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Aux Halles de Pau, Audrey Abadie réinvente la charcuterie avec cœur et modernité cover
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L'état d'esprit

Aux Halles de Pau, Audrey Abadie réinvente la charcuterie avec cœur et modernité

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13min |11/11/2025
Play
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Description

Audrey Abadie a repris le flambeau de son père dans la charcuterie familiale, un métier longtemps considéré comme “d’hommes”. Avec passion, rigueur et créativité, elle y a apporté sa touche de modernité et de féminité. Trois médailles d’or du boudin, un jambon Henri IV devenu une référence, une clientèle fidèle et un sens aigu du contact humain…
Dans cet épisode de L’État d’esprit, Audrey Abadie raconte sa reconversion, les défis du quotidien, l’héritage de son père et l’audace qu’il faut pour se faire une place dans un univers traditionnel.
Un témoignage inspirant sur la passion du métier, la persévérance et la transmission.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour, soyez les bienvenus dans ce nouveau podcast de l'état d'esprit. Je vous reçois aujourd'hui Audrey Abadie. Elle a troqué les instituts de beauté pour les Halles de Pau. Elle a repris le flambeau de son père en reprenant la charcuterie familiale. Des médailles pour ses charcuteries, un jambon Henri IV devenu un incontournable et une passion sans limite pour son métier. Merci déjà d'avoir accepté cette invitation. Alors vous n'avez pas tout de suite suivi la voie familiale. Vous avez d'abord choisi l'esthétique. Pourquoi cette orientation à la base ?

  • Speaker #1

    J'ai toujours voulu faire ça et d'être en contact avec la clientèle. Ça, c'est quelque chose que j'ai toujours aimé depuis mon enfance. Et après, je suis partie dans la formation. Donc là, j'étais formatrice pour une marque de produits cosmétiques où là, je me suis vraiment éclatée professionnellement dans mon domaine. D'ailleurs, je ne pensais jamais changer de métier. Je pensais vraiment rester dans cette voie-là toute ma vie. La formation m'a plu énormément. Je me suis enrichie de plein de choses, de plein de gens différents. Et après, j'ai voulu me poser parce que j'arrivais vers 28 ans. Et c'est vrai que là, je me suis dit que la meilleure façon de se poser, c'est d'être toujours dans la formation. Mais je suis partie sur l'enseignement dans une école où j'ai enseigné. Et puis, un jour, mon père m'appelle et me dit « viens nous aider, il nous manque deux employés » . C'était une période de Noël. Et moi, j'étais en vacances puisque j'étais dans un cursus scolaire. Et donc, voilà, c'est le fameux appel de « viens nous aider » qui m'a fait changer de voie.

  • Speaker #0

    Et justement, après cet appel, qu'est-ce qui s'est passé ? Vous avez fait ce remplacement et là où vous vous êtes dit, c'est ce que je veux faire.

  • Speaker #1

    Pas au départ, c'est-à-dire qu'au début, je me suis dit, je vais les aider et je vais voir. Ça ne me dérange pas parce que j'ai toujours baigné petite là-dedans, je vais aller les aider. Et au début, non, non, jamais je pensais reprendre un jour l'entreprise de mes parents, jamais. Et petit à petit, en fait, c'est au fur et à mesure du temps et de voir ce que ça allait donner. Et surtout si j'allais être capable, parce que je me dis, mais est-ce que je vais avoir les épaules pour porter une entreprise comme ça, sachant que moi, ce n'est pas du tout mon corps de métier. Donc là, ça a été plein de questionnements au départ, ça ne s'est pas fait de suite.

  • Speaker #0

    Et ça, c'est un cheminement qui a pris combien de temps ?

  • Speaker #1

    Ça a mis 3-4 ans, et au bout d'un moment, je me suis dit, ben oui, pourquoi pas, ce n'est pas impossible, mais par contre, il faut s'entourer, c'est-à-dire que moi, seule, ce n'est pas possible. Il faut vraiment de bons professionnels, de bonnes personnes qui sont autour de vous pour pouvoir faire accomplir de belles choses.

  • Speaker #0

    Et ça vous en avez parlé avec vos parents, comment ça s'est passé ?

  • Speaker #1

    J'avais déjà le déclic de vouloir le reprendre mais je n'avais pas osé encore lui dire parce qu'il a dû se dire est-ce qu'elle va y arriver. Mais tout ça, ça a pris du temps. Aujourd'hui ça fait 15 ans que je travaille avec lui donc il n'y a que maintenant où vraiment j'ai trouvé ma place. Il a été très fier bien sûr parce qu'en plus lui, on est deux filles chez moi. et lui n'a pas eu de garçon. Et ça, ça a été, je pense, un de ses plus grands regrets. Donc, de reprendre l'entreprise en plus femme, je pense qu'il était fier, oui. C'est vraiment mon père qui a créé Oualdepo. Au tout départ, nous, on est de Bénéjac, donc c'est un petit village à côté de Nailles. À l'époque, il y avait plus de 30 charcutiers. C'était incroyable. Il y en avait partout, boucher charcutier. Nous, on était plus sur la charcuterie. Ma grand-mère, mon arrière-grand-mère, pardon, elle était sur les marchés avec... Une table et deux traiteaux et à vendre un petit peu comme ça à l'époque. Et mon grand-père a commencé comme ça, mon grand-père paternel, et il a monté sa charcuterie sur Argelès-Gazos dans le 65, où lui avait un magasin avec sa femme, ma grand-mère. Et mon père a tellement baigné, lui il savait depuis petit qu'il voulait faire ça. Mon père c'est un passionné, il a toujours été là-dedans et lui il savait qu'il allait être charcutier. Et c'est lui qui a créé, effectivement, c'est lui qui a créé au Val-de-Pau. Et donc maintenant ça va faire plus de 50 ans.

  • Speaker #0

    Est-ce que c'est une pression supplémentaire ou au contraire c'est quelque chose qui rassure ?

  • Speaker #1

    Ah non non non, ça met la pression. Moi j'ai en plus, j'arrivais d'un milieu à l'opposé, donc moi qui ne connaissais rien du métier. J'étais une femme en plus, qui reprenait un métier d'homme et en plus fille d'eux. Donc déjà aux yeux des gens, il faut gagner en crédibilité. Aux yeux des clients, il faut prouver qu'on est capable d'eux, parce que moi j'ai déjà eu des remarques. J'espère que vous allez être à la hauteur quand vous recevez ça dans les dents. Merci, oui je vais faire au maximum. Donc c'est doublement difficile de faire sa place là-dedans. Je me souviens au tout début quand j'ai démarré, ils se sont dit elle, elle va pas tenir deux mois, elle va pas tenir deux mois. Mais j'ai jamais fait attention à ce que les gens disaient. J'ai toujours, mon père m'a toujours, je l'ai vu comme ça. Donc en fait tout vient je pense de l'éducation. La tête dans le guidon, on bosse, on bosse, on se lève à 4 heures tous les matins, on va travailler, on va au charbon. Et c'est que comme ça, en crédibilité, qu'on va gagner en crédibilité du coup, parce que c'est en montrant l'exemple, en étant exemplaire, rigoureux, on travaille. C'est sûr, j'ai toujours vu mes parents travailler, donc en fait on refait ce qu'on a vu faire. C'est un exemple pour moi, je veux dire, ils ont plus de 70 ans aujourd'hui. Ma mère a pris sa retraite, mon père est quand même toujours là. Ils m'ont montré vraiment l'engagement dans le travail, ils m'ont montré qu'on pouvait dépasser, au-delà de ses croyances, on pouvait vraiment faire de belles choses. J'ai toujours vu mon père travailler, faire des concours, enfin il a toujours été dans le challenge. Et on reproduit ça inconsciemment parce que moi, je n'ai pas cherché à le recopier ou autre. Tout s'est fait petit à petit. Il y a des opportunités qui sont arrivées. Après, il faut savoir les saisir.

  • Speaker #0

    Est-ce que c'est simple de travailler avec ses parents ?

  • Speaker #1

    Ce n'est pas donné à tout le monde de travailler en famille, honnêtement. Mais là aussi, il a fallu du temps. Au début, il y a eu pas mal d'accrochages, ce qui est normal. On est dans un conflit de génération et on n'a pas forcément les mêmes idées, la même façon de manager. On n'est pas du tout dans la même manière de manager une équipe ou de voir les choses. Et encore, j'ai un papa qui est assez moderne dans sa vision et qui m'a toujours encouragée quand même.

