"Je n'accepte pas la pitié, que les gens changent d'attitude." - Thibault et le déficit immunitaire commun variable cover
"Je n'accepte pas la pitié, que les gens changent d'attitude." - Thibault et le déficit immunitaire commun variable cover
lanomalie : témoignages sur la maladie et le handicap

"Je n'accepte pas la pitié, que les gens changent d'attitude." - Thibault et le déficit immunitaire commun variable

"Je n'accepte pas la pitié, que les gens changent d'attitude." - Thibault et le déficit immunitaire commun variable

40min |23/05/2023
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lanomalie : témoignages sur la maladie et le handicap

"Je n'accepte pas la pitié, que les gens changent d'attitude." - Thibault et le déficit immunitaire commun variable

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Description

Comment vivre avec un déficit immunitaire commun variable ?

Dans ce premier épisode de lanomalie, nous abordons une thématique essentielle : comment gérer le regard des autres lorsque l'on vit avec une maladie chronique ou un handicap invisible ? Pour en discuter, j’ai invité Thibault, un ami atteint d’un déficit immunitaire commun variable (DICV), une pathologie qui touche également plusieurs membres de sa famille. Diagnostiqué dès l’enfance, Thibault partage avec nous son parcours et ses réflexions.


🎙️Au programme du témoignage de Thibault sur le déficit immunitaire commun variable :

  • La construction personnelle : comment il s’est construit en tant qu’homme malgré les défis imposés par la maladie.

  • La prise en compte d'un diagnostic familial : si le diagnostic du déficit immunitaire commun variable a été posé dans l'enfance de Thibault, il concernait également son père et sa soeur.

  • L’importance des proches : le rôle essentiel de sa famille et de son entourage dans son quotidien.

  • Le regard des autres : sa manière de vivre avec un handicap invisible et d’aborder le sujet de sa pathologie. Thibault évoque longuement la notion de pitié, qu'il refuse totalement, dans le cadre de son rapport aux autres.

  • Sa vision d’avenir : quelles sont ses attentes et espoirs pour le futur, compte tenu de la présence du DICV ?

  • Le rapport au monde médical : comment il perçoit le suivi, le traitement et les soins liés à son déficit immunitaire commun variable ?


J’espère que le mots de Thibault vous plairont !


👉 Vous pouvez suivre les aventures de lanomalie sur Instagram : @lanomalie.media 


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Et si on parlait plus ouvertement de la maladie ? Dans l'imaginaire commun, quand la santé va, tout va. Partout on valorise un corps sain, qui tient la route, et dont on souhaite sans cesse repousser les limites. Dès lors, quelle est notre place quand on connaît ponctuellement, ou plus durablement, la présence de la maladie dans notre vie ? Je suis partie à la rencontre des personnes qui, tout comme moi, vivent en compagnie d'une maladie, car à mon sens, poser des mots sur un sujet encore tabou, ça fait du bien. Je vous souhaite la bienvenue dans le premier épisode de l'anomalie, le podcast qui vous la discute. sur la maladie. Dans ce premier épisode, Thibaut, un ami à moi, m'accueille chez lui à Arène pour évoquer son parcours. Nous avons parlé de l'impact de la maladie sur sa construction en tant qu'adulte, de son rapport aux autres, au couple et à la famille. J'ai souri durant tout le montage tellement Thibaut m'a semblé bienveillant et empli de sagesse. J'espère que ce premier épisode vous plaira et qu'il vous apportera de la bonne humeur. Bonne écoute à vous. Hello Thibaut, merci de t'être rendu disponible pour l'enregistrement de ce premier épisode, je suis ravie de le faire avec toi.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup, merci à toi aussi d'être venu jusqu'à Rennes.

  • Speaker #0

    Avec grand, grand plaisir. Il y a un soleil magnifique aujourd'hui et c'est suffisamment rare pour être mentionné.

  • Speaker #1

    Non, comme toujours en Bretagne.

  • Speaker #0

    Avant de commencer pour introduire ce premier épisode, je voudrais dire quelques mots sur toi puisque tout le monde n'a pas la chance de te connaître. Donc on s'est rencontrés il y a 9 ans, au moment de nos études. A la base, c'était plutôt un pote de pote et à force de traîner ensemble, on a fini par faire partie du même groupe. Je dirais que tu es une personne douce, attentionnée, pudique, avec un grain de folie que j'apprécie énormément. Tu es quelqu'un d'entier et ce que j'aime beaucoup chez toi, et je pense que ça s'entendra également en audio, c'est qu'on peut vraiment facilement lire en toi, sur ton visage mais aussi dans ta voix, la plénitude quand tu es content et un air bougon quand tu es contrarié. Au début, j'étais assez soucieuse d'aborder avec toi un sujet aussi intime qu'on avait jusqu'alors abordé... exclusivement en état d'ébriété.

  • Speaker #1

    C'est très bien aussi.

  • Speaker #0

    Et le premier échange qu'on a eu, de manière informelle, était solaire. Et tu m'as spontanément proposé de participer au podcast. Je t'en remercie. On y est, tu es mon premier invité. Je suis ravie de commencer avec toi.

  • Speaker #1

    Je suis très heureux aussi. J'espère que je serai aussi pertinent que quand on avait échangé. J'avais trouvé notre échange très bien. Mais malheureusement, les auditeurs et auditrices auront à écouter celui-ci. J'espère qu'on fera aussi bien.

  • Speaker #0

    La réputation de cet échange repose sur nos deux épaules. Première question pour commencer, si on se rencontrait pour la première fois, qu'est-ce que tu me raconterais de toi ?

  • Speaker #1

    Comme beaucoup de gens, surtout mes passions. Avant tout, ma passion pour le football, pour la musique. Évidemment, je te vois venir. Non, les problèmes de santé passeraient bien après. Ce ne serait pas évoqué du tout. Ce serait avant tout mes plaisirs, mes joies.

  • Speaker #0

    Comment tu l'expliques, le fait de justement pas évoquer tes soucis de santé ? Est-ce que c'est parce que ça ne t'impacte pas dans ta vie de tous les jours ? Ou est-ce que c'est parce que c'est un sujet que tu veux réserver pour des personnes dans lesquelles tu as confiance ?

  • Speaker #1

    Ah oui, si, si, ça a bien un impact au jour le jour, y compris dans mes relations avec les autres. Mais oui, comme tu dis, c'est plus une sorte d'espace réservé qu'autre chose, à ce qui pénètre une sorte de cercle, on va dire. J'ai toujours eu une difficulté quand même à aborder ça. Enfin, il y a toujours une question de timing, de beaucoup de choses. Enfin, que ça ne paraisse pas totalement artificiel non plus. Eh tiens, j'ai une maladie, je vais t'en parler. Donc bon, j'ai fini par restreindre ça. Avant tout, mon cercle proche, voilà. Donc tu en fais partie, bien évidemment. Et donc, c'est pour ça, même tu évoquais du coup dans la présentation, la fois où je t'avais parlé de ma maladie. C'était en soirée, c'est parce qu'on commençait à devenir plutôt bons potes. Donc voilà, c'est la proximité qui fait que, et l'alcool aidant, qu'on en a discuté.

  • Speaker #0

    T'as vachement parlé d'une notion de timing, et comme si c'était important de préparer l'autre à ce qu'il allait entendre. Est-ce que t'as déjà eu des convenus, ou eu le sentiment que c'était pas la bonne manière de le dire ? Parce que j'ai plus l'impression que tu parlais de... comment l'autre allait recevoir ce que tu allais dire plutôt que toi te sentir à l'aise.

  • Speaker #1

    Oui, c'est vrai, mais alors... Oui, j'ai toujours peur... Oui, ça, je ne l'ai pas abordé jusqu'à présent, mais j'ai toujours peur, du coup, de susciter une réaction que je pense que tous les malades comprennent, qui est celle de la pitié. Et donc, effectivement, du coup, ça... ça complexifie... Un peu la chose. Du coup, je reviens à ta question, c'est que tu posais plus la question de la réaction des autres. Et je pense que ma peur vient aussi, ma peur de m'exprimer vis-à-vis de ça, vient aussi non pas des mauvaises expériences que j'ai eues, mais tout simplement d'une réaction normale qui est celle des gens aussi, qui est celle de se sentir aussi un petit peu éprouvé par ce qu'ils entendent en face. Et donc, il y a une réaction qu'eux ne pensent pas blessante. Ça n'a rien à voir avec ça, mais... que nous, on peut mal interpréter. Donc effectivement, il faut un petit peu préparer, tâter le terrain.

  • Speaker #0

    C'est marrant, je te trouve. Plein d'égards. Tu m'amènes à la question que je souhaitais poser à la fin, mais que je vais poser dès maintenant. J'ai eu un échange hier avec un collègue de travail lui parlant du podcast et il m'a dit Bon, du coup, le sujet doit également te concerner. Je lui ai dit que j'avais une sclérose en plaques. On a parlé du fait qu'il n'osait pas me dire qu'il était inquiet, mais que pour autant, il était inquiet. Et je lui ai dit qu'à mes yeux, l'inquiétude était un petit peu en tout cas mentionnée dès le début de l'échange était un peu too much et que j'avais pas envie d'entendre ça finalement j'ai eu l'impression d'être un petit peu dure avec lui je lui dis de manière bien évidemment bienveillante et pleine de pédagogie et d'affection de mon point de vue quand j'aborde un sujet que je trouve aussi complexe et intime c'est éprouvant pour moi d'être confrontée au fait que les autres s'inquiètent pour moi. Comment tu gères ça ? Et est-ce que tu perçois, toi, les choses de la même manière ?

  • Speaker #1

    On en revient à la question du cercle que j'évoquais tout à l'heure. Il y a des gens dont l'inquiétude me va parfaitement, en fait, et que je trouve parfaitement légitime. Mais du coup, j'ai ressenti aussi ce que tu peux ressentir sur le trop, le trop-enfer, justement, les réactions. Je ne trouve pas que... Tu parles de la situation avec ton collègue, ça me paraît être une situation parfaitement normale. J'ai fait la remarque plein de fois à mes proches de ne pas être trop inquiet non plus. C'est pour ça que la question des égards me paraît naturelle pour celui qui reçoit aussi. Parce qu'on va forcément créer une réaction émotionnelle quand on l'évoque. On la maîtrise pas forcément. Il y a de l'humain en face. La personne a une réaction qu'elle pense être appropriée. Je pense pas... Enfin, je suis passé par des stades, évidemment, où ça pouvait me poser problème. Mais là, je pense en être arrivé à un point où ça n'est plus vraiment une question, en fait.

  • Speaker #0

    On n'a pas parlé de toi, ta maladie. On n'est pas obligé de mettre des mots dessus. Mais si tu devais en parler, qu'est-ce que t'en dirais ?

  • Speaker #1

    Ah oui, si, si, je peux quand même l'évoquer. Du coup, c'est un déficit immunitaire commun variable. Enfin, ça, c'est le nom scientifique. Pour les applications, c'est plus... On va dire que j'ai des problèmes de défense immunitaire qui font que j'ai des traitements réguliers, un suivi régulier. Un traitement qui peut être hospitalier, y compris. Donc voilà, ça a quand même une conséquence. Je ne dirais pas dans la vie de tous les jours, mais dans la vie quotidienne du moins. Et puis après, il y a les impacts que ça peut avoir. Je suis plus facilement malade que le commun des mortels, ce genre de choses. J'étais assez malade dans l'enfance et dans l'adolescence, enfin très régulièrement malade. Et puis finalement, on s'est rendu compte que c'était lié justement à ce déficit immunitaire qui appauvrissait mes défenses. Et donc, on a fini par mettre en place un suivi. un suivi médical. Enfin, onge, dis-on, c'est bien d'aider en cela par l'accompagnement de mes parents et des médecins.

  • Speaker #0

    Mais si je comprends bien, il y a eu une période assez longue durant laquelle, en fait, il y a eu un taptonnement et tu n'as pas pu vivre comme tu vis actuellement ?

  • Speaker #1

    Oui, oui, oui, bien sûr. Alors déjà, on ne le savait pas. Je ne sais plus exactement. On ne savait pas ce que j'avais avant mes 6-7 ans. Je savais juste que j'étais très régulièrement malade. Ensuite, à partir de 6-7 ans, de temps, il y a eu... C'est vrai que là, maintenant, c'est vrai que c'est bien de parler de tâtonnement parce qu'effectivement, au début, on en est là, à la fois dans le diagnostic, dans ce qui va se mettre en place. Et je pense que finalement, la médecine, ça n'a pas l'air non plus d'être une science parfaitement exacte. C'est-à-dire qu'il y a des choses qui se mettent en place petit à petit et qu'on affine au fur et à mesure. On se rend compte que telle chose a fonctionné. Alors que ça ne fonctionnerait pas forcément sur telle autre personne. Enfin, je ne suis pas en train de faire du tout à propos anti-science. Du tout. C'est juste que, justement, l'accompagnement, les traitements, c'est justement quelque chose qui se construit, en fait, au final aussi, qui n'est pas quelque chose qui se met en place en quelques heures. Parce qu'au final, oui, du coup, j'ai parlé des traitements que j'avais. J'ai des perfusions d'immunoglobuline régulières. Et puis, pendant un moment... On m'a proposé de passer en sous-cutanée, ce genre de choses. Donc ça a changé totalement le mode de prise en charge qui se faisait à ce moment-là à domicile. Donc ça a chamboulé un peu tout, on en est revenu. Maintenant je suis très heureux d'en être revenu justement, de laisser la maladie... De laisser la maladie à l'hôpital, on va dire. De séparer mon espace de vie quotidienne de l'espace de l'hôpital. Voilà, enfin, je suis un peu trop long là, mais tout ça pour dire que c'est quelque chose qui s'affine.

  • Speaker #0

    Il y a une particularité dans ton rapport à la maladie, c'est que tu l'as appris étant petit. Comment est-ce qu'on comprend les choses quand on est enfant, puis ensuite adolescent, puis jeune homme ? Ça a eu quel impact, toi, sur ta construction ?

  • Speaker #1

    Enfant ne comprend pas, adolescent on le vit très mal, enfin dans mon cas parce que je dis on, je préfère dire je parce que ça peut différer aussi. Mais en fait le truc c'est qu'il me semble que pour tout le monde après l'adolescence il y a quand même une construction qui est très liée au corps en fait. Le corps change, il y a un rapport au corps qui est très particulier à l'adolescence. C'est à ce moment-là qu'on comprend, entre guillemets, nos orientations, enfin tout plein de choses. Donc en fait, au final, le corps joue un rôle hyper important. Et puis au final, on se rend compte qu'on en a un plus ou moins dysfonctionnel. Enfin non, mais qu'il y a deux, trois petites choses qui fonctionnent pas comme pour tout le monde. Donc ça vient rentrer en résonance avec quelque chose que les gens vivent tous. Mais du coup, ça amplifie. En plus, je suis. pas d'une nature très expansive, je pense. Donc après, il y avait quelque chose aussi de beaucoup garder pour soi, beaucoup de non-dit, beaucoup... À l'adolescence, on ne dit pas tout, on se renferme un petit peu et puis du coup, cumuler à des problèmes de santé, ça peut effectivement... Ce n'est pas aller très loin, dans mon cas. Ce que je veux dire, c'est que ça s'ajoute en fait à tout un tas de choses qui sont des réflexions adolescentes.

  • Speaker #0

    C'est déjà une période compliquée en soi. Quand tu ajoutes des problèmes de santé, ça complexifie pas mal les choses. À l'époque, tu en parlais ou tu gardais ça dans une sphère plutôt familiale ?

  • Speaker #1

    J'en parlais un tout petit peu, mais après, contraint et forcé un petit peu. Quand on ne me voyait pas au collège pendant un certain temps, quand je pouvais revenir avec des cathéters au bras, forcément, les gens comprennent qu'il y a deux, trois petits trucs. Après, ce n'était pas quelque chose avec lequel j'étais très à l'aise. Je n'ai pas parlé de la suite, en fait. La suite, je pense que ça a traîné par la suite. Jeune adulte, il y a eu des choses qui sont peut-être restées de l'adolescence, des changements par ailleurs, mais le fait de le vivre vraiment bien, enfin, si tant est qu'on puisse bien le vivre, c'est que... C'est plutôt assez récent. Finalement, ça prend énormément de temps de se construire avec.

  • Speaker #0

    Je suis assez d'accord, ça prend pas mal de temps. Et j'ai l'impression que déjà, tu as évolué depuis la dernière fois qu'on s'est parlé. C'était il y a un mois et demi. Je te trouve très apaisée.

  • Speaker #1

    Non, mais oui, aussi détendue. Après, ça... Ça va peut-être dépendre de mon humeur aussi. Je ne l'aurais peut-être pas abordé pareil à un autre moment. Mais tu es là, tu es venue à Rennes, tout se passe bien, on est détendu.

  • Speaker #0

    Je trouve que c'est assez rassurant de se dire que le rapport à la maladie peut être fluctuant. Moi, je suis en général dans un mood assez positif par rapport à ça. Mais malgré tout, il y a des moments où je suis en colère, des moments où j'ai peur. Et je trouve que c'est cool, même des années après, de s'autoriser à se dire, ben, c'est pas figé, ça peut bouger, je peux en avoir honte à nouveau.

  • Speaker #1

    Oui, oui, non, mais fluctuant, c'est très, très bien. Il y a des allées et des retours. Enfin, il y a des va-et-vient. Et je pense que, quand même, le chemin est celui d'une meilleure acceptation. Toujours, enfin, je pense pas. J'espère que les gens le vivent de mieux en mieux, surtout que... qui trouve un apaisement dans la vie, dans tout.

  • Speaker #0

    Tu me dis, si tu vois les choses de la même manière, j'ai souvent le sentiment que la maladie soulève des problématiques que tu vas être amené à te poser dans ta vie de manière générale. Le fait de s'accepter avec ses limites, le rapport au corps, avoir un corps qu'on n'apprécie pas forcément, mais avec lequel on doit continuer à vivre. La question de la mort, bien évidemment, du deuil d'une perception qu'on avait de soi, la colère. Et en fait, c'est des thématiques assez universelles. que t'es juste forcé de te poser très tôt dans la vie.

  • Speaker #1

    Et de plus en plus, je me fais la réflexion que c'est pas si mal, parce qu'il y a plein de gens qui traversent un paquet d'années de leur existence sans se les poser, et ça leur revient à la tronche finalement plus tard. Donc je pense pas que ce soit, sur cet aspect-là, c'est plutôt... Je ne vais pas dire pas si bénéfique, parce que finalement, oui, tu l'as dit, on se pose des questions qui se posent à tout le monde, mais que certains font le choix quand même de remettre à plus tard, beaucoup. Oui, tu as dit la mort, mais typiquement, je pense que c'en est une quand même. Oui, il y en a beaucoup qui repoussent cette question, question que quand tu es malade, tu es obligé de te poser très rapidement, ou bien... Je ne vais pas rentrer dans le débat philosophique, mais en tout cas, ça pose des questions universelles, c'est très bien.

  • Speaker #0

    Effectivement, moi j'avais le sentiment d'être un peu stupide avant de l'apprendre et d'être très égocentrique. Ça a duré un moment et ensuite, un jour, je suis arrivée chez ma psy, elle m'a demandé comment était ma semaine et je lui ai dit incroyable. Le soleil brillait, je suis allée boire un café en terrasse et elle m'a dit c'est la première fois que vous me dites que vous allez bien. Et qu'en fait, objectivement, ça ne va pas mieux que la semaine dernière parce que vous avez toujours les mêmes problèmes. Mais pour une fois, vous êtes concentré sur ce qu'elle est. et pas sur ce qui vous importunait dans la vie. Et j'ai le sentiment que, avant d'apprendre mon diagnostic et avant d'être à l'aise avec tout ce qui m'arrivait, j'étais très dans l'insatisfaction des choses qui n'étaient pas à mon goût. Et là, désormais, j'ai dû apprendre à lâcher prise.

  • Speaker #1

    Je vais donner mes idées, là. Mais non, mais c'est... On nous pousse dans une sorte de culte de la performance que, finalement, la maladie aussi vient un peu... détruire, enfin, mettre de côté. Là, on se pose, enfin, quand on est malade, on ne se pose plus la question du salaire, est-ce que notre retraite sera gigantesque ou minuscule ? Enfin, on se pose des questions plus prosaïques, en fait, plus en phase avec ce que doit être une vie, quoi. Il n'y a pas à se prendre la tête pour performer je ne sais quoi, enfin, à tous les niveaux, pour performer ou bien... Être le plus riche possible, avoir le salaire le plus important possible, ou bien à d'autres niveaux. Je pense que ça remet les choses en perspective. On est des êtres qui mourront un jour. On espère qu'on soit heureux d'ici là, qu'on vive le maximum de belles choses. Et puis c'est à peu près tout.

  • Speaker #0

    Dans cette perspective de se recentrer sur les choses essentielles, est-ce que tu as malgré tout eu le sentiment de devoir renoncer à des choses à cause de ta maladie ?

  • Speaker #1

    Oui. Oui, des renoncements, oui, complètement. Mais je ne sais pas, typiquement, je pense que même encore aujourd'hui, finalement, des grands voyages dans le désert. Par exemple, un exemple tout bête, petit, je pensais que je deviendrais archéologue, mais avec quelques soucis pulmonaires et de santé, ça s'est vite arrêté là. Mais non, mais c'est complètement bête comme anecdote, mais tout ça pour dire que même dans les voyages que je peux faire, enfin dans... dans même mes mouvements, puisqu'au final, j'ai parlé des traitements, du coup les traitements ça implique qu'ils se fassent quelque part, qu'on ait des rendez-vous pour ça, qu'on fixe finalement un cadre que les gens n'ont pas forcément à fixer s'ils ne sont pas malades. Au bout du compte, on finit par ne plus le vivre trop, je trouve, comme une contrainte, parce que bon, on renonce tout le temps, on renonce à un paquet de choses tout le temps, même sans s'en rendre compte. Ça remet en perspective, on n'est pas grand-chose, enfin, on est grand quand même, mais on n'est pas grand-chose à l'échelle de l'univers, du temps.

