- Speaker #0
Bonjour à tous et bienvenue dans La Voix Juridique, le podcast qui met en avant les talents issus du monde juridique. Je m'appelle Tamara Morgado, je suis avocate et après avoir exercé pendant près de 20 ans, j'ai suivi ma passion pour l'humain et je me suis spécialisée dans le talent management. Le domaine juridique est riche et varié, ouvrant la porte à une multitude de carrières passionnantes et diverses. À travers ce podcast, mon objectif est de donner la parole aux talents juridiques, qu'ils soient juristes, avocats, fiscalistes ou qu'ils aient choisi une autre voie. Je souhaite vous inspirer et vous faire découvrir des parcours et des métiers uniques. Aujourd'hui, j'ai le plaisir de recevoir Ella Zimmerman, directrice chez Swiss Legal Finance. Ensemble, nous allons explorer un sujet passionnant, le financement de procès et comment ce modèle peut offrir un meilleur accès à la justice. Bonne écoute !
- Speaker #1
Bonjour Ella, je suis ravie de t'avoir dans la voie juridique. Comment tu vas ?
- Speaker #2
Bonjour Tamara, ça me fait très plaisir d'être là. Je vais très bien et je suis vraiment honorée d'être invitée à ce podcast aujourd'hui.
- Speaker #1
Bon bah super ! Est-ce que tu peux commencer peut-être par te présenter ?
- Speaker #2
Bien sûr, alors je m'appelle Ella Zimmerman, j'ai 33 ans. Et je suis directrice de la société Suisse Légale Finance, qui est active dans le financement de procès.
- Speaker #1
J'adore, j'adore parce qu'on approche dans quelque chose que je ne connaissais pas, en fait, que j'ai vraiment découvert, en tout cas, je ne connaissais pas en Suisse, et que j'ai découvert à travers toi. Donc, je suis ravie qu'on parle un petit peu du financement de procès et de ton activité au sein de Suisse Légale Finance. SLF, c'est ça ?
- Speaker #2
Exact.
- Speaker #1
Et avant ça, est-ce qu'au niveau de ton parcours, donc tu es avocate de formation.
- Speaker #2
Oui.
- Speaker #1
Tu as exercé en tant qu'avocate ou est-ce que tu peux nous raconter un petit peu ton parcours ?
- Speaker #2
Oui, bien sûr. Alors, j'ai fait mes études de droit à Genève. Donc, je suis née à Genève. J'ai fait toute ma scolarité à Genève à l'exception de certains échanges linguistiques au cours de mes études. Et j'ai fait donc le bachelor de droit à Genève, ensuite le master bilingue entre Genève et Bâle, en allemand et en français, et l'école d'avocature à Genève. J'ai ensuite fait mon stage et mon brevet aussi à Genève. Et j'ai eu la chance ensuite de pouvoir travailler dans une étude pendant un an et demi en tant que collaboratrice, avant de changer pour Suisse Légale Finance.
- Speaker #1
Ok, qu'est-ce que vous faites chez Suisse Légale Finance ?
- Speaker #2
Alors nous, on investit dans des procédures judiciaires. Donc en fait, un plaignant va venir nous voir afin que l'on finance sa procédure judiciaire. Donc c'est l'intégralité des frais qui sont pris en charge en cas de financement de notre part. Donc les honoraires d'avocat, les frais de justice et les dépens en cas de perte du procès. On est une société d'investissement et on analyse, en fait, je vous ferai peut-être un détail par la suite, différents critères pour voir si le financement est intéressant ou pas, en fait, si le dossier est bon, si la valeur litigeuse est assez élevée et si notre investissement est intéressant. À savoir qu'en cas de perte du procès, le client n'a rien à nous rembourser, donc il ne s'agit pas d'un prêt, c'est réellement... un investissement de la société et si le procès est perdu, c'est une perte sèche en fait pour la société.
- Speaker #1
Donc il y a un pool d'investisseurs ou comment ça se passe ?
- Speaker #2
Non, alors on est une société privée. Ok,
- Speaker #1
donc c'est vous qui investissez ?
- Speaker #2
Exactement.
- Speaker #1
Vous étudiez le cas,
- Speaker #2
c'est ça ? Exactement. On étudie d'abord les chances de succès du cas. Donc ça, c'est le critère le plus difficile à évaluer parce que ça reste très subjectif suivant les domaines du droit. Ensuite, on regarde la valeur litigeuse. On essaie d'avoir une valeur litigeuse d'environ 1,5 million au minimum. Par la suite, le coût de notre investissement, donc combien, quelle est l'enveloppe budgétaire nécessaire pour la procédure en question jusqu'au tribunal fédéral, voire le recouvrement aussi de l'argent au cas de gain du procès. Et là, on a un critère de indice, en fait. On dit entre notre investissement et la valeur litigeuse, on a un critère de indice, donc pour une valeur litigeuse d'1,5 million, par exemple, on a un budget maximum de 150 000 francs. D'accord. C'est la raison pour laquelle on est obligé d'avoir ce minimum, parce qu'en dessous, ça devient en fait très compliqué d'agir tant dans l'intérêt du client que de la société.
