La magie de la musique : Percujam et l'épanouissement social des personnes autistes cover
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La petite musique du cerveau

La magie de la musique : Percujam et l'épanouissement social des personnes autistes

La magie de la musique : Percujam et l'épanouissement social des personnes autistes

22min |02/10/2020
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Description

Sept adultes autistes et six éducateurs forment Percujam, un groupe de musique unique qui permet aux adultes autistes de dépasser leur handicap.

Intervenants : Laurent Milhem, éducateur et Catherine Allier, ancienne éducatrice et tous les résidents du foyer d'accueil médicalisé Alternat à Antony.


Pour en savoir plus :
Le site officiel de Percujam
Film documentaire sur le groupe


Un podcast de Sacem Université et France Musique - 2021 


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Sacem Université présente la petite musique du cerveau. Bonjour, je m'appelle Laurent Millem. Bonjour, je m'appelle Susanna.

  • Speaker #1

    Laurent Millem est éducateur spécialisé et chef de service au foyer d'accueil spécialisé Alterna à Antony en région parisienne. Laurent est aussi musicien. Sa mission, c'est d'encadrer un projet unique en France. Un groupe de musique composé de personnes autistes et d'éducateurs spécialisés baptisés Percujam. Deux fois par semaine, les musiciens de Percujam se réunissent dans le studio de répétition du foyer pour jouer la musique qu'ils ont co-composée ensemble. Ce lundi-là, Laurent m'a proposé d'y assister. Dans le petit salon, les musiciens arrivent. On se salue, on échange des nouvelles du week-end. Je fais le tour des lieux.

  • Speaker #0

    On a trois maisons aussi.

  • Speaker #2

    D'accord.

  • Speaker #1

    Voilà.

  • Speaker #0

    sa maison avec le projet musical. Et puis ensuite, il y a les deux autres maisons, mais il y a des projets un peu différents, selon les maisons. Et ce lieu, c'est le lieu central. En tout cas, le projet principal ici, c'est d'accueillir des jeunes sur l'internat, donc avec un hébergement, des adultes autistes en grande difficulté, et qu'ils aient un projet de vie. Donc après, les projets de vie, selon les maisons, sont différents.

  • Speaker #2

    Juste en précisant peut-être l'âge des personnes.

  • Speaker #0

    Bien sûr, on les accueille à partir de 20 ans. quand ils sont adultes. Et puis après, il n'y a pas de limite d'âge, puisqu'ils sont ici chez eux, et puis ils peuvent vieillir ici ou partir ailleurs, bien sûr, s'ils ont un autre projet. Ils ne sont pas condamnés à rester ici.

  • Speaker #2

    Quel est le principe ? Ils dorment ici ? Ils sont résidents ou ils vivent ici ?

  • Speaker #0

    Ils vivent ici. Ils vivent ici. Ils ont leurs activités à la journée. Ils ont chacun un projet personnalisé, individualisé en fonction de ce qu'ils ont à travailler. Et on établit un planning d'activités pour la journée. Alors, ils ont une réunion tous les matins où on leur précise les activités qu'ils ont. Avec des pictos, des repères, pour redire tout ce qui est la date, le temps, quelle journée, etc. Par exemple, cette semaine, on part deux jours à Quimper. Ils le savent déjà, mais on leur dit les choses. Ça, c'est important aussi pour eux en termes de repères. Et puis ensuite, on commence la répétition.

  • Speaker #2

    Tout a commencé avec un atelier de musique improvisé pendant une pause café il y a 20 ans. Des premiers concerts devant le public des parents, jusqu'aux premières dates au milieu médico-social. Au bout de 10 ans, PercuJam a pris de l'ampleur. Le projet AlterNotes est né, qui visait à intégrer d'autres jeunes adultes autistes, venus d'ailleurs. qui avaient des compétences musicales. Deux décennies plus tard, Percujam a enregistré trois albums et il a tourné partout en France et à l'étranger. Le groupe a joué avec M, Calogero ou Grand Corps Malade sur la scène du Zénith et à l'Olympia. Son aventure a été racontée d'ailleurs dans un documentaire sorti en 2018. Certains des musiciens, autistes et éducateurs y sont depuis les débuts comme Laurent Milème qui est aussi un des fondateurs.

  • Speaker #0

    Il y a 7 résidents, 7 jeunes qui ont entre 20 et 40, mais ils sont plutôt quand même entre 20 et 30. Et puis on a Raphaël qui est notre aîné. Et puis ils sont encadrés de 6 éducateurs musiciens. Donc ça fait un groupe d'à peu près 13 personnes. Plus le personnel technique, il y a moins de personnes avec nous. On est à peu près 15 quand on... Vous voyez, on parlait de Quimper tout à l'heure. voilà ça fait à peu près deux camions qui se promènent pour aller danser dans ces concerts.

  • Speaker #2

    Et ils sont dans la groupe depuis combien de temps ?

  • Speaker #0

    Ça dépend, parce que l'histoire a 20 ans, donc il y en a qui sont là depuis le début, on en a trois, et puis à partir du moment où il y a eu le projet Alternote, il y a d'autres résidents qui sont arrivés, parce qu'ils savaient que ce projet allait se faire, ils avaient ces compétences, et ils avaient aussi l'âge d'être orientés, donc ils sont venus ici. en tant que résident aux femmes alternat. Et c'est un peu le deuxième percujam, j'ai envie de dire. Et ça, c'était il y a dix ans. C'est là qu'on a eu le temps de construire un petit peu plus avec eux et que les scènes se sont encore un petit peu plus développées.

  • Speaker #2

    Donc, ils forment un groupe. Quels sont les instruments joués ? Est-ce qu'ils choisissent ? Comment ils sont formés ?

  • Speaker #0

    C'est en fonction de leurs compétences. Donc, la formation, elle est tout à fait classique, comme un groupe de musique classique, c'est-à-dire avec des jeunes guitaristes, canistes. Bateur, bassiste, chanteur et choriste.

  • Speaker #2

    Donc si on sait, pour la plupart les gens, Les gens qui connaissent un peu l'autisme, ils savent que les autistes ont très souvent des compétences musicales, une sensibilité musicale particulière. Par contre, ce qui est contradictoire, c'est un projet de scène finalement, qui est devenu un projet médiatisé, donc une exposition qui est tout à fait inhabituelle quand on parle du spectre autistique.

  • Speaker #0

    Alors avant d'en arriver à ça, il y a eu un long chemin, quand même. Parce qu'au tout début, c'est un groupe qui est né dans une activité, au sein d'une activité purement institutionnelle, et puis qui a pris de l'ampleur. Donc après, il a fallu un premier public, ça a été leurs parents. Quand on a vu en tout cas ce que ça pouvait dégager au niveau de leurs parents, effectivement, après, on s'est dit, pourquoi ne pas faire un petit peu plus encore ? Mais la scène, j'ai envie de dire, n'est que la conséquence de la musique qu'ils jouent. Et puis eux, ils jouent. essentiellement pour être sur scène. Donc tout ça, ça fait une espèce d'émulsion d'énergie qui fait qu'ils se surpassent pour pouvoir être sur scène, ils surpassent leurs difficultés, c'est ce qui rend le travail intéressant. Il ne faut jamais oublier, parce que vous dites que il y a la finalité, il y a la scène, il y a la médiatisation, pas du tout. Il ne faut pas oublier que ici, ils ont avant tout un projet de vie. Un projet de vie, ça veut dire travailler sur les difficultés qu'ils ont. Donc la musique les aide, mais évidemment, il n'y a pas que. C'est-à-dire qu'ils ont besoin de s'épanouir dans du sport, dans des maintiens cognitifs pour tous ceux qui, par exemple, ont des compétences scolaires, sur tout ce qui est communication, communiquer. On en a qui sont moins verbaux, qui vont être très écolaliques. La musique est loin d'être occupationnelle. Déjà parce que je vous dis, avant d'en arriver à ça, il fallait déjà repérer leurs compétences et surtout leur attrait. Le pari à la base avec eux, c'était que c'est des résidents. On dit souvent que dans l'autisme, ils sont renfermés sur eux, il y a peu d'appétence, etc. Quand on a vu qu'ils aimaient la musique et essentiellement ça, on s'est dit on va appuyer dessus, pour qu'ils puissent s'ouvrir à d'autres choses après. Et c'est ce qui s'est passé pour eux. Mais ça, il a fallu 20 ans. Il ne faut pas oublier, moi c'est ce que je dis souvent, que quand ils sont à l'Olympia, parce qu'ils ont fait l'Olympia, et que c'est un très beau projet, et que ça fait une grosse émulsion, autant pour les jeunes que pour les éducateurs, les éducateurs n'oublient jamais que le lendemain à 7h du matin ils seront levés aussi avec ces résidents là

  • Speaker #1

    Que les différents sont les mêmes dans tous les pays. Mais nous sommes les garants d'un monde qui court à l'oubli. Les armes de la tolérance sont bien sur scène ici.

  • Speaker #2

    Les garçons et filles sont tous autistes, mais ils ne se ressemblent pas. L'autisme est un spectre. Certains sont non-verbaux. D'autres s'expriment sans difficulté, mais ils ont en commun une communication et les relations sociales alterées. Difficile dans ce contexte de décoder leur perception du monde, comme le raconte Catherine Allier, éducatrice spécialisée aujourd'hui à la retraite, mais qui a assisté à la naissance de Percujam il y a 20 ans.

  • Speaker #1

    Quand on n'a que 15 jeunes, on peut faire de la dentelle, c'est-à-dire avoir un projet pour chacun d'eux. Et le groupe Percujam, c'est l'histoire de cette aventure-là. Il y avait deux éducateurs qui étaient en train de prendre leur café et ils étaient musiciens tous les deux. Et il y en avait un qui grattait la guitare et l'autre qui devait avoir son accordéon, quelque chose comme ça. Et on s'est rendu compte, il y a quelqu'un qui m'a dit, Catherine, venez vite voir, il y a Jean-Rodrigue qui mime le piano derrière la porte. J'ai ouvert la porte. porte et j'ai dit, venez voir, il y a Jean-Rodrigue qui est en train de mimer le piano. Alors comme par hasard, il y avait deux pianos dans la maison et ils ont dit, mais qu'est-ce que ça ne tienne ? Donc ils sont allés à côté du piano et Jean-Rodrigue s'est mis au piano et les a accompagnés avec l'oreille absolue. Il n'était jamais passé par le conservatoire, il était plus dans l'écolalie que dans la parole, dans l'échange réel. Et c'était le début de cette aventure-là. On avait un autre jeune homme qui avait un sens du rythme extraordinaire, qui était toujours en train de taper, ou sur les tables, on lui achetait une caisse claire. Et à partir de là, il y a un petit groupe qui s'est formé, au début ils étaient quatre, on a rencontré un autre jeune homme qui était ailleurs, et qui avait une très belle voix, et donc... C'est assez formé comme ça. Et j'ai dit, nous, on n'était pas dans la musicothérapie. Ce n'était pas l'idée, on va faire de la musique ensemble ou on va faire des ateliers musicaux. C'était, on va créer ce projet spécifique. Et c'était tellement bien ce qui se passait, ce qui est assez extraordinaire, et qui fédérait toute l'institution. On les retrouvait tous ensemble à certains moments. Il y avait un moment de musique, notre petit groupe commençait à répéter. Et tout le monde y allait. Et on se retrouvait à 25 dans une petite salle. Mais il y avait une espèce de plaisir partagé, donc c'était profitable pour tout le monde. Et on a découvert des tas de choses au fur et à mesure. C'est-à-dire qu'on a fait intervenir un professeur de piano de conservatoire. Elle s'appelait Isabelle, c'était une jeune femme, et qui me disait « c'est extraordinaire, c'est extraordinaire » . Elle dit parce qu'au conservatoire, souvent, j'ai des élèves qui ne sont pas du tout motivés. C'est les parents qui insistent, ils viennent là en faisant que c'est laborieux. Eux, c'est que du bonheur parce qu'ils sont en attente et ils comprennent tout. Elle dit, il suffit que je leur montre sur le clavier. Quelquefois, il n'y avait même pas besoin de leur montrer parce que c'était l'oreille absolue.

