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Lydie Garrabos – Ma famille formidable – Partie 1 cover
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La vie est belle, essaie-la !

Lydie Garrabos – Ma famille formidable – Partie 1

Lydie Garrabos – Ma famille formidable – Partie 1

23min |21/02/2025
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Lydie Garrabos – Ma famille formidable – Partie 1

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Description

Lydie Garrabos a-t-elle un secret ? Depuis neuf ans, elle est prisonnière de son corps, incapable de bouger, et pourtant, son sourire illumine tout autour d’elle.


Au sein d’une famille exceptionnelle, où l’amour, l’humour et la résilience s’entrelacent pour affronter l’épreuve de la maladie, nous découvrons une femme créative, dotée d’un mental d’acier et entourée d’un mari aimant, Xavier, avec qui elle célèbre cette année 30 ans de mariage.


Ne manquez aucun nouvel épisode de La vie est belle, essaie-la ! en vous abonnant dès maintenant sur votre plateforme de podcasts préférée et retrouvez un nouvel épisode un samedi sur deux.


Nous remercions chaleureusement toutes les personnes qui ont participé à cette première saison : personnes malades, aidants, proches, professionnels de santé.


Un immense merci également à la Fondation d'entreprise IRCEM pour son précieux soutien, ainsi qu'à l’Agence CosaVostra pour la réalisation du visuel du podcast.


Ce podcast de l'ARLSA a été réalisé par Natacha Sels, la post-production est de Bertrand Chaumeton.

 

Suivez l’ARSLA sur Instagram, Facebook, LinkedIn, X et YouTube  et retrouvez plus d’information sur notre site internet.


⭐️ Si ce podcast vous plaît, n'hésitez pas à le partager à vos proches en copiant le lien. C’est la meilleure façon de nous aider à le faire connaître au plus grand nombre. Vous pouvez aussi nous laisser des étoiles et des commentaires, c’est le meilleur moyen de nous aider. Vous pouvez également soutenir l’ARSLA en faisant un don sur https://don.arsla.org/.

 

Bonne écoute !


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Natacha Sels

    La vie est belle, essaie-la ! Le podcast de l'ARSLA, qui met en lumière des personnes confrontées à la SLA et des professionnels engagés.

  • Lydie Garrabos

    Comme dit le Dalai Lama, il ne faut pas perdre d'énergie sur quelque chose que l'on ne contrôle pas.

  • Natacha Sels

    Lydie Garrabos, ma famille formidable, partie 1. J'ai rencontré Lydie lors du concours de nouvelles organisé par l'ARSLA. Et j'ai été impressionnée par l'aspect juvénile, la douceur et le sourire rayonnant qui émanaient d'elle. Je me suis dit qu'elle avait peut-être un secret. Je me suis donc rendue non loin de Fontainebleau pour la rencontrer et je découvre une femme au mental d'acier, débordante de créativité, d'humour et d'amour, portée par une famille qui le lui rend bien. Je découvre aussi un couple qui fait 30 ans de mariage cette année et dont les liens ont encore été renforcés par l'épreuve de la maladie. C'est Xavier qui vient me chercher à la gare et me conduit jusqu'à la maison aménagée spécialement pour faciliter la vie à Lydie.

  • Xavier Garrabos

    Bienvenue Natacha, bienvenue à la maison, bienvenue à la maison du bonheur.

  • Lydie Garrabos

    Bienvenue à la maison.

  • Xavier Garrabos

    Lydie c'est quelqu'un de dynamique, de joyeux, de têtu, mais ça a ce bon côté effectivement qu'elle ne lâche pas le morceau, c'est-à-dire que c'est quelqu'un qui s'accroche effectivement, qui se bat. qui malgré des coups de mou, trouve toujours la ressource à travers les enfants, à travers une volonté sans faille de se battre et de s'accrocher. Et maintenant, depuis bientôt neuf ans, de faire un vrai pied de nez à cette maladie de Charcot.

  • Natacha Sels

    Je vais rajouter que Lydie, tu es blonde, avec des cheveux, je dirais courts, des grandes lunettes, des yeux bruns, un sourire énorme et puis un joli pull rose.

  • Lydie Garrabos

    Le rose. Et ma couleur préférée.

  • Maxine

    Je m'appelle Maxine, j'ai 13 ans. Alors maman, elle... Elle est très jolie, ma maman. Elle est plus grande que mon père. Elle est très grande, ma maman. Et puis, elle fait beaucoup d'efforts pour parler. Elle a même une dame qui vient la voir pour qu'elle apprenne à mieux articuler. En tout cas, elle fait beaucoup d'efforts.

  • Natacha Sels

    Est-ce que tu te souviens ? Quand elle est tombée malade, tu avais quel âge d'ailleurs ?

  • Maxine

    Alors moi, quand elle est tombée malade, j'avais 4 ans, entre 4 et 5 ans. Mais je me souviens quand même un petit peu de quand elle était handicapée. C'est un peu vague, mais j'ai quand même des souvenirs, même si j'étais petite.

  • Natacha Sels

    Et est-ce que tu te souviens de ce que tu t'es dit à ce moment-là ?

  • Maxine

    En fait, je ne comprenais pas trop parce que j'étais petite et même quand on m'a expliqué, je ne comprenais pas. Mais après, je ne sais pas du tout comment j'ai réagi. Je sais que ça m'avait fait bizarre et moi, je pensais qu'elle allait guérir. Je pensais qu'elle était malade comme c'était la grippe ou quoi, qu'elle avait juste à prendre des médicaments et qu'elle allait être normale. Mais en fait, non. Et après, comme j'ai appris à grandir avec, j'ai toujours vécu avec ça, du coup, moi, ça ne m'a pas tant affecté que ça. C'est un peu normal pour moi d'avoir une maman handicapée. Au contraire, quand je vais chez des copines et que la maman, elle est pas handicapée, c'est bizarre, du coup, pour moi. Alors, mon père... Et bah, il est aussi joli, il est très gentil, surtout il a du mal à dire non, il dit toujours oui. Mais du coup, on demande toujours... Quand on lui demande, on dit, tu as le droit de dire non, parce qu'il n'ose jamais dire non. Mon père, il n'a pas de cheveux, lui. Il est chauve. Et ça vit bien. Et puis, il est plus petit que ma mère.

  • Natacha Sels

    Ah oui ? Oui. Je n'avais pas remarqué cet attribut, car Xavier me paraît grand et Lydie est assise. Mais Maxine insiste. Pour préparer notre rencontre, Lydie m'avait demandé de lui envoyer des questions. Elle utilise depuis longtemps ses pupilles pour rédiger des textes, mais malgré sa dextérité, cela prend du temps. Sans compter que l'intelligence artificielle fait parfois de drôles d'embardés si la ponctuation n'est pas exacte, à la virgule près. Pour les besoins de l'interview, nous allons donc accélérer l'allure des réponses quand elles n'étaient pas préparées. Et bien sûr, Xavier s'est proposé en traducteur émérite. Alors on est en train de coller les phrases.

  • Xavier Garrabos

    Je vais demander à Natacha de venir plus souvent, parce que c'est ça au moins.

  • Natacha Sels

    Tu as toujours été comme ça, Xavier ? Oui.

  • Xavier Garrabos

    Toujours été comme ça, et j'ai décidé de surtout rien changer, malgré la maladie. Alors des fois, comme je disais tout à l'heure, ça peut être un peu compliqué pour Lydie, parce que je peux être totalement insupportable, mais pour moi, je le conçois. Et comme ça, il y a des fois où Lydie se pose la question si c'est plus facile de combattre la maladie ou de me combattre moi. Donc finalement, ça lui permet d'oublier un peu la maladie de temps en temps. Peut-être même des fois de s'y réfugier, c'est peut-être moins compliqué de gérer la maladie que de me gérer moi.

  • Natacha Sels

    Ça fait combien de temps que vous êtes mariés ?

  • Xavier Garrabos

    Eh bien, nous sommes mariés en l'an 2000, donc ça va faire 24 ans au mois de septembre. Et là, dans quelques semaines, le 21 mai, ça va faire 30 ans qu'on est ensemble. on travaillait tous les deux à Carrefour en tant qu'étudiant pour moi et Lydie était employée mais bon on m'a peut-être trompé sur le marchandise on m'avait pas tout dit moi on m'avait pas dit que qu'il n'y avait pas de garantie quand même. N on on m'en a pas donné c'est ça le problème c'est que là je peux pas faire d'échange ou de remplacement ou de remboursement donc bon bah on gère.

  • Natacha Sels

    Et quand vous vous êtes rencontrés, c'était le coup de foudre ? Oui. Elle dit oui.

  • Xavier Garrabos

    Oui, elle dit oui.

  • Natacha Sels

    Est-ce que justement, tu es le seul à aider Lydie ?

  • Xavier Garrabos

    Côté famille, l'aidant principal, si je puis dire, même si le mot aidant me chagrine un petit peu, je suis plus un aimant qu'un aidant, je suis le mari, donc je pense que c'est mon rôle, comme Lydie le ferait pour moi. Mais en tout cas, c'est moi effectivement qui assiste Lydie principalement dans la famille, même si aujourd'hui les enfants et les plus grands, même tous d'ailleurs, même les trois, aident Lydie sont même capables maintenant de gérer des transferts pour les plus grands. Et puis Maxine, qui est plus petite, néanmoins, va être là pour donner à boire, pour donner à manger, pour aider à moucher. Enfin voilà, pour des choses plus simples. Mais en tout cas, voilà, on a une super équipe à la maison avec les enfants et ça, c'est top.

  • Maxine

    On fait tout, le lave-vaisselle, on nettoie la maison, on range nos chambres. Enfin, on fait le maximum.

  • Xavier Garrabos

    Et en dehors de la partie familiale, effectivement, on a une personne qui vient s'occuper de Lydie le lundi et le mardi à la maison, pendant que moi je suis au bureau, au travail au bureau, quand le reste de la semaine je suis en télétravail. Mabonga qui est un ange vraiment, qui est une personne qui s'occupe extrêmement bien de Lydie, avec beaucoup d'amour, de bienveillance, de patience, et il en faut pour s'occuper de Lydie. Mais en tout cas, je plaisante, mais avec énormément de... de simplicité, de gentillesse et de douceur. Donc je sais que le soir, quand je rentre à la maison le lundi et le mardi, et que je pose la question à Lydie, la question rituelle, de dire la journée s'est bien passée, elle me regarde de façon blasée, sous-entendue, mais avec Mabonga, comme si ça se passe mal. Et c'est rassurant pour moi. Lorsque je quitte la maison, de me dire que Lydie est en train de bonnes mains, c'est vrai que c'est toujours compliqué de pouvoir gérer quelqu'un de malade, quelqu'un d'handicapé, parce qu'il y a les transferts à gérer, parce qu'il y a des risques de chute, parce qu'il y a des risques de fausse route. Et c'est à la fois compliqué pour la personne qui vient rendre service à la maison, mais c'est compliqué aussi pour le mari ou la femme qui doit s'absenter, de se dire, est-ce qu'il ne va pas se passer quelque chose de dangereux ou de grave, parce qu'il y a toujours ce risque-là.

  • Natacha Sels

    Alors, Lydie, pour commancer j'avais envie que tu me racontes ton histoire ? Donc là, nous sommes devant ton écran et c'est ta voix synthétique, on l'appelle comme ça ? On dit une voix synthétique ? Oui, ça va ? D'accord. Qui va répondre, mais en fait c'est toi qui réponds, puisque ta voix synthétique c'est toi.

  • Lydie Garrabos

    Mon histoire, oulala tu as du temps j'espère. Je suis une enfant non désirée, j'ai été élevée par une mère violente. Maltraitance physique et psychologique. A 14 ans je suis partie vivre chez mon père où j'avais deux demi-frères. J'ai eu une adolescence très mouvementée mais j'ai réussi quand même à m'en sortir tant bien comme mal. La soeur de mon père a joué le rôle de maman de substitution. C'est compliqué pour moi de résumer mon histoire. J'ai réussi à obtenir mon bac, après un BP comptabilité. J'ai fait deux ans de droit et j'ai échoué malheureusement. Enfin je travaillais à Carrefour, quand j'ai rencontré Xavier. J'ai repris mes études pour un BTS assistante de direction tout en travaillant à Carrefour et à l'aéroport de Paris. Je me suis mariée en 2000 et ma première merveille en 2002. Au départ, je ne voulais pas avoir d'enfants, mais j'en ai eu trois. Xavier est un excellent commercial.

  • Natacha Sels

    Alors, il t'a vendu les trois enfants. À quel moment le diagnostic de la SLA est arrivé ? Comment ça s'est passé ? Et puis surtout, comment tu as réagi du coup ?

