- Speaker #0
Jukebox, l'émission qui fait bavarder la musique. ...
- Speaker #1
de mon art et du rôle de l'écrit. Jukebox ! ...
- Speaker #0
Comme ils disent, est une chanson écrite, composée et interprétée par Charles Aznavour. Elle paraît sur son album Idiote, je t'aime, puis en single en 1972. Bien que mai 68 ait fait bouger les lignes de la sexualité de la société dans le début des années 70, l'homosexualité reste taboue et marginalisée en France. Les quelques chansons de l'époque évoquant l'homosexualité le font de façon moqueuse et caricaturale. Charles Aznavour est avec cette chanson, le premier à le faire sans sarcasme, et à la première personne, ce qui à l'époque est vraiment gonflé. Tous ses amis lui déconseillent de chanter cette chanson. Pour son texte, Aznavour s'inspire de son entourage, son chauffeur, son secrétaire, un ami décorateur, mais aussi un garçon très très amoureux de lui.
- Speaker #1
J'habite seul avec maman, dans un très vieil appartement. Russa hasard, j'ai pour me tenir compagnie Une tortue, deux canaris et une chatte
- Speaker #0
La seule difficulté qu'il rencontre pour écrire ce texte est de trouver une rime en hâte pour rimer avec chatte. Problème qu'il résout en ouvrant un plan de Paris où la seule rue en hâte est la rue Sarazat du 15e arrondissement. Un mot de quatre pieds qui fera parfaitement l'affaire. Cette chanson aborde aussi la question de l'homophobie et même si elle mélange homosexuel et travesti, personne avant lui n'avait osé. En 1930, en Italie, le régime fasciste de Benito Mussolini en place depuis 8 ans se dote d'un nouveau code pénal, le code Rocco. Il permet de nuire à tous ceux qui auraient la fâcheuse idée de s'opposer au régime. Un article de ce code concerne les sanctions encourues par les homosexuels. Mais à sa lecture, Mussolini décrète que cet article est superflu. Selon lui, tous les hommes italiens sont mâles, actifs et virils. Accepter d'inclure cet article dans le code pénal reviendrait à reconnaître l'existence de l'homosexualité, ce qui pour un fasciste comme le Duce est juste impensable. L'article est retiré du code et les homosexuels n'existent officiellement pas dans la société fasciste italienne. Ce flou juridique va les protéger pendant un temps.
- Speaker #1
Les bâtiments avec lesquels j'ai été emprunt m'ont éloigné.
- Speaker #0
Dès 1938, les fascistes du Duce se rapprochent de l'Allemagne nazie et Rome mène alors une politique de défense de la race inspirée de celle des Allemands. Du nord au sud de l'Italie, des centaines d'homosexuels sont arrêtés par des policiers plus ailés que le régime lui-même. Ils cherchent à s'attirer les faveurs du régime. Mais comme l'homosexualité est absente du Code Rocco, elle ne constitue pas un délit. Les hommes arrêtés sont accusés de subversion ou de crime contre la moralité et l'intégrité de la race. En réalité, c'est bien leur homosexualité qui est en cause. Elle est considérée par les fascistes comme une maladie mentale. Et comble du sordide, on arrête seulement les passifs. Les actifs restent, selon le régime, des hommes à part entière. Le tri entre eux est réalisé par un examen poussé et humiliant. Ces hommes sont envoyés en exil et isolés sur l'île de San Domino, une île de 2 km² de l'archipel de Trimiti, dans la mer Adriatique, à deux heures de ferry de la côte. Mussolini et son régime hyper-machiste vont ainsi créer une île réservée aux gays. En 1938, le maire de Catane, afin de contenir ce qu'il considère comme une aberration sexuelle et afin de contribuer à l'amélioration de la race, fait rassembler une cinquantaine d'homosexuels de Catane, les feminellas, comme on les appelle, et les fait déporter à San Domino.
- Speaker #2
Certo, magari il duce non voleva farci un favore mandandoci tutti all'isola di San Domino, ma non importa, senza volerlo, ce l'ho fatto lo stesso. Et maintenant, nous sommes ici, 45 catanaises, prisonniers d'un scolio au milieu du mer.
- Speaker #0
Les conditions de vie sur l'île sont dures. Absence d'hygiène, d'eau courante, d'électricité. Les déportés sont tenus aux travaux forcés obligatoires. Mais l'île leur offre aussi une expérience de libération, la possibilité de vivre leur homosexualité ouvertement, sans avoir à mentir. ni à se cacher. Ils bénéficient pendant leur exil d'une tolérance qu'ils n'avaient jamais connue ailleurs. Ils peuvent s'habiller en femme sans craindre de représailles. Les relations avec les habitants de Saint-Domingue ne sont détendues. Ils ne subissent aucune moquerie ou brimade. Les seules inquiétudes qui pointent dans les lettres que les déportés adressent à leur famille est la honte que leur arrestation fait peser sur leurs proches. Les nouveaux arrivés sur l'île sont accueillis par une fête organisée par les anciens détenus et les histoires d'amour se nouent, parfois même avec les gardiens. Avec le déclenchement de la guerre, l'internement sur l'île de San Domino prend fin. Un ancien détenu affirmera que les déportés ont pleuré à l'idée de quitter l'île. Être séparés de leurs nouveaux amis ou amants pour être assignés à résidence chez eux n'avait rien de séduisant. De retour chez eux, ils vivront sous les commérages et dans la honte. Parfois, ils seront rejetés par leur famille. Voilà comment, sans le vouloir, les fascistes ont créé un coin d'Italie où, en 1938, on pouvait être ouvertement gays. San Domino, sorte de bagne arc-en-ciel éphémère, qui était à la fois prison et liberté. Il ne reste plus aucun déporté vivant aujourd'hui.
- Speaker #1
Nul n'a le droit en vérité de me blâmer, de me juger. Et je précise que c'est bien la nature qui est seule responsable. Si je suis un homme autre, comme il dit, je suis un homme.
- Speaker #0
Voilà, vous n'écouterez plus jamais cette chanson de la même manière à présent. Merci de soutenir mon travail totalement bénévolent en vous abonnant à ma chaîne et en activant les notifications pour ne louper aucun épisode. Rejoignez-moi sur Facebook, mon profil porte mon nom, Maria Canel Ferrero. Je vous embrasse fort et à tout bientôt en musique sur Jukebox.
- Speaker #1
Le café de mon art et du rouge de l'éclat. Jukebox !