Description
"Déplier la littérature", expression ou métaphore ? Clarence Massiani et Régis Decaix discutent autour de cette proposition
Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.
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"Déplier la littérature", expression ou métaphore ? Clarence Massiani et Régis Decaix discutent autour de cette proposition
Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.
Transcription
Bienvenue dans notre podcast Isadora BC, le podcast où un poète et une comédienne échangent autour d'une tasse de café. Le poète, c'est Régis Dequet et la comédienne, Clarence Massiani. Bonjour Régis.
Bonjour Clarence.
Alors Régis, où allons-nous aujourd'hui ? Qu'allons-nous évoquer ?
J'aimerais que nous évoquions cette idée de déplier la littérature. dont j'avais parlé au tout début de la création de ce podcast.
Ah oui, c'est cette idée qui avait donné un des premiers articles sur le site isadorabc.com. Même si je comprends bien l'idée poétique, la métaphore, j'aimerais savoir ce que tu veux dire par déplier la littérature.
Justement, cette proposition, aussi curieuse qu'elle puisse être, invite à la réflexion, à la rêverie. En relisant un ancien poème de 1987 que l'on retrouve dans mon recueil intitulé Le quotidien effacé j'écrivais Soucieuse de dignité, la posture se conforte. Geste alerte qui réclame sa pittance, criure de l'instinct, charme de vie, énergie localisée en son noyau, le prisme de l'œil décompose la lumière, elle fuit vers son angle. préférée. Je trace un trait, fibre décente d'une idée dénouée. Cette relation à l'écriture, qui est forcément très intime, un trait personnel, m'apparaît justement comme le dénouement de quelque chose, d'une idée. Je trace un trait, quelque chose s'écrit, se dit, quelque chose est exhumé des profondeurs.
Comme une mise en lumière ?
Regarde une feuille de papier. Elle est pliée en deux. En la dépliant, tu l'exposes effectivement à la lumière.
Effectivement. Et cela me rappelle un vers de Jean-Paul Jacques qui écrit dans son recueil Le traitement des circonstances Ce qui se déplie est à l'intérieur du dépliement
Parfaitement. C'est très beau ça. Cela va avec cette idée du dévoilement. Donc oui, comme tu disais, effectivement, une mise en lumière.
Donc les plis cachent ou contiennent des choses, des histoires, des idées.
Il y a de la vie dans les plis, pour paraphraser le titre du livre d'Henri Michaud, La vie dans les plis. J'aimerais que tu nous lises un petit extrait d'ailleurs d'un poème issu de ce livre, si tu veux bien.
C'est un poème qui s'appelle Emplis de, emplis de moi, emplis de toi. Emplis des voiles sans fin de vouloirs obscurs, emplis de pluie, emplis de nuit, emplis des plis indéfinis, des plis de ma vigie, emplis de pluie, emplis de bris, de débris, de morceaux de débris, de cris aussi, surtout de cris, emplis d'asphyxie, trombe lente.
Merci Clarence. Alors je trouve très beau ce poème de Henri Michaud qui nous rappelle que les plis sont remplis de nuit, comme il le dit, emplis de bris, de débris, de morceaux de débris, de cris aussi, surtout de cris, emplis d'asphyxie. C'est bien cette nuit, ces cris et ces débris qu'il s'agit d'exposer, de mettre en lumière, de révéler. Lorsque tu animes un atelier d'écriture, par exemple, Les participants sont attentifs et à partir d'une proposition, ils vont déplier quelque chose en eux pour faire écriture. C'est la construction du récit. Est-ce que tu pourrais nous raconter un de ces dépliements par exemple ?
Concernant les ateliers d'écriture que je mène, je parle plutôt de déconstruction pour construire la proposition, c'est-à-dire que je découpe celle-ci en fragments dans le temps. Je ne demande pas aux gens d'écrire la proposition. telles qu'elles, sauf si c'est un public déjà chevronné. Mais souvent, avec des jeunes ou des personnes qui n'ont jamais écrit, je déconstruis ou je déplie comme tu aimes à dire. Déjà, il y a présentation de la proposition, puis lecture d'un ou deux textes qui pourraient être inspirants et ou donner l'envie de se lancer. Et on commence doucement dans l'écriture, soit par une question à laquelle les gens doivent répondre par écrit, soit par une phrase ou une pensée qui fait lien avec la proposition. Je peux par la suite continuer avec un souvenir ou quelque chose qui évoque la proposition. Et petit à petit, ainsi, nous déplions et écrivons à la proposition sous différents angles jusqu'à arriver au tout qui peut éventuellement former un texte. Ce qui m'intéresse, c'est ce temps d'échange entre l'écrit et l'oralité. On écrit, on en parle. Quelles sont les difficultés ou les moments de fluidité ? Est-ce que tout va bien ? Et puis on continue. Parce qu'il me semble que ce qui est difficile pour les gens, c'est d'abord de se retrouver devant une feuille blanche et de ne pas savoir quoi dire. Et je ne pense pas que les gens n'ont rien à dire. Je pense que souvent, ils ne savent pas comment dire ou par quoi commencer. Alors on déplie pour replier. On déplie pour replier, lentement, pas à pas. Je pense que je fais travailler les gens comme je travaille moi-même, ce qui me permet de ressentir ce que je leur fais faire. Je passe moi-même par ce processus d'aller chercher peu à peu ce qui veut ou peut être dévoilé. Comme lorsqu'on écrit une mémoire, une thèse, un livre, on décortique jusqu'à la moelle pour lui redonner un corps.