  • Speaker #2

    L'oreille absolue, la synesthésie, l'hyperacousie, les personnes autistes ont une perception sensorielle différente du monde qui les entoure. et beaucoup sont à avoir des talents exceptionnels pour la musique. Certains sont même devenus célèbres, un peu malgré eux, comme le pianiste Glenn Gould ou la chanteuse des Velvet Underground, Nico. Mais cette sensibilité particulière n'est pas une donnée nouvelle pour la science. Elle est associée à l'autisme depuis pratiquement 70 ans et les premières descriptions de ce trouble neurodéveloppemental. Dans les années 1960, les approches thérapeutiques basées sur la musique avec les enfants et les adultes se mettent en place, notamment dans les pays anglophones et en Allemagne. Elles visent tout d'abord à établir un pont entre le thérapeute et la personne autiste, mais peuvent travailler toute une panoplie d'aspects. Les compétences cognitives, l'attention, la mémoire, la parole et la communication, la collaboration et les comportements sociaux, la motricité et le rapport au corps. La science s'y penche de plus en plus ces dernières années avec une étude de 2015 qui a fait date de l'université McGill au Québec, qui a démontré les clichés de l'IRM à l'appui que la pratique musicale ou le chant provoque les modifications structurelles dans les régions du cerveau des personnes autistes responsables pour les interactions sociales. Vous êtes éducatrice aussi ? Oui.

  • Speaker #1

    Moi non.

  • Speaker #2

    Vous accompagnez le groupe ?

  • Speaker #1

    Alors moi je travaille sur AltaVote en tant qu'éducatrice, mais je ne suis pas musicienne ni chanteuse ni rien, donc du coup je fais des accompagnements autres que la musique.

  • Speaker #2

    Quel est votre sentiment par rapport à ce projet musical ? Vous m'en expliquez.

  • Speaker #1

    C'est la musique, c'est très porteur pour eux déjà. Ils peuvent avoir plein d'autres choses où ils vont aller à l'extérieur, rencontrer d'autres personnes, ils vont sur scène. C'est très valorisant pour eux, ça porte entre eux. Ils apprennent de la musique, ils ont d'énormes compétences en musique. Donc c'est très, très chouette. Et ils aiment bien la répétition ? Oui, surtout que ça fait maintenant dix ans que c'est comme ça. Donc tous les lundis, c'est la répétition. Le jeudi après-midi aussi. Et c'est des habitudes qui sont ancrées. Ça leur fait du bien. surtout que là par exemple il y a des concerts je... il y a un concert jeudi à Quimper du coup là il faut qu'ils répètent pour le concert de jeudi il y a vraiment une motivation ah oui tout à fait pour eux c'est tellement aussi inabillu que s'il n'y a pas d'appétit je pense que ça les perturbe autant plus On a des niveaux complètement différents, avec des aptitudes et des compétences complètement différentes. Mais on a un jeune homme que vous rencontrerez sans doute tout à l'heure, c'est Raphaël, qui est arrivé, il est allé je crois jusqu'au brevet des collèges, mais il a terminé un peu en souffrance scolaire. pas du tout accepté, donc il a un autre niveau. Lui, il s'exprime bien. C'est lui qui nous renseigne pour tous les autres jeunes, ceux qui n'ont pas la parole ou qui l'ont beaucoup moins. Donc on lui a donné une place complètement différente. Et pour d'autres, c'est beaucoup plus compliqué. Mais ils ont le même intérêt pour la musique, donc ils sont là. On a un jeune homme qui a une place importante. Pourtant, dans le groupe, il vient de Paris, il était scolarisé en CLIS ou en je ne sais pas quel type de structure, dans des petites classes intégrées. Et il n'y avait pas sa place, il n'y trouvait pas sa place. Et donc, à partir du moment où il a vu qu'en donnant une claque à la maîtresse, on allait mettre dehors, il a renouvelé jusqu'au moment. où on l'a évincé complètement. Et se retrouvant à la maison, à ce moment-là, c'est des traitements lourds pour le calmer, pour la briser. Quand il est arrivé, il était complètement ensuqué avec un traitement lourd, mais il adorait chanter. Donc le traitement s'est un peu amenuisé. Il est arrivé ici, il a commencé quand même par casser la télé, par... Voilà. Et maintenant c'est un jeune homme extraordinaire où les troubles du comportement ont pratiquement disparu.

  • Speaker #2

    Vous parlez aussi de la cognition et d'un travail sur le renforcement cognitif. Est-ce que la musique peut, selon vous, avoir un impact là-dessus ? Est-ce que ce que vous avez pu observer, en ce qui concerne le... Le côté de rentrer dans la parole pour certains autistes, est-ce que vous avez, parce que vous avez le recul, vous êtes observé à certaines choses ?

  • Speaker #0

    Alors effectivement, parfois d'un point de vue orthophonique, on a du mal à les comprendre, ils ont du mal à articuler les choses. Ils sont tellement motivés pour apprendre un texte, qu'ils lisent nos mimiques, nos visages, et par la motivation, là je prends l'exemple en tout cas d'un jeune qui est dans le groupe et qui est chanteur, qui a surpassé, j'ai envie de dire, ces difficultés de compréhension, parce que... Il savait ce que c'était que d'être entendu sur scène et d'être compris. Il voyait l'effet que ça faisait au niveau des gens. Et du coup, il fait des efforts pas possibles pour maîtriser sa diction, qui a fait un pas énorme depuis. D'un autre point de vue, sans rentrer dans tout ce qui est scientifique, moi, ce que je vois au quotidien, en tout cas, c'est le relationnel qui s'établit avec eux et qui leur permet, après, d'avoir acquis du relationnel avec des tas d'autres gens. Donc, d'un point de vue socialisation... Ça leur apporte énormément quand on voyage, quand on doit faire un effort sur les horaires, sur l'attente, parce que la musique ou la scène, c'est qu'un petit bout de la journée, mais il y a tout l'amont, il y a tout l'après. Il faut le gérer, la fatigue, l'irritabilité. Il ne faut pas oublier que ce sont des jeunes qui peuvent avoir des traitements aussi. Donc, ils font aussi un travail sur eux de se surpasser, de devoir faire des efforts pour se contenir. C'est ça, nous, qu'on peut voir, en tout cas, sur le terrain, dans ce que ça leur apporte. Et puis, évidemment, de voir... des salles entières applaudir, de voir leurs parents avec la larme à l'œil, de voir les amis. Pour eux, qu'est-ce que c'est gratifiant ?

  • Speaker #2

    L'association Autisme France estime à environ 700 000 le nombre de personnes avec un trouble du spectre de l'autisme en France. Parmi eux, deux tiers des enfants et près de 80% des adultes sont accueillis dans des établissements généralistes qui n'ont pas reçu un agrément spécifique autisme, nous apprend la même association. 80% des enfants autistes sont exclus du système scolaire et peu d'établissements en France offrent un projet de vie adapté aux adultes autistes. Le projet PERCU JAM est aussi la réponse à cette exclusion que vivent les personnes autistes en France. Alors, tu veux te présenter ?

  • Speaker #1

    Kevin Vaquero.

  • Speaker #2

    Tu es musicien ?

  • Speaker #0

    Musicien, chanteur, percussionniste, pianiste et batteur.

  • Speaker #2

    Quand tu as commencé, c'était un peu difficile ou tu n'étais pas bien à l'aise tout de suite ?

  • Speaker #0

    Non, je me sens bien à l'aise lorsque j'ai vu Percujam pour la première fois. Pour moi, c'est une très bonne expérience de découvrir ce groupe de musique qui est typiquement créé par des autistes et des éducateurs.

  • Speaker #2

    Qu'est-ce que ça te fait de faire de la musique dans Percujam ?

  • Speaker #0

    Pour moi, ça me donne de l'émotion agréable. Et pour moi, jouer de la musique, ça permet d'enlever toutes les angoisses qui peuvent arriver de temps en temps.

  • Speaker #1

    Je me présente, je m'appelle Raphaël et je suis bassiste, batteur, violoniste et janteur de Percujam.

  • Speaker #0

    C'est vrai que c'est un partage.

  • Speaker #1

    On est ensemble et on veut donner un espoir pour l'autisme, ça je voulais dire.

  • Speaker #2

    On a souligné effectivement les bienfaits finalement de ce projet musical, mais vous avez l'impression que l'autisme est plus accepté ou plus compris ? Parce que ce qui est aussi difficile, c'est la vie en société pour ces gens.

  • Speaker #1

    Oui, je pense qu'il se passe quelque chose à chacun des concerts, réellement. Quand ils étaient sur scène, le fait d'entendre quelquefois, moi j'étais avec les spectateurs dans la fosse, et j'entendais « c'est lesquels les autistes ? » « c'est lesquels ? » Et quelquefois c'était « l'accordéoniste, il doit être autiste » . Et l'accordéoniste, c'est un éducateur. mais il était plus stressé que les jeunes gens. Et pour moi, ça, c'était des moments extraordinaires. Je disais, on a tout gagné. Ce qui a été très important pour eux, c'est que ça leur a apporté une confiance en eux extraordinaire, mais aussi une identité. Quand j'ai entendu un grand... un nouveau jeune homme, là, qui est là maintenant, et quand on lui dit, qui tu es, toi, ou... Donc, il donne son nom et il dit musicien de Percujam ou chanteur de Percujam. Pour moi, ça, c'était un déclic extraordinaire parce qu'il se crée une identité. Avant, ils étaient handicapés fréquentant un établissement, ou alors autistes fréquentant un établissement. Mais vous voyez, on les résumait à un handicap.

  • Speaker #2

    C'était La Petite Musique du cerveau, un podcast de SACEM Université. Merci à Laurent Millem, Catherine Allier, Raphaël, Kevin et à tous les musiciens de Percujam. Merci à Studio Time pour la réalisation. Dans le prochain épisode, nous ferons du beatbox à l'hôpital. À bientôt !

