undefined cover
undefined cover
Les faux tableaux (7/8) cover
Les faux tableaux (7/8) cover
La Mallette verte: enquête familiale au cœur de l’Histoire

Les faux tableaux (7/8)

Les faux tableaux (7/8)

17min |15/11/2023
Play
undefined cover
undefined cover
Les faux tableaux (7/8) cover
Les faux tableaux (7/8) cover
La Mallette verte: enquête familiale au cœur de l’Histoire

Les faux tableaux (7/8)

Les faux tableaux (7/8)

17min |15/11/2023
Play

Description

Emil reste insaisissable. Alors que je pensais l’avoir enfin cerné, je découvre un article de presse dans le dossier médical de Maria, selon lequel il était accusé d’avoir faussé des tableaux. Et pas n'importe lesquels: des tableaux de grands peintres de la Sécession viennoise, Ferdinand Hodler et Koloman Moser. Plusieurs articles de presse me permettent de reconstituer le déroulement du procès. Pour m'aider à juger de la culpabilité d’Emil, je retrouve aussi Manu, Marie-Thérèse, et l’historienne Lucy Coatman qui m’aide dans mes recherches. 


* Erratum * A la minute 11'14'', comprendre "La première fois qu'elles ont entendu parler d'Emil, c'était en 1927" (et non 1907)


Avec les voix de Louise Barreau, Thibault Coeckelberghs, Maxime Lambrechts, Jean Minetto, Guillaume Sokal et Pierre Vangrootloon.


Pour suivre l'actualité du podcast La Mallette verte et pour des compléments d'informations sur l'enquête documentaire, rendez-vous sur le compte Instagram @LaMalletteVerte  


###

La Malette verte est une enquête familiale documentaire en 8 épisodes réalisée par Perrine Sokal, et produite par le GSARA ASBL avec le soutien du Fonds d'Aide à la création radiophonique de la Fédération Wallonie-Bruxelles et de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah.


Réalisation, écriture, recherches, communication: Perrine Sokal 

Montage, aide à la réalisation: Thibault Coeckelberghs 

Mixage: Maxime Thomas

Musique: Maxime Lhussier

Illustration: Clémentine Lénelle

Consultance historique: Lucy Coatman 


Malette verte • faussaires • faux tableaux • histoire de l'art • sécession viennoise • Ferdinand Hodler • Koloman Moser • documentaire • enquête • enquête documentaire • enquête historique • enquête familiale • Histoire familiale • secret de famille • enquête généalogique • Histoire • archives • juif • généalogie • seconde guerre mondiale • deuxième guerre mondiale • nazisme • nazis  • histoire de famille • Shoah


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    des contrefaçons vendus comme des peintures originales. Hier, le 9 juin 1939, le tribunal régional de Vienne, sous la présidence de son directeur, le docteur Prübel, a examiné une plainte pour escroquerie à l'encontre de l'architecte Hans Sachs, de son père, le restaurateur Beno Sachs, et du marchand d'art juif de l'Est, Émile Sokal. Les trois accusés auraient proposé et vendu des faux tableaux de grands maîtres en tant qu'originaux. Plusieurs circonstances suspectes laissent en effet supposer que Hans Sachs, Sokal et Beno Sachs ont mis sur le marché de l'art et vendu des faux tableaux peints par eux-mêmes ou achetés, en les faisant passer comme des œuvres d'art original de grands maîtres. L'article de presse trouvé dans le dossier médical de Maria, datant du 10 juin 1939, remet beaucoup de choses en question. Alors que j'avais l'impression d'avoir finalement cerné Emile, il m'échappe de nouveau. Mon arrière-grand-père était-il un escroc ? Avait-il falsifié des tableaux de grands peintres ? Ce procès change tout sur les raisons de son départ d'Autriche. La mallette verte. Une série de Perrine Seuckel. Épisode 7. Les faux tableaux. L'article retrouvé dans le dossier de Maria date de juin 1939. Mais le procès d'Émile a commencé deux ans plus tôt, en novembre 1937. Avec des complices, il aurait transformé des tableaux de Coloman Moser en tableaux de Ferdinand Hodler. Les deux peintres sont tous les deux des artistes réputés de la sécession viennoise. Ce mouvement artistique fondé par Gustav Klimt. Mais à l'époque, comme aujourd'hui d'ailleurs, Ferdinand Hodler valait plus que Coleman Moser. La Dupree était facile. Les deux peintres avaient un style similaire et Moser ne signait pas ses tableaux. Il ne restait donc plus qu'à ajouter la fausse signature de Hodler. Cela pouvait inspirer plus d'un escroc. Mais difficile de savoir si Émile était vraiment coupable sur la base d'un article de presse seulement. Dans les archives du ministère de la Justice en Autriche, aucune trace du procès. On m'a dit qu'elles avaient sans doute été détruites. On les aurait jugées trop peu importantes. On gardait plutôt les cas de meurtre ou liés au crime nazi. Mais cette affaire des faux tableaux, elle fait écho à une autre histoire intrigante au sujet d'Emile et que Manu m'avait racontée avant que je ne parte pour Vienne. L'histoire du Bouddha d'émeraude. Et cette histoire allait me mettre sur une piste.

  • Speaker #1

    Ah ah ah, so calme. Tu vois, on est bien organisé, en plan de classement, tu vois. Hop, on va dans Généalogie, Sokal Engel, Badener Zeitung, ah ici voilà, Der zweigroßte Smaragd der Welt in Baden Donc ça c'est un journal local de Baden ? Oui tout à fait, voilà ici, samstag 12 septembre 1931, donc c'est en 1931.

  • Speaker #0

    Donc à ce moment-là, Émile était antiquaire à Baden, c'est ça ?

  • Speaker #1

    Oui, ou marchand d'art en tout cas. Der zweigroßte Smaragd der Welt in Baden Le deuxième plus grand Smaragd émeraude au monde à Baden. Le grand-père Émile était allé à Vienne dans le magasin d'un antiquaire. Et donc on donne le nom de cet antiquaire. C'est là qu'arriva un homme qui avait besoin d'argent, qui se présenta comme un millionnaire qui venait de Chine et qui voulait vendre un Bouddha en émeraude.

  • Speaker #0

    Donc un Bouddha en émeraude, c'est-à-dire l'émeraude sculptée en forme de Bouddha.

  • Speaker #1

    C'est ça, oui. Il voulait 200 dollars, l'ingénieur Sokal inspecte avec une loupe le Bouddha, qui d'après lui était, jusqu'aux années 1700, un vrai manchurien. Il dit alors que c'est un vrai émeraude de Manchurie. Mais bon, par après, on n'en a plus beaucoup entendu parler. On se disait, mais qu'est-ce qui s'est passé avec ce Bouddha ? On aurait bien le retrouvé, on ne puisse que l'exposer pendant les fêtes de famille. Non. Mais par après, en cherchant, quelques années plus tard, j'ai trouvé un autre article qui apparemment disait que le Bouddha d'émeraude n'était naturellement pas en émeraude et que c'était une simple pierre qui ressemble, mais sans valeur. Est-ce que c'était un coup monté ? Est-ce que le soi-disant millionnaire qui arrivait là est un complice ? On joue le jeu et lui, il arrive juste au moment où on veut le vendre. On ne sait pas. Et qui dit, ah oui, il est vrai ceci, cela. Et tu te fais très beaucoup de publicité. Qui sait, tu revends peut-être même le bouddha d'émeraude qui n'a pas un vrai émeraude à un bon prix. Non, hein ?

  • Speaker #0

    Bref, j'en étais restée là avant de partir à Vienne. Et maintenant, je découvre que quelques années après l'histoire du bouddha d'émeraude, peut-être en faux, Émile est accusé d'avoir falsifié des signatures de peintre. Alors Manu m'a montré le site sur lequel il avait retrouvé l'article sur le bouddha à l'époque de ses recherches. C'est celui de la Bibliothèque nationale d'Autriche. Et là, en tapant simplement Émile Sokal dans le moteur de recherche, j'ai trouvé presque 20 articles sur le sujet, allant de 37 à 39. L'affaire avait fait grand bruit à l'époque. Et certains articles, surtout ceux datant de 39, avaient clairement des consonances antisémites.

  • Speaker #2

    Rediction massive de faux tableaux par une bande d'escrocs juifs. Les tableaux chers, ils ne presquent que vrai.

  • Speaker #3

    Les méthodes des marchands d'art juifs,

  • Speaker #0

    sableau de maître, médine vienna, les pirates du marché de l'art viennois. Vu la tonalité clairement antisémite de beaucoup d'articles, on peut se demander si Émile n'était pas victime d'un faux procès. Soit carrément monté de toute pièce, soit biaisé par des préjugés anti-juifs. Encore une fois, j'ai envie de croire en la bonne foi d'Émile. Ou en tout cas, de lui laisser une chance de se défendre. Et ça tombe bien. Parce qu'à défaut d'avoir pu retrouver les archives du procès, un article de presse du 13 novembre 1937 retranscrit certaines parties de la première audience, quand Émile est encore à Vienne.

  • Speaker #3

    Tableau de Hodler. Bon marché, mais pas authentique. L'ingénieur Émile Sokal, marchand d'art à Baden, et l'architecte Hans Sachs ont comparu hier devant le tribunal des jurés pour la vente de trois tableaux du peintre Kolomoser signé Ferdinand Hodler. En 1934, Hans Sachs a acheté trois tableaux, un nu et deux paysages, provenant de la succession du peintre Kolomother. Il les a ensuite vendus à un certain Safaric, qui n'a pas réussi à les vendre à son tour, alors il a fini par les revendre à perte au vendeur initial Hans Sachs. Hans Sachs se retrouvait donc avec trois tableaux de Mother qui restaient difficilement exploitables, quand soudain ils sont apparus comme des œuvres de Ferdinand Hodler. Il suffisait de faire apparaître le nom de Hodler dans un coin pour obtenir un prix beaucoup plus élevé.

