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Dominique Brabant – Le seuil du vide – Partie 1 cover
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La vie est belle, essaie-la !

Dominique Brabant – Le seuil du vide – Partie 1

Dominique Brabant – Le seuil du vide – Partie 1

24min |24/01/2025
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Description

Cinéaste et mélomane, Dominique Brabant nous reçoit dans l’intimité feutrée de son appartement parisien. Au cœur de ces échanges, il est question de liberté et de l'incroyable capacité des hommes à s’adapter.


Quelque temps après cet enregistrement, Dominique nous a quittés le 4 avril 2024, à Paris. Ce podcast est un précieux témoignage de sa pensée, de sa sensibilité et de son humanité.



Ne manquez aucun nouvel épisode de La vie est belle, essaie-la ! en vous abonnant dès maintenant sur votre plateforme de podcasts préférée et retrouvez un nouvel épisode un samedi sur deux.


Nous remercions chaleureusement toutes les personnes qui ont participé à cette première saison : personnes malades, aidants, proches, professionnels de santé.


Un immense merci également à la Fondation d'entreprise IRCEM pour son précieux soutien, ainsi qu'à l’Agence CosaVostra pour la réalisation du visuel du podcast.


Ce podcast de l'ARLSA a été réalisé par Natacha Sels, la post-production est de Bertrand Chaumeton.

 

Suivez l’ARSLA sur Instagram, Facebook, LinkedIn, X et YouTube  et retrouvez plus d’information sur notre site internet.


⭐️ Si ce podcast vous plaît, n'hésitez pas à le partager à vos proches en copiant le lien. C’est la meilleure façon de nous aider à le faire connaître au plus grand nombre. Vous pouvez aussi nous laisser des étoiles et des commentaires, c’est le meilleur moyen de nous aider. Vous pouvez également soutenir l’ARSLA en faisant un don sur https://don.arsla.org/.

 

Bonne écoute !


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Natacha Sels

    La vie est belle, essaie-la ! Le podcast de l'ARSLA qui met en lumière des personnes confrontées à la SLA et des professionnels engagés.

  • Dominique Brabant

    Ceux qui survivent ne sont pas les gens les plus intelligents ou les plus robustes, mais ce sont des gens qui savent s'adapter. Charles Darwin

  • Natacha Sels

    Dominique Brabant, Le Seuil du Vide, partie 1. Dominique Brabant habite Paris, un bel appartement situé dans le 12e arrondissement. Il m'a indiqué par mail qu'il me recevrait à partir de 16h. Il m'a également précisé qu'il commençait à avoir des difficultés d'élocution et qu'il serait alité. L'entrée de l'immeuble haussmanien a du charme. Carrelage en mosaïque, colonnades et plantes à profusion. Au cinquième étage, Sabrina, l'auxiliaire de vie de Dominique, vient m'ouvrir. Douce et discrète, elle me fait pénétrer dans un appartement à l'ambiance feutrée où chaque objet raconte une histoire. Dans le salon, d'énormes enceintes laissent imaginer un mélomane. Sabrina me conduit à la chambre où Dominique est allongée sur son lit. Ses bras et ses jambes sont aujourd'hui sans vie. Rasé de près, son visage est frais, son teint rosé et ses yeux vifs quand il sourit. Il m'invite à m'installer et nous entamons une conversation. Vous y découvrirez un homme, sa vie, sa maladie. Et il sera surtout question de l'incroyable capacité d'adaptation des êtres humains.

  • Dominique Brabant

    Je souviens quelqu'un atteint de la maladie de Charcot depuis 2016 et durant ma vie professionnelle, j'ai fait du cinéma comme directeur de la photo, c'est-à-dire à la prise de vue. Et maintenant, je ne fais que résister à cette maladie qui... Évidemment, gagne de plus en plus de terrain.

  • Natacha Sels

    Est-ce que cette maladie, vous la connaissiez avant ?

  • Dominique Brabant

    Pas du tout. Pas du tout. Et je dois dire que j'ai dû aller me renseigner sur Internet. Parce que... Ils m'ont annoncé ça de manière un peu grave et ils m'ont dit que la maladie était incurable. Et donc j'ai été chercher des informations sur Internet qui... m'ont un peu affolées.

  • Natacha Sels

    Est-ce que vous avez pu en parler à quelqu'un ?

  • Dominique Brabant

    Alors écoutez, j'en ai parlé à personne, sauf à mes proches. Ils m'ont proposé une aide psychologique. Mais vous savez... J'ai fait sept ans de psychanalyse et on comprend, on ne peut pas réécrire l'histoire. Donc, il faut s'adapter à l'histoire vécue.

  • Natacha Sels

    Comment vous avez... Fait face à ça, comment vous avez trouvé les ressources pour faire face à ça ?

  • Dominique Brabant

    Alors je vais vous le dire simplement. Vous savez que toute notre vie, on est passif par rapport à la mort. Et là... J'ai décidé que ce serait moi qui appuierait sur le bouton. Donc, je serais actif au lieu d'être passif. Et ça change la donne. Ça ne résout rien, mais ça donne un peu plus confiance en soi-même. Je ne sais pas comment vous expliquer ça, mais ça inverse le jeu un petit peu.

  • Natacha Sels

    Quelle est la limite ou le moment que vous vous êtes fixé ?

  • Dominique Brabant

    Je ne sais pas. Très honnètement, je ne sais pas. Je ne peux pas vous le dire. Je pourrais résumer en disant... Quand il y a quelques menus plaisir qui restent, comme la musique, les films, les petits problèmes d'échec que j'arrive à jouer sur mon mobile, quand ces menus plaisir n'arriveront plus. à les emporter sur le désagrément de la maladie ou la souffrance, on verra. Est-ce que j'en aurai le courage en plus ? Parce que je pense qu'il faut un peu de courage, on verra bien.

  • Natacha Sels

    Est-ce que vous serez entouré ?

  • Dominique Brabant

    Je ne sais pas. La solitude ne m'a jamais fait peur.

  • Natacha Sels

    Elle est donc choisie, votre solitude ?

  • Dominique Brabant

    Elle n'est pas choisie. Elle est... C'est un de mes traits de caractère. J'ai fait beaucoup de navigation à la voile. J'avais de temps en temps des copains ou des amis ou des copines à bord, mais j'ai beaucoup navigué seul, et ça ne m'a jamais posé de problème existantiel.

  • Natacha Sels

    Est-ce qu'il y a, par rapport à ce que vous viviez là, des personnes qui vous inspirent, des livres ou des films qui vous aident ?

  • Dominique Brabant

    Je m'associe à cette pensée de Charles Darwin qui me tient à cœur et qui dit Ceux qui survivent ne sont pas les gens les plus intelligents ou les plus robustes, mais ce sont des gens qui savent s'adapter. Je crois beaucoup à cette pensée. J'ai anticipé, c'est-à-dire que j'ai des petites connaissances un peu techniques ou technologiques. Donc, j'ai pu installer des commandes vocales pour allumer la radio, pour allumer la télévision, pour me débrouiller moi-même, allumer la lumière. la porte d'entrée.

  • Natacha Sels

    Là, si je décris, je suis assis à côté de vous sur un grand lit médicalisé.

  • Dominique Brabant

    Oui.

  • Natacha Sels

    Quand vous êtes allongé comme ça, vous pouvez regarder des films sur le grand écran que je vois là. Et puis écouter de la musique. Alors quels sont vos films préférés ?

  • Dominique Brabant

    Alors là, il y a La règle du jeu de Jean Renoir, Les enfants du paradis de Marcel Carné.

  • Natacha Sels

    Par exemple, Les enfants du paradis, qu'est-ce que vous ressentez quand vous voyez ce film ?

  • Dominique Brabant

    C'est un portrait de personnages magnifiques. Il y a Jean-Louis Barrault et il y a surtout le... Le personnage de l'anarchiste interprété par, oh j'ai oublié son nom, il est génial. Il y a Ardetty, bien entendu. Il y a des comédiens extraordinaires. Je cherche le nom de son comédien formidable qu'a fait.

  • Natacha Sels

    On le cherche ? Oui.

  • Dominique Brabant

    On va le chercher. Alors, je peux m'en aller ? Ben oui, vous êtes libre. Tant mieux parce que moi j'adore ça la liberté.

  • Natacha Sels

    Elle avait quand même une voix incroyable. Un défi, oui. C'est une comédienne formidable. Ça, c'est celui que vous cherchiez.

  • Dominique Brabant

    Marcel Herrand. Marcel Herrand

  • Natacha Sels

    Et vous, j'ai vu que vous aviez travaillé avec Nina Companeez

  • Dominique Brabant

    Ah oui, j'ai fait beaucoup de films avec elle. J'ai fait cinq films, et des films tous très intéressants. J'ai fait un film qui était privé. et pour elle et même pour moi, qui s'appelle L'Allée du Roi.

  • Natacha Sels

    Oui, de Françoise Chandernagor, c'est ça ?