- Speaker #1
Ok. Donc c'est un concept qui à la base existait pas mal dans les pays anglo-saxons et vous avez ressenti en fait un besoin dans la région par rapport au financement de procès ?
- Speaker #2
Oui, alors c'est une activité qui existe depuis assez longtemps dans les pays anglo-saxons. C'est juste notamment parce qu'ils ont souvent des procédures à valeur litigieuse bien plus élevées que chez nous. notamment à cause des dommages punitifs aux États-Unis ou des actions collectives. Mais on a remarqué qu'en Suisse, il existe beaucoup de procédures judiciaires avec des valeurs litigeuses importantes et les frais de justice sont très élevés et augmentent aussi avec la valeur litigeuse, rien que l'avance de frais peut empêcher certains plaignants d'aller en justice.
- Speaker #1
Donc ça va rééquilibrer un peu les forces aussi quand on se désespère et on ne veut pas agir en justice contre une banque ou une assurance qui a les moyens. Ça va permettre, vous allez avancer les frais.
- Speaker #2
Voilà, alors en fait, ça c'est exactement le principe du financement de procès, c'est l'accès à la justice et de rééquilibrer les forces entre les parties. Parce que la stratégie justement de ces parties défendresses telles que les banques ou les assurances ou les grandes multinationales, c'est d'épuiser financièrement. le demandeur et soit que le demandeur abandonne ou accepte un accord qui est bien en deçà de ce qu'il aurait dû obtenir s'il avait pu aller jusqu'au bout. Donc c'est vraiment de rééquilibrer ses forces dans la procédure et ça peut d'ailleurs permettre à certains plaignants d'avoir un avantage dans les négociations en dévoilant parfois la présence d'un financeur à la partie adverse pour qu'elle propose un accord qui est plus raisonnable ou plus juste, je dirais.
- Speaker #1
Ah oui, c'est malin ça.
- Speaker #2
Ça fonctionne assez bien.
- Speaker #1
Oui, oui,
- Speaker #2
oui. Parce que justement, les assurances, sinon, vont jusqu'au bout. Leur but, c'est d'aller jusqu'au tribunal fédéral.
- Speaker #1
Oui, et que ça dure des années et qu'on s'épuise en fait.
- Speaker #2
Exactement, qu'on s'épuise.
- Speaker #1
Et d'un point de vue des genres d'affaires, est-ce que c'est plutôt… C'est du bancaire, c'est des dommages à intérêt. Est-ce que c'est que du pécunier ? Comment ça se passe ? Il y a aussi des successions du droit de la famille ?
- Speaker #2
Alors, on peut financer tout type de dossier dans tous les domaines, pour autant qu'il y ait un enjeu financier à la clé. Alors, on a beaucoup de demandes en droit commercial, parce que les violations contractuelles, les dommages peuvent aller très vite. On a également des successions. qui sont des procédures finançables dans le sens où l'argent est bloqué tant que la succession n'est pas réglée. Mais on a aussi des dossiers en propriété intellectuelle. Par exemple, un inventeur dont l'invention est utilisée sans droit par une grande société. Souvent... Ils n'auront pas les moyens d'aller en justice, donc ont besoin d'un soutien financier contre ces grosses structures qui n'ont pas de limites réelles.
- Speaker #1
Et aussi, on parlait des négociations, on peut intervenir, enfin vous pouvez intervenir à n'importe quel stade de la procédure ?
- Speaker #2
Exactement, on peut intervenir au tout début, au moment des négociations, mais après chaque instant.
- Speaker #1
Pour un recours par exemple ?
- Speaker #2
Exactement. Et ça arrive aussi au moment de l'exécution, parce que certains financent leur procédure, mais après 5, 10 années de procédure, les finances se réduisent et non parfois pas. plus envie ou plus les moyens d'exécuter la décision ou le jugement arbitral. Et donc, ont besoin d'un financement pour cette dernière étape, pour recouvrer les montants qui leur sont dus.
- Speaker #1
Et là, vraiment, l'accès à la justice est amélioré par le biais de ce financement. Et je ne savais pas, mais en fait, le tribunal fédéral a lui-même... enfin, reconnu ce financement et a donné une espèce d'obligation aussi à l'avocat d'informer son client sur cette possibilité-là ?
- Speaker #2
Oui, c'est exact. En 2004, déjà, le tribunal fédéral a admis l'activité du financement de procès en Suisse, donc il y a 20 ans. Et en 2014, une autre décision a confirmé la licéité de l'activité et en plus a précisé que l'avocat avait... l'obligation de proposer ces solutions de financement à son client.
