- Sari
J'ai coutume de dire qu'il ne faut pas abandonner et de toujours rebondir, de regarder toujours les choses positives. J'ai coutume de dire, un podcast réalisé par Manon Dejean.
- Manon
Bonjour à toutes et à tous et bienvenue dans ce nouvel épisode de J'ai coutume de dire. Aujourd'hui, j'ai le plaisir de recevoir Sari. Rêveur pragmatique et passionné, il partage avec nous sa volonté de réinventer l'éducation en mettant en avant la diversité des intelligences humaines. La crise actuelle en Nouvelle-Calédonie lui a permis de prendre un nouveau souffle afin de porter son projet encore plus loin. Dans cet épisode, Sari nous emmène au cœur de son enfance, de ses doutes et de comment il a su les surmonter pour poursuivre sa vision d'une éducation plus inclusive et adaptée à chaque enfant. Pour Sari, l'éducation ne se limite pas aux salles de classe, Il nous parle de l'importance d'une approche holistique où l'apprentissage se fait aussi à travers la nature, les arts et la culture locale. Sans plus attendre, plongeons ensemble dans l'univers de Sari et découvrons ses passions, ses convictions et les initiatives qu'il met en œuvre pour transformer l'éducation. Salut Sari !
- Sari
Hello Manon, salut ! Ça va ? Oui, il est bon. Et toi ?
- Manon
Bien, merci. Tu voulais nous raconter quelque chose aujourd'hui ?
- Sari
Oui, tout a commencé quand j'étais jeune. J'ai grandi dans une famille aimante où, au travers de ma culture javanaises, on me faisait comprendre qu'il fallait rester discret. Ne pas parler trop avec les gens, laisser les autres parler, mais toujours rester dans son petit... Donc j'ai toujours été timide, pas de problème à ce niveau là. Par contre à côté de ça, j'avais une grande envie de découvrir le monde, de rêver etc. Et ça c'est dans ma nature d'être. J'avais du mal à... à comprendre pourquoi il fallait rester discret. Et en même temps, à côté de ça, mon envie, c'était de pouvoir rêver en grand les choses et puis découvrir le monde. C'était en contradiction avec mes valeurs profondes et je ne savais pas comment l'exprimer. D'ailleurs, ça, ça m'avait posé d'énormes problèmes à l'école. En primaire, de CP jusqu'à CM2, j'ai alterné entre des classes normales et puis la CLIS, classe pour enfants en difficulté d'apprentissage. J'ai grandi ici sur Nouméa. du côté de la baie de la Moselle, du quartier latin. Et après, ma maternelle, je l'avais fait à Marguerite Lefrançois, l'orphelinat. Et après, j'ai attiré à l'école Yvonne Dupont, du côté du Receiving. C'est là-bas où il y avait une clisse. Et après cela, j'ai fait ma sixième, cinquième au collège Georges Baudoux. C'est bien ça. En cinquième, on me demandait comme ça qu'il fallait que je choisisse en fait une option. Soit je continue en quatrième, troisième normale, ou soit en fait je rentrais en lycée industriel, que j'ai décidé d'aller... faire de la mécanique, un CAP de mécanique au lycée Jules Garnier. J'ai pris ce choix-là parce qu'il fallait prendre un choix. Alors, j'ai fait Jules Garnier. Jules Garnier est arrivé là-bas, donc trois ans de CAP. Et il faut dire qu'avec la banque, en fait, on n'avait rien foutu à l'école. C'était catastrophique. 25 élèves pour une réussite réussite. Il n'y a eu que deux jeunes qui ont réussi. Et moi, je faisais partie de la bande qui n'avait rien foutu à l'école. Je me rappelle quand on est sortis de l'examen, on était tous joyeux, on n'était pas déçus. Mais les profs, ils étaient complètement découragés après nous. Et maintenant, avec du recul, je me dis que ça ne mélange rien. trois ans d'études, trois ans d'études où la moitié du temps on faisait théorie et pratique en mécanique et l'autre moitié du temps c'était du français, des mathématiques, de l'histoire etc. Et je me suis dit comme ça mais ça aurait été mieux pour moi d'aller, de rentrer directement dans la vie active et puis de chercher un garage par là pour pouvoir justement faire des stages comme ça. Et je pense que si j'aurais fait un stage et que j'aurais appris à être curieux, automatiquement au bout de trois ans à faire continuellement de la théorie et de la pratique. En mécanique, j'aurais eu probablement un niveau BTS, si c'est pas plus. Et en même temps, à côté de ça, j'aurais pu être rémunéré aussi. Voilà. Donc, je dis l'école c'est bien, mais à côté de ça, j'ai l'impression que l'école n'apprend pas à aller à l'essentiel. Donc, trop académique. Donc, moi, je ne me suis pas reconnu là-dedans. Bon, après, j'imagine que ce n'est pas un cas exceptionnel. Il y a plein de jeunes comme ça qui ne s'épanouissent pas forcément à l'école. Et puis, donc, voilà quoi.