  • Speaker #2

    Monsieur Sachs, qu'avez-vous à dire pour votre défense ?

  • Speaker #3

    L'architecte Hans Sachs a plaidé non coupable.

  • Speaker #4

    L'ingénieur Sokal est venu me voir et m'a dit qu'il avait un acheteur potentiel pour des tableaux modernes. Je lui ai remis les trois Colomoser et j'ai remarqué à ce moment-là qu'il portait la signature Ferdinand Hodler. Nous n'en avons pas parlé davantage. Je n'ai pas accordé d'importance à la signature Hodler parce qu'il portait aussi le cachet Colomoser au dos du tableau. Donc oui ! Je savais que les signatures de Hodler étaient fausses, mais Sokal le savait aussi.

  • Speaker #2

    Monsieur Sokal, le saviez-vous ? Mais non, ce n'est pas vrai. Je n'en avais aucune idée.

  • Speaker #0

    Vous avez su.

  • Speaker #1

    Silence,

  • Speaker #0

    vous devez être silence.

  • Speaker #2

    Un Hodler coûte 10 000 à 20 000 shillings. Trois Hodlers coûtent donc trois fois plus cher. Comment un marchand d'art comme vous, monsieur Sokal, peut-il donc vendre trois Hodlers pour 2 000 shillings ? S'il les considère comme authentiques ? Vous savez, moi je suis chimiste de formation. Je m'occupe surtout de tableaux anciens et je ne comprends pas grand chose aux tableaux modernes. Mais vous avez commis un acte de tromperie. À la demande de l'acheteuse, vous avez fourni une confirmation de l'authenticité. Ça n'était pas une confirmation de l'authenticité, mais seulement de l'origine. J'ai inventé le prétendu propriétaire précédent, Paytel. Mais je pensais que ce n'était qu'une formalité.

  • Speaker #3

    Lors du contre-interrogatoire, les deux accusés ont maintenu leur déclaration.

  • Speaker #2

    Alors, qui ment ? Et qui dit la vérité ? Quelle est la vérité ? Je n'ai aucune raison de mentir.

  • Speaker #4

    Je dis la vérité.

  • Speaker #0

    Dans ce procès, Emile joue la carte de la naïveté. S'est-il fait avoir par un sexe ? C'est vrai que bon, on ne peut pas, j'imagine, être à la fois ingénieur chimiste de formation, spécialiste de l'art religieux ancien, des statuettes en pierre précieuse et des tableaux de peintres modernistes. Ça fait quand même beaucoup. On dirait qu'Émile vendait plus par opportunisme que par réelle expertise. Mais il y a quand même un argument du procureur qui est assez pertinent. Si Émile pensait qu'ils étaient vrais, ces tableaux, il n'aurait pas demandé un prix si bas, même en n'y connaissant pas grand-chose. Il devait malgré tout connaître la valeur d'un hôdler. Je dois bien l'admettre, Émile n'a quand même pas l'air tout net dans cette affaire. Il a sans doute même l'air carrément coupable. Et le clou s'enfonce encore. Depuis le début de mon enquête, une historienne à Vienne m'aide dans mes recherches. Elle s'appelle Lucie Cotman. Elle est anglaise d'origine, mais a adopté Vienne comme sa ville de cœur. Elle est spécialisée dans le XIXe et le début du XXe siècle en Autriche. On échange régulièrement sur l'enquête, et elle s'est passionnée par Émile autant que moi. Et là, elle a découvert un nouvel élément. Cela ne concerne pas directement les tableaux. mais d'autres transactions dans lesquelles Émile était impliqué. Lucie sort d'un rendez-vous avec des chercheuses ayant étudié la vente d'objets religieux dans les monastères et qui ont mentionné Émile dans leurs recherches. Les chercheuses ont commencé à parler de la galerie pour laquelle Émile travaillait.

  • Speaker #5

    Tout d'abord, je n'ai pas retenu son nom. Mais le gars qui possédait les galeries Saint-Lucas était aussi une figure un peu douteuse. La première fois qu'elles ont vu Emile apparaître, c'était en 1907. Il a en fait fait des ventes illégales pour l'abbaye de la Sainte-Croix. Mais comme il s'agissait d'œuvres d'art et non de livres, elles ne l'ont pas vraiment examiné. Mais elles ont dit qu'il y avait des dossiers à l'Office national des monuments. Donc nous devrions regarder non seulement pour l'abbaye de la Sainte Croix,

  • Speaker #6

    mais aussi pour d'autres ordres religieux pour lesquels ils travaillaient.

  • Speaker #5

    Nous pourrions y retracer les ventes qu'ils faisaient et qui étaient illégales en gros.

  • Speaker #6

    Mais oui,

  • Speaker #5

    cette vente là-bas à l'abbaye de la Sainte Croix était illégale.

  • Speaker #6

    Elles ont également remarqué qu'Emile était...

  • Speaker #5

    toujours très secret sur ce qu'il faisait exactement avec les monastères. Je pense que nous l'avions déjà remarqué. Tu sais, le fait que nous avions toujours du mal à déterminer précisément son rôle, elles ont eu ce même problème.

  • Speaker #6

    Mais,

  • Speaker #5

    pour te rassurer, toutes ces falsifications, ces affaires louches, tout cela était en fait très courant à cette époque dans le marché des antiquités. Donc ce n'est pas seulement Émile, n'inquiète pas. C'était vraiment une chose courante à l'époque. Et elles vont m'envoyer des photos de documents d'archives de l'abbaye de la Sainte-Croix.

  • Speaker #0

    Après quelques recherches sur ces ventes dans les archives de l'Office des monuments, il apparaît que l'administration ne voyait pas Émile d'un bon oeil, car il tentait d'exporter certaines œuvres d'art à l'étranger, alors que l'Autriche souhaitait préserver son patrimoine national. Et de ce fait... Il n'obtenait pas toujours les autorisations nécessaires. D'après les chercheuses que Lucie a rencontrées, il semble aussi qu'il avait mis beaucoup de temps à remettre l'argent de la vente d'objets à un vendeur. Rien de vraiment accablant, mais c'est sûr qu'il n'était pas tout net. J'aimerais quand même avoir encore l'avis de Marie-Thérèse, qu'on a entendu à l'épisode 2, la femme de Raoul, deuxième fils d'Emile, et qui est la seule personne encore vivante à avoir connu Emile. Je me demande ce qu'elle pense de tout ça. Anne vous a raconté notre voyage à Vienne ? Oui, oui. Cette fois encore, je retrouve Marie-Thérèse en compagnie de sa fille, Anne. Et entre-temps, j'ai encore un peu fouillé. J'ai trouvé beaucoup plus d'articles sur l'histoire du procès d'Emile qui avait été jugé pour avoir faussé des signatures. Oui, oui. Et donc les articles disent qu'une personne, Anne Sachs, son prétendu acolyte, avait pu être jugé et enfermé parce que les autres accusés, dont Émile, avaient fui. Avaient fui. Il utilisait également le terme pour l'un et l'autre quand il parlait de ses collègues vendeurs ou quelque chose comme ça. Il disait avec son accent inimitable, évidemment, grand filou. Grand filou. Je l'entends encore. C'est comique parce que j'en parlais à l'historienne qui m'aide dans les recherches sur place. J'essayais de trouver des excuses à Émile. Ah ben oui ! Je disais, tiens, est-ce que ce serait possible qu'étant juif, on l'ait empêché de mener ses affaires correctement et que du coup, il était bien obligé de faire un peu le filou pour survivre et gagner sa vie parce qu'on l'a tellement bloqué de toutes les parts. Donc je disais à lui, si je cherche des excuses, est-ce que tu penses aussi cela ? Je crois quand même qu'Émile devait être un peu dodgy. grand filou et elle me dit mais je comprends pourquoi tu cherches des excuses c'est vrai que nous c'est notre ancêtre alors on a envie d'avoir une bonne image d'un autre côté ça ne le rend que plus sympathique d'une certaine manière je trouve Lors de l'audience finale, les accusés sont jugés coupables. Mais seule Anne Sachs est envoyée en prison, car Émile a entre-temps fui à Bruxelles. Nous sommes alors le 9 juin 1939. L'article de presse retrouvé dans le dossier de Maria date du lendemain, le 10 juin. Maria, elle, avait été amenée à la police quelques jours plus tôt, le 3 juin. Et de là, elle avait été emmenée à Amsteinhof. La chronologie des événements signifiait qu'elle ne pouvait pas avoir l'article sur elle lorsqu'elle est arrivée à Amsteinhof. Il n'était pas encore publié. Donc s'il était dans son dossier médical, c'était certainement à l'initiative d'un médecin ou d'une infirmière. Je ne pense pas qu'on puisse y voir la preuve que Maria aurait été enfermée par représailles envers son mari. On l'a vu, le dossier de Maria montrait qu'elle allait vraiment mal. Et d'ailleurs, l'approche du procès expliquait d'autant mieux son angoisse. Mais par contre, je crois que ça a pu aider le personnel médical à justifier des mauvais traitements, dans une ambiance de surpopulation et de dégradation des conditions à l'hôpital. Après tout, ce n'était que la femme d'un escroc juif. Mais le procès remet aussi totalement en cause les raisons du départ d'Emile hors d'Autriche. A-t-il fui parce qu'il était juif ? Parce qu'il avait aidé l'Église à vendre des objets religieux ? Ou parce qu'il allait être condamné ? Et surtout, cela pose la question, qui était vraiment Émile ? Un héros ou un escroc ? et de la Fondation pour la mémoire de la Shoah. Pour en savoir plus sur les recherches et sur le contexte historique, rendez-vous sur le compte Instagram La Malette Weft.