- Speaker #1
Mais tu le savais, toi, quand tu étais avocate ?
- Speaker #2
Non.
- Speaker #1
Parce que moi, honnêtement, je l'apprends.
- Speaker #2
Tout le monde l'apprend, je crois. C'est vrai que c'est surprenant et c'était il y a déjà dix ans.
- Speaker #1
Oui.
- Speaker #2
C'est quelque chose qu'on essaye de développer au maximum, justement en présentant cette expérience. Solution de financement au client, qui ne convient pas à tous les dossiers, mais qui est importante à connaître dans certaines situations.
- Speaker #1
Bien sûr, parce qu'en fait, il y a de l'assistance judiciaire pour certains revenus. Et après, on peut passer par ça uniquement quand on atteint un seuil de valeur litigeuse.
- Speaker #2
Exactement. Et en fait, il y a quand même un gros gap entre les personnes qui peuvent avoir recours à l'assistance judiciaire. et ceux qui peuvent financer leurs procès, surtout en matière civile.
- Speaker #1
Donc vous êtes entre les deux.
- Speaker #2
Exactement, on essaie d'être entre les deux, mais on a aussi des demandes de personnes qui pourraient financer leurs dossiers, mais qui préfèrent écarter le risque financier. Ça peut être des particuliers ou des entreprises qui décident juste d'utiliser leur argent pour l'entreprise, pour leurs activités quotidiennes, pour continuer à se développer. et ne plus avoir ce risque financier aussi dans leur compte.
- Speaker #1
Oui, puis ce qui est incroyable, c'est que ce n'est pas un prêt, il n'y a pas d'intérêt. En fait, c'est pour la personne qui choisit cette voie, si elle est sélectionnée, il n'y a pas énormément de risques en fait.
- Speaker #2
Non, il n'y a pas énormément de risques. Ce qu'on dit souvent pour expliquer aux personnes qui nous demandent comment ça fonctionne, et comment elles peuvent décider si oui, elles vont faire appel à nous, on dit que c'est soit vous prenez 100% du risque financier pour obtenir 100% du gain ou 0% du risque financier pour obtenir par exemple 70% ou 80% du gain. Alors effectivement, il y a une part du gain qui nous revient en cas de victoire, mais en cas de perte, il n'y a pas de perte pour la personne. Donc on se rend compte quand même... Que les procédures, au-delà de l'aspect financier, il y a l'aspect psychologique qui est très grand. C'est difficile de poursuivre une procédure. Et si on peut écarter déjà ce risque financier pour le demandeur, c'est, je pense, déjà un soulagement pour ces personnes.
- Speaker #1
Oui, et puis je pense que le procès est plus efficace aussi. D'un point de vue émotionnel.
- Speaker #2
Oui, c'est très possible.
- Speaker #1
Parce que tu es focus sur le combat.
- Speaker #2
C'est tellement sensible, prenant, que de pouvoir l'écarter, quitte à ne pas récupérer la totalité, c'est, je pense, un gros avantage pour eux.
- Speaker #1
Et par rapport aux avocats, comment ça se passe ? que les parties restent libres de choisir leurs avocats ou c'est vous qui nommez des avocats ? Comment ça se passe ?
- Speaker #2
Alors, très souvent, le client vient avec son avocat déjà mandaté. Donc, nous, on ne va pas changer l'avocat en charge du dossier. Mais en fait, ce qu'on va analyser, c'est sa stratégie juridique. C'est ce qui va nous permettre de savoir si on va financer ou non le dossier. Et ensuite, le client et l'avocat restent maîtres de leur stratégie juridique parce qu'en fait, elle aura été... approuvé par nous et on a ensuite un droit de regard sur la procédure, mais on essaye d'être le plus hands-off possible, sauf si le client et l'avocat souhaitent que l'on soit plus investi.
- Speaker #1
D'accord, donc vous demandez un avis de droit de l'avocat ?
- Speaker #2
Exactement, quelles sont les différentes étapes juridiques qu'il envisage. Aussi, le budget, évidemment, c'est important pour nous. Un des avantages de l'avocat, c'est qu'on ne va pas négocier ses honoraires. On a besoin d'avoir une vision sur la totalité de la procédure. pour nos critères d'investissement, mais on ne va pas couper dans les frais de l'avocat.
- Speaker #1
Oui, parce qu'on n'en a pas vraiment parlé, mais au niveau des frais pour les personnes qui ne sont pas juristes ou avocats, c'est qu'on a les honoraires d'avocat, on a les frais de justice, mais aussi éventuellement des frais d'expertise que vous prenez en charge. Oui,
- Speaker #2
les frais d'expertise,
- Speaker #1
d'ailleurs, vont être élevés,
- Speaker #2
surtout quand il faut évaluer le dommage. Il y a des sociétés qui font ces évaluations et ça coûte... Très, très cher. Donc ça, c'est aussi quelque chose que l'on prend en charge si l'on finance le dossier.