  • Speaker #0

    D'être une femme, qu'est-ce que ça a apporté selon vous ?

  • Speaker #1

    Il faut prouver un petit peu plus parce qu'on est dans un métier d'homme. La charcuterie, c'est quand même associé à la force, à quelque chose... C'est du domaine patriarcal, c'est vraiment l'homme. Donc il faut effectivement démontrer que... Ce métier-là n'a pas de genre, c'est-à-dire que ce soit homme ou femme, il faut le démontrer par sa rigueur, son travail, sa façon d'innover les choses. On va apporter différemment, on va incarner le métier d'une autre façon et on va réussir par le sérieux, par la rigueur et pas par la force.

  • Speaker #0

    Vous le dites, vous levez tôt, c'est un métier qui n'est pas simple quand même. Qu'est-ce qui vous apporte le plus de plaisir au quotidien ?

  • Speaker #1

    Ça va être le retour de nos clients. Encore la semaine dernière, j'ai un client qui est venu qui me dit je ne suis pas du coin mais quand je viens, je viens chez vous parce que votre vitrine est magnifique. Ce matin, encore un confrère m'appelle et me dit j'aimerais bien travailler avec vous parce que c'est joli ce que vous faites, c'est magnifique. Et ça, ça n'a pas de prix. Ce retour-là des clients, pour moi, c'est une des plus belles reconnaissances.

  • Speaker #0

    Vous avez déjà remporté plusieurs distinctions. Déjà, pourquoi avoir fait ces... Ces concours ?

  • Speaker #1

    On est un peu baigné là-dedans. Depuis notre enfance, j'ai vu mon père démarrer à zéro. Il a fallu qu'il fasse sa place. Il s'est dénoté par les concours. Et donc, consciemment, on reproduit ça. Moi, j'avais vu aussi ce concours à la télé. J'ai dit, allez, on essaye. Ça prend du temps de préparation, on prend du temps sur soi, on prend du temps sur sa vie perso. Mais bon, après, c'est beau parce qu'on a accompli des choses qu'on pensait ne jamais pouvoir accéder. C'est vraiment un mélange puissant qui arrive d'émotion, de la fierté parce qu'on est reconnu. par notre travail, mais aussi de la reconnaissance parce que souvent les juristes c'est des moffs, on a des meilleurs ouvriers de France, on a des gens donc des artisans mais reconnus dans le métier et ces gens là qui vous notent on se dit ben ouais quand même on est dans un bel accomplissement là.

  • Speaker #0

    Quel lien on entretient avec les clients ?

  • Speaker #1

    Déjà je pense que la base c'est qu'il faut aimer les gens. Moi personnellement j'ai toujours été dans mon ancien métier ou dans ce métier là, toujours en contact avec les clients. Ce côté j'aime les gens, on va s'intéresser à eux. le client, souvent je dis à mon équipe intéressez-vous à la vie des gens, intéressez-vous à savoir ce qu'ils font dans la vie c'est pas un bonjour, au revoir, merci c'est vraiment s'intéresser et là on va créer un lien extraordinaire moi ça va faire 15 ans maintenant que je suis là et je vois, on voit dans des générations, il y a les grands-parents, les parents, les petits-enfants et on voit des enfants naître on va les accompagner avec nos buffets sur, ça peut être tous les moments de la vie, il y a les enterrements Il y a les naissances, il y a les mariages et on va les accompagner. Et c'est vrai qu'on crée un lien, on a de très fortes affinités avec certains clients. Et puis ils nous le rendent bien, on a un super retour avec eux. J'ai une super équipe de gens très investis parce que je pense qu'on arrive à avoir les gens qui nous reflètent un petit peu. Tous ils sont dans le même état d'esprit, tous on est dans la même énergie, tous ils ont ce sens du... J'ai de la chance, ce sens du commerce. Il faut savoir s'entourer de ces gens-là. et de leur donner. J'ai une employée qui m'a dit, ça m'a fait plaisir l'autre jour, elle m'a dit merci de nous donner votre passion du métier. Et ça pour moi, ça me touche profondément.

  • Speaker #0

    Alors j'ai vu que vous faisiez pas mal de sport, notamment le marathon.

  • Speaker #1

    Ça fait partie du dépassement de soi. Ça dépend à quel degré on fait du sport, mais à un moment donné de ma vie, vers mes 30 ans, ça a été une thérapie. Je n'ai jamais couru de ma vie auparavant. J'ai été dispensée de tous les crosses quand j'étais jeune. C'est là où je me sens extrêmement centrée sur moi, extrêmement alignée et où j'arrive à avoir les bonnes idées. C'est-à-dire que tout le négatif s'en va et là je suis centrée sur moi et les idées, souvent quand je reviens d'un footing, j'ai des idées. Dès qu'il arrive, que je mets en place. On ne va pas se battre contre un chrono, ni contre un adversaire, ni contre une distance. C'est vraiment, on se bat contre soi-même pour justement dépasser des choses qu'on ne pouvait même pas imaginer pensables. Et effectivement, mon premier marathon, ça a été le marathon de Paris. Là, je donne un exemple concret où j'ai eu à 30 km le fameux mur. Quand on parle de mur, je peux vous dire que je l'ai rencontré une fois dans ma vie. ça a été extrêmement... difficile, c'est-à-dire que là votre corps il réagit plus, c'est tout au mental et on avance et on n'a pas le choix, il faut le finir. Donc ce dépassement de soi, c'est chaque petite victoire, chaque petite avancée, fait qu'on arrive à aller au-delà de ce qu'on pensait impossible pour nous.

  • Speaker #0

    Vous citez souvent Mark Twain, il ne savait pas que c'était impossible, alors ils l'ont fait. C'est une devise pour vous, c'est quelque chose qui vous fait avancer ?

  • Speaker #1

    Cette devise pour moi, elle est... Elle est audacieuse, elle va sur la liberté d'entreprendre les choses et elle fait prendre confiance en soi malgré les doutes qu'on peut avoir. Et je crois qu'ignorer justement les difficultés, ça permet de pouvoir se dépasser.

  • Speaker #0

    Qu'est-ce que vous auriez envie de dire à la jeune Audrey qui était à l'époque formatrice, qui était loin de cet univers ? Vous lui diriez quoi maintenant ?

  • Speaker #1

    Vas-y fonce, nous on est des fonceurs, on a toujours foncé. Mais c'est vrai que jamais à cette petite fille, j'aurais cru que j'allais faire ce cheminement-là. Donc comme quoi la vie est très surprenante. Il faut juste savoir prendre les bons trains de la vie. Parce que dans une vie, justement, il y a cette image de... Il faut prendre les bons trains, les bons tournants de vie. Savoir avec qui on va s'accompagner dans ce train, ce cheminement de vie. Parce que votre vie, elle va prendre toute une autre tournure, en fait. Toute une autre direction selon vos choix de vie. Et ça, souvent, je le dis à mon fils. Je lui dis attention, dans ta vie, tu auras des moments où il faut faire les bons choix. Et ces bons choix, prends-les parce que ta vie va prendre toute une autre tournure. Des fois, j'ai loupé certains trains, je n'ai pas toujours pris les bons, mais certains, et ça c'est le fait de reprendre l'entreprise familiale, ça a été un des plus beaux chemins de ma vie et en accomplissement. Et c'est là où il faut prendre du recul, c'est pour ça que là je ne me suis pas précipitée, je n'ai pas dit du jour au lendemain je vais reprendre la boîte. J'ai pris du temps de voir si j'étais capable. Et c'est comme ça que je pense qu'on peut y arriver.

  • Speaker #0

    Ce podcast s'appelle L'État d'Esprit. Quel est votre état d'esprit ? Si vous deviez le résumer en quelques mots.

  • Speaker #1

    On est baigné dans un milieu positif, que ce soit au marché avec les clients, parce que vraiment c'est que du positif. Les gens ils viennent pour le plaisir ici. Moi j'admire ces gens qui travaillent dans les hôpitaux, qui travaillent de nuit, parce que ça c'est dur. Nous c'est que du bonheur, on n'apporte que du positif aux gens. On se régale à revisiter des recettes, à faire plein de choses pour pouvoir leur faire plaisir. Mon père m'a toujours dit, il faut avoir un temps d'avance. Et on essaye toujours d'innover, de chercher quelque chose de nouveau. Là, on est partis deux jours en formation à Paris pour prendre des nouvelles recettes. Toujours en train de rechercher une nouveauté. Et voilà, c'est ça notre état d'esprit.

