Albert et le kératocône - Un avenir radieux cover
Albert et le kératocône - Un avenir radieux cover
lanomalie : le podcast qui ouvre la discussion sur la maladie

Albert et le kératocône - Un avenir radieux

Albert et le kératocône - Un avenir radieux

48min |20/06/2023
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Albert et le kératocône - Un avenir radieux cover
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lanomalie : le podcast qui ouvre la discussion sur la maladie

Albert et le kératocône - Un avenir radieux

Albert et le kératocône - Un avenir radieux

48min |20/06/2023
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Description

Envie d’un petit shoot de bonne humeur et d’espoir ? Rencontrez, le temps d’un épisode, Albert qui vit avec un kératocône : sa cornée s’affaisse et génère un important inconfort visuel. Le kératocône est une maladie chronique dont les symptômes sont quotidiens : Albert vit avec une vision floue et une sensation d'irritation permanente. Pour pouvoir continuer à travailler et à vivre sereinement, Albert doit porter des lentilles adaptées et se rend très régulièrement chez l'ophtalmologue.


Les sujets balayés avec Albert posent des questions essentielles sur le rapport que nous entretenons en tant que société et individus, avec la maladie, et la santé de manière plus générale.


Au programme de ce petit bijou, nous avons évoqué :

  • Notre rapport au monde du travail et les choix induits par la présence du handicap

  • La notion d’intimité soulevée par la maladie

  • Notre volonté de militer sur des questions liées à la santé, à la maladie et au handicap

  • La manière dont Albert a recomposé son futur, en tenant compte des limites imposées par son kératocône, sans laisser de côté ses passions

  • La mise en place d'un traitement et d'un protocole adaptés, pour permettre à Albert de continuer sa vie sereinement

  • Le fait d'évoquer, ou non, les questions de santé/de handicap dans un contexte professionnel

  • La volonté inébranlable d’Albert d’explorer.


J’espère que cet épisode vous plaira ! J’ai personnellement pris beaucoup de plaisir à ré-écouter notre conversation et à cheminer avec Albert.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Giulietta

    Et si on parlait plus ouvertement de la maladie ? Dans l'imaginaire commun, quand la santé va, tout va. Partout, on valorise un corps sain qui tient la route, et dont on souhaite sans cesse repousser les limites. Dès lors, quelle est notre place quand on connaît ponctuellement ou plus durablement la présence de la maladie dans notre vie ? Je suis partie à la rencontre des personnes qui, tout comme moi, vivent en compagnie d'une maladie car, à mon sens, poser des mots sur un sujet encore tabou, ça fait du bien. Je vous souhaite la bienvenue dans ce deuxième épisode de l'Anomalie, le podcast qui ouvre la discussion sur la maladie. J'ai eu le plaisir de m'entretenir avec Albert, un ami d'ami qui vit avec un keratocone et une affection des glandes de Meibomius. Vraisemblablement, l'évocation de ces pathologies ne vous dira pas grand chose. Pas de panique, Albert explique très bien les choses. Vous l'entendrez, le ton de cet épisode est légèrement différent. Albert et moi nous connaissons peu, l'échange est plus pudique. Ce qui ne nous a pas empêché d'évoquer la question de l'intimité soulevée par la maladie, notre relation au travail, la volonté de recomposer notre futur, le désir de parentalité et l'importance de militer sur des questions de santé. Allez, c'est parti pour ce deuxième épisode, je vous souhaite une très bonne écoute. Eh bien du coup, Hello Albert, qui est un nom d'emprunt pour l'enregistrement de cet épisode, je suis ravie de te recevoir aujourd'hui.

  • Albert

    Merci beaucoup.

  • Giulietta

    Pour donner un peu de contexte, tu es un ami d'ami. On a échangé sur notre vie professionnelle à un moment, et spontanément, tu m'as parlé de tes soucis de santé. Donc c'était un vrai sujet au cours de la discussion. Je t'ai parlé de ma démarche sur le podcast, et très spontanément, pareil, tu m'as proposé de participer. Merci pour ta spontanéité et ton envie de parler.

  • Albert

    Déjà, merci de me recevoir. Je suis content de pouvoir participer à ce podcast, qui est du coup à ses débuts. C'est cool et c'est avec plaisir que je témoigne aujourd'hui.

  • Giulietta

    Première question qui est assez évidente. Peux-tu te présenter de la manière dont tu le souhaites ? Qu'est-ce que tu me dirais spontanément si on se croisait quelque part sans se connaître ?

  • Albert

    Si je me présentais spontanément, je dirais que je m'appelle Albert, j'ai 27 ans, je suis freelance et j'habite à Paris depuis quelques années.

  • Giulietta

    Ok, synthétique.

  • Albert

    Voilà.

  • Giulietta

    Sans surprise, tu ne parles pas de ce qui se passe au niveau de ton corps et de ta maladie. Est-ce que c'est un sujet que tu évoques avec les gens ?

  • Albert

    C'est un peu hasardeux, ça dépend en fait des contextes dans lesquels je suis. Si je suis dans un contexte où je vais avoir des problèmes vis-à-vis de cette maladie, ça va se manifester. Je donne un exemple de ce qui m'est arrivé récemment. J'ai fait un cours de sport que je ne peux normalement plus faire à cause d'une opération, en l'occurrence de la boxe, mais j'avais tellement envie d'en faire, ça fait cinq ans que je n'ai pas pu en faire, que j'ai demandé au coach si je pouvais venir et si ça posait un problème, il m'a dit "non, tu peux taper sur sac, on peut faire attention". Et je me suis retrouvé à faire du sparring avec les gens et ils ont été très cool. Et du coup, j'ai dû dire à tout le monde, j'ai un problème aux yeux, sans rentrer dans les détails. J'ai des implants dans les yeux, donc juste frappez pas dans les yeux. Et là, du coup, j'en ai parlé spontanément. Au travail, je n'en ai pas parlé dès le début. C'est juste quand des collègues me voient me frotter les yeux, ou faire des têtes bizarres, ou mettre des gouttes toutes les 10 secondes, que ça vient naturellement. Ça dépend vraiment du contexte.

  • Giulietta

    Donc là, actuellement, tes collègues de travail sont au courant ?

  • Albert

    Comme je suis freelance, ça dépend des clients et des missions, mais là, en ce moment, l'équipe rapprochée et les personnes avec qui je travaille le plus sont au courant.

  • Giulietta

    On en a parlé en off juste avant le début de l'enregistrement, mais par rapport à... À ton travail, tu souhaites que le sujet soit tu, enfin en tout cas tu m'as demandé de témoigner anonymement, c'est quoi la raison ?

  • Albert

    La raison c'est que pour moi ça relève de l'ordre de l'intime, c'est d'ailleurs dans la loi, quand tu as une reconnaissance travailleur handicapé (RQTH), tu n'as pas l'obligation de le dire à ton employeur. C'est exactement la même démarche que j'ai. Ça relève du handicap invisible d'une certaine manière, plus ou moins, après le débat sur le handicap c'est vaste, mais si on prend le cas du handicap invisible en l'occurrence, c'est un handicap qui ne se voit pas spontanément quand on te rencontre, On a le choix de ne pas le dire, et moi je fais ce choix-là.

  • Giulietta

    Je ne connais pas encore les démarches parce que je n'ai pas demandé ma RQTH, tu ne l'as pas non plus il me semble.

  • Albert

    Non, je ne l'ai pas.

  • Giulietta

    Si tu la demandes, est-ce que ton DRH par exemple est au courant ?

  • Albert

    Par le passé, par exemple, dans d'anciens emplois, j'ai dû à un moment prévenir l'équipe RH. En l'occurrence, c'était une grosse structure, donc ils étaient habitués. Et ce qui avait déclenché l'élément, c'est qu'on avait eu un webinaire sur le handicap invisible. Et après je m'étais présenté spontanément en disant "voilà pour que vous soyez au courant j'ai ce problème. Ce webinaire m'a donné envie de vous en parler parce que je vois que vous avez une culture assez ouverte sur le sujet et que vous comprendrez". Donc j'ai choisi de le dire aux RH. Après, ce qui se passe généralement dans ces boîtes là c'est que les RH le disent, ils te demandent du coup si tu veux le dire ou pas. Si on le dit généralement, c'est qu'on veut prévenir ses N+1, N+2. C'est le but et c'est aussi pour expliquer pourquoi on va prendre des jours off, même si on n'a pas forcément besoin de se justifier ou dire "Voilà sachez que j'ai ce souci là, d onc à un moment j'aurais besoin d'être off etc". Avec mes collègues en ce moment, c'est vrai que je me suis retrouvé à le dire au-delà du fait qu'on ne se voit pas beaucoup parce qu'on travaille à distance. Mais j'ai commencé à le dire parce que j'ai beaucoup de rendez-vous médicaux et notamment un rendez-vous médical tous les mois, obligatoire. Au début, je ne disais rien et puis après, j'ai ce rendez-vous où je ne peux pas, j'ai ce rendez-vous pour mes yeux, etc.

  • Giulietta

    Et c'est quoi les réactions que tu as reçues ?

  • Albert

    Très bonne réaction. À l'heure actuelle, dans ma mission, les gens sont compréhensifs, à l'écoute et ça ne pose aucun problème. Enfin, depuis que je suis à mon compte, les réactions sont bien meilleures. En fait, j'estime que je n'ai pas à me justifier, que c'est obligatoire, c'est personnel, donc ça ne les regarde pas. Même si la réaction était mauvaise, ça ne me ferait rien. Par le passé, en revanche, c'était beaucoup plus pesant et chiant quand j'étais salarié.

  • Giulietta

    Dans quelle mesure ?

  • Albert

    Dans la mesure où j'étais dans des entreprises un peu parfois vieux jeu, où avoir du temps off, même pour des raisons médicales, c'était mal vu. Ou alors que ça voulait dire que t'étais pas en bonne santé donc que potentiellement t'allais pas être performant etc, donc ça c'était très chiant et stressant ça a ajouté le stress de chaque mois, bah l'opération que je devais faire et le fait que je voyais très flou dans ce qui allait arriver. Aujourd'hui, ça va mieux, j'ai une vision claire, une feuille de route un processus médical de suivi. Je suis rassuré, et je suis bien encadré, bien entouré, j'ai mes spécialistes, je sais ce qui se passe, je sais comment améliorer la situation optimiser le temps de travail etc, et et Prendre du temps quand il faut prendre du temps, mais avant, quand j'étais dans le flou, ça faisait un effet de cycle, un peu de cercle vicieux, où tu stressais de t'absenter pour raisons médicales, et où tu savais pas trop ce qui se passait, et où c'était un peu mal vu de t'absenter. Mais c'était vraiment dû à une mauvaise culture professionnelle, et un manque de... compréhension ou d'empathie de l'employeur.