Chapters

  • Introduction au projet Percujam et ses membres

    00:07

  • Le fonctionnement et les activités du foyer d'accueil

    01:12

  • Les débuts de Percujam et son évolution

    02:37

  • Les compétences musicales des participants et leur développement

    04:35

  • L'impact de la musique sur l'identité et la confiance en soi

    07:16

  • Conclusion et remerciements

    18:26

  • Teaser pour le prochain épisode

    21:53

Description

Sept adultes autistes et six éducateurs forment Percujam, un groupe de musique unique qui permet aux adultes autistes de dépasser leur handicap.

Intervenants : Laurent Milhem, éducateur et Catherine Allier, ancienne éducatrice et tous les résidents du foyer d'accueil médicalisé Alternat à Antony.


Pour en savoir plus :
Le site officiel de Percujam
Film documentaire sur le groupe


Un podcast de Sacem Université et France Musique - 2021 


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Sacem Université présente la petite musique du cerveau. Bonjour, je m'appelle Laurent Millem. Bonjour, je m'appelle Susanna.

  • Speaker #1

    Laurent Millem est éducateur spécialisé et chef de service au foyer d'accueil spécialisé Alterna à Antony en région parisienne. Laurent est aussi musicien. Sa mission, c'est d'encadrer un projet unique en France. Un groupe de musique composé de personnes autistes et d'éducateurs spécialisés baptisés Percujam. Deux fois par semaine, les musiciens de Percujam se réunissent dans le studio de répétition du foyer pour jouer la musique qu'ils ont co-composée ensemble. Ce lundi-là, Laurent m'a proposé d'y assister. Dans le petit salon, les musiciens arrivent. On se salue, on échange des nouvelles du week-end. Je fais le tour des lieux.

  • Speaker #0

    On a trois maisons aussi.

  • Speaker #2

    D'accord.

  • Speaker #1

    Voilà.

  • Speaker #0

    sa maison avec le projet musical. Et puis ensuite, il y a les deux autres maisons, mais il y a des projets un peu différents, selon les maisons. Et ce lieu, c'est le lieu central. En tout cas, le projet principal ici, c'est d'accueillir des jeunes sur l'internat, donc avec un hébergement, des adultes autistes en grande difficulté, et qu'ils aient un projet de vie. Donc après, les projets de vie, selon les maisons, sont différents.

  • Speaker #2

    Juste en précisant peut-être l'âge des personnes.

  • Speaker #0

    Bien sûr, on les accueille à partir de 20 ans. quand ils sont adultes. Et puis après, il n'y a pas de limite d'âge, puisqu'ils sont ici chez eux, et puis ils peuvent vieillir ici ou partir ailleurs, bien sûr, s'ils ont un autre projet. Ils ne sont pas condamnés à rester ici.

  • Speaker #2

    Quel est le principe ? Ils dorment ici ? Ils sont résidents ou ils vivent ici ?

  • Speaker #0

    Ils vivent ici. Ils vivent ici. Ils ont leurs activités à la journée. Ils ont chacun un projet personnalisé, individualisé en fonction de ce qu'ils ont à travailler. Et on établit un planning d'activités pour la journée. Alors, ils ont une réunion tous les matins où on leur précise les activités qu'ils ont. Avec des pictos, des repères, pour redire tout ce qui est la date, le temps, quelle journée, etc. Par exemple, cette semaine, on part deux jours à Quimper. Ils le savent déjà, mais on leur dit les choses. Ça, c'est important aussi pour eux en termes de repères. Et puis ensuite, on commence la répétition.

  • Speaker #2

    Tout a commencé avec un atelier de musique improvisé pendant une pause café il y a 20 ans. Des premiers concerts devant le public des parents, jusqu'aux premières dates au milieu médico-social. Au bout de 10 ans, PercuJam a pris de l'ampleur. Le projet AlterNotes est né, qui visait à intégrer d'autres jeunes adultes autistes, venus d'ailleurs. qui avaient des compétences musicales. Deux décennies plus tard, Percujam a enregistré trois albums et il a tourné partout en France et à l'étranger. Le groupe a joué avec M, Calogero ou Grand Corps Malade sur la scène du Zénith et à l'Olympia. Son aventure a été racontée d'ailleurs dans un documentaire sorti en 2018. Certains des musiciens, autistes et éducateurs y sont depuis les débuts comme Laurent Milème qui est aussi un des fondateurs.

  • Speaker #0

    Il y a 7 résidents, 7 jeunes qui ont entre 20 et 40, mais ils sont plutôt quand même entre 20 et 30. Et puis on a Raphaël qui est notre aîné. Et puis ils sont encadrés de 6 éducateurs musiciens. Donc ça fait un groupe d'à peu près 13 personnes. Plus le personnel technique, il y a moins de personnes avec nous. On est à peu près 15 quand on... Vous voyez, on parlait de Quimper tout à l'heure. voilà ça fait à peu près deux camions qui se promènent pour aller danser dans ces concerts.

  • Speaker #2

    Et ils sont dans la groupe depuis combien de temps ?

  • Speaker #0

    Ça dépend, parce que l'histoire a 20 ans, donc il y en a qui sont là depuis le début, on en a trois, et puis à partir du moment où il y a eu le projet Alternote, il y a d'autres résidents qui sont arrivés, parce qu'ils savaient que ce projet allait se faire, ils avaient ces compétences, et ils avaient aussi l'âge d'être orientés, donc ils sont venus ici. en tant que résident aux femmes alternat. Et c'est un peu le deuxième percujam, j'ai envie de dire. Et ça, c'était il y a dix ans. C'est là qu'on a eu le temps de construire un petit peu plus avec eux et que les scènes se sont encore un petit peu plus développées.

  • Speaker #2

    Donc, ils forment un groupe. Quels sont les instruments joués ? Est-ce qu'ils choisissent ? Comment ils sont formés ?

  • Speaker #0

    C'est en fonction de leurs compétences. Donc, la formation, elle est tout à fait classique, comme un groupe de musique classique, c'est-à-dire avec des jeunes guitaristes, canistes. Bateur, bassiste, chanteur et choriste.

  • Speaker #2

    Donc si on sait, pour la plupart les gens, Les gens qui connaissent un peu l'autisme, ils savent que les autistes ont très souvent des compétences musicales, une sensibilité musicale particulière. Par contre, ce qui est contradictoire, c'est un projet de scène finalement, qui est devenu un projet médiatisé, donc une exposition qui est tout à fait inhabituelle quand on parle du spectre autistique.

  • Speaker #0

    Alors avant d'en arriver à ça, il y a eu un long chemin, quand même. Parce qu'au tout début, c'est un groupe qui est né dans une activité, au sein d'une activité purement institutionnelle, et puis qui a pris de l'ampleur. Donc après, il a fallu un premier public, ça a été leurs parents. Quand on a vu en tout cas ce que ça pouvait dégager au niveau de leurs parents, effectivement, après, on s'est dit, pourquoi ne pas faire un petit peu plus encore ? Mais la scène, j'ai envie de dire, n'est que la conséquence de la musique qu'ils jouent. Et puis eux, ils jouent. essentiellement pour être sur scène. Donc tout ça, ça fait une espèce d'émulsion d'énergie qui fait qu'ils se surpassent pour pouvoir être sur scène, ils surpassent leurs difficultés, c'est ce qui rend le travail intéressant. Il ne faut jamais oublier, parce que vous dites que il y a la finalité, il y a la scène, il y a la médiatisation, pas du tout. Il ne faut pas oublier que ici, ils ont avant tout un projet de vie. Un projet de vie, ça veut dire travailler sur les difficultés qu'ils ont. Donc la musique les aide, mais évidemment, il n'y a pas que. C'est-à-dire qu'ils ont besoin de s'épanouir dans du sport, dans des maintiens cognitifs pour tous ceux qui, par exemple, ont des compétences scolaires, sur tout ce qui est communication, communiquer. On en a qui sont moins verbaux, qui vont être très écolaliques. La musique est loin d'être occupationnelle. Déjà parce que je vous dis, avant d'en arriver à ça, il fallait déjà repérer leurs compétences et surtout leur attrait. Le pari à la base avec eux, c'était que c'est des résidents. On dit souvent que dans l'autisme, ils sont renfermés sur eux, il y a peu d'appétence, etc. Quand on a vu qu'ils aimaient la musique et essentiellement ça, on s'est dit on va appuyer dessus, pour qu'ils puissent s'ouvrir à d'autres choses après. Et c'est ce qui s'est passé pour eux. Mais ça, il a fallu 20 ans. Il ne faut pas oublier, moi c'est ce que je dis souvent, que quand ils sont à l'Olympia, parce qu'ils ont fait l'Olympia, et que c'est un très beau projet, et que ça fait une grosse émulsion, autant pour les jeunes que pour les éducateurs, les éducateurs n'oublient jamais que le lendemain à 7h du matin ils seront levés aussi avec ces résidents là

  • Speaker #1

    Que les différents sont les mêmes dans tous les pays. Mais nous sommes les garants d'un monde qui court à l'oubli. Les armes de la tolérance sont bien sur scène ici.

  • Speaker #2

    Les garçons et filles sont tous autistes, mais ils ne se ressemblent pas. L'autisme est un spectre. Certains sont non-verbaux. D'autres s'expriment sans difficulté, mais ils ont en commun une communication et les relations sociales alterées. Difficile dans ce contexte de décoder leur perception du monde, comme le raconte Catherine Allier, éducatrice spécialisée aujourd'hui à la retraite, mais qui a assisté à la naissance de Percujam il y a 20 ans.

  • Speaker #1

    Quand on n'a que 15 jeunes, on peut faire de la dentelle, c'est-à-dire avoir un projet pour chacun d'eux. Et le groupe Percujam, c'est l'histoire de cette aventure-là. Il y avait deux éducateurs qui étaient en train de prendre leur café et ils étaient musiciens tous les deux. Et il y en avait un qui grattait la guitare et l'autre qui devait avoir son accordéon, quelque chose comme ça. Et on s'est rendu compte, il y a quelqu'un qui m'a dit, Catherine, venez vite voir, il y a Jean-Rodrigue qui mime le piano derrière la porte. J'ai ouvert la porte. porte et j'ai dit, venez voir, il y a Jean-Rodrigue qui est en train de mimer le piano. Alors comme par hasard, il y avait deux pianos dans la maison et ils ont dit, mais qu'est-ce que ça ne tienne ? Donc ils sont allés à côté du piano et Jean-Rodrigue s'est mis au piano et les a accompagnés avec l'oreille absolue. Il n'était jamais passé par le conservatoire, il était plus dans l'écolalie que dans la parole, dans l'échange réel. Et c'était le début de cette aventure-là. On avait un autre jeune homme qui avait un sens du rythme extraordinaire, qui était toujours en train de taper, ou sur les tables, on lui achetait une caisse claire. Et à partir de là, il y a un petit groupe qui s'est formé, au début ils étaient quatre, on a rencontré un autre jeune homme qui était ailleurs, et qui avait une très belle voix, et donc... C'est assez formé comme ça. Et j'ai dit, nous, on n'était pas dans la musicothérapie. Ce n'était pas l'idée, on va faire de la musique ensemble ou on va faire des ateliers musicaux. C'était, on va créer ce projet spécifique. Et c'était tellement bien ce qui se passait, ce qui est assez extraordinaire, et qui fédérait toute l'institution. On les retrouvait tous ensemble à certains moments. Il y avait un moment de musique, notre petit groupe commençait à répéter. Et tout le monde y allait. Et on se retrouvait à 25 dans une petite salle. Mais il y avait une espèce de plaisir partagé, donc c'était profitable pour tout le monde. Et on a découvert des tas de choses au fur et à mesure. C'est-à-dire qu'on a fait intervenir un professeur de piano de conservatoire. Elle s'appelait Isabelle, c'était une jeune femme, et qui me disait « c'est extraordinaire, c'est extraordinaire » . Elle dit parce qu'au conservatoire, souvent, j'ai des élèves qui ne sont pas du tout motivés. C'est les parents qui insistent, ils viennent là en faisant que c'est laborieux. Eux, c'est que du bonheur parce qu'ils sont en attente et ils comprennent tout. Elle dit, il suffit que je leur montre sur le clavier. Quelquefois, il n'y avait même pas besoin de leur montrer parce que c'était l'oreille absolue.