  • Speaker #0

    Merci Audrey Abadie pour cet échange. Vous pouvez retrouver d'autres épisodes du podcast L'État d'Esprit sur toutes les bonnes plateformes. A très bientôt.

Description

Audrey Abadie a repris le flambeau de son père dans la charcuterie familiale, un métier longtemps considéré comme “d’hommes”. Avec passion, rigueur et créativité, elle y a apporté sa touche de modernité et de féminité. Trois médailles d’or du boudin, un jambon Henri IV devenu une référence, une clientèle fidèle et un sens aigu du contact humain…
Dans cet épisode de L’État d’esprit, Audrey Abadie raconte sa reconversion, les défis du quotidien, l’héritage de son père et l’audace qu’il faut pour se faire une place dans un univers traditionnel.
Un témoignage inspirant sur la passion du métier, la persévérance et la transmission.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour, soyez les bienvenus dans ce nouveau podcast de l'état d'esprit. Je vous reçois aujourd'hui Audrey Abadie. Elle a troqué les instituts de beauté pour les Halles de Pau. Elle a repris le flambeau de son père en reprenant la charcuterie familiale. Des médailles pour ses charcuteries, un jambon Henri IV devenu un incontournable et une passion sans limite pour son métier. Merci déjà d'avoir accepté cette invitation. Alors vous n'avez pas tout de suite suivi la voie familiale. Vous avez d'abord choisi l'esthétique. Pourquoi cette orientation à la base ?

  • Speaker #1

    J'ai toujours voulu faire ça et d'être en contact avec la clientèle. Ça, c'est quelque chose que j'ai toujours aimé depuis mon enfance. Et après, je suis partie dans la formation. Donc là, j'étais formatrice pour une marque de produits cosmétiques où là, je me suis vraiment éclatée professionnellement dans mon domaine. D'ailleurs, je ne pensais jamais changer de métier. Je pensais vraiment rester dans cette voie-là toute ma vie. La formation m'a plu énormément. Je me suis enrichie de plein de choses, de plein de gens différents. Et après, j'ai voulu me poser parce que j'arrivais vers 28 ans. Et c'est vrai que là, je me suis dit que la meilleure façon de se poser, c'est d'être toujours dans la formation. Mais je suis partie sur l'enseignement dans une école où j'ai enseigné. Et puis, un jour, mon père m'appelle et me dit « viens nous aider, il nous manque deux employés » . C'était une période de Noël. Et moi, j'étais en vacances puisque j'étais dans un cursus scolaire. Et donc, voilà, c'est le fameux appel de « viens nous aider » qui m'a fait changer de voie.

  • Speaker #0

    Et justement, après cet appel, qu'est-ce qui s'est passé ? Vous avez fait ce remplacement et là où vous vous êtes dit, c'est ce que je veux faire.

  • Speaker #1

    Pas au départ, c'est-à-dire qu'au début, je me suis dit, je vais les aider et je vais voir. Ça ne me dérange pas parce que j'ai toujours baigné petite là-dedans, je vais aller les aider. Et au début, non, non, jamais je pensais reprendre un jour l'entreprise de mes parents, jamais. Et petit à petit, en fait, c'est au fur et à mesure du temps et de voir ce que ça allait donner. Et surtout si j'allais être capable, parce que je me dis, mais est-ce que je vais avoir les épaules pour porter une entreprise comme ça, sachant que moi, ce n'est pas du tout mon corps de métier. Donc là, ça a été plein de questionnements au départ, ça ne s'est pas fait de suite.

  • Speaker #0

    Et ça, c'est un cheminement qui a pris combien de temps ?

  • Speaker #1

    Ça a mis 3-4 ans, et au bout d'un moment, je me suis dit, ben oui, pourquoi pas, ce n'est pas impossible, mais par contre, il faut s'entourer, c'est-à-dire que moi, seule, ce n'est pas possible. Il faut vraiment de bons professionnels, de bonnes personnes qui sont autour de vous pour pouvoir faire accomplir de belles choses.

  • Speaker #0

    Et ça vous en avez parlé avec vos parents, comment ça s'est passé ?

  • Speaker #1

    J'avais déjà le déclic de vouloir le reprendre mais je n'avais pas osé encore lui dire parce qu'il a dû se dire est-ce qu'elle va y arriver. Mais tout ça, ça a pris du temps. Aujourd'hui ça fait 15 ans que je travaille avec lui donc il n'y a que maintenant où vraiment j'ai trouvé ma place. Il a été très fier bien sûr parce qu'en plus lui, on est deux filles chez moi. et lui n'a pas eu de garçon. Et ça, ça a été, je pense, un de ses plus grands regrets. Donc, de reprendre l'entreprise en plus femme, je pense qu'il était fier, oui. C'est vraiment mon père qui a créé Oualdepo. Au tout départ, nous, on est de Bénéjac, donc c'est un petit village à côté de Nailles. À l'époque, il y avait plus de 30 charcutiers. C'était incroyable. Il y en avait partout, boucher charcutier. Nous, on était plus sur la charcuterie. Ma grand-mère, mon arrière-grand-mère, pardon, elle était sur les marchés avec... Une table et deux traiteaux et à vendre un petit peu comme ça à l'époque. Et mon grand-père a commencé comme ça, mon grand-père paternel, et il a monté sa charcuterie sur Argelès-Gazos dans le 65, où lui avait un magasin avec sa femme, ma grand-mère. Et mon père a tellement baigné, lui il savait depuis petit qu'il voulait faire ça. Mon père c'est un passionné, il a toujours été là-dedans et lui il savait qu'il allait être charcutier. Et c'est lui qui a créé, effectivement, c'est lui qui a créé au Val-de-Pau. Et donc maintenant ça va faire plus de 50 ans.

  • Speaker #0

    Est-ce que c'est une pression supplémentaire ou au contraire c'est quelque chose qui rassure ?

  • Speaker #1

    Ah non non non, ça met la pression. Moi j'ai en plus, j'arrivais d'un milieu à l'opposé, donc moi qui ne connaissais rien du métier. J'étais une femme en plus, qui reprenait un métier d'homme et en plus fille d'eux. Donc déjà aux yeux des gens, il faut gagner en crédibilité. Aux yeux des clients, il faut prouver qu'on est capable d'eux, parce que moi j'ai déjà eu des remarques. J'espère que vous allez être à la hauteur quand vous recevez ça dans les dents. Merci, oui je vais faire au maximum. Donc c'est doublement difficile de faire sa place là-dedans. Je me souviens au tout début quand j'ai démarré, ils se sont dit elle, elle va pas tenir deux mois, elle va pas tenir deux mois. Mais j'ai jamais fait attention à ce que les gens disaient. J'ai toujours, mon père m'a toujours, je l'ai vu comme ça. Donc en fait tout vient je pense de l'éducation. La tête dans le guidon, on bosse, on bosse, on se lève à 4 heures tous les matins, on va travailler, on va au charbon. Et c'est que comme ça, en crédibilité, qu'on va gagner en crédibilité du coup, parce que c'est en montrant l'exemple, en étant exemplaire, rigoureux, on travaille. C'est sûr, j'ai toujours vu mes parents travailler, donc en fait on refait ce qu'on a vu faire. C'est un exemple pour moi, je veux dire, ils ont plus de 70 ans aujourd'hui. Ma mère a pris sa retraite, mon père est quand même toujours là. Ils m'ont montré vraiment l'engagement dans le travail, ils m'ont montré qu'on pouvait dépasser, au-delà de ses croyances, on pouvait vraiment faire de belles choses. J'ai toujours vu mon père travailler, faire des concours, enfin il a toujours été dans le challenge. Et on reproduit ça inconsciemment parce que moi, je n'ai pas cherché à le recopier ou autre. Tout s'est fait petit à petit. Il y a des opportunités qui sont arrivées. Après, il faut savoir les saisir.

  • Speaker #0

    Est-ce que c'est simple de travailler avec ses parents ?

  • Speaker #1

    Ce n'est pas donné à tout le monde de travailler en famille, honnêtement. Mais là aussi, il a fallu du temps. Au début, il y a eu pas mal d'accrochages, ce qui est normal. On est dans un conflit de génération et on n'a pas forcément les mêmes idées, la même façon de manager. On n'est pas du tout dans la même manière de manager une équipe ou de voir les choses. Et encore, j'ai un papa qui est assez moderne dans sa vision et qui m'a toujours encouragée quand même.

  • Speaker #0

    D'être une femme, qu'est-ce que ça a apporté selon vous ?