  • Giulietta

    Il y a une personne avec qui j'avais échangé qui m'avait dit qu'elle ne souhaitait pas en parler parce qu'elle ne voulait pas qu'on croit notamment qu'elle ait des évolutions professionnelles à cause de sa maladie, comme une discrimination positive. Je trouve que c'est assez symptomatique d'environnements de travail qui, pour l'instant, sont vraiment peu acculturés à la question du handicap.

  • Albert

    Complètement. Et dans le fait de ne pas dire qu'on a une RQTH, il y a aussi cet enjeu-là. C'est-à-dire qu'on peut appliquer cet enjeu de la discrimination au handicap, mais aussi à d'autres éléments. Là, les auditeurs ne me voient pas, mais on peut être victime de discrimination double. C'est-à-dire à la fois si tu es en situation de handicap, mais en plus si tu es une minorité, ou sexuelle, ou autre. C'est des éléments qui peuvent se conjuguer, et du coup je comprends qu'on ne veuille pas donner l'ascendant à un employeur pour l'utiliser contre nous.

  • Giulietta

    Tu es en freelance actuellement, est-ce que le choix de te positionner en tant que freelance lié à ces soucis de santé ou est-ce que c'était une opportunité ?

  • Albert

    C'était plusieurs raisons. Des raisons personnelles, c'est-à-dire que j'étais au bord d'un burn-out, qu'une collègue en a fait un, que je n'étais pas loin, que je n'étais pas épanoui, pas heureux, et que j'avais ces problèmes de santé et que j'avais besoin de plus de latitude dans ma gestion de mon emploi du temps. de mes missions, de comment je travaillais, quand je travaillais. Et en parlant avec des gens qui s'étaient mis à leur compte, j'ai senti qu'il y avait cette latitude. C'était aussi une grosse prise de risque, parce que quand on quitte le salariat, on se demande si on pourra réussir à trouver une mission, que ce soit du long terme, que ce soit stable, et comment on se rémunère, etc. Mais la raison santé m'animait aussi. Et je me donnais un peu une deadline de me dire "il faut que tu partes et il faut que d'ici X temps, tu puisses diminuer la charge sur tes yeux". Je fais un métier où en fait je suis sur écran, mon savoir-faire professionnel, il est principalement dans le milieu du tertiaire on va dire, je n'ai pas de valeur ajoutée d'un métier manuel. Et le fait d'être à mon compte, c'est aussi gérer un peu plus les temps pendant lesquels je suis derrière un écran.

  • Giulietta

    Je te rejoins là-dessus, moi le switch vers le freelance, ça s'est aussi fait suite à un burn-out, où vraiment je ne vivais plus. Ça avait un impact, je pense, sur ma santé, et donc ça pouvait poser problème par la suite. Et par ailleurs, je n'avais pas le sentiment que je pourrais être entendue par ma hiérarchie. Je trouve qu'on est assez privilégiés de pouvoir se dire qu'on fait un métier qui nous permet d'exercer en auto-entrepreneur, où on a des clients. Et pour l'instant, on n'a pas à se soucier de l'avenir, c'est pas tout le monde qui peut le faire, mais c'est vrai que c'est un confort qui est très très chouette.

  • Albert

    C'est un confort qui est énorme et aussi je le vois au niveau de mon stress et les effets. Parce que du coup, ça rentre un peu dans une maladie chronique où il y a des facteurs externes. Et le stress est très mauvais. Et le fait de diminuer le stress à travers plusieurs piliers de la vie et l'hygiène de vie, et le stress et le travail en étant un fondamental, ça a aussi amélioré ma condition de santé.

  • Giulietta

    Je comprends. Et effectivement, le fait d'être en freelance, de pouvoir gérer ses horaires, ça ne veut pas dire que tu vas travailler moins. Mais juste que tu t'organises et si t'as un rendez-vous, moi je sais pas, chez le neurologue et les IRM par exemple, ça me bloque des demi-journées entières, je peux rattraper le week-end si j'ai envie. Des choses comme ça et personne va jamais m'embêter. Est-ce que tu souhaites nous en dire plus sur ce que tu as ?

  • Albert

    Ouais, ouais, complètement. Moi en fait, j'ai deux maladies qui ont été diagnostiquées. La première, c'est un kératocône. C'est une maladie de la cornée, une déformation de la cornée. La cornée est censée être ronde comme un ballon de foot et avec le kératocône, elle... Elle se déforme et s'affaisse et prend la forme d'un ballon de rugby. En gros, pour simplifier et caricaturer les choses. Et ça entraîne des problèmes de vue et des effets secondaires, flous visuels, vues altérées. Il y a plusieurs degrés, plusieurs niveaux. Ça touche une personne sur 2000 pour la caractéristique en soi, la maladie en elle-même en France. Une maladie qui survient souvent vers les 13 ans et qui évolue jusqu'aux 30 ans. Elle peut se détériorer après aussi avec l'âge. Ça dépend vraiment des cas et, au sein de cette maladie, on a différents types de cas plus ou moins avancés. Et moi, en fait, la complexité, c'est que se conjugue à cette maladie un autre problème qu'on a découvert après des opérations pour remédier à ce problème de cornée, qui est un problème de sécrétion des glandes de Meibomius. Alors, c'est légèrement technique, mais c'est pour que les auditeurs comprennent. En gros, dans les yeux, on a une sécrétion double d'eau et de lipides, une fine couche d'eau et une fine couche de lipides. La couche de lipides nous vient des glandes qu'on appelle de Meibomius, et la non-sécrétion de cette glande entraîne des problèmes de sécheresse, des irritations, qui, conjuguées avec ma cornée, font des effets un peu relous. Donc sécheresse, vision floue... Mal de tête et inconfort, enfin on a l'impression d'avoir du sable dans les yeux et ça constamment. Quand il y a des épisodes allergiques, c'est un peu la cata. Et moi je peux plus me toucher les yeux. Enfin, je peux me toucher les yeux mais je peux pas toucher ou gratter parce que sinon ça va déformer ma cornée et j'ai des anneaux dans les yeux donc si je prends un choc ou quoi, je risque de déplacer mes implants ou autre. Donc j'ai un traitement que je suis, mais en gros pour cette maladie, c'est une maladie visuelle qui se conjugue à une sécheresse oculaire.

  • Giulietta

    Et ta maladie, elle évolue ou elle est stable ?

  • Albert

    Alors, elle évolue, mais depuis deux ans, elle est stable. Et là, j'ai fait un point avec le chirurgien, qui m'a dit que c'était stable, parce qu'en fait, il y a plusieurs stades, avec plusieurs types d'opérations. Là, je parle du kératocône. Après, je pourrais parler de l'autre cas de sécheresse, mais en gros, normalement, le kératocône, il est repéré dès le plus jeune âge, dès la préadolescence. Moi, il a été repéré tardivement. C'est ce qui a complexifié les choses et a accéléré le processus de dégradation et aussi le fait qu'on ait dû opérer de manière assez urgente. Ça m'avait fait très peur à l'époque. Finalement, ça s'est bien passé avec du recul. Mais en gros, il y a un premier stade où on doit juste surveiller, faire attention. Si par exemple, on a un enfant qui à 13 ans est diagnostiqué avec un kératocône, souvent ça arrive parce que la vue s'altère très vite. Il y a beaucoup d'astigmatie et c'est sur des terrains où les chercheurs ne sont pas d'accord. Certains disent qu'il y a un facteur génétique, d'autres disent que c'est structurel et biomécanique. En fait... Si très jeune, on est diagnostiqué avec un kératocône, on va dire à l'adolescent ou au préadolescent, faites attention, vous avez cette maladie, ne vous frottez plus les yeux. Pour éviter la dégradation biomécanique de la cornée, on va dire, ne vous frottez plus les yeux, on va faire une correction pour l'astigmatie, on va faire des bilans chaque année de topographie cornéenne, avec des spécialistes, des bilans de la vue, correction adaptée, une hygiène oculaire au niveau du sommeil, pas dormir sur la tête, ne jamais se frotter les yeux, dormir avec un masque si on n'arrive pas à s'empêcher de se gratter les yeux. Si c'est repéré plus tardivement, et si la maladie évolue, il y a un deuxième stade. Aujourd'hui, on arrive dans les pays, quasiment tous les pays européens et aussi d'autres pays dans le monde, à mettre de la vitamine A et à la chauffer. Et ça crée une couche de renforcement de la cornée. On appelle ça le crosslinking. C'est la première étape. Et la deuxième étape... qu'ils ont mis en place depuis quelques années et qui fonctionnent assez bien, et c'est celle dont j'ai pu bénéficier, ça s'appelle les implants intracornéens. Alors ça dépend, chaque cas est différent, mais si la géographie de la cornée le permet, on peut en fait travailler cette géographie pour redonner une forme à peu près normale à la cornée, la rebomber en mettant des implants, en creusant un tunnel avec un laser et en allant placer des anneaux à certains endroits. C'est ce que j'ai pu faire en 2021 et après ça stabilise, et là depuis cette surgit c'est stabilisé, on devait refaire l'autre opération que j'ai mentionnée juste avant, le crosslinking, et finalement pour l'instant on n'en a pas besoin. La dernière étape, c'est la greffe de cornée : on va venir enlever la cornée du patient pour la remplacer avec une cornée normale. Pour l'autre maladie, pareil, c'est sous contrôle. Je suis un traitement avec un spécialiste où chaque mois, en fait, il va faire une petite opération pour déboucher les glandes. C'est une petite intervention. C'est pénible, mais on s'habitue. Et des traitements spécifiques avec des gouttes, une hygiène oculaire, c'est-à-dire une rééducation de la paupière, nous apprendre à cligner des yeux. Et après, c'est aussi une hygiène de vie. C'est corrélé à... Comme je disais, beaucoup d'éléments, mais comme c'est chronique, c'est corrélé au stress, aux pics de pollution, à l'alimentation. Le fait d'avoir testé différents types d'alimentation, ça m'aide à aller mieux. L'alimentation, du coup, pour les yeux, ça va être des oméga-3, ça va être des éléments verts et oranges, des caroténoïdes en gros. Et des légumes et de l'eau, enfin une alimentation variée, un sommeil, pas de stress et ça améliore les choses.

  • Giulietta

    Du coup tes problèmes de santé, ils ont l'air quand même de prendre beaucoup de place en termes de temps dans ta vie quotidienne, vu que tu as des suivis tous les mois. Comment tu te positionnes par rapport à ça ? Quel est ton rapport en fait à ta maladie, à tes maladies actuellement ?