  • Dominique Brabant

    Exactement, et c'était une aventure technique et artistique extraordinaire, parce qu'il a fallu qu'avec Dominique Dante, qu'on lui donne l'aspect 18-20 ans jusqu'à 80 ans.

  • Natacha Sels

    Et vous avez commencé avec un film qui s'appelle Le Seuil du Vide.

  • Dominique Brabant

    Oui, en fait, très au cours. J'ai tourné ce film quand j'avais 22 ans.

  • Natacha Sels

    C'est lui qui vous a lancé ?

  • Dominique Brabant

    Oui. Je me suis intéressé au cinéma. depuis l'âge de 14-15 ans. J'ai fait trois courts-métrages avec mes propres moyen vers 16, 17, 18 ans. J'étais assistant de deux, trois directeurs photo. Mais je n'ai pas fait d'école de cinéma. Je me suis débrouillé et Jean-François Davy est le premier réalisateur qui m'a fait confiance très très tôt.

  • Natacha Sels

    Qu'est-ce que ça vous a apporté le cinéma ?

  • Dominique Brabant

    Le cinéma m'a apporté l'occasion d'avoir des vies multiples.

  • Natacha Sels

    Depuis que vous êtes tombé malade, vous sortez de temps en temps de l'appartement ?

  • Dominique Brabant

    Non. Non, parce que c'est une trop grosse épreuve. Je ne fais ça que pour aller à l'hôpital.

  • Natacha Sels

    Est-ce que vous avez de la visite ?

  • Dominique Brabant

    Oui. Alors, ça c'est un petit secret. C'est que je fais de... maximum pour garder du lien social, même si maintenant j'ai suspendu pas mal de visites puisque j'ai du mal à parler. J'ai des copains, j'ai des amis, j'ai mes soeurs. J'ai ma belle-mère, j'ai des gens qui passent me voir, des copains du métier, des copains d'enfance, des copains du quartier. Dans la mesure du possbile, j'essaie d'entretenir avec plaisir d'ailleurs ces visites que je mets maintenant à partir de 16h. Le matin, je suis devant l'ordinateur, j'essaie de m'occuper des affaires courantes avec les mails, avec tout ça. Et puis je mange avec Sabrina qui revient vers 13h30 à peu près. Et puis elle me couche autour de 15h, 15h30, ça dépend... et comme ça je peux avoir des visites à partir de 7 heures.

  • Natacha Sels

    Ça fait combien de temps que vous êtes alité ?

  • Dominique Brabant

    Avant, elle m'alitait à 6h ou 7h du soir. Mais elle a d'autres patients, Sabrina. Donc, on s'est organisé. Et puis, moi, je ne peux pas tellement tenir plus de... 3-4 ans dans le fauteuil, ça fait 6 mois ou un an que je suis alité à partir de 16h l'après-midi.

  • Natacha Sels

    Comment ont évolué les symptômes à partir du moment où vous êtes tombé malade ?

  • Dominique Brabant

    Telle que la théorie le dit, tel que je l'avais imaginé, sauf que je crois que je suis en sursis, ils ont évolué un peu plus lentement que pour d'autres personnes. J'en suis à sept ans passés.

  • Natacha Sels

    Est-ce que vous avez eu droit à des aides ?

  • Dominique Brabant

    Le médecin qui s'occupe de moi, qui est M. Prada, m'a inscrit à cette fameuse association de soutien aux gens malades de SLA, de Charcot, qui s'appellent AR SL A et qui vont apporter et qui continuent de m'apporter beaucoup de soutien, sous diverses formes, en me prêtant des appareils.

  • Natacha Sels

    Et Sabrina, elle vient d'où ?

  • Dominique Brabant

    Sabrina, c'est une aide à domicile, comme toutes les personnes âgées ou toutes les personnes malades peuvent avoir. J'ai eu la chance de tomber sur elle, qui est formidable, qui est intelligente, qui comprend ma maladie, qui comprend l'évolution de ma maladie, qui me connaît bien, puisqu'elle s'occupe de moi depuis 4 ans, 4 ans à peu près.

  • Sabrina

    Moi ça fait... Ça fait 4 ans que je suis là maintenant. Alors je m'appelle Sabrina, j'ai 42 ans, je suis auxiliaire de vie depuis 20 ans.

  • Natacha Sels

    Qu'est-ce que vous pourriez décrire Dominique ?

  • Sabrina

    Ça c'est une question... C'est quelqu'un d'adorable, très gentil, patient. Comment on peut le décrire ? C'est quelqu'un de très humain, sans parler de la maladie, mais qui pense aux autres aussi. Il a un moral d'acier. Mais énorme.

  • Natacha Sels

    Quel lien vous avez créé avec lui ?

  • Sabrina

    Comment vous dire ça ? On oublie que c'est le professionnel. Complètement. Un proche, une personne de la famille, tout ce que vous dites, mais pas... On oublie le professionnel. Complètement.

  • Natacha Sels

    Vous n'êtes pas la seule, j'imagine, à vous occuper de lui, parce que vous venez peut-être pas tous les jours ?

  • Sabrina

    Si. Oui, oui, tous les jours.

  • Natacha Sels

    Je suis assez impressionnée. Vous prenez des vacances quand même ?

  • Sabrina

    Oui, j'en ai pris quand même, mais je les prends en été souvent.

  • Natacha Sels

    Donc vous avez une remplaçante ?

  • Sabrina

    Alors oui, on en cherche.

  • Natacha Sels

    Est-ce que vous avez quelqu'un à qui vous pourriez vous référer ?

  • Sabrina

    Non.

  • Natacha Sels

    Et vous n'avez pas de temps en temps des difficultés et de l'inquiétude à le laisser seul quand vous partez ?

  • Sabrina

    Oui, beaucoup moins, parce que maintenant il y a des... Il y a depuis le mois de février, je crois, oui, février, à quelques jours près, il y a des gardes de nuit. Elles sont deux, ça tourne. Donc là, c'est depuis le mois de février, oui, mi-février, donc on se dit, bon, il y a quelqu'un. Mais avant, on a le téléphone à côté, quoi. Dès qu'il sonne, on se dit, mince, on ne sait jamais, quoi. Donc, dès qu'il peut appeler, on regarde le téléphone, alors qu'on se dit... Il a moins d'inquiétude parce qu'il y a quelqu'un. Mais c'est vrai que...

  • Dominique Brabant

    Voilà, c'est une aide à domicile que j'ai pris et pour laquelle je reçois très peu d'aide puisque si je vous disais que... On m'aide de 100 euros par mois, c'est totalement ridicule. Heureusement que j'ai des économies. qui me permettent encore de faire face.

  • Natacha Sels

    La sécurité sociale ne vous aide pas ?

  • Dominique Brabant

    Non, je suis juste classé en maladie de longue durée. C'est tout, quoi. Mais je ne peux compter que sur mes propres forces. Financièrement, la sécurité sociale me rembourse les examens, les consultations, tout ça, comme pour tout le monde.

  • Natacha Sels

    Est-ce que vous êtes en contact avec d'autres malades ?

  • Dominique Brabant

    Non.

  • Natacha Sels

    Vous n'avez pas eu envie ?

  • Dominique Brabant

    Non. Je vais être honnête. Je n'ai pas besoin de parler de ma maladie aux autres. Et je n'ai pas besoin que les autres me parlent de leur maladie.

  • Natacha Sels

    De quoi vous auriez besoin, justement ?

  • Dominique Brabant

    Que la maladie recule, j'ai failli, j'avais pas de machine d'aide à la toux, le 15 août, j'ai failli étouffer à cause des glaires car je n'avais pas de puissance pour expectorer et grâce à Madame Cordes j'ai été en pneumologie et on m'a fourni une machine d'aide à la toux qui est très très utile pour moi. Je vais vous faire écouter un truc. 13. Ça va vous amuser. Toucher 13. Appuyez sur 3. C'est un air très connu des années 50. Et l'auteur de cette musique, c'est un cubain. C'est très sympa.

  • Speaker #3

    C'est très marrant,

  • Dominique Brabant

    oui.

  • Natacha Sels

    Oui, très. Quand vous êtes tombée malade, est-ce que vous vous êtes dit qu'il y avait quelque chose que vous aviez encore envie de faire absolument ?

  • Dominique Brabant

    Ah oui. J'aurais adoré proposer mes services au guide Michelin, aller faire la tournée des hôtels et des repas du soir, et faire des comptes rendus avec ma voiture. J'aurais adoré sillonner la France profonde. Ça m'aurait beaucoup plu.

  • Natacha Sels

    Vous qui aimez la psychanalyse, vous avez parlé de Freud. Est-ce que vous essayez de donner un sens à cette maladie ?

  • Dominique Brabant

    Non. Je mets ça. Sur le compte de la malchance, la petite force que j'ai, c'est d'avoir bien compris la phrase de Charles Darwin.