  • Speaker #1

    Il faut prouver un petit peu plus parce qu'on est dans un métier d'homme. La charcuterie, c'est quand même associé à la force, à quelque chose... C'est du domaine patriarcal, c'est vraiment l'homme. Donc il faut effectivement démontrer que... Ce métier-là n'a pas de genre, c'est-à-dire que ce soit homme ou femme, il faut le démontrer par sa rigueur, son travail, sa façon d'innover les choses. On va apporter différemment, on va incarner le métier d'une autre façon et on va réussir par le sérieux, par la rigueur et pas par la force.

  • Speaker #0

    Vous le dites, vous levez tôt, c'est un métier qui n'est pas simple quand même. Qu'est-ce qui vous apporte le plus de plaisir au quotidien ?

  • Speaker #1

    Ça va être le retour de nos clients. Encore la semaine dernière, j'ai un client qui est venu qui me dit je ne suis pas du coin mais quand je viens, je viens chez vous parce que votre vitrine est magnifique. Ce matin, encore un confrère m'appelle et me dit j'aimerais bien travailler avec vous parce que c'est joli ce que vous faites, c'est magnifique. Et ça, ça n'a pas de prix. Ce retour-là des clients, pour moi, c'est une des plus belles reconnaissances.

  • Speaker #0

    Vous avez déjà remporté plusieurs distinctions. Déjà, pourquoi avoir fait ces... Ces concours ?

  • Speaker #1

    On est un peu baigné là-dedans. Depuis notre enfance, j'ai vu mon père démarrer à zéro. Il a fallu qu'il fasse sa place. Il s'est dénoté par les concours. Et donc, consciemment, on reproduit ça. Moi, j'avais vu aussi ce concours à la télé. J'ai dit, allez, on essaye. Ça prend du temps de préparation, on prend du temps sur soi, on prend du temps sur sa vie perso. Mais bon, après, c'est beau parce qu'on a accompli des choses qu'on pensait ne jamais pouvoir accéder. C'est vraiment un mélange puissant qui arrive d'émotion, de la fierté parce qu'on est reconnu. par notre travail, mais aussi de la reconnaissance parce que souvent les juristes c'est des moffs, on a des meilleurs ouvriers de France, on a des gens donc des artisans mais reconnus dans le métier et ces gens là qui vous notent on se dit ben ouais quand même on est dans un bel accomplissement là.

  • Speaker #0

    Quel lien on entretient avec les clients ?

  • Speaker #1

    Déjà je pense que la base c'est qu'il faut aimer les gens. Moi personnellement j'ai toujours été dans mon ancien métier ou dans ce métier là, toujours en contact avec les clients. Ce côté j'aime les gens, on va s'intéresser à eux. le client, souvent je dis à mon équipe intéressez-vous à la vie des gens, intéressez-vous à savoir ce qu'ils font dans la vie c'est pas un bonjour, au revoir, merci c'est vraiment s'intéresser et là on va créer un lien extraordinaire moi ça va faire 15 ans maintenant que je suis là et je vois, on voit dans des générations, il y a les grands-parents, les parents, les petits-enfants et on voit des enfants naître on va les accompagner avec nos buffets sur, ça peut être tous les moments de la vie, il y a les enterrements Il y a les naissances, il y a les mariages et on va les accompagner. Et c'est vrai qu'on crée un lien, on a de très fortes affinités avec certains clients. Et puis ils nous le rendent bien, on a un super retour avec eux. J'ai une super équipe de gens très investis parce que je pense qu'on arrive à avoir les gens qui nous reflètent un petit peu. Tous ils sont dans le même état d'esprit, tous on est dans la même énergie, tous ils ont ce sens du... J'ai de la chance, ce sens du commerce. Il faut savoir s'entourer de ces gens-là. et de leur donner. J'ai une employée qui m'a dit, ça m'a fait plaisir l'autre jour, elle m'a dit merci de nous donner votre passion du métier. Et ça pour moi, ça me touche profondément.

  • Speaker #0

    Alors j'ai vu que vous faisiez pas mal de sport, notamment le marathon.

  • Speaker #1

    Ça fait partie du dépassement de soi. Ça dépend à quel degré on fait du sport, mais à un moment donné de ma vie, vers mes 30 ans, ça a été une thérapie. Je n'ai jamais couru de ma vie auparavant. J'ai été dispensée de tous les crosses quand j'étais jeune. C'est là où je me sens extrêmement centrée sur moi, extrêmement alignée et où j'arrive à avoir les bonnes idées. C'est-à-dire que tout le négatif s'en va et là je suis centrée sur moi et les idées, souvent quand je reviens d'un footing, j'ai des idées. Dès qu'il arrive, que je mets en place. On ne va pas se battre contre un chrono, ni contre un adversaire, ni contre une distance. C'est vraiment, on se bat contre soi-même pour justement dépasser des choses qu'on ne pouvait même pas imaginer pensables. Et effectivement, mon premier marathon, ça a été le marathon de Paris. Là, je donne un exemple concret où j'ai eu à 30 km le fameux mur. Quand on parle de mur, je peux vous dire que je l'ai rencontré une fois dans ma vie. ça a été extrêmement... difficile, c'est-à-dire que là votre corps il réagit plus, c'est tout au mental et on avance et on n'a pas le choix, il faut le finir. Donc ce dépassement de soi, c'est chaque petite victoire, chaque petite avancée, fait qu'on arrive à aller au-delà de ce qu'on pensait impossible pour nous.

  • Speaker #0

    Vous citez souvent Mark Twain, il ne savait pas que c'était impossible, alors ils l'ont fait. C'est une devise pour vous, c'est quelque chose qui vous fait avancer ?

  • Speaker #1

    Cette devise pour moi, elle est... Elle est audacieuse, elle va sur la liberté d'entreprendre les choses et elle fait prendre confiance en soi malgré les doutes qu'on peut avoir. Et je crois qu'ignorer justement les difficultés, ça permet de pouvoir se dépasser.

  • Speaker #0

    Qu'est-ce que vous auriez envie de dire à la jeune Audrey qui était à l'époque formatrice, qui était loin de cet univers ? Vous lui diriez quoi maintenant ?

  • Speaker #1

    Vas-y fonce, nous on est des fonceurs, on a toujours foncé. Mais c'est vrai que jamais à cette petite fille, j'aurais cru que j'allais faire ce cheminement-là. Donc comme quoi la vie est très surprenante. Il faut juste savoir prendre les bons trains de la vie. Parce que dans une vie, justement, il y a cette image de... Il faut prendre les bons trains, les bons tournants de vie. Savoir avec qui on va s'accompagner dans ce train, ce cheminement de vie. Parce que votre vie, elle va prendre toute une autre tournure, en fait. Toute une autre direction selon vos choix de vie. Et ça, souvent, je le dis à mon fils. Je lui dis attention, dans ta vie, tu auras des moments où il faut faire les bons choix. Et ces bons choix, prends-les parce que ta vie va prendre toute une autre tournure. Des fois, j'ai loupé certains trains, je n'ai pas toujours pris les bons, mais certains, et ça c'est le fait de reprendre l'entreprise familiale, ça a été un des plus beaux chemins de ma vie et en accomplissement. Et c'est là où il faut prendre du recul, c'est pour ça que là je ne me suis pas précipitée, je n'ai pas dit du jour au lendemain je vais reprendre la boîte. J'ai pris du temps de voir si j'étais capable. Et c'est comme ça que je pense qu'on peut y arriver.

  • Speaker #0

    Ce podcast s'appelle L'État d'Esprit. Quel est votre état d'esprit ? Si vous deviez le résumer en quelques mots.

  • Speaker #1

    On est baigné dans un milieu positif, que ce soit au marché avec les clients, parce que vraiment c'est que du positif. Les gens ils viennent pour le plaisir ici. Moi j'admire ces gens qui travaillent dans les hôpitaux, qui travaillent de nuit, parce que ça c'est dur. Nous c'est que du bonheur, on n'apporte que du positif aux gens. On se régale à revisiter des recettes, à faire plein de choses pour pouvoir leur faire plaisir. Mon père m'a toujours dit, il faut avoir un temps d'avance. Et on essaye toujours d'innover, de chercher quelque chose de nouveau. Là, on est partis deux jours en formation à Paris pour prendre des nouvelles recettes. Toujours en train de rechercher une nouveauté. Et voilà, c'est ça notre état d'esprit.