Description

Emil reste insaisissable. Alors que je pensais l’avoir enfin cerné, je découvre un article de presse dans le dossier médical de Maria, selon lequel il était accusé d’avoir faussé des tableaux. Et pas n'importe lesquels: des tableaux de grands peintres de la Sécession viennoise, Ferdinand Hodler et Koloman Moser. Plusieurs articles de presse me permettent de reconstituer le déroulement du procès. Pour m'aider à juger de la culpabilité d’Emil, je retrouve aussi Manu, Marie-Thérèse, et l’historienne Lucy Coatman qui m’aide dans mes recherches. 


* Erratum * A la minute 11'14'', comprendre "La première fois qu'elles ont entendu parler d'Emil, c'était en 1927" (et non 1907)


Avec les voix de Louise Barreau, Thibault Coeckelberghs, Maxime Lambrechts, Jean Minetto, Guillaume Sokal et Pierre Vangrootloon.


Pour suivre l'actualité du podcast La Mallette verte et pour des compléments d'informations sur l'enquête documentaire, rendez-vous sur le compte Instagram @LaMalletteVerte  


###

La Malette verte est une enquête familiale documentaire en 8 épisodes réalisée par Perrine Sokal, et produite par le GSARA ASBL avec le soutien du Fonds d'Aide à la création radiophonique de la Fédération Wallonie-Bruxelles et de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah.


Réalisation, écriture, recherches, communication: Perrine Sokal 

Montage, aide à la réalisation: Thibault Coeckelberghs 

Mixage: Maxime Thomas

Musique: Maxime Lhussier

Illustration: Clémentine Lénelle

Consultance historique: Lucy Coatman 


Malette verte • faussaires • faux tableaux • histoire de l'art • sécession viennoise • Ferdinand Hodler • Koloman Moser • documentaire • enquête • enquête documentaire • enquête historique • enquête familiale • Histoire familiale • secret de famille • enquête généalogique • Histoire • archives • juif • généalogie • seconde guerre mondiale • deuxième guerre mondiale • nazisme • nazis  • histoire de famille • Shoah


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    des contrefaçons vendus comme des peintures originales. Hier, le 9 juin 1939, le tribunal régional de Vienne, sous la présidence de son directeur, le docteur Prübel, a examiné une plainte pour escroquerie à l'encontre de l'architecte Hans Sachs, de son père, le restaurateur Beno Sachs, et du marchand d'art juif de l'Est, Émile Sokal. Les trois accusés auraient proposé et vendu des faux tableaux de grands maîtres en tant qu'originaux. Plusieurs circonstances suspectes laissent en effet supposer que Hans Sachs, Sokal et Beno Sachs ont mis sur le marché de l'art et vendu des faux tableaux peints par eux-mêmes ou achetés, en les faisant passer comme des œuvres d'art original de grands maîtres. L'article de presse trouvé dans le dossier médical de Maria, datant du 10 juin 1939, remet beaucoup de choses en question. Alors que j'avais l'impression d'avoir finalement cerné Emile, il m'échappe de nouveau. Mon arrière-grand-père était-il un escroc ? Avait-il falsifié des tableaux de grands peintres ? Ce procès change tout sur les raisons de son départ d'Autriche. La mallette verte. Une série de Perrine Seuckel. Épisode 7. Les faux tableaux. L'article retrouvé dans le dossier de Maria date de juin 1939. Mais le procès d'Émile a commencé deux ans plus tôt, en novembre 1937. Avec des complices, il aurait transformé des tableaux de Coloman Moser en tableaux de Ferdinand Hodler. Les deux peintres sont tous les deux des artistes réputés de la sécession viennoise. Ce mouvement artistique fondé par Gustav Klimt. Mais à l'époque, comme aujourd'hui d'ailleurs, Ferdinand Hodler valait plus que Coleman Moser. La Dupree était facile. Les deux peintres avaient un style similaire et Moser ne signait pas ses tableaux. Il ne restait donc plus qu'à ajouter la fausse signature de Hodler. Cela pouvait inspirer plus d'un escroc. Mais difficile de savoir si Émile était vraiment coupable sur la base d'un article de presse seulement. Dans les archives du ministère de la Justice en Autriche, aucune trace du procès. On m'a dit qu'elles avaient sans doute été détruites. On les aurait jugées trop peu importantes. On gardait plutôt les cas de meurtre ou liés au crime nazi. Mais cette affaire des faux tableaux, elle fait écho à une autre histoire intrigante au sujet d'Emile et que Manu m'avait racontée avant que je ne parte pour Vienne. L'histoire du Bouddha d'émeraude. Et cette histoire allait me mettre sur une piste.

  • Speaker #1

    Ah ah ah, so calme. Tu vois, on est bien organisé, en plan de classement, tu vois. Hop, on va dans Généalogie, Sokal Engel, Badener Zeitung, ah ici voilà, Der zweigroßte Smaragd der Welt in Baden Donc ça c'est un journal local de Baden ? Oui tout à fait, voilà ici, samstag 12 septembre 1931, donc c'est en 1931.

  • Speaker #0

    Donc à ce moment-là, Émile était antiquaire à Baden, c'est ça ?

  • Speaker #1

    Oui, ou marchand d'art en tout cas. Der zweigroßte Smaragd der Welt in Baden Le deuxième plus grand Smaragd émeraude au monde à Baden. Le grand-père Émile était allé à Vienne dans le magasin d'un antiquaire. Et donc on donne le nom de cet antiquaire. C'est là qu'arriva un homme qui avait besoin d'argent, qui se présenta comme un millionnaire qui venait de Chine et qui voulait vendre un Bouddha en émeraude.

  • Speaker #0

    Donc un Bouddha en émeraude, c'est-à-dire l'émeraude sculptée en forme de Bouddha.

  • Speaker #1

    C'est ça, oui. Il voulait 200 dollars, l'ingénieur Sokal inspecte avec une loupe le Bouddha, qui d'après lui était, jusqu'aux années 1700, un vrai manchurien. Il dit alors que c'est un vrai émeraude de Manchurie. Mais bon, par après, on n'en a plus beaucoup entendu parler. On se disait, mais qu'est-ce qui s'est passé avec ce Bouddha ? On aurait bien le retrouvé, on ne puisse que l'exposer pendant les fêtes de famille. Non. Mais par après, en cherchant, quelques années plus tard, j'ai trouvé un autre article qui apparemment disait que le Bouddha d'émeraude n'était naturellement pas en émeraude et que c'était une simple pierre qui ressemble, mais sans valeur. Est-ce que c'était un coup monté ? Est-ce que le soi-disant millionnaire qui arrivait là est un complice ? On joue le jeu et lui, il arrive juste au moment où on veut le vendre. On ne sait pas. Et qui dit, ah oui, il est vrai ceci, cela. Et tu te fais très beaucoup de publicité. Qui sait, tu revends peut-être même le bouddha d'émeraude qui n'a pas un vrai émeraude à un bon prix. Non, hein ?

  • Speaker #0

    Bref, j'en étais restée là avant de partir à Vienne. Et maintenant, je découvre que quelques années après l'histoire du bouddha d'émeraude, peut-être en faux, Émile est accusé d'avoir falsifié des signatures de peintre. Alors Manu m'a montré le site sur lequel il avait retrouvé l'article sur le bouddha à l'époque de ses recherches. C'est celui de la Bibliothèque nationale d'Autriche. Et là, en tapant simplement Émile Sokal dans le moteur de recherche, j'ai trouvé presque 20 articles sur le sujet, allant de 37 à 39. L'affaire avait fait grand bruit à l'époque. Et certains articles, surtout ceux datant de 39, avaient clairement des consonances antisémites.

  • Speaker #2

    Rediction massive de faux tableaux par une bande d'escrocs juifs. Les tableaux chers, ils ne presquent que vrai.

  • Speaker #3

    Les méthodes des marchands d'art juifs,

  • Speaker #0

    sableau de maître, médine vienna, les pirates du marché de l'art viennois. Vu la tonalité clairement antisémite de beaucoup d'articles, on peut se demander si Émile n'était pas victime d'un faux procès. Soit carrément monté de toute pièce, soit biaisé par des préjugés anti-juifs. Encore une fois, j'ai envie de croire en la bonne foi d'Émile. Ou en tout cas, de lui laisser une chance de se défendre. Et ça tombe bien. Parce qu'à défaut d'avoir pu retrouver les archives du procès, un article de presse du 13 novembre 1937 retranscrit certaines parties de la première audience, quand Émile est encore à Vienne.

  • Speaker #3

    Tableau de Hodler. Bon marché, mais pas authentique. L'ingénieur Émile Sokal, marchand d'art à Baden, et l'architecte Hans Sachs ont comparu hier devant le tribunal des jurés pour la vente de trois tableaux du peintre Kolomoser signé Ferdinand Hodler. En 1934, Hans Sachs a acheté trois tableaux, un nu et deux paysages, provenant de la succession du peintre Kolomother. Il les a ensuite vendus à un certain Safaric, qui n'a pas réussi à les vendre à son tour, alors il a fini par les revendre à perte au vendeur initial Hans Sachs. Hans Sachs se retrouvait donc avec trois tableaux de Mother qui restaient difficilement exploitables, quand soudain ils sont apparus comme des œuvres de Ferdinand Hodler. Il suffisait de faire apparaître le nom de Hodler dans un coin pour obtenir un prix beaucoup plus élevé.