  • Speaker #0

    C'est vrai, et d'un côté, je crois qu'il n'y a rien de plus fort que la perception que nous, on a de l'instant présent et de notre capacité à l'apprécier. Quand je suis très inquiète pour certaines choses, ou que je me dis peut-être qu'un jour je vais mourir, et bien évidemment ça peut être marrant, je me dis mais qu'est-ce qu'il y a de plus important que ce que je suis en train de vivre maintenant, et le bonheur que ça me procure juste là d'aller bien. Dans ta famille, t'es pas le seul à avoir cette pathologie. Vous êtes trois. C'est quand même une singularité assez forte d'avoir d'autres personnes autour de soi qui connaissent la même chose. Surtout une sœur dont t'es assez proche en âge. T'as le sentiment que ça a apporté des choses, que ça a été plutôt un caillou dans ta chaussure ?

  • Speaker #1

    Ça a pu poser des difficultés, du coup. C'est sûr, surtout à certains âges. Mais globalement, je dirais que ça a quand même énormément... resserrer nos liens au bout du compte. Donc je ne sais pas si c'est la manière dont ça s'est passé ou si c'est quelque chose de vérifiable ailleurs, mais en tout cas, là, en l'occurrence, ça nous a énormément soudés, que ce soit avec ma soeur, que ce soit avec mes parents et mon petit frère qui, s'il n'a pas la maladie, a vécu les choses avec nous, en fait. Mais voilà, c'est ce que je t'avais déjà dit la dernière fois, en fait, dans l'échange qu'on avait eu, c'est que... Ça a surtout resserré au niveau de la famille proche, enfin de la famille très proche, c'est-à-dire frères et sœurs, père et mère.

  • Speaker #0

    Dans le fait de ne pas être tout seul, donc tu as justement deux personnes très proches de toi qui partagent la même maladie, est-ce que tu as déjà rencontré d'autres personnes ou échangé avec d'autres personnes qui avaient la même chose que toi ?

  • Speaker #1

    Oui, complètement, dans des associations, notamment comme Iris. Vous irez voir, ce n'est pas l'Institut de recherche en stratégie ou je ne sais pas quoi, c'est un autre. Non, mais du coup, oui. Alors, je le fais un peu pour rendre ce qu'on m'a donné et puis pour rassurer aussi certaines personnes. Mais j'ai quand même beaucoup de mal à le faire à l'échelle individuelle. Je suis un peu mal à l'aise avec ça, je ne le provoque pas trop. Et bon, c'est vraiment si je vois que ça peut... Il y a des gens, effectivement, qui ont besoin d'être rassurés à un certain moment, que ce soit ceux qui sont porteurs de la maladie ou pas, leurs proches aussi, qui ont énormément besoin d'être rassurés. Donc, par rapport à ça, on éprouve quand même toujours une satisfaction à le faire. Mais de moi-même, je ne le ferai pas trop, en fait. Par contre, c'est vrai que si on prenait contact avec moi de manière plus individuelle, ça change un peu la donne. Je ne sais pas si je dis ça parce que... forcément comme j'ai des traitements réguliers, j'ai croisé des gens qui avaient ou bien les mêmes pathologies ou bien d'autres pathologies, en fait, dans les services, dans les hôpitaux de jour, tout ça, ça me paraît de suite beaucoup plus simple de nouer une conversation, une relation avec quelqu'un qu'on voit individuellement, que collectivement, comme ça, dans des espaces qui sont hyper importants quand même. Le fait de réunir les gens, ne serait-ce que pour... pour montrer qu'elles ne sont pas isolées, en fait, ces personnes, que beaucoup de gens vivent la même chose. Mais c'est juste une difficulté personnelle que j'ai, enfin, dans ces situations sociales, quoi, on va dire.

  • Speaker #0

    Et est-ce que tu sais ce que ça a changé pour tes parents ? Parce que ton père a appris, je présume, quand il avait 35-40 ans, qu'il était atteint lui-même d'une maladie. Et je présume que pour ta mère, apprendre que son époux... Et deux de ces enfants vont devoir un petit peu revoir leur vie quotidienne. Ça a eu aussi un gros impact ?

  • Speaker #1

    Alors mon père, ça a moins changé sa vie quotidienne. C'est juste que ça a révélé des choses. Par exemple, il n'avait pas fait son service militaire. Il avait été déclaré inapte, mais sans savoir pourquoi. La science n'avait pas encore progressé suffisamment à ce moment-là pour savoir forcément ce qu'il avait. Non, mais après, oui, ça a changé nos vies, nos quotidiens avec ma sœur, bien évidemment. Mais par rebond, ça change le quotidien de tout l'entourage, en fait. Et puis du coup, c'est un peu ma mère qui a pris aussi, je pense que c'est régulièrement le cas, mais la charge en grande partie de la maladie, que ce soit à plein de niveaux administratifs ou autres. Cette charge-là, ça a aussi fait qu'elle n'a pas travaillé pendant des années, entre guillemets. Elle faisait de l'associatif, mais par ailleurs, elle n'avait pas de travail rémunéré. Du coup, oui, non, mais évidemment, ça bouleverse, puisque oui, effectivement, il faut des gens, il faut du temps, en fait, pour s'occuper des malades aussi. Enfin, là, maintenant, j'ai mon autonomie, c'est différent, mais quand on est... Là, je parle plus de la situation des enfants malades. Les enfants malades, là, typiquement, avoir la charge d'un bébé, c'est déjà... Et d'un enfant, c'est déjà assez complexe. Pour le voir récemment auprès de mes amis, je commence à mieux réaliser, à mieux saisir ce que ça représente un enfant malade aujourd'hui.

  • Speaker #0

    Il y a quelque chose de très viscéral dans la relation avec ses parents et a fortiori avec sa maman. Moi, je sais que même si elle ne le souhaite pas, ma mère me transmet ses émotions et notamment une inquiétude démesurée. Et ça peut générer en moi de la colère. Est-ce que tu as déjà été confrontée à cette situation ? Et comment faire la part entre une colère qui peut être légitime et d'un côté, un sentiment d'inquiétude et d'amour que tes parents peuvent légitimement ressentir ?

  • Speaker #1

    Tu le formules très bien parce que c'est vrai qu'un excès d'inquiétude, un excès de... De ce que je voyais avant comme de la pitié, ça génère énormément de colère, de frustration, mais de frustration vis-à-vis de nous-mêmes. Et je pense que, après, c'est aux gens qui accompagnent les malades de comprendre aussi que cette frustration, enfin, que cette colère, elle ne leur est pas destinée. C'est vis-à-vis de nous-mêmes, en fait, à ce moment-là, qu'on est un petit peu frustrés parce qu'on n'a pas accepté suffisamment certaines choses. Mais bon, en tout cas, ma famille, mes proches ont été très patients là-dessus. Tu l'as dit au début, je peux être bougon, je peux être énervé. Je suis d'un naturel très calme, mais c'est... Le problème des gens très calmes, c'est que quand l'excès inverse arrive, il arrive d'autant plus fort, du coup.

  • Speaker #0

    Tu as parlé plusieurs fois de la pitié. Est-ce que tu as un retour particulier à ce sujet ?

  • Speaker #1

    En fait, encore aujourd'hui, je n'accepte pas vraiment la pitié. C'est quelque chose de particulier. C'est aussi pour ça que je ne le dis pas au départ dans les relations. C'est parce que... C'est assez proche de ce que je vois, de ce que je ressens. Pour moi, c'est un peu du paternalisme. Je mets peut-être pitié derrière paternalisme, en fait, parce qu'on va de suite te placer dans une situation, pour moi, qui est inférieure. Pour moi, je traite tout le monde également. Et donc, ça me dérange un petit peu de... Quand les gens changent leur attitude juste parce qu'on leur a annoncé qu'on était comme on était, j'aime pas qu'il y ait des modifications d'attitude. On doit me juger sur autre chose. Ça fait partie de moi, mais c'est pas l'essentiel, on va dire. Enfin, c'est pas l'essentiel, c'est une grosse partie de moi, mais c'est pas sur ça qu'on doit me juger. Si on doit me juger, ce sera sur autre chose. Je peux faire les choses mal, mais... qu'on ne vienne pas non plus, ni dans un sens ni dans l'autre, me dire que ça vient de là. Je ne veux pas penser en tout cas que j'ai fait les choses différemment. Je me suis un peu perdu là, mais bon, vous avez compris l'idée.

  • Speaker #0

    Je trouve que généralement, les réactions qu'ont les personnes extérieures à l'annonce d'une maladie disent beaucoup de choses sur elles. Et la pitié... À mon sens, c'est souvent lié à une question d'ignorance. La personne ne connaît souvent pas le trouble dont on lui parle. Elle a une vision erronée de ce qu'est le fait d'être en handicap. Et donc, elle projette sur nous sa vision de la chose. Et c'est là que la pitié arrive. Très souvent, je me dis qu'il y a un gros problème d'éducation où finalement, on s'intéresse aux questions de la maladie et ou du handicap. que lorsqu'on y est confronté, soit soi-même, soit nos proches, j'ai souvent été très très maladroite avec des membres de mon entourage qui étaient malades parce qu'à l'époque, j'avais pas vraiment réfléchi à la question. En fait, j'ai l'impression aussi que lorsqu'on annonce sa maladie, qui est un sujet qui est très intime et parfois difficile, on nous laisse peu de place à nous en tant que personnes concernées pour raconter les choses et qu'on vit sous cette chape de projection.

  • Speaker #1

    Mais c'est pas mal ! Mais le souci, c'est qu'il y a plusieurs thématiques que tu viens d'aborder. C'est une très très longue réflexion, mais c'était très intéressant. Alors par quel bout je la prends du coup ? Sur la question de la projection, je suis à 100% d'accord, parce que finalement les réactions premières des personnes, c'est juste de projeter souvent leur propre peur, et au final, je ne parle que de ça, mais au final, leur propre... peur de la maladie et donc au bout du compte de la mort. Je condamne pas en fait les indélicatesses. T'as dit qu'il y avait un problème de manque d'éducation là-dessus. Ouais, c'est vrai que le fait finalement de ne jamais aborder ça du point de vue du coup de la personne malade, en fait, d'assez peu demander ce point de vue-là, ça fait qu'on génère encore des... des réactions chez les gens qui nous paraissent inappropriés, mais qui paraissent totalement appropriés à ceux qui les portent. C'est pour ça, encore une fois, que je ne condamne pas. C'est que le travail n'a pas été fait, donc on ne va pas mettre la responsabilité à l'échelle individuelle si la personne réagit sans qu'il y ait de mauvaise volonté. Moi, je mets juste la frontière là, en fait. Si la personne ne te veut pas du mal, bon, ben... Qu'est-ce que tu peux si la réaction est indélicate ? Pas grand chose finalement.

  • Speaker #0

    Et comment est-ce que tu réagis dans ce genre de cas ? Est-ce que tu arrives à verbaliser ? Alors, je ne dirais pas corriger, mais en tout cas, sensibiliser la personne sur le fait que tu as pu être heurté ?

  • Speaker #1

    Il y a quelques années, j'aurais répondu, je le garde pour moi, et je fais la personne un peu ronchon, mais bon, maintenant, je n'ai plus de problème à dire les choses, en tout cas, à tracer ce qui me semble. Être inconvenant pour moi, après, on peut le dire de la bonne manière aussi. On peut le dire sans agressivité aucune. C'est un petit peu dur au début, puisque justement, ça génère une émotion en nous quand même. Mais au fur et à mesure du temps, je pense que de moins en moins... Le truc, c'est que quand on intériorise, on met tout sous le tapis. Ça finit par rejaillir forcément à un autre moment. Du coup, comme je le faisais avant, j'ai fini par voir que c'était peut-être pas l'option adéquate.

  • Speaker #0

    Je crois qu'un truc intéressant à dire pour les personnes qui font partie de l'entourage et qui peuvent avoir des réactions maladroites, c'est que c'est OK de ne pas avoir la réaction appropriée. Le tout, c'est de savoir s'en rendre compte et de revenir vers la personne pour dire Est-ce que tu es satisfait de notre interaction ? Est-ce qu'il y a quelque chose qui ne t'allait pas ? Mais en tout cas, faire preuve de vigilance et d'humilité dans ce genre de cas et de dire Je ne maîtrise pas tout, je n'ai pas le passif de la personne dans le sens où je n'ai pas vécu les mêmes choses. Et puis surtout, je n'ai pas nécessairement accès aux mêmes connaissances et je n'ai pas réfléchi de la même manière. Et c'est toujours important de rester ouvert à une remise en question et surtout à une discussion.

  • Speaker #1

    Oui, c'est ça. Mais du coup, il y a aussi, on vient d'en parler, il y a aussi le fait de... De verbaliser aussi, de leur verbaliser la chose en fait, parce qu'ils ne peuvent pas vraiment saisir non plus si on ne leur dit pas. Il y a des gens qui ont des aptitudes sociales à ça, mais tout le monde ne les a pas. Il y a des gens qui ont plus ou moins les codes en règle générale. Tant qu'on essaye de verbaliser, qu'on voit clairement qu'il n'y a pas de mauvaise volonté en retour, moi de mon côté en tout cas c'est... Même une excuse, j'en attends même pas. C'est quelque chose qui me semble être... Tant que la personne a compris, voilà. C'est même pas une question d'amende honorable ni rien.

  • Speaker #0

    Je voulais te poser une question sur le rapport au couple. La sphère la plus ultime de l'intimité, c'est celle avec la personne qu'on aime. Et c'est assez délicat d'annoncer ce sujet-là, puisqu'on compte énormément pour la personne avec laquelle on est en couple. Il peut y avoir de l'inquiétude qui est légitime, il peut y avoir beaucoup d'affect qui va impacter les choses. Est-ce que tu en as parlé, toi, à ta compagne ?

  • Speaker #1

    Avec ma compagne, elle savait déjà avant, elle était déjà au courant. Je ne connais pas trop le cas de figure inverse, en fait, de commencer à rencontrer quelqu'un, pas forcément proche, du coup. et qu'on serait amené à devoir leur annoncer la chose. Ça, je ne l'ai pas vécu, donc je peux parler uniquement de ce que j'ai vécu. Moi, ça me paraît logique d'en discuter dans la sphère de l'intime, et puis surtout de ne pas le cacher. La question ne s'est même pas posée pour moi, mais si ce n'était pas quelque chose de naturel, oui, ça me poserait quand même problème, en fait. très rapidement ça me paraît pas être en fait je suis très construit là-dessus mais c'est qu'il y a une question une question de transparence à avoir en partie quand on est en couple on met la transparence où on veut j'aurais

  • Speaker #0

    du mal en tout cas à ne pas confronter la personne à ça mais c'est juste qu'elle nous accompagne en fait de mon côté je crois que j'ai mis un an ou deux à en parler à mon compagnon Sans doute parce que j'étais pas en phase et j'étais pas à l'aise avec ce qui m'arrivait. Et j'avais, je pense, pas digéré mon rapport à la maladie. Donc c'était difficile et je crois qu'à un moment, c'est sorti tout seul. Bon, il a bien évidemment pas compris ce qui se passait. C'était pas gravissime. Je vais pas le souvenir qu'il ait eu une réaction catastrophique. En tout cas, moi, mon retour sur le sujet, c'est que ensuite, ça m'a permis beaucoup de lui transmettre les sujets sur lesquels j'étais anxieuse. Au moment où j'ai souhaité reprendre mon suivi avec mon neurologue, il a pu comprendre ce qui pouvait me stresser, il a pu être d'un grand soutien, et finalement je trouve que c'est un relais qui est quand même très très chouette d'avoir une personne à qui on peut se confier entièrement et sur laquelle on sait qu'on peut tout dire, c'est quand même très agréable.

  • Speaker #1

    Oui, c'est en règle générale, le fait d'avoir des piliers, en fait. On en revient à ça, mais du coup, c'est peut-être que je n'envisage pas le couple autrement, en fait. Enfin, comme quelque chose qui nous amarre un petit peu.

  • Speaker #0

    Comment est-ce que tu envisages la question du futur ?

  • Speaker #1

    Je l'envisage très peu, mais bonne question, du coup, parce que je me rends compte que je... C'est pas que je me projette que très peu, mais si, je me projette, mais c'est-à-dire qu'il n'y a pas grand-chose de l'ordre du plan sur la comète dans ma tête. Tu parlais du présent tout à l'heure, peut-être que c'est ça aussi, que la maladie nous confronte à rester un peu plus ancrés, plus... Enfin, je me projette de manière juste rationnelle, quoi, juste on est encore là. Et si on est là, on cherchera à être heureux, enfin...

  • Speaker #0

    Mais tu l'implutes à ton rapport à la maladie ou à un trait de personnalité indépendant de tout ça ?

  • Speaker #1

    Il y a beaucoup de traits de ma personnalité qui sont quand même liés, mais les deux s'entrecroisent. Et pour toi, donc, le futur ?

  • Speaker #0

    Radieux. Dans le sens où je crois que j'ai plus envie de me prendre la tête. Par le passé, par exemple, j'avais un travail dans lequel j'étais pas épanouie. Je continuais parce que je me disais oui, mais en fait, tu gagnes bien ta vie, et puis il faut avoir un travail, tout ça Actuellement, je travaille en freelance, je choisis mes clients, et en fait, je n'ai plus envie de m'imposer ces contraintes-là. Et donc, je veille vraiment à adapter mon environnement à ce que je suis capable de tolérer ou pas sur le plan personnel. La priorité, alors sans basculer dans un grand égoïsme, mais la priorité, c'est que je me sente bien, et donc je suis très sereine par rapport à l'avenir.

  • Speaker #1

    Mais si on se sent bien, on rend les autres bien. On fait le bonheur des autres. Je suis parfaitement en phase avec ça. Je pense qu'encore une fois, la maladie, ça fait en sorte qu'on n'accepte pas certaines choses, certaines contraintes qui n'en sont pas, en fait. Certaines contraintes qu'on nous met, qu'on s'impose, en fait. On a un peu plus de mal à les accepter en voyant que c'est un peu... que du flan, et que finalement, la maladie, c'est quand même beaucoup plus concret que tout ça. On l'a déjà évoqué, en fait, tout ça.

  • Speaker #0

    Non, mais je suis assez d'accord. Terminé, on a une question moldue par Laurent, vu que lui-même n'est pas concerné par la maladie, mais elle est très pertinente. Donc la question de Laurent, qui nous a accompagnés pour cet enregistrement, et qui est un de nos amis, avec lequel on n'a pas abordé directement ce sujet, pour le moment, c'est comment être utile sans... que ça nous pèse, donc en tant qu'amis ?

  • Speaker #1

    Alors moi, je répondrais tout simplement qu'être présent, c'est déjà amplement suffisant et qu'il faut attendre surtout, je pense, les signaux, qu'ils soient directs ou indirects, que la personne malade t'envoie. C'est important quand même que ça vienne, je pense, je considère quand même que c'est important que ça vienne de la personne malade. La presse... C'est très bien si c'est un non-sujet aussi dans des relations. Ça peut être ça, mais oui, tant que ce n'est pas abordé par le principal ou la principale concernée, c'est peut-être que ce n'est pas un sujet. Même si la personne le sait, même si la personne est au courant. Mais c'est quand on lance la personne que j'attends un soutien. Sinon, que ce soit un non-sujet dans certaines de mes relations, ça me va très bien aussi.

  • Speaker #0

    Ce que j'attends de toi en tant qu'ami, c'est que tu oses poser les questions que tu as en tête sans te censurer, parce que je trouve que ça donne lieu à des échanges qui sont souvent enrichissants. Là, je vais faire le parallèle avec d'autres thématiques un peu de la vie quotidienne hors maladie, mais typiquement avoir un pote qui se dit pas féministe, mais qui pose des questions sur mon ressenti en tant que femme, qui peut être confrontée à des situations d'inégalité. Je trouve ça trop intéressant et ça peut générer des discussions qui... qui vont nous enrichir tous les deux sur mon vécu personnel, mais aussi sur notre perception du monde en général. Pareil, c'est un peu un non-sujet, hormis quelques dates clés ou quelques événements qui vont être un peu difficiles. Je n'aurai pas nécessairement besoin d'en parler. Un pote qui a vécu un décès ou qui a vécu une rupture, il n'y a pas besoin d'en parler tous les jours. Mais juste le fait de savoir que tu es là et que tu es dispo au moment où il a besoin d'en parler, lui, ça va l'apaiser. Et donc, savoir que tu es dispo pour une bonne bière un soir après une IRM, c'est amplement suffisant pour moi.

  • Speaker #1

    Non, c'est très bien le être disponible parce que ça implique que ça peut venir aussi de la personne non concernée, entre guillemets, par la maladie. Mais être disponible, c'est surtout... comprendre l'état d'esprit de la personne, en fait, je pense. Et ses besoins, et ça, oui. Les potes, les personnes dont on est proches le comprennent mieux que quiconque, en fait, peut-être.

  • Speaker #0

    C'est sur cette note positive qu'on va terminer, Thibaut. Un immense merci.

  • Speaker #1

    Merci à toi pour l'invitation. On va juste aller boire devant un match de foot, après une galette de saucisses.

  • Speaker #0

    Un grand merci pour avoir écouté ce premier épisode enregistré en compagnie de Thibaut. Vous ne l'avez pas entendu, mais Laurent a été présent durant tout l'enregistrement, partageant sa bonne humeur et ses questionnements en tant qu'ami. Mon éternelle reconnaissance à tous les deux pour m'avoir accompagné dans cette belle aventure. Si cet épisode vous a plu, vous souhaitez réagir ? Écrivez-moi sur le compte Instagram de l'Anomalie, le lien est dans la description, pour me partager vos retours, qu'ils soient positifs ou plus circonspects. Vous pouvez soutenir mon travail en vous abonnant à ce podcast sur votre plateforme d'écoute préférée. Si vous êtes d'humeur à déplacer des montagnes, vous pouvez attribuer une note et un commentaire à ce podcast. cela m'aidera beaucoup. L'anomalie est un podcast autoproduit par mes soins, entièrement conçu et imaginé entre Ménilmontant et le canal de l'Ourc à Paris. Rendez-vous dans un mois pour le prochain épisode. D'ici là, prenez soin de vous.

