- Speaker #0
Aborder la notion de temps en philosophie, c'est vrai que c'est un peu se jeter dans une énigme assez familière finalement. Saint Augustin le disait bien, « Qu'est-ce donc que le temps ? Si personne ne me le demande, je le sais. Mais si on me le demande et que je veuille l'expliquer, je ne le sais plus. » C'est une bonne accroche ça pour la disserte du bac philo sur ce thème, non ?
- Speaker #1
Ah oui, c'est le point de départ idéal. Cette perplexité d'Augustin, elle est fondamentale. C'est ça qui a motivé toute la réflexion philosophique. Alors aujourd'hui, l'idée, c'est d'explorer un peu les concepts clés. pistes importantes qu'on trouve dans les sources pour aider à construire une réflexion solide pour cette dissertation.
- Speaker #0
D'accord. Et d'ailleurs, les sources préviennent d'emblée à « attention à certains pièges » faut faire gaffe, par exemple, à ne pas juste parler de son expérience perso, la nostalgie, tout ça ou alors lister des philosophes sans vraiment analyser.
- Speaker #1
Exactement. Ni non plus partir direct sur des oppositions trop binaires, genre subjectif, objectif, temps vécu, temps mesuré. C'est pertinent, bien sûr, mais ça ne peut pas être le seul angle d'attaque.
- Speaker #0
prix alors Si on veut aller au cœur du sujet, par où on commence ? C'est quoi le temps, au fond ?
- Speaker #1
La question vraiment de base, c'est celle de son être. Qu'est-ce que c'est le temps ? Ontologiquement parlant. Déjà, Aristote y soulignait que son existence est imparfaite et obscure. C'est entre l'être et le non-être. Le passé, bon, il n'est plus, l'avenir n'est pas encore là, reste le présent, mais il file. Comment on attrape l'être d'un truc aussi fuyant ?
- Speaker #0
Ah oui, c'est vertigineux comme question. Aristote pointe aussi le problème de l'instant, du maintenant. Il coupe le temps en deux, mais lui-même il est stable ou il change tout le temps ?
- Speaker #1
C'est ça le paradoxe. S'il change sans cesse, comment y a-t-il continuité ? Mais s'il reste le même, comment le temps peut-il passer ? C'est une aporie. Hegel, plus tard, parlera de négativité.
- Speaker #0
D'accord. Et face à cette difficulté, comment on a essayé de s'en sortir ?
- Speaker #1
Alors, une piste majeure, ça a été de regarder du côté de l'expérience vécue, de la conscience. Saint Augustin, encore lui, propose son fameux triple présent. C'est pas trois temps séparés, attention, mais plutôt trois dimensions dans l'esprit. Le présent du passé, la mémoire, le présent du présent, l'attention, et le présent du futur, l'attente.
- Speaker #0
Ah, donc c'est l'esprit qui s'étire, en quelque sorte. La distension de l'âme, c'est ça ?
- Speaker #1
C'est exactement ça. La mesure du temps devient une affaire interne, liée à la conscience, et non plus une suite d'instants qu'on pourrait compter de l'extérieur.
- Speaker #0
Ça me fait penser à Bergson, évidemment. Sa notion de durée.
- Speaker #1
Tout à fait. Bergson y va même plus loin. Il oppose radicalement ce temps vécu par la conscience, ce flux continu, où tout s'interpénètre, sa fameuse image de la boule de neige, au temps de la science.
- Speaker #0
Le temps spatialisé, oui. Celui qu'on découpe en tranches égales, comme sur une règle. Voilà.
- Speaker #1
Homogène, quantifiable. Husserl aussi, avec sa notion de rétention. Le passé tout proche, qui reste comme accroché au présent, décrit cette conscience du temps comme un flux continu, un présent... épais.
- Speaker #0
Et ensuite, il y a Kanté qui change la donne, non ?
- Speaker #1
Ah oui, Kant, c'est un sacré tournant. Lui, il dit, arrêtez de chercher le temps à l'extérieur comme une chose ou un milieu. Le temps, c'est une forme a priori de notre sensibilité. La forme du sens interne, dit-il. En gros, c'est une structure de notre esprit.
- Speaker #0
Une sorte de grille de lecture indispensable pour organiser nos expériences.
- Speaker #1
C'est ça ! Une condition nécessaire pour qu'on puisse ordonner tout ce qu'on perçoit, que ce soit nos pensées ou les choses extérieures. Le temps structure notre expérience, il n'est pas dans l'expérience.
- Speaker #0
Et puis, on arrive à Heidegger. Là, ça devient encore plus existentiel, j'ai l'impression.
- Speaker #1
Carrément. Pour Heidegger, le temps, la temporalité authentique, ce n'est pas juste comment on perçoit, c'est la structure même de notre être-là, du Dasein. C'est lié à notre finitude, à notre rapport à la mort, l'être pour la mort. Le temps fondamental, Ce n'est pas la succession des maintenant.
- Speaker #0
C'est plutôt l'orientation vers l'avenir, les possibilités.
- Speaker #1
Exactement, c'est la structure du souci, cette préoccupation qui nous tourne vers l'avenir. Il oppose ça au temps vulgaire, celui de la montre des occupations quotidiennes. L'accent est mis sur le futur.
- Speaker #0
Et cette idée d'avenir, elle est reprise après ?
- Speaker #1
Oui, par exemple chez Lévinas. Pour lui, le temps, c'est surtout l'ouverture à l'autre, à l'imprévu, à l'événement. C'est ça qui fonde l'éthique. Et puis il y a Nietzsche, avec l'éternel retour. C'est pas juste un cycle qui se répète, c'est l'idée d'affirmer son passé, de le vouloir à nouveau. Et ça, paradoxalement, ça libère une force pour créer l'avenir. Même la physique, avec Prigogine par exemple, redonne de l'importance à l'irréversibilité, à la flèche du temps. Ça nous rappelle qu'on est inscrit dans ce flux.
- Speaker #0
Bon, si on résume, pour la dissertation, le temps c'est vraiment multiple. Il y a le paradoxe de son être, chez Aristote, le vécu comme durée chez Bergson ou Isserl, structure de notre... notre pensée, chez Kant, et puis la dimension de notre existence finie, tournée vers l'avenir, avec Heidegger ou Lévinas, il faut jouer avec ces différentes perspectives.
- Speaker #1
Tout à fait, c'est la richesse du sujet. Et peut-être, pour laisser une ouverture, si le temps, comme pas mal de ses penseurs le suggèrent, est marqué par quelque chose d'insaisissable, de fuyant, presque un non-être, comment est-ce que prendre conscience de ça, de cette fugacité, ça pourrait changer notre rapport, pas juste à la philo, mais à notre vie, à ce qui compte vraiment pour nous ?