- Manon
Qu'est-ce que tu reproches au système scolaire, toi ?
- Sari
Ce qui est en fait à travailler davantage dans le système éducatif, c'est plus l'idée de travailler en collectif sur les différentes formes d'intelligence, que ce soit l'intelligence collective, relationnelle, émotionnelle et les autres formes d'intelligence. Expliquer dès le plus jeune âge pourquoi c'est important de travailler sur ces différentes formes d'intelligence-là et de comprendre comment il fonctionne le cerveau. En se basant bien entendu sur les dernières recherches menées dans le domaine de la neuroéducation, les trucs comme ça. C'est pour cela que je me suis... plus épanouie à l'âge de 25-27 ans lorsque j'ai eu l'occasion d'acheter un bouquin, un ouvrage sur les intelligences multiples d'Oward Gardner. Alors, Oward Gardner, c'est un scientifique qui travaille à l'université de Harvard, je crois qu'il est toujours vivant d'ailleurs, et puis c'est un instituteur qui avait vulgarisé ses travaux dans un ouvrage. Et cet instituteur-là, je me rappelle, il s'appelle Thomas Armstrong. Voilà, les intelligences multiples. Et ça là, ça m'avait vachement fait éveiller en fait, je me suis dit waouh, mais Lampétard, mais je suis pas aussi bête que ça quoi. Donc certes, il y en a qui sont plus calés en intelligence linguistique, les autres en mathématiques, etc. Et moi dans le monde imaginaire, l'intelligence imaginaire aussi, je me sens calé aussi là dedans. Chacun sa façon de grandir au travers ses formes d'intelligence j'ai envie de dire.
- Manon
Et qu'est-ce que tu viendrais donc proposer aujourd'hui pour améliorer ce système éducatif, notamment en Nouvelle-Calédonie ?
- Sari
Alors ce que j'ai à proposer en fait aujourd'hui, c'est justement la mise en place d'une nouvelle école que j'ai appelée avec des amis l'école des apprentis visionnaires et qui est gérée en fait par une association qui s'appelle Permalove Culture, dont je suis l'un des cofondateurs et on l'a créée en fait en juillet 2021. Et donc ? Donc cette association-là, elle a pour objectif de travailler sur tout ce qui est prévention et anticipation des risques de société. Et donc pour cela, on s'intéresse à la santé sociale au sens large du terme, que ce soit d'un point de vue social, culturel, éducatif, économique et environnemental. Donc le Permalove Culture Innovation Pacifique, c'est en fait... Alors il faut déjà définir c'est quoi la permaculture. Ce n'est pas qu'une technique agricole, mais c'est une philosophie de vie qui a pour objectif de prendre soin de l'humain, et de prendre soin de la terre, et de partager le surplus des richesses équitablement. Si vous allez sur internet, vous allez trouver la fleur de permaculture, où il y a aussi éducation, économie, foncier, habitat, etc. Ça va aller très large. Et c'est comme ça qu'il y a eu cette idée de créer une école d'art. en fait d'un nouveau genre où vraiment on met en avant l'intelligence, l'intelligence, les différentes formes d'intelligence humaine. Et puis dans cet écho de l'art justement, et bien les enseignants entre guillemets, ce sont en fait des animateurs non sachants. Parce qu'en fait je pars du principe que ce qui est vrai aujourd'hui, peut-être que demain ça va changer d'un point de vue philosophique, spirituel. ou encore scientifique aussi. Il y a des choses qui ne restent pas figées dans le temps. Ça évolue. Je n'ai pas la prétention d'être quelqu'un qui dit comme ça. C'est comme ça, ce n'est pas autrement. Non. Alors qu'en fait, à l'école, il y a des enseignants qui disent que c'est comme ça, machin, etc. Mais voilà, je préfère rester au conditionnel pour ne pas m'engager. Il ne peut pas avoir une vérité absolue.
- Manon
Trop bien. Et pour revenir sur l'actualité du projet, il en est où actuellement ?
- Sari
Avant cette crise, Eh bien, j'étais déjà sur cette réflexion où l'idée c'était de pouvoir animer un peu des ateliers à gauche à droite au travers de différentes structures, comme avec l'association Passport, l'école d'écolibri qui est une école maternelle privée, avec l'association Handijob aussi à la piscine de Coutiot où on a fait du potager aussi là-bas. Voilà, et après, c'était encore pas... C'était concret et puis en même temps j'étais en réflexion mais j'avais pas posé tout cela en fait sous forme de fil projet.
- Manon
Et donc pour toi le 13 mai 2024, il se passe quoi à ce moment là ?