Description

Comment vivre avec un déficit immunitaire commun variable ?

Dans ce premier épisode de lanomalie, nous abordons une thématique essentielle : comment gérer le regard des autres lorsque l'on vit avec une maladie chronique ou un handicap invisible ? Pour en discuter, j’ai invité Thibault, un ami atteint d’un déficit immunitaire commun variable (DICV), une pathologie qui touche également plusieurs membres de sa famille. Diagnostiqué dès l’enfance, Thibault partage avec nous son parcours et ses réflexions.


🎙️Au programme du témoignage de Thibault sur le déficit immunitaire commun variable :

  • La construction personnelle : comment il s’est construit en tant qu’homme malgré les défis imposés par la maladie.

  • La prise en compte d'un diagnostic familial : si le diagnostic du déficit immunitaire commun variable a été posé dans l'enfance de Thibault, il concernait également son père et sa soeur.

  • L’importance des proches : le rôle essentiel de sa famille et de son entourage dans son quotidien.

  • Le regard des autres : sa manière de vivre avec un handicap invisible et d’aborder le sujet de sa pathologie. Thibault évoque longuement la notion de pitié, qu'il refuse totalement, dans le cadre de son rapport aux autres.

  • Sa vision d’avenir : quelles sont ses attentes et espoirs pour le futur, compte tenu de la présence du DICV ?

  • Le rapport au monde médical : comment il perçoit le suivi, le traitement et les soins liés à son déficit immunitaire commun variable ?


J’espère que le mots de Thibault vous plairont !


👉 Vous pouvez suivre les aventures de lanomalie sur Instagram : @lanomalie.media 


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Et si on parlait plus ouvertement de la maladie ? Dans l'imaginaire commun, quand la santé va, tout va. Partout on valorise un corps sain, qui tient la route, et dont on souhaite sans cesse repousser les limites. Dès lors, quelle est notre place quand on connaît ponctuellement, ou plus durablement, la présence de la maladie dans notre vie ? Je suis partie à la rencontre des personnes qui, tout comme moi, vivent en compagnie d'une maladie, car à mon sens, poser des mots sur un sujet encore tabou, ça fait du bien. Je vous souhaite la bienvenue dans le premier épisode de l'anomalie, le podcast qui vous la discute. sur la maladie. Dans ce premier épisode, Thibaut, un ami à moi, m'accueille chez lui à Arène pour évoquer son parcours. Nous avons parlé de l'impact de la maladie sur sa construction en tant qu'adulte, de son rapport aux autres, au couple et à la famille. J'ai souri durant tout le montage tellement Thibaut m'a semblé bienveillant et empli de sagesse. J'espère que ce premier épisode vous plaira et qu'il vous apportera de la bonne humeur. Bonne écoute à vous. Hello Thibaut, merci de t'être rendu disponible pour l'enregistrement de ce premier épisode, je suis ravie de le faire avec toi.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup, merci à toi aussi d'être venu jusqu'à Rennes.

  • Speaker #0

    Avec grand, grand plaisir. Il y a un soleil magnifique aujourd'hui et c'est suffisamment rare pour être mentionné.

  • Speaker #1

    Non, comme toujours en Bretagne.

  • Speaker #0

    Avant de commencer pour introduire ce premier épisode, je voudrais dire quelques mots sur toi puisque tout le monde n'a pas la chance de te connaître. Donc on s'est rencontrés il y a 9 ans, au moment de nos études. A la base, c'était plutôt un pote de pote et à force de traîner ensemble, on a fini par faire partie du même groupe. Je dirais que tu es une personne douce, attentionnée, pudique, avec un grain de folie que j'apprécie énormément. Tu es quelqu'un d'entier et ce que j'aime beaucoup chez toi, et je pense que ça s'entendra également en audio, c'est qu'on peut vraiment facilement lire en toi, sur ton visage mais aussi dans ta voix, la plénitude quand tu es content et un air bougon quand tu es contrarié. Au début, j'étais assez soucieuse d'aborder avec toi un sujet aussi intime qu'on avait jusqu'alors abordé... exclusivement en état d'ébriété.

  • Speaker #1

    C'est très bien aussi.

  • Speaker #0

    Et le premier échange qu'on a eu, de manière informelle, était solaire. Et tu m'as spontanément proposé de participer au podcast. Je t'en remercie. On y est, tu es mon premier invité. Je suis ravie de commencer avec toi.

  • Speaker #1

    Je suis très heureux aussi. J'espère que je serai aussi pertinent que quand on avait échangé. J'avais trouvé notre échange très bien. Mais malheureusement, les auditeurs et auditrices auront à écouter celui-ci. J'espère qu'on fera aussi bien.

  • Speaker #0

    La réputation de cet échange repose sur nos deux épaules. Première question pour commencer, si on se rencontrait pour la première fois, qu'est-ce que tu me raconterais de toi ?

  • Speaker #1

    Comme beaucoup de gens, surtout mes passions. Avant tout, ma passion pour le football, pour la musique. Évidemment, je te vois venir. Non, les problèmes de santé passeraient bien après. Ce ne serait pas évoqué du tout. Ce serait avant tout mes plaisirs, mes joies.

  • Speaker #0

    Comment tu l'expliques, le fait de justement pas évoquer tes soucis de santé ? Est-ce que c'est parce que ça ne t'impacte pas dans ta vie de tous les jours ? Ou est-ce que c'est parce que c'est un sujet que tu veux réserver pour des personnes dans lesquelles tu as confiance ?

  • Speaker #1

    Ah oui, si, si, ça a bien un impact au jour le jour, y compris dans mes relations avec les autres. Mais oui, comme tu dis, c'est plus une sorte d'espace réservé qu'autre chose, à ce qui pénètre une sorte de cercle, on va dire. J'ai toujours eu une difficulté quand même à aborder ça. Enfin, il y a toujours une question de timing, de beaucoup de choses. Enfin, que ça ne paraisse pas totalement artificiel non plus. Eh tiens, j'ai une maladie, je vais t'en parler. Donc bon, j'ai fini par restreindre ça. Avant tout, mon cercle proche, voilà. Donc tu en fais partie, bien évidemment. Et donc, c'est pour ça, même tu évoquais du coup dans la présentation, la fois où je t'avais parlé de ma maladie. C'était en soirée, c'est parce qu'on commençait à devenir plutôt bons potes. Donc voilà, c'est la proximité qui fait que, et l'alcool aidant, qu'on en a discuté.

  • Speaker #0

    T'as vachement parlé d'une notion de timing, et comme si c'était important de préparer l'autre à ce qu'il allait entendre. Est-ce que t'as déjà eu des convenus, ou eu le sentiment que c'était pas la bonne manière de le dire ? Parce que j'ai plus l'impression que tu parlais de... comment l'autre allait recevoir ce que tu allais dire plutôt que toi te sentir à l'aise.

  • Speaker #1

    Oui, c'est vrai, mais alors... Oui, j'ai toujours peur... Oui, ça, je ne l'ai pas abordé jusqu'à présent, mais j'ai toujours peur, du coup, de susciter une réaction que je pense que tous les malades comprennent, qui est celle de la pitié. Et donc, effectivement, du coup, ça... ça complexifie... Un peu la chose. Du coup, je reviens à ta question, c'est que tu posais plus la question de la réaction des autres. Et je pense que ma peur vient aussi, ma peur de m'exprimer vis-à-vis de ça, vient aussi non pas des mauvaises expériences que j'ai eues, mais tout simplement d'une réaction normale qui est celle des gens aussi, qui est celle de se sentir aussi un petit peu éprouvé par ce qu'ils entendent en face. Et donc, il y a une réaction qu'eux ne pensent pas blessante. Ça n'a rien à voir avec ça, mais... que nous, on peut mal interpréter. Donc effectivement, il faut un petit peu préparer, tâter le terrain.

  • Speaker #0

    C'est marrant, je te trouve. Plein d'égards. Tu m'amènes à la question que je souhaitais poser à la fin, mais que je vais poser dès maintenant. J'ai eu un échange hier avec un collègue de travail lui parlant du podcast et il m'a dit Bon, du coup, le sujet doit également te concerner. Je lui ai dit que j'avais une sclérose en plaques. On a parlé du fait qu'il n'osait pas me dire qu'il était inquiet, mais que pour autant, il était inquiet. Et je lui ai dit qu'à mes yeux, l'inquiétude était un petit peu en tout cas mentionnée dès le début de l'échange était un peu too much et que j'avais pas envie d'entendre ça finalement j'ai eu l'impression d'être un petit peu dure avec lui je lui dis de manière bien évidemment bienveillante et pleine de pédagogie et d'affection de mon point de vue quand j'aborde un sujet que je trouve aussi complexe et intime c'est éprouvant pour moi d'être confrontée au fait que les autres s'inquiètent pour moi. Comment tu gères ça ? Et est-ce que tu perçois, toi, les choses de la même manière ?

  • Speaker #1

    On en revient à la question du cercle que j'évoquais tout à l'heure. Il y a des gens dont l'inquiétude me va parfaitement, en fait, et que je trouve parfaitement légitime. Mais du coup, j'ai ressenti aussi ce que tu peux ressentir sur le trop, le trop-enfer, justement, les réactions. Je ne trouve pas que... Tu parles de la situation avec ton collègue, ça me paraît être une situation parfaitement normale. J'ai fait la remarque plein de fois à mes proches de ne pas être trop inquiet non plus. C'est pour ça que la question des égards me paraît naturelle pour celui qui reçoit aussi. Parce qu'on va forcément créer une réaction émotionnelle quand on l'évoque. On la maîtrise pas forcément. Il y a de l'humain en face. La personne a une réaction qu'elle pense être appropriée. Je pense pas... Enfin, je suis passé par des stades, évidemment, où ça pouvait me poser problème. Mais là, je pense en être arrivé à un point où ça n'est plus vraiment une question, en fait.

  • Speaker #0

    On n'a pas parlé de toi, ta maladie. On n'est pas obligé de mettre des mots dessus. Mais si tu devais en parler, qu'est-ce que t'en dirais ?

  • Speaker #1

    Ah oui, si, si, je peux quand même l'évoquer. Du coup, c'est un déficit immunitaire commun variable. Enfin, ça, c'est le nom scientifique. Pour les applications, c'est plus... On va dire que j'ai des problèmes de défense immunitaire qui font que j'ai des traitements réguliers, un suivi régulier. Un traitement qui peut être hospitalier, y compris. Donc voilà, ça a quand même une conséquence. Je ne dirais pas dans la vie de tous les jours, mais dans la vie quotidienne du moins. Et puis après, il y a les impacts que ça peut avoir. Je suis plus facilement malade que le commun des mortels, ce genre de choses. J'étais assez malade dans l'enfance et dans l'adolescence, enfin très régulièrement malade. Et puis finalement, on s'est rendu compte que c'était lié justement à ce déficit immunitaire qui appauvrissait mes défenses. Et donc, on a fini par mettre en place un suivi. un suivi médical. Enfin, onge, dis-on, c'est bien d'aider en cela par l'accompagnement de mes parents et des médecins.

  • Speaker #0

    Mais si je comprends bien, il y a eu une période assez longue durant laquelle, en fait, il y a eu un taptonnement et tu n'as pas pu vivre comme tu vis actuellement ?

  • Speaker #1

    Oui, oui, oui, bien sûr. Alors déjà, on ne le savait pas. Je ne sais plus exactement. On ne savait pas ce que j'avais avant mes 6-7 ans. Je savais juste que j'étais très régulièrement malade. Ensuite, à partir de 6-7 ans, de temps, il y a eu... C'est vrai que là, maintenant, c'est vrai que c'est bien de parler de tâtonnement parce qu'effectivement, au début, on en est là, à la fois dans le diagnostic, dans ce qui va se mettre en place. Et je pense que finalement, la médecine, ça n'a pas l'air non plus d'être une science parfaitement exacte. C'est-à-dire qu'il y a des choses qui se mettent en place petit à petit et qu'on affine au fur et à mesure. On se rend compte que telle chose a fonctionné. Alors que ça ne fonctionnerait pas forcément sur telle autre personne. Enfin, je ne suis pas en train de faire du tout à propos anti-science. Du tout. C'est juste que, justement, l'accompagnement, les traitements, c'est justement quelque chose qui se construit, en fait, au final aussi, qui n'est pas quelque chose qui se met en place en quelques heures. Parce qu'au final, oui, du coup, j'ai parlé des traitements que j'avais. J'ai des perfusions d'immunoglobuline régulières. Et puis, pendant un moment... On m'a proposé de passer en sous-cutanée, ce genre de choses. Donc ça a changé totalement le mode de prise en charge qui se faisait à ce moment-là à domicile. Donc ça a chamboulé un peu tout, on en est revenu. Maintenant je suis très heureux d'en être revenu justement, de laisser la maladie... De laisser la maladie à l'hôpital, on va dire. De séparer mon espace de vie quotidienne de l'espace de l'hôpital. Voilà, enfin, je suis un peu trop long là, mais tout ça pour dire que c'est quelque chose qui s'affine.

  • Speaker #0

    Il y a une particularité dans ton rapport à la maladie, c'est que tu l'as appris étant petit. Comment est-ce qu'on comprend les choses quand on est enfant, puis ensuite adolescent, puis jeune homme ? Ça a eu quel impact, toi, sur ta construction ?

  • Speaker #1

    Enfant ne comprend pas, adolescent on le vit très mal, enfin dans mon cas parce que je dis on, je préfère dire je parce que ça peut différer aussi. Mais en fait le truc c'est qu'il me semble que pour tout le monde après l'adolescence il y a quand même une construction qui est très liée au corps en fait. Le corps change, il y a un rapport au corps qui est très particulier à l'adolescence. C'est à ce moment-là qu'on comprend, entre guillemets, nos orientations, enfin tout plein de choses. Donc en fait, au final, le corps joue un rôle hyper important. Et puis au final, on se rend compte qu'on en a un plus ou moins dysfonctionnel. Enfin non, mais qu'il y a deux, trois petites choses qui fonctionnent pas comme pour tout le monde. Donc ça vient rentrer en résonance avec quelque chose que les gens vivent tous. Mais du coup, ça amplifie. En plus, je suis. pas d'une nature très expansive, je pense. Donc après, il y avait quelque chose aussi de beaucoup garder pour soi, beaucoup de non-dit, beaucoup... À l'adolescence, on ne dit pas tout, on se renferme un petit peu et puis du coup, cumuler à des problèmes de santé, ça peut effectivement... Ce n'est pas aller très loin, dans mon cas. Ce que je veux dire, c'est que ça s'ajoute en fait à tout un tas de choses qui sont des réflexions adolescentes.

  • Speaker #0

    C'est déjà une période compliquée en soi. Quand tu ajoutes des problèmes de santé, ça complexifie pas mal les choses. À l'époque, tu en parlais ou tu gardais ça dans une sphère plutôt familiale ?

  • Speaker #1

    J'en parlais un tout petit peu, mais après, contraint et forcé un petit peu. Quand on ne me voyait pas au collège pendant un certain temps, quand je pouvais revenir avec des cathéters au bras, forcément, les gens comprennent qu'il y a deux, trois petits trucs. Après, ce n'était pas quelque chose avec lequel j'étais très à l'aise. Je n'ai pas parlé de la suite, en fait. La suite, je pense que ça a traîné par la suite. Jeune adulte, il y a eu des choses qui sont peut-être restées de l'adolescence, des changements par ailleurs, mais le fait de le vivre vraiment bien, enfin, si tant est qu'on puisse bien le vivre, c'est que... C'est plutôt assez récent. Finalement, ça prend énormément de temps de se construire avec.

  • Speaker #0

    Je suis assez d'accord, ça prend pas mal de temps. Et j'ai l'impression que déjà, tu as évolué depuis la dernière fois qu'on s'est parlé. C'était il y a un mois et demi. Je te trouve très apaisée.

  • Speaker #1

    Non, mais oui, aussi détendue. Après, ça... Ça va peut-être dépendre de mon humeur aussi. Je ne l'aurais peut-être pas abordé pareil à un autre moment. Mais tu es là, tu es venue à Rennes, tout se passe bien, on est détendu.

  • Speaker #0

    Je trouve que c'est assez rassurant de se dire que le rapport à la maladie peut être fluctuant. Moi, je suis en général dans un mood assez positif par rapport à ça. Mais malgré tout, il y a des moments où je suis en colère, des moments où j'ai peur. Et je trouve que c'est cool, même des années après, de s'autoriser à se dire, ben, c'est pas figé, ça peut bouger, je peux en avoir honte à nouveau.

  • Speaker #1

    Oui, oui, non, mais fluctuant, c'est très, très bien. Il y a des allées et des retours. Enfin, il y a des va-et-vient. Et je pense que, quand même, le chemin est celui d'une meilleure acceptation. Toujours, enfin, je pense pas. J'espère que les gens le vivent de mieux en mieux, surtout que... qui trouve un apaisement dans la vie, dans tout.

  • Speaker #0

    Tu me dis, si tu vois les choses de la même manière, j'ai souvent le sentiment que la maladie soulève des problématiques que tu vas être amené à te poser dans ta vie de manière générale. Le fait de s'accepter avec ses limites, le rapport au corps, avoir un corps qu'on n'apprécie pas forcément, mais avec lequel on doit continuer à vivre. La question de la mort, bien évidemment, du deuil d'une perception qu'on avait de soi, la colère. Et en fait, c'est des thématiques assez universelles. que t'es juste forcé de te poser très tôt dans la vie.

  • Speaker #1

    Et de plus en plus, je me fais la réflexion que c'est pas si mal, parce qu'il y a plein de gens qui traversent un paquet d'années de leur existence sans se les poser, et ça leur revient à la tronche finalement plus tard. Donc je pense pas que ce soit, sur cet aspect-là, c'est plutôt... Je ne vais pas dire pas si bénéfique, parce que finalement, oui, tu l'as dit, on se pose des questions qui se posent à tout le monde, mais que certains font le choix quand même de remettre à plus tard, beaucoup. Oui, tu as dit la mort, mais typiquement, je pense que c'en est une quand même. Oui, il y en a beaucoup qui repoussent cette question, question que quand tu es malade, tu es obligé de te poser très rapidement, ou bien... Je ne vais pas rentrer dans le débat philosophique, mais en tout cas, ça pose des questions universelles, c'est très bien.

  • Speaker #0

    Effectivement, moi j'avais le sentiment d'être un peu stupide avant de l'apprendre et d'être très égocentrique. Ça a duré un moment et ensuite, un jour, je suis arrivée chez ma psy, elle m'a demandé comment était ma semaine et je lui ai dit incroyable. Le soleil brillait, je suis allée boire un café en terrasse et elle m'a dit c'est la première fois que vous me dites que vous allez bien. Et qu'en fait, objectivement, ça ne va pas mieux que la semaine dernière parce que vous avez toujours les mêmes problèmes. Mais pour une fois, vous êtes concentré sur ce qu'elle est. et pas sur ce qui vous importunait dans la vie. Et j'ai le sentiment que, avant d'apprendre mon diagnostic et avant d'être à l'aise avec tout ce qui m'arrivait, j'étais très dans l'insatisfaction des choses qui n'étaient pas à mon goût. Et là, désormais, j'ai dû apprendre à lâcher prise.

  • Speaker #1

    Je vais donner mes idées, là. Mais non, mais c'est... On nous pousse dans une sorte de culte de la performance que, finalement, la maladie aussi vient un peu... détruire, enfin, mettre de côté. Là, on se pose, enfin, quand on est malade, on ne se pose plus la question du salaire, est-ce que notre retraite sera gigantesque ou minuscule ? Enfin, on se pose des questions plus prosaïques, en fait, plus en phase avec ce que doit être une vie, quoi. Il n'y a pas à se prendre la tête pour performer je ne sais quoi, enfin, à tous les niveaux, pour performer ou bien... Être le plus riche possible, avoir le salaire le plus important possible, ou bien à d'autres niveaux. Je pense que ça remet les choses en perspective. On est des êtres qui mourront un jour. On espère qu'on soit heureux d'ici là, qu'on vive le maximum de belles choses. Et puis c'est à peu près tout.

  • Speaker #0

    Dans cette perspective de se recentrer sur les choses essentielles, est-ce que tu as malgré tout eu le sentiment de devoir renoncer à des choses à cause de ta maladie ?

  • Speaker #1

    Oui. Oui, des renoncements, oui, complètement. Mais je ne sais pas, typiquement, je pense que même encore aujourd'hui, finalement, des grands voyages dans le désert. Par exemple, un exemple tout bête, petit, je pensais que je deviendrais archéologue, mais avec quelques soucis pulmonaires et de santé, ça s'est vite arrêté là. Mais non, mais c'est complètement bête comme anecdote, mais tout ça pour dire que même dans les voyages que je peux faire, enfin dans... dans même mes mouvements, puisqu'au final, j'ai parlé des traitements, du coup les traitements ça implique qu'ils se fassent quelque part, qu'on ait des rendez-vous pour ça, qu'on fixe finalement un cadre que les gens n'ont pas forcément à fixer s'ils ne sont pas malades. Au bout du compte, on finit par ne plus le vivre trop, je trouve, comme une contrainte, parce que bon, on renonce tout le temps, on renonce à un paquet de choses tout le temps, même sans s'en rendre compte. Ça remet en perspective, on n'est pas grand-chose, enfin, on est grand quand même, mais on n'est pas grand-chose à l'échelle de l'univers, du temps.

