- Speaker #0
Sacem Université présente la petite musique du cerveau.
- Speaker #1
Les gens ont souvent tendance à penser que dans les services de réanimation, les enfants étant trop malades, entre guillemets, trop sous médicaments, ils ne vont pas bénéficier de ce type d'intervention. Au contraire, c'est ce qui permet encore plus de redonner un sens positif à leur séjour chez nous.
- Speaker #2
La musique est un élément de participation de la société dans cet univers clos et violent. Donc le service s'ouvre.
- Speaker #3
On a des instants extraordinaires quand il y a des musiciens, on voit les capteurs au niveau de tout ce qui est tension, coeur, etc. Tout s'apaise. Il arrive parfois qu'on a des musiciens violonistes : on ouvre les portes de chaque chambre quand c'est possible au niveau hygiène. Donc ils jouent de violon dans le couloir et là, mais... Enfin, tout prend une autre dimension.
- Speaker #4
Vous l'aurez compris, notre destination aujourd'hui, c'est un service de réanimation pédiatrique. Mais pas n'importe lequel. Le service de réanimation pédiatrique et surveillance continue de l'hôpital Necker à Paris. Autant vous le dire tout de suite. Rien ne prépare à un service de réanimation pédiatrique. À Necker, les murs sont couleur pastel, on y voit les lutins, les coccinelles, les princesses. Mais ça reste un service de réanimation. Les enfants qui y sont accueillis ont tous des pathologies diverses. Ils sont gravement malades. Et pour vivre, ils ont besoin de soins pluriquotidiens, souvent lourds et douloureux. Certains ne peuvent pas survivre sans l'aide d'une machine. Et pourtant, une fois par semaine, ce service, habituellement fermé, se métamorphose. On y voit déambuler les musiciens avec leurs instruments et leurs partitions. Parfois ils jouent dans les chambres, parfois aux portes ou dans les couloirs. Des duos de musique classique, des solos de guitare. Parfois même des ateliers de beatbox. Depuis peu, la musique est devenue une priorité dans le projet thérapeutique des équipes, y compris dans les soins palliatifs des enfants en fin de vie. Ce jour-là, j'ai rendez-vous avec Katia Fonbert, éducatrice de jeunes enfants. Après une première vie comme professeure de théâtre, Katia a décidé de se consacrer à l'accompagnement des enfants malades. Elle est dans le service depuis deux ans et c'est elle qui a eu l'idée de faire venir les musiciens.
- Speaker #3
Je m'appelle Katia Fonbert, je suis éducatrice de jeunes enfants au sein du service d'animation et surveillance continue médico-chirurgicale de l'hôpital Necker depuis un an. En tout cas, la façon dont je perçois mon rôle d'éducateur, c'est d'ouvrir la porte de l'hôpital pour que l'enfant soit avant tout enfant. Et pour moi, le mental est donc extrêmement important, les émotions sont extrêmement importantes. Et c'est là-dessus que je vais travailler dans tous mes projets. mes projets de vie, mes projets de pédagogie. Mais quoi qu'il en soit, il y a toujours la musique. La musique est très demandée, elle véhicule les émotions, elle permet aux parents beaucoup de lâcher prise. Et dès qu'il y a un musicien, le matin, je fais mon accueil quotidien dans chaque chambre et puis je leur dis, en fonction des enfants et du suivi que je souhaite faire, de ce que je souhaite observer, si j'ai l'impression que ça peut amener un bien-être, je propose.
- Speaker #4
Dans les couloirs, nous retrouvons Lucas Henry et Lorraine Compet, deux jeunes contrebassistes de l'Orchestre Philharmonique de Radio France. Ce n'est pas leur premier concert dans le service. Ils ont l'habitude de monter des programmes adaptés à chaque enfant et à chaque situation. Cet après-midi-là, ils sont surequipés. En plus de leurs deux contrebasses, ils sont venus avec un violon et une mandoline pour pouvoir varier au maximum les morceaux proposés aux enfants. Lucas Henry.
- Speaker #5
C'est assez évident la nécessité de faire ça, dans le sens où s'il y a bien un endroit où les gens sont disponibles et ont besoin de musique et d'ailleurs de toute autre forme d'art, c'est dans ce genre de contexte. Du coup, c'est des moments assez forts émotionnellement. Et dis donc, de façon assez égoïste, il y a quelque chose aussi de satisfaisant dans le fait de se sentir utile, de savoir à quel point le partage musical a du sens dans ce contexte.
