- Speaker #0
J'ai un peu coutume de dire qu'on est ce qu'on lit à un moment donné. J'ai coutume de dire, un podcast réalisé par Manon Dejean.
- Speaker #1
Bonjour à toutes et à tous et bienvenue dans ce premier épisode de J'ai coutume de dire. Aujourd'hui, j'ai le plaisir de recevoir un ami à moi, Marius. Passionné par l'écriture, il nous partage son rapport unique à cette forme d'expression. Un moyen pour lui de se découvrir, de se raconter et de trouver sa voie dans les moments de turbulence. Dans cet épisode, Marius nous emmène au cœur de son processus créatif et nous dévoile comment l'écriture est devenue un exutoire indispensable face aux crises, notamment en Nouvelle-Calédonie. Sans plus attendre, plongeons ensemble dans l'univers de Marius et découvrons son parcours, ses réflexions et ses récits. Salut Marius !
- Speaker #0
Salut Manon !
- Speaker #1
Comment tu vas aujourd'hui ?
- Speaker #0
Ben ça va, un petit peu stressé par le départ et par le podcast, mais on vit, hein ? Et toi ?
- Speaker #1
Ben écoute, ça va bien. Du coup, t'avais quelque chose à nous raconter aujourd'hui ? Est-ce que tu veux bien commencer ?
- Speaker #0
Ouais, ouais, très bien. Alors tout a commencé peut-être quand je suis arrivé en Nouvelle-Calédonie, donc c'était au tout début de l'année 2023. Je crois que j'aime bien l'idée de commencer par le voyage, par... Je pense que les périodes de nos vies et la manière qu'on a de les construire se construisent par rapport aux endroits dont on est à ce moment-là. Et quand on y repense, c'est beaucoup lié à où on était à ce moment-là. Ce qu'on était à un moment, c'est aussi lié à où on était. Donc je pense que ce que je vais raconter aujourd'hui, ça commence par mon arrivée en Nouvelle-Calédonie. Je suis venu ici un petit peu par hasard, parce que j'ai trouvé un travail. Je venais de finir mes études à Paris et je cherchais à aller loin de Paris. Et la Nouvelle-Calédonie, ça m'a paru pas mal. Je crois que c'était assez difficile de faire plus loin, par peut-être l'Antarctique ou à l'lycée Futuna. Mais je pense que je m'en suis pas mal tiré.
- Speaker #1
Donc, tu arrives en Nouvelle-Calédonie. Qu'est-ce qui se passe ? Qu'est-ce que tu as envie de dire aujourd'hui ?
- Speaker #0
Ce que j'ai envie de dire, c'est comment je pense que ça a changé mon rapport à l'expression de moi-même et à l'écriture. Je crois que c'est une temporalité importante dans cette optique-là. Ce que j'ai toujours écrit, ça a toujours été quelque chose d'important pour moi, mais je pensais vraiment que c'était un hobby en parallèle. Et petit à petit, ça a pris une forme plus précise ici, je pense parce que le contexte était nouveau, donc j'avais plein de choses à dire et qui se passaient dans ma tête en même temps. Je pense que c'était un constat d'étonnement permanent, donc j'avais un cahier où je notais mes impressions. Et puis petit à petit, vu que j'avais envie de partager ce que je vivais, ce que je pensais, j'avais créé un petit compte Instagram où j'écrivais mes impressions et des blagues. Et d'ailleurs, c'est un peu comme ça qu'on s'est rencontrés, j'ai le droit de raconter.
- Speaker #1
Vas-y, raconte.