  • Lydie Garrabos

    Le diagnostic est tombé le 17 août 2015. J'avais 45 ans. J'étais donc mariée avec trois enfants, dont la petite dernière avait 5 ans. J'étais adjointe au maire de ma ville chargée des affaires sportives. J'avais une vie professionnelle très riche et très active. J'étais chargée du projet sureté à Orly Sud. Donc beaucoup de terrain. Ça a commencé par des chutes. Puis mon kinésithérapeute a remarqué des choses anormales pendant ma rééducation. Après décembre, descendre aux enfers, neurologue, hospitalisation, ponction lombaire, moultes prises de sang pendant deux jours. Et verdict en août. Tsunami, le monde s'effondre et la peur de ne pas voir mes enfants grandir m'a terrifié. Nous n'avons rien caché aux enfants, juste nous n'avons pas nommé la maladie pour les protéger. J'ai fait une dépression pendant 18 mois ce qui aussi est lié la dégradation rapide de mon état. Perte de la parole, perte de mes bras, perte de 36 kilos. Heureusement pour moi j'en avais beaucoup trop. Puis la vie a repris son cours et grâce à Xavier et les enfants j'ai relevé le défi de faire avec. Bien sûr il y a eu des heures sombres mais globalement l'acceptation était là.

  • Natacha Sels

    Alors évidemment, j'ai envie de te demander qu'est-ce qui a fait que tu es sortie de cette prosternation, on va dire, de cette dépression. Alors j'entends bien qu'il y a Xavier et les enfants, mais quand même, apparemment, au début, ce n'était pas suffisant. Donc est-ce que tu peux me dire comment on sort de là ? Quelles ressources, quelles forces t'ont permis de... surmonter et décider de faire face ou d'accepter.

  • Lydie Garrabos

    Je sais. C'est un déclut de vie à tout prix. Comme dit le Dalai Lama, il ne faut pas perdre d'énergie sur quelque chose que l'on ne contrôle pas.

  • Natacha Sels

    Eh oui, eh oui. Ce que j'ai observé, c'est que tu es arrivée au concours de nouvelles, tu es arrivée à l'atelier, et vraiment, il y avait comme une douceur, une paix qui émanait de toi. Et donc, je me suis dit, elle a peut-être une autre manière de faire, parce que j'entendais beaucoup parler du combat contre la maladie, et je me suis dit, elle, elle doit s'y prendre autrement. Alors, j'avais envie que tu en parles.

  • Lydie Garrabos

    Je ne sais pas quoi te répondre. Je ne me rends pas compte de l'image que je donne aux autres. En revanche je n'ai pas de colère, je suis croyante, alors pour moi j'ai une mission ici. Peut-être montrer aux gens que le bonheur est fait de petites choses et que l'essentiel est de profiter de la vie. Le quotidien nous fait oublier l'essentiel. C'est ma vision de la vie même avant cette maladie. Je profite de ce que la vie me donne simplement, handicapé ou pas. Les enfants Xavier ont cet état d'esprit et cette force.

  • Natacha Sels

    Je comprends et en même temps, tu n'as pas un truc à me donner ? Est-ce que c'est quelque chose qu'on découvre uniquement quand le temps est compté ? Comment on fait pour être dans l'essentiel ?

  • Lydie Garrabos

    J'aimerais bien savoir. C'est une philosophie de vie que j'ai toujours eue.

  • Natacha Sels

    Est-ce que tu crois que ça peut s'expliquer par l'adversité, justement ? Oui. Ça aide ?

  • Lydie Garrabos

    Oui,

  • Natacha Sels

    je comprends. C'est comme si, quand il arrive, on le reconnaît le bonheur, en fait. Et puis on le retrouve quand c'est compliqué.

  • Lydie Garrabos

    C'est tout à fait ça.

  • Natacha Sels

    Est-ce que tu connaissais la maladie de Charcot avant ? Non. Donc tu la découvres au fur et à mesure. Et donc, comment ça s'est passé pour toi au niveau de l'évolution et des symptômes ?

  • Lydie Garrabos

    Les étapes ? Au départ, j'ai perdu très vite et beaucoup. Puis mon état est stable depuis cinq ans, je pense.

  • Xavier Garrabos

    En réfléchissant, parce qu'on est tellement dans le quotidien quand ces choses arrivent que je pense qu'on est dans le run, on n'est pas dans la réflexion. Et c'est vrai que de se poser un petit peu en ce moment, que ce soit à travers le reportage ou à travers le podcast, ça permet de prendre un peu de recul et de réfléchir à ça. Mais c'est vrai que les grandes étapes ont été effectivement la découverte. tu disais tout à l'heure, Lydie, le coup de massue, pour commencer, c'est-à-dire l'annonce de la maladie, sans plus d'informations que son nom savant, qui est la sclérose latérale amyotrophique. Prenez ça et débrouillez-vous avec, en disant au départ que votre pronostic vital n'est pas engagé. Ce qui veut à la fois tout et rien dire, puisqu'effectivement, on a tous notre pronostic vital qui est engagé à plus ou moins long terme de toute façon, d'une manière ou d'une autre. Et puis, comme tout le monde, vous allez chercher sur internet exactement ce qu'il en est, et vous tombez sur des choses plus ou moins drôles, et forcément plutôt moins que plus. J'ai donc... Entre guillemets interdit à Lydie d'aller sur internet et j'ai filtré les éléments, pas dans le but de cacher quoi que ce soit, mais dans un but effectivement d'avoir une démarche plutôt constructive et pas simplement de destruction, parce que je pense que dans ces moments là on est plus à regarder le négatif. J'ai donc joué ce rôle de filtre et ça a été effectivement plusieurs mois d'acceptation, en tout cas déjà avant tout de refus, de tristesse avant de pouvoir pas forcément l'accepter mais mais se dire qu'elle était là, il fallait faire avec. Et puis se dire qu'il fallait remettre la machine en avant et puis se battre. Parce qu'au début, quand on vous annonce ça, vous avez l'impression que tout s'écroule et que vous allez tout perdre, la maison, la famille, les enfants, et que tout va mal se passer. Et puis petit à petit, vous reprenez le dessus. Moi, pour ma part, je me suis mis la tête dans une page Internet pour Lydie, pour ensuite trouver des fonds, pour faire des travaux. Enfin, je me suis mis effectivement dans les projets pour Lydie, sans vous... Ce qui m'a permis de ne pas me regarder moi et de ne pas gérer ma tristesse, ma douleur et la situation. Et puis on s'est rendu compte qu'on allait pouvoir, non pas survivre, mais vivre de façon adaptée. Partir en vacances, aller au restaurant, voir nos amis. Et j'ai tenu depuis le début à ce qu'on continue à faire tout ça, parce qu'on s'est rendu compte que c'était, comme pour tout, le plaisir. Les événements de vie simples permettent de pouvoir continuer à se battre et d'avoir envie de se battre. Comme tu dis, le quotidien ne change pas d'un coup, mais effectivement, ça va être par palier. On va réussir à compenser au fur et à mesure le fait de monter les escaliers en étant derrière Lydie. Puis ensuite, on va l'aider, on va la soutenir un peu plus. Puis elle va réussir à se lever du lit en se maintenant à la poignée qui est devant. Et puis le jour d'après, elle ne pourra plus. Et c'est vrai que c'est de la perte d'autonomie progressive. On ne s'en rend pas forcément compte. Et au début, on est peut-être un peu dans le refus de s'adapter parce qu'on se dit je ne veux pas m'adapter. Parce que sinon, c'est que je m'adapte à la maladie. Donc je ne veux pas le fauteuil roulant. Je ne veux pas la canne. Je ne veux pas ceci. Je ne veux pas cela. on prend le pli de s'adapter aussi pour le confort de l'idée parce que sinon c'est plus fatigant que de se battre bêtement face à la perte d'autonomie

  • Natacha Sels

    La dernière fois quand on s'était parlé, tu m'as dit que tu avais un peu de lassitude par rapport à la dépendance comment tu négocies ça cette dépendance qui s'installe dans une société où on valorise l'indépendance et l'individualisme

  • Lydie Garrabos

    Je craque régulièrement mais je m'accroche à Xavier et aux enfants j'avoue que je pense aussi en finir mais ils me rattrapent toujours La dépendance, c'est le plus difficile à supporter. Demander sans arrêt pour les actes vitaux, c'est difficile et parfois humiliant, en particulier quand j'ai des accidents. Je l'accepte parce que j'ai la chance d'être en vie. Et je ne n'ai pas le choix.

  • Natacha Sels

    Est-ce qu'il y a une chose qui a été le plus difficile que d'autres ?

  • Lydie Garrabos

    Mes mains et la parole.

  • Xavier Garrabos

    Ce que je voudrais, voulais, je faisais beaucoup de choses.

  • Lydie Garrabos

    Créative ?

  • Xavier Garrabos

    Oui, Lady effectivement faisait beaucoup de loisirs créatifs et plein plein de choses liées à ça. C'est vrai que ça aussi ça fait partie des choses qui lui manquent beaucoup.

  • Natacha Sels

    Comment tu arrives à remplacer la créativité ? éviter ?

  • Lydie Garrabos

    J'écris un peu.

  • Natacha Sels

    Un peu. Elle est modeste. Je sais bien que tu écris un roman. Est-ce que tu peux en parler un tout petit peu ? Ah, ça c'est quoi ? Xavier est en train de me montrer un très joli oiseau, un calendrier.

  • Xavier Garrabos

    Lydie fait aussi, avec ses yeux, elle fait énormément de coloriage où elle va colorier chacune des parties. de chaque dessin. Donc c'est vraiment un temps immense et puis une précision énorme.

  • Natacha Sels

    Là on a un tigre avec beaucoup de couleurs. Là on a énormément de détails.

  • Xavier Garrabos

    Lydie adore faire choisir effectivement. aux enfants, à moi-même, certains coloriages. Et ensuite, elle les fait, entre guillemets, pour nous, de la plus belle couleur et manière qu'ils soient.

  • Lydie Garrabos

    J'adore faire ça et lire beaucoup.

  • Natacha Sels

    Qu'est-ce que tu as lu récemment ? J'adore parce que ça apparaît petit à petit et donc il y a le suspense de savoir ce que tu vas dire.

  • Lydie Garrabos

    Le dernier roman de Joël Dicker et j'aime Maxime Chatham.

  • Natacha Sels

    J'ai quelque chose pour toi, attends, je vais regarder si j'ai ça dans un coin. Je sors de mon sac un exemplaire de Colette, après avoir demandé à Lydie si elle aimait cet auteur. C'est un passage dans Péché dans l'étoile Vespère. Et tu sais, elle est à sa fenêtre. Et elle a très mal, elle ne peut plus bouger, donc elle est sur son divan, elle est à la fenêtre de son appartement qui se trouve au Palais Royal. Et elle dit ceci, que le mal nous façonne, il faut bien l'accepter. Mieux est de façonner le mal à notre usage, et même à notre commodité. C'est une manière d'exploitation à laquelle les jeunes, les robustes sont mal habiles. Et je conçois bien qu'on leur fasse difficilement comprendre, par exemple, que la quasi-immobilité est un cadeau. Est-ce qu'il y a des moments où l'immobilité est un cadeau pour toi et te permet de voyager ? Beaucoup.

  • Xavier Garrabos

    C'est pour ça que j'ai changé de place dans le salon. Ça va bien. Nous avons réorganisé le salon afin que Lydie puisse avoir une vue sur l'ensemble du jardin. Ce qui lui permet, je pense, tu me dis si je me trompe, d'observer la nature, les oiseaux, les animaux, les petits chéries, les abeilles, puisqu'on a une ruche, et de pouvoir profiter de tout ça.

  • Natacha Sels

    Est-ce qu'on devient plus attentif quand on est comme ça,

  • Lydie Garrabos

    sans bouger ?

  • Natacha Sels

    Tu peux me donner des exemples de choses que tu as observées qui te font plaisir ? C'est œil de lynx à la maison.

  • Xavier Garrabos

    Elle décrypte les attitudes et les sentiments de chacun.

  • Natacha Sels

    Qu'est-ce que tu regardes ? C'est la façon de se tenir, c'est ça ?

  • Xavier Garrabos

    La façon de parler aussi. Et le visage.

  • Natacha Sels

    Est-ce que tu ressens le toucher aujourd'hui ?

  • Xavier Garrabos

    Je n'ai pas de problème, de sensation.

  • Natacha Sels

    Donc on peut te faire des moupages et des papouilles. Voilà.

  • Xavier Garrabos

    Lydie adore ça et régulièrement, effectivement, on fait venir soit une... une masseuse qui vient à la maison afin de l'amasser, de lui faire des soins, etc. Ou quand on va effectivement en vacances, on profite d'aller dans des spas pour pouvoir profiter au mieux de différents massages, etc. Ce qui lui manque, c'est de ne pas pouvoir prendre ses enfants dans ses bras. Même s'ils viennent lui faire des câlins, on fait en sorte qu'elle puisse les enlacer. Mais voilà, elle n'a pas la possibilité de le faire d'elle-même. Et c'est là où ça lui manque beaucoup de ne pas pouvoir les embrasser réellement. Parce qu'il y a un souci de force labiale de ne pas pouvoir effectivement leur faire un vrai câlin. C'est vraiment des choses comme ça, des choses simples de la vie et de l'échange et de l'échange d'amour qui lui manque au quotidien.