  • Speaker #2

    Monsieur Sachs, qu'avez-vous à dire pour votre défense ?

  • Speaker #3

    L'architecte Hans Sachs a plaidé non coupable.

  • Speaker #4

    L'ingénieur Sokal est venu me voir et m'a dit qu'il avait un acheteur potentiel pour des tableaux modernes. Je lui ai remis les trois Colomoser et j'ai remarqué à ce moment-là qu'il portait la signature Ferdinand Hodler. Nous n'en avons pas parlé davantage. Je n'ai pas accordé d'importance à la signature Hodler parce qu'il portait aussi le cachet Colomoser au dos du tableau. Donc oui ! Je savais que les signatures de Hodler étaient fausses, mais Sokal le savait aussi.

  • Speaker #2

    Monsieur Sokal, le saviez-vous ? Mais non, ce n'est pas vrai. Je n'en avais aucune idée.

  • Speaker #0

    Vous avez su.

  • Speaker #1

    Silence,

  • Speaker #0

    vous devez être silence.

  • Speaker #2

    Un Hodler coûte 10 000 à 20 000 shillings. Trois Hodlers coûtent donc trois fois plus cher. Comment un marchand d'art comme vous, monsieur Sokal, peut-il donc vendre trois Hodlers pour 2 000 shillings ? S'il les considère comme authentiques ? Vous savez, moi je suis chimiste de formation. Je m'occupe surtout de tableaux anciens et je ne comprends pas grand chose aux tableaux modernes. Mais vous avez commis un acte de tromperie. À la demande de l'acheteuse, vous avez fourni une confirmation de l'authenticité. Ça n'était pas une confirmation de l'authenticité, mais seulement de l'origine. J'ai inventé le prétendu propriétaire précédent, Paytel. Mais je pensais que ce n'était qu'une formalité.

  • Speaker #3

    Lors du contre-interrogatoire, les deux accusés ont maintenu leur déclaration.

  • Speaker #2

    Alors, qui ment ? Et qui dit la vérité ? Quelle est la vérité ? Je n'ai aucune raison de mentir.

  • Speaker #4

    Je dis la vérité.

  • Speaker #0

    Dans ce procès, Emile joue la carte de la naïveté. S'est-il fait avoir par un sexe ? C'est vrai que bon, on ne peut pas, j'imagine, être à la fois ingénieur chimiste de formation, spécialiste de l'art religieux ancien, des statuettes en pierre précieuse et des tableaux de peintres modernistes. Ça fait quand même beaucoup. On dirait qu'Émile vendait plus par opportunisme que par réelle expertise. Mais il y a quand même un argument du procureur qui est assez pertinent. Si Émile pensait qu'ils étaient vrais, ces tableaux, il n'aurait pas demandé un prix si bas, même en n'y connaissant pas grand-chose. Il devait malgré tout connaître la valeur d'un hôdler. Je dois bien l'admettre, Émile n'a quand même pas l'air tout net dans cette affaire. Il a sans doute même l'air carrément coupable. Et le clou s'enfonce encore. Depuis le début de mon enquête, une historienne à Vienne m'aide dans mes recherches. Elle s'appelle Lucie Cotman. Elle est anglaise d'origine, mais a adopté Vienne comme sa ville de cœur. Elle est spécialisée dans le XIXe et le début du XXe siècle en Autriche. On échange régulièrement sur l'enquête, et elle s'est passionnée par Émile autant que moi. Et là, elle a découvert un nouvel élément. Cela ne concerne pas directement les tableaux. mais d'autres transactions dans lesquelles Émile était impliqué. Lucie sort d'un rendez-vous avec des chercheuses ayant étudié la vente d'objets religieux dans les monastères et qui ont mentionné Émile dans leurs recherches. Les chercheuses ont commencé à parler de la galerie pour laquelle Émile travaillait.

  • Speaker #5

    Tout d'abord, je n'ai pas retenu son nom. Mais le gars qui possédait les galeries Saint-Lucas était aussi une figure un peu douteuse. La première fois qu'elles ont vu Emile apparaître, c'était en 1907. Il a en fait fait des ventes illégales pour l'abbaye de la Sainte-Croix. Mais comme il s'agissait d'œuvres d'art et non de livres, elles ne l'ont pas vraiment examiné. Mais elles ont dit qu'il y avait des dossiers à l'Office national des monuments. Donc nous devrions regarder non seulement pour l'abbaye de la Sainte Croix,

  • Speaker #6

    mais aussi pour d'autres ordres religieux pour lesquels ils travaillaient.

  • Speaker #5

    Nous pourrions y retracer les ventes qu'ils faisaient et qui étaient illégales en gros.

  • Speaker #6

    Mais oui,

  • Speaker #5

    cette vente là-bas à l'abbaye de la Sainte Croix était illégale.

  • Speaker #6

    Elles ont également remarqué qu'Emile était...

  • Speaker #5

    toujours très secret sur ce qu'il faisait exactement avec les monastères. Je pense que nous l'avions déjà remarqué. Tu sais, le fait que nous avions toujours du mal à déterminer précisément son rôle, elles ont eu ce même problème.

  • Speaker #6

    Mais,

  • Speaker #5

    pour te rassurer, toutes ces falsifications, ces affaires louches, tout cela était en fait très courant à cette époque dans le marché des antiquités. Donc ce n'est pas seulement Émile, n'inquiète pas. C'était vraiment une chose courante à l'époque. Et elles vont m'envoyer des photos de documents d'archives de l'abbaye de la Sainte-Croix.

  • Speaker #0

    Après quelques recherches sur ces ventes dans les archives de l'Office des monuments, il apparaît que l'administration ne voyait pas Émile d'un bon oeil, car il tentait d'exporter certaines œuvres d'art à l'étranger, alors que l'Autriche souhaitait préserver son patrimoine national. Et de ce fait... Il n'obtenait pas toujours les autorisations nécessaires. D'après les chercheuses que Lucie a rencontrées, il semble aussi qu'il avait mis beaucoup de temps à remettre l'argent de la vente d'objets à un vendeur. Rien de vraiment accablant, mais c'est sûr qu'il n'était pas tout net. J'aimerais quand même avoir encore l'avis de Marie-Thérèse, qu'on a entendu à l'épisode 2, la femme de Raoul, deuxième fils d'Emile, et qui est la seule personne encore vivante à avoir connu Emile. Je me demande ce qu'elle pense de tout ça. Anne vous a raconté notre voyage à Vienne ? Oui, oui. Cette fois encore, je retrouve Marie-Thérèse en compagnie de sa fille, Anne. Et entre-temps, j'ai encore un peu fouillé. J'ai trouvé beaucoup plus d'articles sur l'histoire du procès d'Emile qui avait été jugé pour avoir faussé des signatures. Oui, oui. Et donc les articles disent qu'une personne, Anne Sachs, son prétendu acolyte, avait pu être jugé et enfermé parce que les autres accusés, dont Émile, avaient fui. Avaient fui. Il utilisait également le terme pour l'un et l'autre quand il parlait de ses collègues vendeurs ou quelque chose comme ça. Il disait avec son accent inimitable, évidemment, grand filou. Grand filou. Je l'entends encore. C'est comique parce que j'en parlais à l'historienne qui m'aide dans les recherches sur place. J'essayais de trouver des excuses à Émile. Ah ben oui ! Je disais, tiens, est-ce que ce serait possible qu'étant juif, on l'ait empêché de mener ses affaires correctement et que du coup, il était bien obligé de faire un peu le filou pour survivre et gagner sa vie parce qu'on l'a tellement bloqué de toutes les parts. Donc je disais à lui, si je cherche des excuses, est-ce que tu penses aussi cela ? Je crois quand même qu'Émile devait être un peu dodgy. grand filou et elle me dit mais je comprends pourquoi tu cherches des excuses c'est vrai que nous c'est notre ancêtre alors on a envie d'avoir une bonne image d'un autre côté ça ne le rend que plus sympathique d'une certaine manière je trouve Lors de l'audience finale, les accusés sont jugés coupables. Mais seule Anne Sachs est envoyée en prison, car Émile a entre-temps fui à Bruxelles. Nous sommes alors le 9 juin 1939. L'article de presse retrouvé dans le dossier de Maria date du lendemain, le 10 juin. Maria, elle, avait été amenée à la police quelques jours plus tôt, le 3 juin. Et de là, elle avait été emmenée à Amsteinhof. La chronologie des événements signifiait qu'elle ne pouvait pas avoir l'article sur elle lorsqu'elle est arrivée à Amsteinhof. Il n'était pas encore publié. Donc s'il était dans son dossier médical, c'était certainement à l'initiative d'un médecin ou d'une infirmière. Je ne pense pas qu'on puisse y voir la preuve que Maria aurait été enfermée par représailles envers son mari. On l'a vu, le dossier de Maria montrait qu'elle allait vraiment mal. Et d'ailleurs, l'approche du procès expliquait d'autant mieux son angoisse. Mais par contre, je crois que ça a pu aider le personnel médical à justifier des mauvais traitements, dans une ambiance de surpopulation et de dégradation des conditions à l'hôpital. Après tout, ce n'était que la femme d'un escroc juif. Mais le procès remet aussi totalement en cause les raisons du départ d'Emile hors d'Autriche. A-t-il fui parce qu'il était juif ? Parce qu'il avait aidé l'Église à vendre des objets religieux ? Ou parce qu'il allait être condamné ? Et surtout, cela pose la question, qui était vraiment Émile ? Un héros ou un escroc ? et de la Fondation pour la mémoire de la Shoah. Pour en savoir plus sur les recherches et sur le contexte historique, rendez-vous sur le compte Instagram La Malette Weft.