  • Natacha Sels

    Dans le prochain épisode, vous retrouverez Dominique Brabant, Le Seuil du Vide, partie 2. Restez à l'écoute de notre podcast La vie est belle, essaie-la (SLA) ! et abonnez-vous sur votre plateforme préférée.

Description

Cinéaste et mélomane, Dominique Brabant nous reçoit dans l’intimité feutrée de son appartement parisien. Au cœur de ces échanges, il est question de liberté et de l'incroyable capacité des hommes à s’adapter.


Quelque temps après cet enregistrement, Dominique nous a quittés le 4 avril 2024, à Paris. Ce podcast est un précieux témoignage de sa pensée, de sa sensibilité et de son humanité.



Ne manquez aucun nouvel épisode de La vie est belle, essaie-la ! en vous abonnant dès maintenant sur votre plateforme de podcasts préférée et retrouvez un nouvel épisode un samedi sur deux.


Nous remercions chaleureusement toutes les personnes qui ont participé à cette première saison : personnes malades, aidants, proches, professionnels de santé.


Un immense merci également à la Fondation d'entreprise IRCEM pour son précieux soutien, ainsi qu'à l’Agence CosaVostra pour la réalisation du visuel du podcast.


Ce podcast de l'ARLSA a été réalisé par Natacha Sels, la post-production est de Bertrand Chaumeton.

 

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⭐️ Si ce podcast vous plaît, n'hésitez pas à le partager à vos proches en copiant le lien. C’est la meilleure façon de nous aider à le faire connaître au plus grand nombre. Vous pouvez aussi nous laisser des étoiles et des commentaires, c’est le meilleur moyen de nous aider. Vous pouvez également soutenir l’ARSLA en faisant un don sur https://don.arsla.org/.

 

Bonne écoute !


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Natacha Sels

    La vie est belle, essaie-la ! Le podcast de l'ARSLA qui met en lumière des personnes confrontées à la SLA et des professionnels engagés.

  • Dominique Brabant

    Ceux qui survivent ne sont pas les gens les plus intelligents ou les plus robustes, mais ce sont des gens qui savent s'adapter. Charles Darwin

  • Natacha Sels

    Dominique Brabant, Le Seuil du Vide, partie 1. Dominique Brabant habite Paris, un bel appartement situé dans le 12e arrondissement. Il m'a indiqué par mail qu'il me recevrait à partir de 16h. Il m'a également précisé qu'il commençait à avoir des difficultés d'élocution et qu'il serait alité. L'entrée de l'immeuble haussmanien a du charme. Carrelage en mosaïque, colonnades et plantes à profusion. Au cinquième étage, Sabrina, l'auxiliaire de vie de Dominique, vient m'ouvrir. Douce et discrète, elle me fait pénétrer dans un appartement à l'ambiance feutrée où chaque objet raconte une histoire. Dans le salon, d'énormes enceintes laissent imaginer un mélomane. Sabrina me conduit à la chambre où Dominique est allongée sur son lit. Ses bras et ses jambes sont aujourd'hui sans vie. Rasé de près, son visage est frais, son teint rosé et ses yeux vifs quand il sourit. Il m'invite à m'installer et nous entamons une conversation. Vous y découvrirez un homme, sa vie, sa maladie. Et il sera surtout question de l'incroyable capacité d'adaptation des êtres humains.

  • Dominique Brabant

    Je souviens quelqu'un atteint de la maladie de Charcot depuis 2016 et durant ma vie professionnelle, j'ai fait du cinéma comme directeur de la photo, c'est-à-dire à la prise de vue. Et maintenant, je ne fais que résister à cette maladie qui... Évidemment, gagne de plus en plus de terrain.

  • Natacha Sels

    Est-ce que cette maladie, vous la connaissiez avant ?

  • Dominique Brabant

    Pas du tout. Pas du tout. Et je dois dire que j'ai dû aller me renseigner sur Internet. Parce que... Ils m'ont annoncé ça de manière un peu grave et ils m'ont dit que la maladie était incurable. Et donc j'ai été chercher des informations sur Internet qui... m'ont un peu affolées.

  • Natacha Sels

    Est-ce que vous avez pu en parler à quelqu'un ?

  • Dominique Brabant

    Alors écoutez, j'en ai parlé à personne, sauf à mes proches. Ils m'ont proposé une aide psychologique. Mais vous savez... J'ai fait sept ans de psychanalyse et on comprend, on ne peut pas réécrire l'histoire. Donc, il faut s'adapter à l'histoire vécue.

  • Natacha Sels

    Comment vous avez... Fait face à ça, comment vous avez trouvé les ressources pour faire face à ça ?

  • Dominique Brabant

    Alors je vais vous le dire simplement. Vous savez que toute notre vie, on est passif par rapport à la mort. Et là... J'ai décidé que ce serait moi qui appuierait sur le bouton. Donc, je serais actif au lieu d'être passif. Et ça change la donne. Ça ne résout rien, mais ça donne un peu plus confiance en soi-même. Je ne sais pas comment vous expliquer ça, mais ça inverse le jeu un petit peu.

  • Natacha Sels

    Quelle est la limite ou le moment que vous vous êtes fixé ?

  • Dominique Brabant

    Je ne sais pas. Très honnètement, je ne sais pas. Je ne peux pas vous le dire. Je pourrais résumer en disant... Quand il y a quelques menus plaisir qui restent, comme la musique, les films, les petits problèmes d'échec que j'arrive à jouer sur mon mobile, quand ces menus plaisir n'arriveront plus. à les emporter sur le désagrément de la maladie ou la souffrance, on verra. Est-ce que j'en aurai le courage en plus ? Parce que je pense qu'il faut un peu de courage, on verra bien.

  • Natacha Sels

    Est-ce que vous serez entouré ?

  • Dominique Brabant

    Je ne sais pas. La solitude ne m'a jamais fait peur.

  • Natacha Sels

    Elle est donc choisie, votre solitude ?

  • Dominique Brabant

    Elle n'est pas choisie. Elle est... C'est un de mes traits de caractère. J'ai fait beaucoup de navigation à la voile. J'avais de temps en temps des copains ou des amis ou des copines à bord, mais j'ai beaucoup navigué seul, et ça ne m'a jamais posé de problème existantiel.

  • Natacha Sels

    Est-ce qu'il y a, par rapport à ce que vous viviez là, des personnes qui vous inspirent, des livres ou des films qui vous aident ?

  • Dominique Brabant

    Je m'associe à cette pensée de Charles Darwin qui me tient à cœur et qui dit Ceux qui survivent ne sont pas les gens les plus intelligents ou les plus robustes, mais ce sont des gens qui savent s'adapter. Je crois beaucoup à cette pensée. J'ai anticipé, c'est-à-dire que j'ai des petites connaissances un peu techniques ou technologiques. Donc, j'ai pu installer des commandes vocales pour allumer la radio, pour allumer la télévision, pour me débrouiller moi-même, allumer la lumière. la porte d'entrée.

  • Natacha Sels

    Là, si je décris, je suis assis à côté de vous sur un grand lit médicalisé.

  • Dominique Brabant

    Oui.

  • Natacha Sels

    Quand vous êtes allongé comme ça, vous pouvez regarder des films sur le grand écran que je vois là. Et puis écouter de la musique. Alors quels sont vos films préférés ?

  • Dominique Brabant

    Alors là, il y a La règle du jeu de Jean Renoir, Les enfants du paradis de Marcel Carné.

  • Natacha Sels

    Par exemple, Les enfants du paradis, qu'est-ce que vous ressentez quand vous voyez ce film ?

  • Dominique Brabant

    C'est un portrait de personnages magnifiques. Il y a Jean-Louis Barrault et il y a surtout le... Le personnage de l'anarchiste interprété par, oh j'ai oublié son nom, il est génial. Il y a Ardetty, bien entendu. Il y a des comédiens extraordinaires. Je cherche le nom de son comédien formidable qu'a fait.

  • Natacha Sels

    On le cherche ? Oui.

  • Dominique Brabant

    On va le chercher. Alors, je peux m'en aller ? Ben oui, vous êtes libre. Tant mieux parce que moi j'adore ça la liberté.

  • Natacha Sels

    Elle avait quand même une voix incroyable. Un défi, oui. C'est une comédienne formidable. Ça, c'est celui que vous cherchiez.

  • Dominique Brabant

    Marcel Herrand. Marcel Herrand

  • Natacha Sels

    Et vous, j'ai vu que vous aviez travaillé avec Nina Companeez

  • Dominique Brabant

    Ah oui, j'ai fait beaucoup de films avec elle. J'ai fait cinq films, et des films tous très intéressants. J'ai fait un film qui était privé. et pour elle et même pour moi, qui s'appelle L'Allée du Roi.

  • Natacha Sels

    Oui, de Françoise Chandernagor, c'est ça ?