  • Speaker #0

    Merci Audrey Abadie pour cet échange. Vous pouvez retrouver d'autres épisodes du podcast L'État d'Esprit sur toutes les bonnes plateformes. A très bientôt.

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Description

Audrey Abadie a repris le flambeau de son père dans la charcuterie familiale, un métier longtemps considéré comme “d’hommes”. Avec passion, rigueur et créativité, elle y a apporté sa touche de modernité et de féminité. Trois médailles d’or du boudin, un jambon Henri IV devenu une référence, une clientèle fidèle et un sens aigu du contact humain…
Dans cet épisode de L’État d’esprit, Audrey Abadie raconte sa reconversion, les défis du quotidien, l’héritage de son père et l’audace qu’il faut pour se faire une place dans un univers traditionnel.
Un témoignage inspirant sur la passion du métier, la persévérance et la transmission.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour, soyez les bienvenus dans ce nouveau podcast de l'état d'esprit. Je vous reçois aujourd'hui Audrey Abadie. Elle a troqué les instituts de beauté pour les Halles de Pau. Elle a repris le flambeau de son père en reprenant la charcuterie familiale. Des médailles pour ses charcuteries, un jambon Henri IV devenu un incontournable et une passion sans limite pour son métier. Merci déjà d'avoir accepté cette invitation. Alors vous n'avez pas tout de suite suivi la voie familiale. Vous avez d'abord choisi l'esthétique. Pourquoi cette orientation à la base ?

  • Speaker #1

    J'ai toujours voulu faire ça et d'être en contact avec la clientèle. Ça, c'est quelque chose que j'ai toujours aimé depuis mon enfance. Et après, je suis partie dans la formation. Donc là, j'étais formatrice pour une marque de produits cosmétiques où là, je me suis vraiment éclatée professionnellement dans mon domaine. D'ailleurs, je ne pensais jamais changer de métier. Je pensais vraiment rester dans cette voie-là toute ma vie. La formation m'a plu énormément. Je me suis enrichie de plein de choses, de plein de gens différents. Et après, j'ai voulu me poser parce que j'arrivais vers 28 ans. Et c'est vrai que là, je me suis dit que la meilleure façon de se poser, c'est d'être toujours dans la formation. Mais je suis partie sur l'enseignement dans une école où j'ai enseigné. Et puis, un jour, mon père m'appelle et me dit « viens nous aider, il nous manque deux employés » . C'était une période de Noël. Et moi, j'étais en vacances puisque j'étais dans un cursus scolaire. Et donc, voilà, c'est le fameux appel de « viens nous aider » qui m'a fait changer de voie.

  • Speaker #0

    Et justement, après cet appel, qu'est-ce qui s'est passé ? Vous avez fait ce remplacement et là où vous vous êtes dit, c'est ce que je veux faire.

  • Speaker #1

    Pas au départ, c'est-à-dire qu'au début, je me suis dit, je vais les aider et je vais voir. Ça ne me dérange pas parce que j'ai toujours baigné petite là-dedans, je vais aller les aider. Et au début, non, non, jamais je pensais reprendre un jour l'entreprise de mes parents, jamais. Et petit à petit, en fait, c'est au fur et à mesure du temps et de voir ce que ça allait donner. Et surtout si j'allais être capable, parce que je me dis, mais est-ce que je vais avoir les épaules pour porter une entreprise comme ça, sachant que moi, ce n'est pas du tout mon corps de métier. Donc là, ça a été plein de questionnements au départ, ça ne s'est pas fait de suite.

  • Speaker #0

    Et ça, c'est un cheminement qui a pris combien de temps ?

  • Speaker #1

    Ça a mis 3-4 ans, et au bout d'un moment, je me suis dit, ben oui, pourquoi pas, ce n'est pas impossible, mais par contre, il faut s'entourer, c'est-à-dire que moi, seule, ce n'est pas possible. Il faut vraiment de bons professionnels, de bonnes personnes qui sont autour de vous pour pouvoir faire accomplir de belles choses.

  • Speaker #0

    Et ça vous en avez parlé avec vos parents, comment ça s'est passé ?

  • Speaker #1

    J'avais déjà le déclic de vouloir le reprendre mais je n'avais pas osé encore lui dire parce qu'il a dû se dire est-ce qu'elle va y arriver. Mais tout ça, ça a pris du temps. Aujourd'hui ça fait 15 ans que je travaille avec lui donc il n'y a que maintenant où vraiment j'ai trouvé ma place. Il a été très fier bien sûr parce qu'en plus lui, on est deux filles chez moi. et lui n'a pas eu de garçon. Et ça, ça a été, je pense, un de ses plus grands regrets. Donc, de reprendre l'entreprise en plus femme, je pense qu'il était fier, oui. C'est vraiment mon père qui a créé Oualdepo. Au tout départ, nous, on est de Bénéjac, donc c'est un petit village à côté de Nailles. À l'époque, il y avait plus de 30 charcutiers. C'était incroyable. Il y en avait partout, boucher charcutier. Nous, on était plus sur la charcuterie. Ma grand-mère, mon arrière-grand-mère, pardon, elle était sur les marchés avec... Une table et deux traiteaux et à vendre un petit peu comme ça à l'époque. Et mon grand-père a commencé comme ça, mon grand-père paternel, et il a monté sa charcuterie sur Argelès-Gazos dans le 65, où lui avait un magasin avec sa femme, ma grand-mère. Et mon père a tellement baigné, lui il savait depuis petit qu'il voulait faire ça. Mon père c'est un passionné, il a toujours été là-dedans et lui il savait qu'il allait être charcutier. Et c'est lui qui a créé, effectivement, c'est lui qui a créé au Val-de-Pau. Et donc maintenant ça va faire plus de 50 ans.

  • Speaker #0

    Est-ce que c'est une pression supplémentaire ou au contraire c'est quelque chose qui rassure ?

  • Speaker #1

    Ah non non non, ça met la pression. Moi j'ai en plus, j'arrivais d'un milieu à l'opposé, donc moi qui ne connaissais rien du métier. J'étais une femme en plus, qui reprenait un métier d'homme et en plus fille d'eux. Donc déjà aux yeux des gens, il faut gagner en crédibilité. Aux yeux des clients, il faut prouver qu'on est capable d'eux, parce que moi j'ai déjà eu des remarques. J'espère que vous allez être à la hauteur quand vous recevez ça dans les dents. Merci, oui je vais faire au maximum. Donc c'est doublement difficile de faire sa place là-dedans. Je me souviens au tout début quand j'ai démarré, ils se sont dit elle, elle va pas tenir deux mois, elle va pas tenir deux mois. Mais j'ai jamais fait attention à ce que les gens disaient. J'ai toujours, mon père m'a toujours, je l'ai vu comme ça. Donc en fait tout vient je pense de l'éducation. La tête dans le guidon, on bosse, on bosse, on se lève à 4 heures tous les matins, on va travailler, on va au charbon. Et c'est que comme ça, en crédibilité, qu'on va gagner en crédibilité du coup, parce que c'est en montrant l'exemple, en étant exemplaire, rigoureux, on travaille. C'est sûr, j'ai toujours vu mes parents travailler, donc en fait on refait ce qu'on a vu faire. C'est un exemple pour moi, je veux dire, ils ont plus de 70 ans aujourd'hui. Ma mère a pris sa retraite, mon père est quand même toujours là. Ils m'ont montré vraiment l'engagement dans le travail, ils m'ont montré qu'on pouvait dépasser, au-delà de ses croyances, on pouvait vraiment faire de belles choses. J'ai toujours vu mon père travailler, faire des concours, enfin il a toujours été dans le challenge. Et on reproduit ça inconsciemment parce que moi, je n'ai pas cherché à le recopier ou autre. Tout s'est fait petit à petit. Il y a des opportunités qui sont arrivées. Après, il faut savoir les saisir.

  • Speaker #0

    Est-ce que c'est simple de travailler avec ses parents ?

  • Speaker #1

    Ce n'est pas donné à tout le monde de travailler en famille, honnêtement. Mais là aussi, il a fallu du temps. Au début, il y a eu pas mal d'accrochages, ce qui est normal. On est dans un conflit de génération et on n'a pas forcément les mêmes idées, la même façon de manager. On n'est pas du tout dans la même manière de manager une équipe ou de voir les choses. Et encore, j'ai un papa qui est assez moderne dans sa vision et qui m'a toujours encouragée quand même.

  • Speaker #0

    D'être une femme, qu'est-ce que ça a apporté selon vous ?