- Sari
Alors, le 13 mai 2024, en fait, le soir même, c'était un lundi, je me rappelle, c'était un lundi. Le soir même, j'ai vu défiler sur les réseaux sociaux, en fait, des images choc de plein de magasins, tout ça, qui ont été brûlés, pillés et tout et tout. Le lendemain, je me rappelle, plus d'activité au centre-ville. C'était mort, alors qu'en fait, c'était censé être une semaine bien animée. Et bien, là, il n'y avait plus rien. Je n'ai rien compris, j'imagine, comme bon nombre de personnes. Et puis après, au bout de 3-4 jours, à force de voir toutes ces images chocs sur Internet, ça m'avait complètement... déstabilisé à tel point que je voulais carrément partir de la Nouvelle-Caïdonie pour pouvoir m'installer ailleurs. Et ouais, tout carrément tout lâché. Je me suis dit mais c'est quoi ce truc tout ça, je comprends rien. Heureusement qu'à côté de ça, bon ben, voilà, vu que je fais un peu de dessin, je fais de la musique etc. Ça, ça m'a aidé aussi quelque part à rebondir et puis à voir les choses positivement. Et c'est comme cela que j'ai décidé de... de mettre par écrit la fiche projet de l'école des apprentis visionnaires. J'ai coutume de dire qu'il ne faut pas abandonner et de toujours rebondir, de regarder toujours les choses positivement. Ça c'est dans ma façon de voir les choses. Je pense que bon nombre de personnes voient les choses comme ça, d'essayer de voir les choses positivement, parce que dans le fond, on n'a pas envie d'être mal avec nous-mêmes, on a envie en fait de s'épanouir. Vu qu'on n'a pas forcément le mode d'emploi, ce n'est pas toujours évident de bien rebondir. Mais quoi qu'il en soit, il faut garder l'esprit positif. Quand on cherche à voir les choses positivement, même si ce n'est pas positif à côté, de pouvoir se ressourcer dans son monde imaginaire avec un regard positif des choses, on sent qu'à l'intérieur, il y a de la puissance.
- Manon
Tu parlais de ta réaction au moment du 13 mai 2024, quand tu étais sur les réseaux et que tu voyais toutes ces vidéos. Qu'est-ce que toi, en tant que Calédonien, tu as pu ressentir à ce moment-là ?
- Sari
J'ai ressenti un fort mal-être des gens dans la société. Ce que je ressens aussi, c'est une inégalité sociale très importante entre ceux qui ont toujours beaucoup d'argent, qui continuent à s'enrichir, et ceux qui n'ont pas d'argent et qui continuent à rester toujours aussi pauvres. Et donc au bout d'un moment, ce n'est pas soutenable. C'est pour cela que l'économie s'est effondrée aussi quelque part. Et donc en fait, la population, la communauté qui est la plus touchée, c'est la population canaque par rapport aux autres communautés. Mal-être aussi en société de manière générale, aussi bien d'un point de vue psychologique ou encore physique, qui au final après a des répercussions. sur la Terre, dont on a besoin pour vivre. Les autres communautés aussi, dans différentes classes sociales, on a tous aussi des problèmes, je veux dire, de santé mentale, dans le sens où on est adapté à une société qui est malade. Voilà.
- Manon
Pourquoi c'est aussi important aujourd'hui d'aborder la question de l'éducation en Nouvelle-Calédonie ?
- Sari
Alors c'est important d'aborder le sujet de l'éducation en Nouvelle-Calédonie, surtout en ce temps de crise-là, parce que là, il faudrait, à mon sens, revoir carrément le système éducatif qui est totalement obsolète. Pour moi, l'école telle qu'il est conçue ne prépare pas la jeunesse d'aujourd'hui à faire face au monde de demain qui sera bien différent du nôtre. Ça, c'est une évidence. J'ai l'impression que la société dans laquelle on a grandi, on ne connaît pas anticiper l'avenir. On attend que les choses arrivent. face à nous et puis après on s'adapte mais ça y est on s'adapte mais c'est trop tard. C'est pour ça que nous notre objectif avec l'association c'est de travailler sur la prévention et l'anticipation des risques de société et cela ça commence par l'éducation dès le plus jeune âge à apprendre à penser comme ça pour développer l'esprit visionnaire. Et pour pouvoir développer l'esprit visionnaire il y a tel que de travailler sur différentes formes d'intelligence pour ainsi être beaucoup plus créatif et ainsi trouver plus facilement des solutions aux problèmes majeurs de notre époque du XXIe siècle.
- Manon
Donc toi, Sari, quelle a été ta réaction au moment de la crise ?