  • Speaker #2

    L'oreille absolue, la synesthésie, l'hyperacousie, les personnes autistes ont une perception sensorielle différente du monde qui les entoure. et beaucoup sont à avoir des talents exceptionnels pour la musique. Certains sont même devenus célèbres, un peu malgré eux, comme le pianiste Glenn Gould ou la chanteuse des Velvet Underground, Nico. Mais cette sensibilité particulière n'est pas une donnée nouvelle pour la science. Elle est associée à l'autisme depuis pratiquement 70 ans et les premières descriptions de ce trouble neurodéveloppemental. Dans les années 1960, les approches thérapeutiques basées sur la musique avec les enfants et les adultes se mettent en place, notamment dans les pays anglophones et en Allemagne. Elles visent tout d'abord à établir un pont entre le thérapeute et la personne autiste, mais peuvent travailler toute une panoplie d'aspects. Les compétences cognitives, l'attention, la mémoire, la parole et la communication, la collaboration et les comportements sociaux, la motricité et le rapport au corps. La science s'y penche de plus en plus ces dernières années avec une étude de 2015 qui a fait date de l'université McGill au Québec, qui a démontré les clichés de l'IRM à l'appui que la pratique musicale ou le chant provoque les modifications structurelles dans les régions du cerveau des personnes autistes responsables pour les interactions sociales. Vous êtes éducatrice aussi ? Oui.

  • Speaker #1

    Moi non.

  • Speaker #2

    Vous accompagnez le groupe ?

  • Speaker #1

    Alors moi je travaille sur AltaVote en tant qu'éducatrice, mais je ne suis pas musicienne ni chanteuse ni rien, donc du coup je fais des accompagnements autres que la musique.

  • Speaker #2

    Quel est votre sentiment par rapport à ce projet musical ? Vous m'en expliquez.

  • Speaker #1

    C'est la musique, c'est très porteur pour eux déjà. Ils peuvent avoir plein d'autres choses où ils vont aller à l'extérieur, rencontrer d'autres personnes, ils vont sur scène. C'est très valorisant pour eux, ça porte entre eux. Ils apprennent de la musique, ils ont d'énormes compétences en musique. Donc c'est très, très chouette. Et ils aiment bien la répétition ? Oui, surtout que ça fait maintenant dix ans que c'est comme ça. Donc tous les lundis, c'est la répétition. Le jeudi après-midi aussi. Et c'est des habitudes qui sont ancrées. Ça leur fait du bien. surtout que là par exemple il y a des concerts je... il y a un concert jeudi à Quimper du coup là il faut qu'ils répètent pour le concert de jeudi il y a vraiment une motivation ah oui tout à fait pour eux c'est tellement aussi inabillu que s'il n'y a pas d'appétit je pense que ça les perturbe autant plus On a des niveaux complètement différents, avec des aptitudes et des compétences complètement différentes. Mais on a un jeune homme que vous rencontrerez sans doute tout à l'heure, c'est Raphaël, qui est arrivé, il est allé je crois jusqu'au brevet des collèges, mais il a terminé un peu en souffrance scolaire. pas du tout accepté, donc il a un autre niveau. Lui, il s'exprime bien. C'est lui qui nous renseigne pour tous les autres jeunes, ceux qui n'ont pas la parole ou qui l'ont beaucoup moins. Donc on lui a donné une place complètement différente. Et pour d'autres, c'est beaucoup plus compliqué. Mais ils ont le même intérêt pour la musique, donc ils sont là. On a un jeune homme qui a une place importante. Pourtant, dans le groupe, il vient de Paris, il était scolarisé en CLIS ou en je ne sais pas quel type de structure, dans des petites classes intégrées. Et il n'y avait pas sa place, il n'y trouvait pas sa place. Et donc, à partir du moment où il a vu qu'en donnant une claque à la maîtresse, on allait mettre dehors, il a renouvelé jusqu'au moment. où on l'a évincé complètement. Et se retrouvant à la maison, à ce moment-là, c'est des traitements lourds pour le calmer, pour la briser. Quand il est arrivé, il était complètement ensuqué avec un traitement lourd, mais il adorait chanter. Donc le traitement s'est un peu amenuisé. Il est arrivé ici, il a commencé quand même par casser la télé, par... Voilà. Et maintenant c'est un jeune homme extraordinaire où les troubles du comportement ont pratiquement disparu.

  • Speaker #2

    Vous parlez aussi de la cognition et d'un travail sur le renforcement cognitif. Est-ce que la musique peut, selon vous, avoir un impact là-dessus ? Est-ce que ce que vous avez pu observer, en ce qui concerne le... Le côté de rentrer dans la parole pour certains autistes, est-ce que vous avez, parce que vous avez le recul, vous êtes observé à certaines choses ?

  • Speaker #0

    Alors effectivement, parfois d'un point de vue orthophonique, on a du mal à les comprendre, ils ont du mal à articuler les choses. Ils sont tellement motivés pour apprendre un texte, qu'ils lisent nos mimiques, nos visages, et par la motivation, là je prends l'exemple en tout cas d'un jeune qui est dans le groupe et qui est chanteur, qui a surpassé, j'ai envie de dire, ces difficultés de compréhension, parce que... Il savait ce que c'était que d'être entendu sur scène et d'être compris. Il voyait l'effet que ça faisait au niveau des gens. Et du coup, il fait des efforts pas possibles pour maîtriser sa diction, qui a fait un pas énorme depuis. D'un autre point de vue, sans rentrer dans tout ce qui est scientifique, moi, ce que je vois au quotidien, en tout cas, c'est le relationnel qui s'établit avec eux et qui leur permet, après, d'avoir acquis du relationnel avec des tas d'autres gens. Donc, d'un point de vue socialisation... Ça leur apporte énormément quand on voyage, quand on doit faire un effort sur les horaires, sur l'attente, parce que la musique ou la scène, c'est qu'un petit bout de la journée, mais il y a tout l'amont, il y a tout l'après. Il faut le gérer, la fatigue, l'irritabilité. Il ne faut pas oublier que ce sont des jeunes qui peuvent avoir des traitements aussi. Donc, ils font aussi un travail sur eux de se surpasser, de devoir faire des efforts pour se contenir. C'est ça, nous, qu'on peut voir, en tout cas, sur le terrain, dans ce que ça leur apporte. Et puis, évidemment, de voir... des salles entières applaudir, de voir leurs parents avec la larme à l'œil, de voir les amis. Pour eux, qu'est-ce que c'est gratifiant ?

  • Speaker #2

    L'association Autisme France estime à environ 700 000 le nombre de personnes avec un trouble du spectre de l'autisme en France. Parmi eux, deux tiers des enfants et près de 80% des adultes sont accueillis dans des établissements généralistes qui n'ont pas reçu un agrément spécifique autisme, nous apprend la même association. 80% des enfants autistes sont exclus du système scolaire et peu d'établissements en France offrent un projet de vie adapté aux adultes autistes. Le projet PERCU JAM est aussi la réponse à cette exclusion que vivent les personnes autistes en France. Alors, tu veux te présenter ?

  • Speaker #1

    Kevin Vaquero.

  • Speaker #2

    Tu es musicien ?

  • Speaker #0

    Musicien, chanteur, percussionniste, pianiste et batteur.

  • Speaker #2

    Quand tu as commencé, c'était un peu difficile ou tu n'étais pas bien à l'aise tout de suite ?

  • Speaker #0

    Non, je me sens bien à l'aise lorsque j'ai vu Percujam pour la première fois. Pour moi, c'est une très bonne expérience de découvrir ce groupe de musique qui est typiquement créé par des autistes et des éducateurs.

  • Speaker #2

    Qu'est-ce que ça te fait de faire de la musique dans Percujam ?

  • Speaker #0

    Pour moi, ça me donne de l'émotion agréable. Et pour moi, jouer de la musique, ça permet d'enlever toutes les angoisses qui peuvent arriver de temps en temps.

  • Speaker #1

    Je me présente, je m'appelle Raphaël et je suis bassiste, batteur, violoniste et janteur de Percujam.

  • Speaker #0

    C'est vrai que c'est un partage.

  • Speaker #1

    On est ensemble et on veut donner un espoir pour l'autisme, ça je voulais dire.

  • Speaker #2

    On a souligné effectivement les bienfaits finalement de ce projet musical, mais vous avez l'impression que l'autisme est plus accepté ou plus compris ? Parce que ce qui est aussi difficile, c'est la vie en société pour ces gens.

  • Speaker #1

    Oui, je pense qu'il se passe quelque chose à chacun des concerts, réellement. Quand ils étaient sur scène, le fait d'entendre quelquefois, moi j'étais avec les spectateurs dans la fosse, et j'entendais « c'est lesquels les autistes ? » « c'est lesquels ? » Et quelquefois c'était « l'accordéoniste, il doit être autiste » . Et l'accordéoniste, c'est un éducateur. mais il était plus stressé que les jeunes gens. Et pour moi, ça, c'était des moments extraordinaires. Je disais, on a tout gagné. Ce qui a été très important pour eux, c'est que ça leur a apporté une confiance en eux extraordinaire, mais aussi une identité. Quand j'ai entendu un grand... un nouveau jeune homme, là, qui est là maintenant, et quand on lui dit, qui tu es, toi, ou... Donc, il donne son nom et il dit musicien de Percujam ou chanteur de Percujam. Pour moi, ça, c'était un déclic extraordinaire parce qu'il se crée une identité. Avant, ils étaient handicapés fréquentant un établissement, ou alors autistes fréquentant un établissement. Mais vous voyez, on les résumait à un handicap.

  • Speaker #2

    C'était La Petite Musique du cerveau, un podcast de SACEM Université. Merci à Laurent Millem, Catherine Allier, Raphaël, Kevin et à tous les musiciens de Percujam. Merci à Studio Time pour la réalisation. Dans le prochain épisode, nous ferons du beatbox à l'hôpital. À bientôt !

Chapters

  • Introduction au projet Percujam et ses membres

    00:07

  • Le fonctionnement et les activités du foyer d'accueil

    01:12

  • Les débuts de Percujam et son évolution

    02:37

  • Les compétences musicales des participants et leur développement

    04:35

  • L'impact de la musique sur l'identité et la confiance en soi

    07:16

  • Conclusion et remerciements

    18:26

  • Teaser pour le prochain épisode

    21:53

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Description

Sept adultes autistes et six éducateurs forment Percujam, un groupe de musique unique qui permet aux adultes autistes de dépasser leur handicap.