- Speaker #4
Derrière une porte, un petit garçon qui souffre d'une maladie génétique rare. Il est souvent hospitalisé et adore le passage des musiciens. La séance commence par la présentation des instruments et un petit quiz musical s'improvise. La séquence ne dure que quelques minutes, mais l'enfant en redemande. Les musiciens ne peuvent pas rester parce que d'autres enfants attendent. Seulement une petite dizaine pourra profiter du mini-concert dans la chambre. Les autres devront attendre le prochain passage dans une semaine. Pour le chef de service, Sylvain Ronolo, la musique n'est pas qu'un simple divertissement. Elle ramène à la vie normale.
- Speaker #1
Les gens ont souvent tendance à penser que dans les services de réanimation, les enfants étant trop malades, entre guillemets, trop sous médicaments, ils ne vont pas bénéficier de ce type d'intervention. Au contraire, c'est ce qui permet encore plus de redonner un sens positif à leur séjour chez nous. Alors il y a deux aspects des choses, c'est-à-dire que les enfants étant pour souvent endormis, n'ont pas le loisir de choisir quelle musique on... On peut leur proposer et donc régulièrement, on passe de la musique dans les chambres. Mais c'est une écoute passive. Depuis quelques temps maintenant, et depuis que Katia fait partie de l'équipe, on a une approche différente de participation entre le musicien, l'enfant et ses parents, qui, à mon avis, a plusieurs vertus, pas faciles à prouver, mais identifiables au jour le jour. Alors la façon dont on le fait est souvent une façon ludique, avec une interaction entre le musicien et l'enfant. Donc c'est à la fois un jeu et à la fois le plaisir de la musique.
- Speaker #4
David Thésaurier travaille avec l'association Live Music Now France. Il vient régulièrement proposer des ateliers de beatbox aux enfants dans le service du professeur Ronolo. Je lui demande ce que le fait d'impliquer les enfants leur apporte de plus.
- Speaker #6
Il y a deux cas de figure. Il y a le côté musical et le côté thérapeutique. Déjà pour leur faire un petit peu oublier l'état dans lequel ils sont. Parce que c'est vrai, quand on est seul dans une chambre d'hôpital, on peut avoir tendance à être focalisé sur la douleur ou une souffrance qu'on a, et les parents des fois aussi. Du coup, on fait une activité musicale, donc je présente mon art. Et ensuite, j'incite les enfants et les parents à participer en leur apprenant à faire quelques sons. Donc des fois, on a des sourires, ils sont égayés et ils oublient un petit peu l'état de souffrance, la douleur. Des fois, ils oublient même les soins.
- Speaker #1
Ça, c'est la partie qu'on aimerait prouver et qui est difficile à prouver. On pense qu'on peut soulager une partie de la douleur, qu'on peut... Calmer un rythme cardiaque, régulariser une fréquence cardiaque, jouer sur la pression artérielle, jouer sur le confort alors que l'enfant est sous machine pour respirer. Ça, c'est des choses qui sont très difficiles à prouver, mais qu'on constate physiquement quand on apporte de la musique aux enfants. Et je pense que dans la partie art-thérapie, la musique a vraiment une... Une place très importante pour lutter contre la douleur, pour lutter contre l'anxiété qui est liée à la présence de l'enfant dans une chambre de réanimation, à la fois pour l'enfant mais aussi je pense pour les parents.
- Speaker #4
Pour lutter contre l'anxiété et les douleurs chroniques à l'hôpital, mais aussi pour soutenir les soins lourds, la musique est utilisée de plus en plus souvent dans différents contextes cliniques, auprès des enfants de tout âge, mais aussi auprès des adultes, en gériatrie, en soins palliatifs, en oncologie ou avec les grands brûlés. Et ce n'est pas nouveau. Entre les années 1960 et 2010, plus de 200 publications scientifiques ont démontré l'intérêt croissant des interventions musicales dans la prise en charge de la douleur et dans l'amélioration de la qualité de vie à l'hôpital. Certaines recherches démontrent que l'accompagnement des patients par la musique permet de diminuer les coûts des traitements antalgiques et anxiolytiques jusqu'à 30%. Sur le plan psychothérapeutique, elle améliore la communication et réduit les troubles du comportement d'un bon nombre de pathologies. Mais comment le fait-elle ? Tout simplement en stimulant la production d'endorphines, ces antidouleurs naturelles, et de la dopamine, un neurotransmetteur plus connu comme la molécule du bonheur qui inonde notre cerveau lorsqu'on croque, par exemple dans un carré de chocolat. Mais lorsqu'on éprouve une douleur vive, comment notre cerveau fait-il pour l'oublier en écoutant de la musique ? Réponse avec Michel Dib, neurologue à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris.