  • Speaker #0

    C'est vrai, et d'un côté, je crois qu'il n'y a rien de plus fort que la perception que nous, on a de l'instant présent et de notre capacité à l'apprécier. Quand je suis très inquiète pour certaines choses, ou que je me dis peut-être qu'un jour je vais mourir, et bien évidemment ça peut être marrant, je me dis mais qu'est-ce qu'il y a de plus important que ce que je suis en train de vivre maintenant, et le bonheur que ça me procure juste là d'aller bien. Dans ta famille, t'es pas le seul à avoir cette pathologie. Vous êtes trois. C'est quand même une singularité assez forte d'avoir d'autres personnes autour de soi qui connaissent la même chose. Surtout une sœur dont t'es assez proche en âge. T'as le sentiment que ça a apporté des choses, que ça a été plutôt un caillou dans ta chaussure ?

  • Speaker #1

    Ça a pu poser des difficultés, du coup. C'est sûr, surtout à certains âges. Mais globalement, je dirais que ça a quand même énormément... resserrer nos liens au bout du compte. Donc je ne sais pas si c'est la manière dont ça s'est passé ou si c'est quelque chose de vérifiable ailleurs, mais en tout cas, là, en l'occurrence, ça nous a énormément soudés, que ce soit avec ma soeur, que ce soit avec mes parents et mon petit frère qui, s'il n'a pas la maladie, a vécu les choses avec nous, en fait. Mais voilà, c'est ce que je t'avais déjà dit la dernière fois, en fait, dans l'échange qu'on avait eu, c'est que... Ça a surtout resserré au niveau de la famille proche, enfin de la famille très proche, c'est-à-dire frères et sœurs, père et mère.

  • Speaker #0

    Dans le fait de ne pas être tout seul, donc tu as justement deux personnes très proches de toi qui partagent la même maladie, est-ce que tu as déjà rencontré d'autres personnes ou échangé avec d'autres personnes qui avaient la même chose que toi ?

  • Speaker #1

    Oui, complètement, dans des associations, notamment comme Iris. Vous irez voir, ce n'est pas l'Institut de recherche en stratégie ou je ne sais pas quoi, c'est un autre. Non, mais du coup, oui. Alors, je le fais un peu pour rendre ce qu'on m'a donné et puis pour rassurer aussi certaines personnes. Mais j'ai quand même beaucoup de mal à le faire à l'échelle individuelle. Je suis un peu mal à l'aise avec ça, je ne le provoque pas trop. Et bon, c'est vraiment si je vois que ça peut... Il y a des gens, effectivement, qui ont besoin d'être rassurés à un certain moment, que ce soit ceux qui sont porteurs de la maladie ou pas, leurs proches aussi, qui ont énormément besoin d'être rassurés. Donc, par rapport à ça, on éprouve quand même toujours une satisfaction à le faire. Mais de moi-même, je ne le ferai pas trop, en fait. Par contre, c'est vrai que si on prenait contact avec moi de manière plus individuelle, ça change un peu la donne. Je ne sais pas si je dis ça parce que... forcément comme j'ai des traitements réguliers, j'ai croisé des gens qui avaient ou bien les mêmes pathologies ou bien d'autres pathologies, en fait, dans les services, dans les hôpitaux de jour, tout ça, ça me paraît de suite beaucoup plus simple de nouer une conversation, une relation avec quelqu'un qu'on voit individuellement, que collectivement, comme ça, dans des espaces qui sont hyper importants quand même. Le fait de réunir les gens, ne serait-ce que pour... pour montrer qu'elles ne sont pas isolées, en fait, ces personnes, que beaucoup de gens vivent la même chose. Mais c'est juste une difficulté personnelle que j'ai, enfin, dans ces situations sociales, quoi, on va dire.

  • Speaker #0

    Et est-ce que tu sais ce que ça a changé pour tes parents ? Parce que ton père a appris, je présume, quand il avait 35-40 ans, qu'il était atteint lui-même d'une maladie. Et je présume que pour ta mère, apprendre que son époux... Et deux de ces enfants vont devoir un petit peu revoir leur vie quotidienne. Ça a eu aussi un gros impact ?

  • Speaker #1

    Alors mon père, ça a moins changé sa vie quotidienne. C'est juste que ça a révélé des choses. Par exemple, il n'avait pas fait son service militaire. Il avait été déclaré inapte, mais sans savoir pourquoi. La science n'avait pas encore progressé suffisamment à ce moment-là pour savoir forcément ce qu'il avait. Non, mais après, oui, ça a changé nos vies, nos quotidiens avec ma sœur, bien évidemment. Mais par rebond, ça change le quotidien de tout l'entourage, en fait. Et puis du coup, c'est un peu ma mère qui a pris aussi, je pense que c'est régulièrement le cas, mais la charge en grande partie de la maladie, que ce soit à plein de niveaux administratifs ou autres. Cette charge-là, ça a aussi fait qu'elle n'a pas travaillé pendant des années, entre guillemets. Elle faisait de l'associatif, mais par ailleurs, elle n'avait pas de travail rémunéré. Du coup, oui, non, mais évidemment, ça bouleverse, puisque oui, effectivement, il faut des gens, il faut du temps, en fait, pour s'occuper des malades aussi. Enfin, là, maintenant, j'ai mon autonomie, c'est différent, mais quand on est... Là, je parle plus de la situation des enfants malades. Les enfants malades, là, typiquement, avoir la charge d'un bébé, c'est déjà... Et d'un enfant, c'est déjà assez complexe. Pour le voir récemment auprès de mes amis, je commence à mieux réaliser, à mieux saisir ce que ça représente un enfant malade aujourd'hui.

  • Speaker #0

    Il y a quelque chose de très viscéral dans la relation avec ses parents et a fortiori avec sa maman. Moi, je sais que même si elle ne le souhaite pas, ma mère me transmet ses émotions et notamment une inquiétude démesurée. Et ça peut générer en moi de la colère. Est-ce que tu as déjà été confrontée à cette situation ? Et comment faire la part entre une colère qui peut être légitime et d'un côté, un sentiment d'inquiétude et d'amour que tes parents peuvent légitimement ressentir ?

  • Speaker #1

    Tu le formules très bien parce que c'est vrai qu'un excès d'inquiétude, un excès de... De ce que je voyais avant comme de la pitié, ça génère énormément de colère, de frustration, mais de frustration vis-à-vis de nous-mêmes. Et je pense que, après, c'est aux gens qui accompagnent les malades de comprendre aussi que cette frustration, enfin, que cette colère, elle ne leur est pas destinée. C'est vis-à-vis de nous-mêmes, en fait, à ce moment-là, qu'on est un petit peu frustrés parce qu'on n'a pas accepté suffisamment certaines choses. Mais bon, en tout cas, ma famille, mes proches ont été très patients là-dessus. Tu l'as dit au début, je peux être bougon, je peux être énervé. Je suis d'un naturel très calme, mais c'est... Le problème des gens très calmes, c'est que quand l'excès inverse arrive, il arrive d'autant plus fort, du coup.

  • Speaker #0

    Tu as parlé plusieurs fois de la pitié. Est-ce que tu as un retour particulier à ce sujet ?

  • Speaker #1

    En fait, encore aujourd'hui, je n'accepte pas vraiment la pitié. C'est quelque chose de particulier. C'est aussi pour ça que je ne le dis pas au départ dans les relations. C'est parce que... C'est assez proche de ce que je vois, de ce que je ressens. Pour moi, c'est un peu du paternalisme. Je mets peut-être pitié derrière paternalisme, en fait, parce qu'on va de suite te placer dans une situation, pour moi, qui est inférieure. Pour moi, je traite tout le monde également. Et donc, ça me dérange un petit peu de... Quand les gens changent leur attitude juste parce qu'on leur a annoncé qu'on était comme on était, j'aime pas qu'il y ait des modifications d'attitude. On doit me juger sur autre chose. Ça fait partie de moi, mais c'est pas l'essentiel, on va dire. Enfin, c'est pas l'essentiel, c'est une grosse partie de moi, mais c'est pas sur ça qu'on doit me juger. Si on doit me juger, ce sera sur autre chose. Je peux faire les choses mal, mais... qu'on ne vienne pas non plus, ni dans un sens ni dans l'autre, me dire que ça vient de là. Je ne veux pas penser en tout cas que j'ai fait les choses différemment. Je me suis un peu perdu là, mais bon, vous avez compris l'idée.

  • Speaker #0

    Je trouve que généralement, les réactions qu'ont les personnes extérieures à l'annonce d'une maladie disent beaucoup de choses sur elles. Et la pitié... À mon sens, c'est souvent lié à une question d'ignorance. La personne ne connaît souvent pas le trouble dont on lui parle. Elle a une vision erronée de ce qu'est le fait d'être en handicap. Et donc, elle projette sur nous sa vision de la chose. Et c'est là que la pitié arrive. Très souvent, je me dis qu'il y a un gros problème d'éducation où finalement, on s'intéresse aux questions de la maladie et ou du handicap. que lorsqu'on y est confronté, soit soi-même, soit nos proches, j'ai souvent été très très maladroite avec des membres de mon entourage qui étaient malades parce qu'à l'époque, j'avais pas vraiment réfléchi à la question. En fait, j'ai l'impression aussi que lorsqu'on annonce sa maladie, qui est un sujet qui est très intime et parfois difficile, on nous laisse peu de place à nous en tant que personnes concernées pour raconter les choses et qu'on vit sous cette chape de projection.

  • Speaker #1

    Mais c'est pas mal ! Mais le souci, c'est qu'il y a plusieurs thématiques que tu viens d'aborder. C'est une très très longue réflexion, mais c'était très intéressant. Alors par quel bout je la prends du coup ? Sur la question de la projection, je suis à 100% d'accord, parce que finalement les réactions premières des personnes, c'est juste de projeter souvent leur propre peur, et au final, je ne parle que de ça, mais au final, leur propre... peur de la maladie et donc au bout du compte de la mort. Je condamne pas en fait les indélicatesses. T'as dit qu'il y avait un problème de manque d'éducation là-dessus. Ouais, c'est vrai que le fait finalement de ne jamais aborder ça du point de vue du coup de la personne malade, en fait, d'assez peu demander ce point de vue-là, ça fait qu'on génère encore des... des réactions chez les gens qui nous paraissent inappropriés, mais qui paraissent totalement appropriés à ceux qui les portent. C'est pour ça, encore une fois, que je ne condamne pas. C'est que le travail n'a pas été fait, donc on ne va pas mettre la responsabilité à l'échelle individuelle si la personne réagit sans qu'il y ait de mauvaise volonté. Moi, je mets juste la frontière là, en fait. Si la personne ne te veut pas du mal, bon, ben... Qu'est-ce que tu peux si la réaction est indélicate ? Pas grand chose finalement.

  • Speaker #0

    Et comment est-ce que tu réagis dans ce genre de cas ? Est-ce que tu arrives à verbaliser ? Alors, je ne dirais pas corriger, mais en tout cas, sensibiliser la personne sur le fait que tu as pu être heurté ?

  • Speaker #1

    Il y a quelques années, j'aurais répondu, je le garde pour moi, et je fais la personne un peu ronchon, mais bon, maintenant, je n'ai plus de problème à dire les choses, en tout cas, à tracer ce qui me semble. Être inconvenant pour moi, après, on peut le dire de la bonne manière aussi. On peut le dire sans agressivité aucune. C'est un petit peu dur au début, puisque justement, ça génère une émotion en nous quand même. Mais au fur et à mesure du temps, je pense que de moins en moins... Le truc, c'est que quand on intériorise, on met tout sous le tapis. Ça finit par rejaillir forcément à un autre moment. Du coup, comme je le faisais avant, j'ai fini par voir que c'était peut-être pas l'option adéquate.

  • Speaker #0

    Je crois qu'un truc intéressant à dire pour les personnes qui font partie de l'entourage et qui peuvent avoir des réactions maladroites, c'est que c'est OK de ne pas avoir la réaction appropriée. Le tout, c'est de savoir s'en rendre compte et de revenir vers la personne pour dire Est-ce que tu es satisfait de notre interaction ? Est-ce qu'il y a quelque chose qui ne t'allait pas ? Mais en tout cas, faire preuve de vigilance et d'humilité dans ce genre de cas et de dire Je ne maîtrise pas tout, je n'ai pas le passif de la personne dans le sens où je n'ai pas vécu les mêmes choses. Et puis surtout, je n'ai pas nécessairement accès aux mêmes connaissances et je n'ai pas réfléchi de la même manière. Et c'est toujours important de rester ouvert à une remise en question et surtout à une discussion.

  • Speaker #1

    Oui, c'est ça. Mais du coup, il y a aussi, on vient d'en parler, il y a aussi le fait de... De verbaliser aussi, de leur verbaliser la chose en fait, parce qu'ils ne peuvent pas vraiment saisir non plus si on ne leur dit pas. Il y a des gens qui ont des aptitudes sociales à ça, mais tout le monde ne les a pas. Il y a des gens qui ont plus ou moins les codes en règle générale. Tant qu'on essaye de verbaliser, qu'on voit clairement qu'il n'y a pas de mauvaise volonté en retour, moi de mon côté en tout cas c'est... Même une excuse, j'en attends même pas. C'est quelque chose qui me semble être... Tant que la personne a compris, voilà. C'est même pas une question d'amende honorable ni rien.

  • Speaker #0

    Je voulais te poser une question sur le rapport au couple. La sphère la plus ultime de l'intimité, c'est celle avec la personne qu'on aime. Et c'est assez délicat d'annoncer ce sujet-là, puisqu'on compte énormément pour la personne avec laquelle on est en couple. Il peut y avoir de l'inquiétude qui est légitime, il peut y avoir beaucoup d'affect qui va impacter les choses. Est-ce que tu en as parlé, toi, à ta compagne ?

  • Speaker #1

    Avec ma compagne, elle savait déjà avant, elle était déjà au courant. Je ne connais pas trop le cas de figure inverse, en fait, de commencer à rencontrer quelqu'un, pas forcément proche, du coup. et qu'on serait amené à devoir leur annoncer la chose. Ça, je ne l'ai pas vécu, donc je peux parler uniquement de ce que j'ai vécu. Moi, ça me paraît logique d'en discuter dans la sphère de l'intime, et puis surtout de ne pas le cacher. La question ne s'est même pas posée pour moi, mais si ce n'était pas quelque chose de naturel, oui, ça me poserait quand même problème, en fait. très rapidement ça me paraît pas être en fait je suis très construit là-dessus mais c'est qu'il y a une question une question de transparence à avoir en partie quand on est en couple on met la transparence où on veut j'aurais

  • Speaker #0

    du mal en tout cas à ne pas confronter la personne à ça mais c'est juste qu'elle nous accompagne en fait de mon côté je crois que j'ai mis un an ou deux à en parler à mon compagnon Sans doute parce que j'étais pas en phase et j'étais pas à l'aise avec ce qui m'arrivait. Et j'avais, je pense, pas digéré mon rapport à la maladie. Donc c'était difficile et je crois qu'à un moment, c'est sorti tout seul. Bon, il a bien évidemment pas compris ce qui se passait. C'était pas gravissime. Je vais pas le souvenir qu'il ait eu une réaction catastrophique. En tout cas, moi, mon retour sur le sujet, c'est que ensuite, ça m'a permis beaucoup de lui transmettre les sujets sur lesquels j'étais anxieuse. Au moment où j'ai souhaité reprendre mon suivi avec mon neurologue, il a pu comprendre ce qui pouvait me stresser, il a pu être d'un grand soutien, et finalement je trouve que c'est un relais qui est quand même très très chouette d'avoir une personne à qui on peut se confier entièrement et sur laquelle on sait qu'on peut tout dire, c'est quand même très agréable.

  • Speaker #1

    Oui, c'est en règle générale, le fait d'avoir des piliers, en fait. On en revient à ça, mais du coup, c'est peut-être que je n'envisage pas le couple autrement, en fait. Enfin, comme quelque chose qui nous amarre un petit peu.

  • Speaker #0

    Comment est-ce que tu envisages la question du futur ?

  • Speaker #1

    Je l'envisage très peu, mais bonne question, du coup, parce que je me rends compte que je... C'est pas que je me projette que très peu, mais si, je me projette, mais c'est-à-dire qu'il n'y a pas grand-chose de l'ordre du plan sur la comète dans ma tête. Tu parlais du présent tout à l'heure, peut-être que c'est ça aussi, que la maladie nous confronte à rester un peu plus ancrés, plus... Enfin, je me projette de manière juste rationnelle, quoi, juste on est encore là. Et si on est là, on cherchera à être heureux, enfin...

  • Speaker #0

    Mais tu l'implutes à ton rapport à la maladie ou à un trait de personnalité indépendant de tout ça ?

  • Speaker #1

    Il y a beaucoup de traits de ma personnalité qui sont quand même liés, mais les deux s'entrecroisent. Et pour toi, donc, le futur ?

  • Speaker #0

    Radieux. Dans le sens où je crois que j'ai plus envie de me prendre la tête. Par le passé, par exemple, j'avais un travail dans lequel j'étais pas épanouie. Je continuais parce que je me disais oui, mais en fait, tu gagnes bien ta vie, et puis il faut avoir un travail, tout ça Actuellement, je travaille en freelance, je choisis mes clients, et en fait, je n'ai plus envie de m'imposer ces contraintes-là. Et donc, je veille vraiment à adapter mon environnement à ce que je suis capable de tolérer ou pas sur le plan personnel. La priorité, alors sans basculer dans un grand égoïsme, mais la priorité, c'est que je me sente bien, et donc je suis très sereine par rapport à l'avenir.

  • Speaker #1

    Mais si on se sent bien, on rend les autres bien. On fait le bonheur des autres. Je suis parfaitement en phase avec ça. Je pense qu'encore une fois, la maladie, ça fait en sorte qu'on n'accepte pas certaines choses, certaines contraintes qui n'en sont pas, en fait. Certaines contraintes qu'on nous met, qu'on s'impose, en fait. On a un peu plus de mal à les accepter en voyant que c'est un peu... que du flan, et que finalement, la maladie, c'est quand même beaucoup plus concret que tout ça. On l'a déjà évoqué, en fait, tout ça.

  • Speaker #0

    Non, mais je suis assez d'accord. Terminé, on a une question moldue par Laurent, vu que lui-même n'est pas concerné par la maladie, mais elle est très pertinente. Donc la question de Laurent, qui nous a accompagnés pour cet enregistrement, et qui est un de nos amis, avec lequel on n'a pas abordé directement ce sujet, pour le moment, c'est comment être utile sans... que ça nous pèse, donc en tant qu'amis ?

  • Speaker #1

    Alors moi, je répondrais tout simplement qu'être présent, c'est déjà amplement suffisant et qu'il faut attendre surtout, je pense, les signaux, qu'ils soient directs ou indirects, que la personne malade t'envoie. C'est important quand même que ça vienne, je pense, je considère quand même que c'est important que ça vienne de la personne malade. La presse... C'est très bien si c'est un non-sujet aussi dans des relations. Ça peut être ça, mais oui, tant que ce n'est pas abordé par le principal ou la principale concernée, c'est peut-être que ce n'est pas un sujet. Même si la personne le sait, même si la personne est au courant. Mais c'est quand on lance la personne que j'attends un soutien. Sinon, que ce soit un non-sujet dans certaines de mes relations, ça me va très bien aussi.

  • Speaker #0

    Ce que j'attends de toi en tant qu'ami, c'est que tu oses poser les questions que tu as en tête sans te censurer, parce que je trouve que ça donne lieu à des échanges qui sont souvent enrichissants. Là, je vais faire le parallèle avec d'autres thématiques un peu de la vie quotidienne hors maladie, mais typiquement avoir un pote qui se dit pas féministe, mais qui pose des questions sur mon ressenti en tant que femme, qui peut être confrontée à des situations d'inégalité. Je trouve ça trop intéressant et ça peut générer des discussions qui... qui vont nous enrichir tous les deux sur mon vécu personnel, mais aussi sur notre perception du monde en général. Pareil, c'est un peu un non-sujet, hormis quelques dates clés ou quelques événements qui vont être un peu difficiles. Je n'aurai pas nécessairement besoin d'en parler. Un pote qui a vécu un décès ou qui a vécu une rupture, il n'y a pas besoin d'en parler tous les jours. Mais juste le fait de savoir que tu es là et que tu es dispo au moment où il a besoin d'en parler, lui, ça va l'apaiser. Et donc, savoir que tu es dispo pour une bonne bière un soir après une IRM, c'est amplement suffisant pour moi.

  • Speaker #1

    Non, c'est très bien le être disponible parce que ça implique que ça peut venir aussi de la personne non concernée, entre guillemets, par la maladie. Mais être disponible, c'est surtout... comprendre l'état d'esprit de la personne, en fait, je pense. Et ses besoins, et ça, oui. Les potes, les personnes dont on est proches le comprennent mieux que quiconque, en fait, peut-être.

  • Speaker #0

    C'est sur cette note positive qu'on va terminer, Thibaut. Un immense merci.

  • Speaker #1

    Merci à toi pour l'invitation. On va juste aller boire devant un match de foot, après une galette de saucisses.

  • Speaker #0

    Un grand merci pour avoir écouté ce premier épisode enregistré en compagnie de Thibaut. Vous ne l'avez pas entendu, mais Laurent a été présent durant tout l'enregistrement, partageant sa bonne humeur et ses questionnements en tant qu'ami. Mon éternelle reconnaissance à tous les deux pour m'avoir accompagné dans cette belle aventure. Si cet épisode vous a plu, vous souhaitez réagir ? Écrivez-moi sur le compte Instagram de l'Anomalie, le lien est dans la description, pour me partager vos retours, qu'ils soient positifs ou plus circonspects. Vous pouvez soutenir mon travail en vous abonnant à ce podcast sur votre plateforme d'écoute préférée. Si vous êtes d'humeur à déplacer des montagnes, vous pouvez attribuer une note et un commentaire à ce podcast. cela m'aidera beaucoup. L'anomalie est un podcast autoproduit par mes soins, entièrement conçu et imaginé entre Ménilmontant et le canal de l'Ourc à Paris. Rendez-vous dans un mois pour le prochain épisode. D'ici là, prenez soin de vous.