Et nous, qu'entendons-nous par déplier la littérature dans notre site ?
Je ne sais pas, c'est toi qui as lancé cette idée.
Oui, parce qu'en fait, elle contient une sorte de métaphore. C'est une idée poétique qui... qui ouvre, en fait, qui ouvre, à mon sens, vers l'infini. Les mots s'étirent, littérature dépliée, comme linge au vent, dans le souffle léger. Chaque page, un écho. Un peu comme le caillou, tu sais, lancé dans l'eau qui va émettre des cercles concentriques jusqu'à toucher la rive. Alors les mots deviennent des ponts, des passerelles, des portes, des... ailleurs.
Pour ma part, je me demande si, entre nous, ce n'est pas une façon de déplier ce que l'on a envie de dire sur la littérature, sur les gens qu'on aime lire, les textes que l'on veut partager. Nos travaux en commun, qui font partie d'une recherche constante sur comment collecter la parole. Donc, faire déplier aux gens leur vie, leurs ressentis, leurs mots, pour ensuite construire un spectacle avec tous ces dépliés. Comment faire venir les gens au littéraire ? Il s'agit peut-être de se mettre à la portée de toutes et tous et de se dire, tiens, qu'est-ce que c'est qu'un livre ? Que nous dit-il ? Pourquoi est-ce important ou urgent de lire ceci ? Et vous, qu'aimeriez-vous dire ? Et comment le diriez-vous ? Il me semble qu'au travers de la littérature et de l'écriture, il y a dévoilement et singularité d'une personne. Son histoire individuelle peut sans doute résonner dans le collectif, faire sens pour l'autre. On se déplie pour se replier avec d'autres comme quelque chose que l'on défait à nous. Quelque chose que l'on défait, comme se mettre à nu, quelque chose que l'on défait en nous, pour refaire avec l'un ou avec l'autre. Qu'est-ce que tu en dis, Régis ?
Ben oui, c'est en fait le sens que l'on déplie ou pas. Un peu comme l'évoque Jean-Paul Sartre dans Qu'est-ce que la littérature ? il dit la chose littéraire présentée n'est plus alors... Chose mais devient signe. Et en ce sens c'est un engagement, il y a potentialité. Imagine, je te décris une rue. Bon, chacun voit ou entend une rue de son choix, bien sûr. Maintenant si je déplie la phrase en disant une rue déserte à Santiago, au Chili, il est 4 heures du matin, ce n'est plus la même chose. C'est déjà une autre rue, qui impose un climat, une sensation, une situation. C'est cela que fait un auteur pour servir sa narration. Il choisit de déplier l'histoire plus ou moins en fonction de ses propres besoins narratifs.
Déplier le linge, le laver, le faire sécher, le replier, souvent cela est plus facile à deux. Défaire un lit, le secouer, l'aérer, le remettre en état, étape par étape, drap, coussin, couette et couverture. Déplier les cuisses d'un bébé pour le laver, l'enduire de crème ou d'huile. Être habillé et se dévêtir couche par couche n'être que le corps dans son intime, plus de vêtements, plus de signes sociaux qui habillent et fait devenir personnage. Non, juste le corps dans sa présence fragile, sans défense. J'aime bien cette idée du dépli qui est proche du défaire. Alors défaire la littérature et peut-être creuser dans le littéraire pour toucher le plus profond, le plus caché, le plus secret. Mettre au grand jour ce que l'on ne montre pas, ce qui est bien entendu complètement paradoxal, puisque l'on souhaite que les autres lisent ce qui, en nous, est en nous, à travers nos écrits. On peut dire qu'ils nous dévoilent. Alors Régis ? Nous arrivons à la fin de notre podcast Déplier la littérature Chères auditrices et chers auditeurs, je vous invite à le découvrir sur nos différents sites isadorabc.com et toutes les autres plateformes. Merci pour ce moment partagé ensemble. À bientôt.