  • Dominique Brabant

    Exactement, et c'était une aventure technique et artistique extraordinaire, parce qu'il a fallu qu'avec Dominique Dante, qu'on lui donne l'aspect 18-20 ans jusqu'à 80 ans.

  • Natacha Sels

    Et vous avez commencé avec un film qui s'appelle Le Seuil du Vide.

  • Dominique Brabant

    Oui, en fait, très au cours. J'ai tourné ce film quand j'avais 22 ans.

  • Natacha Sels

    C'est lui qui vous a lancé ?

  • Dominique Brabant

    Oui. Je me suis intéressé au cinéma. depuis l'âge de 14-15 ans. J'ai fait trois courts-métrages avec mes propres moyen vers 16, 17, 18 ans. J'étais assistant de deux, trois directeurs photo. Mais je n'ai pas fait d'école de cinéma. Je me suis débrouillé et Jean-François Davy est le premier réalisateur qui m'a fait confiance très très tôt.

  • Natacha Sels

    Qu'est-ce que ça vous a apporté le cinéma ?

  • Dominique Brabant

    Le cinéma m'a apporté l'occasion d'avoir des vies multiples.

  • Natacha Sels

    Depuis que vous êtes tombé malade, vous sortez de temps en temps de l'appartement ?

  • Dominique Brabant

    Non. Non, parce que c'est une trop grosse épreuve. Je ne fais ça que pour aller à l'hôpital.

  • Natacha Sels

    Est-ce que vous avez de la visite ?

  • Dominique Brabant

    Oui. Alors, ça c'est un petit secret. C'est que je fais de... maximum pour garder du lien social, même si maintenant j'ai suspendu pas mal de visites puisque j'ai du mal à parler. J'ai des copains, j'ai des amis, j'ai mes soeurs. J'ai ma belle-mère, j'ai des gens qui passent me voir, des copains du métier, des copains d'enfance, des copains du quartier. Dans la mesure du possbile, j'essaie d'entretenir avec plaisir d'ailleurs ces visites que je mets maintenant à partir de 16h. Le matin, je suis devant l'ordinateur, j'essaie de m'occuper des affaires courantes avec les mails, avec tout ça. Et puis je mange avec Sabrina qui revient vers 13h30 à peu près. Et puis elle me couche autour de 15h, 15h30, ça dépend... et comme ça je peux avoir des visites à partir de 7 heures.

  • Natacha Sels

    Ça fait combien de temps que vous êtes alité ?

  • Dominique Brabant

    Avant, elle m'alitait à 6h ou 7h du soir. Mais elle a d'autres patients, Sabrina. Donc, on s'est organisé. Et puis, moi, je ne peux pas tellement tenir plus de... 3-4 ans dans le fauteuil, ça fait 6 mois ou un an que je suis alité à partir de 16h l'après-midi.

  • Natacha Sels

    Comment ont évolué les symptômes à partir du moment où vous êtes tombé malade ?

  • Dominique Brabant

    Telle que la théorie le dit, tel que je l'avais imaginé, sauf que je crois que je suis en sursis, ils ont évolué un peu plus lentement que pour d'autres personnes. J'en suis à sept ans passés.

  • Natacha Sels

    Est-ce que vous avez eu droit à des aides ?

  • Dominique Brabant

    Le médecin qui s'occupe de moi, qui est M. Prada, m'a inscrit à cette fameuse association de soutien aux gens malades de SLA, de Charcot, qui s'appellent AR SL A et qui vont apporter et qui continuent de m'apporter beaucoup de soutien, sous diverses formes, en me prêtant des appareils.

  • Natacha Sels

    Et Sabrina, elle vient d'où ?

  • Dominique Brabant

    Sabrina, c'est une aide à domicile, comme toutes les personnes âgées ou toutes les personnes malades peuvent avoir. J'ai eu la chance de tomber sur elle, qui est formidable, qui est intelligente, qui comprend ma maladie, qui comprend l'évolution de ma maladie, qui me connaît bien, puisqu'elle s'occupe de moi depuis 4 ans, 4 ans à peu près.

  • Sabrina

    Moi ça fait... Ça fait 4 ans que je suis là maintenant. Alors je m'appelle Sabrina, j'ai 42 ans, je suis auxiliaire de vie depuis 20 ans.

  • Natacha Sels

    Qu'est-ce que vous pourriez décrire Dominique ?

  • Sabrina

    Ça c'est une question... C'est quelqu'un d'adorable, très gentil, patient. Comment on peut le décrire ? C'est quelqu'un de très humain, sans parler de la maladie, mais qui pense aux autres aussi. Il a un moral d'acier. Mais énorme.

  • Natacha Sels

    Quel lien vous avez créé avec lui ?

  • Sabrina

    Comment vous dire ça ? On oublie que c'est le professionnel. Complètement. Un proche, une personne de la famille, tout ce que vous dites, mais pas... On oublie le professionnel. Complètement.

  • Natacha Sels

    Vous n'êtes pas la seule, j'imagine, à vous occuper de lui, parce que vous venez peut-être pas tous les jours ?

  • Sabrina

    Si. Oui, oui, tous les jours.

  • Natacha Sels

    Je suis assez impressionnée. Vous prenez des vacances quand même ?

  • Sabrina

    Oui, j'en ai pris quand même, mais je les prends en été souvent.

  • Natacha Sels

    Donc vous avez une remplaçante ?

  • Sabrina

    Alors oui, on en cherche.

  • Natacha Sels

    Est-ce que vous avez quelqu'un à qui vous pourriez vous référer ?

  • Sabrina

    Non.

  • Natacha Sels

    Et vous n'avez pas de temps en temps des difficultés et de l'inquiétude à le laisser seul quand vous partez ?

  • Sabrina

    Oui, beaucoup moins, parce que maintenant il y a des... Il y a depuis le mois de février, je crois, oui, février, à quelques jours près, il y a des gardes de nuit. Elles sont deux, ça tourne. Donc là, c'est depuis le mois de février, oui, mi-février, donc on se dit, bon, il y a quelqu'un. Mais avant, on a le téléphone à côté, quoi. Dès qu'il sonne, on se dit, mince, on ne sait jamais, quoi. Donc, dès qu'il peut appeler, on regarde le téléphone, alors qu'on se dit... Il a moins d'inquiétude parce qu'il y a quelqu'un. Mais c'est vrai que...

  • Dominique Brabant

    Voilà, c'est une aide à domicile que j'ai pris et pour laquelle je reçois très peu d'aide puisque si je vous disais que... On m'aide de 100 euros par mois, c'est totalement ridicule. Heureusement que j'ai des économies. qui me permettent encore de faire face.

  • Natacha Sels

    La sécurité sociale ne vous aide pas ?

  • Dominique Brabant

    Non, je suis juste classé en maladie de longue durée. C'est tout, quoi. Mais je ne peux compter que sur mes propres forces. Financièrement, la sécurité sociale me rembourse les examens, les consultations, tout ça, comme pour tout le monde.

  • Natacha Sels

    Est-ce que vous êtes en contact avec d'autres malades ?

  • Dominique Brabant

    Non.

  • Natacha Sels

    Vous n'avez pas eu envie ?

  • Dominique Brabant

    Non. Je vais être honnête. Je n'ai pas besoin de parler de ma maladie aux autres. Et je n'ai pas besoin que les autres me parlent de leur maladie.

  • Natacha Sels

    De quoi vous auriez besoin, justement ?

  • Dominique Brabant

    Que la maladie recule, j'ai failli, j'avais pas de machine d'aide à la toux, le 15 août, j'ai failli étouffer à cause des glaires car je n'avais pas de puissance pour expectorer et grâce à Madame Cordes j'ai été en pneumologie et on m'a fourni une machine d'aide à la toux qui est très très utile pour moi. Je vais vous faire écouter un truc. 13. Ça va vous amuser. Toucher 13. Appuyez sur 3. C'est un air très connu des années 50. Et l'auteur de cette musique, c'est un cubain. C'est très sympa.

  • Speaker #3

    C'est très marrant,

  • Dominique Brabant

    oui.

  • Natacha Sels

    Oui, très. Quand vous êtes tombée malade, est-ce que vous vous êtes dit qu'il y avait quelque chose que vous aviez encore envie de faire absolument ?

  • Dominique Brabant

    Ah oui. J'aurais adoré proposer mes services au guide Michelin, aller faire la tournée des hôtels et des repas du soir, et faire des comptes rendus avec ma voiture. J'aurais adoré sillonner la France profonde. Ça m'aurait beaucoup plu.

  • Natacha Sels

    Vous qui aimez la psychanalyse, vous avez parlé de Freud. Est-ce que vous essayez de donner un sens à cette maladie ?

  • Dominique Brabant

    Non. Je mets ça. Sur le compte de la malchance, la petite force que j'ai, c'est d'avoir bien compris la phrase de Charles Darwin.

  • Natacha Sels

    Dans le prochain épisode, vous retrouverez Dominique Brabant, Le Seuil du Vide, partie 2. Restez à l'écoute de notre podcast La vie est belle, essaie-la (SLA) ! et abonnez-vous sur votre plateforme préférée.