Intervenants : Laurent Milhem, éducateur et Catherine Allier, ancienne éducatrice et tous les résidents du foyer d'accueil médicalisé Alternat à Antony.


Pour en savoir plus :
Le site officiel de Percujam
Film documentaire sur le groupe


Un podcast de Sacem Université et France Musique - 2021 


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Sacem Université présente la petite musique du cerveau. Bonjour, je m'appelle Laurent Millem. Bonjour, je m'appelle Susanna.

  • Speaker #1

    Laurent Millem est éducateur spécialisé et chef de service au foyer d'accueil spécialisé Alterna à Antony en région parisienne. Laurent est aussi musicien. Sa mission, c'est d'encadrer un projet unique en France. Un groupe de musique composé de personnes autistes et d'éducateurs spécialisés baptisés Percujam. Deux fois par semaine, les musiciens de Percujam se réunissent dans le studio de répétition du foyer pour jouer la musique qu'ils ont co-composée ensemble. Ce lundi-là, Laurent m'a proposé d'y assister. Dans le petit salon, les musiciens arrivent. On se salue, on échange des nouvelles du week-end. Je fais le tour des lieux.

  • Speaker #0

    On a trois maisons aussi.

  • Speaker #2

    D'accord.

  • Speaker #1

    Voilà.

  • Speaker #0

    sa maison avec le projet musical. Et puis ensuite, il y a les deux autres maisons, mais il y a des projets un peu différents, selon les maisons. Et ce lieu, c'est le lieu central. En tout cas, le projet principal ici, c'est d'accueillir des jeunes sur l'internat, donc avec un hébergement, des adultes autistes en grande difficulté, et qu'ils aient un projet de vie. Donc après, les projets de vie, selon les maisons, sont différents.

  • Speaker #2

    Juste en précisant peut-être l'âge des personnes.

  • Speaker #0

    Bien sûr, on les accueille à partir de 20 ans. quand ils sont adultes. Et puis après, il n'y a pas de limite d'âge, puisqu'ils sont ici chez eux, et puis ils peuvent vieillir ici ou partir ailleurs, bien sûr, s'ils ont un autre projet. Ils ne sont pas condamnés à rester ici.

  • Speaker #2

    Quel est le principe ? Ils dorment ici ? Ils sont résidents ou ils vivent ici ?

  • Speaker #0

    Ils vivent ici. Ils vivent ici. Ils ont leurs activités à la journée. Ils ont chacun un projet personnalisé, individualisé en fonction de ce qu'ils ont à travailler. Et on établit un planning d'activités pour la journée. Alors, ils ont une réunion tous les matins où on leur précise les activités qu'ils ont. Avec des pictos, des repères, pour redire tout ce qui est la date, le temps, quelle journée, etc. Par exemple, cette semaine, on part deux jours à Quimper. Ils le savent déjà, mais on leur dit les choses. Ça, c'est important aussi pour eux en termes de repères. Et puis ensuite, on commence la répétition.

  • Speaker #2

    Tout a commencé avec un atelier de musique improvisé pendant une pause café il y a 20 ans. Des premiers concerts devant le public des parents, jusqu'aux premières dates au milieu médico-social. Au bout de 10 ans, PercuJam a pris de l'ampleur. Le projet AlterNotes est né, qui visait à intégrer d'autres jeunes adultes autistes, venus d'ailleurs. qui avaient des compétences musicales. Deux décennies plus tard, Percujam a enregistré trois albums et il a tourné partout en France et à l'étranger. Le groupe a joué avec M, Calogero ou Grand Corps Malade sur la scène du Zénith et à l'Olympia. Son aventure a été racontée d'ailleurs dans un documentaire sorti en 2018. Certains des musiciens, autistes et éducateurs y sont depuis les débuts comme Laurent Milème qui est aussi un des fondateurs.

  • Speaker #0

    Il y a 7 résidents, 7 jeunes qui ont entre 20 et 40, mais ils sont plutôt quand même entre 20 et 30. Et puis on a Raphaël qui est notre aîné. Et puis ils sont encadrés de 6 éducateurs musiciens. Donc ça fait un groupe d'à peu près 13 personnes. Plus le personnel technique, il y a moins de personnes avec nous. On est à peu près 15 quand on... Vous voyez, on parlait de Quimper tout à l'heure. voilà ça fait à peu près deux camions qui se promènent pour aller danser dans ces concerts.

  • Speaker #2

    Et ils sont dans la groupe depuis combien de temps ?

  • Speaker #0

    Ça dépend, parce que l'histoire a 20 ans, donc il y en a qui sont là depuis le début, on en a trois, et puis à partir du moment où il y a eu le projet Alternote, il y a d'autres résidents qui sont arrivés, parce qu'ils savaient que ce projet allait se faire, ils avaient ces compétences, et ils avaient aussi l'âge d'être orientés, donc ils sont venus ici. en tant que résident aux femmes alternat. Et c'est un peu le deuxième percujam, j'ai envie de dire. Et ça, c'était il y a dix ans. C'est là qu'on a eu le temps de construire un petit peu plus avec eux et que les scènes se sont encore un petit peu plus développées.

  • Speaker #2

    Donc, ils forment un groupe. Quels sont les instruments joués ? Est-ce qu'ils choisissent ? Comment ils sont formés ?

  • Speaker #0

    C'est en fonction de leurs compétences. Donc, la formation, elle est tout à fait classique, comme un groupe de musique classique, c'est-à-dire avec des jeunes guitaristes, canistes. Bateur, bassiste, chanteur et choriste.

  • Speaker #2

    Donc si on sait, pour la plupart les gens, Les gens qui connaissent un peu l'autisme, ils savent que les autistes ont très souvent des compétences musicales, une sensibilité musicale particulière. Par contre, ce qui est contradictoire, c'est un projet de scène finalement, qui est devenu un projet médiatisé, donc une exposition qui est tout à fait inhabituelle quand on parle du spectre autistique.

  • Speaker #0

    Alors avant d'en arriver à ça, il y a eu un long chemin, quand même. Parce qu'au tout début, c'est un groupe qui est né dans une activité, au sein d'une activité purement institutionnelle, et puis qui a pris de l'ampleur. Donc après, il a fallu un premier public, ça a été leurs parents. Quand on a vu en tout cas ce que ça pouvait dégager au niveau de leurs parents, effectivement, après, on s'est dit, pourquoi ne pas faire un petit peu plus encore ? Mais la scène, j'ai envie de dire, n'est que la conséquence de la musique qu'ils jouent. Et puis eux, ils jouent. essentiellement pour être sur scène. Donc tout ça, ça fait une espèce d'émulsion d'énergie qui fait qu'ils se surpassent pour pouvoir être sur scène, ils surpassent leurs difficultés, c'est ce qui rend le travail intéressant. Il ne faut jamais oublier, parce que vous dites que il y a la finalité, il y a la scène, il y a la médiatisation, pas du tout. Il ne faut pas oublier que ici, ils ont avant tout un projet de vie. Un projet de vie, ça veut dire travailler sur les difficultés qu'ils ont. Donc la musique les aide, mais évidemment, il n'y a pas que. C'est-à-dire qu'ils ont besoin de s'épanouir dans du sport, dans des maintiens cognitifs pour tous ceux qui, par exemple, ont des compétences scolaires, sur tout ce qui est communication, communiquer. On en a qui sont moins verbaux, qui vont être très écolaliques. La musique est loin d'être occupationnelle. Déjà parce que je vous dis, avant d'en arriver à ça, il fallait déjà repérer leurs compétences et surtout leur attrait. Le pari à la base avec eux, c'était que c'est des résidents. On dit souvent que dans l'autisme, ils sont renfermés sur eux, il y a peu d'appétence, etc. Quand on a vu qu'ils aimaient la musique et essentiellement ça, on s'est dit on va appuyer dessus, pour qu'ils puissent s'ouvrir à d'autres choses après. Et c'est ce qui s'est passé pour eux. Mais ça, il a fallu 20 ans. Il ne faut pas oublier, moi c'est ce que je dis souvent, que quand ils sont à l'Olympia, parce qu'ils ont fait l'Olympia, et que c'est un très beau projet, et que ça fait une grosse émulsion, autant pour les jeunes que pour les éducateurs, les éducateurs n'oublient jamais que le lendemain à 7h du matin ils seront levés aussi avec ces résidents là

  • Speaker #1

    Que les différents sont les mêmes dans tous les pays. Mais nous sommes les garants d'un monde qui court à l'oubli. Les armes de la tolérance sont bien sur scène ici.

  • Speaker #2

    Les garçons et filles sont tous autistes, mais ils ne se ressemblent pas. L'autisme est un spectre. Certains sont non-verbaux. D'autres s'expriment sans difficulté, mais ils ont en commun une communication et les relations sociales alterées. Difficile dans ce contexte de décoder leur perception du monde, comme le raconte Catherine Allier, éducatrice spécialisée aujourd'hui à la retraite, mais qui a assisté à la naissance de Percujam il y a 20 ans.

  • Speaker #1

    Quand on n'a que 15 jeunes, on peut faire de la dentelle, c'est-à-dire avoir un projet pour chacun d'eux. Et le groupe Percujam, c'est l'histoire de cette aventure-là. Il y avait deux éducateurs qui étaient en train de prendre leur café et ils étaient musiciens tous les deux. Et il y en avait un qui grattait la guitare et l'autre qui devait avoir son accordéon, quelque chose comme ça. Et on s'est rendu compte, il y a quelqu'un qui m'a dit, Catherine, venez vite voir, il y a Jean-Rodrigue qui mime le piano derrière la porte. J'ai ouvert la porte. porte et j'ai dit, venez voir, il y a Jean-Rodrigue qui est en train de mimer le piano. Alors comme par hasard, il y avait deux pianos dans la maison et ils ont dit, mais qu'est-ce que ça ne tienne ? Donc ils sont allés à côté du piano et Jean-Rodrigue s'est mis au piano et les a accompagnés avec l'oreille absolue. Il n'était jamais passé par le conservatoire, il était plus dans l'écolalie que dans la parole, dans l'échange réel. Et c'était le début de cette aventure-là. On avait un autre jeune homme qui avait un sens du rythme extraordinaire, qui était toujours en train de taper, ou sur les tables, on lui achetait une caisse claire. Et à partir de là, il y a un petit groupe qui s'est formé, au début ils étaient quatre, on a rencontré un autre jeune homme qui était ailleurs, et qui avait une très belle voix, et donc... C'est assez formé comme ça. Et j'ai dit, nous, on n'était pas dans la musicothérapie. Ce n'était pas l'idée, on va faire de la musique ensemble ou on va faire des ateliers musicaux. C'était, on va créer ce projet spécifique. Et c'était tellement bien ce qui se passait, ce qui est assez extraordinaire, et qui fédérait toute l'institution. On les retrouvait tous ensemble à certains moments. Il y avait un moment de musique, notre petit groupe commençait à répéter. Et tout le monde y allait. Et on se retrouvait à 25 dans une petite salle. Mais il y avait une espèce de plaisir partagé, donc c'était profitable pour tout le monde. Et on a découvert des tas de choses au fur et à mesure. C'est-à-dire qu'on a fait intervenir un professeur de piano de conservatoire. Elle s'appelait Isabelle, c'était une jeune femme, et qui me disait « c'est extraordinaire, c'est extraordinaire » . Elle dit parce qu'au conservatoire, souvent, j'ai des élèves qui ne sont pas du tout motivés. C'est les parents qui insistent, ils viennent là en faisant que c'est laborieux. Eux, c'est que du bonheur parce qu'ils sont en attente et ils comprennent tout. Elle dit, il suffit que je leur montre sur le clavier. Quelquefois, il n'y avait même pas besoin de leur montrer parce que c'était l'oreille absolue.

