- #Daniel PAGNIEZ
J'aime à dire... que j'ai grandi les deux pieds dans la terre et j'aime sentir justement cette terre pieds nus, marcher dans de l'herbe pieds nus, qui permet vraiment d'appréhender justement d'où on vient et pour moi c'est quelque chose qui est ancré. J'avais 8 ans, 10 ans, 15 ans, j'étais avec mes parents, avec mes grands-parents au milieu d'un champ de 5, 7 hectares de betteraves sucrières et on partait avec une rasette pour enlever les mauvaises. pour faire en sorte que la betterave puisse avoir de la place pour pousser, on marchait dans cette terre, et je passais des journées à marcher dans cette terre. Et donc cette notion de la terre, elle est vraiment très ancrée chez moi, avec cet élan, ou ce sens que j'essaye de porter, en mettant ma tête dans les étoiles, pour pouvoir guider le mieux l'ensemble des organisations dans lesquelles je suis amené à œuvrer.
- #Anne RAULOT-LAPOINTE
Peut-être que tu traverses en ce moment une période un peu difficile, où tu as même l'impression d'être balotté dans une tempête. Tu cherches des ressources, une impulsion, des lueurs de foi pour éclairer ta route vers un équilibre plein, stable, fécond. Alors reste, reste avec nous pour une traversée vers l'essentiel. On embarque sur un petit voilier en direction d'une île aux ressources. Alors c'est une image empruntée à la navigation, c'est pour te proposer d'écouter le témoignage inspirant de mon invité d'aujourd'hui qui nous transmet son expérience, ses outils de résilience. Je suis Anne Raulot-Lapointe, praticienne en santé émotionnelle. Bienvenue dans l'EssenCiel, le podcast qui nous conduit vers l'équilibre après la tempête. Alors bonjour Daniel. Daniel PAGNIEZ. Bienvenue dans l'EssenCiel.
- #Daniel PAGNIEZ
Merci.
- #Anne RAULOT-LAPOINTE
Aujourd'hui, on embarque ensemble pour un voyage à travers ton parcours. Un parcours de directeur général d'entreprise avec ses sommets, ses creux, ses défis, ses moments difficiles et puis ses moments exaltants aussi. On parlera de ton enfance, bien loin de ce que tu fais aujourd'hui comme métier, avec des valeurs qui t'ont construit et qui sont bien enracinées, mais aussi des épreuves qui ont marqué, notamment une épreuve qui a marqué ton enfance. Tu partageras également les ressources qui t'ont aidé, qui t'aident dans les moments difficiles et qui pourraient être utiles à la personne qui nous écoute en ce moment. Donc je suis convaincue que ce que tu vas partager va résonner chez nous, quel que soit d'ailleurs le domaine professionnel que nous exerçons. On prend le vent ensemble pour cette traversée vers l'essentiel. Directeur général, c'est un rôle qui est de place au cœur de la stratégie, de la mise en œuvre opérationnelle d'une entreprise. Mais au-delà de cette fonction, Il y a une expérience inattendue dans ton histoire, ce stage de clown que tu as suivi récemment. Alors, dis-nous Daniel, comment un DG chevronné comme toi s'est-il retrouvé avec un nez rouge et des chaussures XXL ? Qu'est-ce qui t'a mené vers cet univers ?
- #Daniel PAGNIEZ
Tout d'abord, merci Anne de m'avoir sollicité pour cet échange aujourd'hui. Ce stage de clown est venu, je t'avoue, de manière... très providentiel en tous les cas, et je l'ai accueilli comme ça, au détour d'une rencontre et d'un déjeuner avec Philippe Rousseaux, qui est le professeur de théâtre, le professeur de clown, et qui nous a partagé au cours de ce déjeuner son métier, son métier de clown. Moi-même étant toujours intéressé de faire un pas de côté, de prendre un peu un temps d'introspection sur moi-même, et ce depuis très longtemps dans ma vie professionnelle et personnelle, ça m'a interpellé et ça m'a donné envie d'aller faire ce pas de côté, décalé, dérangeant, pour comprendre ce qu'était un clown. Le thème était Clowns et prières Oui. Et donc nous sommes partis dans une plongée théâtrale et d'intériorité pendant sept jours, dans une belle demeure des Vosges, où nous étions tous logés au même endroit, et en provenance de divers milieux socio-culturels les uns les autres, et avec chacun son bagage de vie.
