau cirque. Donc, d'une part le corps, mais également l'art en général, et surtout la nature, avec l'envie de créer un mode de vie un peu alternatif.
Nous ne nous connaissions pas encore à cette époque. Alors, peux-tu nous dire ce que Spéra signifie et pourquoi vous aviez choisi ce nom ?
Alors, Spéra, c'est un mot grec qui signifie spirale. Mais... Le sens réel, il est à chercher au niveau du yoga et plus particulièrement du sanskrit. Parce qu'il existe dans cette langue ancienne une racine verbe composée uniquement de consonnes. C'est S-P-R, donc SPRE. Cette racine verbe, elle signifie sauver, libérer, gagner, l'autre rive. Il y avait donc cette idée d'émancipation, de liberté. Ce qui est intéressant, c'est qu'à partir de cette racine verbe, se sont constitués un tas de mots européens comme inspirer, expirer en français ou spiritus en latin, encore spirit en anglais, puis l'idée de spir, spirale à chaque fois avec cette suite de consonnes S-P-R, toujours dans le même ordre.
Il n'y avait donc pas encore de création de spectacle à ce moment-là ?
Non, non, au début il y avait une réflexion sur l'art, l'expression, le corps, la nature. avec des stages, des ateliers qui étaient mis en place, une petite feuille trimestrielle aussi avec différents articles. Je me rappelle en avoir signé un dont le titre était L'art ne naît pas
Ce titre en dit long sur le côté précurseur et un peu surréaliste de ton travail, si je peux me permettre.
Disons que pour moi l'idée c'était que l'artiste ne fait qu'agencer, coller, ordonner, découper, etc. Que le véritable art, c'était la vie tout simplement, le vivant, la sève qui s'écoule dans les arbres, la beauté des fleurs, l'air qu'on respire.
Et donc, qu'est-ce qui va opérer un changement, un cheminement vers la compagnie ?
Vers 1989-2000, l'association ne faisait plus grand-chose. C'est né en 1996 et après, il y a eu un petit saut. Mais elle existait...
Excuse-moi, tu as dit 89, donc en fait c'est...
99, excuse-moi, j'ai fait un bond de 10 années. Non, non, en fait, effectivement, elle existait toujours, mais elle était quand même dans un état latent, il ne se passait plus grand-chose. Un peu comme une mute, une métamorphose. Et c'est là, en fait, que toi tu apparaîs d'abord, que la compagnie se dote de la parole, on va dire.
Effectivement, nous sommes en 2002, et nous décidons alors de travailler ensemble à partir de la parole. du récit et puis de la narration.
Alors il y a tout d'abord eu un déménagement du siège social de la compagnie de Montreuil vers Fontainebleau. L'activité est devenue de plus en plus une compagnie, justement avec ses explorations, autour de cette idée centrale qui était comment porter un récit. Au départ, on était passé de l'art plus général avec cette implication corporelle à cette idée de comment est-ce qu'on porte un récit.
Je me souviens que nous étions véritablement en recherche. Effectivement, tu avais beaucoup travaillé autour de l'idée du corps. Et là, avec mes expériences de comédienne, nous étions plutôt à nous demander quel angle prendre pour pouvoir s'emparer des mots et les transmettre sans pour autant être dans la création avec des textes d'auteurs classiques et ou contemporains. Nous ne savions pas encore, d'ailleurs, quel pouvait être notre matériau de départ. À l'époque, je faisais déjà un peu de spectacles jeunes publics, mais j'avais envie d'aller vers de la création plus proche des récits-spectacles. que de rester dans le domaine du conte où finalement je ne me reconnaissais pas complètement. Et puis je voulais rester lié à l'espace scénique et théâtral.
Alors, il y a deux éléments forts qui vont structurer le travail de la compagnie, assez rapidement en fait. C'est-à-dire qu'en premier lieu, il y a l'idée de territoire. Au départ, moi j'emprunte cette réflexion sur le territoire à la sociologie. Pour qui justement le territoire, il est défini par une limite, une frontière. qui va déterminer le dit territoire, justement. De quoi on parle ? Justement, ça peut être une ville, un quartier, une rue. Ensuite, deuxième chose, le territoire, il est habité. Il y a des êtres qui donnent vie à ce territoire. Il ne vit pas tout seul, il y a des gens qui y habitent. Et là intervient ce deuxième élément constitutif de la compagnie, à savoir le collectage. Donc, la première démarche consistait à avoir un territoire qui est habité et à collecter la parole des habitants. La seconde étant l'instauration d'un récit et sa restitution sous forme de spectacle.
