- Speaker #0
Jukebox, l'émission qui fait bavarder la musique.
- Speaker #1
Ah !
- Speaker #2
Jukebox !
- Speaker #3
Je viens de recevoir mes papiers militaires pour partir à la guerre avant mercredi soir. Monsieur le Président... Je ne veux pas la paix, je ne suis pas sur terre pour tuer des pauvres gens.
- Speaker #0
Boris Vian est né en mars 1920 en Seine-et-Oise. Il vit dans une famille aisée. Papa ne travaille pas et à l'époque, ça veut juste dire que ses parents sont blindés. Les Vian vivent dans un hôtel particulier et mènent une vie insouciante. Chauffeur, précepteur... coiffeur à domicile, jardinier, jusqu'au jeudi 24 octobre 1929, le jeudi noir, le craque boursier de 1929. Et Vlant, Léviand sont ruinés, obligés d'aller habiter dans la maison du gardien. Boris a 9 ans. Bien qu'il s'appelle Boris, il n'est pas d'origine russe. Sa mère est juste passionnée d'opéra. Il aurait pu s'appeler Faust. Ouf ! et l'a choisie Boris. Maman est musicienne. Elle joue du sati, du debussy ou du ravel à la harpe et au piano. Enfin, pas en même temps. Boris est ce qu'on appellerait aujourd'hui un zèbre ou un HP. Il a absolument tout fait. Écrivain, poète, parolier, chanteur, critique musicale, musicien de jazz, trompettiste et directeur artistique. Il s'est aussi adonné aux activités de scénariste, de traducteur, de conférencier, d'acteur. et de peintres, Vian a abordé à peu près tous les genres littéraires et a produit des pièces de théâtre et des scénarii pour le cinéma.
- Speaker #4
Alors là tu vois, tout le piano est relié aux fioles. Il y a des fioles d'alcool, il y a des fioles de soft, tu as du rhum et tu as du pointe-croix. La note par exemple, si bémol, elle est reliée au rhum.
- Speaker #0
Il est aussi ingénieur inventeur. Il a inventé le piano cocktail. Un piano qui permet, pour chaque mélodie jouée, de produire un cocktail dont la saveur rappelle les sensations que l'on éprouve à l'écoute du morceau joué. Et même si l'alcool est à consommer avec modération, personnellement, je vois encore un certain potentiel à cette invention. Il a aussi inventé le péniophone, un instrument de musique. composé d'un peigne et de papier à cigarette. Et je vous informe que le tabac peut nuire à la santé. Il a encore inventé la trompinette, qu'on entend ici jouer par Vian lui-même. Une petite trompette que l'on glisse dans sa poche pour faire face au cas d'urgence. Bon, ça c'est plutôt un marché de niche.
- Speaker #5
On ouvre la bouche et dites 33.
- Speaker #0
Le bulletin de santé de Boris est moins reluisant. Sa scolarité est souvent interrompue en raison d'incidents de santé. A 12 ans, à la suite d'une angine infectieuse, il souffre de rhumatisme articulaire aigu qui provoque une insuffisance aortique. A partir de là, il est surprotégé par maman. A 16 ans, c'est la fièvre typhoïde qui le prend. Une santé de merde quoi ! En 1954, Boris écrit la chanson « Le déserteur » . 12 quatrains contre la guerre d'Indochine. Chanson pacifique selon les uns, antimilitariste selon les autres. Elle est les deux selon la version qu'on écoute. La guerre d'Indochine, c'est la première guerre du Vietnam, la guerre coloniale française qui se déroule de 1946 à 1954. Donc, Boris arrive un peu juste sur le timing avec sa chanson incitant les soldats à déserter cette guerre. La première version de la chanson s'achevait par le quatrain plutôt menaçant Si vous me poursuivez, prévenez vos gendarmes Que j'emporte des armes et que je sais tirer Pas assez pacifiste au goût de Mouloudji Qu'à cela ne tienne, viens rectifie le texte Que je n'aurai pas d'armes et qu'ils pourront tirer A l'origine, la chanson s'adresse à monsieur le président lui demande de l'adresser à messieurs qu'on nomme grands et il lui demandera encore de changer ma décision est prise je m'en vais déserter par les guerres sont des bêtises le monde en a assez casse-couille mouloudji non Il invente le langage politiquement correct, c'est tout. En même temps, il n'a pas tout à fait tort. On vient de boucler la Deuxième Guerre mondiale en 1945. Recommencé en 1946, même si c'est en Asie et que cette fois il s'agit de combattre le communisme, on peut comprendre en effet que le