  • Maxine

    Comme ma mère, elle ne peut pas nous faire de câlins ou quoi, avec mon frère et ma soeur, nous allons faire chacun un plaid avec... Chacun a un mot différent. Moi, il y a marqué « ma fille » . Dans ce plaid, tu trouveras un morceau de mon cœur. Tu sentiras le confort et la chaleur lorsque nous sommes séparés. Tu y trouveras beaucoup d'amour et surtout tous mes voeux de bonheur. N'abandonne jamais les beaux rêves que tu as. Crois en toi-même autant que je crois en toi. Quand tu te sens triste et seul, enveloppe-toi dans ce plaid et imagine que je te serre dans mes bras. Je t'aime,

  • Natacha Sels

    maman. Dans le prochain épisode, vous retrouverez Lady Carabosse, Ma famille formidable, partie 2. Restez à l'écoute de notre podcast La vie est belle, essaie-la SLA ! et abonnez-vous sur votre plateforme préférée.

Description

Lydie Garrabos a-t-elle un secret ? Depuis neuf ans, elle est prisonnière de son corps, incapable de bouger, et pourtant, son sourire illumine tout autour d’elle.


Au sein d’une famille exceptionnelle, où l’amour, l’humour et la résilience s’entrelacent pour affronter l’épreuve de la maladie, nous découvrons une femme créative, dotée d’un mental d’acier et entourée d’un mari aimant, Xavier, avec qui elle célèbre cette année 30 ans de mariage.


Ne manquez aucun nouvel épisode de La vie est belle, essaie-la ! en vous abonnant dès maintenant sur votre plateforme de podcasts préférée et retrouvez un nouvel épisode un samedi sur deux.


Nous remercions chaleureusement toutes les personnes qui ont participé à cette première saison : personnes malades, aidants, proches, professionnels de santé.


Un immense merci également à la Fondation d'entreprise IRCEM pour son précieux soutien, ainsi qu'à l’Agence CosaVostra pour la réalisation du visuel du podcast.


Ce podcast de l'ARLSA a été réalisé par Natacha Sels, la post-production est de Bertrand Chaumeton.

 

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Bonne écoute !


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Transcription

  • Natacha Sels

    La vie est belle, essaie-la ! Le podcast de l'ARSLA, qui met en lumière des personnes confrontées à la SLA et des professionnels engagés.

  • Lydie Garrabos

    Comme dit le Dalai Lama, il ne faut pas perdre d'énergie sur quelque chose que l'on ne contrôle pas.

  • Natacha Sels

    Lydie Garrabos, ma famille formidable, partie 1. J'ai rencontré Lydie lors du concours de nouvelles organisé par l'ARSLA. Et j'ai été impressionnée par l'aspect juvénile, la douceur et le sourire rayonnant qui émanaient d'elle. Je me suis dit qu'elle avait peut-être un secret. Je me suis donc rendue non loin de Fontainebleau pour la rencontrer et je découvre une femme au mental d'acier, débordante de créativité, d'humour et d'amour, portée par une famille qui le lui rend bien. Je découvre aussi un couple qui fait 30 ans de mariage cette année et dont les liens ont encore été renforcés par l'épreuve de la maladie. C'est Xavier qui vient me chercher à la gare et me conduit jusqu'à la maison aménagée spécialement pour faciliter la vie à Lydie.

  • Xavier Garrabos

    Bienvenue Natacha, bienvenue à la maison, bienvenue à la maison du bonheur.

  • Lydie Garrabos

    Bienvenue à la maison.

  • Xavier Garrabos

    Lydie c'est quelqu'un de dynamique, de joyeux, de têtu, mais ça a ce bon côté effectivement qu'elle ne lâche pas le morceau, c'est-à-dire que c'est quelqu'un qui s'accroche effectivement, qui se bat. qui malgré des coups de mou, trouve toujours la ressource à travers les enfants, à travers une volonté sans faille de se battre et de s'accrocher. Et maintenant, depuis bientôt neuf ans, de faire un vrai pied de nez à cette maladie de Charcot.

  • Natacha Sels

    Je vais rajouter que Lydie, tu es blonde, avec des cheveux, je dirais courts, des grandes lunettes, des yeux bruns, un sourire énorme et puis un joli pull rose.

  • Lydie Garrabos

    Le rose. Et ma couleur préférée.

  • Maxine

    Je m'appelle Maxine, j'ai 13 ans. Alors maman, elle... Elle est très jolie, ma maman. Elle est plus grande que mon père. Elle est très grande, ma maman. Et puis, elle fait beaucoup d'efforts pour parler. Elle a même une dame qui vient la voir pour qu'elle apprenne à mieux articuler. En tout cas, elle fait beaucoup d'efforts.

  • Natacha Sels

    Est-ce que tu te souviens ? Quand elle est tombée malade, tu avais quel âge d'ailleurs ?

  • Maxine

    Alors moi, quand elle est tombée malade, j'avais 4 ans, entre 4 et 5 ans. Mais je me souviens quand même un petit peu de quand elle était handicapée. C'est un peu vague, mais j'ai quand même des souvenirs, même si j'étais petite.

  • Natacha Sels

    Et est-ce que tu te souviens de ce que tu t'es dit à ce moment-là ?

  • Maxine

    En fait, je ne comprenais pas trop parce que j'étais petite et même quand on m'a expliqué, je ne comprenais pas. Mais après, je ne sais pas du tout comment j'ai réagi. Je sais que ça m'avait fait bizarre et moi, je pensais qu'elle allait guérir. Je pensais qu'elle était malade comme c'était la grippe ou quoi, qu'elle avait juste à prendre des médicaments et qu'elle allait être normale. Mais en fait, non. Et après, comme j'ai appris à grandir avec, j'ai toujours vécu avec ça, du coup, moi, ça ne m'a pas tant affecté que ça. C'est un peu normal pour moi d'avoir une maman handicapée. Au contraire, quand je vais chez des copines et que la maman, elle est pas handicapée, c'est bizarre, du coup, pour moi. Alors, mon père... Et bah, il est aussi joli, il est très gentil, surtout il a du mal à dire non, il dit toujours oui. Mais du coup, on demande toujours... Quand on lui demande, on dit, tu as le droit de dire non, parce qu'il n'ose jamais dire non. Mon père, il n'a pas de cheveux, lui. Il est chauve. Et ça vit bien. Et puis, il est plus petit que ma mère.

  • Natacha Sels

    Ah oui ? Oui. Je n'avais pas remarqué cet attribut, car Xavier me paraît grand et Lydie est assise. Mais Maxine insiste. Pour préparer notre rencontre, Lydie m'avait demandé de lui envoyer des questions. Elle utilise depuis longtemps ses pupilles pour rédiger des textes, mais malgré sa dextérité, cela prend du temps. Sans compter que l'intelligence artificielle fait parfois de drôles d'embardés si la ponctuation n'est pas exacte, à la virgule près. Pour les besoins de l'interview, nous allons donc accélérer l'allure des réponses quand elles n'étaient pas préparées. Et bien sûr, Xavier s'est proposé en traducteur émérite. Alors on est en train de coller les phrases.

  • Xavier Garrabos

    Je vais demander à Natacha de venir plus souvent, parce que c'est ça au moins.

  • Natacha Sels

    Tu as toujours été comme ça, Xavier ? Oui.

  • Xavier Garrabos

    Toujours été comme ça, et j'ai décidé de surtout rien changer, malgré la maladie. Alors des fois, comme je disais tout à l'heure, ça peut être un peu compliqué pour Lydie, parce que je peux être totalement insupportable, mais pour moi, je le conçois. Et comme ça, il y a des fois où Lydie se pose la question si c'est plus facile de combattre la maladie ou de me combattre moi. Donc finalement, ça lui permet d'oublier un peu la maladie de temps en temps. Peut-être même des fois de s'y réfugier, c'est peut-être moins compliqué de gérer la maladie que de me gérer moi.

  • Natacha Sels

    Ça fait combien de temps que vous êtes mariés ?

  • Xavier Garrabos

    Eh bien, nous sommes mariés en l'an 2000, donc ça va faire 24 ans au mois de septembre. Et là, dans quelques semaines, le 21 mai, ça va faire 30 ans qu'on est ensemble. on travaillait tous les deux à Carrefour en tant qu'étudiant pour moi et Lydie était employée mais bon on m'a peut-être trompé sur le marchandise on m'avait pas tout dit moi on m'avait pas dit que qu'il n'y avait pas de garantie quand même. N on on m'en a pas donné c'est ça le problème c'est que là je peux pas faire d'échange ou de remplacement ou de remboursement donc bon bah on gère.

  • Natacha Sels

    Et quand vous vous êtes rencontrés, c'était le coup de foudre ? Oui. Elle dit oui.

  • Xavier Garrabos

    Oui, elle dit oui.

  • Natacha Sels

    Est-ce que justement, tu es le seul à aider Lydie ?

  • Xavier Garrabos

    Côté famille, l'aidant principal, si je puis dire, même si le mot aidant me chagrine un petit peu, je suis plus un aimant qu'un aidant, je suis le mari, donc je pense que c'est mon rôle, comme Lydie le ferait pour moi. Mais en tout cas, c'est moi effectivement qui assiste Lydie principalement dans la famille, même si aujourd'hui les enfants et les plus grands, même tous d'ailleurs, même les trois, aident Lydie sont même capables maintenant de gérer des transferts pour les plus grands. Et puis Maxine, qui est plus petite, néanmoins, va être là pour donner à boire, pour donner à manger, pour aider à moucher. Enfin voilà, pour des choses plus simples. Mais en tout cas, voilà, on a une super équipe à la maison avec les enfants et ça, c'est top.

  • Maxine

    On fait tout, le lave-vaisselle, on nettoie la maison, on range nos chambres. Enfin, on fait le maximum.

  • Xavier Garrabos

    Et en dehors de la partie familiale, effectivement, on a une personne qui vient s'occuper de Lydie le lundi et le mardi à la maison, pendant que moi je suis au bureau, au travail au bureau, quand le reste de la semaine je suis en télétravail. Mabonga qui est un ange vraiment, qui est une personne qui s'occupe extrêmement bien de Lydie, avec beaucoup d'amour, de bienveillance, de patience, et il en faut pour s'occuper de Lydie. Mais en tout cas, je plaisante, mais avec énormément de... de simplicité, de gentillesse et de douceur. Donc je sais que le soir, quand je rentre à la maison le lundi et le mardi, et que je pose la question à Lydie, la question rituelle, de dire la journée s'est bien passée, elle me regarde de façon blasée, sous-entendue, mais avec Mabonga, comme si ça se passe mal. Et c'est rassurant pour moi. Lorsque je quitte la maison, de me dire que Lydie est en train de bonnes mains, c'est vrai que c'est toujours compliqué de pouvoir gérer quelqu'un de malade, quelqu'un d'handicapé, parce qu'il y a les transferts à gérer, parce qu'il y a des risques de chute, parce qu'il y a des risques de fausse route. Et c'est à la fois compliqué pour la personne qui vient rendre service à la maison, mais c'est compliqué aussi pour le mari ou la femme qui doit s'absenter, de se dire, est-ce qu'il ne va pas se passer quelque chose de dangereux ou de grave, parce qu'il y a toujours ce risque-là.

  • Natacha Sels

    Alors, Lydie, pour commancer j'avais envie que tu me racontes ton histoire ? Donc là, nous sommes devant ton écran et c'est ta voix synthétique, on l'appelle comme ça ? On dit une voix synthétique ? Oui, ça va ? D'accord. Qui va répondre, mais en fait c'est toi qui réponds, puisque ta voix synthétique c'est toi.

  • Lydie Garrabos

    Mon histoire, oulala tu as du temps j'espère. Je suis une enfant non désirée, j'ai été élevée par une mère violente. Maltraitance physique et psychologique. A 14 ans je suis partie vivre chez mon père où j'avais deux demi-frères. J'ai eu une adolescence très mouvementée mais j'ai réussi quand même à m'en sortir tant bien comme mal. La soeur de mon père a joué le rôle de maman de substitution. C'est compliqué pour moi de résumer mon histoire. J'ai réussi à obtenir mon bac, après un BP comptabilité. J'ai fait deux ans de droit et j'ai échoué malheureusement. Enfin je travaillais à Carrefour, quand j'ai rencontré Xavier. J'ai repris mes études pour un BTS assistante de direction tout en travaillant à Carrefour et à l'aéroport de Paris. Je me suis mariée en 2000 et ma première merveille en 2002. Au départ, je ne voulais pas avoir d'enfants, mais j'en ai eu trois. Xavier est un excellent commercial.

  • Natacha Sels

    Alors, il t'a vendu les trois enfants. À quel moment le diagnostic de la SLA est arrivé ? Comment ça s'est passé ? Et puis surtout, comment tu as réagi du coup ?

  • Lydie Garrabos

    Le diagnostic est tombé le 17 août 2015. J'avais 45 ans. J'étais donc mariée avec trois enfants, dont la petite dernière avait 5 ans. J'étais adjointe au maire de ma ville chargée des affaires sportives. J'avais une vie professionnelle très riche et très active. J'étais chargée du projet sureté à Orly Sud. Donc beaucoup de terrain. Ça a commencé par des chutes. Puis mon kinésithérapeute a remarqué des choses anormales pendant ma rééducation. Après décembre, descendre aux enfers, neurologue, hospitalisation, ponction lombaire, moultes prises de sang pendant deux jours. Et verdict en août. Tsunami, le monde s'effondre et la peur de ne pas voir mes enfants grandir m'a terrifié. Nous n'avons rien caché aux enfants, juste nous n'avons pas nommé la maladie pour les protéger. J'ai fait une dépression pendant 18 mois ce qui aussi est lié la dégradation rapide de mon état. Perte de la parole, perte de mes bras, perte de 36 kilos. Heureusement pour moi j'en avais beaucoup trop. Puis la vie a repris son cours et grâce à Xavier et les enfants j'ai relevé le défi de faire avec. Bien sûr il y a eu des heures sombres mais globalement l'acceptation était là.