  • Speaker #2

    L'oreille absolue, la synesthésie, l'hyperacousie, les personnes autistes ont une perception sensorielle différente du monde qui les entoure. et beaucoup sont à avoir des talents exceptionnels pour la musique. Certains sont même devenus célèbres, un peu malgré eux, comme le pianiste Glenn Gould ou la chanteuse des Velvet Underground, Nico. Mais cette sensibilité particulière n'est pas une donnée nouvelle pour la science. Elle est associée à l'autisme depuis pratiquement 70 ans et les premières descriptions de ce trouble neurodéveloppemental. Dans les années 1960, les approches thérapeutiques basées sur la musique avec les enfants et les adultes se mettent en place, notamment dans les pays anglophones et en Allemagne. Elles visent tout d'abord à établir un pont entre le thérapeute et la personne autiste, mais peuvent travailler toute une panoplie d'aspects. Les compétences cognitives, l'attention, la mémoire, la parole et la communication, la collaboration et les comportements sociaux, la motricité et le rapport au corps. La science s'y penche de plus en plus ces dernières années avec une étude de 2015 qui a fait date de l'université McGill au Québec, qui a démontré les clichés de l'IRM à l'appui que la pratique musicale ou le chant provoque les modifications structurelles dans les régions du cerveau des personnes autistes responsables pour les interactions sociales. Vous êtes éducatrice aussi ? Oui.

  • Speaker #1

    Moi non.

  • Speaker #2

    Vous accompagnez le groupe ?

  • Speaker #1

    Alors moi je travaille sur AltaVote en tant qu'éducatrice, mais je ne suis pas musicienne ni chanteuse ni rien, donc du coup je fais des accompagnements autres que la musique.

  • Speaker #2

    Quel est votre sentiment par rapport à ce projet musical ? Vous m'en expliquez.

  • Speaker #1

    C'est la musique, c'est très porteur pour eux déjà. Ils peuvent avoir plein d'autres choses où ils vont aller à l'extérieur, rencontrer d'autres personnes, ils vont sur scène. C'est très valorisant pour eux, ça porte entre eux. Ils apprennent de la musique, ils ont d'énormes compétences en musique. Donc c'est très, très chouette. Et ils aiment bien la répétition ? Oui, surtout que ça fait maintenant dix ans que c'est comme ça. Donc tous les lundis, c'est la répétition. Le jeudi après-midi aussi. Et c'est des habitudes qui sont ancrées. Ça leur fait du bien. surtout que là par exemple il y a des concerts je... il y a un concert jeudi à Quimper du coup là il faut qu'ils répètent pour le concert de jeudi il y a vraiment une motivation ah oui tout à fait pour eux c'est tellement aussi inabillu que s'il n'y a pas d'appétit je pense que ça les perturbe autant plus On a des niveaux complètement différents, avec des aptitudes et des compétences complètement différentes. Mais on a un jeune homme que vous rencontrerez sans doute tout à l'heure, c'est Raphaël, qui est arrivé, il est allé je crois jusqu'au brevet des collèges, mais il a terminé un peu en souffrance scolaire. pas du tout accepté, donc il a un autre niveau. Lui, il s'exprime bien. C'est lui qui nous renseigne pour tous les autres jeunes, ceux qui n'ont pas la parole ou qui l'ont beaucoup moins. Donc on lui a donné une place complètement différente. Et pour d'autres, c'est beaucoup plus compliqué. Mais ils ont le même intérêt pour la musique, donc ils sont là. On a un jeune homme qui a une place importante. Pourtant, dans le groupe, il vient de Paris, il était scolarisé en CLIS ou en je ne sais pas quel type de structure, dans des petites classes intégrées. Et il n'y avait pas sa place, il n'y trouvait pas sa place. Et donc, à partir du moment où il a vu qu'en donnant une claque à la maîtresse, on allait mettre dehors, il a renouvelé jusqu'au moment. où on l'a évincé complètement. Et se retrouvant à la maison, à ce moment-là, c'est des traitements lourds pour le calmer, pour la briser. Quand il est arrivé, il était complètement ensuqué avec un traitement lourd, mais il adorait chanter. Donc le traitement s'est un peu amenuisé. Il est arrivé ici, il a commencé quand même par casser la télé, par... Voilà. Et maintenant c'est un jeune homme extraordinaire où les troubles du comportement ont pratiquement disparu.

  • Speaker #2

    Vous parlez aussi de la cognition et d'un travail sur le renforcement cognitif. Est-ce que la musique peut, selon vous, avoir un impact là-dessus ? Est-ce que ce que vous avez pu observer, en ce qui concerne le... Le côté de rentrer dans la parole pour certains autistes, est-ce que vous avez, parce que vous avez le recul, vous êtes observé à certaines choses ?

  • Speaker #0

    Alors effectivement, parfois d'un point de vue orthophonique, on a du mal à les comprendre, ils ont du mal à articuler les choses. Ils sont tellement motivés pour apprendre un texte, qu'ils lisent nos mimiques, nos visages, et par la motivation, là je prends l'exemple en tout cas d'un jeune qui est dans le groupe et qui est chanteur, qui a surpassé, j'ai envie de dire, ces difficultés de compréhension, parce que... Il savait ce que c'était que d'être entendu sur scène et d'être compris. Il voyait l'effet que ça faisait au niveau des gens. Et du coup, il fait des efforts pas possibles pour maîtriser sa diction, qui a fait un pas énorme depuis. D'un autre point de vue, sans rentrer dans tout ce qui est scientifique, moi, ce que je vois au quotidien, en tout cas, c'est le relationnel qui s'établit avec eux et qui leur permet, après, d'avoir acquis du relationnel avec des tas d'autres gens. Donc, d'un point de vue socialisation... Ça leur apporte énormément quand on voyage, quand on doit faire un effort sur les horaires, sur l'attente, parce que la musique ou la scène, c'est qu'un petit bout de la journée, mais il y a tout l'amont, il y a tout l'après. Il faut le gérer, la fatigue, l'irritabilité. Il ne faut pas oublier que ce sont des jeunes qui peuvent avoir des traitements aussi. Donc, ils font aussi un travail sur eux de se surpasser, de devoir faire des efforts pour se contenir. C'est ça, nous, qu'on peut voir, en tout cas, sur le terrain, dans ce que ça leur apporte. Et puis, évidemment, de voir... des salles entières applaudir, de voir leurs parents avec la larme à l'œil, de voir les amis. Pour eux, qu'est-ce que c'est gratifiant ?

  • Speaker #2

    L'association Autisme France estime à environ 700 000 le nombre de personnes avec un trouble du spectre de l'autisme en France. Parmi eux, deux tiers des enfants et près de 80% des adultes sont accueillis dans des établissements généralistes qui n'ont pas reçu un agrément spécifique autisme, nous apprend la même association. 80% des enfants autistes sont exclus du système scolaire et peu d'établissements en France offrent un projet de vie adapté aux adultes autistes. Le projet PERCU JAM est aussi la réponse à cette exclusion que vivent les personnes autistes en France. Alors, tu veux te présenter ?

  • Speaker #1

    Kevin Vaquero.

  • Speaker #2

    Tu es musicien ?

  • Speaker #0

    Musicien, chanteur, percussionniste, pianiste et batteur.

  • Speaker #2

    Quand tu as commencé, c'était un peu difficile ou tu n'étais pas bien à l'aise tout de suite ?

  • Speaker #0

    Non, je me sens bien à l'aise lorsque j'ai vu Percujam pour la première fois. Pour moi, c'est une très bonne expérience de découvrir ce groupe de musique qui est typiquement créé par des autistes et des éducateurs.

  • Speaker #2

    Qu'est-ce que ça te fait de faire de la musique dans Percujam ?

  • Speaker #0

    Pour moi, ça me donne de l'émotion agréable. Et pour moi, jouer de la musique, ça permet d'enlever toutes les angoisses qui peuvent arriver de temps en temps.

  • Speaker #1

    Je me présente, je m'appelle Raphaël et je suis bassiste, batteur, violoniste et janteur de Percujam.

  • Speaker #0

    C'est vrai que c'est un partage.

  • Speaker #1

    On est ensemble et on veut donner un espoir pour l'autisme, ça je voulais dire.

  • Speaker #2

    On a souligné effectivement les bienfaits finalement de ce projet musical, mais vous avez l'impression que l'autisme est plus accepté ou plus compris ? Parce que ce qui est aussi difficile, c'est la vie en société pour ces gens.

  • Speaker #1

    Oui, je pense qu'il se passe quelque chose à chacun des concerts, réellement. Quand ils étaient sur scène, le fait d'entendre quelquefois, moi j'étais avec les spectateurs dans la fosse, et j'entendais « c'est lesquels les autistes ? » « c'est lesquels ? » Et quelquefois c'était « l'accordéoniste, il doit être autiste » . Et l'accordéoniste, c'est un éducateur. mais il était plus stressé que les jeunes gens. Et pour moi, ça, c'était des moments extraordinaires. Je disais, on a tout gagné. Ce qui a été très important pour eux, c'est que ça leur a apporté une confiance en eux extraordinaire, mais aussi une identité. Quand j'ai entendu un grand... un nouveau jeune homme, là, qui est là maintenant, et quand on lui dit, qui tu es, toi, ou... Donc, il donne son nom et il dit musicien de Percujam ou chanteur de Percujam. Pour moi, ça, c'était un déclic extraordinaire parce qu'il se crée une identité. Avant, ils étaient handicapés fréquentant un établissement, ou alors autistes fréquentant un établissement. Mais vous voyez, on les résumait à un handicap.

  • Speaker #2

    C'était La Petite Musique du cerveau, un podcast de SACEM Université. Merci à Laurent Millem, Catherine Allier, Raphaël, Kevin et à tous les musiciens de Percujam. Merci à Studio Time pour la réalisation. Dans le prochain épisode, nous ferons du beatbox à l'hôpital. À bientôt !

Chapters

  • Introduction au projet Percujam et ses membres

    00:07

  • Le fonctionnement et les activités du foyer d'accueil

    01:12

  • Les débuts de Percujam et son évolution

    02:37

  • Les compétences musicales des participants et leur développement

    04:35

  • L'impact de la musique sur l'identité et la confiance en soi

    07:16

  • Conclusion et remerciements

    18:26

  • Teaser pour le prochain épisode

    21:53

Description

Sept adultes autistes et six éducateurs forment Percujam, un groupe de musique unique qui permet aux adultes autistes de dépasser leur handicap.