- #Anne RAULOT-LAPOINTE
Alors qu'est-ce que tu as vécu d'important ? Qu'est-ce qui est ressorti de ce stage ?
- #Daniel PAGNIEZ
Le point majeur en fait, et que je retiens après plusieurs mois maintenant d'avoir effectué ce stage. c'est d'abord le fait d'être. Donc le fait d'être là, présent, présent à l'autre, présent dans le regard de ce clown qui a pour vocation en fait de faire rire l'autre. et de jouer des émotions, de jouer de ses propres émotions, et de jouer des émotions des autres, et de comprendre à quel moment, finalement, dans ce moment présent, le clown arrive à faire rire. Et je retiendrai deux expressions qui caractérisent en fait cette notion d'être au présent. Le clown est celui qui n'a pas peur d'avoir peur, et le clown est celui qui n'a pas honte d'avoir peur. avoir honte. Et en même temps, je peux te confirmer, Anne, que j'ai eu peur d'avoir peur et que j'ai eu honte de la prestation que je faisais, donc d'avoir cette honte de monter sur scène face à une dizaine de personnes que je ne connaissais pas. Donc c'est très déstabilisant, ça nous projette en fait uniquement sur le fait que nous sommes, je suis, un être humain avec un cœur qui bat, un intestin qui bat. avec des millions de microbes à l'intérieur qui se démultiplient à longueur de journée, et de contempler en fait finalement cette merveille humaine que nous sommes, et toutes les émotions qu'on peut ressentir et qu'on peut partager à d'autres, et c'est vraiment ça en fait le point fondamental, donc je garderai un mot, être.
- #Anne RAULOT-LAPOINTE
Daniel, on remonte à la surface, 28 ans d'expérience dans l'agroalimentaire, tu as travaillé pour des entreprises. de marque, Belle, Matine, Bonduelle et d'autres encore. Tu travailles plutôt depuis plusieurs années par mission, tu fais de la transition, tu es là pour un temps en fait, avec souvent des restructurations qui sont parfois pas faciles à mener, ça implique des choix difficiles. Comment ça se passe lorsque tu arrives dans une entreprise, tu débarques comme ça ?
- #Daniel PAGNIEZ
Effectivement, les 15 dernières années de direction générale ont été semées d'un parcours... avec tantôt de la restructuration, tantôt du développement commercial. Alors, ça se passe toujours, à mon arrivée, par une prise de connaissance de l'ensemble des équipes et ensuite de l'ensemble des parties prenantes autour de l'entreprise, donc des clients, des fournisseurs, des banquiers, de tout l'écosystème qu'il y a autour. Mais le cœur du réacteur, comme toujours, dans n'importe quelle entreprise, dans n'importe quelle entreprise, On va dire regroupement de personnes, ce sont bien les personnes qui sont au coeur, donc l'ensemble des collaborateurs que représente l'acte de vente, donc le commerce, le marketing, ou l'acte de produire que vont représenter la partie agricole à mont, les usines et toute la partie supply chain pour livrer, avec les services connexes qui sont autour d'une entreprise, donc la finance et l'ensemble des ressources. source humaine. Donc le cœur, ce sont en fait ces équipes et mon métier en fait, il est essentiellement de donner de l'amour en fait à ces équipes. Donc pour donner de l'amour, c'est d'abord de savoir dire bonjour, donc de connaître les gens, de passer du temps avec eux et essayer de le faire avec tout le monde, c'est-à-dire qu'il n'y a pas une personne plus importante qu'une autre. L'entreprise, c'est un tout. Et ça, c'est vraiment la phase la plus importante de mon métier. C'est partager, donner cet amour aux collaborateurs pour qu'eux-mêmes ensuite prennent soin de cette entreprise, prennent soin des clients, des fournisseurs, des usines, etc.