  • Natacha Sels

    Alors évidemment, j'ai envie de te demander qu'est-ce qui a fait que tu es sortie de cette prosternation, on va dire, de cette dépression. Alors j'entends bien qu'il y a Xavier et les enfants, mais quand même, apparemment, au début, ce n'était pas suffisant. Donc est-ce que tu peux me dire comment on sort de là ? Quelles ressources, quelles forces t'ont permis de... surmonter et décider de faire face ou d'accepter.

  • Lydie Garrabos

    Je sais. C'est un déclut de vie à tout prix. Comme dit le Dalai Lama, il ne faut pas perdre d'énergie sur quelque chose que l'on ne contrôle pas.

  • Natacha Sels

    Eh oui, eh oui. Ce que j'ai observé, c'est que tu es arrivée au concours de nouvelles, tu es arrivée à l'atelier, et vraiment, il y avait comme une douceur, une paix qui émanait de toi. Et donc, je me suis dit, elle a peut-être une autre manière de faire, parce que j'entendais beaucoup parler du combat contre la maladie, et je me suis dit, elle, elle doit s'y prendre autrement. Alors, j'avais envie que tu en parles.

  • Lydie Garrabos

    Je ne sais pas quoi te répondre. Je ne me rends pas compte de l'image que je donne aux autres. En revanche je n'ai pas de colère, je suis croyante, alors pour moi j'ai une mission ici. Peut-être montrer aux gens que le bonheur est fait de petites choses et que l'essentiel est de profiter de la vie. Le quotidien nous fait oublier l'essentiel. C'est ma vision de la vie même avant cette maladie. Je profite de ce que la vie me donne simplement, handicapé ou pas. Les enfants Xavier ont cet état d'esprit et cette force.

  • Natacha Sels

    Je comprends et en même temps, tu n'as pas un truc à me donner ? Est-ce que c'est quelque chose qu'on découvre uniquement quand le temps est compté ? Comment on fait pour être dans l'essentiel ?

  • Lydie Garrabos

    J'aimerais bien savoir. C'est une philosophie de vie que j'ai toujours eue.

  • Natacha Sels

    Est-ce que tu crois que ça peut s'expliquer par l'adversité, justement ? Oui. Ça aide ?

  • Lydie Garrabos

    Oui,

  • Natacha Sels

    je comprends. C'est comme si, quand il arrive, on le reconnaît le bonheur, en fait. Et puis on le retrouve quand c'est compliqué.

  • Lydie Garrabos

    C'est tout à fait ça.

  • Natacha Sels

    Est-ce que tu connaissais la maladie de Charcot avant ? Non. Donc tu la découvres au fur et à mesure. Et donc, comment ça s'est passé pour toi au niveau de l'évolution et des symptômes ?

  • Lydie Garrabos

    Les étapes ? Au départ, j'ai perdu très vite et beaucoup. Puis mon état est stable depuis cinq ans, je pense.

  • Xavier Garrabos

    En réfléchissant, parce qu'on est tellement dans le quotidien quand ces choses arrivent que je pense qu'on est dans le run, on n'est pas dans la réflexion. Et c'est vrai que de se poser un petit peu en ce moment, que ce soit à travers le reportage ou à travers le podcast, ça permet de prendre un peu de recul et de réfléchir à ça. Mais c'est vrai que les grandes étapes ont été effectivement la découverte. tu disais tout à l'heure, Lydie, le coup de massue, pour commencer, c'est-à-dire l'annonce de la maladie, sans plus d'informations que son nom savant, qui est la sclérose latérale amyotrophique. Prenez ça et débrouillez-vous avec, en disant au départ que votre pronostic vital n'est pas engagé. Ce qui veut à la fois tout et rien dire, puisqu'effectivement, on a tous notre pronostic vital qui est engagé à plus ou moins long terme de toute façon, d'une manière ou d'une autre. Et puis, comme tout le monde, vous allez chercher sur internet exactement ce qu'il en est, et vous tombez sur des choses plus ou moins drôles, et forcément plutôt moins que plus. J'ai donc... Entre guillemets interdit à Lydie d'aller sur internet et j'ai filtré les éléments, pas dans le but de cacher quoi que ce soit, mais dans un but effectivement d'avoir une démarche plutôt constructive et pas simplement de destruction, parce que je pense que dans ces moments là on est plus à regarder le négatif. J'ai donc joué ce rôle de filtre et ça a été effectivement plusieurs mois d'acceptation, en tout cas déjà avant tout de refus, de tristesse avant de pouvoir pas forcément l'accepter mais mais se dire qu'elle était là, il fallait faire avec. Et puis se dire qu'il fallait remettre la machine en avant et puis se battre. Parce qu'au début, quand on vous annonce ça, vous avez l'impression que tout s'écroule et que vous allez tout perdre, la maison, la famille, les enfants, et que tout va mal se passer. Et puis petit à petit, vous reprenez le dessus. Moi, pour ma part, je me suis mis la tête dans une page Internet pour Lydie, pour ensuite trouver des fonds, pour faire des travaux. Enfin, je me suis mis effectivement dans les projets pour Lydie, sans vous... Ce qui m'a permis de ne pas me regarder moi et de ne pas gérer ma tristesse, ma douleur et la situation. Et puis on s'est rendu compte qu'on allait pouvoir, non pas survivre, mais vivre de façon adaptée. Partir en vacances, aller au restaurant, voir nos amis. Et j'ai tenu depuis le début à ce qu'on continue à faire tout ça, parce qu'on s'est rendu compte que c'était, comme pour tout, le plaisir. Les événements de vie simples permettent de pouvoir continuer à se battre et d'avoir envie de se battre. Comme tu dis, le quotidien ne change pas d'un coup, mais effectivement, ça va être par palier. On va réussir à compenser au fur et à mesure le fait de monter les escaliers en étant derrière Lydie. Puis ensuite, on va l'aider, on va la soutenir un peu plus. Puis elle va réussir à se lever du lit en se maintenant à la poignée qui est devant. Et puis le jour d'après, elle ne pourra plus. Et c'est vrai que c'est de la perte d'autonomie progressive. On ne s'en rend pas forcément compte. Et au début, on est peut-être un peu dans le refus de s'adapter parce qu'on se dit je ne veux pas m'adapter. Parce que sinon, c'est que je m'adapte à la maladie. Donc je ne veux pas le fauteuil roulant. Je ne veux pas la canne. Je ne veux pas ceci. Je ne veux pas cela. on prend le pli de s'adapter aussi pour le confort de l'idée parce que sinon c'est plus fatigant que de se battre bêtement face à la perte d'autonomie

  • Natacha Sels

    La dernière fois quand on s'était parlé, tu m'as dit que tu avais un peu de lassitude par rapport à la dépendance comment tu négocies ça cette dépendance qui s'installe dans une société où on valorise l'indépendance et l'individualisme

  • Lydie Garrabos

    Je craque régulièrement mais je m'accroche à Xavier et aux enfants j'avoue que je pense aussi en finir mais ils me rattrapent toujours La dépendance, c'est le plus difficile à supporter. Demander sans arrêt pour les actes vitaux, c'est difficile et parfois humiliant, en particulier quand j'ai des accidents. Je l'accepte parce que j'ai la chance d'être en vie. Et je ne n'ai pas le choix.

  • Natacha Sels

    Est-ce qu'il y a une chose qui a été le plus difficile que d'autres ?

  • Lydie Garrabos

    Mes mains et la parole.

  • Xavier Garrabos

    Ce que je voudrais, voulais, je faisais beaucoup de choses.

  • Lydie Garrabos

    Créative ?

  • Xavier Garrabos

    Oui, Lady effectivement faisait beaucoup de loisirs créatifs et plein plein de choses liées à ça. C'est vrai que ça aussi ça fait partie des choses qui lui manquent beaucoup.

  • Natacha Sels

    Comment tu arrives à remplacer la créativité ? éviter ?

  • Lydie Garrabos

    J'écris un peu.

  • Natacha Sels

    Un peu. Elle est modeste. Je sais bien que tu écris un roman. Est-ce que tu peux en parler un tout petit peu ? Ah, ça c'est quoi ? Xavier est en train de me montrer un très joli oiseau, un calendrier.

  • Xavier Garrabos

    Lydie fait aussi, avec ses yeux, elle fait énormément de coloriage où elle va colorier chacune des parties. de chaque dessin. Donc c'est vraiment un temps immense et puis une précision énorme.

  • Natacha Sels

    Là on a un tigre avec beaucoup de couleurs. Là on a énormément de détails.

  • Xavier Garrabos

    Lydie adore faire choisir effectivement. aux enfants, à moi-même, certains coloriages. Et ensuite, elle les fait, entre guillemets, pour nous, de la plus belle couleur et manière qu'ils soient.

  • Lydie Garrabos

    J'adore faire ça et lire beaucoup.

  • Natacha Sels

    Qu'est-ce que tu as lu récemment ? J'adore parce que ça apparaît petit à petit et donc il y a le suspense de savoir ce que tu vas dire.

  • Lydie Garrabos

    Le dernier roman de Joël Dicker et j'aime Maxime Chatham.

  • Natacha Sels

    J'ai quelque chose pour toi, attends, je vais regarder si j'ai ça dans un coin. Je sors de mon sac un exemplaire de Colette, après avoir demandé à Lydie si elle aimait cet auteur. C'est un passage dans Péché dans l'étoile Vespère. Et tu sais, elle est à sa fenêtre. Et elle a très mal, elle ne peut plus bouger, donc elle est sur son divan, elle est à la fenêtre de son appartement qui se trouve au Palais Royal. Et elle dit ceci, que le mal nous façonne, il faut bien l'accepter. Mieux est de façonner le mal à notre usage, et même à notre commodité. C'est une manière d'exploitation à laquelle les jeunes, les robustes sont mal habiles. Et je conçois bien qu'on leur fasse difficilement comprendre, par exemple, que la quasi-immobilité est un cadeau. Est-ce qu'il y a des moments où l'immobilité est un cadeau pour toi et te permet de voyager ? Beaucoup.

  • Xavier Garrabos

    C'est pour ça que j'ai changé de place dans le salon. Ça va bien. Nous avons réorganisé le salon afin que Lydie puisse avoir une vue sur l'ensemble du jardin. Ce qui lui permet, je pense, tu me dis si je me trompe, d'observer la nature, les oiseaux, les animaux, les petits chéries, les abeilles, puisqu'on a une ruche, et de pouvoir profiter de tout ça.

  • Natacha Sels

    Est-ce qu'on devient plus attentif quand on est comme ça,

  • Lydie Garrabos

    sans bouger ?

  • Natacha Sels

    Tu peux me donner des exemples de choses que tu as observées qui te font plaisir ? C'est œil de lynx à la maison.

  • Xavier Garrabos

    Elle décrypte les attitudes et les sentiments de chacun.

  • Natacha Sels

    Qu'est-ce que tu regardes ? C'est la façon de se tenir, c'est ça ?

  • Xavier Garrabos

    La façon de parler aussi. Et le visage.

  • Natacha Sels

    Est-ce que tu ressens le toucher aujourd'hui ?

  • Xavier Garrabos

    Je n'ai pas de problème, de sensation.

  • Natacha Sels

    Donc on peut te faire des moupages et des papouilles. Voilà.

  • Xavier Garrabos

    Lydie adore ça et régulièrement, effectivement, on fait venir soit une... une masseuse qui vient à la maison afin de l'amasser, de lui faire des soins, etc. Ou quand on va effectivement en vacances, on profite d'aller dans des spas pour pouvoir profiter au mieux de différents massages, etc. Ce qui lui manque, c'est de ne pas pouvoir prendre ses enfants dans ses bras. Même s'ils viennent lui faire des câlins, on fait en sorte qu'elle puisse les enlacer. Mais voilà, elle n'a pas la possibilité de le faire d'elle-même. Et c'est là où ça lui manque beaucoup de ne pas pouvoir les embrasser réellement. Parce qu'il y a un souci de force labiale de ne pas pouvoir effectivement leur faire un vrai câlin. C'est vraiment des choses comme ça, des choses simples de la vie et de l'échange et de l'échange d'amour qui lui manque au quotidien.

  • Maxine

    Comme ma mère, elle ne peut pas nous faire de câlins ou quoi, avec mon frère et ma soeur, nous allons faire chacun un plaid avec... Chacun a un mot différent. Moi, il y a marqué « ma fille » . Dans ce plaid, tu trouveras un morceau de mon cœur. Tu sentiras le confort et la chaleur lorsque nous sommes séparés. Tu y trouveras beaucoup d'amour et surtout tous mes voeux de bonheur. N'abandonne jamais les beaux rêves que tu as. Crois en toi-même autant que je crois en toi. Quand tu te sens triste et seul, enveloppe-toi dans ce plaid et imagine que je te serre dans mes bras. Je t'aime,

  • Natacha Sels

    maman. Dans le prochain épisode, vous retrouverez Lady Carabosse, Ma famille formidable, partie 2. Restez à l'écoute de notre podcast La vie est belle, essaie-la SLA ! et abonnez-vous sur votre plateforme préférée.