Je me souviens que la toute première expérimentation que nous avions mise en place était de participer à l'inauguration d'une nouvelle structure de la ville pour laquelle j'avais pris des photos de déconstruction et reconstruction du chantier durant une année. Et nous avions proposé, lors de cet événement inaugural, une projection filmée accompagnée d'un récit sur ce chantier que je racontais. et mis en musique et en chant par une musicienne, Emma Pietre, et un chanteur, Julien Lamassonne.
Et dans la même année, il y a eu Parcelles 53.
Oui, Parcelles 53 est née d'une collecte de paroles dans une association de jardins familiaux, qui sont les anciens jardins ouvriers, pour laquelle j'avais rencontré de nombreuses et nombreux habitants et habitantes qui cultivaient un jardin potager. Et ce, pour différentes raisons. Afin de manger leurs propres légumes, de militer contre les supermarchés, par tradition ancestrale, familiale, pour le plaisir d'être dehors, pour la retraite, etc. Cela avait duré quelques mois, cette collecte dans les jardins, avant l'écriture du spectacle. Et je découvrais alors que ces moments de collecte étaient aussi forts que ceux de la création, car ils étaient et sont d'ores et déjà, encore aujourd'hui, le début d'une création. Celle-ci se construit au fur et à mesure que les mots sont enregistrés et conservés. Et ce qui m'avait frappé à l'époque, et qui est toujours d'actualité, c'est de savoir que personne, ni nous, ni les gens collectés, ni les administrés qui nous font les commandes, ne savons encore sous quelle forme, quels spectacles vont naître et naissent de ces matériaux bruts. Mais nous aimons déjà l'idée que les gens rencontrés vont devenir les auteurs et autrices de ces créations. Et j'aime toujours quand on me dit, bon, ça, je vous le dis, mais ça reste entre nous. Mon enregistreur garde les secrets malgré tout, mais ils ont été dits.
Alors, pour Parcelles 53, nous avions monté le spectacle dans la forêt, aux abords des jardins familiaux. Donc, sur le territoire des jardins, quasiment. Ce qui avait permis que tout le monde soit présent. Il n'y avait pas à se rendre au théâtre. C'est lui qui venait vers les gens. Et d'ailleurs, le directeur du théâtre, à l'époque, c'était M. Cuny, il était présent avec M. le maire, Frédéric Valtoux, maintenant député, accompagné de ses élus. Cela avait été un beau moment de réunir tout ce monde dans un endroit éloigné du milieu culturel, un endroit autant hors les murs. Moi, je me souviens que personne ne nous connaissait, pas encore vraiment. Nous ne faisions que commencer avec l'inauguration précédente, dont tu as parlé, le gymnase. Et puis, c'était assez extraordinaire ce qui s'était passé cette première année. Cela a marqué vraiment l'entrée en scène de la compagnie Spera dans la région de Fontainebleau.
Ensuite, nous avions travaillé sur le thème de la forêt avec le spectacle du vacarme et des arbres, qui traitaient de ce sujet sous l'angle de la peur, de la disparition, de ce que la forêt peut engendrer d'angoisse et de crainte. Et pour cela, nous étions partis de faits divers, comme la disparition ou la mort des gens dans la forêt de Fontainebleau au fur et à mesure des époques, jusqu'aux femmes qui courent aujourd'hui en forêt et qui disparaissent ou se font tuer. Nous avions mêlé ces faits réels à une des métamorphoses d'Ovide, intitulée Philemon et Bocys, qui raconte comment un couple de personnes âgées, après avoir offert leur hospitalité à deux hommes, qui vont s'avérer finalement être des dieux antiques, vont être transformés en arbres afin de naître. jamais séparés, ni par la vie, ni par la mort.
Ce qui est intéressant, c'était comment nous avions procédé. Déjà, nous avions mélangé des artistes, à savoir qu'il y avait des comédiens, des comédiennes amateurs. Enfin, des comédiens amateurs, tu te rappelles, on avait fait un casting. Des élèves aussi, qui avaient écrit des slams, qui ont fait partie intégrante de l'écriture du spectacle, de l'histoire. Des danseuses. Il y avait un musicien professionnel et bien sûr, il y avait toi en tant que comédienne raconteuse d'histoire. Et il y avait trois lieux de diffusion qu'on avait sélectionnés. C'était un qui était la MJC, la maison des jeunes d'un quartier. Il y avait en second lieu un ermitage qui se situait en pleine forêt. Et bien sûr, un lieu éminemment culturel, celui du théâtre municipal. Nous avions construit notre public en fonction de ces lieux. Pour la MJC, évidemment, c'était le public du quartier qui était venu. En forêt, nous avions collaboré avec des associations de randonneurs qui étaient venues au spectacle après cette promenée, justement, en forêt. Et puis au théâtre, c'était la programmation théâtrale, donc ouverte à tous et toutes. Et je me souviens que certaines personnes sont venues aux trois représentations, car même si le fond était semblable, les lieux, ils offraient... Une forme un peu différente, évidemment que dans la salle de l'Hermitage avec des têtes de cerfs au mur, on n'était pas dans la même configuration que sur la scène du théâtre avec les éclairages qui vont bien, etc.