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Description

Cinéaste et mélomane, Dominique Brabant nous reçoit dans l’intimité feutrée de son appartement parisien. Au cœur de ces échanges, il est question de liberté et de l'incroyable capacité des hommes à s’adapter.


Quelque temps après cet enregistrement, Dominique nous a quittés le 4 avril 2024, à Paris. Ce podcast est un précieux témoignage de sa pensée, de sa sensibilité et de son humanité.



Ne manquez aucun nouvel épisode de La vie est belle, essaie-la ! en vous abonnant dès maintenant sur votre plateforme de podcasts préférée et retrouvez un nouvel épisode un samedi sur deux.


Nous remercions chaleureusement toutes les personnes qui ont participé à cette première saison : personnes malades, aidants, proches, professionnels de santé.


Un immense merci également à la Fondation d'entreprise IRCEM pour son précieux soutien, ainsi qu'à l’Agence CosaVostra pour la réalisation du visuel du podcast.


Ce podcast de l'ARLSA a été réalisé par Natacha Sels, la post-production est de Bertrand Chaumeton.

 

Suivez l’ARSLA sur Instagram, Facebook, LinkedIn, X et YouTube  et retrouvez plus d’information sur notre site internet.


⭐️ Si ce podcast vous plaît, n'hésitez pas à le partager à vos proches en copiant le lien. C’est la meilleure façon de nous aider à le faire connaître au plus grand nombre. Vous pouvez aussi nous laisser des étoiles et des commentaires, c’est le meilleur moyen de nous aider. Vous pouvez également soutenir l’ARSLA en faisant un don sur https://don.arsla.org/.

 

Bonne écoute !


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Natacha Sels

    La vie est belle, essaie-la ! Le podcast de l'ARSLA qui met en lumière des personnes confrontées à la SLA et des professionnels engagés.

  • Dominique Brabant

    Ceux qui survivent ne sont pas les gens les plus intelligents ou les plus robustes, mais ce sont des gens qui savent s'adapter. Charles Darwin

  • Natacha Sels

    Dominique Brabant, Le Seuil du Vide, partie 1. Dominique Brabant habite Paris, un bel appartement situé dans le 12e arrondissement. Il m'a indiqué par mail qu'il me recevrait à partir de 16h. Il m'a également précisé qu'il commençait à avoir des difficultés d'élocution et qu'il serait alité. L'entrée de l'immeuble haussmanien a du charme. Carrelage en mosaïque, colonnades et plantes à profusion. Au cinquième étage, Sabrina, l'auxiliaire de vie de Dominique, vient m'ouvrir. Douce et discrète, elle me fait pénétrer dans un appartement à l'ambiance feutrée où chaque objet raconte une histoire. Dans le salon, d'énormes enceintes laissent imaginer un mélomane. Sabrina me conduit à la chambre où Dominique est allongée sur son lit. Ses bras et ses jambes sont aujourd'hui sans vie. Rasé de près, son visage est frais, son teint rosé et ses yeux vifs quand il sourit. Il m'invite à m'installer et nous entamons une conversation. Vous y découvrirez un homme, sa vie, sa maladie. Et il sera surtout question de l'incroyable capacité d'adaptation des êtres humains.

  • Dominique Brabant

    Je souviens quelqu'un atteint de la maladie de Charcot depuis 2016 et durant ma vie professionnelle, j'ai fait du cinéma comme directeur de la photo, c'est-à-dire à la prise de vue. Et maintenant, je ne fais que résister à cette maladie qui... Évidemment, gagne de plus en plus de terrain.

  • Natacha Sels

    Est-ce que cette maladie, vous la connaissiez avant ?

  • Dominique Brabant

    Pas du tout. Pas du tout. Et je dois dire que j'ai dû aller me renseigner sur Internet. Parce que... Ils m'ont annoncé ça de manière un peu grave et ils m'ont dit que la maladie était incurable. Et donc j'ai été chercher des informations sur Internet qui... m'ont un peu affolées.

  • Natacha Sels

    Est-ce que vous avez pu en parler à quelqu'un ?

  • Dominique Brabant

    Alors écoutez, j'en ai parlé à personne, sauf à mes proches. Ils m'ont proposé une aide psychologique. Mais vous savez... J'ai fait sept ans de psychanalyse et on comprend, on ne peut pas réécrire l'histoire. Donc, il faut s'adapter à l'histoire vécue.

  • Natacha Sels

    Comment vous avez... Fait face à ça, comment vous avez trouvé les ressources pour faire face à ça ?

  • Dominique Brabant

    Alors je vais vous le dire simplement. Vous savez que toute notre vie, on est passif par rapport à la mort. Et là... J'ai décidé que ce serait moi qui appuierait sur le bouton. Donc, je serais actif au lieu d'être passif. Et ça change la donne. Ça ne résout rien, mais ça donne un peu plus confiance en soi-même. Je ne sais pas comment vous expliquer ça, mais ça inverse le jeu un petit peu.

  • Natacha Sels

    Quelle est la limite ou le moment que vous vous êtes fixé ?

  • Dominique Brabant

    Je ne sais pas. Très honnètement, je ne sais pas. Je ne peux pas vous le dire. Je pourrais résumer en disant... Quand il y a quelques menus plaisir qui restent, comme la musique, les films, les petits problèmes d'échec que j'arrive à jouer sur mon mobile, quand ces menus plaisir n'arriveront plus. à les emporter sur le désagrément de la maladie ou la souffrance, on verra. Est-ce que j'en aurai le courage en plus ? Parce que je pense qu'il faut un peu de courage, on verra bien.

  • Natacha Sels

    Est-ce que vous serez entouré ?

  • Dominique Brabant

    Je ne sais pas. La solitude ne m'a jamais fait peur.

  • Natacha Sels

    Elle est donc choisie, votre solitude ?

  • Dominique Brabant

    Elle n'est pas choisie. Elle est... C'est un de mes traits de caractère. J'ai fait beaucoup de navigation à la voile. J'avais de temps en temps des copains ou des amis ou des copines à bord, mais j'ai beaucoup navigué seul, et ça ne m'a jamais posé de problème existantiel.

  • Natacha Sels

    Est-ce qu'il y a, par rapport à ce que vous viviez là, des personnes qui vous inspirent, des livres ou des films qui vous aident ?

  • Dominique Brabant

    Je m'associe à cette pensée de Charles Darwin qui me tient à cœur et qui dit Ceux qui survivent ne sont pas les gens les plus intelligents ou les plus robustes, mais ce sont des gens qui savent s'adapter. Je crois beaucoup à cette pensée. J'ai anticipé, c'est-à-dire que j'ai des petites connaissances un peu techniques ou technologiques. Donc, j'ai pu installer des commandes vocales pour allumer la radio, pour allumer la télévision, pour me débrouiller moi-même, allumer la lumière. la porte d'entrée.

  • Natacha Sels

    Là, si je décris, je suis assis à côté de vous sur un grand lit médicalisé.

  • Dominique Brabant

    Oui.

  • Natacha Sels

    Quand vous êtes allongé comme ça, vous pouvez regarder des films sur le grand écran que je vois là. Et puis écouter de la musique. Alors quels sont vos films préférés ?

  • Dominique Brabant

    Alors là, il y a La règle du jeu de Jean Renoir, Les enfants du paradis de Marcel Carné.

  • Natacha Sels

    Par exemple, Les enfants du paradis, qu'est-ce que vous ressentez quand vous voyez ce film ?

  • Dominique Brabant

    C'est un portrait de personnages magnifiques. Il y a Jean-Louis Barrault et il y a surtout le... Le personnage de l'anarchiste interprété par, oh j'ai oublié son nom, il est génial. Il y a Ardetty, bien entendu. Il y a des comédiens extraordinaires. Je cherche le nom de son comédien formidable qu'a fait.

  • Natacha Sels

    On le cherche ? Oui.

  • Dominique Brabant

    On va le chercher. Alors, je peux m'en aller ? Ben oui, vous êtes libre. Tant mieux parce que moi j'adore ça la liberté.

  • Natacha Sels

    Elle avait quand même une voix incroyable. Un défi, oui. C'est une comédienne formidable. Ça, c'est celui que vous cherchiez.

  • Dominique Brabant

    Marcel Herrand. Marcel Herrand

  • Natacha Sels

    Et vous, j'ai vu que vous aviez travaillé avec Nina Companeez

  • Dominique Brabant

    Ah oui, j'ai fait beaucoup de films avec elle. J'ai fait cinq films, et des films tous très intéressants. J'ai fait un film qui était privé. et pour elle et même pour moi, qui s'appelle L'Allée du Roi.

  • Natacha Sels

    Oui, de Françoise Chandernagor, c'est ça ?