Share

Embed

You may also like

Description

Emil reste insaisissable. Alors que je pensais l’avoir enfin cerné, je découvre un article de presse dans le dossier médical de Maria, selon lequel il était accusé d’avoir faussé des tableaux. Et pas n'importe lesquels: des tableaux de grands peintres de la Sécession viennoise, Ferdinand Hodler et Koloman Moser. Plusieurs articles de presse me permettent de reconstituer le déroulement du procès. Pour m'aider à juger de la culpabilité d’Emil, je retrouve aussi Manu, Marie-Thérèse, et l’historienne Lucy Coatman qui m’aide dans mes recherches. 


* Erratum * A la minute 11'14'', comprendre "La première fois qu'elles ont entendu parler d'Emil, c'était en 1927" (et non 1907)


Avec les voix de Louise Barreau, Thibault Coeckelberghs, Maxime Lambrechts, Jean Minetto, Guillaume Sokal et Pierre Vangrootloon.


Pour suivre l'actualité du podcast La Mallette verte et pour des compléments d'informations sur l'enquête documentaire, rendez-vous sur le compte Instagram @LaMalletteVerte  


###

La Malette verte est une enquête familiale documentaire en 8 épisodes réalisée par Perrine Sokal, et produite par le GSARA ASBL avec le soutien du Fonds d'Aide à la création radiophonique de la Fédération Wallonie-Bruxelles et de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah.


Réalisation, écriture, recherches, communication: Perrine Sokal 

Montage, aide à la réalisation: Thibault Coeckelberghs 

Mixage: Maxime Thomas

Musique: Maxime Lhussier

Illustration: Clémentine Lénelle

Consultance historique: Lucy Coatman 


Malette verte • faussaires • faux tableaux • histoire de l'art • sécession viennoise • Ferdinand Hodler • Koloman Moser • documentaire • enquête • enquête documentaire • enquête historique • enquête familiale • Histoire familiale • secret de famille • enquête généalogique • Histoire • archives • juif • généalogie • seconde guerre mondiale • deuxième guerre mondiale • nazisme • nazis  • histoire de famille • Shoah


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    des contrefaçons vendus comme des peintures originales. Hier, le 9 juin 1939, le tribunal régional de Vienne, sous la présidence de son directeur, le docteur Prübel, a examiné une plainte pour escroquerie à l'encontre de l'architecte Hans Sachs, de son père, le restaurateur Beno Sachs, et du marchand d'art juif de l'Est, Émile Sokal. Les trois accusés auraient proposé et vendu des faux tableaux de grands maîtres en tant qu'originaux. Plusieurs circonstances suspectes laissent en effet supposer que Hans Sachs, Sokal et Beno Sachs ont mis sur le marché de l'art et vendu des faux tableaux peints par eux-mêmes ou achetés, en les faisant passer comme des œuvres d'art original de grands maîtres. L'article de presse trouvé dans le dossier médical de Maria, datant du 10 juin 1939, remet beaucoup de choses en question. Alors que j'avais l'impression d'avoir finalement cerné Emile, il m'échappe de nouveau. Mon arrière-grand-père était-il un escroc ? Avait-il falsifié des tableaux de grands peintres ? Ce procès change tout sur les raisons de son départ d'Autriche. La mallette verte. Une série de Perrine Seuckel. Épisode 7. Les faux tableaux. L'article retrouvé dans le dossier de Maria date de juin 1939. Mais le procès d'Émile a commencé deux ans plus tôt, en novembre 1937. Avec des complices, il aurait transformé des tableaux de Coloman Moser en tableaux de Ferdinand Hodler. Les deux peintres sont tous les deux des artistes réputés de la sécession viennoise. Ce mouvement artistique fondé par Gustav Klimt. Mais à l'époque, comme aujourd'hui d'ailleurs, Ferdinand Hodler valait plus que Coleman Moser. La Dupree était facile. Les deux peintres avaient un style similaire et Moser ne signait pas ses tableaux. Il ne restait donc plus qu'à ajouter la fausse signature de Hodler. Cela pouvait inspirer plus d'un escroc. Mais difficile de savoir si Émile était vraiment coupable sur la base d'un article de presse seulement. Dans les archives du ministère de la Justice en Autriche, aucune trace du procès. On m'a dit qu'elles avaient sans doute été détruites. On les aurait jugées trop peu importantes. On gardait plutôt les cas de meurtre ou liés au crime nazi. Mais cette affaire des faux tableaux, elle fait écho à une autre histoire intrigante au sujet d'Emile et que Manu m'avait racontée avant que je ne parte pour Vienne. L'histoire du Bouddha d'émeraude. Et cette histoire allait me mettre sur une piste.

  • Speaker #1

    Ah ah ah, so calme. Tu vois, on est bien organisé, en plan de classement, tu vois. Hop, on va dans Généalogie, Sokal Engel, Badener Zeitung, ah ici voilà, Der zweigroßte Smaragd der Welt in Baden Donc ça c'est un journal local de Baden ? Oui tout à fait, voilà ici, samstag 12 septembre 1931, donc c'est en 1931.

  • Speaker #0

    Donc à ce moment-là, Émile était antiquaire à Baden, c'est ça ?

  • Speaker #1

    Oui, ou marchand d'art en tout cas. Der zweigroßte Smaragd der Welt in Baden Le deuxième plus grand Smaragd émeraude au monde à Baden. Le grand-père Émile était allé à Vienne dans le magasin d'un antiquaire. Et donc on donne le nom de cet antiquaire. C'est là qu'arriva un homme qui avait besoin d'argent, qui se présenta comme un millionnaire qui venait de Chine et qui voulait vendre un Bouddha en émeraude.

  • Speaker #0

    Donc un Bouddha en émeraude, c'est-à-dire l'émeraude sculptée en forme de Bouddha.

  • Speaker #1

    C'est ça, oui. Il voulait 200 dollars, l'ingénieur Sokal inspecte avec une loupe le Bouddha, qui d'après lui était, jusqu'aux années 1700, un vrai manchurien. Il dit alors que c'est un vrai émeraude de Manchurie. Mais bon, par après, on n'en a plus beaucoup entendu parler. On se disait, mais qu'est-ce qui s'est passé avec ce Bouddha ? On aurait bien le retrouvé, on ne puisse que l'exposer pendant les fêtes de famille. Non. Mais par après, en cherchant, quelques années plus tard, j'ai trouvé un autre article qui apparemment disait que le Bouddha d'émeraude n'était naturellement pas en émeraude et que c'était une simple pierre qui ressemble, mais sans valeur. Est-ce que c'était un coup monté ? Est-ce que le soi-disant millionnaire qui arrivait là est un complice ? On joue le jeu et lui, il arrive juste au moment où on veut le vendre. On ne sait pas. Et qui dit, ah oui, il est vrai ceci, cela. Et tu te fais très beaucoup de publicité. Qui sait, tu revends peut-être même le bouddha d'émeraude qui n'a pas un vrai émeraude à un bon prix. Non, hein ?

  • Speaker #0

    Bref, j'en étais restée là avant de partir à Vienne. Et maintenant, je découvre que quelques années après l'histoire du bouddha d'émeraude, peut-être en faux, Émile est accusé d'avoir falsifié des signatures de peintre. Alors Manu m'a montré le site sur lequel il avait retrouvé l'article sur le bouddha à l'époque de ses recherches. C'est celui de la Bibliothèque nationale d'Autriche. Et là, en tapant simplement Émile Sokal dans le moteur de recherche, j'ai trouvé presque 20 articles sur le sujet, allant de 37 à 39. L'affaire avait fait grand bruit à l'époque. Et certains articles, surtout ceux datant de 39, avaient clairement des consonances antisémites.

  • Speaker #2

    Rediction massive de faux tableaux par une bande d'escrocs juifs. Les tableaux chers, ils ne presquent que vrai.

  • Speaker #3

    Les méthodes des marchands d'art juifs,

  • Speaker #0

    sableau de maître, médine vienna, les pirates du marché de l'art viennois. Vu la tonalité clairement antisémite de beaucoup d'articles, on peut se demander si Émile n'était pas victime d'un faux procès. Soit carrément monté de toute pièce, soit biaisé par des préjugés anti-juifs. Encore une fois, j'ai envie de croire en la bonne foi d'Émile. Ou en tout cas, de lui laisser une chance de se défendre. Et ça tombe bien. Parce qu'à défaut d'avoir pu retrouver les archives du procès, un article de presse du 13 novembre 1937 retranscrit certaines parties de la première audience, quand Émile est encore à Vienne.

  • Speaker #3

    Tableau de Hodler. Bon marché, mais pas authentique. L'ingénieur Émile Sokal, marchand d'art à Baden, et l'architecte Hans Sachs ont comparu hier devant le tribunal des jurés pour la vente de trois tableaux du peintre Kolomoser signé Ferdinand Hodler. En 1934, Hans Sachs a acheté trois tableaux, un nu et deux paysages, provenant de la succession du peintre Kolomother. Il les a ensuite vendus à un certain Safaric, qui n'a pas réussi à les vendre à son tour, alors il a fini par les revendre à perte au vendeur initial Hans Sachs. Hans Sachs se retrouvait donc avec trois tableaux de Mother qui restaient difficilement exploitables, quand soudain ils sont apparus comme des œuvres de Ferdinand Hodler. Il suffisait de faire apparaître le nom de Hodler dans un coin pour obtenir un prix beaucoup plus élevé.