  • Albert

    C'est devenu une routine. Avant, j'étais un peu insouciant et je vois le décalage. En fait on m'a diagnostiqué ça à un retour, je vivais à l'étranger. J'étais au Liban, je faisais un road trip et je conduisais et je ne voyais plus rien. Je voyais vraiment que dalle. Je voyais en fait, quand on a cette maladie, et a fortiori aussi après avec les implants en fait, ça déforme la vue. Les poteaux par exemple, on va les voir se plier. C'est un peu comme si on était sous l'eau et qu'on regardait sous l'eau. Et les lumières, ça fait des halos et tout. Je me disais "oula ça va pas". Et en fait ça m'a... J'étais insouciant. Et là je suis beaucoup plus, on va dire, au fait de ça. Et du coup je fais tout pour que ça se passe bien et pour être en bonne santé. Et... ça occupe de la place. Là, j'ai trouvé un équilibre depuis six mois, je dirais, où ça se maintient. Et je gère au mieux. Ça prend de la place, mais je me dis que c'est comme ça et que j'ai beaucoup de chance d'avoir diagnostiqué la chose, d'avoir un suivi de qualité et aussi de pouvoir me soigner, en fait. Là-dessus, je suis hyper reconnaissant vis-à-vis de, déjà, le corps médical qu'on a, les médecins, les experts et la recherche sur le sujet. Et ensuite, ma situation personnelle fait aussi que je n'ai pas trop à me soucier. J'ai vraiment choisi de m'entourer des meilleurs spécialistes et médecins, quitte à ce que ça me coûte très cher parce que on a qu'une santé et voilà ça vaut de l'or. Du coup, je me donne les moyens de pouvoir me soigner, je suis très reconnaissant de ça et ça va mieux de me dire "je suis quand même très entouré j'ai de la chance ça pourrait être la cata et t'es passé par plusieurs phases". Je suis passé par plusieurs phases, je suis aussi passé par des médecins assez horribles euh... Quand j'étais à l'étranger, où pourtant des médecins qui, sur le papier, sont censés être les meilleurs de leur promo, etc., qui n'avaient peut-être pas l'aspect humain ou empathique et qui disent "il n'y a rien à faire, on ne peut rien faire, il faut attendre", c'est comme ça là où d'autres chirurgiens, comme celui qui me suit, arrivent tout de suite à dire "voilà, vous êtes dans tel cas, moi je vous recommande de faire cette opération, il y a tant de succès, il y a tant d'échecs et allons-y" mais c'est vrai que il y a eu des phases. Il y a eu une phase aussi de dépression pour ma part où je savais pas ce qui m'arrivait, je comprenais rien et j'étais complètement dans le flou et en plus ça a une valeur un peu je sais pas, je dirais philosophique ou de somatisation où la vue c'est un des cinq sens. Je voyais vraiment flou au niveau de ma vue, je sortais d'opération, je n'arrivais pas à voir bien comme il faut, ça me stressait énormément, et en plus j'avais mal, et j'avais les yeux secs. Et cette période-là, elle était horrible, et puis après il y a eu la période post-opération, où on a diagnostiqué l'autre maladie, on a compris ce qui se passait, et petit à petit j'ai compris, et puis ça allait mieux, et ça coïncidait avec un moment où... J'ai quitté un ancien travail, j'ai pris une pause pour recommencer un nouveau travail, etc. Il y a des phases. En ce moment, à l'heure où je te parle, je suis dans une bonne phase. Et ça fait plaisir, parce que ça n'a pas toujours été le cas.

  • Giulietta

    Clairement, je suis assez d'accord avec toi, ça dépend des moments et puis il y a un temps d'acceptation. Et c'est vrai que la relation avec le médecin et le corps médical en général, elle est super importante. J'ai mis, je pense, une dizaine d'années à trouver un praticien avec lequel je me sente bien. Et je trouve que c'est toujours assez délicat quand on a un souci de santé et qu'on ne fait pas partie du corps médical d'être légitime dans ce qu'on dit. On est souvent jugé parce que nos mots sont imprécis. On est beaucoup dans l'affect, dans l'irrationnel, et en face de nous, on a des gens qui ont fait des longues études, qui mettent des mots sur les choses, et c'est super important de se sentir à l'aise avec la personne qui nous suit.

  • Albert

    Complètement. Moi, pour le coup, ça m'a... Enfin, je suis devenu très curieux de la médecine. Et parfois, je discute avec un des praticiens longuement sur "Vous avez lu cette étude sur la maladie que j'ai ?" et c'est trop cool. Par exemple, la dernière fois, j'étais avec le praticien qui me suit pour la sécheresse. Et j'avais lu un article qui est sorti sur le rapport entre la flore intestinale et la sécheresse oculaire. Et on a parlé de ça, il a dit "c'est intéressant, en effet j'ai vu, mais on n'a pas encore trop de recul, il y a un test que vous pouvez faire, vous pouvez essayer". Ça crée une relation de confiance. Moi ça m'a rassuré d'apprendre un peu les codes de ce champ médical, même si je ne serais jamais médecin, mais de parler un peu sa langue et qu'il parle la mienne. et qu'on se comprenne. Et aussi de manière rationnelle. Pas d'être dans le ressenti, dans l'affect, mais dans le clinique, j'ai ressenti ça. Et il s'avère qu'en ce moment, il y a un épisode allergique, ou alors j'ai eu énormément de travail, et depuis ça va moins bien. Et tout de suite, on arrive à faire la corrélation et voir ce qui ne va pas, et faire le traitement. plus ou moins adapté.

  • Giulietta

    C'est vrai que c'est tout un apprentissage d'apprendre à communiquer et de découvrir le monde médical. Exemple concret, du coup, moi, dans le cadre de ma maladie, on peut repérer l'évolution sur des IRM. Il y a des taches blanches qui apparaissent dans mon cerveau, c'est des plaques. Et la première réaction quand on a vu avec ma mère les premières plaques, c'était Ah mais c'est une tumeur ! Et bien évidemment, le neurologue à qui on parle nous a regardé avec des yeux un peu ébahis, genre Mais non, c'est pas du tout ça, ça se voit très bien, c'est de la démélinisation. Mais sauf que quand on ne connaît pas, on essaie de prendre les éléments qu'on connaît et les rattacher. Et voilà, ça prend du temps de se repérer dans cet environnement-là.

  • Albert

    Complètement, et puis il y a un truc qui est terrible, c'est un biais cognitif, mais c'est le... je sais pas comment on peut appeler ça, mais le... on va l'appeler le biais doctolib. Tu vois flou, tu commences à aller sur Internet, et tu vois, caratocone, vous allez devenir aveugle, vous allez perdre la vue. Ou inversement, vous avez mal à la tête, vous avez une tumeur, enfin, c'est hyper stressant. Et on se met à appeler tout le monde, à parler à des gens qu'on connaît, et je sais pas toi, mais le fait d'avoir parlé avec des gens qui connaissaient la maladie, Par exemple, quand on m'a diagnostiqué le truc, je me souviens, j'étais dans un cabinet, et en fait, l'ophtalmo qui m'a reçu m'a fait repasser les tests deux fois, et m'a dit, vous allez voir à côté ma collègue spécialiste. Elle avait un fort accent, et je ne comprenais pas tout ce qu'elle disait. Et ça, enfin, c'est très bête, mais ça m'a énormément stressé. Et du coup, le fait de revoir un deuxième médecin, puis un troisième, puis un quatrième, puis un cinquième, et de mieux comprendre ce qui se passait, ça m'a rassuré. Parce que si je me fiais juste à ce premier diagnostic et à Internet, j'étais foutu.

  • Giulietta

    Même chose pour moi, il y a eu des tâtonnements. Mon premier neurologue n'osait pas vraiment me dire le nom de ma maladie et il regardait ses pieds quand il me parlait de moi. Donc c'était quand même super compliqué de se dire Ok, je vais vivre avec quand lui-même n'arrivait pas à le verbaliser. Et en fait, là, j'ai changé d'établissement. Donc neuf ans plus tard, qui me suit, je suis à la Fondation Rothschild et ils ont mis en place des cours sur la sclérose en plaques. Donc j'ai fait mon premier cours la semaine dernière et c'était trop cool. Ils ont expliqué des choses, plein de choses de la vie quotidienne. Un exemple concret, c'est que j'ai des sensations de fourmillement dans les mains, souvent quand je fais du sport. Et je savais pas à quoi c'était dû, et c'est un petit peu énervant quand tu sais pas ce que c'est, tu comprends pas, tu sais juste que c'est là. En fait, c'est lié à la chaleur. C'est juste que les influx nerveux ne passent pas aussi bien, et donc ça crée cette sensation-là. Et maintenant, en fait, je sais juste que si je vais prendre une douche ou un truc comme ça, je suis soulagée. Et vu que je sais d'où ça vient, je suis super sereine. Sauf que... Ces cours et ces dispositifs ne sont pas fournis à tous les patients. Pareil, je te rejoins, je m'estime extrêmement chanceuse d'être suivie là-bas et d'avoir accès à ces ressources-là.

  • Albert

    Est-ce que tu es satisfaite de ton suivi en ce moment ?

  • Giulietta

    J'ai vu qu'une fois mon neurologue, mais il était vraiment génial. Il a laissé de la place durant la consultation à toute cette part d'affect. Je suis super sensible et j'exprime parfois les choses de manière maladroite. Il m'a écoutée et j'ai trouvé ça très cool. Ma précédente neurologue avait évoqué la possibilité que je change de traitement et ça m'avait beaucoup beaucoup stressée parce que je m'étais adaptée à celui-ci et je m'étais dit je vais vivre avec et me projeter sur un autre traitement pour moi c'était super anxiogène sachant qu'il y a beaucoup beaucoup d'effets secondaires sur les traitements pour la sclérose en plaques. Mon nouveau neurologue m'a dit ben effectivement ça peut être envisagé mais il y aura un collège qui va se réunir, on va en discuter ensemble et le fait vraiment qu'il m'explique le parcours qui serait prêt pour décider de changer de traitement et le fait que je sois associée à cette décision, ça a désamorcé le truc. La dernière fois qu'on en avait parlé, tu m'avais... Alors, je ne sais pas si j'exprime correctement les choses, mais tu m'avais expliqué qu'il y avait une possibilité que tu avais juste des grades ou que le métier que tu fais actuellement n'était peut-être pas compatible pour toujours avec ta maladie. Et j'avais le sentiment qu'il y avait un peu une période actuelle et que tu te projetais sur un après qui était plus créatif, notamment, où tu ferais plein de choses sur lesquelles tu t'épanouirais.