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Description

Comment vivre avec un déficit immunitaire commun variable ?

Dans ce premier épisode de lanomalie, nous abordons une thématique essentielle : comment gérer le regard des autres lorsque l'on vit avec une maladie chronique ou un handicap invisible ? Pour en discuter, j’ai invité Thibault, un ami atteint d’un déficit immunitaire commun variable (DICV), une pathologie qui touche également plusieurs membres de sa famille. Diagnostiqué dès l’enfance, Thibault partage avec nous son parcours et ses réflexions.


🎙️Au programme du témoignage de Thibault sur le déficit immunitaire commun variable :

  • La construction personnelle : comment il s’est construit en tant qu’homme malgré les défis imposés par la maladie.

  • La prise en compte d'un diagnostic familial : si le diagnostic du déficit immunitaire commun variable a été posé dans l'enfance de Thibault, il concernait également son père et sa soeur.

  • L’importance des proches : le rôle essentiel de sa famille et de son entourage dans son quotidien.

  • Le regard des autres : sa manière de vivre avec un handicap invisible et d’aborder le sujet de sa pathologie. Thibault évoque longuement la notion de pitié, qu'il refuse totalement, dans le cadre de son rapport aux autres.

  • Sa vision d’avenir : quelles sont ses attentes et espoirs pour le futur, compte tenu de la présence du DICV ?

  • Le rapport au monde médical : comment il perçoit le suivi, le traitement et les soins liés à son déficit immunitaire commun variable ?


J’espère que le mots de Thibault vous plairont !


👉 Vous pouvez suivre les aventures de lanomalie sur Instagram : @lanomalie.media 


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Et si on parlait plus ouvertement de la maladie ? Dans l'imaginaire commun, quand la santé va, tout va. Partout on valorise un corps sain, qui tient la route, et dont on souhaite sans cesse repousser les limites. Dès lors, quelle est notre place quand on connaît ponctuellement, ou plus durablement, la présence de la maladie dans notre vie ? Je suis partie à la rencontre des personnes qui, tout comme moi, vivent en compagnie d'une maladie, car à mon sens, poser des mots sur un sujet encore tabou, ça fait du bien. Je vous souhaite la bienvenue dans le premier épisode de l'anomalie, le podcast qui vous la discute. sur la maladie. Dans ce premier épisode, Thibaut, un ami à moi, m'accueille chez lui à Arène pour évoquer son parcours. Nous avons parlé de l'impact de la maladie sur sa construction en tant qu'adulte, de son rapport aux autres, au couple et à la famille. J'ai souri durant tout le montage tellement Thibaut m'a semblé bienveillant et empli de sagesse. J'espère que ce premier épisode vous plaira et qu'il vous apportera de la bonne humeur. Bonne écoute à vous. Hello Thibaut, merci de t'être rendu disponible pour l'enregistrement de ce premier épisode, je suis ravie de le faire avec toi.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup, merci à toi aussi d'être venu jusqu'à Rennes.

  • Speaker #0

    Avec grand, grand plaisir. Il y a un soleil magnifique aujourd'hui et c'est suffisamment rare pour être mentionné.

  • Speaker #1

    Non, comme toujours en Bretagne.

  • Speaker #0

    Avant de commencer pour introduire ce premier épisode, je voudrais dire quelques mots sur toi puisque tout le monde n'a pas la chance de te connaître. Donc on s'est rencontrés il y a 9 ans, au moment de nos études. A la base, c'était plutôt un pote de pote et à force de traîner ensemble, on a fini par faire partie du même groupe. Je dirais que tu es une personne douce, attentionnée, pudique, avec un grain de folie que j'apprécie énormément. Tu es quelqu'un d'entier et ce que j'aime beaucoup chez toi, et je pense que ça s'entendra également en audio, c'est qu'on peut vraiment facilement lire en toi, sur ton visage mais aussi dans ta voix, la plénitude quand tu es content et un air bougon quand tu es contrarié. Au début, j'étais assez soucieuse d'aborder avec toi un sujet aussi intime qu'on avait jusqu'alors abordé... exclusivement en état d'ébriété.

  • Speaker #1

    C'est très bien aussi.

  • Speaker #0

    Et le premier échange qu'on a eu, de manière informelle, était solaire. Et tu m'as spontanément proposé de participer au podcast. Je t'en remercie. On y est, tu es mon premier invité. Je suis ravie de commencer avec toi.

  • Speaker #1

    Je suis très heureux aussi. J'espère que je serai aussi pertinent que quand on avait échangé. J'avais trouvé notre échange très bien. Mais malheureusement, les auditeurs et auditrices auront à écouter celui-ci. J'espère qu'on fera aussi bien.

  • Speaker #0

    La réputation de cet échange repose sur nos deux épaules. Première question pour commencer, si on se rencontrait pour la première fois, qu'est-ce que tu me raconterais de toi ?

  • Speaker #1

    Comme beaucoup de gens, surtout mes passions. Avant tout, ma passion pour le football, pour la musique. Évidemment, je te vois venir. Non, les problèmes de santé passeraient bien après. Ce ne serait pas évoqué du tout. Ce serait avant tout mes plaisirs, mes joies.

  • Speaker #0

    Comment tu l'expliques, le fait de justement pas évoquer tes soucis de santé ? Est-ce que c'est parce que ça ne t'impacte pas dans ta vie de tous les jours ? Ou est-ce que c'est parce que c'est un sujet que tu veux réserver pour des personnes dans lesquelles tu as confiance ?

  • Speaker #1

    Ah oui, si, si, ça a bien un impact au jour le jour, y compris dans mes relations avec les autres. Mais oui, comme tu dis, c'est plus une sorte d'espace réservé qu'autre chose, à ce qui pénètre une sorte de cercle, on va dire. J'ai toujours eu une difficulté quand même à aborder ça. Enfin, il y a toujours une question de timing, de beaucoup de choses. Enfin, que ça ne paraisse pas totalement artificiel non plus. Eh tiens, j'ai une maladie, je vais t'en parler. Donc bon, j'ai fini par restreindre ça. Avant tout, mon cercle proche, voilà. Donc tu en fais partie, bien évidemment. Et donc, c'est pour ça, même tu évoquais du coup dans la présentation, la fois où je t'avais parlé de ma maladie. C'était en soirée, c'est parce qu'on commençait à devenir plutôt bons potes. Donc voilà, c'est la proximité qui fait que, et l'alcool aidant, qu'on en a discuté.

  • Speaker #0

    T'as vachement parlé d'une notion de timing, et comme si c'était important de préparer l'autre à ce qu'il allait entendre. Est-ce que t'as déjà eu des convenus, ou eu le sentiment que c'était pas la bonne manière de le dire ? Parce que j'ai plus l'impression que tu parlais de... comment l'autre allait recevoir ce que tu allais dire plutôt que toi te sentir à l'aise.

  • Speaker #1

    Oui, c'est vrai, mais alors... Oui, j'ai toujours peur... Oui, ça, je ne l'ai pas abordé jusqu'à présent, mais j'ai toujours peur, du coup, de susciter une réaction que je pense que tous les malades comprennent, qui est celle de la pitié. Et donc, effectivement, du coup, ça... ça complexifie... Un peu la chose. Du coup, je reviens à ta question, c'est que tu posais plus la question de la réaction des autres. Et je pense que ma peur vient aussi, ma peur de m'exprimer vis-à-vis de ça, vient aussi non pas des mauvaises expériences que j'ai eues, mais tout simplement d'une réaction normale qui est celle des gens aussi, qui est celle de se sentir aussi un petit peu éprouvé par ce qu'ils entendent en face. Et donc, il y a une réaction qu'eux ne pensent pas blessante. Ça n'a rien à voir avec ça, mais... que nous, on peut mal interpréter. Donc effectivement, il faut un petit peu préparer, tâter le terrain.

  • Speaker #0

    C'est marrant, je te trouve. Plein d'égards. Tu m'amènes à la question que je souhaitais poser à la fin, mais que je vais poser dès maintenant. J'ai eu un échange hier avec un collègue de travail lui parlant du podcast et il m'a dit Bon, du coup, le sujet doit également te concerner. Je lui ai dit que j'avais une sclérose en plaques. On a parlé du fait qu'il n'osait pas me dire qu'il était inquiet, mais que pour autant, il était inquiet. Et je lui ai dit qu'à mes yeux, l'inquiétude était un petit peu en tout cas mentionnée dès le début de l'échange était un peu too much et que j'avais pas envie d'entendre ça finalement j'ai eu l'impression d'être un petit peu dure avec lui je lui dis de manière bien évidemment bienveillante et pleine de pédagogie et d'affection de mon point de vue quand j'aborde un sujet que je trouve aussi complexe et intime c'est éprouvant pour moi d'être confrontée au fait que les autres s'inquiètent pour moi. Comment tu gères ça ? Et est-ce que tu perçois, toi, les choses de la même manière ?

  • Speaker #1

    On en revient à la question du cercle que j'évoquais tout à l'heure. Il y a des gens dont l'inquiétude me va parfaitement, en fait, et que je trouve parfaitement légitime. Mais du coup, j'ai ressenti aussi ce que tu peux ressentir sur le trop, le trop-enfer, justement, les réactions. Je ne trouve pas que... Tu parles de la situation avec ton collègue, ça me paraît être une situation parfaitement normale. J'ai fait la remarque plein de fois à mes proches de ne pas être trop inquiet non plus. C'est pour ça que la question des égards me paraît naturelle pour celui qui reçoit aussi. Parce qu'on va forcément créer une réaction émotionnelle quand on l'évoque. On la maîtrise pas forcément. Il y a de l'humain en face. La personne a une réaction qu'elle pense être appropriée. Je pense pas... Enfin, je suis passé par des stades, évidemment, où ça pouvait me poser problème. Mais là, je pense en être arrivé à un point où ça n'est plus vraiment une question, en fait.

  • Speaker #0

    On n'a pas parlé de toi, ta maladie. On n'est pas obligé de mettre des mots dessus. Mais si tu devais en parler, qu'est-ce que t'en dirais ?

  • Speaker #1

    Ah oui, si, si, je peux quand même l'évoquer. Du coup, c'est un déficit immunitaire commun variable. Enfin, ça, c'est le nom scientifique. Pour les applications, c'est plus... On va dire que j'ai des problèmes de défense immunitaire qui font que j'ai des traitements réguliers, un suivi régulier. Un traitement qui peut être hospitalier, y compris. Donc voilà, ça a quand même une conséquence. Je ne dirais pas dans la vie de tous les jours, mais dans la vie quotidienne du moins. Et puis après, il y a les impacts que ça peut avoir. Je suis plus facilement malade que le commun des mortels, ce genre de choses. J'étais assez malade dans l'enfance et dans l'adolescence, enfin très régulièrement malade. Et puis finalement, on s'est rendu compte que c'était lié justement à ce déficit immunitaire qui appauvrissait mes défenses. Et donc, on a fini par mettre en place un suivi. un suivi médical. Enfin, onge, dis-on, c'est bien d'aider en cela par l'accompagnement de mes parents et des médecins.

  • Speaker #0

    Mais si je comprends bien, il y a eu une période assez longue durant laquelle, en fait, il y a eu un taptonnement et tu n'as pas pu vivre comme tu vis actuellement ?

  • Speaker #1

    Oui, oui, oui, bien sûr. Alors déjà, on ne le savait pas. Je ne sais plus exactement. On ne savait pas ce que j'avais avant mes 6-7 ans. Je savais juste que j'étais très régulièrement malade. Ensuite, à partir de 6-7 ans, de temps, il y a eu... C'est vrai que là, maintenant, c'est vrai que c'est bien de parler de tâtonnement parce qu'effectivement, au début, on en est là, à la fois dans le diagnostic, dans ce qui va se mettre en place. Et je pense que finalement, la médecine, ça n'a pas l'air non plus d'être une science parfaitement exacte. C'est-à-dire qu'il y a des choses qui se mettent en place petit à petit et qu'on affine au fur et à mesure. On se rend compte que telle chose a fonctionné. Alors que ça ne fonctionnerait pas forcément sur telle autre personne. Enfin, je ne suis pas en train de faire du tout à propos anti-science. Du tout. C'est juste que, justement, l'accompagnement, les traitements, c'est justement quelque chose qui se construit, en fait, au final aussi, qui n'est pas quelque chose qui se met en place en quelques heures. Parce qu'au final, oui, du coup, j'ai parlé des traitements que j'avais. J'ai des perfusions d'immunoglobuline régulières. Et puis, pendant un moment... On m'a proposé de passer en sous-cutanée, ce genre de choses. Donc ça a changé totalement le mode de prise en charge qui se faisait à ce moment-là à domicile. Donc ça a chamboulé un peu tout, on en est revenu. Maintenant je suis très heureux d'en être revenu justement, de laisser la maladie... De laisser la maladie à l'hôpital, on va dire. De séparer mon espace de vie quotidienne de l'espace de l'hôpital. Voilà, enfin, je suis un peu trop long là, mais tout ça pour dire que c'est quelque chose qui s'affine.

  • Speaker #0

    Il y a une particularité dans ton rapport à la maladie, c'est que tu l'as appris étant petit. Comment est-ce qu'on comprend les choses quand on est enfant, puis ensuite adolescent, puis jeune homme ? Ça a eu quel impact, toi, sur ta construction ?

  • Speaker #1

    Enfant ne comprend pas, adolescent on le vit très mal, enfin dans mon cas parce que je dis on, je préfère dire je parce que ça peut différer aussi. Mais en fait le truc c'est qu'il me semble que pour tout le monde après l'adolescence il y a quand même une construction qui est très liée au corps en fait. Le corps change, il y a un rapport au corps qui est très particulier à l'adolescence. C'est à ce moment-là qu'on comprend, entre guillemets, nos orientations, enfin tout plein de choses. Donc en fait, au final, le corps joue un rôle hyper important. Et puis au final, on se rend compte qu'on en a un plus ou moins dysfonctionnel. Enfin non, mais qu'il y a deux, trois petites choses qui fonctionnent pas comme pour tout le monde. Donc ça vient rentrer en résonance avec quelque chose que les gens vivent tous. Mais du coup, ça amplifie. En plus, je suis. pas d'une nature très expansive, je pense. Donc après, il y avait quelque chose aussi de beaucoup garder pour soi, beaucoup de non-dit, beaucoup... À l'adolescence, on ne dit pas tout, on se renferme un petit peu et puis du coup, cumuler à des problèmes de santé, ça peut effectivement... Ce n'est pas aller très loin, dans mon cas. Ce que je veux dire, c'est que ça s'ajoute en fait à tout un tas de choses qui sont des réflexions adolescentes.

  • Speaker #0

    C'est déjà une période compliquée en soi. Quand tu ajoutes des problèmes de santé, ça complexifie pas mal les choses. À l'époque, tu en parlais ou tu gardais ça dans une sphère plutôt familiale ?

  • Speaker #1

    J'en parlais un tout petit peu, mais après, contraint et forcé un petit peu. Quand on ne me voyait pas au collège pendant un certain temps, quand je pouvais revenir avec des cathéters au bras, forcément, les gens comprennent qu'il y a deux, trois petits trucs. Après, ce n'était pas quelque chose avec lequel j'étais très à l'aise. Je n'ai pas parlé de la suite, en fait. La suite, je pense que ça a traîné par la suite. Jeune adulte, il y a eu des choses qui sont peut-être restées de l'adolescence, des changements par ailleurs, mais le fait de le vivre vraiment bien, enfin, si tant est qu'on puisse bien le vivre, c'est que... C'est plutôt assez récent. Finalement, ça prend énormément de temps de se construire avec.

  • Speaker #0

    Je suis assez d'accord, ça prend pas mal de temps. Et j'ai l'impression que déjà, tu as évolué depuis la dernière fois qu'on s'est parlé. C'était il y a un mois et demi. Je te trouve très apaisée.

  • Speaker #1

    Non, mais oui, aussi détendue. Après, ça... Ça va peut-être dépendre de mon humeur aussi. Je ne l'aurais peut-être pas abordé pareil à un autre moment. Mais tu es là, tu es venue à Rennes, tout se passe bien, on est détendu.

  • Speaker #0

    Je trouve que c'est assez rassurant de se dire que le rapport à la maladie peut être fluctuant. Moi, je suis en général dans un mood assez positif par rapport à ça. Mais malgré tout, il y a des moments où je suis en colère, des moments où j'ai peur. Et je trouve que c'est cool, même des années après, de s'autoriser à se dire, ben, c'est pas figé, ça peut bouger, je peux en avoir honte à nouveau.

  • Speaker #1

    Oui, oui, non, mais fluctuant, c'est très, très bien. Il y a des allées et des retours. Enfin, il y a des va-et-vient. Et je pense que, quand même, le chemin est celui d'une meilleure acceptation. Toujours, enfin, je pense pas. J'espère que les gens le vivent de mieux en mieux, surtout que... qui trouve un apaisement dans la vie, dans tout.

  • Speaker #0

    Tu me dis, si tu vois les choses de la même manière, j'ai souvent le sentiment que la maladie soulève des problématiques que tu vas être amené à te poser dans ta vie de manière générale. Le fait de s'accepter avec ses limites, le rapport au corps, avoir un corps qu'on n'apprécie pas forcément, mais avec lequel on doit continuer à vivre. La question de la mort, bien évidemment, du deuil d'une perception qu'on avait de soi, la colère. Et en fait, c'est des thématiques assez universelles. que t'es juste forcé de te poser très tôt dans la vie.

  • Speaker #1

    Et de plus en plus, je me fais la réflexion que c'est pas si mal, parce qu'il y a plein de gens qui traversent un paquet d'années de leur existence sans se les poser, et ça leur revient à la tronche finalement plus tard. Donc je pense pas que ce soit, sur cet aspect-là, c'est plutôt... Je ne vais pas dire pas si bénéfique, parce que finalement, oui, tu l'as dit, on se pose des questions qui se posent à tout le monde, mais que certains font le choix quand même de remettre à plus tard, beaucoup. Oui, tu as dit la mort, mais typiquement, je pense que c'en est une quand même. Oui, il y en a beaucoup qui repoussent cette question, question que quand tu es malade, tu es obligé de te poser très rapidement, ou bien... Je ne vais pas rentrer dans le débat philosophique, mais en tout cas, ça pose des questions universelles, c'est très bien.

  • Speaker #0

    Effectivement, moi j'avais le sentiment d'être un peu stupide avant de l'apprendre et d'être très égocentrique. Ça a duré un moment et ensuite, un jour, je suis arrivée chez ma psy, elle m'a demandé comment était ma semaine et je lui ai dit incroyable. Le soleil brillait, je suis allée boire un café en terrasse et elle m'a dit c'est la première fois que vous me dites que vous allez bien. Et qu'en fait, objectivement, ça ne va pas mieux que la semaine dernière parce que vous avez toujours les mêmes problèmes. Mais pour une fois, vous êtes concentré sur ce qu'elle est. et pas sur ce qui vous importunait dans la vie. Et j'ai le sentiment que, avant d'apprendre mon diagnostic et avant d'être à l'aise avec tout ce qui m'arrivait, j'étais très dans l'insatisfaction des choses qui n'étaient pas à mon goût. Et là, désormais, j'ai dû apprendre à lâcher prise.

  • Speaker #1

    Je vais donner mes idées, là. Mais non, mais c'est... On nous pousse dans une sorte de culte de la performance que, finalement, la maladie aussi vient un peu... détruire, enfin, mettre de côté. Là, on se pose, enfin, quand on est malade, on ne se pose plus la question du salaire, est-ce que notre retraite sera gigantesque ou minuscule ? Enfin, on se pose des questions plus prosaïques, en fait, plus en phase avec ce que doit être une vie, quoi. Il n'y a pas à se prendre la tête pour performer je ne sais quoi, enfin, à tous les niveaux, pour performer ou bien... Être le plus riche possible, avoir le salaire le plus important possible, ou bien à d'autres niveaux. Je pense que ça remet les choses en perspective. On est des êtres qui mourront un jour. On espère qu'on soit heureux d'ici là, qu'on vive le maximum de belles choses. Et puis c'est à peu près tout.

  • Speaker #0

    Dans cette perspective de se recentrer sur les choses essentielles, est-ce que tu as malgré tout eu le sentiment de devoir renoncer à des choses à cause de ta maladie ?

  • Speaker #1

    Oui. Oui, des renoncements, oui, complètement. Mais je ne sais pas, typiquement, je pense que même encore aujourd'hui, finalement, des grands voyages dans le désert. Par exemple, un exemple tout bête, petit, je pensais que je deviendrais archéologue, mais avec quelques soucis pulmonaires et de santé, ça s'est vite arrêté là. Mais non, mais c'est complètement bête comme anecdote, mais tout ça pour dire que même dans les voyages que je peux faire, enfin dans... dans même mes mouvements, puisqu'au final, j'ai parlé des traitements, du coup les traitements ça implique qu'ils se fassent quelque part, qu'on ait des rendez-vous pour ça, qu'on fixe finalement un cadre que les gens n'ont pas forcément à fixer s'ils ne sont pas malades. Au bout du compte, on finit par ne plus le vivre trop, je trouve, comme une contrainte, parce que bon, on renonce tout le temps, on renonce à un paquet de choses tout le temps, même sans s'en rendre compte. Ça remet en perspective, on n'est pas grand-chose, enfin, on est grand quand même, mais on n'est pas grand-chose à l'échelle de l'univers, du temps.