À bientôt.
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"Déplier la littérature", expression ou métaphore ? Clarence Massiani et Régis Decaix discutent autour de cette proposition
Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.
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Bienvenue dans notre podcast Isadora BC, le podcast où un poète et une comédienne échangent autour d'une tasse de café. Le poète, c'est Régis Dequet et la comédienne, Clarence Massiani. Bonjour Régis.
Bonjour Clarence.
Alors Régis, où allons-nous aujourd'hui ? Qu'allons-nous évoquer ?
J'aimerais que nous évoquions cette idée de déplier la littérature. dont j'avais parlé au tout début de la création de ce podcast.
Ah oui, c'est cette idée qui avait donné un des premiers articles sur le site isadorabc.com. Même si je comprends bien l'idée poétique, la métaphore, j'aimerais savoir ce que tu veux dire par déplier la littérature.
Justement, cette proposition, aussi curieuse qu'elle puisse être, invite à la réflexion, à la rêverie. En relisant un ancien poème de 1987 que l'on retrouve dans mon recueil intitulé Le quotidien effacé j'écrivais Soucieuse de dignité, la posture se conforte. Geste alerte qui réclame sa pittance, criure de l'instinct, charme de vie, énergie localisée en son noyau, le prisme de l'œil décompose la lumière, elle fuit vers son angle. préférée. Je trace un trait, fibre décente d'une idée dénouée. Cette relation à l'écriture, qui est forcément très intime, un trait personnel, m'apparaît justement comme le dénouement de quelque chose, d'une idée. Je trace un trait, quelque chose s'écrit, se dit, quelque chose est exhumé des profondeurs.
Comme une mise en lumière ?
Regarde une feuille de papier. Elle est pliée en deux. En la dépliant, tu l'exposes effectivement à la lumière.
Effectivement. Et cela me rappelle un vers de Jean-Paul Jacques qui écrit dans son recueil Le traitement des circonstances Ce qui se déplie est à l'intérieur du dépliement
Parfaitement. C'est très beau ça. Cela va avec cette idée du dévoilement. Donc oui, comme tu disais, effectivement, une mise en lumière.
Donc les plis cachent ou contiennent des choses, des histoires, des idées.
Il y a de la vie dans les plis, pour paraphraser le titre du livre d'Henri Michaud, La vie dans les plis. J'aimerais que tu nous lises un petit extrait d'ailleurs d'un poème issu de ce livre, si tu veux bien.
C'est un poème qui s'appelle Emplis de, emplis de moi, emplis de toi. Emplis des voiles sans fin de vouloirs obscurs, emplis de pluie, emplis de nuit, emplis des plis indéfinis, des plis de ma vigie, emplis de pluie, emplis de bris, de débris, de morceaux de débris, de cris aussi, surtout de cris, emplis d'asphyxie, trombe lente.
Merci Clarence. Alors je trouve très beau ce poème de Henri Michaud qui nous rappelle que les plis sont remplis de nuit, comme il le dit, emplis de bris, de débris, de morceaux de débris, de cris aussi, surtout de cris, emplis d'asphyxie. C'est bien cette nuit, ces cris et ces débris qu'il s'agit d'exposer, de mettre en lumière, de révéler. Lorsque tu animes un atelier d'écriture, par exemple, Les participants sont attentifs et à partir d'une proposition, ils vont déplier quelque chose en eux pour faire écriture. C'est la construction du récit. Est-ce que tu pourrais nous raconter un de ces dépliements par exemple ?
Concernant les ateliers d'écriture que je mène, je parle plutôt de déconstruction pour construire la proposition, c'est-à-dire que je découpe celle-ci en fragments dans le temps. Je ne demande pas aux gens d'écrire la proposition. telles qu'elles, sauf si c'est un public déjà chevronné. Mais souvent, avec des jeunes ou des personnes qui n'ont jamais écrit, je déconstruis ou je déplie comme tu aimes à dire. Déjà, il y a présentation de la proposition, puis lecture d'un ou deux textes qui pourraient être inspirants et ou donner l'envie de se lancer. Et on commence doucement dans l'écriture, soit par une question à laquelle les gens doivent répondre par écrit, soit par une phrase ou une pensée qui fait lien avec la proposition. Je peux par la suite continuer avec un souvenir ou quelque chose qui évoque la proposition. Et petit à petit, ainsi, nous déplions et écrivons à la proposition sous différents angles jusqu'à arriver au tout qui peut éventuellement former un texte. Ce qui m'intéresse, c'est ce temps d'échange entre l'écrit et l'oralité. On écrit, on en parle. Quelles sont les difficultés ou les moments de fluidité ? Est-ce que tout va bien ? Et puis on continue. Parce qu'il me semble que ce qui est difficile pour les gens, c'est d'abord de se retrouver devant une feuille blanche et de ne pas savoir quoi dire. Et je ne pense pas que les gens n'ont rien à dire. Je pense que souvent, ils ne savent pas comment dire ou par quoi commencer. Alors on déplie pour replier. On déplie pour replier, lentement, pas à pas. Je pense que je fais travailler les gens comme je travaille moi-même, ce qui me permet de ressentir ce que je leur fais faire. Je passe moi-même par ce processus d'aller chercher peu à peu ce qui veut ou peut être dévoilé. Comme lorsqu'on écrit une mémoire, une thèse, un livre, on décortique jusqu'à la moelle pour lui redonner un corps.