  • Albert

    C'est vrai, j'ai dit ça et ça coïncide avec ce qui se passe en ce moment dans ma vie. C'est que... À la base, j'avais fait des études dans un champ littéraire, sciences politiques, et je voulais faire une carrière un peu classique, passer les concours, etc., être haut fonctionnaire. Petit à petit, et je pense que c'est lié certainement à cette maladie, je me suis reconnecté un peu à un côté enfantin, on va dire, mais lié aussi à la littérature et à tout ce monde-là, à la musique. Peut-être que le fait d'avoir cette maladie-là et le fait de dire, En fait, il faut juste que je diminue les écrans. ça m'a mis un coup de boost. Et il faut aussi dire que le fait d'être freelance, il y a un aspect, je trouve, légèrement prise de risque, où tu te dis, finalement, aller vers le monde de la création, c'est aussi une forme de prise de risque. Je ne sais pas si j'arriverai à en vivre. J'aimerais beaucoup, un jour, pouvoir en vivre. À l'heure actuelle, je travaille en tant que freelance. la totalité de mon temps professionnel est dédié à mon auto-entreprise et le reste du temps, j'explore des champs créatifs qui me plaisent, l'écriture, la musique. En ce moment, je me suis un peu jeté corps et âme dedans. J'ai un tempérament obsessionnel et parfois passager et parfois structurel. Donc ça veut dire que mes obsessions se transforment parfois en passions que je vais garder toute ma vie, ou alors je prends, j'explore et je jette et je passe à autre chose et j'ai une nouvelle lubie. En ce moment, à l'heure où je te parle, il s'avère que c'est la musique et c'est trop cool. Ça prend bien parce que j'arrive à la partager assez vite avec les gens et à me connecter aux gens. Et du coup, je me projette assez bien là-dessus et j'ai envie d'essayer d'explorer. Ça veut dire concrètement que j'aurai un peu moins de mon temps consacré à mon activité en auto-entreprise et j'aimerais passer plus de temps à me concentrer sur des projets personnels.

  • Giulietta

    C'était un autre projet dont tu m'avais parlé.

  • Albert

    C'est bien, c'était un projet plutôt radio. En fait, je me suis rendu compte d'un truc, c'est que tout était intriqué dans une forme de rapport à la réalité, de questionnement que j'ai sur le monde, et en fait de manifestation de qui je suis et comment je me connecte à la réalité et à l'autre, et aux autres. Et du coup, cet élément-là qui détermine un peu le fil rouge de la vie. Il va prendre des formes diverses. Le livre, là ça va être cette émission radio qu'on fait en ce moment, où il y a une rencontre, un partage d'histoire, et on va se connecter à des auditeurs qui vont avoir un... en eux une forme de résonance de ce qu'on dit, chacun à travers notre témoignage, et la musique ce qui est assez fort c'est que en l'occurrence quand on mixe devant des gens, une musique qui nous tient à coeur, et qu'on va réussir à toucher l'auditoire et à se connecter à eux, il y a quelque chose de très fort qui se passe j'imagine que c'est la même chose avec l'écriture et avec toute forme d'art en fait et c'est cette chose là qui dont je suis certain que je vais explorer parce que ça m'anime beaucoup et ça m'enthousiasme. Voilà pendant un moment j'étais plus sur un truc, ok j'ai un problème aux yeux donc il faut que je fasse un truc où il n'y a pas d'écran donc prof de sport parce que t'as pas d'écran ou alors paysagiste ou alors je viens de la montagne donc guide de haute montagne ou alors moniteur de ski et finalement je me dis bah en fait il y aura peut-être toujours un peu d'écran Et il y a aussi une forme de lâcher-prise, c'est-à-dire si je vis toujours avec une forme d'épée de Damoclès au-dessus de ma tête et que je vois toujours le pire, je me dis, certes, c'est important de bouger, mais peut-être que je vais passer à côté de quelque chose.

  • Giulietta

    Et justement, tu l'envisages comment, la question du futur ?

  • Albert

    Là, à l'heure où tu me parles, avec beaucoup d'espoir. Mais c'est peut-être parce qu'on est au mois de mai, qu'il fait beau, qu'il s'est passé des choses récemment qui font qu'en ce moment, avec la musique, c'est comme si j'avais ouvert une porte vers un... un peu un nouveau monde je vois le futur avec beaucoup d'espoir et j'ai envie de le voir comme ça j'ai envie qu'il soit comme ça et j'ai envie qu'il soit radieux il sera peut-être pas mais en tout cas je le souhaite ouvert et ouvert sur plein de choses et que ça ne me limite pas et que je ne sois pas limité et qu'au contraire ce soit un mal pour un bien

  • Giulietta

    Est-ce que tu... Alors, je présume que tout n'est jamais blanc ni noir, mais est-ce que tu penses que ce cheminement vers le créatif, tu l'aurais eu ? Si tes soucis de santé n'avaient pas été là ?

  • Albert

    Ce cheminement, je l'ai toujours eu parce que j'ai été vers le monde des humanités, on va dire, la poésie, l'écriture à la base. La musique toujours un peu de manière, on va dire, naturelle, parce que je viens d'un milieu où on n'est pas musicien, mais mon père a toujours passé des chansons à la maison. Donc j'ai toujours ce souvenir de la musique partout, qui résonne, les vieux disques, les vinyles et tout. Et ça a toujours été quelque chose de présent. Les livres, moins.

  • Giulietta

    c'était l'école mais du coup ce chemin de création je l'ai un peu toujours eu mais c'est surtout un rapport au langage en fait je pense et c'est vrai que le fait d'avoir ce problème aux yeux c'est pas tout ce que je vais dire mais ça m'a un peu ouvert les yeux je rigole mais il y a vraiment un truc de prise de conscience de me dire en fait Il faut que je fasse très attention à ma santé. C'est ce que ma mère m'a toujours dit dans la vie. Quand elle me voyait me démener, un peu me battre contre des moulins à vent dans mon cheminement pour mes études, essayer de prouver quelque chose. J'ai toujours été dans une dynamique de prouver quelque chose aux autres, à la société, à moi-même. Et là, j'ai l'impression d'entrer dans un nouveau cycle où je ne veux plus rien prouver, mais je veux faire. Je veux explorer. Et il s'avère que c'est à travers la création. Donc moi, ça me va. Et je pense que, pour te répondre, La maladie m'a un peu guidé plus et a donné un coup de boost sur vas-y, si tu ne vas pas maintenant, quand est-ce que tu vas le faire ?

  • Albert

    Je suis assez d'accord avec toi. Moi, ça m'a donné le sentiment que rien n'était très grave. Au pire, ce podcast est un échec. Ce n'est pas très grave, je l'aurais fait en fait. Et de me poser un peu la question de "est-ce que ça tient vraiment à cœur et est-ce que tu veux y aller ?" Le podcast, ça faisait un bout de temps que j'y pensais et que je me disais que j'avais vraiment envie de donner la parole à des gens. et en fait de pas imaginer les choses de manière insurmontable et pareil de voir l'échec comme quelque chose d'ok qui fait partie du processus et finalement effectivement c'est très agréable et je rebondis juste sur ce que t'as dit au début quand t'apprends que t'as une maladie quelle qu'elle soit tu peux avoir cet effet de dire "Mon Dieu, il faut que je remette tout en question et que je m'adapte vraiment à ma pathologie". Donc moi, dans mon cas, par exemple, quand j'ai appris que j'avais une sclérose en plaques, bien évidemment, le stress, c'est pas bien. Et mon beau-père m'avait dit "bon, concentre-toi sur autre chose que ta vie professionnelle". Je suis pas complètement d'accord avec ça, je dirais juste qu'il faut voir les choses différemment. Et effectivement, par exemple, pour moi, le salariat, c'est un carcan. et donc je travaille en freelance je choisis mes clients les échanges sont plus stimulants c'est juste qu'à un moment je me suis autorisée à prendre du recul et à regarder les choses d'un autre point de vue donc voilà toi quand tu disais que tu allais devenir guide de haute montagne finalement non

  • Giulietta

    finalement non mais je trouve ça hyper intéressant parce que ce discours qu'avait ton beau-père c'est ce discours familial qu'on me tient aussi à chaque fois que je parle avec eux ils sont inquiets parce que je travaille Beaucoup, enfin je sais pas si je travaille beaucoup Mais à leurs yeux je travaille beaucoup Et je suis entier dans ce que je fais Et ça les inquiète Ils me disent avec tes diplômes Tu peux tout à fait rentrer dans une grande entreprise Et avoir un poste avec Reconnaissance travailleur handicapé Avec des horaires adaptés etc Mais tout comme tu l'as dit Peut-être je crois que ça ne me convient pas Et c'est pas ce que je veux faire Et chacun a son rapport Voilà sa maladie, il y a différents types de maladies avec différents types de degrés de handicap et moi je tiens à le dire,

  • Albert

    je m'estime comme très heureux je pense qu'il y a tout un truc de définir les limites qui sont acceptables par exemple il y avait un panel de trucs où Je me suis dit, ça ne va plus être possible comme avant. Je me suis dit, peut-être qu'il faut que je réfléchisse plus globalement à la question du stress dans ma vie. Étant maxi-anxieuse, il a fallu que je me pose cette question-là. Le problème, ce n'était pas mon job, c'était moi. La manière dont j'abordais les choses et le fait de toujours apprécier et travailler sous tension, de travailler dans le rush. Je ne le fais plus et je crois que ce n'est plutôt pas trop mal.

  • Giulietta

    Comment tu gères ça ?

  • Albert

    Le stress, maintenant ? Je me dis que rien n'est grave. et j'ai tendance à fuir les situations qui sont anxiogènes pour moi il y a pas mal de managers par le passé qui m'ont mis la pression sur des choses absurdes et qui valaient pas la peine que par exemple je dorme pas la nuit, ça je le ferais plus bah t'as bien raison il faut plus le faire et personne ne doit le faire je reviens vachement en arrière par rapport au début de notre échange donc tu mentionnais le fait que la maladie est un sujet intime mais pourquoi est-ce que tu es venu aujourd'hui du coup ?

  • Giulietta

    bah très bonne question parce que comme tout ce qui relève de l'ordre de l'intime ça touche toujours l'humanité et je trouve que ta démarche est très belle et qu'elle m'a touché et que de mon petit point de vue de personne avec cette situation cette maladie j'ai la possibilité aujourd'hui d'en parler Alors déjà ça fait du bien ces cathartiques et ensuite j'imagine et j'espère que des personnes qui sont dans mon cas ou qui commencent à être dans la phase dans laquelle j'ai pu être précédemment ou autre, se retrouvent dans mon témoignage et puissent être rassurés de se dire qu'il y a des solutions et qu'ils peuvent être accompagnés que la phase que j'ai vécue de stress et de flou total si ça peut altérer ça c'est cool et ensuite parce que la démarche de ton podcast Je la trouve top. C'est qu'en parlant de l'intime, et j'y crois profondément à ça, on a ça dans tout, dans les films, dans les romans, dans les poèmes, dans la musique, c'est souvent des gens qui parlent alors de là où ils sont, de choses très intimes, et c'est souvent ces choses-là qui touchent le plus de monde possible. C'est pour ça que même si j'ai un tempérament assez pudique, j'ai choisi de venir ici. Et aussi parce que je me suis senti très connecté à la discussion qu'on a eue et que je sentais qu'on... On avait beaucoup de choses à se dire et puis... que je trouvais ça sympa. Et je te remercie encore de me donner cette possibilité.