monde en est assez. En plus, tous les autres artistes sollicités par Boris pour chanter cette chanson ont poliment décliné l'offre. Alors, ils aménagent son... Contexte comme demandé par Mouloudji qui l'enregistre en 78 tours et l'ajoute à son tour de chant. La chanson est censurée mais tellement polémique que de toute façon, personne n'aurait songé à la passer sur les ondes. Et donc, à sa sortie, tout le monde s'en fout de sa censure. En avril 1955, Boris Vian enregistre Le Déserteur en 45 tours. Et le mois qui suit, l'armée française se retrouve piégée dans la cuvette de Dien Bien Phu, là où mourront plus de 3000 Français et où 10 000 seront faits prisonniers. Alors là, on ne s'en fout plus. L'été qui suit, Boris démarre une tournée dans les villes de France. Et on assiste aux manifestations auxquelles on assistera plus tard lorsque Serge Gainsbourg chantera la Marseillaise en reggae. La chanson du déserteur est sifflée. Des commandos d'anciens combattants tentent d'empêcher Boris Vian de chanter. Il voit en lui un bolchevique piétinant le drapeau de la France. Dans certaines villes, le maire prend la tête des antiviants et Boris doit parlementer pour pouvoir chanter. A l'instar de Gainsbourg, il obtiendra un soir qu'un groupe de militaires reprenne le déserteur en chœur avec lui. Pendant ce temps, à Paris, le disque est retiré de la vente. La censure reste discrète dans l'immédiat. La véritable censure va tomber en 1958. En pleine guerre d'Algérie, lorsque la France, insatiable, va en guerre, remettra ça. En 1958, Boris ne chante plus. Il laisse Mouloudji, Serge Régiani et John Bess défendre sa chanson.
- Speaker #6
Monsieur le Président, je vous fais une amie à la queue. Je vous dirai peut-être si vous avez le temps. Je viens de recevoir... Mes papiers militaires pour partir à la guerre avant maître d'histoire.
- Speaker #2
Messieurs, mon homme grand, je ne veux pas la faire. Je ne suis pas sur terre pour tuer des pauvres gens. C'est pas pour vous fâcher, il faut que je vous dise. Les guerres sont des bêtises, le monde en a assez.
- Speaker #7
Monsieur le Président, je ne veux pas l'affaire. Je ne suis pas sur terre pour tuer des pauvres gens. C'est pas pour vous fâcher, il faut que je vous dise. Ma décision est prise, je m'en vais déserter.
- Speaker #0
La chanson du déserteur connaîtra un immense succès. Elle a été enregistrée plusieurs centaines de fois en plus de 20 langues, dont l'occitan, le catalan, le sarde et même le ligure que personne ne connaît ou l'esperanto que personne ne parle. Il y a aussi une adaptation libre du texte du déserteur par Renaud que je vous recommande.
- Speaker #8
Le président, je vous fais une bafouille, que vous lirez sûrement si vous avez des couilles. Je viens de recevoir un coup de fil de mes vieux, pour me prévenir que les gendarmes s'étaient pointés chez eux.
- Speaker #0
Boris Vian, c'est un peu le Van Gogh de la littérature avec une oreille en plus. Son œuvre littéraire, peu appréciée de son vivant, est saluée à partir des années 60-70. L'écume des jours, passée à la postérité, est désormais un classique étudié à l'école.
- Speaker #5
Vous l'avez vu comme moi, un inufar. Vous savez ce qui arrive à une fleur privée d'eau. On va essayer de cueillir cette fleur.
- Speaker #0
Boris Vian meurt en 1959 à 39 ans. Une santé de merde, je vous le disais. Un accident cardiaque survenu lors de la projection de l'adaptation cinématographique de son livre « J'irai cracher sur vos tombes » . Il semble que l'adaptation ne lui est pas plus. Mais à force d'aller cracher sur les tombes... Après sa mort, sa veuve recevra une lettre où elle lira en l'ouvrant. Et si j'allais cracher sur sa tombe maintenant ? Un fan, c'est sûr ! Voilà, vous n'écouterez plus jamais cette chanson de la même manière à présent. Je ne le dirai jamais assez. Abonnez-vous, likez, commentez, partagez. Retrouvez-moi sur Facebook, mon profil porte mon nom, Maria Canel Ferrero, sur Youtube ou sur les plateformes d'écoute. Je vous aime, je vous dis à bientôt. En musique pure.
- Speaker #3
Tchao ! Sonnez le beau, vous êtes bon apôtre, monsieur le président.
- Speaker #1
Et que je me fais de bon. Du box !