- Speaker #1
D'accord. Donc l'avocat va vous dire s'il va procéder, enfin demander une expertise à un moment donné ou pas, ou s'il y a un risque qui est l'expertise.
- Speaker #2
Je pense que pour l'avocat, c'est aussi peut-être que s'il n'y avait pas un financeur, il y a certaines étapes qu'il ne pourrait pas envisager, telles qu'une expertise privée qui coûterait trop cher en fait au client. Et le risque serait trop gros de perdre en fait ce montant. Et je pense que pour les affaires qui sont très complexes, c'est aussi intéressant pour l'avocat.
- Speaker #1
Carrément, parce qu'en fait, ça lui permet de vraiment mettre tous les moyens en place pour pouvoir défendre son cas.
- Speaker #2
Exactement. Et on peut aussi penser, par exemple, s'il s'agit d'une procédure civile. Et qu'en même temps, en parallèle, il doit y avoir une procédure en propriété intellectuelle, par exemple. Nous, on peut aussi mandater, avec l'approbation du client et de l'avocat qui était déjà là, un co-conseil. Parce qu'effectivement, si c'est des procédures qui sont très spécifiques, c'est important d'avoir quelqu'un qui a l'habitude. Donc l'avocat de base reste en charge du dossier, mais on va en fait le soutenir, l'aider. pour les procédures devant d'autres juridictions ou devant d'autres tribunaux.
- Speaker #1
Est-ce que c'est aussi les avocats, donc tu disais qu'ils viennent des fois, la plupart du temps avec le client, donc c'est les avocats souvent qui font appel à vous ?
- Speaker #2
Oui.
- Speaker #1
Plus que le client tout seul qui vient vers vous et qui vous dit en fait j'ai besoin.
- Speaker #2
Sur trois demandes, deux demandes viendraient d'un avocat et une d'un client. Et souvent, les clients connaissent parce qu'ils ont des connaissances financières, je dirais, le fait que l'investissement est décollérelé des marchés financiers dans le financement de procès. Donc, on connaît ces investissements alternatifs. Donc souvent, c'est des clients qui ont cet intérêt pour la finance ou leur finance aussi. Mais on a principalement, enfin, en majorité des avocats qui nous consultent.
- Speaker #1
Donc tu restes quand même pas mal dans ton monde d'avocat.
- Speaker #2
Oui, tout à fait. On essaie d'agrandir notre réseau le plus possible. Et nous, on a aussi besoin d'avocats pour nos expertises externes.
- Speaker #1
D'accord.
- Speaker #2
On cherche des dossiers chez des avocats, mais on en donne aussi en demandant un avis de droit pour tel ou tel...
- Speaker #1
Le cercle vertueux, en fait.
- Speaker #2
Exactement. C'est ça qui est important. On essaie de varier aussi, parce qu'on a besoin d'avoir des avis de droit les plus objectifs possibles. Donc, on essaie vraiment de donner un peu des mandats à différents avocats. Donc, c'est donnant, donnant.
- Speaker #1
Et donc, Suisse Légale Finance a été fondée quand ?
- Speaker #2
Alors, en 2019.
- Speaker #1
D'accord. En 2019, elle a été fondée par qui ?
- Speaker #2
Elle a été fondée par deux avocats et un spécialiste de la finance.
- Speaker #1
D'accord. Donc, il y a ce mélange.
- Speaker #2
Exactement. Alors, il y a cette expertise, en fait. tant juridique que financière qui est importante en tant que société d'investissement dans le domaine juridique. Comme ça, on a des personnes qui s'occupent de l'analyse juridique et d'autres des métriques financières, en fait, dans cet investissement.
- Speaker #1
Et en fait, à chaque analyse, il y a un dossier qui arrive chez vous, vous l'analysez par le biais de juristes ou d'avocats, c'est ça ? Vous faites une analyse ?
- Speaker #2
On fait une première analyse à l'interne. Ok. Exactement. Et ensuite, si l'analyse... Alors, c'est les critères que je vous ai donnés, les premiers critères. Si le dossier remplit ces critères, ensuite on propose un contrat de financement, une rémunération. On se met d'accord avec le demandeur, la partie plaignante, sur les différents termes du contrat. Et si le contrat est accepté, ensuite on procède à une analyse approfondie où on fait appel à un expert. expert externe.
- Speaker #1
D'accord, pour les chances de succès du procès ?
- Speaker #2
Exactement. On a besoin d'un spécialiste du domaine qui va nous faire une analyse externe, un avis de droit sur le dossier que l'on va ensuite présenter, qu'il ou elle va présenter devant notre comité d'investissement qui ensuite a le dernier mot quant au financement de la procédure ou non.