  • Albert

    Avec grand plaisir. C'est un peu le but du podcast, de dire que quand on se trouve confronté à une pathologie qu'on apprend, on se sent parfois très seul. Ça fait parfois beaucoup de choses à gérer. Et finalement, il y a pas mal de gens autour de nous qui traversent les mêmes problématiques, soit parce qu'elles ont une maladie, soit parce qu'en fait, c'est un moment de leur vie qui est délicat. Et ça fait extrêmement bien. d'en parler. En lançant le podcast, j'ai commencé un peu plus à parler de ma pathologie, tout ça, et j'étais impressionnée du nombre de personnes autour de moi qui avaient des soucis de santé. Et actuellement, le début de la saison, c'est qu'avec des gens qui font partie de mon entourage proche, et en fait, il y en a des tonnes, et le fait, moi, d'avoir osé mettre des mots là-dessus, ça m'a permis de débloquer plein de conversations que je n'aurais jamais eues. Alors toi, quand on a échangé, tu m'en avais parlé en premier, avant que j'évoque le sujet, mais il y a des personnes qui ne m'ont jamais parlé de leurs soucis de santé, et c'est vraiment un poids et en fait d'avoir dit ah bah moi j'ai une sclérose en plaques tout ça et bah on a eu un échange trop cool ouais donc ce qui est chouette c'est que ça libère la parole À un moment, je croyais que tout le monde allait bien autour de moi et que j'étais la seule à être triste ou à avoir des... Parfois, je sais pas, j'ai fait un burn-out et tout, et je pensais que j'étais la seule. Et en fait, peu de gens vont foncièrement bien. Et c'est OK, il faut juste en parler. Là, je vais faire mention d'une discussion que j'ai eue il y a quelques jours. Je travaillais dans un coworking et il y a une personne extrêmement jeune. dans ce coworking qui est présente et qui nous a parlé de la dépression qu'elle a traversée et en fait on a passé deux heures à parler de nos troubles de la santé mentale et c'était vraiment trop chouette et j'espère qu'il est parti en se disant en fait il y a plein de gens qui ont les mêmes soucis que moi et c'est ok on peut vivre avec et donner le change tout en étant en phase avec ce qui nous arrive

  • Giulietta

    Oui, c'est vrai. C'est très juste. Et autour de moi, j'ai observé aussi beaucoup de gens pas bien, malheureux. Après, c'est aussi une question peut-être d'âge, de génération. T'as évoqué le problème de santé mentale. On est aussi à un moment où sur la question du fait que la parole se libère à travers aussi ta démarche et ton podcast, ça aide beaucoup. Mettre des mots sur les choses. à pouvoir en parler, à avoir d'autres témoignages, et à dire aussi, cette personne-là a traversé ça, on n'est pas seul. Donc c'est très positif. Je trouve que ça donne de l'espoir. Et ça donne aussi l'impression qu'on prend conscience de l'importance de notre santé, et que même si on est dans un... monde où scientifiquement on a le sentiment de maîtriser énormément de choses, ça veut pas pour autant dire que tout le monde va bien, et que la gestion de la santé publique... C'est aussi un enjeu très politique. Et pour moi, c'est un enjeu qui est ancré dans le discours, beaucoup. Et dans la façon dont on a de prendre soin. C'est quelque chose qui revient beaucoup. Le care, c'est un des thèmes du moment, du siècle. Mais c'est aussi de prendre soin les uns des autres. Et je pense que c'est pas pour rien que, politiquement, si la société va mal, c'est aussi parce que nous, on va mal et qu'on n'est plus aussi présents les uns pour les autres, qu'en fait, on devrait pouvoir parler assez librement de ce qui va pas bien. Et s'entraider. et c'est la base et j'ai l'impression qu'on a un peu perdu ça enfin je dis perdu, je sais pas si on l'a jamais eu mais je sais que par exemple moi dans ma culture qui est double, française et maghrébine et africaine, quand quelqu'un est malade, tout le monde est présent pour l'aider, financièrement même pour faire à manger ou quoi c'est quelque chose de très et ça touche aussi je pense à un problème qui est général et auquel on va tous être confrontés, c'est que même La vieille, si on prend la question de la vieille, c'est aussi voir sa santé se dégrader. Et même si on n'a pas de maladie en soi, on va perdre en mobilité, on va perdre d'un point de vue cognitif, en vue, et il faut qu'on y soit préparé en tant que société. J'ai divagué là, longuement. Mais ça m'a fait penser à tout ça, ce que tu évoquais sur le cowork, la façon de parler entre nous, le mal-être des jeunes et tout.

  • Albert

    Je trouve que c'est un peu un cercle vicieux. Le fait de, pour l'instant, que la société soit mal à l'aise avec le sujet de la maladie, ça donne quelque chose, de mon point de vue, qui est insurmontable quand on l'annonce aux gens.

  • Giulietta

    Mais c'est parce qu'aussi on est dans une société où on... On est dans une société de l'illusion, où on pense que la performance, la production, la technologie... nous sauve et nous sauvera. Et forcément, quand on se rend compte que l'humain est fragile, qu'il est imparfait, ce qu'il est d'ailleurs, par essence, ça peut faire bizarre. Il y a aussi des gens qui ne comprennent pas, qui ne perçoivent pas, qui manquent d'empathie, ou alors qui ne savent pas comment recevoir la chose et qui ont preuve de maladresse. Je te rejoins là-dessus. Moi, j'avais une question, c'est est-ce que tu fais partie d'associations ou de groupes, de personnes qui ont la même maladie que toi ? Et est-ce que tu as déjà songé à rejoindre des groupes, des associations, des groupes de parole, des groupes de soutien, de levée de fonds, etc. ?

  • Albert

    C'est très récent que je rencontre des gens qui ont une sclérose en plaques. C'est assez chouette parce que j'estime que c'est les seules personnes qui peuvent vraiment me comprendre. Et la semaine dernière, j'ai fait cette formation où j'ai échangé avec d'autres malades. On est une quinzaine. Ça m'a fait beaucoup de bien de me rendre compte. C'était beaucoup de personnes qui venaient d'apprendre leur maladie. Et je voyais qu'elles... Alors, je ne me réjouis pas que les gens aillent mal. Mais j'ai vu que c'était un bouleversement pour tout le monde. Et rétrospectivement, ça m'a permis de me dire, OK, le fait que tu aies fait sans doute une dépression à l'époque et que ça a bouleversé ta vie pendant, je pense, sept ans. Ben, c'est entendable, il y avait une personne à côté de moi qui disait qu'elle n'arrivait pas à dire le nom de sa maladie. Moi, pendant très longtemps, j'ai dit que j'avais une suspicion de sclérose en plaques parce que je me sentais pas légitime et donc ça m'a fait trop du bien. Et le dernier point, je me sens pas apte pour l'instant à plus m'investir aussi parce que t'es confrontée à la souffrance des gens et pour l'instant, parfois, à la souffrance des gens en tout cas. des personnes soit qui ont des symptômes très agressifs et donc je me sens pas légitime pour dire quoi que ce soit vu que moi je vis très bien avec soit des questionnements ou un mal-être psychologique pareil avec lequel je sais pas quoi faire soit je vais m'en vouloir d'aller bien soit

  • Giulietta

    j'ai peur d'être maladroite dans ce que je vais dire et donc pour l'instant je préfère rester de côté non mais je comprends moi j'ai le même sentiment que toi vraiment t'as euh Je partage vraiment ce point de vue aussi. J'ai le même sentiment. Je ne me sentirais pas légitime. Le seul truc qui me saoule et sur lequel j'aimerais faire quelque chose si je rejoins des groupes de parole, etc. ou des associations, c'est sur le plan politique, pour la reconnaissance de la maladie. Moi, j'ai eu des opérations, ça m'a coûté très cher, mais j'ai eu la chance à l'époque d'être dans une entreprise privée, à l'étranger, qui avait une mutuelle exceptionnelle. Parce que l'ancien PDG avait eu des problèmes de santé, donc il avait pris la meilleure mutuelle possible. C'est-à-dire que je n'ai pas déversé énormément d'argent pour me faire opérer, l'opération a coûté plusieurs milliers d'euros, et la prise en charge de la sécurité sociale était à hauteur de... 10% de l'opération. Alors que sans ça, je serais vraiment encore mal. Et aussi, bon, prise en charge maladie longue durée, on a un système de santé qui, quand même, par rapport au reste du monde, nous offre beaucoup de droits. Mais sur le keratocone et la sécheresse, on a des progrès à faire sur la prise en charge.

  • Albert

    Toi, tu parles des aspects financiers, mais voir des spécialistes, souvent, c'est un moment qui est structurant, soit dans notre année, soit dans notre semestre, on n'a pas l'occasion de voir souvent notre médecin. Et en fait, il y a peu de temps qui est consacré aux patients. On n'a pas l'occasion de formuler correctement nos questions, il y a peu d'accompagnement qui est réalisé. Encore une fois, nous deux, on a la chance de pouvoir nous documenter, d'avoir le temps nécessaire pour apprendre ce qu'on a. Mais ce que je retiens de ma formation de la semaine dernière et de mon échange avec d'autres patients, c'est qu'il y en a certains qui avaient beaucoup de questionnements et qui malheureusement n'avaient pas l'occasion d'échanger très souvent avec leur neurologue. Il y avait plein de questions qui restaient en souffrance, et ça générait une grande souffrance. et ça je pense que c'est un sujet de santé publique c'est pas seulement un accompagnement médical mais en fait c'est une approche plus holistique et de dire il y a une dimension clairement de santé mentale, psychologique et le traitement de la pathologie doit être pris au global j'ai une question, t'as vachement parlé de littérature, musique, tout ça est-ce qu'il y a des œuvres qui t'ont marqué dans ton cheminement par rapport à ta maladie ?

  • Giulietta

    Alors, non, pas en particulier. Il y a des oeuvres qui ont marqué dans ma vie, mais pas sur cet aspect. Et ça me fait penser que je devrais peut-être orienter mes lectures. Après, peut-être que c'est aussi un mécanisme personnel. J'ai peut-être pas envie de lire des choses sur ça. Mais non, j'ai rien qui me vient.