- Speaker #0
Alors, il se trouve que nous faisons partie des gens qui sont devenus amis sur Tinder. Parce qu'on était arrivés à peu près en même temps, t'arrivais un tout petit peu après moi. Et donc on connaissait personne, et c'était un moyen je pense aussi de rencontrer de nouvelles personnes. Et j'avais mis le lien de mon compte Instagram où j'ai écrit dans ma bio Tinder. Je crois que je m'étais dit, puisque de toute façon, il s'agit de validation et de jugement en permanence, c'est comme ça que fonctionne Tinder, je crois que je préférais être jugé sur mes textes plutôt que sur ma belle gueule. Et puis j'avais envie de partager ça et voir si ça pouvait faire naître des relations. Et je pense que t'as rebondi là-dessus, et c'est comme ça qu'on a vraiment commencé à échanger tous les deux. Et puis je pense par ailleurs, On partageait des interrogations communes sur ce que c'était être expat en Nouvelle-Calédonie, qu'est-ce que ça voulait dire de notre rapport à l'espace, de nos imaginaires, de notre rapport aux autres, aux Calédoniens, dans toute leur diversité. Donc voilà, par exemple, comme je disais vraiment au début, les textes étaient vraiment des blagues et petit à petit ça a pris la forme de fiction et puis également de poèmes. Il y a un petit poème que j'aime bien, que je trouve assez rigolo et qui s'est arrivé quand j'étais en randonnée sur le GR Sud. J'ai partagé la cabane avec des bateaux stoppeuses. Les bateaux stoppeuses, elles m'ont parlé d'aventures au dîner du soir, entre deux bouchées de porridge. C'était le même porridge qu'au petit déjeuner, et qu'au dîner de la veille, et qu'au petit déjeuner de la veille. Y a-t-il seulement des aventures où l'on ne mange pas de porridge ? Enfin voilà, et petit à petit, donc en arrivant ici, d'abord sur mon compte Instagram, mais pas que, l'écriture a vraiment pris une place beaucoup plus importante dans ma vie. J'ai adhéré à l'association des écrivains de Nouvelle-Calédonie, j'ai publié une nouvelle dans la revue Siage d'Océanie, qui est donc la revue de l'association qui propose de lire des auteurs de Nouvelle-Calédonie ou habitants de Nouvelle-Calédonie. Donc c'était très chouette de rencontrer des auteurs, des personnes qui partageaient... mon amour de l'écriture et de la littérature au sens large. Donc c'était quelque chose de très chouette et qui m'a vraiment accompagné dans ma démarche et qui m'a aidé à comprendre que, en fait, je n'avais pas envie que ce soit qu'un hobby pour moi et que je souhaitais, en tout cas, pas forcément sous quelle forme professionnelle précise, ça prendrait forme, mais je souhaitais que ça ait une place beaucoup plus centrale dans ma vie.
- Speaker #1
C'est pour ça que tu retournes à Paris ?
- Speaker #0
C'est pour ça, oui. Je vais reprendre des études en création littéraire à l'Université Paris VIII. Donc on va voir ce que ça donne, mais je suis super excité de commencer ça et voir où ça va me mener. félicitations à toi merci ça représente quoi concrètement l'écriture pour toi un besoin viscéral je crois que pense à la question pourquoi j'écris j'ai pas d'autres réponses que pas trop le choix c'est juste que c'est là qu'il ya des choses à sortir il ya des formes que c'est ma manière d'être au monde de d'imaginer d'inventer des histoires d'en écouter et je Je pense que ça représente ce que je suis. En fait, pour moi, il n'y a pas de distinction du Marius de tous les jours que du Marius qui écrit. C'est une continuité tout le temps. C'est des échanges en permanence.
- Speaker #1
Le 13 mai 2024, tu es en Nouvelle-Calédonie. Il se passe quoi à ce moment-là dans ta vie ?
- Speaker #0
Il se passe quoi dans ma vie ? Je crois que le jour même, justement, j'avais un oral pour un master. Et c'était assez surréaliste puisque c'était le premier soir. Donc j'avais un oral à 19h à cause du décalage d'horaire. J'habitais à côté de Tuban. C'est à peu près à ce moment-là que ça a commencé à bien chauffer. Dans un premier temps, j'ai eu peur. Je pense comme tout le monde et c'est normal. Après, petit à petit, je pense que j'ai... essayer de comprendre ce qui se jouait, d'être un peu en empathie avec tout le monde autant que les gens qui ont peur, que les gens qui sont en colère. Et c'est pas du tout aussi simple que ça en a l'air bien sûr, surtout quand au-dessus de la difficulté de ce qu'on vivait, on avait les émotions à vif. Je me rappelle au début avoir pensé c'est comme ça que commence la guerre civile au début je pense que ça s'est pas joué à grand chose que ça devienne vraiment beaucoup plus violent et beaucoup plus grave avec les gens qui s'auto-organisaient, qui sortaient les armes du garage et ça je pense aussi j'ai eu très peur ça dégénère vraiment de façon encore plus dramatique que ça ne l'est déjà, sans vouloir nier bien sûr ce qui a pu se passer pour tout le monde voilà je sais pas comment tu t'es senti ça a été aussi un peu dur parce que j'ai l'impression qu'on de me faire renvoyer à la gueule ma condition d'expat. Je me suis encore... C'était déjà des questions qui existaient, mais voilà, ça m'a encore plus interrogé dans