- Speaker #0
On a observé d'une façon complètement empirique l'effet de la musique. Alors, on a essayé de réfléchir en tant que chercheur sur ça. Ça m'amène à un sujet qui m'est très cher, qui est le sujet de l'hypnose. Parce que dans l'hypnose, vous êtes concentré sur un seul sens, un des cinq sens. Le fait que vous rentrez par ce sens-là, votre conscient complètement perturbé, il ne comprend pas où sont partis les quatre sens. sens donc il fait appel à l'inconscient qui vient à son secours et cet inconscient vous met dans un état quand il domine l'être humain il le met dans un état hypnotique et on apporte des capacités cachées dans le corps que le conscient ne peut pas apporter la musique va vous faire cet effet là c'est à dire vous coupez tous vos autres sens vous êtes concentré avec le son Donc vous avez une capacité de changement énorme qui rend de vous quelqu'un de différent. C'est beaucoup d'observations dans la douleur également, je crois que ça marche un peu. Mais je regrette le fait qu'on n'a pas fait d'études vraiment bien contrôlées pour vérifier les bienfaits de la musique, donc quelles maladies on peut utiliser. Si vous partez du fait que la musique est une forme d'hypnose, vous savez qu'on opère sous hypnose. On fait des opérations, ce qu'on appelle les petites chirurgies, une chirurgie dentaire, des chirurgies uniquement en remplaçant l'anesthésie par l'hypnose. Donc ça ne m'étonne pas qu'on puisse, sur une musique qui est une forme d'hypnose, réaliser aussi des soins difficiles ou qui peuvent être parfois douloureux.
- Speaker #4
Et si aujourd'hui les équipes défendent le projet thérapeutique de la musique, c'est suite à l'accompagnement d'une petite fille, aujourd'hui décédée. Le médecin du service Laurent Dupic et Katia Fombert me racontent cette rencontre.
- Speaker #2
La musique, au début, je la vivais comme quelque chose d'assez périphérique. Et maintenant, on travaille beaucoup avec les musiciens. Une des histoires, ou l'histoire qui a permis de cristalliser cette réflexion, c'est l'histoire d'Emma. Emma, elle avait une maladie cutanée. Sa maladie cutanée se dégradait et... pour pouvoir assurer les soins de sa peau, il fallait continuer à lui faire des pansements dans des conditions de plus en plus lourdes. Et que ces conditions-là ne peuvent être faites que dans le service. Il faut imaginer qu'elle était complètement recouverte, l'ensemble du corps était recouvert de pansements. Donc pour pouvoir le faire, il fallait tout enlever et tout refaire. Il fallait lui faire un bain, il fallait l'endormir profondément et ça ne pouvait se faire que dans le service vu que le niveau d'endormissement était très élevé. Et au bout du compte, c'est... Elle m'a montré l'importance de la musique parce qu'elle était chanteuse et adorait la musique. La musique pour les pansements était un sas qui lui permettait de pouvoir accepter ce qui allait se passer. Elle me demandait des morceaux de musique. Ça, pour moi, c'était déjà incroyable.
- Speaker #3
Emma avait deux passions, chanter, la musique et les chevaux. Elle n'avait pas un thème ou un chanteur particulier. Sinon, elle gérait nous pour ses soins, mais sinon, elle aimait tout. Donc j'apportais le plus de choses possibles pour aussi découvrir. Et petit à petit, l'état d'Emma était de plus en plus fatigué, fatigable. Et il arrivait de très nombreuses fois où je rentrais dans la chambre, dans la pénombre, et elle était allongée. Elle me dit « Oui, Cathy, avec une petite voix et un masque, j'ai un musicien qui arrive, est-ce que tu aurais envie ? » Et elle se redressait dans le lit. Mais même les médecins, les psychologues, personne ne comprenait. C'est un zébulon qui retrouve. une force d'un seul coup de vie, elle se redressait. Oui, carrément, on y va. Et j'étais partie pour deux, trois heures. Deux secondes après, on se dit, on ne sait même pas s'il y a pas passé la nuit. C'était fou.