  • Albert

    Ok. Il y en a une seule lecture qui m'a marqué, mais... Hors de moi de Claire Marin. Alors je ne saurais plus dire quelle pathologie elle a. Dans mon souvenir, ça génère d'importantes souffrances pour elle. Elle a eu pas mal d'opérations et en fait, elle avait le sentiment que sa maladie la mettait hors d'elle. Et ce qui m'a beaucoup marquée et ce qui m'a fait énormément de bien, c'est la dernière page du livre où elle dit que si sa situation continue à se dégrader, elle veut avoir la possibilité de dire stop. et en fait moi j'avais toujours essayé d'aborder ma maladie comme un truc feel good genre oui mais ça me fait réfléchir sur le sens de ma vie ça va être chouette faut que j'apprenne à vivre avec et tout et la perspective de se dire à un moment ça devient inacceptable et j'ai plus envie de continuer comme ça ça m'a libéré ouais je comprends c'est vrai que le mécanisme de subvertir le truc en se disant finalement c'est un mal pour un bien ça peut être aussi parfois limitant ou se dire que c'est peut-être pas la meilleure approche

  • Giulietta

    J'ai demandé à notre pote commune de nous adresser une question. Et donc sa question portait sur la parentalité. Comment est-ce qu'on se projette, toi et moi, sur le fait de conjuguer la maladie et le fait de potentiellement être parent ? Toi, ça t'évoque quoi ?

  • Albert

    Alors moi déjà, ça m'évoque des visites très tôt chez l'ophtalmo pour mes gosses.

  • Giulietta

    Est-ce que c'est potentiellement héréditaire ?

  • Albert

    C'est potentiellement héréditaire, ouais. Comme je le disais tout à l'heure, les experts scientifiques et les chercheurs ne sont pas d'accord sur la question. Certains disent qu'il y a un facteur héréditaire, et d'autres disent que c'est biomécanique, et d'autres disent que c'est les deux. Mais généralement, les personnes qui sont atteintes d'un kératocône ont un membre de leur famille qui ont... cette maladie aussi. Dans mon cas, c'est compliqué parce que je ne connais pas trop mes grands-parents. D'autres membres de ma famille ont eu des vies qui sont complètement différentes de la nôtre, du coup ils ont pu avoir cette maladie sans s'en rendre compte. En tout cas, très bonne question de notre amie en commun, moi j'aborde la parentalité avec de l'espoir. Et le seul truc auquel je ferais gaffe, c'est d'emmener mes gosses chez l'ophtalmo et aussi de les engueuler s'ils se frottent les yeux.

  • Giulietta

    Moi, de mon côté, il y a quelques sujets, parce qu'actuellement, mon traitement n'est pas compatible avec une grossesse. Il y a des risques de malformation. Donc, en fait, c'est juste le sujet qui est abordé systématiquement par le neurologue, limite en début de consultation. Parce qu'il faut que je l'arrête, que je prenne quelque chose qui évite que le traitement soit encore présent dans mon sang avant d'envisager une grossesse. Et donc, comment dire, le fait d'envisager une grossesse en se disant ça va venir, c'est pas possible de mon côté, il faut vraiment l'envisager et le cadrer. Ma maladie, si je me dégrade, ça peut avoir un impact sur ma vie tous les jours puisque je peux avoir un handicap physique, il peut y avoir énormément de fatigue, des choses comme ça. Pour moi, c'est pas du tout un frein parce j'ai envie d'être maman et je le sais. On recomposera les choses différemment pour faire en sorte que ça puisse se faire mais je veux pas le voir comme un frein. Eh bien, je crois qu'on a terminé :)

  • Albert

    merci beaucoup pour l'invitation !

  • Giulietta

    Un immense merci à Albert pour sa générosité. Ce n'est pas toujours facile de parler de soi, et je trouve qu'il s'en est sorti avec brio. J'ai particulièrement apprécié de cet échange la réflexion d'Albert sur l'intimité. Si certains sujets n'ont pas vocation à être partagés avec tout le monde, comme c'est le cas pour la maladie, ils n'en revêtent pas moins un caractère politique. Parler de sujets délicats, qui nous touchent, ou que l'on trouve tabous, est un acte militant. Vous ne l'avez pas vu, mais Albert avait des étoiles dans les yeux, à l'évocation de son futur. J'espère qu'il vous apportera de la bonne humeur et une dose d'espoir. Cet épisode vous a plu ? Vous souhaitez réagir ? Écrivez-moi sur le compte Instagram de l'anomalie, le lien est dans la description de cet épisode. Partagez-moi vos retours, qu'ils soient positifs ou plus circonspects, je les lirai avec plaisir. Vous pouvez soutenir mon travail en vous abonnant à ce podcast sur votre plateforme d'écoute préférée. Si vous êtes d'humeur à déplacer des montagnes, vous pouvez attribuer une note et un commentaire au podcast, cela m'aidera beaucoup. lanomalie est un podcast autoproduit par mes soins, entièrement conçu et imaginé entre Ménilmontant et le canal de l'Ourcq à Paris. Rendez-vous très bientôt pour le prochain épisode. D'ici là, prenez soin de vous.

Description

Envie d’un petit shoot de bonne humeur et d’espoir ? Rencontrez, le temps d’un épisode, Albert qui vit avec un kératocône : sa cornée s’affaisse et génère un important inconfort visuel. Le kératocône est une maladie chronique dont les symptômes sont quotidiens : Albert vit avec une vision floue et une sensation d'irritation permanente. Pour pouvoir continuer à travailler et à vivre sereinement, Albert doit porter des lentilles adaptées et se rend très régulièrement chez l'ophtalmologue.


Les sujets balayés avec Albert posent des questions essentielles sur le rapport que nous entretenons en tant que société et individus, avec la maladie, et la santé de manière plus générale.


Au programme de ce petit bijou, nous avons évoqué :

  • Notre rapport au monde du travail et les choix induits par la présence du handicap

  • La notion d’intimité soulevée par la maladie

  • Notre volonté de militer sur des questions liées à la santé, à la maladie et au handicap

  • La manière dont Albert a recomposé son futur, en tenant compte des limites imposées par son kératocône, sans laisser de côté ses passions

  • La mise en place d'un traitement et d'un protocole adaptés, pour permettre à Albert de continuer sa vie sereinement

  • Le fait d'évoquer, ou non, les questions de santé/de handicap dans un contexte professionnel

  • La volonté inébranlable d’Albert d’explorer.


J’espère que cet épisode vous plaira ! J’ai personnellement pris beaucoup de plaisir à ré-écouter notre conversation et à cheminer avec Albert.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Giulietta

    Et si on parlait plus ouvertement de la maladie ? Dans l'imaginaire commun, quand la santé va, tout va. Partout, on valorise un corps sain qui tient la route, et dont on souhaite sans cesse repousser les limites. Dès lors, quelle est notre place quand on connaît ponctuellement ou plus durablement la présence de la maladie dans notre vie ? Je suis partie à la rencontre des personnes qui, tout comme moi, vivent en compagnie d'une maladie car, à mon sens, poser des mots sur un sujet encore tabou, ça fait du bien. Je vous souhaite la bienvenue dans ce deuxième épisode de l'Anomalie, le podcast qui ouvre la discussion sur la maladie. J'ai eu le plaisir de m'entretenir avec Albert, un ami d'ami qui vit avec un keratocone et une affection des glandes de Meibomius. Vraisemblablement, l'évocation de ces pathologies ne vous dira pas grand chose. Pas de panique, Albert explique très bien les choses. Vous l'entendrez, le ton de cet épisode est légèrement différent. Albert et moi nous connaissons peu, l'échange est plus pudique. Ce qui ne nous a pas empêché d'évoquer la question de l'intimité soulevée par la maladie, notre relation au travail, la volonté de recomposer notre futur, le désir de parentalité et l'importance de militer sur des questions de santé. Allez, c'est parti pour ce deuxième épisode, je vous souhaite une très bonne écoute. Eh bien du coup, Hello Albert, qui est un nom d'emprunt pour l'enregistrement de cet épisode, je suis ravie de te recevoir aujourd'hui.

  • Albert

    Merci beaucoup.

  • Giulietta

    Pour donner un peu de contexte, tu es un ami d'ami. On a échangé sur notre vie professionnelle à un moment, et spontanément, tu m'as parlé de tes soucis de santé. Donc c'était un vrai sujet au cours de la discussion. Je t'ai parlé de ma démarche sur le podcast, et très spontanément, pareil, tu m'as proposé de participer. Merci pour ta spontanéité et ton envie de parler.

  • Albert

    Déjà, merci de me recevoir. Je suis content de pouvoir participer à ce podcast, qui est du coup à ses débuts. C'est cool et c'est avec plaisir que je témoigne aujourd'hui.

  • Giulietta

    Première question qui est assez évidente. Peux-tu te présenter de la manière dont tu le souhaites ? Qu'est-ce que tu me dirais spontanément si on se croisait quelque part sans se connaître ?

  • Albert

    Si je me présentais spontanément, je dirais que je m'appelle Albert, j'ai 27 ans, je suis freelance et j'habite à Paris depuis quelques années.

  • Giulietta

    Ok, synthétique.

  • Albert

    Voilà.

  • Giulietta

    Sans surprise, tu ne parles pas de ce qui se passe au niveau de ton corps et de ta maladie. Est-ce que c'est un sujet que tu évoques avec les gens ?

  • Albert

    C'est un peu hasardeux, ça dépend en fait des contextes dans lesquels je suis. Si je suis dans un contexte où je vais avoir des problèmes vis-à-vis de cette maladie, ça va se manifester. Je donne un exemple de ce qui m'est arrivé récemment. J'ai fait un cours de sport que je ne peux normalement plus faire à cause d'une opération, en l'occurrence de la boxe, mais j'avais tellement envie d'en faire, ça fait cinq ans que je n'ai pas pu en faire, que j'ai demandé au coach si je pouvais venir et si ça posait un problème, il m'a dit "non, tu peux taper sur sac, on peut faire attention". Et je me suis retrouvé à faire du sparring avec les gens et ils ont été très cool. Et du coup, j'ai dû dire à tout le monde, j'ai un problème aux yeux, sans rentrer dans les détails. J'ai des implants dans les yeux, donc juste frappez pas dans les yeux. Et là, du coup, j'en ai parlé spontanément. Au travail, je n'en ai pas parlé dès le début. C'est juste quand des collègues me voient me frotter les yeux, ou faire des têtes bizarres, ou mettre des gouttes toutes les 10 secondes, que ça vient naturellement. Ça dépend vraiment du contexte.

  • Giulietta

    Donc là, actuellement, tes collègues de travail sont au courant ?

  • Albert

    Comme je suis freelance, ça dépend des clients et des missions, mais là, en ce moment, l'équipe rapprochée et les personnes avec qui je travaille le plus sont au courant.