- #Anne RAULOT-LAPOINTE
Donner de l'amour, ce n'est pas normalement la définition de poste d'un directeur général ?
- #Daniel PAGNIEZ
Oui, alors ça peut interpeller, mais en fait... Je dirais qu'il y a un moyen derrière tout ça qui est que l'entreprise doit générer du cash. Le cash est l'oxygène de l'entreprise. Le sens d'une entreprise, ce n'est pas de faire du cash. Le cash, c'est l'oxygène qui fait que l'entreprise reste debout. Et effectivement, je suis intervenu à de nombreuses reprises dans des entreprises où ce cash n'était plus généré. Et là, il faut arriver à faire prendre des décisions et à prendre ces décisions de réorganisation. de réorientation, donc de faire prendre conscience petit à petit à l'ensemble de l'organisation interne que sans cet oxygène, donc ce cash généré, l'entreprise ne peut pas vivre. Une entreprise sans cash meurt, une entreprise donc sans client meurt. Une entreprise qui perd un fournisseur, qui perd deux fournisseurs, va retrouver des fournisseurs et elle va repartir, etc. Donc c'est vraiment en fait le nerf du système, c'est ça, c'est qu'il faut générer ça. C'est mon métier au quotidien de mettre en mouvement, mais au-delà de ce cash, quand je parle de donner de l'amour aux uns aux autres, c'est essentiellement reporter le sens en fait du pourquoi on est ensemble.
- #Anne RAULOT-LAPOINTE
Et comment ça se passe quand tu dois faire des restructurations difficiles, se séparer des gens, faire repartir l'entreprise dans une direction qui ne plaît pas forcément aux personnes qui sont là ? Comment ça se passe dans ces cas-là ?
- #Daniel PAGNIEZ
Il y a pour moi deux mots qui sont fondamentaux dans ces périodes-là. Un, c'est... de parler en vérité à l'ensemble des collaborateurs et de dire cette vérité qui est parfois difficile à entendre mais il faut que tout le monde la comprenne bien et l'entende bien et ensuite de faire ça dans un environnement où on va être le plus en confiance possible pour pouvoir emmener cette transformation. Donc bien évidemment, un certain nombre de personnes à l'intérieur d'une organisation... Les gens qui vont se sentir menacés seront contre, simplement parce qu'ils voudront se protéger eux-mêmes, ce qui est tout à fait logique. Sauf que pour pouvoir mener à bien cette transformation, mon moteur à moi qui est derrière tout ça est le bien commun de cette entreprise. Et le bien commun de l'entreprise, c'est qu'il faut que ça régénère du cash à un moment donné pour reporter du sens dans le projet au niveau des collaborateurs. Donc ça passe par, effectivement, parfois, des plans sociaux à tel endroit ou à tel autre endroit, relancer des nouveaux concepts de l'innovation produit. Pour aller regagner des parts de marché au niveau commercial et retrouver en fait une assise volumétrique dans les outils industriels qui permettent de régénérer cette rentabilité. Confiance et transparence. C'est deux mots clés. Et puis après, j'embarque aussi avec cette énergie et cette envie qui me caractérisent, qui est en moi depuis très longtemps, pour pouvoir justement embarquer les équipes vers ces projets de transformation.
- #Anne RAULOT-LAPOINTE
Alors cette énergie qui t'habite, parfois elle peut être aussi débordante parce que tu dis que tu es addict au travail. Alors c'est quoi être addict au travail ?
