- Speaker #0
Bienvenue à toutes et à tous, aujourd'hui on plonge dans un texte vraiment majeur de la philosophie politique, du contrat social de Jean-Jacques Rousseau. Publié en 1762, on va s'appuyer sur différentes analyses pour le décortiquer. Notre but c'est de saisir l'idée centrale de Rousseau, comment on fonde une société juste, une société où le pouvoir politique est légitime. Et sa réponse elle était assez révolutionnaire pour l'époque, la souveraineté elle appartient au peuple et elle vient d'un pacte volontaire.
- Speaker #1
Oui, tout à fait. C'est une rupture vraiment radicale avec ce qui précédait. Rousseau y part de l'état de nature. Là, l'être humain est libre, oui, mais c'est une liberté un peu illusoire. Il est seul, vulnérable, guidé par l'instinct.
- Speaker #0
Pas vraiment par la raison donc, et soumis aux inégalités physiques aussi j'imagine ?
- Speaker #1
Exactement. Et pour Rousseau, cet état, il ne permet pas vraiment la sécurité sur le long terme, ni le développement d'une vraie moralité.
- Speaker #0
D'accord. Donc il faut en sortir ? Et c'est là qu'arrive son idée phare, le contrat social. Alors, comment ça marche, ce passage à l'état civil ?
- Speaker #1
Alors, le cœur du mécanisme, c'est ce qu'il appelle une aliénation totale. Chaque individu donne tous ses droits naturels.
- Speaker #0
Tous ses droits, carrément ?
- Speaker #1
Oui, à toute la communauté. Ça peut paraître un peu extrême, dit comme ça, mais l'idée, c'est un échange, en fait. On abandonne une liberté naturelle, certes illimitée, mais très précaire, pour gagner une liberté civile.
- Speaker #0
Une liberté civile, c'est-à-dire ?
- Speaker #1
C'est une liberté qui est... encadré par la loi, mais qui est protégé, garanti par la force de tout le monde, par la collectivité.
- Speaker #0
D'accord. Et le truc, si je comprends bien, c'est qu'en s'unissant à tous les autres, chacun finit par n'obéir qu'à la communauté dont il fait partie.
- Speaker #1
Exactement.
- Speaker #0
Et donc, d'une certaine manière, à lui-même comme citoyen.
- Speaker #1
C'est ça l'idée fondamentale. Et ce qui permet ça, ce qui rend ça possible, c'est un concept clé chez Rousseau, la volonté générale.
- Speaker #0
Ah oui, la fameuse volonté générale.
- Speaker #1
Voilà. Et attention, là c'est important. Ce n'est pas juste l'addition de tous les désirs égoïstes, pas du tout. La volonté générale, elle, elle vise l'intérêt commun, le bien public. Et pour Rousseau, elle est toujours droite.
- Speaker #0
Toujours droite, c'est-à-dire ?
- Speaker #1
Ça veut dire qu'elle tend naturellement vers ce qui est utile à la société, à condition que le peuple puisse délibérer correctement, sans faction, etc.
- Speaker #0
Et c'est cette volonté générale qui exprime la souveraineté du peuple alors ?
- Speaker #1
Tout à fait. Une souveraineté que Rousseau voit comme inaliénable. Le peuple ne peut pas la céder, la déléguer.
- Speaker #0
C'est pour ça qu'il se méfiait de la représentation politique des députés et tout ça.
- Speaker #1
Précisément. Et elle est aussi indivisible. On ne la partage pas entre un roi, un parlement. Elle appartient au peuple tout entier. Et le peuple souverain, il exerce ce pouvoir comment ? Par la loi. C'est la loi, l'acte de la volonté générale. Et cette loi, elle doit être universelle, s'appliquer à tous pareil, et être impersonnelle, ne viser... aucun individu en particulier.
- Speaker #0
D'accord. Et le gouvernement, dans tout ça ? Quelle est sa place s'il n'est pas souverain ?
- Speaker #1
Ah, très bonne question. Pour Rousseau, le gouvernement n'est absolument pas souverain. C'est juste un groupe de personnes, un corps intermédiaire.
- Speaker #0
Un exécutant, en quelque sorte.
- Speaker #1
Exactement. Un simple exécutant des lois qui ont été décidées par le peuple souverain. Il est au service de la volonté générale, il n'est pas son maître. C'est vraiment une distinction capitale chez lui. Hum,
- Speaker #0
je vois. Et ça nous amène à cette phrase qui fait toujours beaucoup parler, « On le forcera d'être libre » . Ça sonne quand même très paradoxal, non ? Forcer quelqu'un à la liberté. Oui,
- Speaker #1
c'est sans doute un des points les plus discutés de son œuvre. L'idée derrière ça, dans le système de Rousseau, c'est que la vraie liberté, la liberté civile, la liberté morale, c'est d'obéir à la loi qu'on s'est donnée à soi-même en tant que membre du corps politique, en tant que citoyen. Si un individu refuse de suivre la volonté générale, donc la loi, il choisit ses désirs égoïstes, sa liberté naturelle, au détriment de sa propre liberté de citoyen éclairé.
- Speaker #0
Donc le forcer à obéir à la loi.
- Speaker #1
C'est en quelque sorte le forcer à reconnaître l'intérêt commun et donc à agir selon sa propre raison de citoyen autonome et pas juste selon ses pulsions. C'est le ramener à sa vraie liberté.
- Speaker #0
C'est une vision de la liberté qui est très exigeante, très liée à la participation de tous. Et aussi à l'égalité, il me semble. Il insiste beaucoup là-dessus.
- Speaker #1
Absolument. L'égalité, c'est une condition essentielle pour que la liberté politique puisse exister chez Rousseau. Sans une certaine égalité de conditions, matérielle et sociale, la volonté générale risque d'être complètement biaisée par les intérêts des plus puissants.
- Speaker #0
Il prévoyait d'ailleurs des choses comme des assemblées fréquentes du peuple pour que ce pacte reste vivant, pour qu'on vérifie que le gouvernement fait bien son travail. Oui,
- Speaker #1
des garde-fous pour protéger le pacte social lui-même.
- Speaker #0
Donc si on résume, le contrat social ça dessine une société où le pouvoir est légitime parce qu'il vient d'un accord volontaire de tous. Chaque citoyen échange sa liberté naturelle, un peu brute, contre une liberté civile et morale. Et il participe à la souveraineté à travers cette fameuse volonté générale.
- Speaker #1
C'est exactement ça. Et l'impact, bien sûr, a été énorme. Sur la Révolution française, sur toute la pensée démocratique moderne, l'idée de souveraineté populaire. D'égalité devant la loi, ça vient beaucoup de là. Mais bon, ça soulève toujours des questions. Comment on la définit en concrètement, cette volonté générale ? Comment on l'applique sans risquer une sorte de tyrannie de la majorité ?
- Speaker #0
Oui, et puis, ce modèle de démocratie très direct, est-ce qu'il est vraiment applicable dans nos grands États modernes qui sont si complexes ?
- Speaker #1
Ce sont les débats qui continuent encore aujourd'hui et qui montrent la richesse du texte.
- Speaker #0
Tout à fait. Et ça nous laisse peut-être avec une question pour réfléchir. Si, comme le pense Rousseau, la liberté politique la plus authentique se trouve dans le fait de participer directement à faire la loi. Quelle résonance cette idée peut-elle avoir aujourd'hui dans nos démocraties qui sont souvent basées sur la représentation, avec parfois ce sentiment de distance entre les citoyens et le pouvoir ? Voilà une piste de réflexion.