  • Speaker #0

    C'est vrai, et d'un côté, je crois qu'il n'y a rien de plus fort que la perception que nous, on a de l'instant présent et de notre capacité à l'apprécier. Quand je suis très inquiète pour certaines choses, ou que je me dis peut-être qu'un jour je vais mourir, et bien évidemment ça peut être marrant, je me dis mais qu'est-ce qu'il y a de plus important que ce que je suis en train de vivre maintenant, et le bonheur que ça me procure juste là d'aller bien. Dans ta famille, t'es pas le seul à avoir cette pathologie. Vous êtes trois. C'est quand même une singularité assez forte d'avoir d'autres personnes autour de soi qui connaissent la même chose. Surtout une sœur dont t'es assez proche en âge. T'as le sentiment que ça a apporté des choses, que ça a été plutôt un caillou dans ta chaussure ?

  • Speaker #1

    Ça a pu poser des difficultés, du coup. C'est sûr, surtout à certains âges. Mais globalement, je dirais que ça a quand même énormément... resserrer nos liens au bout du compte. Donc je ne sais pas si c'est la manière dont ça s'est passé ou si c'est quelque chose de vérifiable ailleurs, mais en tout cas, là, en l'occurrence, ça nous a énormément soudés, que ce soit avec ma soeur, que ce soit avec mes parents et mon petit frère qui, s'il n'a pas la maladie, a vécu les choses avec nous, en fait. Mais voilà, c'est ce que je t'avais déjà dit la dernière fois, en fait, dans l'échange qu'on avait eu, c'est que... Ça a surtout resserré au niveau de la famille proche, enfin de la famille très proche, c'est-à-dire frères et sœurs, père et mère.

  • Speaker #0

    Dans le fait de ne pas être tout seul, donc tu as justement deux personnes très proches de toi qui partagent la même maladie, est-ce que tu as déjà rencontré d'autres personnes ou échangé avec d'autres personnes qui avaient la même chose que toi ?

  • Speaker #1

    Oui, complètement, dans des associations, notamment comme Iris. Vous irez voir, ce n'est pas l'Institut de recherche en stratégie ou je ne sais pas quoi, c'est un autre. Non, mais du coup, oui. Alors, je le fais un peu pour rendre ce qu'on m'a donné et puis pour rassurer aussi certaines personnes. Mais j'ai quand même beaucoup de mal à le faire à l'échelle individuelle. Je suis un peu mal à l'aise avec ça, je ne le provoque pas trop. Et bon, c'est vraiment si je vois que ça peut... Il y a des gens, effectivement, qui ont besoin d'être rassurés à un certain moment, que ce soit ceux qui sont porteurs de la maladie ou pas, leurs proches aussi, qui ont énormément besoin d'être rassurés. Donc, par rapport à ça, on éprouve quand même toujours une satisfaction à le faire. Mais de moi-même, je ne le ferai pas trop, en fait. Par contre, c'est vrai que si on prenait contact avec moi de manière plus individuelle, ça change un peu la donne. Je ne sais pas si je dis ça parce que... forcément comme j'ai des traitements réguliers, j'ai croisé des gens qui avaient ou bien les mêmes pathologies ou bien d'autres pathologies, en fait, dans les services, dans les hôpitaux de jour, tout ça, ça me paraît de suite beaucoup plus simple de nouer une conversation, une relation avec quelqu'un qu'on voit individuellement, que collectivement, comme ça, dans des espaces qui sont hyper importants quand même. Le fait de réunir les gens, ne serait-ce que pour... pour montrer qu'elles ne sont pas isolées, en fait, ces personnes, que beaucoup de gens vivent la même chose. Mais c'est juste une difficulté personnelle que j'ai, enfin, dans ces situations sociales, quoi, on va dire.

  • Speaker #0

    Et est-ce que tu sais ce que ça a changé pour tes parents ? Parce que ton père a appris, je présume, quand il avait 35-40 ans, qu'il était atteint lui-même d'une maladie. Et je présume que pour ta mère, apprendre que son époux... Et deux de ces enfants vont devoir un petit peu revoir leur vie quotidienne. Ça a eu aussi un gros impact ?

  • Speaker #1

    Alors mon père, ça a moins changé sa vie quotidienne. C'est juste que ça a révélé des choses. Par exemple, il n'avait pas fait son service militaire. Il avait été déclaré inapte, mais sans savoir pourquoi. La science n'avait pas encore progressé suffisamment à ce moment-là pour savoir forcément ce qu'il avait. Non, mais après, oui, ça a changé nos vies, nos quotidiens avec ma sœur, bien évidemment. Mais par rebond, ça change le quotidien de tout l'entourage, en fait. Et puis du coup, c'est un peu ma mère qui a pris aussi, je pense que c'est régulièrement le cas, mais la charge en grande partie de la maladie, que ce soit à plein de niveaux administratifs ou autres. Cette charge-là, ça a aussi fait qu'elle n'a pas travaillé pendant des années, entre guillemets. Elle faisait de l'associatif, mais par ailleurs, elle n'avait pas de travail rémunéré. Du coup, oui, non, mais évidemment, ça bouleverse, puisque oui, effectivement, il faut des gens, il faut du temps, en fait, pour s'occuper des malades aussi. Enfin, là, maintenant, j'ai mon autonomie, c'est différent, mais quand on est... Là, je parle plus de la situation des enfants malades. Les enfants malades, là, typiquement, avoir la charge d'un bébé, c'est déjà... Et d'un enfant, c'est déjà assez complexe. Pour le voir récemment auprès de mes amis, je commence à mieux réaliser, à mieux saisir ce que ça représente un enfant malade aujourd'hui.

  • Speaker #0

    Il y a quelque chose de très viscéral dans la relation avec ses parents et a fortiori avec sa maman. Moi, je sais que même si elle ne le souhaite pas, ma mère me transmet ses émotions et notamment une inquiétude démesurée. Et ça peut générer en moi de la colère. Est-ce que tu as déjà été confrontée à cette situation ? Et comment faire la part entre une colère qui peut être légitime et d'un côté, un sentiment d'inquiétude et d'amour que tes parents peuvent légitimement ressentir ?

  • Speaker #1

    Tu le formules très bien parce que c'est vrai qu'un excès d'inquiétude, un excès de... De ce que je voyais avant comme de la pitié, ça génère énormément de colère, de frustration, mais de frustration vis-à-vis de nous-mêmes. Et je pense que, après, c'est aux gens qui accompagnent les malades de comprendre aussi que cette frustration, enfin, que cette colère, elle ne leur est pas destinée. C'est vis-à-vis de nous-mêmes, en fait, à ce moment-là, qu'on est un petit peu frustrés parce qu'on n'a pas accepté suffisamment certaines choses. Mais bon, en tout cas, ma famille, mes proches ont été très patients là-dessus. Tu l'as dit au début, je peux être bougon, je peux être énervé. Je suis d'un naturel très calme, mais c'est... Le problème des gens très calmes, c'est que quand l'excès inverse arrive, il arrive d'autant plus fort, du coup.

  • Speaker #0

    Tu as parlé plusieurs fois de la pitié. Est-ce que tu as un retour particulier à ce sujet ?

  • Speaker #1

    En fait, encore aujourd'hui, je n'accepte pas vraiment la pitié. C'est quelque chose de particulier. C'est aussi pour ça que je ne le dis pas au départ dans les relations. C'est parce que... C'est assez proche de ce que je vois, de ce que je ressens. Pour moi, c'est un peu du paternalisme. Je mets peut-être pitié derrière paternalisme, en fait, parce qu'on va de suite te placer dans une situation, pour moi, qui est inférieure. Pour moi, je traite tout le monde également. Et donc, ça me dérange un petit peu de... Quand les gens changent leur attitude juste parce qu'on leur a annoncé qu'on était comme on était, j'aime pas qu'il y ait des modifications d'attitude. On doit me juger sur autre chose. Ça fait partie de moi, mais c'est pas l'essentiel, on va dire. Enfin, c'est pas l'essentiel, c'est une grosse partie de moi, mais c'est pas sur ça qu'on doit me juger. Si on doit me juger, ce sera sur autre chose. Je peux faire les choses mal, mais... qu'on ne vienne pas non plus, ni dans un sens ni dans l'autre, me dire que ça vient de là. Je ne veux pas penser en tout cas que j'ai fait les choses différemment. Je me suis un peu perdu là, mais bon, vous avez compris l'idée.

  • Speaker #0

    Je trouve que généralement, les réactions qu'ont les personnes extérieures à l'annonce d'une maladie disent beaucoup de choses sur elles. Et la pitié... À mon sens, c'est souvent lié à une question d'ignorance. La personne ne connaît souvent pas le trouble dont on lui parle. Elle a une vision erronée de ce qu'est le fait d'être en handicap. Et donc, elle projette sur nous sa vision de la chose. Et c'est là que la pitié arrive. Très souvent, je me dis qu'il y a un gros problème d'éducation où finalement, on s'intéresse aux questions de la maladie et ou du handicap. que lorsqu'on y est confronté, soit soi-même, soit nos proches, j'ai souvent été très très maladroite avec des membres de mon entourage qui étaient malades parce qu'à l'époque, j'avais pas vraiment réfléchi à la question. En fait, j'ai l'impression aussi que lorsqu'on annonce sa maladie, qui est un sujet qui est très intime et parfois difficile, on nous laisse peu de place à nous en tant que personnes concernées pour raconter les choses et qu'on vit sous cette chape de projection.

  • Speaker #1

    Mais c'est pas mal ! Mais le souci, c'est qu'il y a plusieurs thématiques que tu viens d'aborder. C'est une très très longue réflexion, mais c'était très intéressant. Alors par quel bout je la prends du coup ? Sur la question de la projection, je suis à 100% d'accord, parce que finalement les réactions premières des personnes, c'est juste de projeter souvent leur propre peur, et au final, je ne parle que de ça, mais au final, leur propre... peur de la maladie et donc au bout du compte de la mort. Je condamne pas en fait les indélicatesses. T'as dit qu'il y avait un problème de manque d'éducation là-dessus. Ouais, c'est vrai que le fait finalement de ne jamais aborder ça du point de vue du coup de la personne malade, en fait, d'assez peu demander ce point de vue-là, ça fait qu'on génère encore des... des réactions chez les gens qui nous paraissent inappropriés, mais qui paraissent totalement appropriés à ceux qui les portent. C'est pour ça, encore une fois, que je ne condamne pas. C'est que le travail n'a pas été fait, donc on ne va pas mettre la responsabilité à l'échelle individuelle si la personne réagit sans qu'il y ait de mauvaise volonté. Moi, je mets juste la frontière là, en fait. Si la personne ne te veut pas du mal, bon, ben... Qu'est-ce que tu peux si la réaction est indélicate ? Pas grand chose finalement.

  • Speaker #0

    Et comment est-ce que tu réagis dans ce genre de cas ? Est-ce que tu arrives à verbaliser ? Alors, je ne dirais pas corriger, mais en tout cas, sensibiliser la personne sur le fait que tu as pu être heurté ?

  • Speaker #1

    Il y a quelques années, j'aurais répondu, je le garde pour moi, et je fais la personne un peu ronchon, mais bon, maintenant, je n'ai plus de problème à dire les choses, en tout cas, à tracer ce qui me semble. Être inconvenant pour moi, après, on peut le dire de la bonne manière aussi. On peut le dire sans agressivité aucune. C'est un petit peu dur au début, puisque justement, ça génère une émotion en nous quand même. Mais au fur et à mesure du temps, je pense que de moins en moins... Le truc, c'est que quand on intériorise, on met tout sous le tapis. Ça finit par rejaillir forcément à un autre moment. Du coup, comme je le faisais avant, j'ai fini par voir que c'était peut-être pas l'option adéquate.

  • Speaker #0

    Je crois qu'un truc intéressant à dire pour les personnes qui font partie de l'entourage et qui peuvent avoir des réactions maladroites, c'est que c'est OK de ne pas avoir la réaction appropriée. Le tout, c'est de savoir s'en rendre compte et de revenir vers la personne pour dire Est-ce que tu es satisfait de notre interaction ? Est-ce qu'il y a quelque chose qui ne t'allait pas ? Mais en tout cas, faire preuve de vigilance et d'humilité dans ce genre de cas et de dire Je ne maîtrise pas tout, je n'ai pas le passif de la personne dans le sens où je n'ai pas vécu les mêmes choses. Et puis surtout, je n'ai pas nécessairement accès aux mêmes connaissances et je n'ai pas réfléchi de la même manière. Et c'est toujours important de rester ouvert à une remise en question et surtout à une discussion.

  • Speaker #1

    Oui, c'est ça. Mais du coup, il y a aussi, on vient d'en parler, il y a aussi le fait de... De verbaliser aussi, de leur verbaliser la chose en fait, parce qu'ils ne peuvent pas vraiment saisir non plus si on ne leur dit pas. Il y a des gens qui ont des aptitudes sociales à ça, mais tout le monde ne les a pas. Il y a des gens qui ont plus ou moins les codes en règle générale. Tant qu'on essaye de verbaliser, qu'on voit clairement qu'il n'y a pas de mauvaise volonté en retour, moi de mon côté en tout cas c'est... Même une excuse, j'en attends même pas. C'est quelque chose qui me semble être... Tant que la personne a compris, voilà. C'est même pas une question d'amende honorable ni rien.

  • Speaker #0

    Je voulais te poser une question sur le rapport au couple. La sphère la plus ultime de l'intimité, c'est celle avec la personne qu'on aime. Et c'est assez délicat d'annoncer ce sujet-là, puisqu'on compte énormément pour la personne avec laquelle on est en couple. Il peut y avoir de l'inquiétude qui est légitime, il peut y avoir beaucoup d'affect qui va impacter les choses. Est-ce que tu en as parlé, toi, à ta compagne ?

  • Speaker #1

    Avec ma compagne, elle savait déjà avant, elle était déjà au courant. Je ne connais pas trop le cas de figure inverse, en fait, de commencer à rencontrer quelqu'un, pas forcément proche, du coup. et qu'on serait amené à devoir leur annoncer la chose. Ça, je ne l'ai pas vécu, donc je peux parler uniquement de ce que j'ai vécu. Moi, ça me paraît logique d'en discuter dans la sphère de l'intime, et puis surtout de ne pas le cacher. La question ne s'est même pas posée pour moi, mais si ce n'était pas quelque chose de naturel, oui, ça me poserait quand même problème, en fait. très rapidement ça me paraît pas être en fait je suis très construit là-dessus mais c'est qu'il y a une question une question de transparence à avoir en partie quand on est en couple on met la transparence où on veut j'aurais

  • Speaker #0

    du mal en tout cas à ne pas confronter la personne à ça mais c'est juste qu'elle nous accompagne en fait de mon côté je crois que j'ai mis un an ou deux à en parler à mon compagnon Sans doute parce que j'étais pas en phase et j'étais pas à l'aise avec ce qui m'arrivait. Et j'avais, je pense, pas digéré mon rapport à la maladie. Donc c'était difficile et je crois qu'à un moment, c'est sorti tout seul. Bon, il a bien évidemment pas compris ce qui se passait. C'était pas gravissime. Je vais pas le souvenir qu'il ait eu une réaction catastrophique. En tout cas, moi, mon retour sur le sujet, c'est que ensuite, ça m'a permis beaucoup de lui transmettre les sujets sur lesquels j'étais anxieuse. Au moment où j'ai souhaité reprendre mon suivi avec mon neurologue, il a pu comprendre ce qui pouvait me stresser, il a pu être d'un grand soutien, et finalement je trouve que c'est un relais qui est quand même très très chouette d'avoir une personne à qui on peut se confier entièrement et sur laquelle on sait qu'on peut tout dire, c'est quand même très agréable.

  • Speaker #1

    Oui, c'est en règle générale, le fait d'avoir des piliers, en fait. On en revient à ça, mais du coup, c'est peut-être que je n'envisage pas le couple autrement, en fait. Enfin, comme quelque chose qui nous amarre un petit peu.

  • Speaker #0

    Comment est-ce que tu envisages la question du futur ?

  • Speaker #1

    Je l'envisage très peu, mais bonne question, du coup, parce que je me rends compte que je... C'est pas que je me projette que très peu, mais si, je me projette, mais c'est-à-dire qu'il n'y a pas grand-chose de l'ordre du plan sur la comète dans ma tête. Tu parlais du présent tout à l'heure, peut-être que c'est ça aussi, que la maladie nous confronte à rester un peu plus ancrés, plus... Enfin, je me projette de manière juste rationnelle, quoi, juste on est encore là. Et si on est là, on cherchera à être heureux, enfin...

  • Speaker #0

    Mais tu l'implutes à ton rapport à la maladie ou à un trait de personnalité indépendant de tout ça ?

  • Speaker #1

    Il y a beaucoup de traits de ma personnalité qui sont quand même liés, mais les deux s'entrecroisent. Et pour toi, donc, le futur ?

  • Speaker #0

    Radieux. Dans le sens où je crois que j'ai plus envie de me prendre la tête. Par le passé, par exemple, j'avais un travail dans lequel j'étais pas épanouie. Je continuais parce que je me disais oui, mais en fait, tu gagnes bien ta vie, et puis il faut avoir un travail, tout ça Actuellement, je travaille en freelance, je choisis mes clients, et en fait, je n'ai plus envie de m'imposer ces contraintes-là. Et donc, je veille vraiment à adapter mon environnement à ce que je suis capable de tolérer ou pas sur le plan personnel. La priorité, alors sans basculer dans un grand égoïsme, mais la priorité, c'est que je me sente bien, et donc je suis très sereine par rapport à l'avenir.

  • Speaker #1

    Mais si on se sent bien, on rend les autres bien. On fait le bonheur des autres. Je suis parfaitement en phase avec ça. Je pense qu'encore une fois, la maladie, ça fait en sorte qu'on n'accepte pas certaines choses, certaines contraintes qui n'en sont pas, en fait. Certaines contraintes qu'on nous met, qu'on s'impose, en fait. On a un peu plus de mal à les accepter en voyant que c'est un peu... que du flan, et que finalement, la maladie, c'est quand même beaucoup plus concret que tout ça. On l'a déjà évoqué, en fait, tout ça.

  • Speaker #0

    Non, mais je suis assez d'accord. Terminé, on a une question moldue par Laurent, vu que lui-même n'est pas concerné par la maladie, mais elle est très pertinente. Donc la question de Laurent, qui nous a accompagnés pour cet enregistrement, et qui est un de nos amis, avec lequel on n'a pas abordé directement ce sujet, pour le moment, c'est comment être utile sans... que ça nous pèse, donc en tant qu'amis ?

  • Speaker #1

    Alors moi, je répondrais tout simplement qu'être présent, c'est déjà amplement suffisant et qu'il faut attendre surtout, je pense, les signaux, qu'ils soient directs ou indirects, que la personne malade t'envoie. C'est important quand même que ça vienne, je pense, je considère quand même que c'est important que ça vienne de la personne malade. La presse... C'est très bien si c'est un non-sujet aussi dans des relations. Ça peut être ça, mais oui, tant que ce n'est pas abordé par le principal ou la principale concernée, c'est peut-être que ce n'est pas un sujet. Même si la personne le sait, même si la personne est au courant. Mais c'est quand on lance la personne que j'attends un soutien. Sinon, que ce soit un non-sujet dans certaines de mes relations, ça me va très bien aussi.

  • Speaker #0

    Ce que j'attends de toi en tant qu'ami, c'est que tu oses poser les questions que tu as en tête sans te censurer, parce que je trouve que ça donne lieu à des échanges qui sont souvent enrichissants. Là, je vais faire le parallèle avec d'autres thématiques un peu de la vie quotidienne hors maladie, mais typiquement avoir un pote qui se dit pas féministe, mais qui pose des questions sur mon ressenti en tant que femme, qui peut être confrontée à des situations d'inégalité. Je trouve ça trop intéressant et ça peut générer des discussions qui... qui vont nous enrichir tous les deux sur mon vécu personnel, mais aussi sur notre perception du monde en général. Pareil, c'est un peu un non-sujet, hormis quelques dates clés ou quelques événements qui vont être un peu difficiles. Je n'aurai pas nécessairement besoin d'en parler. Un pote qui a vécu un décès ou qui a vécu une rupture, il n'y a pas besoin d'en parler tous les jours. Mais juste le fait de savoir que tu es là et que tu es dispo au moment où il a besoin d'en parler, lui, ça va l'apaiser. Et donc, savoir que tu es dispo pour une bonne bière un soir après une IRM, c'est amplement suffisant pour moi.

  • Speaker #1

    Non, c'est très bien le être disponible parce que ça implique que ça peut venir aussi de la personne non concernée, entre guillemets, par la maladie. Mais être disponible, c'est surtout... comprendre l'état d'esprit de la personne, en fait, je pense. Et ses besoins, et ça, oui. Les potes, les personnes dont on est proches le comprennent mieux que quiconque, en fait, peut-être.

  • Speaker #0

    C'est sur cette note positive qu'on va terminer, Thibaut. Un immense merci.

  • Speaker #1

    Merci à toi pour l'invitation. On va juste aller boire devant un match de foot, après une galette de saucisses.

  • Speaker #0

    Un grand merci pour avoir écouté ce premier épisode enregistré en compagnie de Thibaut. Vous ne l'avez pas entendu, mais Laurent a été présent durant tout l'enregistrement, partageant sa bonne humeur et ses questionnements en tant qu'ami. Mon éternelle reconnaissance à tous les deux pour m'avoir accompagné dans cette belle aventure. Si cet épisode vous a plu, vous souhaitez réagir ? Écrivez-moi sur le compte Instagram de l'Anomalie, le lien est dans la description, pour me partager vos retours, qu'ils soient positifs ou plus circonspects. Vous pouvez soutenir mon travail en vous abonnant à ce podcast sur votre plateforme d'écoute préférée. Si vous êtes d'humeur à déplacer des montagnes, vous pouvez attribuer une note et un commentaire à ce podcast. cela m'aidera beaucoup. L'anomalie est un podcast autoproduit par mes soins, entièrement conçu et imaginé entre Ménilmontant et le canal de l'Ourc à Paris. Rendez-vous dans un mois pour le prochain épisode. D'ici là, prenez soin de vous.