  • Dominique Brabant

    Exactement, et c'était une aventure technique et artistique extraordinaire, parce qu'il a fallu qu'avec Dominique Dante, qu'on lui donne l'aspect 18-20 ans jusqu'à 80 ans.

  • Natacha Sels

    Et vous avez commencé avec un film qui s'appelle Le Seuil du Vide.

  • Dominique Brabant

    Oui, en fait, très au cours. J'ai tourné ce film quand j'avais 22 ans.

  • Natacha Sels

    C'est lui qui vous a lancé ?

  • Dominique Brabant

    Oui. Je me suis intéressé au cinéma. depuis l'âge de 14-15 ans. J'ai fait trois courts-métrages avec mes propres moyen vers 16, 17, 18 ans. J'étais assistant de deux, trois directeurs photo. Mais je n'ai pas fait d'école de cinéma. Je me suis débrouillé et Jean-François Davy est le premier réalisateur qui m'a fait confiance très très tôt.

  • Natacha Sels

    Qu'est-ce que ça vous a apporté le cinéma ?

  • Dominique Brabant

    Le cinéma m'a apporté l'occasion d'avoir des vies multiples.

  • Natacha Sels

    Depuis que vous êtes tombé malade, vous sortez de temps en temps de l'appartement ?

  • Dominique Brabant

    Non. Non, parce que c'est une trop grosse épreuve. Je ne fais ça que pour aller à l'hôpital.

  • Natacha Sels

    Est-ce que vous avez de la visite ?

  • Dominique Brabant

    Oui. Alors, ça c'est un petit secret. C'est que je fais de... maximum pour garder du lien social, même si maintenant j'ai suspendu pas mal de visites puisque j'ai du mal à parler. J'ai des copains, j'ai des amis, j'ai mes soeurs. J'ai ma belle-mère, j'ai des gens qui passent me voir, des copains du métier, des copains d'enfance, des copains du quartier. Dans la mesure du possbile, j'essaie d'entretenir avec plaisir d'ailleurs ces visites que je mets maintenant à partir de 16h. Le matin, je suis devant l'ordinateur, j'essaie de m'occuper des affaires courantes avec les mails, avec tout ça. Et puis je mange avec Sabrina qui revient vers 13h30 à peu près. Et puis elle me couche autour de 15h, 15h30, ça dépend... et comme ça je peux avoir des visites à partir de 7 heures.

  • Natacha Sels

    Ça fait combien de temps que vous êtes alité ?

  • Dominique Brabant

    Avant, elle m'alitait à 6h ou 7h du soir. Mais elle a d'autres patients, Sabrina. Donc, on s'est organisé. Et puis, moi, je ne peux pas tellement tenir plus de... 3-4 ans dans le fauteuil, ça fait 6 mois ou un an que je suis alité à partir de 16h l'après-midi.

  • Natacha Sels

    Comment ont évolué les symptômes à partir du moment où vous êtes tombé malade ?

  • Dominique Brabant

    Telle que la théorie le dit, tel que je l'avais imaginé, sauf que je crois que je suis en sursis, ils ont évolué un peu plus lentement que pour d'autres personnes. J'en suis à sept ans passés.

  • Natacha Sels

    Est-ce que vous avez eu droit à des aides ?

  • Dominique Brabant

    Le médecin qui s'occupe de moi, qui est M. Prada, m'a inscrit à cette fameuse association de soutien aux gens malades de SLA, de Charcot, qui s'appellent AR SL A et qui vont apporter et qui continuent de m'apporter beaucoup de soutien, sous diverses formes, en me prêtant des appareils.

  • Natacha Sels

    Et Sabrina, elle vient d'où ?

  • Dominique Brabant

    Sabrina, c'est une aide à domicile, comme toutes les personnes âgées ou toutes les personnes malades peuvent avoir. J'ai eu la chance de tomber sur elle, qui est formidable, qui est intelligente, qui comprend ma maladie, qui comprend l'évolution de ma maladie, qui me connaît bien, puisqu'elle s'occupe de moi depuis 4 ans, 4 ans à peu près.

  • Sabrina

    Moi ça fait... Ça fait 4 ans que je suis là maintenant. Alors je m'appelle Sabrina, j'ai 42 ans, je suis auxiliaire de vie depuis 20 ans.

  • Natacha Sels

    Qu'est-ce que vous pourriez décrire Dominique ?

  • Sabrina

    Ça c'est une question... C'est quelqu'un d'adorable, très gentil, patient. Comment on peut le décrire ? C'est quelqu'un de très humain, sans parler de la maladie, mais qui pense aux autres aussi. Il a un moral d'acier. Mais énorme.

  • Natacha Sels

    Quel lien vous avez créé avec lui ?

  • Sabrina

    Comment vous dire ça ? On oublie que c'est le professionnel. Complètement. Un proche, une personne de la famille, tout ce que vous dites, mais pas... On oublie le professionnel. Complètement.

  • Natacha Sels

    Vous n'êtes pas la seule, j'imagine, à vous occuper de lui, parce que vous venez peut-être pas tous les jours ?

  • Sabrina

    Si. Oui, oui, tous les jours.

  • Natacha Sels

    Je suis assez impressionnée. Vous prenez des vacances quand même ?

  • Sabrina

    Oui, j'en ai pris quand même, mais je les prends en été souvent.

  • Natacha Sels

    Donc vous avez une remplaçante ?

  • Sabrina

    Alors oui, on en cherche.

  • Natacha Sels

    Est-ce que vous avez quelqu'un à qui vous pourriez vous référer ?

  • Sabrina

    Non.

  • Natacha Sels

    Et vous n'avez pas de temps en temps des difficultés et de l'inquiétude à le laisser seul quand vous partez ?

  • Sabrina

    Oui, beaucoup moins, parce que maintenant il y a des... Il y a depuis le mois de février, je crois, oui, février, à quelques jours près, il y a des gardes de nuit. Elles sont deux, ça tourne. Donc là, c'est depuis le mois de février, oui, mi-février, donc on se dit, bon, il y a quelqu'un. Mais avant, on a le téléphone à côté, quoi. Dès qu'il sonne, on se dit, mince, on ne sait jamais, quoi. Donc, dès qu'il peut appeler, on regarde le téléphone, alors qu'on se dit... Il a moins d'inquiétude parce qu'il y a quelqu'un. Mais c'est vrai que...

  • Dominique Brabant

    Voilà, c'est une aide à domicile que j'ai pris et pour laquelle je reçois très peu d'aide puisque si je vous disais que... On m'aide de 100 euros par mois, c'est totalement ridicule. Heureusement que j'ai des économies. qui me permettent encore de faire face.

  • Natacha Sels

    La sécurité sociale ne vous aide pas ?

  • Dominique Brabant

    Non, je suis juste classé en maladie de longue durée. C'est tout, quoi. Mais je ne peux compter que sur mes propres forces. Financièrement, la sécurité sociale me rembourse les examens, les consultations, tout ça, comme pour tout le monde.

  • Natacha Sels

    Est-ce que vous êtes en contact avec d'autres malades ?

  • Dominique Brabant

    Non.

  • Natacha Sels

    Vous n'avez pas eu envie ?

  • Dominique Brabant

    Non. Je vais être honnête. Je n'ai pas besoin de parler de ma maladie aux autres. Et je n'ai pas besoin que les autres me parlent de leur maladie.

  • Natacha Sels

    De quoi vous auriez besoin, justement ?

  • Dominique Brabant

    Que la maladie recule, j'ai failli, j'avais pas de machine d'aide à la toux, le 15 août, j'ai failli étouffer à cause des glaires car je n'avais pas de puissance pour expectorer et grâce à Madame Cordes j'ai été en pneumologie et on m'a fourni une machine d'aide à la toux qui est très très utile pour moi. Je vais vous faire écouter un truc. 13. Ça va vous amuser. Toucher 13. Appuyez sur 3. C'est un air très connu des années 50. Et l'auteur de cette musique, c'est un cubain. C'est très sympa.

  • Speaker #3

    C'est très marrant,

  • Dominique Brabant

    oui.

  • Natacha Sels

    Oui, très. Quand vous êtes tombée malade, est-ce que vous vous êtes dit qu'il y avait quelque chose que vous aviez encore envie de faire absolument ?

  • Dominique Brabant

    Ah oui. J'aurais adoré proposer mes services au guide Michelin, aller faire la tournée des hôtels et des repas du soir, et faire des comptes rendus avec ma voiture. J'aurais adoré sillonner la France profonde. Ça m'aurait beaucoup plu.

  • Natacha Sels

    Vous qui aimez la psychanalyse, vous avez parlé de Freud. Est-ce que vous essayez de donner un sens à cette maladie ?

  • Dominique Brabant

    Non. Je mets ça. Sur le compte de la malchance, la petite force que j'ai, c'est d'avoir bien compris la phrase de Charles Darwin.

  • Natacha Sels

    Dans le prochain épisode, vous retrouverez Dominique Brabant, Le Seuil du Vide, partie 2. Restez à l'écoute de notre podcast La vie est belle, essaie-la (SLA) ! et abonnez-vous sur votre plateforme préférée.

