Speaker #0Hello, bienvenue dans l'épisode précédent. Je suis très heureux de lancer ce nouveau format et je suis enchanté que vous soyez ici pour partager ce moment avec moi. J'espère que vous allez apprécier ce voyage à travers le temps. Je m'appelle Julien, je suis né en 86, j'ai grandi à une époque où internet commençait tout juste à entrer dans nos foyers, où la télévision était encore au format 4 tiers et où les vidéoclubs prospéraient et dont les étagères débordaient de VHS. Cette série de podcasts, vous pouvez la voir comme une ode au passé, une plongée dans ce qui a fait qu'Internet est aujourd'hui ce qu'il est, une pastille nostalgique de dix minutes tout au plus dans laquelle on explore ensemble les événements du passé et leurs implications technologiques. Et pour ce premier épisode, je vous propose de vous replonger dans un incontournable quand on pense à l'Internet des années 90, Caramel. Des après-midi entiers, passer à discuter avec des amis, mais aussi avec de parfaits inconnus. Tel a été le quotidien de milliers d'utilisateurs de ce service devenu culte. Bienvenue dans l'épisode précédent. Le 1er octobre 1997, Caramail voit le jour. Alors, il faut bien restituer le contexte. On est au début d'Internet. Les fournisseurs de l'époque ne sont pas Free, Orange, Bouygues, mais plutôt Wanadou, Ahwell, Tiscali et Free. Ouais, eux, ils étaient déjà là et sous le même nom. Certaines mauvaises langues diront que l'Internet des années 90 était moche. Je suis pas d'accord. Je dirais plutôt qu'il était... parfaitement dégueulasse. Pour ceux qui ont besoin de se mettre ou de se remettre dans l'ambiance, imaginez un internet lent. Très lent, les photos prennent de longues secondes à se charger, vous commandez des objets sur des sites de e-commerce obscurs, objets que vous ne recevrez d'ailleurs probablement pas. Bref, c'est le Far West et c'est génial. C'est génial parce que de ce Far West naît des idées et des entrepreneurs audacieux, qui, même s'ils ne disposent pas des moyens faramineux dont on entend parler aujourd'hui, réussissent à créer des projets fous. Caramail n'était initialement pas le projet principal que les fondateurs avaient en tête. En réalité, avant Caramail, il y avait Locas, un moteur de recherche lancé en 1994, l'ancêtre de Google en quelque sorte. Les équipes de Locas ont un modèle économique simple, la publicité, de sublimes bandeaux qui défilent jour et nuit et qui permettent aux moteurs de recherche de se financer et d'exister. Mais très vite, le constat est sans appel. Locas est super efficace. Tellement efficace que les utilisateurs qui viennent faire leurs recherches trouvent rapidement leurs réponses et quittent Locas au profit du site sur lequel ils sont redirigés. Résultat, les temps de visite sur le site sont trop faibles, la source de revenus est mise à mal. Alors pour maximiser l'espérance de vie de Locas, et faire en sorte que la publicité soit un modèle économique viable, il a fallu imaginer un moyen pour retenir les utilisateurs, et pour qu'ils profitent le plus longtemps possible de ces bandeaux publicitaires. Pour comprendre la décision et le tournant effectué par les équipes de Locas, il faut, encore une fois, se remettre dans le contexte de l'époque. Par exemple, une baguette de pain, ça coûtait environ 4 francs. Ça n'a aucun rapport avec Caramel, mais voilà, c'est dit. Bon, plus sérieusement, en 97, il y a deux choses à retenir. 1. Le cloud n'existe pas. 2. Internet, bah, c'est pas si simple. Par exemple, pour accéder à ces mails, il y a tout un tas de paramètres à entrer sur l'ordinateur de bureau qui trône, en général, au milieu du salon. Ce qui signifie que pour accéder à leurs emails, monsieur et madame tout le monde doivent être à la maison. Il y a peu d'appareils portables et ils coûtent très cher. Alors pour inciter les utilisateurs à passer plus de temps sur leur site et à consommer les pubs, les équipes de Locas, et en particulier Christophe Chamig, cofondateur de Caramail, décident d'enrichir l'expérience des utilisateurs avec quelque chose qu'ils ont repéré outre-Atlantique, un sujet dont on traitera bientôt un certain Hotmail. Avec une boîte mail intégrée, les utilisateurs seront tentés de consulter leurs emails, d'en rédiger et donc de passer davantage de temps sur le site. À partir de là, les équipes Satell a développé cette messagerie en ligne. Mais ce qui va réellement faire le succès de Caramail, c'est pas vraiment sa messagerie en ligne. C'est le chat, qui va rapidement devenir un des services les plus populaires de l'époque, et en particulier auprès des jeunes. Mais alors, pourquoi c'était bien Caramail ? Sur Caramail, on pouvait retrouver ses amis, parfois sa famille, et surtout faire connaissance avec des inconnus pour tisser de nouvelles relations. Ancêtre des réseaux sociaux, c'est certainement l'une des plateformes qui a posé les bases de ce que nous vivons aujourd'hui avec Instagram, Facebook, X ou encore TikTok. Rétrospectivement, pour moi, le succès de Caramel est assez simple à comprendre. On amène aux utilisateurs deux ingrédients dont ils n'ont absolument pas l'habitude. Premier ingrédient, Caramel met un coup de marteau définitif aux distances et au temps. Alors évidemment, là, vous m'écoutez avec une connexion Internet qui débite du giga, ou presque. Vous avez plus de puissance dans vos téléphones portables que des centaines d'ordinateurs de l'époque. Mais en 97, alors qu'Internet est confidentiel, au point de n'être utilisé que par environ 270 000 utilisateurs en France, les distances physiques sont toujours une réalité. On ne rencontre pas aussi facilement, on ne dialogue pas aussi facilement, on ne s'exprime pas aussi facilement qu'aujourd'hui. Il y avait certes le téléphone, des forums, le Minitel, mais le chat, en direct, simple d'accès, lui offrait une interaction immédiate et fluide qui transformait singulièrement l'expérience des utilisateurs. Cette barrière de la distance vole tout simplement en éclat et en direct avec une simplicité déconcertante. Et c'est pour moi le deuxième ingrédient qui a fait la réussite de Caramel. L'interface et l'expérience. On parlait alors moins facilement du i et du x à tout va, mais c'est pourtant bien ça que Caramel a réussi à résoudre. Une interface extrêmement simple d'utilisation qui permettait aux profanes d'échanger en direct. Simple, efficace et un peu magique aussi. Ancêtre des réseaux sociaux, Caramail a été l'une des plateformes pionnières, qui avait vu loin, très loin dans l'avenir, et qui avait compris avant beaucoup d'autres que rencontrer son voisin de palier deviendrait peut-être une mode d'un autre temps, et que l'ailleurs, mêlé à l'inconnu, serait plus séduisant. Car un mail, en plus d'anticiper, a façonné une partie des interactions sociales sur Internet, préfigurant ce que sont devenus les autoroutes de communication en ligne, apparues, pour certaines, une décennie plus tard. Suffisamment en avance pour innover sur un secteur en friche, Car un mail a chamboulé, entre autres, les vies d'adolescents qui projetaient sur les écrans cathodiques familiaux des passions, des frustrations, des espoirs et des rêves. Il a été un vecteur de rencontres puissant et a défini des codes maintes et maintes fois réinventés depuis. Vous avez écouté l'épisode précédent consacré à Caramail. A bientôt.