Description

Comment vivre avec un déficit immunitaire commun variable ?

Dans ce premier épisode de lanomalie, nous abordons une thématique essentielle : comment gérer le regard des autres lorsque l'on vit avec une maladie chronique ou un handicap invisible ? Pour en discuter, j’ai invité Thibault, un ami atteint d’un déficit immunitaire commun variable (DICV), une pathologie qui touche également plusieurs membres de sa famille. Diagnostiqué dès l’enfance, Thibault partage avec nous son parcours et ses réflexions.


🎙️Au programme du témoignage de Thibault sur le déficit immunitaire commun variable :

  • La construction personnelle : comment il s’est construit en tant qu’homme malgré les défis imposés par la maladie.

  • La prise en compte d'un diagnostic familial : si le diagnostic du déficit immunitaire commun variable a été posé dans l'enfance de Thibault, il concernait également son père et sa soeur.

  • L’importance des proches : le rôle essentiel de sa famille et de son entourage dans son quotidien.

  • Le regard des autres : sa manière de vivre avec un handicap invisible et d’aborder le sujet de sa pathologie. Thibault évoque longuement la notion de pitié, qu'il refuse totalement, dans le cadre de son rapport aux autres.

  • Sa vision d’avenir : quelles sont ses attentes et espoirs pour le futur, compte tenu de la présence du DICV ?

  • Le rapport au monde médical : comment il perçoit le suivi, le traitement et les soins liés à son déficit immunitaire commun variable ?


J’espère que le mots de Thibault vous plairont !


👉 Vous pouvez suivre les aventures de lanomalie sur Instagram : @lanomalie.media 


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Et si on parlait plus ouvertement de la maladie ? Dans l'imaginaire commun, quand la santé va, tout va. Partout on valorise un corps sain, qui tient la route, et dont on souhaite sans cesse repousser les limites. Dès lors, quelle est notre place quand on connaît ponctuellement, ou plus durablement, la présence de la maladie dans notre vie ? Je suis partie à la rencontre des personnes qui, tout comme moi, vivent en compagnie d'une maladie, car à mon sens, poser des mots sur un sujet encore tabou, ça fait du bien. Je vous souhaite la bienvenue dans le premier épisode de l'anomalie, le podcast qui vous la discute. sur la maladie. Dans ce premier épisode, Thibaut, un ami à moi, m'accueille chez lui à Arène pour évoquer son parcours. Nous avons parlé de l'impact de la maladie sur sa construction en tant qu'adulte, de son rapport aux autres, au couple et à la famille. J'ai souri durant tout le montage tellement Thibaut m'a semblé bienveillant et empli de sagesse. J'espère que ce premier épisode vous plaira et qu'il vous apportera de la bonne humeur. Bonne écoute à vous. Hello Thibaut, merci de t'être rendu disponible pour l'enregistrement de ce premier épisode, je suis ravie de le faire avec toi.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup, merci à toi aussi d'être venu jusqu'à Rennes.

  • Speaker #0

    Avec grand, grand plaisir. Il y a un soleil magnifique aujourd'hui et c'est suffisamment rare pour être mentionné.

  • Speaker #1

    Non, comme toujours en Bretagne.

  • Speaker #0

    Avant de commencer pour introduire ce premier épisode, je voudrais dire quelques mots sur toi puisque tout le monde n'a pas la chance de te connaître. Donc on s'est rencontrés il y a 9 ans, au moment de nos études. A la base, c'était plutôt un pote de pote et à force de traîner ensemble, on a fini par faire partie du même groupe. Je dirais que tu es une personne douce, attentionnée, pudique, avec un grain de folie que j'apprécie énormément. Tu es quelqu'un d'entier et ce que j'aime beaucoup chez toi, et je pense que ça s'entendra également en audio, c'est qu'on peut vraiment facilement lire en toi, sur ton visage mais aussi dans ta voix, la plénitude quand tu es content et un air bougon quand tu es contrarié. Au début, j'étais assez soucieuse d'aborder avec toi un sujet aussi intime qu'on avait jusqu'alors abordé... exclusivement en état d'ébriété.

  • Speaker #1

    C'est très bien aussi.

  • Speaker #0

    Et le premier échange qu'on a eu, de manière informelle, était solaire. Et tu m'as spontanément proposé de participer au podcast. Je t'en remercie. On y est, tu es mon premier invité. Je suis ravie de commencer avec toi.

  • Speaker #1

    Je suis très heureux aussi. J'espère que je serai aussi pertinent que quand on avait échangé. J'avais trouvé notre échange très bien. Mais malheureusement, les auditeurs et auditrices auront à écouter celui-ci. J'espère qu'on fera aussi bien.

  • Speaker #0

    La réputation de cet échange repose sur nos deux épaules. Première question pour commencer, si on se rencontrait pour la première fois, qu'est-ce que tu me raconterais de toi ?

  • Speaker #1

    Comme beaucoup de gens, surtout mes passions. Avant tout, ma passion pour le football, pour la musique. Évidemment, je te vois venir. Non, les problèmes de santé passeraient bien après. Ce ne serait pas évoqué du tout. Ce serait avant tout mes plaisirs, mes joies.

  • Speaker #0

    Comment tu l'expliques, le fait de justement pas évoquer tes soucis de santé ? Est-ce que c'est parce que ça ne t'impacte pas dans ta vie de tous les jours ? Ou est-ce que c'est parce que c'est un sujet que tu veux réserver pour des personnes dans lesquelles tu as confiance ?

  • Speaker #1

    Ah oui, si, si, ça a bien un impact au jour le jour, y compris dans mes relations avec les autres. Mais oui, comme tu dis, c'est plus une sorte d'espace réservé qu'autre chose, à ce qui pénètre une sorte de cercle, on va dire. J'ai toujours eu une difficulté quand même à aborder ça. Enfin, il y a toujours une question de timing, de beaucoup de choses. Enfin, que ça ne paraisse pas totalement artificiel non plus. Eh tiens, j'ai une maladie, je vais t'en parler. Donc bon, j'ai fini par restreindre ça. Avant tout, mon cercle proche, voilà. Donc tu en fais partie, bien évidemment. Et donc, c'est pour ça, même tu évoquais du coup dans la présentation, la fois où je t'avais parlé de ma maladie. C'était en soirée, c'est parce qu'on commençait à devenir plutôt bons potes. Donc voilà, c'est la proximité qui fait que, et l'alcool aidant, qu'on en a discuté.

  • Speaker #0

    T'as vachement parlé d'une notion de timing, et comme si c'était important de préparer l'autre à ce qu'il allait entendre. Est-ce que t'as déjà eu des convenus, ou eu le sentiment que c'était pas la bonne manière de le dire ? Parce que j'ai plus l'impression que tu parlais de... comment l'autre allait recevoir ce que tu allais dire plutôt que toi te sentir à l'aise.

  • Speaker #1

    Oui, c'est vrai, mais alors... Oui, j'ai toujours peur... Oui, ça, je ne l'ai pas abordé jusqu'à présent, mais j'ai toujours peur, du coup, de susciter une réaction que je pense que tous les malades comprennent, qui est celle de la pitié. Et donc, effectivement, du coup, ça... ça complexifie... Un peu la chose. Du coup, je reviens à ta question, c'est que tu posais plus la question de la réaction des autres. Et je pense que ma peur vient aussi, ma peur de m'exprimer vis-à-vis de ça, vient aussi non pas des mauvaises expériences que j'ai eues, mais tout simplement d'une réaction normale qui est celle des gens aussi, qui est celle de se sentir aussi un petit peu éprouvé par ce qu'ils entendent en face. Et donc, il y a une réaction qu'eux ne pensent pas blessante. Ça n'a rien à voir avec ça, mais... que nous, on peut mal interpréter. Donc effectivement, il faut un petit peu préparer, tâter le terrain.

  • Speaker #0

    C'est marrant, je te trouve. Plein d'égards. Tu m'amènes à la question que je souhaitais poser à la fin, mais que je vais poser dès maintenant. J'ai eu un échange hier avec un collègue de travail lui parlant du podcast et il m'a dit Bon, du coup, le sujet doit également te concerner. Je lui ai dit que j'avais une sclérose en plaques. On a parlé du fait qu'il n'osait pas me dire qu'il était inquiet, mais que pour autant, il était inquiet. Et je lui ai dit qu'à mes yeux, l'inquiétude était un petit peu en tout cas mentionnée dès le début de l'échange était un peu too much et que j'avais pas envie d'entendre ça finalement j'ai eu l'impression d'être un petit peu dure avec lui je lui dis de manière bien évidemment bienveillante et pleine de pédagogie et d'affection de mon point de vue quand j'aborde un sujet que je trouve aussi complexe et intime c'est éprouvant pour moi d'être confrontée au fait que les autres s'inquiètent pour moi. Comment tu gères ça ? Et est-ce que tu perçois, toi, les choses de la même manière ?

  • Speaker #1

    On en revient à la question du cercle que j'évoquais tout à l'heure. Il y a des gens dont l'inquiétude me va parfaitement, en fait, et que je trouve parfaitement légitime. Mais du coup, j'ai ressenti aussi ce que tu peux ressentir sur le trop, le trop-enfer, justement, les réactions. Je ne trouve pas que... Tu parles de la situation avec ton collègue, ça me paraît être une situation parfaitement normale. J'ai fait la remarque plein de fois à mes proches de ne pas être trop inquiet non plus. C'est pour ça que la question des égards me paraît naturelle pour celui qui reçoit aussi. Parce qu'on va forcément créer une réaction émotionnelle quand on l'évoque. On la maîtrise pas forcément. Il y a de l'humain en face. La personne a une réaction qu'elle pense être appropriée. Je pense pas... Enfin, je suis passé par des stades, évidemment, où ça pouvait me poser problème. Mais là, je pense en être arrivé à un point où ça n'est plus vraiment une question, en fait.

  • Speaker #0

    On n'a pas parlé de toi, ta maladie. On n'est pas obligé de mettre des mots dessus. Mais si tu devais en parler, qu'est-ce que t'en dirais ?

  • Speaker #1

    Ah oui, si, si, je peux quand même l'évoquer. Du coup, c'est un déficit immunitaire commun variable. Enfin, ça, c'est le nom scientifique. Pour les applications, c'est plus... On va dire que j'ai des problèmes de défense immunitaire qui font que j'ai des traitements réguliers, un suivi régulier. Un traitement qui peut être hospitalier, y compris. Donc voilà, ça a quand même une conséquence. Je ne dirais pas dans la vie de tous les jours, mais dans la vie quotidienne du moins. Et puis après, il y a les impacts que ça peut avoir. Je suis plus facilement malade que le commun des mortels, ce genre de choses. J'étais assez malade dans l'enfance et dans l'adolescence, enfin très régulièrement malade. Et puis finalement, on s'est rendu compte que c'était lié justement à ce déficit immunitaire qui appauvrissait mes défenses. Et donc, on a fini par mettre en place un suivi. un suivi médical. Enfin, onge, dis-on, c'est bien d'aider en cela par l'accompagnement de mes parents et des médecins.

  • Speaker #0

    Mais si je comprends bien, il y a eu une période assez longue durant laquelle, en fait, il y a eu un taptonnement et tu n'as pas pu vivre comme tu vis actuellement ?

  • Speaker #1

    Oui, oui, oui, bien sûr. Alors déjà, on ne le savait pas. Je ne sais plus exactement. On ne savait pas ce que j'avais avant mes 6-7 ans. Je savais juste que j'étais très régulièrement malade. Ensuite, à partir de 6-7 ans, de temps, il y a eu... C'est vrai que là, maintenant, c'est vrai que c'est bien de parler de tâtonnement parce qu'effectivement, au début, on en est là, à la fois dans le diagnostic, dans ce qui va se mettre en place. Et je pense que finalement, la médecine, ça n'a pas l'air non plus d'être une science parfaitement exacte. C'est-à-dire qu'il y a des choses qui se mettent en place petit à petit et qu'on affine au fur et à mesure. On se rend compte que telle chose a fonctionné. Alors que ça ne fonctionnerait pas forcément sur telle autre personne. Enfin, je ne suis pas en train de faire du tout à propos anti-science. Du tout. C'est juste que, justement, l'accompagnement, les traitements, c'est justement quelque chose qui se construit, en fait, au final aussi, qui n'est pas quelque chose qui se met en place en quelques heures. Parce qu'au final, oui, du coup, j'ai parlé des traitements que j'avais. J'ai des perfusions d'immunoglobuline régulières. Et puis, pendant un moment... On m'a proposé de passer en sous-cutanée, ce genre de choses. Donc ça a changé totalement le mode de prise en charge qui se faisait à ce moment-là à domicile. Donc ça a chamboulé un peu tout, on en est revenu. Maintenant je suis très heureux d'en être revenu justement, de laisser la maladie... De laisser la maladie à l'hôpital, on va dire. De séparer mon espace de vie quotidienne de l'espace de l'hôpital. Voilà, enfin, je suis un peu trop long là, mais tout ça pour dire que c'est quelque chose qui s'affine.

  • Speaker #0

    Il y a une particularité dans ton rapport à la maladie, c'est que tu l'as appris étant petit. Comment est-ce qu'on comprend les choses quand on est enfant, puis ensuite adolescent, puis jeune homme ? Ça a eu quel impact, toi, sur ta construction ?

  • Speaker #1

    Enfant ne comprend pas, adolescent on le vit très mal, enfin dans mon cas parce que je dis on, je préfère dire je parce que ça peut différer aussi. Mais en fait le truc c'est qu'il me semble que pour tout le monde après l'adolescence il y a quand même une construction qui est très liée au corps en fait. Le corps change, il y a un rapport au corps qui est très particulier à l'adolescence. C'est à ce moment-là qu'on comprend, entre guillemets, nos orientations, enfin tout plein de choses. Donc en fait, au final, le corps joue un rôle hyper important. Et puis au final, on se rend compte qu'on en a un plus ou moins dysfonctionnel. Enfin non, mais qu'il y a deux, trois petites choses qui fonctionnent pas comme pour tout le monde. Donc ça vient rentrer en résonance avec quelque chose que les gens vivent tous. Mais du coup, ça amplifie. En plus, je suis. pas d'une nature très expansive, je pense. Donc après, il y avait quelque chose aussi de beaucoup garder pour soi, beaucoup de non-dit, beaucoup... À l'adolescence, on ne dit pas tout, on se renferme un petit peu et puis du coup, cumuler à des problèmes de santé, ça peut effectivement... Ce n'est pas aller très loin, dans mon cas. Ce que je veux dire, c'est que ça s'ajoute en fait à tout un tas de choses qui sont des réflexions adolescentes.

  • Speaker #0

    C'est déjà une période compliquée en soi. Quand tu ajoutes des problèmes de santé, ça complexifie pas mal les choses. À l'époque, tu en parlais ou tu gardais ça dans une sphère plutôt familiale ?

  • Speaker #1

    J'en parlais un tout petit peu, mais après, contraint et forcé un petit peu. Quand on ne me voyait pas au collège pendant un certain temps, quand je pouvais revenir avec des cathéters au bras, forcément, les gens comprennent qu'il y a deux, trois petits trucs. Après, ce n'était pas quelque chose avec lequel j'étais très à l'aise. Je n'ai pas parlé de la suite, en fait. La suite, je pense que ça a traîné par la suite. Jeune adulte, il y a eu des choses qui sont peut-être restées de l'adolescence, des changements par ailleurs, mais le fait de le vivre vraiment bien, enfin, si tant est qu'on puisse bien le vivre, c'est que... C'est plutôt assez récent. Finalement, ça prend énormément de temps de se construire avec.

  • Speaker #0

    Je suis assez d'accord, ça prend pas mal de temps. Et j'ai l'impression que déjà, tu as évolué depuis la dernière fois qu'on s'est parlé. C'était il y a un mois et demi. Je te trouve très apaisée.

  • Speaker #1

    Non, mais oui, aussi détendue. Après, ça... Ça va peut-être dépendre de mon humeur aussi. Je ne l'aurais peut-être pas abordé pareil à un autre moment. Mais tu es là, tu es venue à Rennes, tout se passe bien, on est détendu.

  • Speaker #0

    Je trouve que c'est assez rassurant de se dire que le rapport à la maladie peut être fluctuant. Moi, je suis en général dans un mood assez positif par rapport à ça. Mais malgré tout, il y a des moments où je suis en colère, des moments où j'ai peur. Et je trouve que c'est cool, même des années après, de s'autoriser à se dire, ben, c'est pas figé, ça peut bouger, je peux en avoir honte à nouveau.

  • Speaker #1

    Oui, oui, non, mais fluctuant, c'est très, très bien. Il y a des allées et des retours. Enfin, il y a des va-et-vient. Et je pense que, quand même, le chemin est celui d'une meilleure acceptation. Toujours, enfin, je pense pas. J'espère que les gens le vivent de mieux en mieux, surtout que... qui trouve un apaisement dans la vie, dans tout.

  • Speaker #0

    Tu me dis, si tu vois les choses de la même manière, j'ai souvent le sentiment que la maladie soulève des problématiques que tu vas être amené à te poser dans ta vie de manière générale. Le fait de s'accepter avec ses limites, le rapport au corps, avoir un corps qu'on n'apprécie pas forcément, mais avec lequel on doit continuer à vivre. La question de la mort, bien évidemment, du deuil d'une perception qu'on avait de soi, la colère. Et en fait, c'est des thématiques assez universelles. que t'es juste forcé de te poser très tôt dans la vie.

  • Speaker #1

    Et de plus en plus, je me fais la réflexion que c'est pas si mal, parce qu'il y a plein de gens qui traversent un paquet d'années de leur existence sans se les poser, et ça leur revient à la tronche finalement plus tard. Donc je pense pas que ce soit, sur cet aspect-là, c'est plutôt... Je ne vais pas dire pas si bénéfique, parce que finalement, oui, tu l'as dit, on se pose des questions qui se posent à tout le monde, mais que certains font le choix quand même de remettre à plus tard, beaucoup. Oui, tu as dit la mort, mais typiquement, je pense que c'en est une quand même. Oui, il y en a beaucoup qui repoussent cette question, question que quand tu es malade, tu es obligé de te poser très rapidement, ou bien... Je ne vais pas rentrer dans le débat philosophique, mais en tout cas, ça pose des questions universelles, c'est très bien.

  • Speaker #0

    Effectivement, moi j'avais le sentiment d'être un peu stupide avant de l'apprendre et d'être très égocentrique. Ça a duré un moment et ensuite, un jour, je suis arrivée chez ma psy, elle m'a demandé comment était ma semaine et je lui ai dit incroyable. Le soleil brillait, je suis allée boire un café en terrasse et elle m'a dit c'est la première fois que vous me dites que vous allez bien. Et qu'en fait, objectivement, ça ne va pas mieux que la semaine dernière parce que vous avez toujours les mêmes problèmes. Mais pour une fois, vous êtes concentré sur ce qu'elle est. et pas sur ce qui vous importunait dans la vie. Et j'ai le sentiment que, avant d'apprendre mon diagnostic et avant d'être à l'aise avec tout ce qui m'arrivait, j'étais très dans l'insatisfaction des choses qui n'étaient pas à mon goût. Et là, désormais, j'ai dû apprendre à lâcher prise.

  • Speaker #1

    Je vais donner mes idées, là. Mais non, mais c'est... On nous pousse dans une sorte de culte de la performance que, finalement, la maladie aussi vient un peu... détruire, enfin, mettre de côté. Là, on se pose, enfin, quand on est malade, on ne se pose plus la question du salaire, est-ce que notre retraite sera gigantesque ou minuscule ? Enfin, on se pose des questions plus prosaïques, en fait, plus en phase avec ce que doit être une vie, quoi. Il n'y a pas à se prendre la tête pour performer je ne sais quoi, enfin, à tous les niveaux, pour performer ou bien... Être le plus riche possible, avoir le salaire le plus important possible, ou bien à d'autres niveaux. Je pense que ça remet les choses en perspective. On est des êtres qui mourront un jour. On espère qu'on soit heureux d'ici là, qu'on vive le maximum de belles choses. Et puis c'est à peu près tout.

  • Speaker #0

    Dans cette perspective de se recentrer sur les choses essentielles, est-ce que tu as malgré tout eu le sentiment de devoir renoncer à des choses à cause de ta maladie ?

  • Speaker #1

    Oui. Oui, des renoncements, oui, complètement. Mais je ne sais pas, typiquement, je pense que même encore aujourd'hui, finalement, des grands voyages dans le désert. Par exemple, un exemple tout bête, petit, je pensais que je deviendrais archéologue, mais avec quelques soucis pulmonaires et de santé, ça s'est vite arrêté là. Mais non, mais c'est complètement bête comme anecdote, mais tout ça pour dire que même dans les voyages que je peux faire, enfin dans... dans même mes mouvements, puisqu'au final, j'ai parlé des traitements, du coup les traitements ça implique qu'ils se fassent quelque part, qu'on ait des rendez-vous pour ça, qu'on fixe finalement un cadre que les gens n'ont pas forcément à fixer s'ils ne sont pas malades. Au bout du compte, on finit par ne plus le vivre trop, je trouve, comme une contrainte, parce que bon, on renonce tout le temps, on renonce à un paquet de choses tout le temps, même sans s'en rendre compte. Ça remet en perspective, on n'est pas grand-chose, enfin, on est grand quand même, mais on n'est pas grand-chose à l'échelle de l'univers, du temps.