Description

Cinéaste et mélomane, Dominique Brabant nous reçoit dans l’intimité feutrée de son appartement parisien. Au cœur de ces échanges, il est question de liberté et de l'incroyable capacité des hommes à s’adapter.


Quelque temps après cet enregistrement, Dominique nous a quittés le 4 avril 2024, à Paris. Ce podcast est un précieux témoignage de sa pensée, de sa sensibilité et de son humanité.



Ne manquez aucun nouvel épisode de La vie est belle, essaie-la ! en vous abonnant dès maintenant sur votre plateforme de podcasts préférée et retrouvez un nouvel épisode un samedi sur deux.


Nous remercions chaleureusement toutes les personnes qui ont participé à cette première saison : personnes malades, aidants, proches, professionnels de santé.


Un immense merci également à la Fondation d'entreprise IRCEM pour son précieux soutien, ainsi qu'à l’Agence CosaVostra pour la réalisation du visuel du podcast.


Ce podcast de l'ARLSA a été réalisé par Natacha Sels, la post-production est de Bertrand Chaumeton.

 

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⭐️ Si ce podcast vous plaît, n'hésitez pas à le partager à vos proches en copiant le lien. C’est la meilleure façon de nous aider à le faire connaître au plus grand nombre. Vous pouvez aussi nous laisser des étoiles et des commentaires, c’est le meilleur moyen de nous aider. Vous pouvez également soutenir l’ARSLA en faisant un don sur https://don.arsla.org/.

 

Bonne écoute !


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Natacha Sels

    La vie est belle, essaie-la ! Le podcast de l'ARSLA qui met en lumière des personnes confrontées à la SLA et des professionnels engagés.

  • Dominique Brabant

    Ceux qui survivent ne sont pas les gens les plus intelligents ou les plus robustes, mais ce sont des gens qui savent s'adapter. Charles Darwin

  • Natacha Sels

    Dominique Brabant, Le Seuil du Vide, partie 1. Dominique Brabant habite Paris, un bel appartement situé dans le 12e arrondissement. Il m'a indiqué par mail qu'il me recevrait à partir de 16h. Il m'a également précisé qu'il commençait à avoir des difficultés d'élocution et qu'il serait alité. L'entrée de l'immeuble haussmanien a du charme. Carrelage en mosaïque, colonnades et plantes à profusion. Au cinquième étage, Sabrina, l'auxiliaire de vie de Dominique, vient m'ouvrir. Douce et discrète, elle me fait pénétrer dans un appartement à l'ambiance feutrée où chaque objet raconte une histoire. Dans le salon, d'énormes enceintes laissent imaginer un mélomane. Sabrina me conduit à la chambre où Dominique est allongée sur son lit. Ses bras et ses jambes sont aujourd'hui sans vie. Rasé de près, son visage est frais, son teint rosé et ses yeux vifs quand il sourit. Il m'invite à m'installer et nous entamons une conversation. Vous y découvrirez un homme, sa vie, sa maladie. Et il sera surtout question de l'incroyable capacité d'adaptation des êtres humains.

  • Dominique Brabant

    Je souviens quelqu'un atteint de la maladie de Charcot depuis 2016 et durant ma vie professionnelle, j'ai fait du cinéma comme directeur de la photo, c'est-à-dire à la prise de vue. Et maintenant, je ne fais que résister à cette maladie qui... Évidemment, gagne de plus en plus de terrain.

  • Natacha Sels

    Est-ce que cette maladie, vous la connaissiez avant ?

  • Dominique Brabant

    Pas du tout. Pas du tout. Et je dois dire que j'ai dû aller me renseigner sur Internet. Parce que... Ils m'ont annoncé ça de manière un peu grave et ils m'ont dit que la maladie était incurable. Et donc j'ai été chercher des informations sur Internet qui... m'ont un peu affolées.

  • Natacha Sels

    Est-ce que vous avez pu en parler à quelqu'un ?

  • Dominique Brabant

    Alors écoutez, j'en ai parlé à personne, sauf à mes proches. Ils m'ont proposé une aide psychologique. Mais vous savez... J'ai fait sept ans de psychanalyse et on comprend, on ne peut pas réécrire l'histoire. Donc, il faut s'adapter à l'histoire vécue.

  • Natacha Sels

    Comment vous avez... Fait face à ça, comment vous avez trouvé les ressources pour faire face à ça ?

  • Dominique Brabant

    Alors je vais vous le dire simplement. Vous savez que toute notre vie, on est passif par rapport à la mort. Et là... J'ai décidé que ce serait moi qui appuierait sur le bouton. Donc, je serais actif au lieu d'être passif. Et ça change la donne. Ça ne résout rien, mais ça donne un peu plus confiance en soi-même. Je ne sais pas comment vous expliquer ça, mais ça inverse le jeu un petit peu.

  • Natacha Sels

    Quelle est la limite ou le moment que vous vous êtes fixé ?

  • Dominique Brabant

    Je ne sais pas. Très honnètement, je ne sais pas. Je ne peux pas vous le dire. Je pourrais résumer en disant... Quand il y a quelques menus plaisir qui restent, comme la musique, les films, les petits problèmes d'échec que j'arrive à jouer sur mon mobile, quand ces menus plaisir n'arriveront plus. à les emporter sur le désagrément de la maladie ou la souffrance, on verra. Est-ce que j'en aurai le courage en plus ? Parce que je pense qu'il faut un peu de courage, on verra bien.

  • Natacha Sels

    Est-ce que vous serez entouré ?

  • Dominique Brabant

    Je ne sais pas. La solitude ne m'a jamais fait peur.

  • Natacha Sels

    Elle est donc choisie, votre solitude ?

  • Dominique Brabant

    Elle n'est pas choisie. Elle est... C'est un de mes traits de caractère. J'ai fait beaucoup de navigation à la voile. J'avais de temps en temps des copains ou des amis ou des copines à bord, mais j'ai beaucoup navigué seul, et ça ne m'a jamais posé de problème existantiel.

  • Natacha Sels

    Est-ce qu'il y a, par rapport à ce que vous viviez là, des personnes qui vous inspirent, des livres ou des films qui vous aident ?

  • Dominique Brabant

    Je m'associe à cette pensée de Charles Darwin qui me tient à cœur et qui dit Ceux qui survivent ne sont pas les gens les plus intelligents ou les plus robustes, mais ce sont des gens qui savent s'adapter. Je crois beaucoup à cette pensée. J'ai anticipé, c'est-à-dire que j'ai des petites connaissances un peu techniques ou technologiques. Donc, j'ai pu installer des commandes vocales pour allumer la radio, pour allumer la télévision, pour me débrouiller moi-même, allumer la lumière. la porte d'entrée.

  • Natacha Sels

    Là, si je décris, je suis assis à côté de vous sur un grand lit médicalisé.

  • Dominique Brabant

    Oui.

  • Natacha Sels

    Quand vous êtes allongé comme ça, vous pouvez regarder des films sur le grand écran que je vois là. Et puis écouter de la musique. Alors quels sont vos films préférés ?

  • Dominique Brabant

    Alors là, il y a La règle du jeu de Jean Renoir, Les enfants du paradis de Marcel Carné.

  • Natacha Sels

    Par exemple, Les enfants du paradis, qu'est-ce que vous ressentez quand vous voyez ce film ?

  • Dominique Brabant

    C'est un portrait de personnages magnifiques. Il y a Jean-Louis Barrault et il y a surtout le... Le personnage de l'anarchiste interprété par, oh j'ai oublié son nom, il est génial. Il y a Ardetty, bien entendu. Il y a des comédiens extraordinaires. Je cherche le nom de son comédien formidable qu'a fait.

  • Natacha Sels

    On le cherche ? Oui.

  • Dominique Brabant

    On va le chercher. Alors, je peux m'en aller ? Ben oui, vous êtes libre. Tant mieux parce que moi j'adore ça la liberté.

  • Natacha Sels

    Elle avait quand même une voix incroyable. Un défi, oui. C'est une comédienne formidable. Ça, c'est celui que vous cherchiez.

  • Dominique Brabant

    Marcel Herrand. Marcel Herrand

  • Natacha Sels

    Et vous, j'ai vu que vous aviez travaillé avec Nina Companeez

  • Dominique Brabant

    Ah oui, j'ai fait beaucoup de films avec elle. J'ai fait cinq films, et des films tous très intéressants. J'ai fait un film qui était privé. et pour elle et même pour moi, qui s'appelle L'Allée du Roi.

  • Natacha Sels

    Oui, de Françoise Chandernagor, c'est ça ?

  • Dominique Brabant

    Exactement, et c'était une aventure technique et artistique extraordinaire, parce qu'il a fallu qu'avec Dominique Dante, qu'on lui donne l'aspect 18-20 ans jusqu'à 80 ans.