Et nous, qu'entendons-nous par déplier la littérature dans notre site ?
Je ne sais pas, c'est toi qui as lancé cette idée.
Oui, parce qu'en fait, elle contient une sorte de métaphore. C'est une idée poétique qui... qui ouvre, en fait, qui ouvre, à mon sens, vers l'infini. Les mots s'étirent, littérature dépliée, comme linge au vent, dans le souffle léger. Chaque page, un écho. Un peu comme le caillou, tu sais, lancé dans l'eau qui va émettre des cercles concentriques jusqu'à toucher la rive. Alors les mots deviennent des ponts, des passerelles, des portes, des... ailleurs.
Pour ma part, je me demande si, entre nous, ce n'est pas une façon de déplier ce que l'on a envie de dire sur la littérature, sur les gens qu'on aime lire, les textes que l'on veut partager. Nos travaux en commun, qui font partie d'une recherche constante sur comment collecter la parole. Donc, faire déplier aux gens leur vie, leurs ressentis, leurs mots, pour ensuite construire un spectacle avec tous ces dépliés. Comment faire venir les gens au littéraire ? Il s'agit peut-être de se mettre à la portée de toutes et tous et de se dire, tiens, qu'est-ce que c'est qu'un livre ? Que nous dit-il ? Pourquoi est-ce important ou urgent de lire ceci ? Et vous, qu'aimeriez-vous dire ? Et comment le diriez-vous ? Il me semble qu'au travers de la littérature et de l'écriture, il y a dévoilement et singularité d'une personne. Son histoire individuelle peut sans doute résonner dans le collectif, faire sens pour l'autre. On se déplie pour se replier avec d'autres comme quelque chose que l'on défait à nous. Quelque chose que l'on défait, comme se mettre à nu, quelque chose que l'on défait en nous, pour refaire avec l'un ou avec l'autre. Qu'est-ce que tu en dis, Régis ?
Ben oui, c'est en fait le sens que l'on déplie ou pas. Un peu comme l'évoque Jean-Paul Sartre dans Qu'est-ce que la littérature ? il dit la chose littéraire présentée n'est plus alors... Chose mais devient signe. Et en ce sens c'est un engagement, il y a potentialité. Imagine, je te décris une rue. Bon, chacun voit ou entend une rue de son choix, bien sûr. Maintenant si je déplie la phrase en disant une rue déserte à Santiago, au Chili, il est 4 heures du matin, ce n'est plus la même chose. C'est déjà une autre rue, qui impose un climat, une sensation, une situation. C'est cela que fait un auteur pour servir sa narration. Il choisit de déplier l'histoire plus ou moins en fonction de ses propres besoins narratifs.
Déplier le linge, le laver, le faire sécher, le replier, souvent cela est plus facile à deux. Défaire un lit, le secouer, l'aérer, le remettre en état, étape par étape, drap, coussin, couette et couverture. Déplier les cuisses d'un bébé pour le laver, l'enduire de crème ou d'huile. Être habillé et se dévêtir couche par couche n'être que le corps dans son intime, plus de vêtements, plus de signes sociaux qui habillent et fait devenir personnage. Non, juste le corps dans sa présence fragile, sans défense. J'aime bien cette idée du dépli qui est proche du défaire. Alors défaire la littérature et peut-être creuser dans le littéraire pour toucher le plus profond, le plus caché, le plus secret. Mettre au grand jour ce que l'on ne montre pas, ce qui est bien entendu complètement paradoxal, puisque l'on souhaite que les autres lisent ce qui, en nous, est en nous, à travers nos écrits. On peut dire qu'ils nous dévoilent. Alors Régis ? Nous arrivons à la fin de notre podcast Déplier la littérature Chères auditrices et chers auditeurs, je vous invite à le découvrir sur nos différents sites isadorabc.com et toutes les autres plateformes. Merci pour ce moment partagé ensemble. À bientôt.