quelle mesure on participe à ce qui a eu lieu. On en est en partie responsable, pas individuellement, parce que c'est pas du tout une question de culpabilité individuelle, mais sociologiquement, socialement. C'est pas pour nous réduire à ça, quoi que ce soit, mais voilà, c'était un moment un peu d'introspection de ce point de vue-là, d'essayer de comprendre, de se remettre en question. Je me suis beaucoup protégé vraiment les premières semaines en lisant beaucoup, vraiment des gros pavés et des choses le plus éloignées possible du monde, de la fantaisie, du fantastique. Voilà, vraiment investir des espaces imaginaires, c'est un peu intensif de dire qu'on lit pour s'évader, je ne suis pas du tout fan de cette expression, parce que c'est comme si on disait que les fictions ne se retenaient aucun rapport avec le monde réel. Mais en fait, si nos perceptions sont complètement influencées par les fictions de toutes sortes, même pas que artistiques, mais qui nourrissent nos imaginaires depuis l'enfance, et réciproquement, les fictions sont investies par les imaginaires communs, et donc c'est un dialogue constant. Juste lire qu'on s'évade comme si l'espace fictionnel était complètement séparé de la réalité, c'est... Ça me paraît naïf, et pourtant, là, je suis dans une situation où dire que je lis pour m'évader, ça n'a jamais semblé aussi vrai, parce que c'était un mécanisme de protection. J'ai un peu coutume de dire qu'on est ce qu'on lit à un moment donné, et je crois que, en tout cas, je ne sais pas si tu as ce ressenti, mais souvent le dernier livre que j'ai lu, il accompagne vraiment ce que je suis à un nouveau moment, et je suis modelé par l'ensemble des lectures que je suis. Je pense que... Sans ce salaud de Marius de Pagnol, je n'y aurais pas de Marius d'aujourd'hui. C'est comme ça, je ne peux pas séparer les deux parce que je me suis construit avec ça. Donc ça, c'est un petit texte que j'avais écrit, un extrait d'un texte que j'avais écrit sur une bouquinerie de Nouméa que nos Nouméens les plus avisés pourront reconnaître assez facilement. C'était un moyen de parler des rapports des livres et comment elles les investissent nos vies. Certains prétendent que les livres sont des armes, mais en réalité, ce sont des boucliers. et les rayons des magasins des murailles, et les bouquineries des citadels vaubans. Celui qui a les livres, la part absurde du monde ne saurait l'atteindre. Il rigole avec un air distant, sourit avec l'arrogance du panache.
- Speaker #1
T'étais dans quelles conditions quand t'as écrit ce texte ? Il veut dire quoi finalement pour toi ?
- Speaker #0
Je crois que c'est le texte le plus méta que j'ai écrit. Je crois que je suis pas toujours très fan des auteurs qui écrivent des écrivains ou qui parlent de livres. Il y a un côté qui se regarde un peu le nombril. qui me semble et pas toujours très pertinent. Mais là c'est la première fois que je parlais vraiment des rapports de livres. Et c'est autre chose parce que du coup on en parle forcément avec amour parce que quand c'est parti de ce qu'on porte. C'est puis aussi un moyen de rendre hommage à un lieu que j'aime beaucoup et de questionner les interstices qui existent dans le livre en fait. Pour ne pas divulgacher, comme on dit en bon français, cette petite nouvelle, il s'agit aussi de ce qui existe dans les livres, mais en dehors du texte littéraire en soi, avec notamment les dédicaces au début. C'est ça l'enjeu, c'est aussi comment les livres, encore une fois, nourrissent un échange permanent et un dialogue avec le monde réel et des échanges interpersonnels. Et je crois qu'assez rapidement, après ce qui s'est passé les premiers jours, après le 13 mai, j'ai eu envie d'écrire. C'était vraiment pas simple, parce que je me suis demandé si c'était pertinent que je le fasse, est-ce que c'était à moi de prendre la parole, alors que peut-être qu'on en arrivait là parce qu'on n'avait pas réussi à écouter tout le monde. Voilà, je me posais beaucoup la question de quelle était ma légitimité à prendre la parole, parce que c'est pas beaucoup plus un temps d'écoute que de prise de parole, mais comme je le disais, je crois que... Écrire c'était aussi ma manière à moi d'écouter, de partager des ressentis à chaud, de faire l'amour à la personne, surtout pas en plus, pas quand on est expat, mais au contraire, écrire pour pouvoir écouter. Donc j'ai écrit un petit texte sur ce qui se passait, sur voilà des ressentis à chaud, en même temps avec un ton qui se voulait un peu léger, malgré la gravité du sujet. C'est mon texte qui a le plus marché, après c'était pas très surprenant, étant donné qu'il surfait sur l'actualité, sur un moment où tout le monde devenait soudainement sensible à la Nouvelle-Calédonie. Mais j'avais peur un peu d'être... plus technique, comme on dit, jusqu'à l'indécence, et de me servir de ça pour nourrir mon égo ou mon besoin de reconnaissance. Mais en même temps, on sait que c'est comme ça que fonctionnent les réseaux sociaux, que la dictature du like est omniprésente. Est-ce que ce ne sont pas justement les espaces à poétiser le plus urgemment ?