  • Natacha Sels

    Et vous avez commencé avec un film qui s'appelle Le Seuil du Vide.

  • Dominique Brabant

    Oui, en fait, très au cours. J'ai tourné ce film quand j'avais 22 ans.

  • Natacha Sels

    C'est lui qui vous a lancé ?

  • Dominique Brabant

    Oui. Je me suis intéressé au cinéma. depuis l'âge de 14-15 ans. J'ai fait trois courts-métrages avec mes propres moyen vers 16, 17, 18 ans. J'étais assistant de deux, trois directeurs photo. Mais je n'ai pas fait d'école de cinéma. Je me suis débrouillé et Jean-François Davy est le premier réalisateur qui m'a fait confiance très très tôt.

  • Natacha Sels

    Qu'est-ce que ça vous a apporté le cinéma ?

  • Dominique Brabant

    Le cinéma m'a apporté l'occasion d'avoir des vies multiples.

  • Natacha Sels

    Depuis que vous êtes tombé malade, vous sortez de temps en temps de l'appartement ?

  • Dominique Brabant

    Non. Non, parce que c'est une trop grosse épreuve. Je ne fais ça que pour aller à l'hôpital.

  • Natacha Sels

    Est-ce que vous avez de la visite ?

  • Dominique Brabant

    Oui. Alors, ça c'est un petit secret. C'est que je fais de... maximum pour garder du lien social, même si maintenant j'ai suspendu pas mal de visites puisque j'ai du mal à parler. J'ai des copains, j'ai des amis, j'ai mes soeurs. J'ai ma belle-mère, j'ai des gens qui passent me voir, des copains du métier, des copains d'enfance, des copains du quartier. Dans la mesure du possbile, j'essaie d'entretenir avec plaisir d'ailleurs ces visites que je mets maintenant à partir de 16h. Le matin, je suis devant l'ordinateur, j'essaie de m'occuper des affaires courantes avec les mails, avec tout ça. Et puis je mange avec Sabrina qui revient vers 13h30 à peu près. Et puis elle me couche autour de 15h, 15h30, ça dépend... et comme ça je peux avoir des visites à partir de 7 heures.

  • Natacha Sels

    Ça fait combien de temps que vous êtes alité ?

  • Dominique Brabant

    Avant, elle m'alitait à 6h ou 7h du soir. Mais elle a d'autres patients, Sabrina. Donc, on s'est organisé. Et puis, moi, je ne peux pas tellement tenir plus de... 3-4 ans dans le fauteuil, ça fait 6 mois ou un an que je suis alité à partir de 16h l'après-midi.

  • Natacha Sels

    Comment ont évolué les symptômes à partir du moment où vous êtes tombé malade ?

  • Dominique Brabant

    Telle que la théorie le dit, tel que je l'avais imaginé, sauf que je crois que je suis en sursis, ils ont évolué un peu plus lentement que pour d'autres personnes. J'en suis à sept ans passés.

  • Natacha Sels

    Est-ce que vous avez eu droit à des aides ?

  • Dominique Brabant

    Le médecin qui s'occupe de moi, qui est M. Prada, m'a inscrit à cette fameuse association de soutien aux gens malades de SLA, de Charcot, qui s'appellent AR SL A et qui vont apporter et qui continuent de m'apporter beaucoup de soutien, sous diverses formes, en me prêtant des appareils.

  • Natacha Sels

    Et Sabrina, elle vient d'où ?

  • Dominique Brabant

    Sabrina, c'est une aide à domicile, comme toutes les personnes âgées ou toutes les personnes malades peuvent avoir. J'ai eu la chance de tomber sur elle, qui est formidable, qui est intelligente, qui comprend ma maladie, qui comprend l'évolution de ma maladie, qui me connaît bien, puisqu'elle s'occupe de moi depuis 4 ans, 4 ans à peu près.

  • Sabrina

    Moi ça fait... Ça fait 4 ans que je suis là maintenant. Alors je m'appelle Sabrina, j'ai 42 ans, je suis auxiliaire de vie depuis 20 ans.

  • Natacha Sels

    Qu'est-ce que vous pourriez décrire Dominique ?

  • Sabrina

    Ça c'est une question... C'est quelqu'un d'adorable, très gentil, patient. Comment on peut le décrire ? C'est quelqu'un de très humain, sans parler de la maladie, mais qui pense aux autres aussi. Il a un moral d'acier. Mais énorme.

  • Natacha Sels

    Quel lien vous avez créé avec lui ?

  • Sabrina

    Comment vous dire ça ? On oublie que c'est le professionnel. Complètement. Un proche, une personne de la famille, tout ce que vous dites, mais pas... On oublie le professionnel. Complètement.

  • Natacha Sels

    Vous n'êtes pas la seule, j'imagine, à vous occuper de lui, parce que vous venez peut-être pas tous les jours ?

  • Sabrina

    Si. Oui, oui, tous les jours.

  • Natacha Sels

    Je suis assez impressionnée. Vous prenez des vacances quand même ?

  • Sabrina

    Oui, j'en ai pris quand même, mais je les prends en été souvent.

  • Natacha Sels

    Donc vous avez une remplaçante ?

  • Sabrina

    Alors oui, on en cherche.

  • Natacha Sels

    Est-ce que vous avez quelqu'un à qui vous pourriez vous référer ?

  • Sabrina

    Non.

  • Natacha Sels

    Et vous n'avez pas de temps en temps des difficultés et de l'inquiétude à le laisser seul quand vous partez ?

  • Sabrina

    Oui, beaucoup moins, parce que maintenant il y a des... Il y a depuis le mois de février, je crois, oui, février, à quelques jours près, il y a des gardes de nuit. Elles sont deux, ça tourne. Donc là, c'est depuis le mois de février, oui, mi-février, donc on se dit, bon, il y a quelqu'un. Mais avant, on a le téléphone à côté, quoi. Dès qu'il sonne, on se dit, mince, on ne sait jamais, quoi. Donc, dès qu'il peut appeler, on regarde le téléphone, alors qu'on se dit... Il a moins d'inquiétude parce qu'il y a quelqu'un. Mais c'est vrai que...

  • Dominique Brabant

    Voilà, c'est une aide à domicile que j'ai pris et pour laquelle je reçois très peu d'aide puisque si je vous disais que... On m'aide de 100 euros par mois, c'est totalement ridicule. Heureusement que j'ai des économies. qui me permettent encore de faire face.

  • Natacha Sels

    La sécurité sociale ne vous aide pas ?

  • Dominique Brabant

    Non, je suis juste classé en maladie de longue durée. C'est tout, quoi. Mais je ne peux compter que sur mes propres forces. Financièrement, la sécurité sociale me rembourse les examens, les consultations, tout ça, comme pour tout le monde.

  • Natacha Sels

    Est-ce que vous êtes en contact avec d'autres malades ?

  • Dominique Brabant

    Non.

  • Natacha Sels

    Vous n'avez pas eu envie ?

  • Dominique Brabant

    Non. Je vais être honnête. Je n'ai pas besoin de parler de ma maladie aux autres. Et je n'ai pas besoin que les autres me parlent de leur maladie.

  • Natacha Sels

    De quoi vous auriez besoin, justement ?

  • Dominique Brabant

    Que la maladie recule, j'ai failli, j'avais pas de machine d'aide à la toux, le 15 août, j'ai failli étouffer à cause des glaires car je n'avais pas de puissance pour expectorer et grâce à Madame Cordes j'ai été en pneumologie et on m'a fourni une machine d'aide à la toux qui est très très utile pour moi. Je vais vous faire écouter un truc. 13. Ça va vous amuser. Toucher 13. Appuyez sur 3. C'est un air très connu des années 50. Et l'auteur de cette musique, c'est un cubain. C'est très sympa.

  • Speaker #3

    C'est très marrant,

  • Dominique Brabant

    oui.

  • Natacha Sels

    Oui, très. Quand vous êtes tombée malade, est-ce que vous vous êtes dit qu'il y avait quelque chose que vous aviez encore envie de faire absolument ?

  • Dominique Brabant

    Ah oui. J'aurais adoré proposer mes services au guide Michelin, aller faire la tournée des hôtels et des repas du soir, et faire des comptes rendus avec ma voiture. J'aurais adoré sillonner la France profonde. Ça m'aurait beaucoup plu.

  • Natacha Sels

    Vous qui aimez la psychanalyse, vous avez parlé de Freud. Est-ce que vous essayez de donner un sens à cette maladie ?

  • Dominique Brabant

    Non. Je mets ça. Sur le compte de la malchance, la petite force que j'ai, c'est d'avoir bien compris la phrase de Charles Darwin.

  • Natacha Sels

    Dans le prochain épisode, vous retrouverez Dominique Brabant, Le Seuil du Vide, partie 2. Restez à l'écoute de notre podcast La vie est belle, essaie-la (SLA) ! et abonnez-vous sur votre plateforme préférée.

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