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Description

Lydie Garrabos a-t-elle un secret ? Depuis neuf ans, elle est prisonnière de son corps, incapable de bouger, et pourtant, son sourire illumine tout autour d’elle.


Au sein d’une famille exceptionnelle, où l’amour, l’humour et la résilience s’entrelacent pour affronter l’épreuve de la maladie, nous découvrons une femme créative, dotée d’un mental d’acier et entourée d’un mari aimant, Xavier, avec qui elle célèbre cette année 30 ans de mariage.


Ne manquez aucun nouvel épisode de La vie est belle, essaie-la ! en vous abonnant dès maintenant sur votre plateforme de podcasts préférée et retrouvez un nouvel épisode un samedi sur deux.


Nous remercions chaleureusement toutes les personnes qui ont participé à cette première saison : personnes malades, aidants, proches, professionnels de santé.


Un immense merci également à la Fondation d'entreprise IRCEM pour son précieux soutien, ainsi qu'à l’Agence CosaVostra pour la réalisation du visuel du podcast.


Ce podcast de l'ARLSA a été réalisé par Natacha Sels, la post-production est de Bertrand Chaumeton.

 

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Bonne écoute !


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Transcription

  • Natacha Sels

    La vie est belle, essaie-la ! Le podcast de l'ARSLA, qui met en lumière des personnes confrontées à la SLA et des professionnels engagés.

  • Lydie Garrabos

    Comme dit le Dalai Lama, il ne faut pas perdre d'énergie sur quelque chose que l'on ne contrôle pas.

  • Natacha Sels

    Lydie Garrabos, ma famille formidable, partie 1. J'ai rencontré Lydie lors du concours de nouvelles organisé par l'ARSLA. Et j'ai été impressionnée par l'aspect juvénile, la douceur et le sourire rayonnant qui émanaient d'elle. Je me suis dit qu'elle avait peut-être un secret. Je me suis donc rendue non loin de Fontainebleau pour la rencontrer et je découvre une femme au mental d'acier, débordante de créativité, d'humour et d'amour, portée par une famille qui le lui rend bien. Je découvre aussi un couple qui fait 30 ans de mariage cette année et dont les liens ont encore été renforcés par l'épreuve de la maladie. C'est Xavier qui vient me chercher à la gare et me conduit jusqu'à la maison aménagée spécialement pour faciliter la vie à Lydie.

  • Xavier Garrabos

    Bienvenue Natacha, bienvenue à la maison, bienvenue à la maison du bonheur.

  • Lydie Garrabos

    Bienvenue à la maison.

  • Xavier Garrabos

    Lydie c'est quelqu'un de dynamique, de joyeux, de têtu, mais ça a ce bon côté effectivement qu'elle ne lâche pas le morceau, c'est-à-dire que c'est quelqu'un qui s'accroche effectivement, qui se bat. qui malgré des coups de mou, trouve toujours la ressource à travers les enfants, à travers une volonté sans faille de se battre et de s'accrocher. Et maintenant, depuis bientôt neuf ans, de faire un vrai pied de nez à cette maladie de Charcot.

  • Natacha Sels

    Je vais rajouter que Lydie, tu es blonde, avec des cheveux, je dirais courts, des grandes lunettes, des yeux bruns, un sourire énorme et puis un joli pull rose.

  • Lydie Garrabos

    Le rose. Et ma couleur préférée.

  • Maxine

    Je m'appelle Maxine, j'ai 13 ans. Alors maman, elle... Elle est très jolie, ma maman. Elle est plus grande que mon père. Elle est très grande, ma maman. Et puis, elle fait beaucoup d'efforts pour parler. Elle a même une dame qui vient la voir pour qu'elle apprenne à mieux articuler. En tout cas, elle fait beaucoup d'efforts.

  • Natacha Sels

    Est-ce que tu te souviens ? Quand elle est tombée malade, tu avais quel âge d'ailleurs ?

  • Maxine

    Alors moi, quand elle est tombée malade, j'avais 4 ans, entre 4 et 5 ans. Mais je me souviens quand même un petit peu de quand elle était handicapée. C'est un peu vague, mais j'ai quand même des souvenirs, même si j'étais petite.

  • Natacha Sels

    Et est-ce que tu te souviens de ce que tu t'es dit à ce moment-là ?

  • Maxine

    En fait, je ne comprenais pas trop parce que j'étais petite et même quand on m'a expliqué, je ne comprenais pas. Mais après, je ne sais pas du tout comment j'ai réagi. Je sais que ça m'avait fait bizarre et moi, je pensais qu'elle allait guérir. Je pensais qu'elle était malade comme c'était la grippe ou quoi, qu'elle avait juste à prendre des médicaments et qu'elle allait être normale. Mais en fait, non. Et après, comme j'ai appris à grandir avec, j'ai toujours vécu avec ça, du coup, moi, ça ne m'a pas tant affecté que ça. C'est un peu normal pour moi d'avoir une maman handicapée. Au contraire, quand je vais chez des copines et que la maman, elle est pas handicapée, c'est bizarre, du coup, pour moi. Alors, mon père... Et bah, il est aussi joli, il est très gentil, surtout il a du mal à dire non, il dit toujours oui. Mais du coup, on demande toujours... Quand on lui demande, on dit, tu as le droit de dire non, parce qu'il n'ose jamais dire non. Mon père, il n'a pas de cheveux, lui. Il est chauve. Et ça vit bien. Et puis, il est plus petit que ma mère.

  • Natacha Sels

    Ah oui ? Oui. Je n'avais pas remarqué cet attribut, car Xavier me paraît grand et Lydie est assise. Mais Maxine insiste. Pour préparer notre rencontre, Lydie m'avait demandé de lui envoyer des questions. Elle utilise depuis longtemps ses pupilles pour rédiger des textes, mais malgré sa dextérité, cela prend du temps. Sans compter que l'intelligence artificielle fait parfois de drôles d'embardés si la ponctuation n'est pas exacte, à la virgule près. Pour les besoins de l'interview, nous allons donc accélérer l'allure des réponses quand elles n'étaient pas préparées. Et bien sûr, Xavier s'est proposé en traducteur émérite. Alors on est en train de coller les phrases.

  • Xavier Garrabos

    Je vais demander à Natacha de venir plus souvent, parce que c'est ça au moins.

  • Natacha Sels

    Tu as toujours été comme ça, Xavier ? Oui.

  • Xavier Garrabos

    Toujours été comme ça, et j'ai décidé de surtout rien changer, malgré la maladie. Alors des fois, comme je disais tout à l'heure, ça peut être un peu compliqué pour Lydie, parce que je peux être totalement insupportable, mais pour moi, je le conçois. Et comme ça, il y a des fois où Lydie se pose la question si c'est plus facile de combattre la maladie ou de me combattre moi. Donc finalement, ça lui permet d'oublier un peu la maladie de temps en temps. Peut-être même des fois de s'y réfugier, c'est peut-être moins compliqué de gérer la maladie que de me gérer moi.

  • Natacha Sels

    Ça fait combien de temps que vous êtes mariés ?

  • Xavier Garrabos

    Eh bien, nous sommes mariés en l'an 2000, donc ça va faire 24 ans au mois de septembre. Et là, dans quelques semaines, le 21 mai, ça va faire 30 ans qu'on est ensemble. on travaillait tous les deux à Carrefour en tant qu'étudiant pour moi et Lydie était employée mais bon on m'a peut-être trompé sur le marchandise on m'avait pas tout dit moi on m'avait pas dit que qu'il n'y avait pas de garantie quand même. N on on m'en a pas donné c'est ça le problème c'est que là je peux pas faire d'échange ou de remplacement ou de remboursement donc bon bah on gère.

  • Natacha Sels

    Et quand vous vous êtes rencontrés, c'était le coup de foudre ? Oui. Elle dit oui.

  • Xavier Garrabos

    Oui, elle dit oui.

  • Natacha Sels

    Est-ce que justement, tu es le seul à aider Lydie ?

  • Xavier Garrabos

    Côté famille, l'aidant principal, si je puis dire, même si le mot aidant me chagrine un petit peu, je suis plus un aimant qu'un aidant, je suis le mari, donc je pense que c'est mon rôle, comme Lydie le ferait pour moi. Mais en tout cas, c'est moi effectivement qui assiste Lydie principalement dans la famille, même si aujourd'hui les enfants et les plus grands, même tous d'ailleurs, même les trois, aident Lydie sont même capables maintenant de gérer des transferts pour les plus grands. Et puis Maxine, qui est plus petite, néanmoins, va être là pour donner à boire, pour donner à manger, pour aider à moucher. Enfin voilà, pour des choses plus simples. Mais en tout cas, voilà, on a une super équipe à la maison avec les enfants et ça, c'est top.

  • Maxine

    On fait tout, le lave-vaisselle, on nettoie la maison, on range nos chambres. Enfin, on fait le maximum.

  • Xavier Garrabos

    Et en dehors de la partie familiale, effectivement, on a une personne qui vient s'occuper de Lydie le lundi et le mardi à la maison, pendant que moi je suis au bureau, au travail au bureau, quand le reste de la semaine je suis en télétravail. Mabonga qui est un ange vraiment, qui est une personne qui s'occupe extrêmement bien de Lydie, avec beaucoup d'amour, de bienveillance, de patience, et il en faut pour s'occuper de Lydie. Mais en tout cas, je plaisante, mais avec énormément de... de simplicité, de gentillesse et de douceur. Donc je sais que le soir, quand je rentre à la maison le lundi et le mardi, et que je pose la question à Lydie, la question rituelle, de dire la journée s'est bien passée, elle me regarde de façon blasée, sous-entendue, mais avec Mabonga, comme si ça se passe mal. Et c'est rassurant pour moi. Lorsque je quitte la maison, de me dire que Lydie est en train de bonnes mains, c'est vrai que c'est toujours compliqué de pouvoir gérer quelqu'un de malade, quelqu'un d'handicapé, parce qu'il y a les transferts à gérer, parce qu'il y a des risques de chute, parce qu'il y a des risques de fausse route. Et c'est à la fois compliqué pour la personne qui vient rendre service à la maison, mais c'est compliqué aussi pour le mari ou la femme qui doit s'absenter, de se dire, est-ce qu'il ne va pas se passer quelque chose de dangereux ou de grave, parce qu'il y a toujours ce risque-là.

  • Natacha Sels

    Alors, Lydie, pour commancer j'avais envie que tu me racontes ton histoire ? Donc là, nous sommes devant ton écran et c'est ta voix synthétique, on l'appelle comme ça ? On dit une voix synthétique ? Oui, ça va ? D'accord. Qui va répondre, mais en fait c'est toi qui réponds, puisque ta voix synthétique c'est toi.

  • Lydie Garrabos

    Mon histoire, oulala tu as du temps j'espère. Je suis une enfant non désirée, j'ai été élevée par une mère violente. Maltraitance physique et psychologique. A 14 ans je suis partie vivre chez mon père où j'avais deux demi-frères. J'ai eu une adolescence très mouvementée mais j'ai réussi quand même à m'en sortir tant bien comme mal. La soeur de mon père a joué le rôle de maman de substitution. C'est compliqué pour moi de résumer mon histoire. J'ai réussi à obtenir mon bac, après un BP comptabilité. J'ai fait deux ans de droit et j'ai échoué malheureusement. Enfin je travaillais à Carrefour, quand j'ai rencontré Xavier. J'ai repris mes études pour un BTS assistante de direction tout en travaillant à Carrefour et à l'aéroport de Paris. Je me suis mariée en 2000 et ma première merveille en 2002. Au départ, je ne voulais pas avoir d'enfants, mais j'en ai eu trois. Xavier est un excellent commercial.

  • Natacha Sels

    Alors, il t'a vendu les trois enfants. À quel moment le diagnostic de la SLA est arrivé ? Comment ça s'est passé ? Et puis surtout, comment tu as réagi du coup ?

  • Lydie Garrabos

    Le diagnostic est tombé le 17 août 2015. J'avais 45 ans. J'étais donc mariée avec trois enfants, dont la petite dernière avait 5 ans. J'étais adjointe au maire de ma ville chargée des affaires sportives. J'avais une vie professionnelle très riche et très active. J'étais chargée du projet sureté à Orly Sud. Donc beaucoup de terrain. Ça a commencé par des chutes. Puis mon kinésithérapeute a remarqué des choses anormales pendant ma rééducation. Après décembre, descendre aux enfers, neurologue, hospitalisation, ponction lombaire, moultes prises de sang pendant deux jours. Et verdict en août. Tsunami, le monde s'effondre et la peur de ne pas voir mes enfants grandir m'a terrifié. Nous n'avons rien caché aux enfants, juste nous n'avons pas nommé la maladie pour les protéger. J'ai fait une dépression pendant 18 mois ce qui aussi est lié la dégradation rapide de mon état. Perte de la parole, perte de mes bras, perte de 36 kilos. Heureusement pour moi j'en avais beaucoup trop. Puis la vie a repris son cours et grâce à Xavier et les enfants j'ai relevé le défi de faire avec. Bien sûr il y a eu des heures sombres mais globalement l'acceptation était là.