- Speaker #1
Oui, en plus, c'est vraiment le texte qui s'est le plus exporté par rapport à tout ce que tu avais pu écrire auparavant.
- Speaker #0
Oui, oui. Mais ce que je pense, c'est un moment où tout le monde avait le regard et avait envie de comprendre ce qui se passait, par-delà les récits ou apocalyptiques ou diabolisants envers tout le monde. Voilà, vraiment partager un ressenti à chaud, quelque chose qui soit peut-être plus posé, un peu plus émotionnel.
- Speaker #1
Pourquoi est-ce que tu penses que les gens ont besoin de partager autour d'un sujet qui bouleverse l'actualité à un moment donné ?
- Speaker #0
Pour modeler leur regard, être en prise avec le monde. Je pense que c'est ça qui fait qu'on a besoin d'autres types de regards et d'autres sensibilités, qui ne sont pas en concurrence avec les autres, mais qui la complètent.
- Speaker #1
Tu veux bien nous lire le texte en question ?
- Speaker #0
Cela fait quatre jours que les insurrections ont commencé. Avant-hier, des volutes fumées masquaient les moncoguis. De mon balcon, on voyait les affrontements, au rond-point entre Tuban et Motorpool. Les vigies contre les insurgés. Pour mieux voir, j'utilisais mes jumelles. Ce sont les jumelles que j'avais achetées pour regarder les oiseaux. Aigrette sacrée, bureau cannelle, corps mort rempli, plusieurs de Gould, l'origuier à tête bleue, Martin Chasseur sacré. Affrontement. Tes voisins descendent de la rue avec casque de vélo, lunettes de soleil ou batte de baseball. Hier, Emma a vu un mec y aller avec une tronçonneuse. Du balcon adjacent, une voisine me hurle. Mais allez les aider au lieu de regarder ! Oui, mais lesquelles ? Tout a brûlé. Piller le cinéma où j'étais allé voir Kung Fu Panda 4 il y a quelques jours. Cramer les supermarchés où les vieux achètent Sao et Tim Tam. Cramer le décathlon où j'avais récupéré du matos de rando pour le GR Nord. J'avais dû m'arrêter au bout de trois étapes, deux marches, à la tribu de Pombaye, parce que j'avais trop mal aux pieds. En chemin, j'avais accrit des haïkus humoristiques. Méditer à la cascade Saint-Thomas, tout s'écoule même la bière dans ma gorge. Ou encore, cloque plein les pieds, j'espère que t'es pas fétichiste parce que c'est pas beau à voir. Ou encore, chanter gaiement sur le sentier, Macron nous fait la guerre et sa police aussi, police aussi. Tout a brûlé, les choses brûlent en Nouvelle-Calédonie, les forêts, les boutiques, la paix. Je me rappelle ce poème en païtchi, entendu dans un podcast sur la révolte canaque de 1917. Nous deux regrettons le pays. Nous deux pensons aux chefferies. Nous deux regrettons les lieux sacrés, car tout ce qui vit a brûlé. Tout est brûlé. Nous partons déposer les paroles. Nous faisons le geste d'alliance et contournons les nœuds de guerre. Des paroles juste bonnes à brûler. C'est un texte que j'aime bien parce qu'il retranscrit ce que je ressentais sans jamais chercher à prendre partie. Et c'était pas à moi de prendre partie à ce moment-là, je pense. Mais juste quelque chose qui soit lié à... un ressenti immédiat. Je pense quelque chose de... quelque chose d'une sorte de tristesse un peu désabusée et en même temps légère parce que finalement qui en a quelque chose à foutre de Kung Fu Panda 4 quoi ? C'est un cheval tu vois quoi.
- Speaker #1
Et donc quelle a été ta réaction après le 13 mai 2024 ?
- Speaker #0
D'abord, protection en mode survie, où il s'agissait d'aller chercher à bouffer, de se mettre à l'abri. C'était quasi confinement dans Mad Max. Et puis petit à petit, une fois qu'on a eu peut-être un peu moins peur, qu'on a de sécurité immédiate, et que... c'est pas pour nier qu'il y en a qui ressemblent toujours ça, mais une fois qu'on a eu un peu moins peur et qu'on a pu bouffer de façon adaptée, mais relativement sereinement... Je crois qu'on a tous eu un coup de tristesse, un coup de blues, parce que tout ce qu'on avait refoulé, parce que la question de notre survie était primordiale, on a un peu tous assumé le coup en même temps. Donc ça a été des moments aussi importants de partage des émotions entre toutes et tous, que ce soit au travail, entre amis, et vraiment être là les uns pour les autres, créer des solidarités, pas seulement matérielles, mais aussi émotionnelles.