- Speaker #1
D'accord, donc il faut convaincre en fait le comité d'investissement.
- Speaker #2
Dans notre comité d'investissement, on a des avocats et professeurs de droit qui ont une expertise très variée dans tous les domaines du droit. Donc on a de la chance d'être très bien entouré dans ce comité pour prendre de bonnes décisions.
- Speaker #1
Super intéressant et j'adore le parcours que tu as. toi parce qu'en fait tu as fait des études de droit. Déjà, est-ce que tu voulais devenir avocate dès que tu as fait tes études ? C'était un rêve de petite fille ou c'est venu par hasard ?
- Speaker #2
Alors, j'ai toujours eu l'ambition de devenir avocate. J'ai toujours aimé le droit. J'ai toujours aimé le droit à la justice. Et ensuite, j'avais quand même pour projet de me spécialiser, peut-être dans un domaine particulier. Je n'avais pas encore décidé lequel. Parce que c'est vrai que le stage, ça peut être très général. Ensuite, les premières années de collaboration aussi. Et j'ai eu en fait cette opportunité de rejoindre Suisse Légale Finance au début. Donc c'est vrai que c'est une opportunité à prendre quand on est jeune breveté. On peut toujours revenir si jamais au barreau.
- Speaker #1
Bien sûr.
- Speaker #2
Et j'avais envie de faire du droit, mais aussi d'avoir ce côté... développement d'une entreprise, le développement d'un réseau et de faire évoluer, de faire connaître cette activité, je trouve, en Suisse en fait. Je pense que ça me correspond plus que ce que j'ai pu faire en études par le passé.
- Speaker #1
Oui, je comprends. Il y a ce côté, tu crois au projet et tu dis, je vais pouvoir le développer en Suisse. Oui. C'est un autre métier que le métier d'avocat, mais néanmoins, il y a quand même un petit aspect juridique parce que j'imagine que tu as un œil sur les dossiers pour l'analyse, pour savoir si tu as cet instinct et puis tu penses comme une juriste.
- Speaker #2
C'est génial parce qu'en fait, j'ai le regard sur les dossiers, je fais les analyses, je reçois des écritures dans tous les domaines. Enfin, je pense que j'ai quand même plus appris. presque ces quatre dernières années que par le passé. Et ça me permet vraiment d'avoir...
- Speaker #0
Un côté, le regard dans les dossiers et de l'autre, faire plus de développement, marketing. C'est un peu plus diversifié comme...
- Speaker #1
Il y a le côté start-up en fait.
- Speaker #0
Exactement.
- Speaker #1
Ça, c'est super stimulant.
- Speaker #0
Très stimulant et je pense que ça me correspond plus aussi dans ma personnalité d'avoir cette fonction.
- Speaker #1
Et ça, tu l'as senti assez rapidement qu'au début, tu allais à l'instinct. J'imagine. T'as accepté à l'instinct et puis après tu t'es dit « en fait, c'est vrai que ça me va trop bien » .
- Speaker #0
Oui, j'ai accepté à l'instinct. J'ai eu la chance d'avoir un père de très bon conseil qui m'a toujours soutenue depuis le début de mes études. Et c'est vrai qu'on n'a pas souvent des opportunités comme ça en tant que jeune femme, encore moins, je pense. Et d'être là au tout début, en fait, d'être la première employée. Enfin, je ne sais pas, de devoir tout construire. Et moi, j'aime travailler seule. Je suis très autonome, je pense, indépendante. Alors, maintenant, je suis très bien entourée. Et puis, même les fondateurs, au début, m'ont beaucoup aidée et sont toujours très présents. Mais c'est vrai que j'aime ce côté un peu challenge, où il faut un peu avoir de l'imagination, en fait, sur comment... comment procéder de la meilleure manière pour se faire connaître, pour se rendre visible, pour en fait faire évoluer la société.
- Speaker #1
Et cette ouverture, que ce soit par rapport aux femmes ou par rapport au métier, tu l'as moins ressentie en étude ?
- Speaker #0
Je pense que oui. Peut-être que si je m'étais, par contre, je pense en me spécialisant dans un domaine, j'aurais pu me développer aussi et développer la branche d'une certaine manière. Mais je pense que c'est quand même plus restreint en termes de diversification de compétences.
- Speaker #1
Oui, déjà pour le marketing, c'est un peu plus compliqué.
- Speaker #0
Exactement, le marketing est quasi inexistant dans les études, ce qui est normal vu que… Oui, oui. Pas le droit, mais c'est vrai que… Alors ça, c'était un nouveau monde pour moi, le marketing. J'ai quand même dû… La visibilité,
- Speaker #1
tout ce qui reste.