  • Natacha Sels

    Alors évidemment, j'ai envie de te demander qu'est-ce qui a fait que tu es sortie de cette prosternation, on va dire, de cette dépression. Alors j'entends bien qu'il y a Xavier et les enfants, mais quand même, apparemment, au début, ce n'était pas suffisant. Donc est-ce que tu peux me dire comment on sort de là ? Quelles ressources, quelles forces t'ont permis de... surmonter et décider de faire face ou d'accepter.

  • Lydie Garrabos

    Je sais. C'est un déclut de vie à tout prix. Comme dit le Dalai Lama, il ne faut pas perdre d'énergie sur quelque chose que l'on ne contrôle pas.

  • Natacha Sels

    Eh oui, eh oui. Ce que j'ai observé, c'est que tu es arrivée au concours de nouvelles, tu es arrivée à l'atelier, et vraiment, il y avait comme une douceur, une paix qui émanait de toi. Et donc, je me suis dit, elle a peut-être une autre manière de faire, parce que j'entendais beaucoup parler du combat contre la maladie, et je me suis dit, elle, elle doit s'y prendre autrement. Alors, j'avais envie que tu en parles.

  • Lydie Garrabos

    Je ne sais pas quoi te répondre. Je ne me rends pas compte de l'image que je donne aux autres. En revanche je n'ai pas de colère, je suis croyante, alors pour moi j'ai une mission ici. Peut-être montrer aux gens que le bonheur est fait de petites choses et que l'essentiel est de profiter de la vie. Le quotidien nous fait oublier l'essentiel. C'est ma vision de la vie même avant cette maladie. Je profite de ce que la vie me donne simplement, handicapé ou pas. Les enfants Xavier ont cet état d'esprit et cette force.

  • Natacha Sels

    Je comprends et en même temps, tu n'as pas un truc à me donner ? Est-ce que c'est quelque chose qu'on découvre uniquement quand le temps est compté ? Comment on fait pour être dans l'essentiel ?

  • Lydie Garrabos

    J'aimerais bien savoir. C'est une philosophie de vie que j'ai toujours eue.

  • Natacha Sels

    Est-ce que tu crois que ça peut s'expliquer par l'adversité, justement ? Oui. Ça aide ?

  • Lydie Garrabos

    Oui,

  • Natacha Sels

    je comprends. C'est comme si, quand il arrive, on le reconnaît le bonheur, en fait. Et puis on le retrouve quand c'est compliqué.

  • Lydie Garrabos

    C'est tout à fait ça.

  • Natacha Sels

    Est-ce que tu connaissais la maladie de Charcot avant ? Non. Donc tu la découvres au fur et à mesure. Et donc, comment ça s'est passé pour toi au niveau de l'évolution et des symptômes ?

  • Lydie Garrabos

    Les étapes ? Au départ, j'ai perdu très vite et beaucoup. Puis mon état est stable depuis cinq ans, je pense.

  • Xavier Garrabos

    En réfléchissant, parce qu'on est tellement dans le quotidien quand ces choses arrivent que je pense qu'on est dans le run, on n'est pas dans la réflexion. Et c'est vrai que de se poser un petit peu en ce moment, que ce soit à travers le reportage ou à travers le podcast, ça permet de prendre un peu de recul et de réfléchir à ça. Mais c'est vrai que les grandes étapes ont été effectivement la découverte. tu disais tout à l'heure, Lydie, le coup de massue, pour commencer, c'est-à-dire l'annonce de la maladie, sans plus d'informations que son nom savant, qui est la sclérose latérale amyotrophique. Prenez ça et débrouillez-vous avec, en disant au départ que votre pronostic vital n'est pas engagé. Ce qui veut à la fois tout et rien dire, puisqu'effectivement, on a tous notre pronostic vital qui est engagé à plus ou moins long terme de toute façon, d'une manière ou d'une autre. Et puis, comme tout le monde, vous allez chercher sur internet exactement ce qu'il en est, et vous tombez sur des choses plus ou moins drôles, et forcément plutôt moins que plus. J'ai donc... Entre guillemets interdit à Lydie d'aller sur internet et j'ai filtré les éléments, pas dans le but de cacher quoi que ce soit, mais dans un but effectivement d'avoir une démarche plutôt constructive et pas simplement de destruction, parce que je pense que dans ces moments là on est plus à regarder le négatif. J'ai donc joué ce rôle de filtre et ça a été effectivement plusieurs mois d'acceptation, en tout cas déjà avant tout de refus, de tristesse avant de pouvoir pas forcément l'accepter mais mais se dire qu'elle était là, il fallait faire avec. Et puis se dire qu'il fallait remettre la machine en avant et puis se battre. Parce qu'au début, quand on vous annonce ça, vous avez l'impression que tout s'écroule et que vous allez tout perdre, la maison, la famille, les enfants, et que tout va mal se passer. Et puis petit à petit, vous reprenez le dessus. Moi, pour ma part, je me suis mis la tête dans une page Internet pour Lydie, pour ensuite trouver des fonds, pour faire des travaux. Enfin, je me suis mis effectivement dans les projets pour Lydie, sans vous... Ce qui m'a permis de ne pas me regarder moi et de ne pas gérer ma tristesse, ma douleur et la situation. Et puis on s'est rendu compte qu'on allait pouvoir, non pas survivre, mais vivre de façon adaptée. Partir en vacances, aller au restaurant, voir nos amis. Et j'ai tenu depuis le début à ce qu'on continue à faire tout ça, parce qu'on s'est rendu compte que c'était, comme pour tout, le plaisir. Les événements de vie simples permettent de pouvoir continuer à se battre et d'avoir envie de se battre. Comme tu dis, le quotidien ne change pas d'un coup, mais effectivement, ça va être par palier. On va réussir à compenser au fur et à mesure le fait de monter les escaliers en étant derrière Lydie. Puis ensuite, on va l'aider, on va la soutenir un peu plus. Puis elle va réussir à se lever du lit en se maintenant à la poignée qui est devant. Et puis le jour d'après, elle ne pourra plus. Et c'est vrai que c'est de la perte d'autonomie progressive. On ne s'en rend pas forcément compte. Et au début, on est peut-être un peu dans le refus de s'adapter parce qu'on se dit je ne veux pas m'adapter. Parce que sinon, c'est que je m'adapte à la maladie. Donc je ne veux pas le fauteuil roulant. Je ne veux pas la canne. Je ne veux pas ceci. Je ne veux pas cela. on prend le pli de s'adapter aussi pour le confort de l'idée parce que sinon c'est plus fatigant que de se battre bêtement face à la perte d'autonomie

  • Natacha Sels

    La dernière fois quand on s'était parlé, tu m'as dit que tu avais un peu de lassitude par rapport à la dépendance comment tu négocies ça cette dépendance qui s'installe dans une société où on valorise l'indépendance et l'individualisme

  • Lydie Garrabos

    Je craque régulièrement mais je m'accroche à Xavier et aux enfants j'avoue que je pense aussi en finir mais ils me rattrapent toujours La dépendance, c'est le plus difficile à supporter. Demander sans arrêt pour les actes vitaux, c'est difficile et parfois humiliant, en particulier quand j'ai des accidents. Je l'accepte parce que j'ai la chance d'être en vie. Et je ne n'ai pas le choix.

  • Natacha Sels

    Est-ce qu'il y a une chose qui a été le plus difficile que d'autres ?

  • Lydie Garrabos

    Mes mains et la parole.

  • Xavier Garrabos

    Ce que je voudrais, voulais, je faisais beaucoup de choses.

  • Lydie Garrabos

    Créative ?

  • Xavier Garrabos

    Oui, Lady effectivement faisait beaucoup de loisirs créatifs et plein plein de choses liées à ça. C'est vrai que ça aussi ça fait partie des choses qui lui manquent beaucoup.

  • Natacha Sels

    Comment tu arrives à remplacer la créativité ? éviter ?

  • Lydie Garrabos

    J'écris un peu.

  • Natacha Sels

    Un peu. Elle est modeste. Je sais bien que tu écris un roman. Est-ce que tu peux en parler un tout petit peu ? Ah, ça c'est quoi ? Xavier est en train de me montrer un très joli oiseau, un calendrier.

  • Xavier Garrabos

    Lydie fait aussi, avec ses yeux, elle fait énormément de coloriage où elle va colorier chacune des parties. de chaque dessin. Donc c'est vraiment un temps immense et puis une précision énorme.

  • Natacha Sels

    Là on a un tigre avec beaucoup de couleurs. Là on a énormément de détails.

  • Xavier Garrabos

    Lydie adore faire choisir effectivement. aux enfants, à moi-même, certains coloriages. Et ensuite, elle les fait, entre guillemets, pour nous, de la plus belle couleur et manière qu'ils soient.

  • Lydie Garrabos

    J'adore faire ça et lire beaucoup.

  • Natacha Sels

    Qu'est-ce que tu as lu récemment ? J'adore parce que ça apparaît petit à petit et donc il y a le suspense de savoir ce que tu vas dire.

  • Lydie Garrabos

    Le dernier roman de Joël Dicker et j'aime Maxime Chatham.

  • Natacha Sels

    J'ai quelque chose pour toi, attends, je vais regarder si j'ai ça dans un coin. Je sors de mon sac un exemplaire de Colette, après avoir demandé à Lydie si elle aimait cet auteur. C'est un passage dans Péché dans l'étoile Vespère. Et tu sais, elle est à sa fenêtre. Et elle a très mal, elle ne peut plus bouger, donc elle est sur son divan, elle est à la fenêtre de son appartement qui se trouve au Palais Royal. Et elle dit ceci, que le mal nous façonne, il faut bien l'accepter. Mieux est de façonner le mal à notre usage, et même à notre commodité. C'est une manière d'exploitation à laquelle les jeunes, les robustes sont mal habiles. Et je conçois bien qu'on leur fasse difficilement comprendre, par exemple, que la quasi-immobilité est un cadeau. Est-ce qu'il y a des moments où l'immobilité est un cadeau pour toi et te permet de voyager ? Beaucoup.

  • Xavier Garrabos

    C'est pour ça que j'ai changé de place dans le salon. Ça va bien. Nous avons réorganisé le salon afin que Lydie puisse avoir une vue sur l'ensemble du jardin. Ce qui lui permet, je pense, tu me dis si je me trompe, d'observer la nature, les oiseaux, les animaux, les petits chéries, les abeilles, puisqu'on a une ruche, et de pouvoir profiter de tout ça.

  • Natacha Sels

    Est-ce qu'on devient plus attentif quand on est comme ça,

  • Lydie Garrabos

    sans bouger ?

  • Natacha Sels

    Tu peux me donner des exemples de choses que tu as observées qui te font plaisir ? C'est œil de lynx à la maison.

  • Xavier Garrabos

    Elle décrypte les attitudes et les sentiments de chacun.

  • Natacha Sels

    Qu'est-ce que tu regardes ? C'est la façon de se tenir, c'est ça ?

  • Xavier Garrabos

    La façon de parler aussi. Et le visage.

  • Natacha Sels

    Est-ce que tu ressens le toucher aujourd'hui ?

  • Xavier Garrabos

    Je n'ai pas de problème, de sensation.

  • Natacha Sels

    Donc on peut te faire des moupages et des papouilles. Voilà.

  • Xavier Garrabos

    Lydie adore ça et régulièrement, effectivement, on fait venir soit une... une masseuse qui vient à la maison afin de l'amasser, de lui faire des soins, etc. Ou quand on va effectivement en vacances, on profite d'aller dans des spas pour pouvoir profiter au mieux de différents massages, etc. Ce qui lui manque, c'est de ne pas pouvoir prendre ses enfants dans ses bras. Même s'ils viennent lui faire des câlins, on fait en sorte qu'elle puisse les enlacer. Mais voilà, elle n'a pas la possibilité de le faire d'elle-même. Et c'est là où ça lui manque beaucoup de ne pas pouvoir les embrasser réellement. Parce qu'il y a un souci de force labiale de ne pas pouvoir effectivement leur faire un vrai câlin. C'est vraiment des choses comme ça, des choses simples de la vie et de l'échange et de l'échange d'amour qui lui manque au quotidien.

  • Maxine

    Comme ma mère, elle ne peut pas nous faire de câlins ou quoi, avec mon frère et ma soeur, nous allons faire chacun un plaid avec... Chacun a un mot différent. Moi, il y a marqué « ma fille » . Dans ce plaid, tu trouveras un morceau de mon cœur. Tu sentiras le confort et la chaleur lorsque nous sommes séparés. Tu y trouveras beaucoup d'amour et surtout tous mes voeux de bonheur. N'abandonne jamais les beaux rêves que tu as. Crois en toi-même autant que je crois en toi. Quand tu te sens triste et seul, enveloppe-toi dans ce plaid et imagine que je te serre dans mes bras. Je t'aime,

  • Natacha Sels

    maman. Dans le prochain épisode, vous retrouverez Lady Carabosse, Ma famille formidable, partie 2. Restez à l'écoute de notre podcast La vie est belle, essaie-la SLA ! et abonnez-vous sur votre plateforme préférée.