- Speaker #1
Qu'est-ce que tu as ressenti toi au moment de ce qu'on appelle aujourd'hui le confinement, quand tu voyais Nouméa brûler sous tes yeux depuis ton balcon ?
- Speaker #0
De la tristesse qu'on n'ait plus en arrivée là. Je crois que c'était ça vraiment la première émotion qui est vue. J'ai trouvé ça sincèrement triste, sans colère, sans rien contre qui ce soit. En juste, qu'est-ce qui a bien pu se passer pour qu'on en arrive là ? À quel point avons-nous été aveugles ?
- Speaker #1
Tu utilises les pronoms de la troisième personne. Est-ce que tu te sens directement concerné par ce qu'il se passe ?
- Speaker #0
Oui, en partie. Pas personnellement, mais on est partie prenante parce que c'est notre quotidien. C'est les espaces qu'on habite qui ont été touchés, qu'on habite au sens fort, pas seulement où on réside, mais les espaces où on a l'habitude de se rendre, où on a des attaches, des souvenirs. C'est tout ça qui a été pris d'assaut. Oui, on est partie prenante parce que c'est une certaine vision qu'on avait la Nouvelle-Caïdonie, qui s'est en partie partie en fumée.
- Speaker #1
Bon, du coup, comment ça va vraiment, Marius ?
- Speaker #0
Ça va. Déjà, ça fait du bien d'en parler, de repouvoir mettre des mots sur ses émotions, y réfléchir, et pas les refouler dans le quotidien. Donc ça, c'est très agréable et très sympa de partager ce moment avec toi.
- Speaker #1
Et qu'est-ce que tu as appris de toi, finalement, au cours de cette crise ?
- Speaker #0
Déjà qu'il n'y a pas de distinction entre ce que j'ai vécu et mon rapport à l'écriture et l'expression, que les deux coexistent. D'ailleurs, que ma manière de réagir aux événements, ça a été d'écrire, parce que je ne pouvais pas trop faire autrement. Et puis ensuite, peut-être... je crois beaucoup en l'espoir et en la résilience et que ça nous donne des armes pour construire autre chose et de nouvelles choses peut-être plus juste en tout cas plus en empathie les uns avec les autres et qu'on est plus en mesure de les affronter maintenant qu'on a vécu ça pour le reste de nos vies on est encore tous les deux assez jeunes donc il ya des risques qu'on ait à nouveau des situations comme ça au cours de nos vies on sera fortifié de ça pour pour y faire face à quelle que soit la situation
- Speaker #1
Justement, tu dis on est jeune, comment est-ce que tu envisages l'avenir toi aujourd'hui, après tout ce que tu as vécu, après ce que tu avais envisagé vivre en Nouvelle-Calédonie, et après la crise que l'on vient de subir ?
- Speaker #0
Je suis nourri de tout ce que j'ai vécu ici, je pense que j'ai un regard peut-être beaucoup moins naïf sur les choses qu'en arrivant, plus lucide, peut-être moins engagé coûte que coûte, mais plus dans une posture d'écoute. Je crois que ça aussi, ça a profondément transformé. celui que je suis devenu.
- Speaker #1
Pour finir, qu'est-ce que tu aurais envie de dire à ceux qui se sentent comme toi ? Et également si tu as un mot pour la fin à partager avec nous ?
- Speaker #0
Bah tous ceux qui se sentent comme moi, tous ceux qui se sentent avec leur sensibilité particulière et une difficulté de la faire entendre. Voilà qu'il y a d'autres gens qui partagent ces sensibilités-là, que c'est important de se retrouver, de se parler, d'être en empathie les uns avec les autres et qu'on va y arriver.
- Speaker #1
Merci beaucoup Marius pour ce partage intime de ta vision de l'expression de toi à travers l'écriture. Merci d'avoir bien voulu t'exprimer à mon micro et bon courage pour la suite.
- Speaker #0
Merci beaucoup Manon.
- Speaker #1
Merci d'avoir partagé avec nous ce moment, de nous avoir écouté tout au long de ce récit. A très bientôt pour un nouvel épisode de J'ai coutume de dire, où d'autres voix et d'autres histoires viendront nous donner envie de nous réinventer et de réfléchir sur l'avenir. A très vite !