- Speaker #2
On voyait que la manière de rentrer pouvait avoir un impact sur le niveau des médicaments qu'on utilisait. C'est quelque chose qu'on connaît, que la musique permet de pouvoir réduire la perception de la douleur, même si on ne l'utilise pas, elle cristallisait ça de manière très pertinente. Et après, j'ai découvert qu'elle adorait chanter. Et la musique constituait clairement un moment à part, un moment différent qui lui permettait clairement de porter sa mère, de porter sa maladie, oui. Et donc là, la musique, dans son élaboration, dans son interaction, devient un élément du soin, du projet thérapeutique.
- Speaker #3
J'ai demandé à Mélanie Rouleau, qui était coordinatrice du pôle culturel, de voir si elle pouvait faire revenir l'orchestre philharmonique. Ce jour-là, juste au même moment, il y avait Live Music Now qui était là avec David, Thésaurier. David a commencé son intervention, a pu faire du beatbox avec l'équipe, les soignants, tout le monde venait dans la chambre pour chanter avec elle. L'orchestre philharmonique, ils sont venus à quatre, trois violons et une violoncelliste. Ils avaient préparé la veille, je leur avais envoyé les chansons qu'ils avaient envie de chanter, des chansons de Disney. Ils sont arrivés peut-être une demi-heure avant dans cette salle, ils ont fait une petite répétition. J'ai demandé à David s'il souhaitait participer, pourquoi pas, beatbox et musique classique, on y va. Ils ont répété ensemble cinq minutes, ils sont partis dans la chambre avec les accords des médecins bien sûr. Et là, Emma était extrêmement faible, on était vraiment sur les derniers jours. On est rentrés, pareil, zébulons. On a pu installer un micro près d'elle. Moi, je me suis vraiment installée collée au lit. On a revêtis les masques, les blouses et on a commencé. Elle a commencé à chanter d'une voix un peu faible et d'un seul coup, c'est devenu quelque chose de merveilleux entre les sourires de la maman, Emma qui était sur un instant magique et une bulle. C'est-à-dire que ça a duré plus de deux heures et demie. La musique était essentielle à ce moment-là et c'est là que c'est devenu aussi pour moi une priorité de projet au sein de ce service. A partir de cette histoire-là. que moi j'ai élaboré cette réflexion-là. Et puis maintenant, tout l'enjeu, c'est de savoir comment est-ce qu'on peut positionner la musique dans d'autres domaines.
- Speaker #1
Alors, nous avons le souhait de faire des travaux de recherche à propos de cette thématique-là. Il y en a déjà eu par le passé, et les preuves tangibles sont toujours difficiles à mettre en évidence. Moyennant quoi, ça ne nous arrêtera pas. même si nous n'arrivons pas à faire de la recherche et à donner des preuves mais il suffit de quelques enfants qui pendant leur séjour chez nous pendant le passage des musiciens que ce soit la beatbox, que ce soit la musique classique que ce soit toute autre forme de proposition qui participent, qui sourient, qui chantent ça c'est un bonheur pour nous
- Speaker #3
On a des... Des instants extraordinaires, quand il y a des musiciens, on voit les capteurs, tout ce qui va être tension, cœur, etc. Tout s'apaise. Il arrive parfois qu'on a des musiciens, violonciers, etc. On ouvre les portes de chaque chambre de l'Oréal quand c'est possible, au niveau hygiène. Et donc, ils jouent du violon dans le couloir. Et là, tout prend une autre dimension.
- Speaker #4
C'était La Petite Musique du cerveau, un podcast de SACEM Université. Merci à Katia Fombert, Sylvain Ronolo, Laurent Lepic, Lucas Henry, Lorraine Compet, David Thésaurier, Michel Dib et Studio Time pour la réalisation. Dans le prochain épisode, on va chanter à l'oreille des bébés. À bientôt !