- #Daniel PAGNIEZ
Oui, euh... Ma vie d'enfance, d'adolescence, a été perturbée à un moment donné par un divorce familial de mes parents qui a fait que maman, qui s'est retrouvée avec cinq enfants, on a dû s'organiser pour continuer ce chemin de vie. Et à ce moment-là, mon positionnement a été très clair sur la famille qui était en train de se recomposer avec les cinq frères et sœurs que nous étions, moi je suis le quatrième de cette fratrie, notre mère d'un côté et puis de l'autre côté le travail. Donc en fait ça a commencé assez tôt pour moi de me dire, pour pouvoir s'en sortir d'une certaine manière, il faut se mettre dans ce travail. Et c'est vrai que ce cheminement de travail m'a amené à avoir mon bac, à derrière faire un DUT. J'en suis sorti majeur de promo et j'ai pu intégrer Centrale, ce qui m'a permis ensuite... d'accéder à diverses fonctions. Maintenant, tout ça, ça ne s'est pas fait simplement. J'ai des souvenirs âpres, difficiles, de jeunes étudiants qui ne comprenaient pas toujours ces problématiques de mathématiques ou d'autres matières un peu scientifiques, et tellement scientifiques que, venant de ce milieu de technicien de bac plus deux, c'était plus complexe certainement pour moi que pour d'autres. Donc ça m'a renforcé. forcée sur le fait de se dire c'est à travers ce travail que je vais pouvoir m'en sortir alors J'ai cheminé depuis, parce que j'ai bien conscience que mon addiction, qui s'est développée jeune finalement, ça a été assumé chez moi, mais ce n'est pas quelque chose que je cherche à développer en tant que tel. Je cherche en fait à avoir de l'impact aujourd'hui en étant libéré de cette addiction, donc en prenant plus de temps pour moi, pour ma vie personnelle, mais en ayant un impact tout aussi conséquent, voire plus conséquent. sur l'ensemble des organisations et des collaborateurs. parce que j'aurais pris cette hauteur et que j'ai cette capacité à embarquer tout le monde avec.
- #Anne RAULOT-LAPOINTE
On va faire un petit bond en arrière, un bon bon temps, Daniel, et parler de ton enfance, ton enfance à la ferme. une ferme familiale, le travail de la terre, les repas de famille après la messe du dimanche,
- #Daniel PAGNIEZ
ce sont des bons souvenirs pour toi ? et tout ça avec des fratries de cousins autour de la table, donc des tables d'une trentaine de personnes. J'ai reçu énormément d'amour en fait de tout ça et j'ai eu cette chance. Et je dis bien que c'est pour moi une chance juste extraordinaire, et j'en ai pris conscience déjà depuis de nombreuses années, d'avoir reçu cet amour inconditionnel, maternel, paternel, et de tout l'environnement, des grands-parents, etc. Parce que c'est quand même cette base de construction de l'être humain qui est la chose la plus importante, et qui ne peut pas s'acheter, et qui est en fait mes fondations principales. de mon être. Tout à l'heure, on parlait de l'être du clown. Ces fondations, c'est vraiment l'amour maternel et paternel que j'ai reçu de ma conception à cet âge de jeune adulte, au moment où il y a eu cette séparation de mes parents, malheureusement.
- #Anne RAULOT-LAPOINTE
Oui, donc cinq enfants, des valeurs ancrées, et tu vas vivre une grande douleur, donc ton papa apprécié. Aimer, connu aussi, c'était le maire du village va quitter le foyer et vous laisser, ta maman, toi et tes frères et soeurs, ça a été une vraie déchirure dans ta vie.
- #Daniel PAGNIEZ
Tout à fait, tout à fait, ça a été un moment compliqué. Moi-même, je me suis d'ailleurs un peu enfermé sur une phrase que j'ai dite à mon papa ce jour-là, qui est restée bloquée en moi pendant 14 années. Il faut savoir qu'on s'enferme soi-même finalement avec des mots, en lui disant Papa, si tu quittes cette maison, tu ne reverras plus jamais tes enfants
- #Anne RAULOT-LAPOINTE
C'était un jour où vous étiez tous là et il a pris ses bagages et il est parti ?