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"Déplier la littérature", expression ou métaphore ? Clarence Massiani et Régis Decaix discutent autour de cette proposition
Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.
Transcription
Bienvenue dans notre podcast Isadora BC, le podcast où un poète et une comédienne échangent autour d'une tasse de café. Le poète, c'est Régis Dequet et la comédienne, Clarence Massiani. Bonjour Régis.
Bonjour Clarence.
Alors Régis, où allons-nous aujourd'hui ? Qu'allons-nous évoquer ?
J'aimerais que nous évoquions cette idée de déplier la littérature. dont j'avais parlé au tout début de la création de ce podcast.
Ah oui, c'est cette idée qui avait donné un des premiers articles sur le site isadorabc.com. Même si je comprends bien l'idée poétique, la métaphore, j'aimerais savoir ce que tu veux dire par déplier la littérature.
Justement, cette proposition, aussi curieuse qu'elle puisse être, invite à la réflexion, à la rêverie. En relisant un ancien poème de 1987 que l'on retrouve dans mon recueil intitulé Le quotidien effacé j'écrivais Soucieuse de dignité, la posture se conforte. Geste alerte qui réclame sa pittance, criure de l'instinct, charme de vie, énergie localisée en son noyau, le prisme de l'œil décompose la lumière, elle fuit vers son angle. préférée. Je trace un trait, fibre décente d'une idée dénouée. Cette relation à l'écriture, qui est forcément très intime, un trait personnel, m'apparaît justement comme le dénouement de quelque chose, d'une idée. Je trace un trait, quelque chose s'écrit, se dit, quelque chose est exhumé des profondeurs.
Comme une mise en lumière ?
Regarde une feuille de papier. Elle est pliée en deux. En la dépliant, tu l'exposes effectivement à la lumière.
Effectivement. Et cela me rappelle un vers de Jean-Paul Jacques qui écrit dans son recueil Le traitement des circonstances Ce qui se déplie est à l'intérieur du dépliement
Parfaitement. C'est très beau ça. Cela va avec cette idée du dévoilement. Donc oui, comme tu disais, effectivement, une mise en lumière.
Donc les plis cachent ou contiennent des choses, des histoires, des idées.
Il y a de la vie dans les plis, pour paraphraser le titre du livre d'Henri Michaud, La vie dans les plis. J'aimerais que tu nous lises un petit extrait d'ailleurs d'un poème issu de ce livre, si tu veux bien.
C'est un poème qui s'appelle Emplis de, emplis de moi, emplis de toi. Emplis des voiles sans fin de vouloirs obscurs, emplis de pluie, emplis de nuit, emplis des plis indéfinis, des plis de ma vigie, emplis de pluie, emplis de bris, de débris, de morceaux de débris, de cris aussi, surtout de cris, emplis d'asphyxie, trombe lente.
Merci Clarence. Alors je trouve très beau ce poème de Henri Michaud qui nous rappelle que les plis sont remplis de nuit, comme il le dit, emplis de bris, de débris, de morceaux de débris, de cris aussi, surtout de cris, emplis d'asphyxie. C'est bien cette nuit, ces cris et ces débris qu'il s'agit d'exposer, de mettre en lumière, de révéler. Lorsque tu animes un atelier d'écriture, par exemple, Les participants sont attentifs et à partir d'une proposition, ils vont déplier quelque chose en eux pour faire écriture. C'est la construction du récit. Est-ce que tu pourrais nous raconter un de ces dépliements par exemple ?
Concernant les ateliers d'écriture que je mène, je parle plutôt de déconstruction pour construire la proposition, c'est-à-dire que je découpe celle-ci en fragments dans le temps. Je ne demande pas aux gens d'écrire la proposition. telles qu'elles, sauf si c'est un public déjà chevronné. Mais souvent, avec des jeunes ou des personnes qui n'ont jamais écrit, je déconstruis ou je déplie comme tu aimes à dire. Déjà, il y a présentation de la proposition, puis lecture d'un ou deux textes qui pourraient être inspirants et ou donner l'envie de se lancer. Et on commence doucement dans l'écriture, soit par une question à laquelle les gens doivent répondre par écrit, soit par une phrase ou une pensée qui fait lien avec la proposition. Je peux par la suite continuer avec un souvenir ou quelque chose qui évoque la proposition. Et petit à petit, ainsi, nous déplions et écrivons à la proposition sous différents angles jusqu'à arriver au tout qui peut éventuellement former un texte. Ce qui m'intéresse, c'est ce temps d'échange entre l'écrit et l'oralité. On écrit, on en parle. Quelles sont les difficultés ou les moments de fluidité ? Est-ce que tout va bien ? Et puis on continue. Parce qu'il me semble que ce qui est difficile pour les gens, c'est d'abord de se retrouver devant une feuille blanche et de ne pas savoir quoi dire. Et je ne pense pas que les gens n'ont rien à dire. Je pense que souvent, ils ne savent pas comment dire ou par quoi commencer. Alors on déplie pour replier. On déplie pour replier, lentement, pas à pas. Je pense que je fais travailler les gens comme je travaille moi-même, ce qui me permet de ressentir ce que je leur fais faire. Je passe moi-même par ce processus d'aller chercher peu à peu ce qui veut ou peut être dévoilé. Comme lorsqu'on écrit une mémoire, une thèse, un livre, on décortique jusqu'à la moelle pour lui redonner un corps.