  • Speaker #1

    Il faut prouver un petit peu plus parce qu'on est dans un métier d'homme. La charcuterie, c'est quand même associé à la force, à quelque chose... C'est du domaine patriarcal, c'est vraiment l'homme. Donc il faut effectivement démontrer que... Ce métier-là n'a pas de genre, c'est-à-dire que ce soit homme ou femme, il faut le démontrer par sa rigueur, son travail, sa façon d'innover les choses. On va apporter différemment, on va incarner le métier d'une autre façon et on va réussir par le sérieux, par la rigueur et pas par la force.

  • Speaker #0

    Vous le dites, vous levez tôt, c'est un métier qui n'est pas simple quand même. Qu'est-ce qui vous apporte le plus de plaisir au quotidien ?

  • Speaker #1

    Ça va être le retour de nos clients. Encore la semaine dernière, j'ai un client qui est venu qui me dit je ne suis pas du coin mais quand je viens, je viens chez vous parce que votre vitrine est magnifique. Ce matin, encore un confrère m'appelle et me dit j'aimerais bien travailler avec vous parce que c'est joli ce que vous faites, c'est magnifique. Et ça, ça n'a pas de prix. Ce retour-là des clients, pour moi, c'est une des plus belles reconnaissances.

  • Speaker #0

    Vous avez déjà remporté plusieurs distinctions. Déjà, pourquoi avoir fait ces... Ces concours ?

  • Speaker #1

    On est un peu baigné là-dedans. Depuis notre enfance, j'ai vu mon père démarrer à zéro. Il a fallu qu'il fasse sa place. Il s'est dénoté par les concours. Et donc, consciemment, on reproduit ça. Moi, j'avais vu aussi ce concours à la télé. J'ai dit, allez, on essaye. Ça prend du temps de préparation, on prend du temps sur soi, on prend du temps sur sa vie perso. Mais bon, après, c'est beau parce qu'on a accompli des choses qu'on pensait ne jamais pouvoir accéder. C'est vraiment un mélange puissant qui arrive d'émotion, de la fierté parce qu'on est reconnu. par notre travail, mais aussi de la reconnaissance parce que souvent les juristes c'est des moffs, on a des meilleurs ouvriers de France, on a des gens donc des artisans mais reconnus dans le métier et ces gens là qui vous notent on se dit ben ouais quand même on est dans un bel accomplissement là.

  • Speaker #0

    Quel lien on entretient avec les clients ?

  • Speaker #1

    Déjà je pense que la base c'est qu'il faut aimer les gens. Moi personnellement j'ai toujours été dans mon ancien métier ou dans ce métier là, toujours en contact avec les clients. Ce côté j'aime les gens, on va s'intéresser à eux. le client, souvent je dis à mon équipe intéressez-vous à la vie des gens, intéressez-vous à savoir ce qu'ils font dans la vie c'est pas un bonjour, au revoir, merci c'est vraiment s'intéresser et là on va créer un lien extraordinaire moi ça va faire 15 ans maintenant que je suis là et je vois, on voit dans des générations, il y a les grands-parents, les parents, les petits-enfants et on voit des enfants naître on va les accompagner avec nos buffets sur, ça peut être tous les moments de la vie, il y a les enterrements Il y a les naissances, il y a les mariages et on va les accompagner. Et c'est vrai qu'on crée un lien, on a de très fortes affinités avec certains clients. Et puis ils nous le rendent bien, on a un super retour avec eux. J'ai une super équipe de gens très investis parce que je pense qu'on arrive à avoir les gens qui nous reflètent un petit peu. Tous ils sont dans le même état d'esprit, tous on est dans la même énergie, tous ils ont ce sens du... J'ai de la chance, ce sens du commerce. Il faut savoir s'entourer de ces gens-là. et de leur donner. J'ai une employée qui m'a dit, ça m'a fait plaisir l'autre jour, elle m'a dit merci de nous donner votre passion du métier. Et ça pour moi, ça me touche profondément.

  • Speaker #0

    Alors j'ai vu que vous faisiez pas mal de sport, notamment le marathon.

  • Speaker #1

    Ça fait partie du dépassement de soi. Ça dépend à quel degré on fait du sport, mais à un moment donné de ma vie, vers mes 30 ans, ça a été une thérapie. Je n'ai jamais couru de ma vie auparavant. J'ai été dispensée de tous les crosses quand j'étais jeune. C'est là où je me sens extrêmement centrée sur moi, extrêmement alignée et où j'arrive à avoir les bonnes idées. C'est-à-dire que tout le négatif s'en va et là je suis centrée sur moi et les idées, souvent quand je reviens d'un footing, j'ai des idées. Dès qu'il arrive, que je mets en place. On ne va pas se battre contre un chrono, ni contre un adversaire, ni contre une distance. C'est vraiment, on se bat contre soi-même pour justement dépasser des choses qu'on ne pouvait même pas imaginer pensables. Et effectivement, mon premier marathon, ça a été le marathon de Paris. Là, je donne un exemple concret où j'ai eu à 30 km le fameux mur. Quand on parle de mur, je peux vous dire que je l'ai rencontré une fois dans ma vie. ça a été extrêmement... difficile, c'est-à-dire que là votre corps il réagit plus, c'est tout au mental et on avance et on n'a pas le choix, il faut le finir. Donc ce dépassement de soi, c'est chaque petite victoire, chaque petite avancée, fait qu'on arrive à aller au-delà de ce qu'on pensait impossible pour nous.

  • Speaker #0

    Vous citez souvent Mark Twain, il ne savait pas que c'était impossible, alors ils l'ont fait. C'est une devise pour vous, c'est quelque chose qui vous fait avancer ?

  • Speaker #1

    Cette devise pour moi, elle est... Elle est audacieuse, elle va sur la liberté d'entreprendre les choses et elle fait prendre confiance en soi malgré les doutes qu'on peut avoir. Et je crois qu'ignorer justement les difficultés, ça permet de pouvoir se dépasser.

  • Speaker #0

    Qu'est-ce que vous auriez envie de dire à la jeune Audrey qui était à l'époque formatrice, qui était loin de cet univers ? Vous lui diriez quoi maintenant ?

  • Speaker #1

    Vas-y fonce, nous on est des fonceurs, on a toujours foncé. Mais c'est vrai que jamais à cette petite fille, j'aurais cru que j'allais faire ce cheminement-là. Donc comme quoi la vie est très surprenante. Il faut juste savoir prendre les bons trains de la vie. Parce que dans une vie, justement, il y a cette image de... Il faut prendre les bons trains, les bons tournants de vie. Savoir avec qui on va s'accompagner dans ce train, ce cheminement de vie. Parce que votre vie, elle va prendre toute une autre tournure, en fait. Toute une autre direction selon vos choix de vie. Et ça, souvent, je le dis à mon fils. Je lui dis attention, dans ta vie, tu auras des moments où il faut faire les bons choix. Et ces bons choix, prends-les parce que ta vie va prendre toute une autre tournure. Des fois, j'ai loupé certains trains, je n'ai pas toujours pris les bons, mais certains, et ça c'est le fait de reprendre l'entreprise familiale, ça a été un des plus beaux chemins de ma vie et en accomplissement. Et c'est là où il faut prendre du recul, c'est pour ça que là je ne me suis pas précipitée, je n'ai pas dit du jour au lendemain je vais reprendre la boîte. J'ai pris du temps de voir si j'étais capable. Et c'est comme ça que je pense qu'on peut y arriver.

  • Speaker #0

    Ce podcast s'appelle L'État d'Esprit. Quel est votre état d'esprit ? Si vous deviez le résumer en quelques mots.

  • Speaker #1

    On est baigné dans un milieu positif, que ce soit au marché avec les clients, parce que vraiment c'est que du positif. Les gens ils viennent pour le plaisir ici. Moi j'admire ces gens qui travaillent dans les hôpitaux, qui travaillent de nuit, parce que ça c'est dur. Nous c'est que du bonheur, on n'apporte que du positif aux gens. On se régale à revisiter des recettes, à faire plein de choses pour pouvoir leur faire plaisir. Mon père m'a toujours dit, il faut avoir un temps d'avance. Et on essaye toujours d'innover, de chercher quelque chose de nouveau. Là, on est partis deux jours en formation à Paris pour prendre des nouvelles recettes. Toujours en train de rechercher une nouveauté. Et voilà, c'est ça notre état d'esprit.

  • Speaker #0

    Merci Audrey Abadie pour cet échange. Vous pouvez retrouver d'autres épisodes du podcast L'État d'Esprit sur toutes les bonnes plateformes. A très bientôt.