- #Daniel PAGNIEZ
C'est ça. Alors je ne sais plus exactement tous les détails, j'ai juste encore cette vision de maman et tous les frères et sœurs où on était autour de maman, au pied de cette porte d'une maison familiale et notre père qui quittait les lieux. D'autant plus douloureux pour nous, enfants, que nous n'avions jamais entendu crier ou discuter nos parents à l'intérieur de la maison. Des parents qui faisaient de la préparation au mariage, des parents qui étaient investis dans la paroisse. Donc on a reçu, et je leur en remercie, cette éducation chrétienne, catholique, donc baptême, communion, confirmation, l'ensemble des sacrements. Merci. Ça, ça m'a beaucoup porté, même si, effectivement, après cette douloureuse rupture, je me suis totalement éloigné de cette foi, de la pratique religieuse, en tous les cas, pour garder la foi en moi. J'ai toujours eu quelque chose en moi, mais de l'âge de 16 ans à l'âge de 29 ans, grosso modo, je n'allais plus, je ne pratiquais plus la messe et tous les enseignements que j'avais reçus.
- #Anne RAULOT-LAPOINTE
Quelque chose qui s'est fermé. qui s'est refermée autour de toi ce jour-là ?
- #Daniel PAGNIEZ
Oui, il y a eu un avant et un après. Et puis je dirais qu'il y a eu 14 années de cheminement pour retrouver finalement ce chemin de la foi. Encore une fois, cette foi, elle ne m'a jamais quitté. J'ai toujours eu le sentiment de ne pas être seul, etc. Mais je m'étais auto-infligé. seule et inconsciemment pour peut-être plaire à notre mère, faire attention à elle également.
- #Anne RAULOT-LAPOINTE
Comme si tu avais une responsabilité dans ce...
- #Daniel PAGNIEZ
Comme si je pouvais porter une responsabilité de ce qui était en train d'arriver. Et en l'occurrence, on se rend compte plus tard que bien sûr que non, je n'étais pas responsable de tout ça. Ce n'était pas ma vie, mais je me suis... Je suis auto-infligé effectivement, quelque chose d'assez douloureux. Et puis je me suis donc plongé corps et âme dans ce travail, ce travail au niveau scolaire. J'ai des souvenirs aussi d'un certain nombre de soirées où c'était très difficile. Je vous disais tout à l'heure, je ne comprenais pas certaines matières, des mathématiques très complexes. Et j'ai eu des soirées douloureuses. seule, à pleurer et à me dire non, je vais y arriver, je vais y arriver, etc. Donc vraiment, ce travail comme planche de salut, et je dirais seule planche de salut, puisque à ce moment-là, je ne fréquentais plus les églises, je n'invoquais pas la Vierge Marie ou Jésus pour venir m'aider, me soutenir dans toutes ces épreuves. Et donc, ça a été toute une traversée un peu du désert. 14 années qui, petit à petit, à travers ensuite certaines rencontres... Rencontre de prêtres, rencontre de coachs, qu'un certain nombre de séances de psychologues aussi, qui nous faisaient du bien à moi et à notre fratrie pour arriver à exprimer finalement ce qui nous était arrivé et ce qu'on avait bloqué en nous. Tout ça m'a amené à cheminer et à aller vers cette réconciliation d'abord avec moi-même à travers la rencontre de mon père.
- #Anne RAULOT-LAPOINTE
Tu as entrepris de faire une démarche pour retrouver ton père, qui avait disparu vraiment de votre vie en fait.
- #Daniel PAGNIEZ
Qui avait totalement disparu de notre vie, de ma vie, avec lequel je n'avais tenu aucun lien, aucun contact durant ces 14 années. Et c'est moi-même qui ai, avec un certain nombre de rencontres, de ma future épouse, de psychologue. qui m'ont fait cheminer tout doucement vers cette nécessité pour moi d'aller soigner cette blessure que je m'étais auto-infligée.
- #Anne RAULOT-LAPOINTE
Avec cette phrase, tu avais dit si tu pars, tu ne reverras plus jamais tes enfants C'est ça,
- #Daniel PAGNIEZ
cette phrase qui m'a enfermé. Et quand je l'ai retrouvé pour la première fois, j'ai exprimé tout ça, j'ai exprimé à quel point cette phrase m'avait fait beaucoup de mal et que je ne la pensais pas et que c'était d'abord. Une espèce de... en lui exprimant ça, ça va lui faire du mal à lui, mais en fait je me suis fait du mal à moi et je me suis enfermé avec ça. D'ailleurs, il ne se souvenait plus de cette phrase lui-même, puisque lui vivait d'autres choses avec son épouse. Nous avons beaucoup pleuré, lui et moi. Et puis, depuis ce moment-là, donc là ça fait à peu près 23 ans maintenant que je chemine à ses côtés, qu'il a vu naître mes enfants et qu'on a redéveloppé une relation normale.