- Sari
J'ai été traîné aussi un peu partout dans la ville, sur du cosse, etc. J'ai vu tous les magasins brûler et tout. Ça fait vraiment mal au cœur. Ça fait vraiment mal au cœur. Et puis, j'ai plus envie de ça. Je suis fatigué. J'ai envie de vivre dans un modèle de société qui soit vraiment respectueux de l'humain et de la nature. Là, ça y est, le système est arrivé à bout de souffle, on sait très bien. Ok, j'ai vu beaucoup de désespoir des gens, tout ça, des grosses déceptions. J'étais vraiment empathique avec les entrepreneurs, ils ont eu leur magasin, etc., brûlés, pillés. Et puis en même temps, les associations qui œuvrent pour le développement de notre pays, qui eux aussi ont été bloquées, les familles aussi. Il y a eu quelques morts, heureusement qu'il n'y en avait pas plus, mais voilà, des familles endeuillées, tout ça. Mais à côté de ça, j'ai vu qu'il y avait une forte solidarité des gens de quartier, et ça, j'ai trouvé très intéressant. Ils se sont organisés pour défendre tout simplement leur quartier et puis leur famille. Et là, je me suis dit, on ne connaît pas ça ici en Nouvelle-Calédonie. Donc, pas forcément. Les gens de quartier, surtout en milieu urbain, ils ne se connaissent pas forcément. Et donc, c'est ça que je trouvais bien. Recréer du lien entre les uns et les autres. Je me sentais solidaire avec eux. Ça m'inspirait. Ça m'inspirait. Et puis... C'est pour cela d'ailleurs que j'ai écrit une musique par rapport à ça.
- Manon
Tu veux nous jouer un extrait ?
- Sari
Allez ! Si dans mon pays, sur le plus beau caillou du monde, pays du Pacifique, pays du Pacifique, j'appelle tous les élus de la Calédonie, de la Kanakie et de toute la nation française. Pour vous dire que le peuple est fatigué, est bien fatigué, est bien fatigué, la crise politique a fait pleurer mon pays, pleurer mon pays, pleurer mon pays. L'école obsolète a échoué dans sa mission, elle a besoin d'une grande réforme pour l'avenir de nos enfants. T'es une petite communauté. Toutes les communautés, toutes les communautés, au esprit visionnaire. Toutes les communautés, toutes les communautés, à toutes les communautés, au esprit visionnaire.
- Manon
Cette chanson résume assez bien tout ce dont on vient de parler là. Tu étais dans quelles conditions quand tu l'as écrite ?
- Sari
Je ressentais le besoin d'écrire cette chanson. Ça fait partie de toutes mes activités artistiques en parallèle que j'ai fait pour justement chercher à voir les choses positivement. Et ce que j'aime bien faire, c'est justement de travailler sur des émotions, quelque chose qui ne va pas en moi. Et puis après, rebondir vers quelque chose de positif. Et la musique, c'est magique quelque part. Parce que quand on le répète, on tourne en boucle, en boucle, en boucle, on sent au niveau vibratoire cette énergie-là qui est en nous, qui vit en nous. Et puis, ça m'aide justement à travailler, à bosser avec d'autres personnes qui sont sur la même dynamique. Et puis, j'ai l'impression d'y être au bout d'un moment, en fait. On finira par avoir le gagne.
- Manon
Comment tu vas vraiment, Sari ?
- Sari
Très bien. Comment je vais ? Là, à l'heure actuelle, je vais mieux. Je vais mieux par rapport au début de la crise. Effectivement, j'ai su rebondir. Après, là, je suis un petit peu en galère financière parce que j'ai plus de contrat. Mais par contre, je reste positif sur l'évolution des choses. Autrement, ça va mieux là. Ça va mieux, ouais. Bien récupéré quelque part. Même si je peux voir encore que... Voilà, on n'est pas encore en mode reconstruction de notre société. en mode stand-by, je dirais, le temps que les choses s'apaisent. Voilà, il faut laisser le temps au temps. Et là, mon envie, donc c'est... Oui, j'ai envie de m'épanouir davantage quoi. Ouais. Et puis comme tout le monde, c'est avoir la paix.
- Manon
Qu'est-ce que tu aurais envie de dire aujourd'hui à ceux qui se sentent comme toi ? Et également si tu as un mot pour la fin.
- Sari
Ce que j'ai envie de dire aux gens qui se sentent comme moi, qui ont cet état d'esprit positif, c'est toujours de le garder. Ça, c'est une évidence. Et qu'en parallèle, je les invite aussi à devenir des rêveurs pragmatiques.
- Manon
Merci beaucoup, Sari,
- Sari
d'avoir partagé tout ça avec nous. C'est cool, c'est moi, allez.
- Manon
Merci d'avoir partagé avec nous ce moment, de nous avoir écouté tout au long de ce récit. À très bientôt pour un nouvel épisode de J'écoute une de dire, où d'autres voix et d'autres histoires viendront nous donner envie de nous réinventer et de réfléchir sur l'avenir. À très vite !