- Speaker #0
Sur le tas, beaucoup, mais… On grandit énormément dans ce genre de position. Et pour moi, c'était le bon moment pour le faire.
- Speaker #1
Et ton père, il t'a toujours soutenu tout au long de ton parcours académique ou dans tes choix, dans tes différents choix. Parce que c'est vrai qu'on remarque quand même l'importance du père, de la présence des conseils pour les femmes dans leur développement. Qu'est-ce que tu en penses ?
- Speaker #0
Oui, alors pour moi, ça a été quand même quelqu'un qui m'a beaucoup aidée aussi, même scolairement plus jeune. Et ensuite, il m'a aidée à faire différents choix, tant universitaires, dans quel pays je ferais mes échanges, faire un master bilingue, quel stage, où faire mon stage.
- Speaker #1
À oser, en fait ?
- Speaker #0
À oser, beaucoup, parce que c'est quelqu'un qui pousse... Beaucoup de manière très positive. D'ailleurs, je l'en remercie beaucoup. Mais c'est quelqu'un qui va faire en sorte qu'on ose effectivement faire des semestres à l'étranger, une année à l'étranger, de prendre tel ou tel stage dans telle ou telle étude, en fonction de différents critères, et qui a très souvent raison, pour le coup. Donc, je pense que pour... En tout cas, pour moi, c'est toujours quelqu'un de très important dans ma vie professionnelle, aussi privée. Mais professionnel, il a eu un gros impact. Je pense que c'est important de pouvoir avoir quelqu'un qui nous conseille de la sorte. Et c'est possible que chez les femmes, souvent, c'est le père. J'ai aussi une mère qui a eu une très belle carrière et qui m'a aussi conseillée.
- Speaker #1
Bien sûr.
- Speaker #0
Je ne dis pas que c'est uniquement mon père, mais c'est vrai qu'on a peut-être été un peu plus proche à ce niveau-là.
- Speaker #1
C'est super intéressant. Et par rapport à... Donc, tu disais au tout début que tu étais genevoise, que tu as grandi ici, mais tu as fait quand même pas mal de séjours pour revenir à ce que ton père te conseillait par rapport aux différents séjours linguistiques ou à l'étranger. Est-ce que tu as l'impression que tu avais une aversion au changement ?
- Speaker #0
Non, je pense que c'était justement ce qui me convenait bien. J'aurais peut-être pas fait le pas tout de suite par moi-même parce que je suis partie à 16 ans aux États-Unis pendant un an. Et peut-être... Alors, j'avais envie de partir. J'ai été très motivée, mais je pense que mon père, le fait de nous dire qu'il faut apprendre les langues, etc., ça m'a vraiment poussée à le faire. Et ensuite... dès qu'on l'a fait une fois, on a toujours envie de repartir. Il y a tellement de choses à découvrir, de pays à explorer, qu'après c'est difficile de ne plus partir.
- Speaker #1
Et dans le cadre de ton travail, tu voyages ?
- Speaker #0
Je voyage un peu pour des conférences, plutôt en Europe, principalement je dirais à Paris, à Londres. Et puis il y a certaines conférences qui vont dans d'autres villes, et en Suisse aussi. Donc c'est assez sympa. Moi j'aime bien ce côté aller ailleurs pendant deux jours, rencontrer des avocats ou des arbitres ou des juristes de tous les pays. Enfin je trouve que c'est pour son propre développement et pour la société c'est très important.
- Speaker #1
De rencontrer aussi des personnes diverses, en fait, soit par le lieu, mais par la profession. C'est vrai que tu n'es plus cantonné juste au milieu des avocats.
- Speaker #0
Exact.
- Speaker #1
Et donc, par rapport à tout ça, est-ce que tu as l'impression que les personnes connaissent de plus en plus ce que c'est ce financement de procès ? Tu as l'impression qu'avec les années, c'est quelque chose que tu arrives aussi à transmettre ?
- Speaker #0
Alors on se rend compte dans le nombre de demandes que l'on reçoit, qui augmente chaque année, que l'activité commence à être connue. Et on reçoit d'ailleurs de meilleures demandes, en fait, de qualité. Donc les personnes qui nous envoient des requêtes de financement ont compris en fait comment on fonctionnait, quel type de dossier on recherchait. Et je pense que... on peut voir à travers ces demandes que le développement se fait bien. Je pense que le bouche à oreille fonctionne aussi très bien. On sait que dans le monde juridique, on se base beaucoup sur les recommandations des autres personnes. Donc, c'est pour ça que ça peut prendre un peu plus de temps qu'une société qui ferait juste du marketing avec des... des pubs dans la rue, ça ne fonctionnerait pas pour nous. C'est quand même un marché un peu niche. Bien sûr. Qui ne peut pas se développer du jour au lendemain. Mais on a vraiment un retour positif sur, déjà notamment des avocats, mais aussi des clients parfois qui eux-mêmes proposent ou demandent le financement à leurs avocats parce qu'ils ont la connaissance. de par leur connaissance des investissements dans le financement de procès ou autre.