Et en parallèle à ces créations, nous avions mis en place un processus de petites formes inventives et créatives sous un projet intitulé Songe d'une ville Nous faisions participer des amateurs en théâtre, à différentes performances, des mises en scène photographiques, des collègues de parole, dans une librairie, une salle de la mairie, dans la rue. Et je crois qu'avec ces différents projets, nous commencions à nous faire bien identifier et à trouver ce qu'on voulait faire. Mais je pense quand même que c'est le projet dans le hameau de Cuny qui nous a le plus révélé et dans lequel notre recherche a pris le plus sa forme.
Tu oublies aussi qu'avant Cuny, il y a eu Récit de ville, Récit de vie, avec la ville nouvelle de Sénard, pour laquelle il a fallu construire sur très très peu d'histoires, parce qu'il y avait 40 ans d'existence, si tu veux, mais il y avait une machine. En fait, il y avait une machine qui était pareille à une espèce de photomaton, qui enregistrait les paroles des habitants. C'était un peu ciblé, c'était votre première fois à Scénar, machin, des choses comme ça, tout en les filmant. Et nous, on avait ces enregistrements. Il a fallu tirer de la matière de ces enregistrements. On en a fait une création. J'avais tout particulièrement travaillé sur la forme scénique de ce spectacle, la mise en scène et peut-être pour combler un peu, effectivement, le fond.
Oui, en fait, ce photobaton, c'était le... le lieu, la structure avec laquelle on travaillait, qui avait fait venir, je crois, ce qui avait fait venir aussi notre compagnie en amont de nous pour travailler sur ce photo.
Oui, c'est ça, des gens de Toulouse qui travaillaient sur l'image.
Voilà, et donc ensuite, nous, nous avions pu prendre quelques extraits de ce qu'ils avaient enregistré pour aller vers notre création. Donc, il y a presque deux compagnies qui ont travaillé sur ce spectacle-là.
Oui, tout à fait.
Et c'est vrai que ce qui était marquant pour nous, c'est que comme nous avions... peu de paroles à retranscrire avec ce photomaton, il nous a fallu réfléchir de comment nous approprier ce territoire pour en parler. Ce 40 ans d'existence, ce n'est pas beaucoup et nous avions très peu de matériaux. Je me rappelle très bien d'avoir passé des heures en voiture où j'arpentais les différentes villes et communes, où je m'arrêtais pour prendre des photos, où je pestais parce que souvent, il n'y avait rien. Il n'y avait pas de café, il n'y avait pas d'endroit pour faire une pause. Parce que finalement, tout avait été construit autour d'un centre commercial gigantesque où tout était rassemblé. Mais il fallait faire des kilomètres pour y accéder, car il était au centre de ce territoire. C'était un véritable temple de la consommation à l'américaine qui marche et qui s'est encore agrandi de nos jours. Cela avait été pensé et construit comme ça, autour de ce centre. Donc si tu veux prendre un café, il faut prendre ta voiture et te rendre là-bas. Mais le spectacle était super. super, on avait été ravis du résultat. Il y avait eu beaucoup de visuels, une grosse mise en scène, les vidéos des gens dans le photomaton, un peu de collègues, de la musique, de la danse. Finalement, scéniquement, avec très peu de choses, c'était très ambitieux.
Oui, tout à fait. Après, effectivement, comme tu le disais, il y a eu CUNY qui est arrivé dans la même année. Ça s'était un peu télescopé.
CUNY, ça reste pour moi encore aujourd'hui un des projets qui m'a le plus tenu à cœur. C'était sans doute dû à la collecte de l'histoire, mais également à la longueur du projet qui a duré presque deux années de travail. Je te laisse en parler.
La première année, il a fallu trouver des sous, du subventionnement. Nous nous sommes battus pour convaincre le ministère de la Culture de l'Île-de-France d'aider une petite compagnie pour un projet dans un tout petit hameau perdu en campagne. Le rendez-vous avec eux et les élus des villages était mémorable, terriblement touchant. Ça avait marché, nous on avait eu les sous et tous les autres partenaires se sont alignés, le projet a pu démarrer. C'était déjà extraordinaire que nous avions réussi à enclencher un début. Nous pouvions raconter l'histoire de cette dynamiterie qui avait fait vivre ces deux villages en tant que cités ouvrières et qui marquait le début et la fin d'une époque un peu paternaliste, où le patron s'occupait comme un grand-papa de ses ouvriers, de leur bien-être, etc.