  • Speaker #2

    Monsieur Sachs, qu'avez-vous à dire pour votre défense ?

  • Speaker #3

    L'architecte Hans Sachs a plaidé non coupable.

  • Speaker #4

    L'ingénieur Sokal est venu me voir et m'a dit qu'il avait un acheteur potentiel pour des tableaux modernes. Je lui ai remis les trois Colomoser et j'ai remarqué à ce moment-là qu'il portait la signature Ferdinand Hodler. Nous n'en avons pas parlé davantage. Je n'ai pas accordé d'importance à la signature Hodler parce qu'il portait aussi le cachet Colomoser au dos du tableau. Donc oui ! Je savais que les signatures de Hodler étaient fausses, mais Sokal le savait aussi.

  • Speaker #2

    Monsieur Sokal, le saviez-vous ? Mais non, ce n'est pas vrai. Je n'en avais aucune idée.

  • Speaker #0

    Vous avez su.

  • Speaker #1

    Silence,

  • Speaker #0

    vous devez être silence.

  • Speaker #2

    Un Hodler coûte 10 000 à 20 000 shillings. Trois Hodlers coûtent donc trois fois plus cher. Comment un marchand d'art comme vous, monsieur Sokal, peut-il donc vendre trois Hodlers pour 2 000 shillings ? S'il les considère comme authentiques ? Vous savez, moi je suis chimiste de formation. Je m'occupe surtout de tableaux anciens et je ne comprends pas grand chose aux tableaux modernes. Mais vous avez commis un acte de tromperie. À la demande de l'acheteuse, vous avez fourni une confirmation de l'authenticité. Ça n'était pas une confirmation de l'authenticité, mais seulement de l'origine. J'ai inventé le prétendu propriétaire précédent, Paytel. Mais je pensais que ce n'était qu'une formalité.

  • Speaker #3

    Lors du contre-interrogatoire, les deux accusés ont maintenu leur déclaration.

  • Speaker #2

    Alors, qui ment ? Et qui dit la vérité ? Quelle est la vérité ? Je n'ai aucune raison de mentir.

  • Speaker #4

    Je dis la vérité.

  • Speaker #0

    Dans ce procès, Emile joue la carte de la naïveté. S'est-il fait avoir par un sexe ? C'est vrai que bon, on ne peut pas, j'imagine, être à la fois ingénieur chimiste de formation, spécialiste de l'art religieux ancien, des statuettes en pierre précieuse et des tableaux de peintres modernistes. Ça fait quand même beaucoup. On dirait qu'Émile vendait plus par opportunisme que par réelle expertise. Mais il y a quand même un argument du procureur qui est assez pertinent. Si Émile pensait qu'ils étaient vrais, ces tableaux, il n'aurait pas demandé un prix si bas, même en n'y connaissant pas grand-chose. Il devait malgré tout connaître la valeur d'un hôdler. Je dois bien l'admettre, Émile n'a quand même pas l'air tout net dans cette affaire. Il a sans doute même l'air carrément coupable. Et le clou s'enfonce encore. Depuis le début de mon enquête, une historienne à Vienne m'aide dans mes recherches. Elle s'appelle Lucie Cotman. Elle est anglaise d'origine, mais a adopté Vienne comme sa ville de cœur. Elle est spécialisée dans le XIXe et le début du XXe siècle en Autriche. On échange régulièrement sur l'enquête, et elle s'est passionnée par Émile autant que moi. Et là, elle a découvert un nouvel élément. Cela ne concerne pas directement les tableaux. mais d'autres transactions dans lesquelles Émile était impliqué. Lucie sort d'un rendez-vous avec des chercheuses ayant étudié la vente d'objets religieux dans les monastères et qui ont mentionné Émile dans leurs recherches. Les chercheuses ont commencé à parler de la galerie pour laquelle Émile travaillait.

  • Speaker #5

    Tout d'abord, je n'ai pas retenu son nom. Mais le gars qui possédait les galeries Saint-Lucas était aussi une figure un peu douteuse. La première fois qu'elles ont vu Emile apparaître, c'était en 1907. Il a en fait fait des ventes illégales pour l'abbaye de la Sainte-Croix. Mais comme il s'agissait d'œuvres d'art et non de livres, elles ne l'ont pas vraiment examiné. Mais elles ont dit qu'il y avait des dossiers à l'Office national des monuments. Donc nous devrions regarder non seulement pour l'abbaye de la Sainte Croix,

  • Speaker #6

    mais aussi pour d'autres ordres religieux pour lesquels ils travaillaient.

  • Speaker #5

    Nous pourrions y retracer les ventes qu'ils faisaient et qui étaient illégales en gros.

  • Speaker #6

    Mais oui,

  • Speaker #5

    cette vente là-bas à l'abbaye de la Sainte Croix était illégale.

  • Speaker #6

    Elles ont également remarqué qu'Emile était...

  • Speaker #5

    toujours très secret sur ce qu'il faisait exactement avec les monastères. Je pense que nous l'avions déjà remarqué. Tu sais, le fait que nous avions toujours du mal à déterminer précisément son rôle, elles ont eu ce même problème.

  • Speaker #6

    Mais,

  • Speaker #5

    pour te rassurer, toutes ces falsifications, ces affaires louches, tout cela était en fait très courant à cette époque dans le marché des antiquités. Donc ce n'est pas seulement Émile, n'inquiète pas. C'était vraiment une chose courante à l'époque. Et elles vont m'envoyer des photos de documents d'archives de l'abbaye de la Sainte-Croix.

  • Speaker #0

    Après quelques recherches sur ces ventes dans les archives de l'Office des monuments, il apparaît que l'administration ne voyait pas Émile d'un bon oeil, car il tentait d'exporter certaines œuvres d'art à l'étranger, alors que l'Autriche souhaitait préserver son patrimoine national. Et de ce fait... Il n'obtenait pas toujours les autorisations nécessaires. D'après les chercheuses que Lucie a rencontrées, il semble aussi qu'il avait mis beaucoup de temps à remettre l'argent de la vente d'objets à un vendeur. Rien de vraiment accablant, mais c'est sûr qu'il n'était pas tout net. J'aimerais quand même avoir encore l'avis de Marie-Thérèse, qu'on a entendu à l'épisode 2, la femme de Raoul, deuxième fils d'Emile, et qui est la seule personne encore vivante à avoir connu Emile. Je me demande ce qu'elle pense de tout ça. Anne vous a raconté notre voyage à Vienne ? Oui, oui. Cette fois encore, je retrouve Marie-Thérèse en compagnie de sa fille, Anne. Et entre-temps, j'ai encore un peu fouillé. J'ai trouvé beaucoup plus d'articles sur l'histoire du procès d'Emile qui avait été jugé pour avoir faussé des signatures. Oui, oui. Et donc les articles disent qu'une personne, Anne Sachs, son prétendu acolyte, avait pu être jugé et enfermé parce que les autres accusés, dont Émile, avaient fui. Avaient fui. Il utilisait également le terme pour l'un et l'autre quand il parlait de ses collègues vendeurs ou quelque chose comme ça. Il disait avec son accent inimitable, évidemment, grand filou. Grand filou. Je l'entends encore. C'est comique parce que j'en parlais à l'historienne qui m'aide dans les recherches sur place. J'essayais de trouver des excuses à Émile. Ah ben oui ! Je disais, tiens, est-ce que ce serait possible qu'étant juif, on l'ait empêché de mener ses affaires correctement et que du coup, il était bien obligé de faire un peu le filou pour survivre et gagner sa vie parce qu'on l'a tellement bloqué de toutes les parts. Donc je disais à lui, si je cherche des excuses, est-ce que tu penses aussi cela ? Je crois quand même qu'Émile devait être un peu dodgy. grand filou et elle me dit mais je comprends pourquoi tu cherches des excuses c'est vrai que nous c'est notre ancêtre alors on a envie d'avoir une bonne image d'un autre côté ça ne le rend que plus sympathique d'une certaine manière je trouve Lors de l'audience finale, les accusés sont jugés coupables. Mais seule Anne Sachs est envoyée en prison, car Émile a entre-temps fui à Bruxelles. Nous sommes alors le 9 juin 1939. L'article de presse retrouvé dans le dossier de Maria date du lendemain, le 10 juin. Maria, elle, avait été amenée à la police quelques jours plus tôt, le 3 juin. Et de là, elle avait été emmenée à Amsteinhof. La chronologie des événements signifiait qu'elle ne pouvait pas avoir l'article sur elle lorsqu'elle est arrivée à Amsteinhof. Il n'était pas encore publié. Donc s'il était dans son dossier médical, c'était certainement à l'initiative d'un médecin ou d'une infirmière. Je ne pense pas qu'on puisse y voir la preuve que Maria aurait été enfermée par représailles envers son mari. On l'a vu, le dossier de Maria montrait qu'elle allait vraiment mal. Et d'ailleurs, l'approche du procès expliquait d'autant mieux son angoisse. Mais par contre, je crois que ça a pu aider le personnel médical à justifier des mauvais traitements, dans une ambiance de surpopulation et de dégradation des conditions à l'hôpital. Après tout, ce n'était que la femme d'un escroc juif. Mais le procès remet aussi totalement en cause les raisons du départ d'Emile hors d'Autriche. A-t-il fui parce qu'il était juif ? Parce qu'il avait aidé l'Église à vendre des objets religieux ? Ou parce qu'il allait être condamné ? Et surtout, cela pose la question, qui était vraiment Émile ? Un héros ou un escroc ? et de la Fondation pour la mémoire de la Shoah. Pour en savoir plus sur les recherches et sur le contexte historique, rendez-vous sur le compte Instagram La Malette Weft.

