Description
Dans(e) ta classe, un projet éducatif autour du geste et du corps
Le titre, Dans(e) ta classe mérite qu’on s’y arrête un instant. La référence à la danse (terme connoté positivement par les adolescents, notion de plaisir, de liberté, de mouvement agréable) associée à « classe » (espace du positionnement frontal – le plus souvent – face à l’enseignant, espace clos, fixe, où le corps n’est pas en mouvement) crée une espèce d’oxymore. Comment danser dans la classe ? Comment entrer dans la danse ? En quoi l’espace de la classe peut-il devenir un espace de liberté, de règles détournées, modifiées ? Danse avec ta classe ? Danse dans ta classe ? Danse pour ta classe ?
En effet, interroger la place des enseignants revient à interroger la place de l’école, du scolaire ou plutôt de manière plus large, la place dévolue aux programmes scolaires. L’on sait par expérience que les réserves que les enseignants expriment lorsqu’il leur est proposé d’intégrer des dispositifs d’EAC portent essentiellement sur leur capacité ou pas à « finir leur programme ». Est-ce que ces heures consacrées à un projet ne vont pas les empêcher de voir toutes les questions du programme ? Cette inquiétude est assez souvent partagée par les parents surtout lorsque le niveau de la classe correspond à celui d’un examen national. Les heures utilisées pour mettre en place le projet d’EAC sont considérées comme soustraites à celles utilisées pour « faire le programme ».
Alain Kerlan a montré dans plusieurs articles et en particulier dans Portrait de l’artiste en pédagogue,1 en s’appuyant sur la thèse que Jacques Rancière développe dans Le Maître ignorant, que l’enseignant lors d’un projet EAC doit accepter que les savoirs qu’il cherche à transmettre soient transmis par d’autres voies que celles qu’il connaît. C’est un double processus de mise en retrait pour l’enseignant : accepter que le savoir qu’il possède ne soit plus transmis par une didactique explicative, accepter que ce savoir ne soit plus transmis par des mots mais par des gestes, par le corps, par la projection dans l’espace. Pour l’artiste il y a aussi une sorte de défi qui est d’accepter que le projet ne soit plus tourné du côté de l’œuvre - de son œuvre - mais au contraire que ce soit le programme scolaire qui constitue les fondements de l’œuvre à écrire, à construire, à faire émerger avec les élèves et dans l’espace-temps de la classe.
Marion Lévy propose donc à l’ensemble des enseignants de partir d’un matériau qu’ils connaissent et maîtrisent mais dont ils vont accepter de se « dessaisir ». Il s’agit donc d’inverser le processus de création et poser comme fondement à l’écriture du projet les fondamentaux, les éléments inscrits dans les programmes. L’idée est novatrice tant sur le plan artistique (comment « faire » une œuvre artistique avec les théorèmes de maths, les règles de grammaire, les grandes dates historiques, les règles de physique ?) que sur le positionnement des entités impliquées dans le projet : l’artiste se met au service des enseignants dans le sens où elle propose que ce soit elle qui cherche à faciliter l’apprentissage et la maîtrise des éléments du programme par les élèves. Le programme scolaire est donc le socle de la création, il est ce par quoi la production artistique advient. Le postulat du projet repose sur l’idée que le savoir kinésique est un élément essentiel dans la prise de conscience et dans la maîtrise des sujets abordés à l’école. Remplacer ou tout du moins compléter une intelligence conceptuelle par une intelligence du geste, du mouvement, de l’espace.
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