Et nous, qu'entendons-nous par déplier la littérature dans notre site ?
Je ne sais pas, c'est toi qui as lancé cette idée.
Oui, parce qu'en fait, elle contient une sorte de métaphore. C'est une idée poétique qui... qui ouvre, en fait, qui ouvre, à mon sens, vers l'infini. Les mots s'étirent, littérature dépliée, comme linge au vent, dans le souffle léger. Chaque page, un écho. Un peu comme le caillou, tu sais, lancé dans l'eau qui va émettre des cercles concentriques jusqu'à toucher la rive. Alors les mots deviennent des ponts, des passerelles, des portes, des... ailleurs.
Pour ma part, je me demande si, entre nous, ce n'est pas une façon de déplier ce que l'on a envie de dire sur la littérature, sur les gens qu'on aime lire, les textes que l'on veut partager. Nos travaux en commun, qui font partie d'une recherche constante sur comment collecter la parole. Donc, faire déplier aux gens leur vie, leurs ressentis, leurs mots, pour ensuite construire un spectacle avec tous ces dépliés. Comment faire venir les gens au littéraire ? Il s'agit peut-être de se mettre à la portée de toutes et tous et de se dire, tiens, qu'est-ce que c'est qu'un livre ? Que nous dit-il ? Pourquoi est-ce important ou urgent de lire ceci ? Et vous, qu'aimeriez-vous dire ? Et comment le diriez-vous ? Il me semble qu'au travers de la littérature et de l'écriture, il y a dévoilement et singularité d'une personne. Son histoire individuelle peut sans doute résonner dans le collectif, faire sens pour l'autre. On se déplie pour se replier avec d'autres comme quelque chose que l'on défait à nous. Quelque chose que l'on défait, comme se mettre à nu, quelque chose que l'on défait en nous, pour refaire avec l'un ou avec l'autre. Qu'est-ce que tu en dis, Régis ?
Ben oui, c'est en fait le sens que l'on déplie ou pas. Un peu comme l'évoque Jean-Paul Sartre dans Qu'est-ce que la littérature ? il dit la chose littéraire présentée n'est plus alors... Chose mais devient signe. Et en ce sens c'est un engagement, il y a potentialité. Imagine, je te décris une rue. Bon, chacun voit ou entend une rue de son choix, bien sûr. Maintenant si je déplie la phrase en disant une rue déserte à Santiago, au Chili, il est 4 heures du matin, ce n'est plus la même chose. C'est déjà une autre rue, qui impose un climat, une sensation, une situation. C'est cela que fait un auteur pour servir sa narration. Il choisit de déplier l'histoire plus ou moins en fonction de ses propres besoins narratifs.
Déplier le linge, le laver, le faire sécher, le replier, souvent cela est plus facile à deux. Défaire un lit, le secouer, l'aérer, le remettre en état, étape par étape, drap, coussin, couette et couverture. Déplier les cuisses d'un bébé pour le laver, l'enduire de crème ou d'huile. Être habillé et se dévêtir couche par couche n'être que le corps dans son intime, plus de vêtements, plus de signes sociaux qui habillent et fait devenir personnage. Non, juste le corps dans sa présence fragile, sans défense. J'aime bien cette idée du dépli qui est proche du défaire. Alors défaire la littérature et peut-être creuser dans le littéraire pour toucher le plus profond, le plus caché, le plus secret. Mettre au grand jour ce que l'on ne montre pas, ce qui est bien entendu complètement paradoxal, puisque l'on souhaite que les autres lisent ce qui, en nous, est en nous, à travers nos écrits. On peut dire qu'ils nous dévoilent. Alors Régis ? Nous arrivons à la fin de notre podcast Déplier la littérature Chères auditrices et chers auditeurs, je vous invite à le découvrir sur nos différents sites isadorabc.com et toutes les autres plateformes. Merci pour ce moment partagé ensemble. À bientôt.