- #Anne RAULOT-LAPOINTE
D'un père avec son fils.
- #Daniel PAGNIEZ
D'un père à fils, tout à fait.
- #Anne RAULOT-LAPOINTE
Et le jour où tu l'as rencontré, il s'est passé quelque chose physiquement aussi pour toi ?
- #Daniel PAGNIEZ
Il s'est passé quelque chose, oui, physiquement. Ce n'est pas venu le jour de la rencontre, mais qui est venu en fait une à deux semaines plus tard, au moment où j'ai exprimé à ma mère le fait que j'avais renoué avec mon père, puisque j'avais autant en fait... Cette nécessité, ce besoin de me libérer de ce poids que je m'étais auto-infligé envers mon père, qu'ensuite être en capacité de pouvoir exprimer à ma mère que j'étais heureux d'avoir réussi à faire cette démarche, moi pour moi-même, mais en même temps ça me mettait dans une posture un peu délicate vis-à-vis de maman. Et le jour où je lui ai exprimé, effectivement j'ai eu une douleur très très forte au niveau de la... La poitrine est du plexus solaire, comme une libération d'énergie extraordinaire qui m'a mis KO toute la journée et j'ai dû aller m'allonger. Un médecin était présent d'ailleurs dans la famille et je n'avais rien, si ce n'est qu'en fait cette expression en fait de ce blocage qui était enfermé, comme si tout ça sortait en fait, enfin, ça s'ouvrait. Et ça s'est ouvert complètement. Donc après avoir rencontré et fait la démarche avec papa, mais surtout après l'avoir réussi à l'exprimer en toute bienveillance, sans lui vouloir faire de mal à maman, mais en exprimant en fait le pourquoi j'ai eu besoin de faire ça moi. Moi cet enfant, issu d'une union entre une femme et un homme.
- #Anne RAULOT-LAPOINTE
Cette libération, elle devait avoir lieu avec ton père et ta mère.
- #Daniel PAGNIEZ
Tout à fait, ce n'était pas que... Ce n'est pas que de retrouver finalement ce père, ça, ça a été une partie en fait du chemin. Et l'autre partie du chemin, c'était pouvoir aussi l'exprimer et entendre ma mère me dire Je suis heureux pour toi mon garçon, c'est super et c'est bien que tu puisses faire cette démarche. Je ne t'en veux absolument pas que tu puisses retrouver ton père, c'est ton père. Et fais ce chemin, ça t'appartient. Et c'est ça qui m'a libéré.
- #Anne RAULOT-LAPOINTE
Alors, tu aurais pu faire un métier à la ferme, mais ce n'est pas ce que tu as souhaité faire. Donc, tu as entrepris ces études. Aujourd'hui, on continue de te proposer des missions de DG. C'est ce que tu aimes faire. Dans ces missions-là, on est plutôt justement dans le faire. Alors, je reviens un petit peu en arrière, en comparaison avec l'être du clown. Comment est-ce que tu fais pour allier les deux ?
- #Daniel PAGNIEZ
Alors... Le directeur général dans les organisations que je pilote, et les organisations de cette taille-là, qui sont quand même de plusieurs centaines, voire milliers de personnes sur des périmètres européens, n'a pas pour vocation de faire lui-même. Je suis vraiment en fait dans une posture de faire-faire, et même de faire-faire-faire, puisqu'en fait il y a... Un certain nombre de relais d'organisation dans la chaîne de l'entreprise qui permettent ça. Donc mon fer à moi est d'abord... Le fait de faire porter le sens et arriver à faire prendre les décisions. Donc c'est un faire du non-faire. Je ne suis pas là pour faire en fait, mais je suis là pour générer des décisions qui vont générer le faire derrière. Alors, bien évidemment... surtout dans des phases de transformation et au départ, cette envie et cette énergie qui me caractérisent sont les éléments principaux et moteurs pour emmener l'organisation. Ce qui veut dire que parfois, et au démarrage, je suis amené à prendre des décisions à la place d'eux. Je suis amené à me mettre dans une posture de mes N-1 pour arriver justement à faire exprimer aux uns et aux autres l'attendue et la direction. Ma première mission, ma vocation profonde en fait, c'est vraiment de cultiver en confiance la transformation des hommes au service du bien commun. Et je vais continuer à œuvrer dans ces environnements qui me sont chers de l'agroalimentaire et de dirigeants. C'est essentiellement pour cultiver en confiance. La transformation des hommes. Donc au service de ce pied.