- Speaker #1
Oui, donc il y a vraiment... Le besoin est là. Après, il y a l'information, avoir l'information que ça existe, que c'est faisable, que ce n'est pas que pour les procédures à plus de 5 millions. Il y a tout ça. Il y a le fait que ça soit ici et possible. Et vous, vous avez pour ambition de... Vous vous limitez à la Suisse ou vous allez en France ou comment vous voyez les choses ?
- Speaker #0
Alors, on n'est pas limité à la Suisse. Après, un de nos critères reste quand même un lien avec la Suisse. Donc, ça peut être évidemment une procédure en Suisse, le droit applicable suisse, mais ça peut aussi être une des parties qui était en Suisse avec une procédure à l'étranger ou des actifs en Suisse. D'accord. On a ce critère du lien avec la Suisse.
- Speaker #1
Qui fait sens finalement.
- Speaker #0
Qui fait sens parce que notre expertise est ici. Après, on reçoit aussi des dossiers pour l'étranger qu'on analyse aussi. Et je pense que petit à petit, en tout cas dans les pays voisins, le financement se fera de plus en plus aussi à l'étranger.
- Speaker #1
En Suisse, vous n'avez pas beaucoup de concurrents.
- Speaker #0
Exactement, on n'a pas beaucoup de concurrents. Et c'est un marché qui est très intéressant pour les juridictions étrangères, pour les avocats étrangers, mais particulier. Donc ils ont besoin quand même d'avoir quelqu'un. sur place avec une expertise en droit suisse pour les soutenir financièrement ou autre. C'est d'ailleurs pour ça que beaucoup d'études ouvrent des bureaux à Genève ou à Zurich, des études internationales, pour avoir une représentation en fait ici, parce qu'on sait que beaucoup d'actifs sont de Suisse.
- Speaker #1
Oui, c'est ça.
- Speaker #0
Donc c'est vrai que c'est important pour nous de... d'être ici, mais aussi d'être ouvert sur les procédures étrangères. Parce qu'il existe aussi des procédures qui sont en Suisse, mais en même temps, il y a une procédure à l'étranger. Donc, dans ce type de situation, on peut aussi financer.
- Speaker #1
Et j'imagine qu'il y a beaucoup d'arbitrages aussi. Il y a beaucoup d'arbitrages.
- Speaker #0
Effectivement, il y a beaucoup d'arbitrages. Et Genève et d'ailleurs Genève et Zurich sont des villes très connues pour l'arbitrage. Le droit suisse s'applique souvent dans des arbitrages. ...tant domestiques qu'internationaux, et les valeurs litigieuses sont très élevées, et les coûts sont encore plus élevés que le judiciaire, donc c'est d'ailleurs dans cette branche que s'est développé le plus le financement de procès par le passé.
- Speaker #1
Et moi je voyais des fois des clients qui avaient signé des clauses d'arbitrage avec trois arbitres, enfin les trucs pour une somme qui en valait pas la... la peine, impossible d'aller en procédure tellement que ça coûte cher.
- Speaker #0
Même pour nous, c'est difficile des fois de financer parce que les montants sont... En fait, le coût de l'arbitrage est plus élevé que la valeur litigeuse. Et c'est une problématique aussi qui est beaucoup discutée dans le monde de l'arbitrage, ces coûts qui empêchent l'accès au tribunal arbitral. Et ils essayent quand même de changer cette situation parce que... Il y a les autres avantages de l'arbitrage qui sont la rapidité, la neutralité, le fait de pouvoir choisir des arbitres très spécialisés dans le domaine. Mais c'est vrai que ces coûts restent encore une problématique pour les valeurs litigieuses qui sont basses. Mais c'est vrai qu'un grand nombre d'arbitrages sont financés actuellement.
- Speaker #1
J'imagine. Et là, si vous avez une vision sur les prochaines années, ce serait quoi votre rêve ?
- Speaker #0
Mon rêve ? Alors, nous, on aimerait quand même bien se développer à Zurich.