Description

Lydie Garrabos a-t-elle un secret ? Depuis neuf ans, elle est prisonnière de son corps, incapable de bouger, et pourtant, son sourire illumine tout autour d’elle.


Au sein d’une famille exceptionnelle, où l’amour, l’humour et la résilience s’entrelacent pour affronter l’épreuve de la maladie, nous découvrons une femme créative, dotée d’un mental d’acier et entourée d’un mari aimant, Xavier, avec qui elle célèbre cette année 30 ans de mariage.


Ne manquez aucun nouvel épisode de La vie est belle, essaie-la ! en vous abonnant dès maintenant sur votre plateforme de podcasts préférée et retrouvez un nouvel épisode un samedi sur deux.


Nous remercions chaleureusement toutes les personnes qui ont participé à cette première saison : personnes malades, aidants, proches, professionnels de santé.


Un immense merci également à la Fondation d'entreprise IRCEM pour son précieux soutien, ainsi qu'à l’Agence CosaVostra pour la réalisation du visuel du podcast.


Ce podcast de l'ARLSA a été réalisé par Natacha Sels, la post-production est de Bertrand Chaumeton.

 

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Bonne écoute !


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Natacha Sels

    La vie est belle, essaie-la ! Le podcast de l'ARSLA, qui met en lumière des personnes confrontées à la SLA et des professionnels engagés.

  • Lydie Garrabos

    Comme dit le Dalai Lama, il ne faut pas perdre d'énergie sur quelque chose que l'on ne contrôle pas.

  • Natacha Sels

    Lydie Garrabos, ma famille formidable, partie 1. J'ai rencontré Lydie lors du concours de nouvelles organisé par l'ARSLA. Et j'ai été impressionnée par l'aspect juvénile, la douceur et le sourire rayonnant qui émanaient d'elle. Je me suis dit qu'elle avait peut-être un secret. Je me suis donc rendue non loin de Fontainebleau pour la rencontrer et je découvre une femme au mental d'acier, débordante de créativité, d'humour et d'amour, portée par une famille qui le lui rend bien. Je découvre aussi un couple qui fait 30 ans de mariage cette année et dont les liens ont encore été renforcés par l'épreuve de la maladie. C'est Xavier qui vient me chercher à la gare et me conduit jusqu'à la maison aménagée spécialement pour faciliter la vie à Lydie.

  • Xavier Garrabos

    Bienvenue Natacha, bienvenue à la maison, bienvenue à la maison du bonheur.

  • Lydie Garrabos

    Bienvenue à la maison.

  • Xavier Garrabos

    Lydie c'est quelqu'un de dynamique, de joyeux, de têtu, mais ça a ce bon côté effectivement qu'elle ne lâche pas le morceau, c'est-à-dire que c'est quelqu'un qui s'accroche effectivement, qui se bat. qui malgré des coups de mou, trouve toujours la ressource à travers les enfants, à travers une volonté sans faille de se battre et de s'accrocher. Et maintenant, depuis bientôt neuf ans, de faire un vrai pied de nez à cette maladie de Charcot.

  • Natacha Sels

    Je vais rajouter que Lydie, tu es blonde, avec des cheveux, je dirais courts, des grandes lunettes, des yeux bruns, un sourire énorme et puis un joli pull rose.

  • Lydie Garrabos

    Le rose. Et ma couleur préférée.

  • Maxine

    Je m'appelle Maxine, j'ai 13 ans. Alors maman, elle... Elle est très jolie, ma maman. Elle est plus grande que mon père. Elle est très grande, ma maman. Et puis, elle fait beaucoup d'efforts pour parler. Elle a même une dame qui vient la voir pour qu'elle apprenne à mieux articuler. En tout cas, elle fait beaucoup d'efforts.

  • Natacha Sels

    Est-ce que tu te souviens ? Quand elle est tombée malade, tu avais quel âge d'ailleurs ?

  • Maxine

    Alors moi, quand elle est tombée malade, j'avais 4 ans, entre 4 et 5 ans. Mais je me souviens quand même un petit peu de quand elle était handicapée. C'est un peu vague, mais j'ai quand même des souvenirs, même si j'étais petite.

  • Natacha Sels

    Et est-ce que tu te souviens de ce que tu t'es dit à ce moment-là ?

  • Maxine

    En fait, je ne comprenais pas trop parce que j'étais petite et même quand on m'a expliqué, je ne comprenais pas. Mais après, je ne sais pas du tout comment j'ai réagi. Je sais que ça m'avait fait bizarre et moi, je pensais qu'elle allait guérir. Je pensais qu'elle était malade comme c'était la grippe ou quoi, qu'elle avait juste à prendre des médicaments et qu'elle allait être normale. Mais en fait, non. Et après, comme j'ai appris à grandir avec, j'ai toujours vécu avec ça, du coup, moi, ça ne m'a pas tant affecté que ça. C'est un peu normal pour moi d'avoir une maman handicapée. Au contraire, quand je vais chez des copines et que la maman, elle est pas handicapée, c'est bizarre, du coup, pour moi. Alors, mon père... Et bah, il est aussi joli, il est très gentil, surtout il a du mal à dire non, il dit toujours oui. Mais du coup, on demande toujours... Quand on lui demande, on dit, tu as le droit de dire non, parce qu'il n'ose jamais dire non. Mon père, il n'a pas de cheveux, lui. Il est chauve. Et ça vit bien. Et puis, il est plus petit que ma mère.

  • Natacha Sels

    Ah oui ? Oui. Je n'avais pas remarqué cet attribut, car Xavier me paraît grand et Lydie est assise. Mais Maxine insiste. Pour préparer notre rencontre, Lydie m'avait demandé de lui envoyer des questions. Elle utilise depuis longtemps ses pupilles pour rédiger des textes, mais malgré sa dextérité, cela prend du temps. Sans compter que l'intelligence artificielle fait parfois de drôles d'embardés si la ponctuation n'est pas exacte, à la virgule près. Pour les besoins de l'interview, nous allons donc accélérer l'allure des réponses quand elles n'étaient pas préparées. Et bien sûr, Xavier s'est proposé en traducteur émérite. Alors on est en train de coller les phrases.

  • Xavier Garrabos

    Je vais demander à Natacha de venir plus souvent, parce que c'est ça au moins.

  • Natacha Sels

    Tu as toujours été comme ça, Xavier ? Oui.

  • Xavier Garrabos

    Toujours été comme ça, et j'ai décidé de surtout rien changer, malgré la maladie. Alors des fois, comme je disais tout à l'heure, ça peut être un peu compliqué pour Lydie, parce que je peux être totalement insupportable, mais pour moi, je le conçois. Et comme ça, il y a des fois où Lydie se pose la question si c'est plus facile de combattre la maladie ou de me combattre moi. Donc finalement, ça lui permet d'oublier un peu la maladie de temps en temps. Peut-être même des fois de s'y réfugier, c'est peut-être moins compliqué de gérer la maladie que de me gérer moi.

  • Natacha Sels

    Ça fait combien de temps que vous êtes mariés ?

  • Xavier Garrabos

    Eh bien, nous sommes mariés en l'an 2000, donc ça va faire 24 ans au mois de septembre. Et là, dans quelques semaines, le 21 mai, ça va faire 30 ans qu'on est ensemble. on travaillait tous les deux à Carrefour en tant qu'étudiant pour moi et Lydie était employée mais bon on m'a peut-être trompé sur le marchandise on m'avait pas tout dit moi on m'avait pas dit que qu'il n'y avait pas de garantie quand même. N on on m'en a pas donné c'est ça le problème c'est que là je peux pas faire d'échange ou de remplacement ou de remboursement donc bon bah on gère.

  • Natacha Sels

    Et quand vous vous êtes rencontrés, c'était le coup de foudre ? Oui. Elle dit oui.

  • Xavier Garrabos

    Oui, elle dit oui.

  • Natacha Sels

    Est-ce que justement, tu es le seul à aider Lydie ?

  • Xavier Garrabos

    Côté famille, l'aidant principal, si je puis dire, même si le mot aidant me chagrine un petit peu, je suis plus un aimant qu'un aidant, je suis le mari, donc je pense que c'est mon rôle, comme Lydie le ferait pour moi. Mais en tout cas, c'est moi effectivement qui assiste Lydie principalement dans la famille, même si aujourd'hui les enfants et les plus grands, même tous d'ailleurs, même les trois, aident Lydie sont même capables maintenant de gérer des transferts pour les plus grands. Et puis Maxine, qui est plus petite, néanmoins, va être là pour donner à boire, pour donner à manger, pour aider à moucher. Enfin voilà, pour des choses plus simples. Mais en tout cas, voilà, on a une super équipe à la maison avec les enfants et ça, c'est top.

  • Maxine

    On fait tout, le lave-vaisselle, on nettoie la maison, on range nos chambres. Enfin, on fait le maximum.

  • Xavier Garrabos

    Et en dehors de la partie familiale, effectivement, on a une personne qui vient s'occuper de Lydie le lundi et le mardi à la maison, pendant que moi je suis au bureau, au travail au bureau, quand le reste de la semaine je suis en télétravail. Mabonga qui est un ange vraiment, qui est une personne qui s'occupe extrêmement bien de Lydie, avec beaucoup d'amour, de bienveillance, de patience, et il en faut pour s'occuper de Lydie. Mais en tout cas, je plaisante, mais avec énormément de... de simplicité, de gentillesse et de douceur. Donc je sais que le soir, quand je rentre à la maison le lundi et le mardi, et que je pose la question à Lydie, la question rituelle, de dire la journée s'est bien passée, elle me regarde de façon blasée, sous-entendue, mais avec Mabonga, comme si ça se passe mal. Et c'est rassurant pour moi. Lorsque je quitte la maison, de me dire que Lydie est en train de bonnes mains, c'est vrai que c'est toujours compliqué de pouvoir gérer quelqu'un de malade, quelqu'un d'handicapé, parce qu'il y a les transferts à gérer, parce qu'il y a des risques de chute, parce qu'il y a des risques de fausse route. Et c'est à la fois compliqué pour la personne qui vient rendre service à la maison, mais c'est compliqué aussi pour le mari ou la femme qui doit s'absenter, de se dire, est-ce qu'il ne va pas se passer quelque chose de dangereux ou de grave, parce qu'il y a toujours ce risque-là.

  • Natacha Sels

    Alors, Lydie, pour commancer j'avais envie que tu me racontes ton histoire ? Donc là, nous sommes devant ton écran et c'est ta voix synthétique, on l'appelle comme ça ? On dit une voix synthétique ? Oui, ça va ? D'accord. Qui va répondre, mais en fait c'est toi qui réponds, puisque ta voix synthétique c'est toi.

  • Lydie Garrabos

    Mon histoire, oulala tu as du temps j'espère. Je suis une enfant non désirée, j'ai été élevée par une mère violente. Maltraitance physique et psychologique. A 14 ans je suis partie vivre chez mon père où j'avais deux demi-frères. J'ai eu une adolescence très mouvementée mais j'ai réussi quand même à m'en sortir tant bien comme mal. La soeur de mon père a joué le rôle de maman de substitution. C'est compliqué pour moi de résumer mon histoire. J'ai réussi à obtenir mon bac, après un BP comptabilité. J'ai fait deux ans de droit et j'ai échoué malheureusement. Enfin je travaillais à Carrefour, quand j'ai rencontré Xavier. J'ai repris mes études pour un BTS assistante de direction tout en travaillant à Carrefour et à l'aéroport de Paris. Je me suis mariée en 2000 et ma première merveille en 2002. Au départ, je ne voulais pas avoir d'enfants, mais j'en ai eu trois. Xavier est un excellent commercial.

  • Natacha Sels

    Alors, il t'a vendu les trois enfants. À quel moment le diagnostic de la SLA est arrivé ? Comment ça s'est passé ? Et puis surtout, comment tu as réagi du coup ?

  • Lydie Garrabos

    Le diagnostic est tombé le 17 août 2015. J'avais 45 ans. J'étais donc mariée avec trois enfants, dont la petite dernière avait 5 ans. J'étais adjointe au maire de ma ville chargée des affaires sportives. J'avais une vie professionnelle très riche et très active. J'étais chargée du projet sureté à Orly Sud. Donc beaucoup de terrain. Ça a commencé par des chutes. Puis mon kinésithérapeute a remarqué des choses anormales pendant ma rééducation. Après décembre, descendre aux enfers, neurologue, hospitalisation, ponction lombaire, moultes prises de sang pendant deux jours. Et verdict en août. Tsunami, le monde s'effondre et la peur de ne pas voir mes enfants grandir m'a terrifié. Nous n'avons rien caché aux enfants, juste nous n'avons pas nommé la maladie pour les protéger. J'ai fait une dépression pendant 18 mois ce qui aussi est lié la dégradation rapide de mon état. Perte de la parole, perte de mes bras, perte de 36 kilos. Heureusement pour moi j'en avais beaucoup trop. Puis la vie a repris son cours et grâce à Xavier et les enfants j'ai relevé le défi de faire avec. Bien sûr il y a eu des heures sombres mais globalement l'acceptation était là.