Description

Emil reste insaisissable. Alors que je pensais l’avoir enfin cerné, je découvre un article de presse dans le dossier médical de Maria, selon lequel il était accusé d’avoir faussé des tableaux. Et pas n'importe lesquels: des tableaux de grands peintres de la Sécession viennoise, Ferdinand Hodler et Koloman Moser. Plusieurs articles de presse me permettent de reconstituer le déroulement du procès. Pour m'aider à juger de la culpabilité d’Emil, je retrouve aussi Manu, Marie-Thérèse, et l’historienne Lucy Coatman qui m’aide dans mes recherches. 


* Erratum * A la minute 11'14'', comprendre "La première fois qu'elles ont entendu parler d'Emil, c'était en 1927" (et non 1907)


Avec les voix de Louise Barreau, Thibault Coeckelberghs, Maxime Lambrechts, Jean Minetto, Guillaume Sokal et Pierre Vangrootloon.


Pour suivre l'actualité du podcast La Mallette verte et pour des compléments d'informations sur l'enquête documentaire, rendez-vous sur le compte Instagram @LaMalletteVerte  


###

La Malette verte est une enquête familiale documentaire en 8 épisodes réalisée par Perrine Sokal, et produite par le GSARA ASBL avec le soutien du Fonds d'Aide à la création radiophonique de la Fédération Wallonie-Bruxelles et de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah.


Réalisation, écriture, recherches, communication: Perrine Sokal 

Montage, aide à la réalisation: Thibault Coeckelberghs 

Mixage: Maxime Thomas

Musique: Maxime Lhussier

Illustration: Clémentine Lénelle

Consultance historique: Lucy Coatman 


Malette verte • faussaires • faux tableaux • histoire de l'art • sécession viennoise • Ferdinand Hodler • Koloman Moser • documentaire • enquête • enquête documentaire • enquête historique • enquête familiale • Histoire familiale • secret de famille • enquête généalogique • Histoire • archives • juif • généalogie • seconde guerre mondiale • deuxième guerre mondiale • nazisme • nazis  • histoire de famille • Shoah


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    des contrefaçons vendus comme des peintures originales. Hier, le 9 juin 1939, le tribunal régional de Vienne, sous la présidence de son directeur, le docteur Prübel, a examiné une plainte pour escroquerie à l'encontre de l'architecte Hans Sachs, de son père, le restaurateur Beno Sachs, et du marchand d'art juif de l'Est, Émile Sokal. Les trois accusés auraient proposé et vendu des faux tableaux de grands maîtres en tant qu'originaux. Plusieurs circonstances suspectes laissent en effet supposer que Hans Sachs, Sokal et Beno Sachs ont mis sur le marché de l'art et vendu des faux tableaux peints par eux-mêmes ou achetés, en les faisant passer comme des œuvres d'art original de grands maîtres. L'article de presse trouvé dans le dossier médical de Maria, datant du 10 juin 1939, remet beaucoup de choses en question. Alors que j'avais l'impression d'avoir finalement cerné Emile, il m'échappe de nouveau. Mon arrière-grand-père était-il un escroc ? Avait-il falsifié des tableaux de grands peintres ? Ce procès change tout sur les raisons de son départ d'Autriche. La mallette verte. Une série de Perrine Seuckel. Épisode 7. Les faux tableaux. L'article retrouvé dans le dossier de Maria date de juin 1939. Mais le procès d'Émile a commencé deux ans plus tôt, en novembre 1937. Avec des complices, il aurait transformé des tableaux de Coloman Moser en tableaux de Ferdinand Hodler. Les deux peintres sont tous les deux des artistes réputés de la sécession viennoise. Ce mouvement artistique fondé par Gustav Klimt. Mais à l'époque, comme aujourd'hui d'ailleurs, Ferdinand Hodler valait plus que Coleman Moser. La Dupree était facile. Les deux peintres avaient un style similaire et Moser ne signait pas ses tableaux. Il ne restait donc plus qu'à ajouter la fausse signature de Hodler. Cela pouvait inspirer plus d'un escroc. Mais difficile de savoir si Émile était vraiment coupable sur la base d'un article de presse seulement. Dans les archives du ministère de la Justice en Autriche, aucune trace du procès. On m'a dit qu'elles avaient sans doute été détruites. On les aurait jugées trop peu importantes. On gardait plutôt les cas de meurtre ou liés au crime nazi. Mais cette affaire des faux tableaux, elle fait écho à une autre histoire intrigante au sujet d'Emile et que Manu m'avait racontée avant que je ne parte pour Vienne. L'histoire du Bouddha d'émeraude. Et cette histoire allait me mettre sur une piste.

  • Speaker #1

    Ah ah ah, so calme. Tu vois, on est bien organisé, en plan de classement, tu vois. Hop, on va dans Généalogie, Sokal Engel, Badener Zeitung, ah ici voilà, Der zweigroßte Smaragd der Welt in Baden Donc ça c'est un journal local de Baden ? Oui tout à fait, voilà ici, samstag 12 septembre 1931, donc c'est en 1931.

  • Speaker #0

    Donc à ce moment-là, Émile était antiquaire à Baden, c'est ça ?

  • Speaker #1

    Oui, ou marchand d'art en tout cas. Der zweigroßte Smaragd der Welt in Baden Le deuxième plus grand Smaragd émeraude au monde à Baden. Le grand-père Émile était allé à Vienne dans le magasin d'un antiquaire. Et donc on donne le nom de cet antiquaire. C'est là qu'arriva un homme qui avait besoin d'argent, qui se présenta comme un millionnaire qui venait de Chine et qui voulait vendre un Bouddha en émeraude.

  • Speaker #0

    Donc un Bouddha en émeraude, c'est-à-dire l'émeraude sculptée en forme de Bouddha.

  • Speaker #1

    C'est ça, oui. Il voulait 200 dollars, l'ingénieur Sokal inspecte avec une loupe le Bouddha, qui d'après lui était, jusqu'aux années 1700, un vrai manchurien. Il dit alors que c'est un vrai émeraude de Manchurie. Mais bon, par après, on n'en a plus beaucoup entendu parler. On se disait, mais qu'est-ce qui s'est passé avec ce Bouddha ? On aurait bien le retrouvé, on ne puisse que l'exposer pendant les fêtes de famille. Non. Mais par après, en cherchant, quelques années plus tard, j'ai trouvé un autre article qui apparemment disait que le Bouddha d'émeraude n'était naturellement pas en émeraude et que c'était une simple pierre qui ressemble, mais sans valeur. Est-ce que c'était un coup monté ? Est-ce que le soi-disant millionnaire qui arrivait là est un complice ? On joue le jeu et lui, il arrive juste au moment où on veut le vendre. On ne sait pas. Et qui dit, ah oui, il est vrai ceci, cela. Et tu te fais très beaucoup de publicité. Qui sait, tu revends peut-être même le bouddha d'émeraude qui n'a pas un vrai émeraude à un bon prix. Non, hein ?

  • Speaker #0

    Bref, j'en étais restée là avant de partir à Vienne. Et maintenant, je découvre que quelques années après l'histoire du bouddha d'émeraude, peut-être en faux, Émile est accusé d'avoir falsifié des signatures de peintre. Alors Manu m'a montré le site sur lequel il avait retrouvé l'article sur le bouddha à l'époque de ses recherches. C'est celui de la Bibliothèque nationale d'Autriche. Et là, en tapant simplement Émile Sokal dans le moteur de recherche, j'ai trouvé presque 20 articles sur le sujet, allant de 37 à 39. L'affaire avait fait grand bruit à l'époque. Et certains articles, surtout ceux datant de 39, avaient clairement des consonances antisémites.

  • Speaker #2

    Rediction massive de faux tableaux par une bande d'escrocs juifs. Les tableaux chers, ils ne presquent que vrai.

  • Speaker #3

    Les méthodes des marchands d'art juifs,

  • Speaker #0

    sableau de maître, médine vienna, les pirates du marché de l'art viennois. Vu la tonalité clairement antisémite de beaucoup d'articles, on peut se demander si Émile n'était pas victime d'un faux procès. Soit carrément monté de toute pièce, soit biaisé par des préjugés anti-juifs. Encore une fois, j'ai envie de croire en la bonne foi d'Émile. Ou en tout cas, de lui laisser une chance de se défendre. Et ça tombe bien. Parce qu'à défaut d'avoir pu retrouver les archives du procès, un article de presse du 13 novembre 1937 retranscrit certaines parties de la première audience, quand Émile est encore à Vienne.

  • Speaker #3

    Tableau de Hodler. Bon marché, mais pas authentique. L'ingénieur Émile Sokal, marchand d'art à Baden, et l'architecte Hans Sachs ont comparu hier devant le tribunal des jurés pour la vente de trois tableaux du peintre Kolomoser signé Ferdinand Hodler. En 1934, Hans Sachs a acheté trois tableaux, un nu et deux paysages, provenant de la succession du peintre Kolomother. Il les a ensuite vendus à un certain Safaric, qui n'a pas réussi à les vendre à son tour, alors il a fini par les revendre à perte au vendeur initial Hans Sachs. Hans Sachs se retrouvait donc avec trois tableaux de Mother qui restaient difficilement exploitables, quand soudain ils sont apparus comme des œuvres de Ferdinand Hodler. Il suffisait de faire apparaître le nom de Hodler dans un coin pour obtenir un prix beaucoup plus élevé.

  • Speaker #2

    Monsieur Sachs, qu'avez-vous à dire pour votre défense ?