Description

Audrey Abadie a repris le flambeau de son père dans la charcuterie familiale, un métier longtemps considéré comme “d’hommes”. Avec passion, rigueur et créativité, elle y a apporté sa touche de modernité et de féminité. Trois médailles d’or du boudin, un jambon Henri IV devenu une référence, une clientèle fidèle et un sens aigu du contact humain…
Dans cet épisode de L’État d’esprit, Audrey Abadie raconte sa reconversion, les défis du quotidien, l’héritage de son père et l’audace qu’il faut pour se faire une place dans un univers traditionnel.
Un témoignage inspirant sur la passion du métier, la persévérance et la transmission.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour, soyez les bienvenus dans ce nouveau podcast de l'état d'esprit. Je vous reçois aujourd'hui Audrey Abadie. Elle a troqué les instituts de beauté pour les Halles de Pau. Elle a repris le flambeau de son père en reprenant la charcuterie familiale. Des médailles pour ses charcuteries, un jambon Henri IV devenu un incontournable et une passion sans limite pour son métier. Merci déjà d'avoir accepté cette invitation. Alors vous n'avez pas tout de suite suivi la voie familiale. Vous avez d'abord choisi l'esthétique. Pourquoi cette orientation à la base ?

  • Speaker #1

    J'ai toujours voulu faire ça et d'être en contact avec la clientèle. Ça, c'est quelque chose que j'ai toujours aimé depuis mon enfance. Et après, je suis partie dans la formation. Donc là, j'étais formatrice pour une marque de produits cosmétiques où là, je me suis vraiment éclatée professionnellement dans mon domaine. D'ailleurs, je ne pensais jamais changer de métier. Je pensais vraiment rester dans cette voie-là toute ma vie. La formation m'a plu énormément. Je me suis enrichie de plein de choses, de plein de gens différents. Et après, j'ai voulu me poser parce que j'arrivais vers 28 ans. Et c'est vrai que là, je me suis dit que la meilleure façon de se poser, c'est d'être toujours dans la formation. Mais je suis partie sur l'enseignement dans une école où j'ai enseigné. Et puis, un jour, mon père m'appelle et me dit « viens nous aider, il nous manque deux employés » . C'était une période de Noël. Et moi, j'étais en vacances puisque j'étais dans un cursus scolaire. Et donc, voilà, c'est le fameux appel de « viens nous aider » qui m'a fait changer de voie.

  • Speaker #0

    Et justement, après cet appel, qu'est-ce qui s'est passé ? Vous avez fait ce remplacement et là où vous vous êtes dit, c'est ce que je veux faire.

  • Speaker #1

    Pas au départ, c'est-à-dire qu'au début, je me suis dit, je vais les aider et je vais voir. Ça ne me dérange pas parce que j'ai toujours baigné petite là-dedans, je vais aller les aider. Et au début, non, non, jamais je pensais reprendre un jour l'entreprise de mes parents, jamais. Et petit à petit, en fait, c'est au fur et à mesure du temps et de voir ce que ça allait donner. Et surtout si j'allais être capable, parce que je me dis, mais est-ce que je vais avoir les épaules pour porter une entreprise comme ça, sachant que moi, ce n'est pas du tout mon corps de métier. Donc là, ça a été plein de questionnements au départ, ça ne s'est pas fait de suite.

  • Speaker #0

    Et ça, c'est un cheminement qui a pris combien de temps ?

  • Speaker #1

    Ça a mis 3-4 ans, et au bout d'un moment, je me suis dit, ben oui, pourquoi pas, ce n'est pas impossible, mais par contre, il faut s'entourer, c'est-à-dire que moi, seule, ce n'est pas possible. Il faut vraiment de bons professionnels, de bonnes personnes qui sont autour de vous pour pouvoir faire accomplir de belles choses.

  • Speaker #0

    Et ça vous en avez parlé avec vos parents, comment ça s'est passé ?

  • Speaker #1

    J'avais déjà le déclic de vouloir le reprendre mais je n'avais pas osé encore lui dire parce qu'il a dû se dire est-ce qu'elle va y arriver. Mais tout ça, ça a pris du temps. Aujourd'hui ça fait 15 ans que je travaille avec lui donc il n'y a que maintenant où vraiment j'ai trouvé ma place. Il a été très fier bien sûr parce qu'en plus lui, on est deux filles chez moi. et lui n'a pas eu de garçon. Et ça, ça a été, je pense, un de ses plus grands regrets. Donc, de reprendre l'entreprise en plus femme, je pense qu'il était fier, oui. C'est vraiment mon père qui a créé Oualdepo. Au tout départ, nous, on est de Bénéjac, donc c'est un petit village à côté de Nailles. À l'époque, il y avait plus de 30 charcutiers. C'était incroyable. Il y en avait partout, boucher charcutier. Nous, on était plus sur la charcuterie. Ma grand-mère, mon arrière-grand-mère, pardon, elle était sur les marchés avec... Une table et deux traiteaux et à vendre un petit peu comme ça à l'époque. Et mon grand-père a commencé comme ça, mon grand-père paternel, et il a monté sa charcuterie sur Argelès-Gazos dans le 65, où lui avait un magasin avec sa femme, ma grand-mère. Et mon père a tellement baigné, lui il savait depuis petit qu'il voulait faire ça. Mon père c'est un passionné, il a toujours été là-dedans et lui il savait qu'il allait être charcutier. Et c'est lui qui a créé, effectivement, c'est lui qui a créé au Val-de-Pau. Et donc maintenant ça va faire plus de 50 ans.

  • Speaker #0

    Est-ce que c'est une pression supplémentaire ou au contraire c'est quelque chose qui rassure ?

  • Speaker #1

    Ah non non non, ça met la pression. Moi j'ai en plus, j'arrivais d'un milieu à l'opposé, donc moi qui ne connaissais rien du métier. J'étais une femme en plus, qui reprenait un métier d'homme et en plus fille d'eux. Donc déjà aux yeux des gens, il faut gagner en crédibilité. Aux yeux des clients, il faut prouver qu'on est capable d'eux, parce que moi j'ai déjà eu des remarques. J'espère que vous allez être à la hauteur quand vous recevez ça dans les dents. Merci, oui je vais faire au maximum. Donc c'est doublement difficile de faire sa place là-dedans. Je me souviens au tout début quand j'ai démarré, ils se sont dit elle, elle va pas tenir deux mois, elle va pas tenir deux mois. Mais j'ai jamais fait attention à ce que les gens disaient. J'ai toujours, mon père m'a toujours, je l'ai vu comme ça. Donc en fait tout vient je pense de l'éducation. La tête dans le guidon, on bosse, on bosse, on se lève à 4 heures tous les matins, on va travailler, on va au charbon. Et c'est que comme ça, en crédibilité, qu'on va gagner en crédibilité du coup, parce que c'est en montrant l'exemple, en étant exemplaire, rigoureux, on travaille. C'est sûr, j'ai toujours vu mes parents travailler, donc en fait on refait ce qu'on a vu faire. C'est un exemple pour moi, je veux dire, ils ont plus de 70 ans aujourd'hui. Ma mère a pris sa retraite, mon père est quand même toujours là. Ils m'ont montré vraiment l'engagement dans le travail, ils m'ont montré qu'on pouvait dépasser, au-delà de ses croyances, on pouvait vraiment faire de belles choses. J'ai toujours vu mon père travailler, faire des concours, enfin il a toujours été dans le challenge. Et on reproduit ça inconsciemment parce que moi, je n'ai pas cherché à le recopier ou autre. Tout s'est fait petit à petit. Il y a des opportunités qui sont arrivées. Après, il faut savoir les saisir.

  • Speaker #0

    Est-ce que c'est simple de travailler avec ses parents ?

  • Speaker #1

    Ce n'est pas donné à tout le monde de travailler en famille, honnêtement. Mais là aussi, il a fallu du temps. Au début, il y a eu pas mal d'accrochages, ce qui est normal. On est dans un conflit de génération et on n'a pas forcément les mêmes idées, la même façon de manager. On n'est pas du tout dans la même manière de manager une équipe ou de voir les choses. Et encore, j'ai un papa qui est assez moderne dans sa vision et qui m'a toujours encouragée quand même.

  • Speaker #0

    D'être une femme, qu'est-ce que ça a apporté selon vous ?