  • Giulietta

    On en a parlé en off juste avant le début de l'enregistrement, mais par rapport à... À ton travail, tu souhaites que le sujet soit tu, enfin en tout cas tu m'as demandé de témoigner anonymement, c'est quoi la raison ?

  • Albert

    La raison c'est que pour moi ça relève de l'ordre de l'intime, c'est d'ailleurs dans la loi, quand tu as une reconnaissance travailleur handicapé (RQTH), tu n'as pas l'obligation de le dire à ton employeur. C'est exactement la même démarche que j'ai. Ça relève du handicap invisible d'une certaine manière, plus ou moins, après le débat sur le handicap c'est vaste, mais si on prend le cas du handicap invisible en l'occurrence, c'est un handicap qui ne se voit pas spontanément quand on te rencontre, On a le choix de ne pas le dire, et moi je fais ce choix-là.

  • Giulietta

    Je ne connais pas encore les démarches parce que je n'ai pas demandé ma RQTH, tu ne l'as pas non plus il me semble.

  • Albert

    Non, je ne l'ai pas.

  • Giulietta

    Si tu la demandes, est-ce que ton DRH par exemple est au courant ?

  • Albert

    Par le passé, par exemple, dans d'anciens emplois, j'ai dû à un moment prévenir l'équipe RH. En l'occurrence, c'était une grosse structure, donc ils étaient habitués. Et ce qui avait déclenché l'élément, c'est qu'on avait eu un webinaire sur le handicap invisible. Et après je m'étais présenté spontanément en disant "voilà pour que vous soyez au courant j'ai ce problème. Ce webinaire m'a donné envie de vous en parler parce que je vois que vous avez une culture assez ouverte sur le sujet et que vous comprendrez". Donc j'ai choisi de le dire aux RH. Après, ce qui se passe généralement dans ces boîtes là c'est que les RH le disent, ils te demandent du coup si tu veux le dire ou pas. Si on le dit généralement, c'est qu'on veut prévenir ses N+1, N+2. C'est le but et c'est aussi pour expliquer pourquoi on va prendre des jours off, même si on n'a pas forcément besoin de se justifier ou dire "Voilà sachez que j'ai ce souci là, d onc à un moment j'aurais besoin d'être off etc". Avec mes collègues en ce moment, c'est vrai que je me suis retrouvé à le dire au-delà du fait qu'on ne se voit pas beaucoup parce qu'on travaille à distance. Mais j'ai commencé à le dire parce que j'ai beaucoup de rendez-vous médicaux et notamment un rendez-vous médical tous les mois, obligatoire. Au début, je ne disais rien et puis après, j'ai ce rendez-vous où je ne peux pas, j'ai ce rendez-vous pour mes yeux, etc.

  • Giulietta

    Et c'est quoi les réactions que tu as reçues ?

  • Albert

    Très bonne réaction. À l'heure actuelle, dans ma mission, les gens sont compréhensifs, à l'écoute et ça ne pose aucun problème. Enfin, depuis que je suis à mon compte, les réactions sont bien meilleures. En fait, j'estime que je n'ai pas à me justifier, que c'est obligatoire, c'est personnel, donc ça ne les regarde pas. Même si la réaction était mauvaise, ça ne me ferait rien. Par le passé, en revanche, c'était beaucoup plus pesant et chiant quand j'étais salarié.

  • Giulietta

    Dans quelle mesure ?

  • Albert

    Dans la mesure où j'étais dans des entreprises un peu parfois vieux jeu, où avoir du temps off, même pour des raisons médicales, c'était mal vu. Ou alors que ça voulait dire que t'étais pas en bonne santé donc que potentiellement t'allais pas être performant etc, donc ça c'était très chiant et stressant ça a ajouté le stress de chaque mois, bah l'opération que je devais faire et le fait que je voyais très flou dans ce qui allait arriver. Aujourd'hui, ça va mieux, j'ai une vision claire, une feuille de route un processus médical de suivi. Je suis rassuré, et je suis bien encadré, bien entouré, j'ai mes spécialistes, je sais ce qui se passe, je sais comment améliorer la situation optimiser le temps de travail etc, et et Prendre du temps quand il faut prendre du temps, mais avant, quand j'étais dans le flou, ça faisait un effet de cycle, un peu de cercle vicieux, où tu stressais de t'absenter pour raisons médicales, et où tu savais pas trop ce qui se passait, et où c'était un peu mal vu de t'absenter. Mais c'était vraiment dû à une mauvaise culture professionnelle, et un manque de... compréhension ou d'empathie de l'employeur.

  • Giulietta

    Il y a une personne avec qui j'avais échangé qui m'avait dit qu'elle ne souhaitait pas en parler parce qu'elle ne voulait pas qu'on croit notamment qu'elle ait des évolutions professionnelles à cause de sa maladie, comme une discrimination positive. Je trouve que c'est assez symptomatique d'environnements de travail qui, pour l'instant, sont vraiment peu acculturés à la question du handicap.

  • Albert

    Complètement. Et dans le fait de ne pas dire qu'on a une RQTH, il y a aussi cet enjeu-là. C'est-à-dire qu'on peut appliquer cet enjeu de la discrimination au handicap, mais aussi à d'autres éléments. Là, les auditeurs ne me voient pas, mais on peut être victime de discrimination double. C'est-à-dire à la fois si tu es en situation de handicap, mais en plus si tu es une minorité, ou sexuelle, ou autre. C'est des éléments qui peuvent se conjuguer, et du coup je comprends qu'on ne veuille pas donner l'ascendant à un employeur pour l'utiliser contre nous.

  • Giulietta

    Tu es en freelance actuellement, est-ce que le choix de te positionner en tant que freelance lié à ces soucis de santé ou est-ce que c'était une opportunité ?

  • Albert

    C'était plusieurs raisons. Des raisons personnelles, c'est-à-dire que j'étais au bord d'un burn-out, qu'une collègue en a fait un, que je n'étais pas loin, que je n'étais pas épanoui, pas heureux, et que j'avais ces problèmes de santé et que j'avais besoin de plus de latitude dans ma gestion de mon emploi du temps. de mes missions, de comment je travaillais, quand je travaillais. Et en parlant avec des gens qui s'étaient mis à leur compte, j'ai senti qu'il y avait cette latitude. C'était aussi une grosse prise de risque, parce que quand on quitte le salariat, on se demande si on pourra réussir à trouver une mission, que ce soit du long terme, que ce soit stable, et comment on se rémunère, etc. Mais la raison santé m'animait aussi. Et je me donnais un peu une deadline de me dire "il faut que tu partes et il faut que d'ici X temps, tu puisses diminuer la charge sur tes yeux". Je fais un métier où en fait je suis sur écran, mon savoir-faire professionnel, il est principalement dans le milieu du tertiaire on va dire, je n'ai pas de valeur ajoutée d'un métier manuel. Et le fait d'être à mon compte, c'est aussi gérer un peu plus les temps pendant lesquels je suis derrière un écran.

  • Giulietta

    Je te rejoins là-dessus, moi le switch vers le freelance, ça s'est aussi fait suite à un burn-out, où vraiment je ne vivais plus. Ça avait un impact, je pense, sur ma santé, et donc ça pouvait poser problème par la suite. Et par ailleurs, je n'avais pas le sentiment que je pourrais être entendue par ma hiérarchie. Je trouve qu'on est assez privilégiés de pouvoir se dire qu'on fait un métier qui nous permet d'exercer en auto-entrepreneur, où on a des clients. Et pour l'instant, on n'a pas à se soucier de l'avenir, c'est pas tout le monde qui peut le faire, mais c'est vrai que c'est un confort qui est très très chouette.

  • Albert

    C'est un confort qui est énorme et aussi je le vois au niveau de mon stress et les effets. Parce que du coup, ça rentre un peu dans une maladie chronique où il y a des facteurs externes. Et le stress est très mauvais. Et le fait de diminuer le stress à travers plusieurs piliers de la vie et l'hygiène de vie, et le stress et le travail en étant un fondamental, ça a aussi amélioré ma condition de santé.

  • Giulietta

    Je comprends. Et effectivement, le fait d'être en freelance, de pouvoir gérer ses horaires, ça ne veut pas dire que tu vas travailler moins. Mais juste que tu t'organises et si t'as un rendez-vous, moi je sais pas, chez le neurologue et les IRM par exemple, ça me bloque des demi-journées entières, je peux rattraper le week-end si j'ai envie. Des choses comme ça et personne va jamais m'embêter. Est-ce que tu souhaites nous en dire plus sur ce que tu as ?

  • Albert

    Ouais, ouais, complètement. Moi en fait, j'ai deux maladies qui ont été diagnostiquées. La première, c'est un kératocône. C'est une maladie de la cornée, une déformation de la cornée. La cornée est censée être ronde comme un ballon de foot et avec le kératocône, elle... Elle se déforme et s'affaisse et prend la forme d'un ballon de rugby. En gros, pour simplifier et caricaturer les choses. Et ça entraîne des problèmes de vue et des effets secondaires, flous visuels, vues altérées. Il y a plusieurs degrés, plusieurs niveaux. Ça touche une personne sur 2000 pour la caractéristique en soi, la maladie en elle-même en France. Une maladie qui survient souvent vers les 13 ans et qui évolue jusqu'aux 30 ans. Elle peut se détériorer après aussi avec l'âge. Ça dépend vraiment des cas et, au sein de cette maladie, on a différents types de cas plus ou moins avancés. Et moi, en fait, la complexité, c'est que se conjugue à cette maladie un autre problème qu'on a découvert après des opérations pour remédier à ce problème de cornée, qui est un problème de sécrétion des glandes de Meibomius. Alors, c'est légèrement technique, mais c'est pour que les auditeurs comprennent. En gros, dans les yeux, on a une sécrétion double d'eau et de lipides, une fine couche d'eau et une fine couche de lipides. La couche de lipides nous vient des glandes qu'on appelle de Meibomius, et la non-sécrétion de cette glande entraîne des problèmes de sécheresse, des irritations, qui, conjuguées avec ma cornée, font des effets un peu relous. Donc sécheresse, vision floue... Mal de tête et inconfort, enfin on a l'impression d'avoir du sable dans les yeux et ça constamment. Quand il y a des épisodes allergiques, c'est un peu la cata. Et moi je peux plus me toucher les yeux. Enfin, je peux me toucher les yeux mais je peux pas toucher ou gratter parce que sinon ça va déformer ma cornée et j'ai des anneaux dans les yeux donc si je prends un choc ou quoi, je risque de déplacer mes implants ou autre. Donc j'ai un traitement que je suis, mais en gros pour cette maladie, c'est une maladie visuelle qui se conjugue à une sécheresse oculaire.