Intervenants : Laurent Milhem, éducateur et Catherine Allier, ancienne éducatrice et tous les résidents du foyer d'accueil médicalisé Alternat à Antony.


Pour en savoir plus :
Le site officiel de Percujam
Film documentaire sur le groupe


Un podcast de Sacem Université et France Musique - 2021 


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Sacem Université présente la petite musique du cerveau. Bonjour, je m'appelle Laurent Millem. Bonjour, je m'appelle Susanna.

  • Speaker #1

    Laurent Millem est éducateur spécialisé et chef de service au foyer d'accueil spécialisé Alterna à Antony en région parisienne. Laurent est aussi musicien. Sa mission, c'est d'encadrer un projet unique en France. Un groupe de musique composé de personnes autistes et d'éducateurs spécialisés baptisés Percujam. Deux fois par semaine, les musiciens de Percujam se réunissent dans le studio de répétition du foyer pour jouer la musique qu'ils ont co-composée ensemble. Ce lundi-là, Laurent m'a proposé d'y assister. Dans le petit salon, les musiciens arrivent. On se salue, on échange des nouvelles du week-end. Je fais le tour des lieux.

  • Speaker #0

    On a trois maisons aussi.

  • Speaker #2

    D'accord.

  • Speaker #1

    Voilà.

  • Speaker #0

    sa maison avec le projet musical. Et puis ensuite, il y a les deux autres maisons, mais il y a des projets un peu différents, selon les maisons. Et ce lieu, c'est le lieu central. En tout cas, le projet principal ici, c'est d'accueillir des jeunes sur l'internat, donc avec un hébergement, des adultes autistes en grande difficulté, et qu'ils aient un projet de vie. Donc après, les projets de vie, selon les maisons, sont différents.

  • Speaker #2

    Juste en précisant peut-être l'âge des personnes.

  • Speaker #0

    Bien sûr, on les accueille à partir de 20 ans. quand ils sont adultes. Et puis après, il n'y a pas de limite d'âge, puisqu'ils sont ici chez eux, et puis ils peuvent vieillir ici ou partir ailleurs, bien sûr, s'ils ont un autre projet. Ils ne sont pas condamnés à rester ici.

  • Speaker #2

    Quel est le principe ? Ils dorment ici ? Ils sont résidents ou ils vivent ici ?

  • Speaker #0

    Ils vivent ici. Ils vivent ici. Ils ont leurs activités à la journée. Ils ont chacun un projet personnalisé, individualisé en fonction de ce qu'ils ont à travailler. Et on établit un planning d'activités pour la journée. Alors, ils ont une réunion tous les matins où on leur précise les activités qu'ils ont. Avec des pictos, des repères, pour redire tout ce qui est la date, le temps, quelle journée, etc. Par exemple, cette semaine, on part deux jours à Quimper. Ils le savent déjà, mais on leur dit les choses. Ça, c'est important aussi pour eux en termes de repères. Et puis ensuite, on commence la répétition.

  • Speaker #2

    Tout a commencé avec un atelier de musique improvisé pendant une pause café il y a 20 ans. Des premiers concerts devant le public des parents, jusqu'aux premières dates au milieu médico-social. Au bout de 10 ans, PercuJam a pris de l'ampleur. Le projet AlterNotes est né, qui visait à intégrer d'autres jeunes adultes autistes, venus d'ailleurs. qui avaient des compétences musicales. Deux décennies plus tard, Percujam a enregistré trois albums et il a tourné partout en France et à l'étranger. Le groupe a joué avec M, Calogero ou Grand Corps Malade sur la scène du Zénith et à l'Olympia. Son aventure a été racontée d'ailleurs dans un documentaire sorti en 2018. Certains des musiciens, autistes et éducateurs y sont depuis les débuts comme Laurent Milème qui est aussi un des fondateurs.

  • Speaker #0

    Il y a 7 résidents, 7 jeunes qui ont entre 20 et 40, mais ils sont plutôt quand même entre 20 et 30. Et puis on a Raphaël qui est notre aîné. Et puis ils sont encadrés de 6 éducateurs musiciens. Donc ça fait un groupe d'à peu près 13 personnes. Plus le personnel technique, il y a moins de personnes avec nous. On est à peu près 15 quand on... Vous voyez, on parlait de Quimper tout à l'heure. voilà ça fait à peu près deux camions qui se promènent pour aller danser dans ces concerts.

  • Speaker #2

    Et ils sont dans la groupe depuis combien de temps ?

  • Speaker #0

    Ça dépend, parce que l'histoire a 20 ans, donc il y en a qui sont là depuis le début, on en a trois, et puis à partir du moment où il y a eu le projet Alternote, il y a d'autres résidents qui sont arrivés, parce qu'ils savaient que ce projet allait se faire, ils avaient ces compétences, et ils avaient aussi l'âge d'être orientés, donc ils sont venus ici. en tant que résident aux femmes alternat. Et c'est un peu le deuxième percujam, j'ai envie de dire. Et ça, c'était il y a dix ans. C'est là qu'on a eu le temps de construire un petit peu plus avec eux et que les scènes se sont encore un petit peu plus développées.

  • Speaker #2

    Donc, ils forment un groupe. Quels sont les instruments joués ? Est-ce qu'ils choisissent ? Comment ils sont formés ?

  • Speaker #0

    C'est en fonction de leurs compétences. Donc, la formation, elle est tout à fait classique, comme un groupe de musique classique, c'est-à-dire avec des jeunes guitaristes, canistes. Bateur, bassiste, chanteur et choriste.

  • Speaker #2

    Donc si on sait, pour la plupart les gens, Les gens qui connaissent un peu l'autisme, ils savent que les autistes ont très souvent des compétences musicales, une sensibilité musicale particulière. Par contre, ce qui est contradictoire, c'est un projet de scène finalement, qui est devenu un projet médiatisé, donc une exposition qui est tout à fait inhabituelle quand on parle du spectre autistique.

  • Speaker #0

    Alors avant d'en arriver à ça, il y a eu un long chemin, quand même. Parce qu'au tout début, c'est un groupe qui est né dans une activité, au sein d'une activité purement institutionnelle, et puis qui a pris de l'ampleur. Donc après, il a fallu un premier public, ça a été leurs parents. Quand on a vu en tout cas ce que ça pouvait dégager au niveau de leurs parents, effectivement, après, on s'est dit, pourquoi ne pas faire un petit peu plus encore ? Mais la scène, j'ai envie de dire, n'est que la conséquence de la musique qu'ils jouent. Et puis eux, ils jouent. essentiellement pour être sur scène. Donc tout ça, ça fait une espèce d'émulsion d'énergie qui fait qu'ils se surpassent pour pouvoir être sur scène, ils surpassent leurs difficultés, c'est ce qui rend le travail intéressant. Il ne faut jamais oublier, parce que vous dites que il y a la finalité, il y a la scène, il y a la médiatisation, pas du tout. Il ne faut pas oublier que ici, ils ont avant tout un projet de vie. Un projet de vie, ça veut dire travailler sur les difficultés qu'ils ont. Donc la musique les aide, mais évidemment, il n'y a pas que. C'est-à-dire qu'ils ont besoin de s'épanouir dans du sport, dans des maintiens cognitifs pour tous ceux qui, par exemple, ont des compétences scolaires, sur tout ce qui est communication, communiquer. On en a qui sont moins verbaux, qui vont être très écolaliques. La musique est loin d'être occupationnelle. Déjà parce que je vous dis, avant d'en arriver à ça, il fallait déjà repérer leurs compétences et surtout leur attrait. Le pari à la base avec eux, c'était que c'est des résidents. On dit souvent que dans l'autisme, ils sont renfermés sur eux, il y a peu d'appétence, etc. Quand on a vu qu'ils aimaient la musique et essentiellement ça, on s'est dit on va appuyer dessus, pour qu'ils puissent s'ouvrir à d'autres choses après. Et c'est ce qui s'est passé pour eux. Mais ça, il a fallu 20 ans. Il ne faut pas oublier, moi c'est ce que je dis souvent, que quand ils sont à l'Olympia, parce qu'ils ont fait l'Olympia, et que c'est un très beau projet, et que ça fait une grosse émulsion, autant pour les jeunes que pour les éducateurs, les éducateurs n'oublient jamais que le lendemain à 7h du matin ils seront levés aussi avec ces résidents là

  • Speaker #1

    Que les différents sont les mêmes dans tous les pays. Mais nous sommes les garants d'un monde qui court à l'oubli. Les armes de la tolérance sont bien sur scène ici.

  • Speaker #2

    Les garçons et filles sont tous autistes, mais ils ne se ressemblent pas. L'autisme est un spectre. Certains sont non-verbaux. D'autres s'expriment sans difficulté, mais ils ont en commun une communication et les relations sociales alterées. Difficile dans ce contexte de décoder leur perception du monde, comme le raconte Catherine Allier, éducatrice spécialisée aujourd'hui à la retraite, mais qui a assisté à la naissance de Percujam il y a 20 ans.

  • Speaker #1

    Quand on n'a que 15 jeunes, on peut faire de la dentelle, c'est-à-dire avoir un projet pour chacun d'eux. Et le groupe Percujam, c'est l'histoire de cette aventure-là. Il y avait deux éducateurs qui étaient en train de prendre leur café et ils étaient musiciens tous les deux. Et il y en avait un qui grattait la guitare et l'autre qui devait avoir son accordéon, quelque chose comme ça. Et on s'est rendu compte, il y a quelqu'un qui m'a dit, Catherine, venez vite voir, il y a Jean-Rodrigue qui mime le piano derrière la porte. J'ai ouvert la porte. porte et j'ai dit, venez voir, il y a Jean-Rodrigue qui est en train de mimer le piano. Alors comme par hasard, il y avait deux pianos dans la maison et ils ont dit, mais qu'est-ce que ça ne tienne ? Donc ils sont allés à côté du piano et Jean-Rodrigue s'est mis au piano et les a accompagnés avec l'oreille absolue. Il n'était jamais passé par le conservatoire, il était plus dans l'écolalie que dans la parole, dans l'échange réel. Et c'était le début de cette aventure-là. On avait un autre jeune homme qui avait un sens du rythme extraordinaire, qui était toujours en train de taper, ou sur les tables, on lui achetait une caisse claire. Et à partir de là, il y a un petit groupe qui s'est formé, au début ils étaient quatre, on a rencontré un autre jeune homme qui était ailleurs, et qui avait une très belle voix, et donc... C'est assez formé comme ça. Et j'ai dit, nous, on n'était pas dans la musicothérapie. Ce n'était pas l'idée, on va faire de la musique ensemble ou on va faire des ateliers musicaux. C'était, on va créer ce projet spécifique. Et c'était tellement bien ce qui se passait, ce qui est assez extraordinaire, et qui fédérait toute l'institution. On les retrouvait tous ensemble à certains moments. Il y avait un moment de musique, notre petit groupe commençait à répéter. Et tout le monde y allait. Et on se retrouvait à 25 dans une petite salle. Mais il y avait une espèce de plaisir partagé, donc c'était profitable pour tout le monde. Et on a découvert des tas de choses au fur et à mesure. C'est-à-dire qu'on a fait intervenir un professeur de piano de conservatoire. Elle s'appelait Isabelle, c'était une jeune femme, et qui me disait « c'est extraordinaire, c'est extraordinaire » . Elle dit parce qu'au conservatoire, souvent, j'ai des élèves qui ne sont pas du tout motivés. C'est les parents qui insistent, ils viennent là en faisant que c'est laborieux. Eux, c'est que du bonheur parce qu'ils sont en attente et ils comprennent tout. Elle dit, il suffit que je leur montre sur le clavier. Quelquefois, il n'y avait même pas besoin de leur montrer parce que c'était l'oreille absolue.