À bientôt.
Description
"Déplier la littérature", expression ou métaphore ? Clarence Massiani et Régis Decaix discutent autour de cette proposition
Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.
Transcription
Bienvenue dans notre podcast Isadora BC, le podcast où un poète et une comédienne échangent autour d'une tasse de café. Le poète, c'est Régis Dequet et la comédienne, Clarence Massiani. Bonjour Régis.
Bonjour Clarence.
Alors Régis, où allons-nous aujourd'hui ? Qu'allons-nous évoquer ?
J'aimerais que nous évoquions cette idée de déplier la littérature. dont j'avais parlé au tout début de la création de ce podcast.
Ah oui, c'est cette idée qui avait donné un des premiers articles sur le site isadorabc.com. Même si je comprends bien l'idée poétique, la métaphore, j'aimerais savoir ce que tu veux dire par déplier la littérature.
Justement, cette proposition, aussi curieuse qu'elle puisse être, invite à la réflexion, à la rêverie. En relisant un ancien poème de 1987 que l'on retrouve dans mon recueil intitulé Le quotidien effacé j'écrivais Soucieuse de dignité, la posture se conforte. Geste alerte qui réclame sa pittance, criure de l'instinct, charme de vie, énergie localisée en son noyau, le prisme de l'œil décompose la lumière, elle fuit vers son angle. préférée. Je trace un trait, fibre décente d'une idée dénouée. Cette relation à l'écriture, qui est forcément très intime, un trait personnel, m'apparaît justement comme le dénouement de quelque chose, d'une idée. Je trace un trait, quelque chose s'écrit, se dit, quelque chose est exhumé des profondeurs.
Comme une mise en lumière ?
Regarde une feuille de papier. Elle est pliée en deux. En la dépliant, tu l'exposes effectivement à la lumière.
Effectivement. Et cela me rappelle un vers de Jean-Paul Jacques qui écrit dans son recueil Le traitement des circonstances Ce qui se déplie est à l'intérieur du dépliement
Parfaitement. C'est très beau ça. Cela va avec cette idée du dévoilement. Donc oui, comme tu disais, effectivement, une mise en lumière.
Donc les plis cachent ou contiennent des choses, des histoires, des idées.
Il y a de la vie dans les plis, pour paraphraser le titre du livre d'Henri Michaud, La vie dans les plis. J'aimerais que tu nous lises un petit extrait d'ailleurs d'un poème issu de ce livre, si tu veux bien.
C'est un poème qui s'appelle Emplis de, emplis de moi, emplis de toi. Emplis des voiles sans fin de vouloirs obscurs, emplis de pluie, emplis de nuit, emplis des plis indéfinis, des plis de ma vigie, emplis de pluie, emplis de bris, de débris, de morceaux de débris, de cris aussi, surtout de cris, emplis d'asphyxie, trombe lente.
Merci Clarence. Alors je trouve très beau ce poème de Henri Michaud qui nous rappelle que les plis sont remplis de nuit, comme il le dit, emplis de bris, de débris, de morceaux de débris, de cris aussi, surtout de cris, emplis d'asphyxie. C'est bien cette nuit, ces cris et ces débris qu'il s'agit d'exposer, de mettre en lumière, de révéler. Lorsque tu animes un atelier d'écriture, par exemple, Les participants sont attentifs et à partir d'une proposition, ils vont déplier quelque chose en eux pour faire écriture. C'est la construction du récit. Est-ce que tu pourrais nous raconter un de ces dépliements par exemple ?
Concernant les ateliers d'écriture que je mène, je parle plutôt de déconstruction pour construire la proposition, c'est-à-dire que je découpe celle-ci en fragments dans le temps. Je ne demande pas aux gens d'écrire la proposition. telles qu'elles, sauf si c'est un public déjà chevronné. Mais souvent, avec des jeunes ou des personnes qui n'ont jamais écrit, je déconstruis ou je déplie comme tu aimes à dire. Déjà, il y a présentation de la proposition, puis lecture d'un ou deux textes qui pourraient être inspirants et ou donner l'envie de se lancer. Et on commence doucement dans l'écriture, soit par une question à laquelle les gens doivent répondre par écrit, soit par une phrase ou une pensée qui fait lien avec la proposition. Je peux par la suite continuer avec un souvenir ou quelque chose qui évoque la proposition. Et petit à petit, ainsi, nous déplions et écrivons à la proposition sous différents angles jusqu'à arriver au tout qui peut éventuellement former un texte. Ce qui m'intéresse, c'est ce temps d'échange entre l'écrit et l'oralité. On écrit, on en parle. Quelles sont les difficultés ou les moments de fluidité ? Est-ce que tout va bien ? Et puis on continue. Parce qu'il me semble que ce qui est difficile pour les gens, c'est d'abord de se retrouver devant une feuille blanche et de ne pas savoir quoi dire. Et je ne pense pas que les gens n'ont rien à dire. Je pense que souvent, ils ne savent pas comment dire ou par quoi commencer. Alors on déplie pour replier. On déplie pour replier, lentement, pas à pas. Je pense que je fais travailler les gens comme je travaille moi-même, ce qui me permet de ressentir ce que je leur fais faire. Je passe moi-même par ce processus d'aller chercher peu à peu ce qui veut ou peut être dévoilé. Comme lorsqu'on écrit une mémoire, une thèse, un livre, on décortique jusqu'à la moelle pour lui redonner un corps.