- Speaker #1
Donc, passer le Röstig-Rabben. Exact. Et alors, on en parlait tout à l'heure, ces deux mondes complètement différents, la région lémanique et... Et la région romande, en fait, on est sur deux marchés, deux réseaux différents, deux pays presque différents. De culture,
- Speaker #0
ça c'est clair. Alors on finance déjà des procédures en Suisse allemande, mais on pense qu'une présence locale qui a un réseau sur place est importante. On l'a ressenti, nous, en tant qu'avocat Genevois, en développant une société à Genève, l'aspect local était très important pour les personnes que l'on souhaitait cibler. ... Donc on s'imagine qu'à Zurich, ce serait la même chose. Donc ça, ce serait un de nos prochains objectifs, et de continuer à faire connaître le financement de procès, que ça devienne vraiment presque un réflexe pour l'avocat ou pour les clients de faire appel à nous. Parce qu'en plus... On a des personnes qui nous appellent juste pour nous expliquer en deux, trois mots la procédure. Et on peut facilement dire si ça vaut la peine de continuer de nous donner plus de détails ou si déjà ça ne rentre pas dans nos critères. Donc on essaye d'être très accessible et très flexible dans la manière d'analyser les demandes, en tout cas au début du processus.
- Speaker #1
Oui, donc ça devrait être comme cette feuille d'assistance juridique judiciaire qu'on a, mais pour le financement de procès. D'avoir ce réflexe, parce qu'on a souvent ce réflexe par rapport à différentes personnes de proposer ça et d'avoir le même réflexe pour le financement d'un procès dans certains types de dossiers.
- Speaker #0
Exactement. Et puis, je pense aussi, alors ce qui pourrait être intéressant pour les financeurs, pas uniquement, mais... Pour nous, ça reste un des objectifs, c'est d'avoir des actions collectives en Suisse qui permettraient de protéger les consommateurs dans certaines situations. On a pu voir certains procès où les consommateurs ont eu à l'étranger un dommage et en Suisse, malheureusement, sans possibilité d'action collective, en fait, personne ne va aller en justice parce que ça leur coûte trop cher d'y aller individuellement. Et en fait, on voit quand même des disparités. même en Europe, entre la Suisse et les différents pays européens, pour les mêmes litiges. Donc ça, je pense que ce serait aussi un bon développement pour nous, notamment, en tant que financeurs.
- Speaker #1
Oui, et puis la mission, elle est toujours la même, c'est de donner accès au plus grand nombre à la justice, finalement.
- Speaker #0
Exactement.
- Speaker #1
Est-ce que, donc tu parlais tout à l'heure de l'opportunité que tu avais de prendre la direction justement pour la Suisse de l'entreprise en tant que femme. Est-ce que c'est quelque chose, est-ce que tu as senti, tu as ce sentiment où tu as fait face à différents obstacles par rapport au féminin justement ou c'est quelque chose, une idée que tu as ?
- Speaker #0
Alors je n'ai pas vraiment fait face à des obstacles depuis que je suis chez Suisse Légale Finance je dirais. Je pense qu'on peut le voir dans les conférences auxquelles je vais, que c'est une majorité quand même d'hommes qui sont présents. Donc on reste quand même une minorité de femmes dans ces positions. Mais je pense que c'est important de promouvoir la place des femmes dans ces entreprises. Et d'ailleurs, j'ai eu souvent des remarques plutôt positives du fait qu'une femme était la directrice de cette société plutôt qu'un homme. Donc je pense que c'est important de mettre ça en avant. Je ne pense pas avoir été choisie parce que j'étais une femme.
- Speaker #1
Non, non, pas du tout.
- Speaker #0
Mais je trouve que c'est important de...
- Speaker #1
Symboliquement en fait aussi.
- Speaker #0
C'est aussi, oui, exactement. Et c'est vrai que dans le domaine juridique, suivant les entreprises ou les études, c'est des fois plus difficile pour une femme de graver les échelons.
- Speaker #1
Oui, et puis on a ce mix entre juridique et finance. Qui sont aussi deux métiers qui sont, pour les hauts postes, très masculins.
- Speaker #0
Très masculins. Et je pense par contre que ça évolue dans le bon sens. Je le vois à travers les différents événements auxquels j'assiste, qu'on va dans le bon sens. J'en suis persuadée. Ça prendra peut-être un peu de temps, comme tout changement. Mais c'est vrai que les femmes... commencent à être de plus en plus représentées et tant mieux.
- Speaker #1
Tant mieux. Merci beaucoup, en tout cas, Ella, pour ce moment passé ensemble. J'ai adoré te découvrir et aussi en savoir plus sur un domaine que je ne connaissais pas tant que ça.
- Speaker #0
Avec plaisir, vraiment merci pour cette invitation. On est toujours à disposition pour en discuter et j'ai passé un très bon moment. Avec toi aussi.
- Speaker #1
Merci beaucoup. Vous venez d'écouter La Voix Juridique. Merci infiniment pour votre soutien. Si vous avez apprécié cet épisode, n'hésitez pas à en parler autour de vous et à laisser une note de 5 étoiles. Pour ne rien manquer des prochains épisodes, abonnez-vous dès maintenant sur votre plateforme d'écoute préférée. Ça m'aidera également à gagner en visibilité. Merci beaucoup et à bientôt pour de nouveaux échanges inspirants.