  • Speaker #2

    L'oreille absolue, la synesthésie, l'hyperacousie, les personnes autistes ont une perception sensorielle différente du monde qui les entoure. et beaucoup sont à avoir des talents exceptionnels pour la musique. Certains sont même devenus célèbres, un peu malgré eux, comme le pianiste Glenn Gould ou la chanteuse des Velvet Underground, Nico. Mais cette sensibilité particulière n'est pas une donnée nouvelle pour la science. Elle est associée à l'autisme depuis pratiquement 70 ans et les premières descriptions de ce trouble neurodéveloppemental. Dans les années 1960, les approches thérapeutiques basées sur la musique avec les enfants et les adultes se mettent en place, notamment dans les pays anglophones et en Allemagne. Elles visent tout d'abord à établir un pont entre le thérapeute et la personne autiste, mais peuvent travailler toute une panoplie d'aspects. Les compétences cognitives, l'attention, la mémoire, la parole et la communication, la collaboration et les comportements sociaux, la motricité et le rapport au corps. La science s'y penche de plus en plus ces dernières années avec une étude de 2015 qui a fait date de l'université McGill au Québec, qui a démontré les clichés de l'IRM à l'appui que la pratique musicale ou le chant provoque les modifications structurelles dans les régions du cerveau des personnes autistes responsables pour les interactions sociales. Vous êtes éducatrice aussi ? Oui.

  • Speaker #1

    Moi non.

  • Speaker #2

    Vous accompagnez le groupe ?

  • Speaker #1

    Alors moi je travaille sur AltaVote en tant qu'éducatrice, mais je ne suis pas musicienne ni chanteuse ni rien, donc du coup je fais des accompagnements autres que la musique.

  • Speaker #2

    Quel est votre sentiment par rapport à ce projet musical ? Vous m'en expliquez.

  • Speaker #1

    C'est la musique, c'est très porteur pour eux déjà. Ils peuvent avoir plein d'autres choses où ils vont aller à l'extérieur, rencontrer d'autres personnes, ils vont sur scène. C'est très valorisant pour eux, ça porte entre eux. Ils apprennent de la musique, ils ont d'énormes compétences en musique. Donc c'est très, très chouette. Et ils aiment bien la répétition ? Oui, surtout que ça fait maintenant dix ans que c'est comme ça. Donc tous les lundis, c'est la répétition. Le jeudi après-midi aussi. Et c'est des habitudes qui sont ancrées. Ça leur fait du bien. surtout que là par exemple il y a des concerts je... il y a un concert jeudi à Quimper du coup là il faut qu'ils répètent pour le concert de jeudi il y a vraiment une motivation ah oui tout à fait pour eux c'est tellement aussi inabillu que s'il n'y a pas d'appétit je pense que ça les perturbe autant plus On a des niveaux complètement différents, avec des aptitudes et des compétences complètement différentes. Mais on a un jeune homme que vous rencontrerez sans doute tout à l'heure, c'est Raphaël, qui est arrivé, il est allé je crois jusqu'au brevet des collèges, mais il a terminé un peu en souffrance scolaire. pas du tout accepté, donc il a un autre niveau. Lui, il s'exprime bien. C'est lui qui nous renseigne pour tous les autres jeunes, ceux qui n'ont pas la parole ou qui l'ont beaucoup moins. Donc on lui a donné une place complètement différente. Et pour d'autres, c'est beaucoup plus compliqué. Mais ils ont le même intérêt pour la musique, donc ils sont là. On a un jeune homme qui a une place importante. Pourtant, dans le groupe, il vient de Paris, il était scolarisé en CLIS ou en je ne sais pas quel type de structure, dans des petites classes intégrées. Et il n'y avait pas sa place, il n'y trouvait pas sa place. Et donc, à partir du moment où il a vu qu'en donnant une claque à la maîtresse, on allait mettre dehors, il a renouvelé jusqu'au moment. où on l'a évincé complètement. Et se retrouvant à la maison, à ce moment-là, c'est des traitements lourds pour le calmer, pour la briser. Quand il est arrivé, il était complètement ensuqué avec un traitement lourd, mais il adorait chanter. Donc le traitement s'est un peu amenuisé. Il est arrivé ici, il a commencé quand même par casser la télé, par... Voilà. Et maintenant c'est un jeune homme extraordinaire où les troubles du comportement ont pratiquement disparu.

  • Speaker #2

    Vous parlez aussi de la cognition et d'un travail sur le renforcement cognitif. Est-ce que la musique peut, selon vous, avoir un impact là-dessus ? Est-ce que ce que vous avez pu observer, en ce qui concerne le... Le côté de rentrer dans la parole pour certains autistes, est-ce que vous avez, parce que vous avez le recul, vous êtes observé à certaines choses ?

  • Speaker #0

    Alors effectivement, parfois d'un point de vue orthophonique, on a du mal à les comprendre, ils ont du mal à articuler les choses. Ils sont tellement motivés pour apprendre un texte, qu'ils lisent nos mimiques, nos visages, et par la motivation, là je prends l'exemple en tout cas d'un jeune qui est dans le groupe et qui est chanteur, qui a surpassé, j'ai envie de dire, ces difficultés de compréhension, parce que... Il savait ce que c'était que d'être entendu sur scène et d'être compris. Il voyait l'effet que ça faisait au niveau des gens. Et du coup, il fait des efforts pas possibles pour maîtriser sa diction, qui a fait un pas énorme depuis. D'un autre point de vue, sans rentrer dans tout ce qui est scientifique, moi, ce que je vois au quotidien, en tout cas, c'est le relationnel qui s'établit avec eux et qui leur permet, après, d'avoir acquis du relationnel avec des tas d'autres gens. Donc, d'un point de vue socialisation... Ça leur apporte énormément quand on voyage, quand on doit faire un effort sur les horaires, sur l'attente, parce que la musique ou la scène, c'est qu'un petit bout de la journée, mais il y a tout l'amont, il y a tout l'après. Il faut le gérer, la fatigue, l'irritabilité. Il ne faut pas oublier que ce sont des jeunes qui peuvent avoir des traitements aussi. Donc, ils font aussi un travail sur eux de se surpasser, de devoir faire des efforts pour se contenir. C'est ça, nous, qu'on peut voir, en tout cas, sur le terrain, dans ce que ça leur apporte. Et puis, évidemment, de voir... des salles entières applaudir, de voir leurs parents avec la larme à l'œil, de voir les amis. Pour eux, qu'est-ce que c'est gratifiant ?

  • Speaker #2

    L'association Autisme France estime à environ 700 000 le nombre de personnes avec un trouble du spectre de l'autisme en France. Parmi eux, deux tiers des enfants et près de 80% des adultes sont accueillis dans des établissements généralistes qui n'ont pas reçu un agrément spécifique autisme, nous apprend la même association. 80% des enfants autistes sont exclus du système scolaire et peu d'établissements en France offrent un projet de vie adapté aux adultes autistes. Le projet PERCU JAM est aussi la réponse à cette exclusion que vivent les personnes autistes en France. Alors, tu veux te présenter ?

  • Speaker #1

    Kevin Vaquero.

  • Speaker #2

    Tu es musicien ?

  • Speaker #0

    Musicien, chanteur, percussionniste, pianiste et batteur.

  • Speaker #2

    Quand tu as commencé, c'était un peu difficile ou tu n'étais pas bien à l'aise tout de suite ?

  • Speaker #0

    Non, je me sens bien à l'aise lorsque j'ai vu Percujam pour la première fois. Pour moi, c'est une très bonne expérience de découvrir ce groupe de musique qui est typiquement créé par des autistes et des éducateurs.

  • Speaker #2

    Qu'est-ce que ça te fait de faire de la musique dans Percujam ?

  • Speaker #0

    Pour moi, ça me donne de l'émotion agréable. Et pour moi, jouer de la musique, ça permet d'enlever toutes les angoisses qui peuvent arriver de temps en temps.

  • Speaker #1

    Je me présente, je m'appelle Raphaël et je suis bassiste, batteur, violoniste et janteur de Percujam.

  • Speaker #0

    C'est vrai que c'est un partage.

  • Speaker #1

    On est ensemble et on veut donner un espoir pour l'autisme, ça je voulais dire.

  • Speaker #2

    On a souligné effectivement les bienfaits finalement de ce projet musical, mais vous avez l'impression que l'autisme est plus accepté ou plus compris ? Parce que ce qui est aussi difficile, c'est la vie en société pour ces gens.

  • Speaker #1

    Oui, je pense qu'il se passe quelque chose à chacun des concerts, réellement. Quand ils étaient sur scène, le fait d'entendre quelquefois, moi j'étais avec les spectateurs dans la fosse, et j'entendais « c'est lesquels les autistes ? » « c'est lesquels ? » Et quelquefois c'était « l'accordéoniste, il doit être autiste » . Et l'accordéoniste, c'est un éducateur. mais il était plus stressé que les jeunes gens. Et pour moi, ça, c'était des moments extraordinaires. Je disais, on a tout gagné. Ce qui a été très important pour eux, c'est que ça leur a apporté une confiance en eux extraordinaire, mais aussi une identité. Quand j'ai entendu un grand... un nouveau jeune homme, là, qui est là maintenant, et quand on lui dit, qui tu es, toi, ou... Donc, il donne son nom et il dit musicien de Percujam ou chanteur de Percujam. Pour moi, ça, c'était un déclic extraordinaire parce qu'il se crée une identité. Avant, ils étaient handicapés fréquentant un établissement, ou alors autistes fréquentant un établissement. Mais vous voyez, on les résumait à un handicap.

  • Speaker #2

    C'était La Petite Musique du cerveau, un podcast de SACEM Université. Merci à Laurent Millem, Catherine Allier, Raphaël, Kevin et à tous les musiciens de Percujam. Merci à Studio Time pour la réalisation. Dans le prochain épisode, nous ferons du beatbox à l'hôpital. À bientôt !

Chapters

  • Introduction au projet Percujam et ses membres

    00:07

  • Le fonctionnement et les activités du foyer d'accueil

    01:12

  • Les débuts de Percujam et son évolution

    02:37

  • Les compétences musicales des participants et leur développement

    04:35

  • L'impact de la musique sur l'identité et la confiance en soi

    07:16

  • Conclusion et remerciements

    18:26

  • Teaser pour le prochain épisode

    21:53

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