- #Anne RAULOT-LAPOINTE
C'est ce qui t'habite profondément.
- #Daniel PAGNIEZ
C'est ce qui m'habite profondément. Et pour défendre des valeurs, qui sont mes valeurs profondes, des valeurs chrétiennes, d'humanité, pour emmener tout le monde et porter ce sens. J'aime à dire que j'ai grandi les deux pieds dans la terre et j'aime sentir justement cette terre pieds nus, marcher dans de l'herbe pieds nus ou dans différentes... sol différent qui permet vraiment d'appréhender justement d'où on vient et pour moi c'est quelque chose qui est ancré. J'avais 8 ans, 10 ans, 15 ans, j'étais avec mes parents, avec mes grands-parents au milieu d'un champ de 5, 7 hectares de betteraves sucrières et on partait avec une rasette pour enlever les mauvaises aires, pour faire en sorte que la betterave puisse avoir de la place pour pousser. On marchait dans cette terre et je passais des journées à marcher dans cette terre. Et donc cette notion... La création de la Terre, elle est vraiment très ancrée chez moi, avec cet élan ou ce sens que j'essaye de porter en mettant ma tête dans les étoiles, pour pouvoir guider le mieux l'ensemble des organisations dans lesquelles je suis amené à œuvrer.
- #Anne RAULOT-LAPOINTE
Tu dis ici qu'il faut un petit grain de folie pour faire ce métier, un petit truc. En plus, c'est quoi ce grain de folie ?
- #Daniel PAGNIEZ
Oui, je pense qu'on n'est pas dirigeant d'entreprise par hasard. Effectivement, c'est quand même des métiers un peu particuliers. Ce grain de folie, c'est d'abord... une folie de l'amour en fait, de l'amour des gens. C'est à travers le fait de la relation, de la rencontre, qu'on génère des choses finalement. Le produit, alors oui, j'aime le produit, j'aime le produit à l'agroalimentaire, j'aime manger, j'ai grandi là-dedans, mais c'est vraiment en fait le lien, la relation qui pour moi prime en fait. Et c'est ce lien et cette relation qui va... générer le mouvement qui va générer à un moment donné le fait que l'entreprise, comme j'ai dit tout à l'heure, va générer le cash, etc.
- #Anne RAULOT-LAPOINTE
On s'est traversé, on fait une petite halte sur ce que j'aime bien appeler les ressources. Alors concrètement, quelles sont les ressources que tu peux partager avec la personne qui est en train de nous écouter ? Peut-être pour la soutenir dans l'un de ses défis, d'ailleurs quel que soit son métier. C'est quoi cette ressource que tu veux partager ?