  • Speaker #3

    L'architecte Hans Sachs a plaidé non coupable.

  • Speaker #4

    L'ingénieur Sokal est venu me voir et m'a dit qu'il avait un acheteur potentiel pour des tableaux modernes. Je lui ai remis les trois Colomoser et j'ai remarqué à ce moment-là qu'il portait la signature Ferdinand Hodler. Nous n'en avons pas parlé davantage. Je n'ai pas accordé d'importance à la signature Hodler parce qu'il portait aussi le cachet Colomoser au dos du tableau. Donc oui ! Je savais que les signatures de Hodler étaient fausses, mais Sokal le savait aussi.

  • Speaker #2

    Monsieur Sokal, le saviez-vous ? Mais non, ce n'est pas vrai. Je n'en avais aucune idée.

  • Speaker #0

    Vous avez su.

  • Speaker #1

    Silence,

  • Speaker #0

    vous devez être silence.

  • Speaker #2

    Un Hodler coûte 10 000 à 20 000 shillings. Trois Hodlers coûtent donc trois fois plus cher. Comment un marchand d'art comme vous, monsieur Sokal, peut-il donc vendre trois Hodlers pour 2 000 shillings ? S'il les considère comme authentiques ? Vous savez, moi je suis chimiste de formation. Je m'occupe surtout de tableaux anciens et je ne comprends pas grand chose aux tableaux modernes. Mais vous avez commis un acte de tromperie. À la demande de l'acheteuse, vous avez fourni une confirmation de l'authenticité. Ça n'était pas une confirmation de l'authenticité, mais seulement de l'origine. J'ai inventé le prétendu propriétaire précédent, Paytel. Mais je pensais que ce n'était qu'une formalité.

  • Speaker #3

    Lors du contre-interrogatoire, les deux accusés ont maintenu leur déclaration.

  • Speaker #2

    Alors, qui ment ? Et qui dit la vérité ? Quelle est la vérité ? Je n'ai aucune raison de mentir.

  • Speaker #4

    Je dis la vérité.

  • Speaker #0

    Dans ce procès, Emile joue la carte de la naïveté. S'est-il fait avoir par un sexe ? C'est vrai que bon, on ne peut pas, j'imagine, être à la fois ingénieur chimiste de formation, spécialiste de l'art religieux ancien, des statuettes en pierre précieuse et des tableaux de peintres modernistes. Ça fait quand même beaucoup. On dirait qu'Émile vendait plus par opportunisme que par réelle expertise. Mais il y a quand même un argument du procureur qui est assez pertinent. Si Émile pensait qu'ils étaient vrais, ces tableaux, il n'aurait pas demandé un prix si bas, même en n'y connaissant pas grand-chose. Il devait malgré tout connaître la valeur d'un hôdler. Je dois bien l'admettre, Émile n'a quand même pas l'air tout net dans cette affaire. Il a sans doute même l'air carrément coupable. Et le clou s'enfonce encore. Depuis le début de mon enquête, une historienne à Vienne m'aide dans mes recherches. Elle s'appelle Lucie Cotman. Elle est anglaise d'origine, mais a adopté Vienne comme sa ville de cœur. Elle est spécialisée dans le XIXe et le début du XXe siècle en Autriche. On échange régulièrement sur l'enquête, et elle s'est passionnée par Émile autant que moi. Et là, elle a découvert un nouvel élément. Cela ne concerne pas directement les tableaux. mais d'autres transactions dans lesquelles Émile était impliqué. Lucie sort d'un rendez-vous avec des chercheuses ayant étudié la vente d'objets religieux dans les monastères et qui ont mentionné Émile dans leurs recherches. Les chercheuses ont commencé à parler de la galerie pour laquelle Émile travaillait.

  • Speaker #5

    Tout d'abord, je n'ai pas retenu son nom. Mais le gars qui possédait les galeries Saint-Lucas était aussi une figure un peu douteuse. La première fois qu'elles ont vu Emile apparaître, c'était en 1907. Il a en fait fait des ventes illégales pour l'abbaye de la Sainte-Croix. Mais comme il s'agissait d'œuvres d'art et non de livres, elles ne l'ont pas vraiment examiné. Mais elles ont dit qu'il y avait des dossiers à l'Office national des monuments. Donc nous devrions regarder non seulement pour l'abbaye de la Sainte Croix,

  • Speaker #6

    mais aussi pour d'autres ordres religieux pour lesquels ils travaillaient.

  • Speaker #5

    Nous pourrions y retracer les ventes qu'ils faisaient et qui étaient illégales en gros.

  • Speaker #6

    Mais oui,

  • Speaker #5

    cette vente là-bas à l'abbaye de la Sainte Croix était illégale.

  • Speaker #6

    Elles ont également remarqué qu'Emile était...

  • Speaker #5

    toujours très secret sur ce qu'il faisait exactement avec les monastères. Je pense que nous l'avions déjà remarqué. Tu sais, le fait que nous avions toujours du mal à déterminer précisément son rôle, elles ont eu ce même problème.

  • Speaker #6

    Mais,

  • Speaker #5

    pour te rassurer, toutes ces falsifications, ces affaires louches, tout cela était en fait très courant à cette époque dans le marché des antiquités. Donc ce n'est pas seulement Émile, n'inquiète pas. C'était vraiment une chose courante à l'époque. Et elles vont m'envoyer des photos de documents d'archives de l'abbaye de la Sainte-Croix.

  • Speaker #0

    Après quelques recherches sur ces ventes dans les archives de l'Office des monuments, il apparaît que l'administration ne voyait pas Émile d'un bon oeil, car il tentait d'exporter certaines œuvres d'art à l'étranger, alors que l'Autriche souhaitait préserver son patrimoine national. Et de ce fait... Il n'obtenait pas toujours les autorisations nécessaires. D'après les chercheuses que Lucie a rencontrées, il semble aussi qu'il avait mis beaucoup de temps à remettre l'argent de la vente d'objets à un vendeur. Rien de vraiment accablant, mais c'est sûr qu'il n'était pas tout net. J'aimerais quand même avoir encore l'avis de Marie-Thérèse, qu'on a entendu à l'épisode 2, la femme de Raoul, deuxième fils d'Emile, et qui est la seule personne encore vivante à avoir connu Emile. Je me demande ce qu'elle pense de tout ça. Anne vous a raconté notre voyage à Vienne ? Oui, oui. Cette fois encore, je retrouve Marie-Thérèse en compagnie de sa fille, Anne. Et entre-temps, j'ai encore un peu fouillé. J'ai trouvé beaucoup plus d'articles sur l'histoire du procès d'Emile qui avait été jugé pour avoir faussé des signatures. Oui, oui. Et donc les articles disent qu'une personne, Anne Sachs, son prétendu acolyte, avait pu être jugé et enfermé parce que les autres accusés, dont Émile, avaient fui. Avaient fui. Il utilisait également le terme pour l'un et l'autre quand il parlait de ses collègues vendeurs ou quelque chose comme ça. Il disait avec son accent inimitable, évidemment, grand filou. Grand filou. Je l'entends encore. C'est comique parce que j'en parlais à l'historienne qui m'aide dans les recherches sur place. J'essayais de trouver des excuses à Émile. Ah ben oui ! Je disais, tiens, est-ce que ce serait possible qu'étant juif, on l'ait empêché de mener ses affaires correctement et que du coup, il était bien obligé de faire un peu le filou pour survivre et gagner sa vie parce qu'on l'a tellement bloqué de toutes les parts. Donc je disais à lui, si je cherche des excuses, est-ce que tu penses aussi cela ? Je crois quand même qu'Émile devait être un peu dodgy. grand filou et elle me dit mais je comprends pourquoi tu cherches des excuses c'est vrai que nous c'est notre ancêtre alors on a envie d'avoir une bonne image d'un autre côté ça ne le rend que plus sympathique d'une certaine manière je trouve Lors de l'audience finale, les accusés sont jugés coupables. Mais seule Anne Sachs est envoyée en prison, car Émile a entre-temps fui à Bruxelles. Nous sommes alors le 9 juin 1939. L'article de presse retrouvé dans le dossier de Maria date du lendemain, le 10 juin. Maria, elle, avait été amenée à la police quelques jours plus tôt, le 3 juin. Et de là, elle avait été emmenée à Amsteinhof. La chronologie des événements signifiait qu'elle ne pouvait pas avoir l'article sur elle lorsqu'elle est arrivée à Amsteinhof. Il n'était pas encore publié. Donc s'il était dans son dossier médical, c'était certainement à l'initiative d'un médecin ou d'une infirmière. Je ne pense pas qu'on puisse y voir la preuve que Maria aurait été enfermée par représailles envers son mari. On l'a vu, le dossier de Maria montrait qu'elle allait vraiment mal. Et d'ailleurs, l'approche du procès expliquait d'autant mieux son angoisse. Mais par contre, je crois que ça a pu aider le personnel médical à justifier des mauvais traitements, dans une ambiance de surpopulation et de dégradation des conditions à l'hôpital. Après tout, ce n'était que la femme d'un escroc juif. Mais le procès remet aussi totalement en cause les raisons du départ d'Emile hors d'Autriche. A-t-il fui parce qu'il était juif ? Parce qu'il avait aidé l'Église à vendre des objets religieux ? Ou parce qu'il allait être condamné ? Et surtout, cela pose la question, qui était vraiment Émile ? Un héros ou un escroc ? et de la Fondation pour la mémoire de la Shoah. Pour en savoir plus sur les recherches et sur le contexte historique, rendez-vous sur le compte Instagram La Malette Weft.

Share

Embed

You may also like