  • Speaker #1

    Il faut prouver un petit peu plus parce qu'on est dans un métier d'homme. La charcuterie, c'est quand même associé à la force, à quelque chose... C'est du domaine patriarcal, c'est vraiment l'homme. Donc il faut effectivement démontrer que... Ce métier-là n'a pas de genre, c'est-à-dire que ce soit homme ou femme, il faut le démontrer par sa rigueur, son travail, sa façon d'innover les choses. On va apporter différemment, on va incarner le métier d'une autre façon et on va réussir par le sérieux, par la rigueur et pas par la force.

  • Speaker #0

    Vous le dites, vous levez tôt, c'est un métier qui n'est pas simple quand même. Qu'est-ce qui vous apporte le plus de plaisir au quotidien ?

  • Speaker #1

    Ça va être le retour de nos clients. Encore la semaine dernière, j'ai un client qui est venu qui me dit je ne suis pas du coin mais quand je viens, je viens chez vous parce que votre vitrine est magnifique. Ce matin, encore un confrère m'appelle et me dit j'aimerais bien travailler avec vous parce que c'est joli ce que vous faites, c'est magnifique. Et ça, ça n'a pas de prix. Ce retour-là des clients, pour moi, c'est une des plus belles reconnaissances.

  • Speaker #0

    Vous avez déjà remporté plusieurs distinctions. Déjà, pourquoi avoir fait ces... Ces concours ?

  • Speaker #1

    On est un peu baigné là-dedans. Depuis notre enfance, j'ai vu mon père démarrer à zéro. Il a fallu qu'il fasse sa place. Il s'est dénoté par les concours. Et donc, consciemment, on reproduit ça. Moi, j'avais vu aussi ce concours à la télé. J'ai dit, allez, on essaye. Ça prend du temps de préparation, on prend du temps sur soi, on prend du temps sur sa vie perso. Mais bon, après, c'est beau parce qu'on a accompli des choses qu'on pensait ne jamais pouvoir accéder. C'est vraiment un mélange puissant qui arrive d'émotion, de la fierté parce qu'on est reconnu. par notre travail, mais aussi de la reconnaissance parce que souvent les juristes c'est des moffs, on a des meilleurs ouvriers de France, on a des gens donc des artisans mais reconnus dans le métier et ces gens là qui vous notent on se dit ben ouais quand même on est dans un bel accomplissement là.

  • Speaker #0

    Quel lien on entretient avec les clients ?

  • Speaker #1

    Déjà je pense que la base c'est qu'il faut aimer les gens. Moi personnellement j'ai toujours été dans mon ancien métier ou dans ce métier là, toujours en contact avec les clients. Ce côté j'aime les gens, on va s'intéresser à eux. le client, souvent je dis à mon équipe intéressez-vous à la vie des gens, intéressez-vous à savoir ce qu'ils font dans la vie c'est pas un bonjour, au revoir, merci c'est vraiment s'intéresser et là on va créer un lien extraordinaire moi ça va faire 15 ans maintenant que je suis là et je vois, on voit dans des générations, il y a les grands-parents, les parents, les petits-enfants et on voit des enfants naître on va les accompagner avec nos buffets sur, ça peut être tous les moments de la vie, il y a les enterrements Il y a les naissances, il y a les mariages et on va les accompagner. Et c'est vrai qu'on crée un lien, on a de très fortes affinités avec certains clients. Et puis ils nous le rendent bien, on a un super retour avec eux. J'ai une super équipe de gens très investis parce que je pense qu'on arrive à avoir les gens qui nous reflètent un petit peu. Tous ils sont dans le même état d'esprit, tous on est dans la même énergie, tous ils ont ce sens du... J'ai de la chance, ce sens du commerce. Il faut savoir s'entourer de ces gens-là. et de leur donner. J'ai une employée qui m'a dit, ça m'a fait plaisir l'autre jour, elle m'a dit merci de nous donner votre passion du métier. Et ça pour moi, ça me touche profondément.

  • Speaker #0

    Alors j'ai vu que vous faisiez pas mal de sport, notamment le marathon.

  • Speaker #1

    Ça fait partie du dépassement de soi. Ça dépend à quel degré on fait du sport, mais à un moment donné de ma vie, vers mes 30 ans, ça a été une thérapie. Je n'ai jamais couru de ma vie auparavant. J'ai été dispensée de tous les crosses quand j'étais jeune. C'est là où je me sens extrêmement centrée sur moi, extrêmement alignée et où j'arrive à avoir les bonnes idées. C'est-à-dire que tout le négatif s'en va et là je suis centrée sur moi et les idées, souvent quand je reviens d'un footing, j'ai des idées. Dès qu'il arrive, que je mets en place. On ne va pas se battre contre un chrono, ni contre un adversaire, ni contre une distance. C'est vraiment, on se bat contre soi-même pour justement dépasser des choses qu'on ne pouvait même pas imaginer pensables. Et effectivement, mon premier marathon, ça a été le marathon de Paris. Là, je donne un exemple concret où j'ai eu à 30 km le fameux mur. Quand on parle de mur, je peux vous dire que je l'ai rencontré une fois dans ma vie. ça a été extrêmement... difficile, c'est-à-dire que là votre corps il réagit plus, c'est tout au mental et on avance et on n'a pas le choix, il faut le finir. Donc ce dépassement de soi, c'est chaque petite victoire, chaque petite avancée, fait qu'on arrive à aller au-delà de ce qu'on pensait impossible pour nous.

  • Speaker #0

    Vous citez souvent Mark Twain, il ne savait pas que c'était impossible, alors ils l'ont fait. C'est une devise pour vous, c'est quelque chose qui vous fait avancer ?

  • Speaker #1

    Cette devise pour moi, elle est... Elle est audacieuse, elle va sur la liberté d'entreprendre les choses et elle fait prendre confiance en soi malgré les doutes qu'on peut avoir. Et je crois qu'ignorer justement les difficultés, ça permet de pouvoir se dépasser.

  • Speaker #0

    Qu'est-ce que vous auriez envie de dire à la jeune Audrey qui était à l'époque formatrice, qui était loin de cet univers ? Vous lui diriez quoi maintenant ?

  • Speaker #1

    Vas-y fonce, nous on est des fonceurs, on a toujours foncé. Mais c'est vrai que jamais à cette petite fille, j'aurais cru que j'allais faire ce cheminement-là. Donc comme quoi la vie est très surprenante. Il faut juste savoir prendre les bons trains de la vie. Parce que dans une vie, justement, il y a cette image de... Il faut prendre les bons trains, les bons tournants de vie. Savoir avec qui on va s'accompagner dans ce train, ce cheminement de vie. Parce que votre vie, elle va prendre toute une autre tournure, en fait. Toute une autre direction selon vos choix de vie. Et ça, souvent, je le dis à mon fils. Je lui dis attention, dans ta vie, tu auras des moments où il faut faire les bons choix. Et ces bons choix, prends-les parce que ta vie va prendre toute une autre tournure. Des fois, j'ai loupé certains trains, je n'ai pas toujours pris les bons, mais certains, et ça c'est le fait de reprendre l'entreprise familiale, ça a été un des plus beaux chemins de ma vie et en accomplissement. Et c'est là où il faut prendre du recul, c'est pour ça que là je ne me suis pas précipitée, je n'ai pas dit du jour au lendemain je vais reprendre la boîte. J'ai pris du temps de voir si j'étais capable. Et c'est comme ça que je pense qu'on peut y arriver.

  • Speaker #0

    Ce podcast s'appelle L'État d'Esprit. Quel est votre état d'esprit ? Si vous deviez le résumer en quelques mots.

  • Speaker #1

    On est baigné dans un milieu positif, que ce soit au marché avec les clients, parce que vraiment c'est que du positif. Les gens ils viennent pour le plaisir ici. Moi j'admire ces gens qui travaillent dans les hôpitaux, qui travaillent de nuit, parce que ça c'est dur. Nous c'est que du bonheur, on n'apporte que du positif aux gens. On se régale à revisiter des recettes, à faire plein de choses pour pouvoir leur faire plaisir. Mon père m'a toujours dit, il faut avoir un temps d'avance. Et on essaye toujours d'innover, de chercher quelque chose de nouveau. Là, on est partis deux jours en formation à Paris pour prendre des nouvelles recettes. Toujours en train de rechercher une nouveauté. Et voilà, c'est ça notre état d'esprit.

  • Speaker #0

    Merci Audrey Abadie pour cet échange. Vous pouvez retrouver d'autres épisodes du podcast L'État d'Esprit sur toutes les bonnes plateformes. A très bientôt.

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