Je me souviens que j'avais collecté 80 heures de paroles, ce qui était énorme. Et je me souviens avoir parfois eu le sentiment de me retrouver dans l'univers de Zola. Parce que les gens me parlaient d'un monde qui n'existait plus et pourtant, il n'y avait que 50 ans de passé entre leurs existences à la dynamiterie aujourd'hui. Mais tout était déjà aujourd'hui tellement différent. Le rapport hiérarchique, le travail, les relations du village, etc. Tout a tellement changé si vite que quand je collectais les gens, je ressentais une véritable nostalgie du monde qu'ils avaient vécu. Et ce, malgré le danger. que ce travail représentait.
Alors le jour de la représentation, il était unique, parce qu'il y a quand même plus de 350 habitants dans le public, tous venus entendre l'histoire de leur père, de leur mère, de leurs grands-parents, de leurs voisines, voisins, puis aussi de celles et ceux qui venaient de mourir, parfois juste avant la date du spectacle.
Oui, et c'était la première fois que sur scène, j'avais le sentiment d'être réellement dans l'intime des gens, à ce point-là, dans quelque chose de la véritable histoire. D'ailleurs, je ne jouais pas les gens, je les racontais, je dépliais nos rencontres. Tu vois, ce terme comme déplier la littérature me revient. Je sentais que tout le public était vissé à mes paroles, à ce que j'allais dire. Il y avait un silence comme je n'avais jamais entendu dans toute ma carrière et pourtant, nous étions dehors, en plein air. au pied de la dynamiterie. Il n'y avait rien, pas un bruit, juste ma parole, la musique, les pas de la danseuse, c'était totalement magique. Je me souviens avoir pleuré longtemps après le spectacle, en regardant les photos, en regardant le film que Céline Le Tournel, la vidéaste, avait fait pendant toute la résidence. J'ai mis du temps à me défaire de cette aventure, à la fois culturelle et aussi profondément humaine, parce que ce fut un vrai tournant dans ma carrière de collectrice et de comédienne. J'avais le sentiment à ce moment-là d'avoir une mission à porter et qu'il ne fallait pas la rater. Parce qu'elle portait en elle tout le passé, le présent, l'avenir de ces villages, de celles et ceux qui avaient vécu et de celles et ceux qui y vivaient et puis des autres qui allaient arriver. Je ne sais pas aujourd'hui si les gens s'en rappellent, mais moi, moi oui, et je ne pourrai jamais l'oublier. Et je me souviens tout à fait de cette phrase de... L'élu à la culture qu'on a revu, je crois, deux ans après, qui nous disait que des gens disaient Ah, tu te souviens du spectacle, de théâtre, dans le théâtre ! Et alors qu'il n'y avait pas de théâtre, on était vraiment au pied de la dynamétrie. Donc voilà, je pense que ça avait quand même marqué pas mal les esprits, ce magnifique projet de CUNY.
Alors donc, à l'époque, bien sûr, on est en 2016, et là, bien que nous poursuivions le travail de la compagnie, tu décides de partir en résidence. une résidence artistique dans les Hauts-de-Seine pour continuer...
Non, pas les Hauts-de-Seine,
les Hauts-de-France. Ah oui, c'est pas les mêmes.
C'est pas les mêmes.
Donc les Hauts-de-France pour continuer les collectes et les écritures. Mais plus dans la transmission avec les publics. C'est un autre type de travail. Leur faire partager et faire sentir en eux leur potentiel, leur créativité, etc.
Oui. À la fois de travailler avec les publics de cette façon et aussi de me rapprocher de mon écriture. Ça c'est important pour moi parce que c'est vrai que jusque-là l'écriture a servi pour les spectacles et que je suis arrivée à un moment donné de mon parcours où j'ai envie d'explorer. Et écrire des ouvrages, de plonger un peu plus en moi-même et de découvrir aussi ma propre écriture personnelle. Alors évidemment, je ne perds pas l'idée de reconstruire un projet ou une création collective. Puisque de toute façon, la compagnie, elle est en nous. C'est toi, c'est moi, c'est les autres. Mais nous sommes, comment on pourrait dire, nous sommes l'âme de ces projets.
Alors, c'est toujours cette idée de comment raconter quelque chose, le récit, qui a guidé les actions de la compagnie, et avec une multitude de projets, on ne va pas tous les énumérer là, avec des publics bien sûr différents, ça aussi c'est intéressant, parce qu'il y a eu tout type de public, mais bien sûr l'aventure continue.
Oui, d'ailleurs il y a un site.
qui s'appelle spera.org que je vous invite à aller on mettra le lien sur le site de Isadora BC
Merci Régis pour cet historique de cette compagnie qui a vécu de Montreuil à Fontainebleau du corps à la parole et je vous invite à écouter ce podcast sur le site Isadora BC Merci beaucoup Régis.
Merci à toi et merci à vous.
A bientôt.
A bientôt.
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