- #Daniel PAGNIEZ
Alors moi, ma ressource principale, elle est en Christ en fait. Elle est dans ma foi. Et pour pouvoir l'activer en fait, cette ressource, Il y a un point que je cultive et que j'essaye de maintenir et je peux dire qu'aujourd'hui je l'appréhende beaucoup mieux que dans le passé, c'est la prière quotidienne. Et si je peux donner un de mes petits trucs, c'est qu'on a tous des jolis téléphones dans lesquels on peut écouter des podcasts. comme le podcast que nous sommes en train d'enregistrer, Anne. Il y en a un qui est fait tous les jours par RCF, qui s'appelle La prière du matin et qui dure entre 7 et 10 minutes le matin, dans lequel une personne de RCF va faire la lecture de l'évangile. Ensuite, il va y avoir un commentaire de cette lecture de l'évangile, suivi d'une méditation ou d'un chant. Et moi, ça, ça me permet, tous les matins... de démarrer ma journée en pensant, en priant Dieu pour offrir ce qui va venir dans cette journée. Donc les rencontres, les beaux visages que je vais croiser, et cet émerveillement que j'essaye de continuer à développer. Moi, le cartésien, parfois très cartésien justement, donc cette prière quotidienne est un vrai... Point ressources. Et puis ensuite, deux autres petits trucs également que j'aime faire. Globalement, une à deux fois par mois, une heure d'adoration du Saint-Sacrement. Et puis ça arrive toujours à des moments où finalement j'en ai le plus besoin et une fois par an j'essaye de partir dans un monastère, de partir sur un temps de ressourcement pendant quelques jours jusqu'à une semaine pour justement travailler cette intériorité.
- #Anne RAULOT-LAPOINTE
Alors RCF, Radio Chrétienne en France, je pense qu'on peut l'écouter partout en France sur des ondes un petit peu différentes mais on peut trouver. Ailleurs, dans d'autres pays francophones, ça doit exister aussi, ce genre de station-là. Adorer, c'est se mettre en la présence d'une personne qui est Dieu, laisser son amour se diffuser en nous. C'est accessible à chacun, même si je me sens loin de Dieu ou pas digne. Souvent on se sent indigne, on est tous indignes de toute façon, mais c'est pour moi aussi, c'est pour chacun de nous aussi. Pour terminer cette entrevue, qu'est-ce que tu souhaiterais murmurer à l'oreille de la personne qui est en train de nous écouter pour lui donner un souffle renouvelé pour affronter les défis de sa vie ?
- #Daniel PAGNIEZ
Écoute, moi je suggérerais à chacun... de vivre le présent et de se donner pour objectif, le matin quand il se lève, les 24 heures qui sont devant lui. Pas plus, pas moins. Et de se dire, oh mon Dieu, je t'offre cette journée, fais-moi de la vivre au présent et donne-moi cette force de changer ce que je... peut et doit changer, donne-moi cette force d'accepter ce que je dois accepter, et puis surtout la claire vision de faire la différence entre l'un et l'autre, et uniquement sur ce laps de temps de la journée qui est devant moi, aujourd'hui, sans penser à demain. Et quand on prend des résolutions, et là ça peut s'appliquer à plein de choses, personnel, professionnel, etc. Moi, j'invite chacun à rester au présent et à ne se projeter que sur la journée qui est là aujourd'hui et maintenant. et d'arriver à tenir cette résolution, à tenir ces engagements sur cette journée-là, et de renouveler ça jour après jour.
- #Anne RAULOT-LAPOINTE
Belle inspiration de Sainte-Thérèse, je n'ai rien qu'aujourd'hui. Merci Daniel, merci beaucoup pour ce partage dans l'intimité de ton travail, de ton enfance, de ta vie intérieure. Donc on peut prendre contact avec toi, notamment sur LinkedIn, c'est assez facile, on peut te contacter. Daniel PAGNIEZ, donc ça s'écrit P-A-G-N-I-E-Z. Voilà. Daniel, à bientôt.
- #Daniel PAGNIEZ
À bientôt, Anne.
- #Anne RAULOT-LAPOINTE
Et merci d'avoir évoqué la prière, l'adoration comme ressource de vie. Et il y aura bientôt un épisode de l'Essentiel Spécial Ressources sur ce sujet. Pour nous donner quelques clés, nous inviter à prendre ce temps de connexion à Dieu, Dieu que l'on pense parfois très loin de nos préoccupations, de notre vie quotidienne, et pourtant tout de nous l'intéresse et tu l'invites toi-même dans ton quotidien, dans ton travail, dans ta vie de chaque instant. Donc, toi qui nous écoutes, pense à t'abonner pour être informé des prochains épisodes, les épisodes témoignages et les épisodes ressources. À très vite.
- #Daniel PAGNIEZ
Au revoir Anne.