  • Speaker #0

    C'est vrai, et d'un côté, je crois qu'il n'y a rien de plus fort que la perception que nous, on a de l'instant présent et de notre capacité à l'apprécier. Quand je suis très inquiète pour certaines choses, ou que je me dis peut-être qu'un jour je vais mourir, et bien évidemment ça peut être marrant, je me dis mais qu'est-ce qu'il y a de plus important que ce que je suis en train de vivre maintenant, et le bonheur que ça me procure juste là d'aller bien. Dans ta famille, t'es pas le seul à avoir cette pathologie. Vous êtes trois. C'est quand même une singularité assez forte d'avoir d'autres personnes autour de soi qui connaissent la même chose. Surtout une sœur dont t'es assez proche en âge. T'as le sentiment que ça a apporté des choses, que ça a été plutôt un caillou dans ta chaussure ?

  • Speaker #1

    Ça a pu poser des difficultés, du coup. C'est sûr, surtout à certains âges. Mais globalement, je dirais que ça a quand même énormément... resserrer nos liens au bout du compte. Donc je ne sais pas si c'est la manière dont ça s'est passé ou si c'est quelque chose de vérifiable ailleurs, mais en tout cas, là, en l'occurrence, ça nous a énormément soudés, que ce soit avec ma soeur, que ce soit avec mes parents et mon petit frère qui, s'il n'a pas la maladie, a vécu les choses avec nous, en fait. Mais voilà, c'est ce que je t'avais déjà dit la dernière fois, en fait, dans l'échange qu'on avait eu, c'est que... Ça a surtout resserré au niveau de la famille proche, enfin de la famille très proche, c'est-à-dire frères et sœurs, père et mère.

  • Speaker #0

    Dans le fait de ne pas être tout seul, donc tu as justement deux personnes très proches de toi qui partagent la même maladie, est-ce que tu as déjà rencontré d'autres personnes ou échangé avec d'autres personnes qui avaient la même chose que toi ?

  • Speaker #1

    Oui, complètement, dans des associations, notamment comme Iris. Vous irez voir, ce n'est pas l'Institut de recherche en stratégie ou je ne sais pas quoi, c'est un autre. Non, mais du coup, oui. Alors, je le fais un peu pour rendre ce qu'on m'a donné et puis pour rassurer aussi certaines personnes. Mais j'ai quand même beaucoup de mal à le faire à l'échelle individuelle. Je suis un peu mal à l'aise avec ça, je ne le provoque pas trop. Et bon, c'est vraiment si je vois que ça peut... Il y a des gens, effectivement, qui ont besoin d'être rassurés à un certain moment, que ce soit ceux qui sont porteurs de la maladie ou pas, leurs proches aussi, qui ont énormément besoin d'être rassurés. Donc, par rapport à ça, on éprouve quand même toujours une satisfaction à le faire. Mais de moi-même, je ne le ferai pas trop, en fait. Par contre, c'est vrai que si on prenait contact avec moi de manière plus individuelle, ça change un peu la donne. Je ne sais pas si je dis ça parce que... forcément comme j'ai des traitements réguliers, j'ai croisé des gens qui avaient ou bien les mêmes pathologies ou bien d'autres pathologies, en fait, dans les services, dans les hôpitaux de jour, tout ça, ça me paraît de suite beaucoup plus simple de nouer une conversation, une relation avec quelqu'un qu'on voit individuellement, que collectivement, comme ça, dans des espaces qui sont hyper importants quand même. Le fait de réunir les gens, ne serait-ce que pour... pour montrer qu'elles ne sont pas isolées, en fait, ces personnes, que beaucoup de gens vivent la même chose. Mais c'est juste une difficulté personnelle que j'ai, enfin, dans ces situations sociales, quoi, on va dire.

  • Speaker #0

    Et est-ce que tu sais ce que ça a changé pour tes parents ? Parce que ton père a appris, je présume, quand il avait 35-40 ans, qu'il était atteint lui-même d'une maladie. Et je présume que pour ta mère, apprendre que son époux... Et deux de ces enfants vont devoir un petit peu revoir leur vie quotidienne. Ça a eu aussi un gros impact ?

  • Speaker #1

    Alors mon père, ça a moins changé sa vie quotidienne. C'est juste que ça a révélé des choses. Par exemple, il n'avait pas fait son service militaire. Il avait été déclaré inapte, mais sans savoir pourquoi. La science n'avait pas encore progressé suffisamment à ce moment-là pour savoir forcément ce qu'il avait. Non, mais après, oui, ça a changé nos vies, nos quotidiens avec ma sœur, bien évidemment. Mais par rebond, ça change le quotidien de tout l'entourage, en fait. Et puis du coup, c'est un peu ma mère qui a pris aussi, je pense que c'est régulièrement le cas, mais la charge en grande partie de la maladie, que ce soit à plein de niveaux administratifs ou autres. Cette charge-là, ça a aussi fait qu'elle n'a pas travaillé pendant des années, entre guillemets. Elle faisait de l'associatif, mais par ailleurs, elle n'avait pas de travail rémunéré. Du coup, oui, non, mais évidemment, ça bouleverse, puisque oui, effectivement, il faut des gens, il faut du temps, en fait, pour s'occuper des malades aussi. Enfin, là, maintenant, j'ai mon autonomie, c'est différent, mais quand on est... Là, je parle plus de la situation des enfants malades. Les enfants malades, là, typiquement, avoir la charge d'un bébé, c'est déjà... Et d'un enfant, c'est déjà assez complexe. Pour le voir récemment auprès de mes amis, je commence à mieux réaliser, à mieux saisir ce que ça représente un enfant malade aujourd'hui.

  • Speaker #0

    Il y a quelque chose de très viscéral dans la relation avec ses parents et a fortiori avec sa maman. Moi, je sais que même si elle ne le souhaite pas, ma mère me transmet ses émotions et notamment une inquiétude démesurée. Et ça peut générer en moi de la colère. Est-ce que tu as déjà été confrontée à cette situation ? Et comment faire la part entre une colère qui peut être légitime et d'un côté, un sentiment d'inquiétude et d'amour que tes parents peuvent légitimement ressentir ?

  • Speaker #1

    Tu le formules très bien parce que c'est vrai qu'un excès d'inquiétude, un excès de... De ce que je voyais avant comme de la pitié, ça génère énormément de colère, de frustration, mais de frustration vis-à-vis de nous-mêmes. Et je pense que, après, c'est aux gens qui accompagnent les malades de comprendre aussi que cette frustration, enfin, que cette colère, elle ne leur est pas destinée. C'est vis-à-vis de nous-mêmes, en fait, à ce moment-là, qu'on est un petit peu frustrés parce qu'on n'a pas accepté suffisamment certaines choses. Mais bon, en tout cas, ma famille, mes proches ont été très patients là-dessus. Tu l'as dit au début, je peux être bougon, je peux être énervé. Je suis d'un naturel très calme, mais c'est... Le problème des gens très calmes, c'est que quand l'excès inverse arrive, il arrive d'autant plus fort, du coup.

  • Speaker #0

    Tu as parlé plusieurs fois de la pitié. Est-ce que tu as un retour particulier à ce sujet ?

  • Speaker #1

    En fait, encore aujourd'hui, je n'accepte pas vraiment la pitié. C'est quelque chose de particulier. C'est aussi pour ça que je ne le dis pas au départ dans les relations. C'est parce que... C'est assez proche de ce que je vois, de ce que je ressens. Pour moi, c'est un peu du paternalisme. Je mets peut-être pitié derrière paternalisme, en fait, parce qu'on va de suite te placer dans une situation, pour moi, qui est inférieure. Pour moi, je traite tout le monde également. Et donc, ça me dérange un petit peu de... Quand les gens changent leur attitude juste parce qu'on leur a annoncé qu'on était comme on était, j'aime pas qu'il y ait des modifications d'attitude. On doit me juger sur autre chose. Ça fait partie de moi, mais c'est pas l'essentiel, on va dire. Enfin, c'est pas l'essentiel, c'est une grosse partie de moi, mais c'est pas sur ça qu'on doit me juger. Si on doit me juger, ce sera sur autre chose. Je peux faire les choses mal, mais... qu'on ne vienne pas non plus, ni dans un sens ni dans l'autre, me dire que ça vient de là. Je ne veux pas penser en tout cas que j'ai fait les choses différemment. Je me suis un peu perdu là, mais bon, vous avez compris l'idée.

  • Speaker #0

    Je trouve que généralement, les réactions qu'ont les personnes extérieures à l'annonce d'une maladie disent beaucoup de choses sur elles. Et la pitié... À mon sens, c'est souvent lié à une question d'ignorance. La personne ne connaît souvent pas le trouble dont on lui parle. Elle a une vision erronée de ce qu'est le fait d'être en handicap. Et donc, elle projette sur nous sa vision de la chose. Et c'est là que la pitié arrive. Très souvent, je me dis qu'il y a un gros problème d'éducation où finalement, on s'intéresse aux questions de la maladie et ou du handicap. que lorsqu'on y est confronté, soit soi-même, soit nos proches, j'ai souvent été très très maladroite avec des membres de mon entourage qui étaient malades parce qu'à l'époque, j'avais pas vraiment réfléchi à la question. En fait, j'ai l'impression aussi que lorsqu'on annonce sa maladie, qui est un sujet qui est très intime et parfois difficile, on nous laisse peu de place à nous en tant que personnes concernées pour raconter les choses et qu'on vit sous cette chape de projection.

  • Speaker #1

    Mais c'est pas mal ! Mais le souci, c'est qu'il y a plusieurs thématiques que tu viens d'aborder. C'est une très très longue réflexion, mais c'était très intéressant. Alors par quel bout je la prends du coup ? Sur la question de la projection, je suis à 100% d'accord, parce que finalement les réactions premières des personnes, c'est juste de projeter souvent leur propre peur, et au final, je ne parle que de ça, mais au final, leur propre... peur de la maladie et donc au bout du compte de la mort. Je condamne pas en fait les indélicatesses. T'as dit qu'il y avait un problème de manque d'éducation là-dessus. Ouais, c'est vrai que le fait finalement de ne jamais aborder ça du point de vue du coup de la personne malade, en fait, d'assez peu demander ce point de vue-là, ça fait qu'on génère encore des... des réactions chez les gens qui nous paraissent inappropriés, mais qui paraissent totalement appropriés à ceux qui les portent. C'est pour ça, encore une fois, que je ne condamne pas. C'est que le travail n'a pas été fait, donc on ne va pas mettre la responsabilité à l'échelle individuelle si la personne réagit sans qu'il y ait de mauvaise volonté. Moi, je mets juste la frontière là, en fait. Si la personne ne te veut pas du mal, bon, ben... Qu'est-ce que tu peux si la réaction est indélicate ? Pas grand chose finalement.

  • Speaker #0

    Et comment est-ce que tu réagis dans ce genre de cas ? Est-ce que tu arrives à verbaliser ? Alors, je ne dirais pas corriger, mais en tout cas, sensibiliser la personne sur le fait que tu as pu être heurté ?

  • Speaker #1

    Il y a quelques années, j'aurais répondu, je le garde pour moi, et je fais la personne un peu ronchon, mais bon, maintenant, je n'ai plus de problème à dire les choses, en tout cas, à tracer ce qui me semble. Être inconvenant pour moi, après, on peut le dire de la bonne manière aussi. On peut le dire sans agressivité aucune. C'est un petit peu dur au début, puisque justement, ça génère une émotion en nous quand même. Mais au fur et à mesure du temps, je pense que de moins en moins... Le truc, c'est que quand on intériorise, on met tout sous le tapis. Ça finit par rejaillir forcément à un autre moment. Du coup, comme je le faisais avant, j'ai fini par voir que c'était peut-être pas l'option adéquate.

  • Speaker #0

    Je crois qu'un truc intéressant à dire pour les personnes qui font partie de l'entourage et qui peuvent avoir des réactions maladroites, c'est que c'est OK de ne pas avoir la réaction appropriée. Le tout, c'est de savoir s'en rendre compte et de revenir vers la personne pour dire Est-ce que tu es satisfait de notre interaction ? Est-ce qu'il y a quelque chose qui ne t'allait pas ? Mais en tout cas, faire preuve de vigilance et d'humilité dans ce genre de cas et de dire Je ne maîtrise pas tout, je n'ai pas le passif de la personne dans le sens où je n'ai pas vécu les mêmes choses. Et puis surtout, je n'ai pas nécessairement accès aux mêmes connaissances et je n'ai pas réfléchi de la même manière. Et c'est toujours important de rester ouvert à une remise en question et surtout à une discussion.

  • Speaker #1

    Oui, c'est ça. Mais du coup, il y a aussi, on vient d'en parler, il y a aussi le fait de... De verbaliser aussi, de leur verbaliser la chose en fait, parce qu'ils ne peuvent pas vraiment saisir non plus si on ne leur dit pas. Il y a des gens qui ont des aptitudes sociales à ça, mais tout le monde ne les a pas. Il y a des gens qui ont plus ou moins les codes en règle générale. Tant qu'on essaye de verbaliser, qu'on voit clairement qu'il n'y a pas de mauvaise volonté en retour, moi de mon côté en tout cas c'est... Même une excuse, j'en attends même pas. C'est quelque chose qui me semble être... Tant que la personne a compris, voilà. C'est même pas une question d'amende honorable ni rien.

  • Speaker #0

    Je voulais te poser une question sur le rapport au couple. La sphère la plus ultime de l'intimité, c'est celle avec la personne qu'on aime. Et c'est assez délicat d'annoncer ce sujet-là, puisqu'on compte énormément pour la personne avec laquelle on est en couple. Il peut y avoir de l'inquiétude qui est légitime, il peut y avoir beaucoup d'affect qui va impacter les choses. Est-ce que tu en as parlé, toi, à ta compagne ?

  • Speaker #1

    Avec ma compagne, elle savait déjà avant, elle était déjà au courant. Je ne connais pas trop le cas de figure inverse, en fait, de commencer à rencontrer quelqu'un, pas forcément proche, du coup. et qu'on serait amené à devoir leur annoncer la chose. Ça, je ne l'ai pas vécu, donc je peux parler uniquement de ce que j'ai vécu. Moi, ça me paraît logique d'en discuter dans la sphère de l'intime, et puis surtout de ne pas le cacher. La question ne s'est même pas posée pour moi, mais si ce n'était pas quelque chose de naturel, oui, ça me poserait quand même problème, en fait. très rapidement ça me paraît pas être en fait je suis très construit là-dessus mais c'est qu'il y a une question une question de transparence à avoir en partie quand on est en couple on met la transparence où on veut j'aurais

  • Speaker #0

    du mal en tout cas à ne pas confronter la personne à ça mais c'est juste qu'elle nous accompagne en fait de mon côté je crois que j'ai mis un an ou deux à en parler à mon compagnon Sans doute parce que j'étais pas en phase et j'étais pas à l'aise avec ce qui m'arrivait. Et j'avais, je pense, pas digéré mon rapport à la maladie. Donc c'était difficile et je crois qu'à un moment, c'est sorti tout seul. Bon, il a bien évidemment pas compris ce qui se passait. C'était pas gravissime. Je vais pas le souvenir qu'il ait eu une réaction catastrophique. En tout cas, moi, mon retour sur le sujet, c'est que ensuite, ça m'a permis beaucoup de lui transmettre les sujets sur lesquels j'étais anxieuse. Au moment où j'ai souhaité reprendre mon suivi avec mon neurologue, il a pu comprendre ce qui pouvait me stresser, il a pu être d'un grand soutien, et finalement je trouve que c'est un relais qui est quand même très très chouette d'avoir une personne à qui on peut se confier entièrement et sur laquelle on sait qu'on peut tout dire, c'est quand même très agréable.

  • Speaker #1

    Oui, c'est en règle générale, le fait d'avoir des piliers, en fait. On en revient à ça, mais du coup, c'est peut-être que je n'envisage pas le couple autrement, en fait. Enfin, comme quelque chose qui nous amarre un petit peu.

  • Speaker #0

    Comment est-ce que tu envisages la question du futur ?

  • Speaker #1

    Je l'envisage très peu, mais bonne question, du coup, parce que je me rends compte que je... C'est pas que je me projette que très peu, mais si, je me projette, mais c'est-à-dire qu'il n'y a pas grand-chose de l'ordre du plan sur la comète dans ma tête. Tu parlais du présent tout à l'heure, peut-être que c'est ça aussi, que la maladie nous confronte à rester un peu plus ancrés, plus... Enfin, je me projette de manière juste rationnelle, quoi, juste on est encore là. Et si on est là, on cherchera à être heureux, enfin...

  • Speaker #0

    Mais tu l'implutes à ton rapport à la maladie ou à un trait de personnalité indépendant de tout ça ?

  • Speaker #1

    Il y a beaucoup de traits de ma personnalité qui sont quand même liés, mais les deux s'entrecroisent. Et pour toi, donc, le futur ?

  • Speaker #0

    Radieux. Dans le sens où je crois que j'ai plus envie de me prendre la tête. Par le passé, par exemple, j'avais un travail dans lequel j'étais pas épanouie. Je continuais parce que je me disais oui, mais en fait, tu gagnes bien ta vie, et puis il faut avoir un travail, tout ça Actuellement, je travaille en freelance, je choisis mes clients, et en fait, je n'ai plus envie de m'imposer ces contraintes-là. Et donc, je veille vraiment à adapter mon environnement à ce que je suis capable de tolérer ou pas sur le plan personnel. La priorité, alors sans basculer dans un grand égoïsme, mais la priorité, c'est que je me sente bien, et donc je suis très sereine par rapport à l'avenir.

  • Speaker #1

    Mais si on se sent bien, on rend les autres bien. On fait le bonheur des autres. Je suis parfaitement en phase avec ça. Je pense qu'encore une fois, la maladie, ça fait en sorte qu'on n'accepte pas certaines choses, certaines contraintes qui n'en sont pas, en fait. Certaines contraintes qu'on nous met, qu'on s'impose, en fait. On a un peu plus de mal à les accepter en voyant que c'est un peu... que du flan, et que finalement, la maladie, c'est quand même beaucoup plus concret que tout ça. On l'a déjà évoqué, en fait, tout ça.

  • Speaker #0

    Non, mais je suis assez d'accord. Terminé, on a une question moldue par Laurent, vu que lui-même n'est pas concerné par la maladie, mais elle est très pertinente. Donc la question de Laurent, qui nous a accompagnés pour cet enregistrement, et qui est un de nos amis, avec lequel on n'a pas abordé directement ce sujet, pour le moment, c'est comment être utile sans... que ça nous pèse, donc en tant qu'amis ?

  • Speaker #1

    Alors moi, je répondrais tout simplement qu'être présent, c'est déjà amplement suffisant et qu'il faut attendre surtout, je pense, les signaux, qu'ils soient directs ou indirects, que la personne malade t'envoie. C'est important quand même que ça vienne, je pense, je considère quand même que c'est important que ça vienne de la personne malade. La presse... C'est très bien si c'est un non-sujet aussi dans des relations. Ça peut être ça, mais oui, tant que ce n'est pas abordé par le principal ou la principale concernée, c'est peut-être que ce n'est pas un sujet. Même si la personne le sait, même si la personne est au courant. Mais c'est quand on lance la personne que j'attends un soutien. Sinon, que ce soit un non-sujet dans certaines de mes relations, ça me va très bien aussi.

  • Speaker #0

    Ce que j'attends de toi en tant qu'ami, c'est que tu oses poser les questions que tu as en tête sans te censurer, parce que je trouve que ça donne lieu à des échanges qui sont souvent enrichissants. Là, je vais faire le parallèle avec d'autres thématiques un peu de la vie quotidienne hors maladie, mais typiquement avoir un pote qui se dit pas féministe, mais qui pose des questions sur mon ressenti en tant que femme, qui peut être confrontée à des situations d'inégalité. Je trouve ça trop intéressant et ça peut générer des discussions qui... qui vont nous enrichir tous les deux sur mon vécu personnel, mais aussi sur notre perception du monde en général. Pareil, c'est un peu un non-sujet, hormis quelques dates clés ou quelques événements qui vont être un peu difficiles. Je n'aurai pas nécessairement besoin d'en parler. Un pote qui a vécu un décès ou qui a vécu une rupture, il n'y a pas besoin d'en parler tous les jours. Mais juste le fait de savoir que tu es là et que tu es dispo au moment où il a besoin d'en parler, lui, ça va l'apaiser. Et donc, savoir que tu es dispo pour une bonne bière un soir après une IRM, c'est amplement suffisant pour moi.

  • Speaker #1

    Non, c'est très bien le être disponible parce que ça implique que ça peut venir aussi de la personne non concernée, entre guillemets, par la maladie. Mais être disponible, c'est surtout... comprendre l'état d'esprit de la personne, en fait, je pense. Et ses besoins, et ça, oui. Les potes, les personnes dont on est proches le comprennent mieux que quiconque, en fait, peut-être.

  • Speaker #0

    C'est sur cette note positive qu'on va terminer, Thibaut. Un immense merci.

  • Speaker #1

    Merci à toi pour l'invitation. On va juste aller boire devant un match de foot, après une galette de saucisses.

  • Speaker #0

    Un grand merci pour avoir écouté ce premier épisode enregistré en compagnie de Thibaut. Vous ne l'avez pas entendu, mais Laurent a été présent durant tout l'enregistrement, partageant sa bonne humeur et ses questionnements en tant qu'ami. Mon éternelle reconnaissance à tous les deux pour m'avoir accompagné dans cette belle aventure. Si cet épisode vous a plu, vous souhaitez réagir ? Écrivez-moi sur le compte Instagram de l'Anomalie, le lien est dans la description, pour me partager vos retours, qu'ils soient positifs ou plus circonspects. Vous pouvez soutenir mon travail en vous abonnant à ce podcast sur votre plateforme d'écoute préférée. Si vous êtes d'humeur à déplacer des montagnes, vous pouvez attribuer une note et un commentaire à ce podcast. cela m'aidera beaucoup. L'anomalie est un podcast autoproduit par mes soins, entièrement conçu et imaginé entre Ménilmontant et le canal de l'Ourc à Paris. Rendez-vous dans un mois pour le prochain épisode. D'ici là, prenez soin de vous.

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