  • Natacha Sels

    Alors évidemment, j'ai envie de te demander qu'est-ce qui a fait que tu es sortie de cette prosternation, on va dire, de cette dépression. Alors j'entends bien qu'il y a Xavier et les enfants, mais quand même, apparemment, au début, ce n'était pas suffisant. Donc est-ce que tu peux me dire comment on sort de là ? Quelles ressources, quelles forces t'ont permis de... surmonter et décider de faire face ou d'accepter.

  • Lydie Garrabos

    Je sais. C'est un déclut de vie à tout prix. Comme dit le Dalai Lama, il ne faut pas perdre d'énergie sur quelque chose que l'on ne contrôle pas.

  • Natacha Sels

    Eh oui, eh oui. Ce que j'ai observé, c'est que tu es arrivée au concours de nouvelles, tu es arrivée à l'atelier, et vraiment, il y avait comme une douceur, une paix qui émanait de toi. Et donc, je me suis dit, elle a peut-être une autre manière de faire, parce que j'entendais beaucoup parler du combat contre la maladie, et je me suis dit, elle, elle doit s'y prendre autrement. Alors, j'avais envie que tu en parles.

  • Lydie Garrabos

    Je ne sais pas quoi te répondre. Je ne me rends pas compte de l'image que je donne aux autres. En revanche je n'ai pas de colère, je suis croyante, alors pour moi j'ai une mission ici. Peut-être montrer aux gens que le bonheur est fait de petites choses et que l'essentiel est de profiter de la vie. Le quotidien nous fait oublier l'essentiel. C'est ma vision de la vie même avant cette maladie. Je profite de ce que la vie me donne simplement, handicapé ou pas. Les enfants Xavier ont cet état d'esprit et cette force.

  • Natacha Sels

    Je comprends et en même temps, tu n'as pas un truc à me donner ? Est-ce que c'est quelque chose qu'on découvre uniquement quand le temps est compté ? Comment on fait pour être dans l'essentiel ?

  • Lydie Garrabos

    J'aimerais bien savoir. C'est une philosophie de vie que j'ai toujours eue.

  • Natacha Sels

    Est-ce que tu crois que ça peut s'expliquer par l'adversité, justement ? Oui. Ça aide ?

  • Lydie Garrabos

    Oui,

  • Natacha Sels

    je comprends. C'est comme si, quand il arrive, on le reconnaît le bonheur, en fait. Et puis on le retrouve quand c'est compliqué.

  • Lydie Garrabos

    C'est tout à fait ça.

  • Natacha Sels

    Est-ce que tu connaissais la maladie de Charcot avant ? Non. Donc tu la découvres au fur et à mesure. Et donc, comment ça s'est passé pour toi au niveau de l'évolution et des symptômes ?

  • Lydie Garrabos

    Les étapes ? Au départ, j'ai perdu très vite et beaucoup. Puis mon état est stable depuis cinq ans, je pense.

  • Xavier Garrabos

    En réfléchissant, parce qu'on est tellement dans le quotidien quand ces choses arrivent que je pense qu'on est dans le run, on n'est pas dans la réflexion. Et c'est vrai que de se poser un petit peu en ce moment, que ce soit à travers le reportage ou à travers le podcast, ça permet de prendre un peu de recul et de réfléchir à ça. Mais c'est vrai que les grandes étapes ont été effectivement la découverte. tu disais tout à l'heure, Lydie, le coup de massue, pour commencer, c'est-à-dire l'annonce de la maladie, sans plus d'informations que son nom savant, qui est la sclérose latérale amyotrophique. Prenez ça et débrouillez-vous avec, en disant au départ que votre pronostic vital n'est pas engagé. Ce qui veut à la fois tout et rien dire, puisqu'effectivement, on a tous notre pronostic vital qui est engagé à plus ou moins long terme de toute façon, d'une manière ou d'une autre. Et puis, comme tout le monde, vous allez chercher sur internet exactement ce qu'il en est, et vous tombez sur des choses plus ou moins drôles, et forcément plutôt moins que plus. J'ai donc... Entre guillemets interdit à Lydie d'aller sur internet et j'ai filtré les éléments, pas dans le but de cacher quoi que ce soit, mais dans un but effectivement d'avoir une démarche plutôt constructive et pas simplement de destruction, parce que je pense que dans ces moments là on est plus à regarder le négatif. J'ai donc joué ce rôle de filtre et ça a été effectivement plusieurs mois d'acceptation, en tout cas déjà avant tout de refus, de tristesse avant de pouvoir pas forcément l'accepter mais mais se dire qu'elle était là, il fallait faire avec. Et puis se dire qu'il fallait remettre la machine en avant et puis se battre. Parce qu'au début, quand on vous annonce ça, vous avez l'impression que tout s'écroule et que vous allez tout perdre, la maison, la famille, les enfants, et que tout va mal se passer. Et puis petit à petit, vous reprenez le dessus. Moi, pour ma part, je me suis mis la tête dans une page Internet pour Lydie, pour ensuite trouver des fonds, pour faire des travaux. Enfin, je me suis mis effectivement dans les projets pour Lydie, sans vous... Ce qui m'a permis de ne pas me regarder moi et de ne pas gérer ma tristesse, ma douleur et la situation. Et puis on s'est rendu compte qu'on allait pouvoir, non pas survivre, mais vivre de façon adaptée. Partir en vacances, aller au restaurant, voir nos amis. Et j'ai tenu depuis le début à ce qu'on continue à faire tout ça, parce qu'on s'est rendu compte que c'était, comme pour tout, le plaisir. Les événements de vie simples permettent de pouvoir continuer à se battre et d'avoir envie de se battre. Comme tu dis, le quotidien ne change pas d'un coup, mais effectivement, ça va être par palier. On va réussir à compenser au fur et à mesure le fait de monter les escaliers en étant derrière Lydie. Puis ensuite, on va l'aider, on va la soutenir un peu plus. Puis elle va réussir à se lever du lit en se maintenant à la poignée qui est devant. Et puis le jour d'après, elle ne pourra plus. Et c'est vrai que c'est de la perte d'autonomie progressive. On ne s'en rend pas forcément compte. Et au début, on est peut-être un peu dans le refus de s'adapter parce qu'on se dit je ne veux pas m'adapter. Parce que sinon, c'est que je m'adapte à la maladie. Donc je ne veux pas le fauteuil roulant. Je ne veux pas la canne. Je ne veux pas ceci. Je ne veux pas cela. on prend le pli de s'adapter aussi pour le confort de l'idée parce que sinon c'est plus fatigant que de se battre bêtement face à la perte d'autonomie

  • Natacha Sels

    La dernière fois quand on s'était parlé, tu m'as dit que tu avais un peu de lassitude par rapport à la dépendance comment tu négocies ça cette dépendance qui s'installe dans une société où on valorise l'indépendance et l'individualisme

  • Lydie Garrabos

    Je craque régulièrement mais je m'accroche à Xavier et aux enfants j'avoue que je pense aussi en finir mais ils me rattrapent toujours La dépendance, c'est le plus difficile à supporter. Demander sans arrêt pour les actes vitaux, c'est difficile et parfois humiliant, en particulier quand j'ai des accidents. Je l'accepte parce que j'ai la chance d'être en vie. Et je ne n'ai pas le choix.

  • Natacha Sels

    Est-ce qu'il y a une chose qui a été le plus difficile que d'autres ?

  • Lydie Garrabos

    Mes mains et la parole.

  • Xavier Garrabos

    Ce que je voudrais, voulais, je faisais beaucoup de choses.

  • Lydie Garrabos

    Créative ?

  • Xavier Garrabos

    Oui, Lady effectivement faisait beaucoup de loisirs créatifs et plein plein de choses liées à ça. C'est vrai que ça aussi ça fait partie des choses qui lui manquent beaucoup.

  • Natacha Sels

    Comment tu arrives à remplacer la créativité ? éviter ?

  • Lydie Garrabos

    J'écris un peu.

  • Natacha Sels

    Un peu. Elle est modeste. Je sais bien que tu écris un roman. Est-ce que tu peux en parler un tout petit peu ? Ah, ça c'est quoi ? Xavier est en train de me montrer un très joli oiseau, un calendrier.

  • Xavier Garrabos

    Lydie fait aussi, avec ses yeux, elle fait énormément de coloriage où elle va colorier chacune des parties. de chaque dessin. Donc c'est vraiment un temps immense et puis une précision énorme.

  • Natacha Sels

    Là on a un tigre avec beaucoup de couleurs. Là on a énormément de détails.

  • Xavier Garrabos

    Lydie adore faire choisir effectivement. aux enfants, à moi-même, certains coloriages. Et ensuite, elle les fait, entre guillemets, pour nous, de la plus belle couleur et manière qu'ils soient.

  • Lydie Garrabos

    J'adore faire ça et lire beaucoup.

  • Natacha Sels

    Qu'est-ce que tu as lu récemment ? J'adore parce que ça apparaît petit à petit et donc il y a le suspense de savoir ce que tu vas dire.

  • Lydie Garrabos

    Le dernier roman de Joël Dicker et j'aime Maxime Chatham.

  • Natacha Sels

    J'ai quelque chose pour toi, attends, je vais regarder si j'ai ça dans un coin. Je sors de mon sac un exemplaire de Colette, après avoir demandé à Lydie si elle aimait cet auteur. C'est un passage dans Péché dans l'étoile Vespère. Et tu sais, elle est à sa fenêtre. Et elle a très mal, elle ne peut plus bouger, donc elle est sur son divan, elle est à la fenêtre de son appartement qui se trouve au Palais Royal. Et elle dit ceci, que le mal nous façonne, il faut bien l'accepter. Mieux est de façonner le mal à notre usage, et même à notre commodité. C'est une manière d'exploitation à laquelle les jeunes, les robustes sont mal habiles. Et je conçois bien qu'on leur fasse difficilement comprendre, par exemple, que la quasi-immobilité est un cadeau. Est-ce qu'il y a des moments où l'immobilité est un cadeau pour toi et te permet de voyager ? Beaucoup.

  • Xavier Garrabos

    C'est pour ça que j'ai changé de place dans le salon. Ça va bien. Nous avons réorganisé le salon afin que Lydie puisse avoir une vue sur l'ensemble du jardin. Ce qui lui permet, je pense, tu me dis si je me trompe, d'observer la nature, les oiseaux, les animaux, les petits chéries, les abeilles, puisqu'on a une ruche, et de pouvoir profiter de tout ça.

  • Natacha Sels

    Est-ce qu'on devient plus attentif quand on est comme ça,

  • Lydie Garrabos

    sans bouger ?

  • Natacha Sels

    Tu peux me donner des exemples de choses que tu as observées qui te font plaisir ? C'est œil de lynx à la maison.

  • Xavier Garrabos

    Elle décrypte les attitudes et les sentiments de chacun.

  • Natacha Sels

    Qu'est-ce que tu regardes ? C'est la façon de se tenir, c'est ça ?

  • Xavier Garrabos

    La façon de parler aussi. Et le visage.

  • Natacha Sels

    Est-ce que tu ressens le toucher aujourd'hui ?

  • Xavier Garrabos

    Je n'ai pas de problème, de sensation.

  • Natacha Sels

    Donc on peut te faire des moupages et des papouilles. Voilà.

  • Xavier Garrabos

    Lydie adore ça et régulièrement, effectivement, on fait venir soit une... une masseuse qui vient à la maison afin de l'amasser, de lui faire des soins, etc. Ou quand on va effectivement en vacances, on profite d'aller dans des spas pour pouvoir profiter au mieux de différents massages, etc. Ce qui lui manque, c'est de ne pas pouvoir prendre ses enfants dans ses bras. Même s'ils viennent lui faire des câlins, on fait en sorte qu'elle puisse les enlacer. Mais voilà, elle n'a pas la possibilité de le faire d'elle-même. Et c'est là où ça lui manque beaucoup de ne pas pouvoir les embrasser réellement. Parce qu'il y a un souci de force labiale de ne pas pouvoir effectivement leur faire un vrai câlin. C'est vraiment des choses comme ça, des choses simples de la vie et de l'échange et de l'échange d'amour qui lui manque au quotidien.

  • Maxine

    Comme ma mère, elle ne peut pas nous faire de câlins ou quoi, avec mon frère et ma soeur, nous allons faire chacun un plaid avec... Chacun a un mot différent. Moi, il y a marqué « ma fille » . Dans ce plaid, tu trouveras un morceau de mon cœur. Tu sentiras le confort et la chaleur lorsque nous sommes séparés. Tu y trouveras beaucoup d'amour et surtout tous mes voeux de bonheur. N'abandonne jamais les beaux rêves que tu as. Crois en toi-même autant que je crois en toi. Quand tu te sens triste et seul, enveloppe-toi dans ce plaid et imagine que je te serre dans mes bras. Je t'aime,

  • Natacha Sels

    maman. Dans le prochain épisode, vous retrouverez Lady Carabosse, Ma famille formidable, partie 2. Restez à l'écoute de notre podcast La vie est belle, essaie-la SLA ! et abonnez-vous sur votre plateforme préférée.

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