Et nous, qu'entendons-nous par déplier la littérature dans notre site ?
Je ne sais pas, c'est toi qui as lancé cette idée.
Oui, parce qu'en fait, elle contient une sorte de métaphore. C'est une idée poétique qui... qui ouvre, en fait, qui ouvre, à mon sens, vers l'infini. Les mots s'étirent, littérature dépliée, comme linge au vent, dans le souffle léger. Chaque page, un écho. Un peu comme le caillou, tu sais, lancé dans l'eau qui va émettre des cercles concentriques jusqu'à toucher la rive. Alors les mots deviennent des ponts, des passerelles, des portes, des... ailleurs.
Pour ma part, je me demande si, entre nous, ce n'est pas une façon de déplier ce que l'on a envie de dire sur la littérature, sur les gens qu'on aime lire, les textes que l'on veut partager. Nos travaux en commun, qui font partie d'une recherche constante sur comment collecter la parole. Donc, faire déplier aux gens leur vie, leurs ressentis, leurs mots, pour ensuite construire un spectacle avec tous ces dépliés. Comment faire venir les gens au littéraire ? Il s'agit peut-être de se mettre à la portée de toutes et tous et de se dire, tiens, qu'est-ce que c'est qu'un livre ? Que nous dit-il ? Pourquoi est-ce important ou urgent de lire ceci ? Et vous, qu'aimeriez-vous dire ? Et comment le diriez-vous ? Il me semble qu'au travers de la littérature et de l'écriture, il y a dévoilement et singularité d'une personne. Son histoire individuelle peut sans doute résonner dans le collectif, faire sens pour l'autre. On se déplie pour se replier avec d'autres comme quelque chose que l'on défait à nous. Quelque chose que l'on défait, comme se mettre à nu, quelque chose que l'on défait en nous, pour refaire avec l'un ou avec l'autre. Qu'est-ce que tu en dis, Régis ?
Ben oui, c'est en fait le sens que l'on déplie ou pas. Un peu comme l'évoque Jean-Paul Sartre dans Qu'est-ce que la littérature ? il dit la chose littéraire présentée n'est plus alors... Chose mais devient signe. Et en ce sens c'est un engagement, il y a potentialité. Imagine, je te décris une rue. Bon, chacun voit ou entend une rue de son choix, bien sûr. Maintenant si je déplie la phrase en disant une rue déserte à Santiago, au Chili, il est 4 heures du matin, ce n'est plus la même chose. C'est déjà une autre rue, qui impose un climat, une sensation, une situation. C'est cela que fait un auteur pour servir sa narration. Il choisit de déplier l'histoire plus ou moins en fonction de ses propres besoins narratifs.
Déplier le linge, le laver, le faire sécher, le replier, souvent cela est plus facile à deux. Défaire un lit, le secouer, l'aérer, le remettre en état, étape par étape, drap, coussin, couette et couverture. Déplier les cuisses d'un bébé pour le laver, l'enduire de crème ou d'huile. Être habillé et se dévêtir couche par couche n'être que le corps dans son intime, plus de vêtements, plus de signes sociaux qui habillent et fait devenir personnage. Non, juste le corps dans sa présence fragile, sans défense. J'aime bien cette idée du dépli qui est proche du défaire. Alors défaire la littérature et peut-être creuser dans le littéraire pour toucher le plus profond, le plus caché, le plus secret. Mettre au grand jour ce que l'on ne montre pas, ce qui est bien entendu complètement paradoxal, puisque l'on souhaite que les autres lisent ce qui, en nous, est en nous, à travers nos écrits. On peut dire qu'ils nous dévoilent. Alors Régis ? Nous arrivons à la fin de notre podcast Déplier la littérature Chères auditrices et chers auditeurs, je vous invite à le découvrir sur nos différents sites isadorabc.com et toutes les autres plateformes. Merci pour ce moment partagé ensemble. À bientôt.
À bientôt.
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