  • Giulietta

    Et ta maladie, elle évolue ou elle est stable ?

  • Albert

    Alors, elle évolue, mais depuis deux ans, elle est stable. Et là, j'ai fait un point avec le chirurgien, qui m'a dit que c'était stable, parce qu'en fait, il y a plusieurs stades, avec plusieurs types d'opérations. Là, je parle du kératocône. Après, je pourrais parler de l'autre cas de sécheresse, mais en gros, normalement, le kératocône, il est repéré dès le plus jeune âge, dès la préadolescence. Moi, il a été repéré tardivement. C'est ce qui a complexifié les choses et a accéléré le processus de dégradation et aussi le fait qu'on ait dû opérer de manière assez urgente. Ça m'avait fait très peur à l'époque. Finalement, ça s'est bien passé avec du recul. Mais en gros, il y a un premier stade où on doit juste surveiller, faire attention. Si par exemple, on a un enfant qui à 13 ans est diagnostiqué avec un kératocône, souvent ça arrive parce que la vue s'altère très vite. Il y a beaucoup d'astigmatie et c'est sur des terrains où les chercheurs ne sont pas d'accord. Certains disent qu'il y a un facteur génétique, d'autres disent que c'est structurel et biomécanique. En fait... Si très jeune, on est diagnostiqué avec un kératocône, on va dire à l'adolescent ou au préadolescent, faites attention, vous avez cette maladie, ne vous frottez plus les yeux. Pour éviter la dégradation biomécanique de la cornée, on va dire, ne vous frottez plus les yeux, on va faire une correction pour l'astigmatie, on va faire des bilans chaque année de topographie cornéenne, avec des spécialistes, des bilans de la vue, correction adaptée, une hygiène oculaire au niveau du sommeil, pas dormir sur la tête, ne jamais se frotter les yeux, dormir avec un masque si on n'arrive pas à s'empêcher de se gratter les yeux. Si c'est repéré plus tardivement, et si la maladie évolue, il y a un deuxième stade. Aujourd'hui, on arrive dans les pays, quasiment tous les pays européens et aussi d'autres pays dans le monde, à mettre de la vitamine A et à la chauffer. Et ça crée une couche de renforcement de la cornée. On appelle ça le crosslinking. C'est la première étape. Et la deuxième étape... qu'ils ont mis en place depuis quelques années et qui fonctionnent assez bien, et c'est celle dont j'ai pu bénéficier, ça s'appelle les implants intracornéens. Alors ça dépend, chaque cas est différent, mais si la géographie de la cornée le permet, on peut en fait travailler cette géographie pour redonner une forme à peu près normale à la cornée, la rebomber en mettant des implants, en creusant un tunnel avec un laser et en allant placer des anneaux à certains endroits. C'est ce que j'ai pu faire en 2021 et après ça stabilise, et là depuis cette surgit c'est stabilisé, on devait refaire l'autre opération que j'ai mentionnée juste avant, le crosslinking, et finalement pour l'instant on n'en a pas besoin. La dernière étape, c'est la greffe de cornée : on va venir enlever la cornée du patient pour la remplacer avec une cornée normale. Pour l'autre maladie, pareil, c'est sous contrôle. Je suis un traitement avec un spécialiste où chaque mois, en fait, il va faire une petite opération pour déboucher les glandes. C'est une petite intervention. C'est pénible, mais on s'habitue. Et des traitements spécifiques avec des gouttes, une hygiène oculaire, c'est-à-dire une rééducation de la paupière, nous apprendre à cligner des yeux. Et après, c'est aussi une hygiène de vie. C'est corrélé à... Comme je disais, beaucoup d'éléments, mais comme c'est chronique, c'est corrélé au stress, aux pics de pollution, à l'alimentation. Le fait d'avoir testé différents types d'alimentation, ça m'aide à aller mieux. L'alimentation, du coup, pour les yeux, ça va être des oméga-3, ça va être des éléments verts et oranges, des caroténoïdes en gros. Et des légumes et de l'eau, enfin une alimentation variée, un sommeil, pas de stress et ça améliore les choses.

  • Giulietta

    Du coup tes problèmes de santé, ils ont l'air quand même de prendre beaucoup de place en termes de temps dans ta vie quotidienne, vu que tu as des suivis tous les mois. Comment tu te positionnes par rapport à ça ? Quel est ton rapport en fait à ta maladie, à tes maladies actuellement ?

  • Albert

    C'est devenu une routine. Avant, j'étais un peu insouciant et je vois le décalage. En fait on m'a diagnostiqué ça à un retour, je vivais à l'étranger. J'étais au Liban, je faisais un road trip et je conduisais et je ne voyais plus rien. Je voyais vraiment que dalle. Je voyais en fait, quand on a cette maladie, et a fortiori aussi après avec les implants en fait, ça déforme la vue. Les poteaux par exemple, on va les voir se plier. C'est un peu comme si on était sous l'eau et qu'on regardait sous l'eau. Et les lumières, ça fait des halos et tout. Je me disais "oula ça va pas". Et en fait ça m'a... J'étais insouciant. Et là je suis beaucoup plus, on va dire, au fait de ça. Et du coup je fais tout pour que ça se passe bien et pour être en bonne santé. Et... ça occupe de la place. Là, j'ai trouvé un équilibre depuis six mois, je dirais, où ça se maintient. Et je gère au mieux. Ça prend de la place, mais je me dis que c'est comme ça et que j'ai beaucoup de chance d'avoir diagnostiqué la chose, d'avoir un suivi de qualité et aussi de pouvoir me soigner, en fait. Là-dessus, je suis hyper reconnaissant vis-à-vis de, déjà, le corps médical qu'on a, les médecins, les experts et la recherche sur le sujet. Et ensuite, ma situation personnelle fait aussi que je n'ai pas trop à me soucier. J'ai vraiment choisi de m'entourer des meilleurs spécialistes et médecins, quitte à ce que ça me coûte très cher parce que on a qu'une santé et voilà ça vaut de l'or. Du coup, je me donne les moyens de pouvoir me soigner, je suis très reconnaissant de ça et ça va mieux de me dire "je suis quand même très entouré j'ai de la chance ça pourrait être la cata et t'es passé par plusieurs phases". Je suis passé par plusieurs phases, je suis aussi passé par des médecins assez horribles euh... Quand j'étais à l'étranger, où pourtant des médecins qui, sur le papier, sont censés être les meilleurs de leur promo, etc., qui n'avaient peut-être pas l'aspect humain ou empathique et qui disent "il n'y a rien à faire, on ne peut rien faire, il faut attendre", c'est comme ça là où d'autres chirurgiens, comme celui qui me suit, arrivent tout de suite à dire "voilà, vous êtes dans tel cas, moi je vous recommande de faire cette opération, il y a tant de succès, il y a tant d'échecs et allons-y" mais c'est vrai que il y a eu des phases. Il y a eu une phase aussi de dépression pour ma part où je savais pas ce qui m'arrivait, je comprenais rien et j'étais complètement dans le flou et en plus ça a une valeur un peu je sais pas, je dirais philosophique ou de somatisation où la vue c'est un des cinq sens. Je voyais vraiment flou au niveau de ma vue, je sortais d'opération, je n'arrivais pas à voir bien comme il faut, ça me stressait énormément, et en plus j'avais mal, et j'avais les yeux secs. Et cette période-là, elle était horrible, et puis après il y a eu la période post-opération, où on a diagnostiqué l'autre maladie, on a compris ce qui se passait, et petit à petit j'ai compris, et puis ça allait mieux, et ça coïncidait avec un moment où... J'ai quitté un ancien travail, j'ai pris une pause pour recommencer un nouveau travail, etc. Il y a des phases. En ce moment, à l'heure où je te parle, je suis dans une bonne phase. Et ça fait plaisir, parce que ça n'a pas toujours été le cas.

  • Giulietta

    Clairement, je suis assez d'accord avec toi, ça dépend des moments et puis il y a un temps d'acceptation. Et c'est vrai que la relation avec le médecin et le corps médical en général, elle est super importante. J'ai mis, je pense, une dizaine d'années à trouver un praticien avec lequel je me sente bien. Et je trouve que c'est toujours assez délicat quand on a un souci de santé et qu'on ne fait pas partie du corps médical d'être légitime dans ce qu'on dit. On est souvent jugé parce que nos mots sont imprécis. On est beaucoup dans l'affect, dans l'irrationnel, et en face de nous, on a des gens qui ont fait des longues études, qui mettent des mots sur les choses, et c'est super important de se sentir à l'aise avec la personne qui nous suit.

  • Albert

    Complètement. Moi, pour le coup, ça m'a... Enfin, je suis devenu très curieux de la médecine. Et parfois, je discute avec un des praticiens longuement sur "Vous avez lu cette étude sur la maladie que j'ai ?" et c'est trop cool. Par exemple, la dernière fois, j'étais avec le praticien qui me suit pour la sécheresse. Et j'avais lu un article qui est sorti sur le rapport entre la flore intestinale et la sécheresse oculaire. Et on a parlé de ça, il a dit "c'est intéressant, en effet j'ai vu, mais on n'a pas encore trop de recul, il y a un test que vous pouvez faire, vous pouvez essayer". Ça crée une relation de confiance. Moi ça m'a rassuré d'apprendre un peu les codes de ce champ médical, même si je ne serais jamais médecin, mais de parler un peu sa langue et qu'il parle la mienne. et qu'on se comprenne. Et aussi de manière rationnelle. Pas d'être dans le ressenti, dans l'affect, mais dans le clinique, j'ai ressenti ça. Et il s'avère qu'en ce moment, il y a un épisode allergique, ou alors j'ai eu énormément de travail, et depuis ça va moins bien. Et tout de suite, on arrive à faire la corrélation et voir ce qui ne va pas, et faire le traitement. plus ou moins adapté.

  • Giulietta

    C'est vrai que c'est tout un apprentissage d'apprendre à communiquer et de découvrir le monde médical. Exemple concret, du coup, moi, dans le cadre de ma maladie, on peut repérer l'évolution sur des IRM. Il y a des taches blanches qui apparaissent dans mon cerveau, c'est des plaques. Et la première réaction quand on a vu avec ma mère les premières plaques, c'était Ah mais c'est une tumeur ! Et bien évidemment, le neurologue à qui on parle nous a regardé avec des yeux un peu ébahis, genre Mais non, c'est pas du tout ça, ça se voit très bien, c'est de la démélinisation. Mais sauf que quand on ne connaît pas, on essaie de prendre les éléments qu'on connaît et les rattacher. Et voilà, ça prend du temps de se repérer dans cet environnement-là.

  • Albert

    Complètement, et puis il y a un truc qui est terrible, c'est un biais cognitif, mais c'est le... je sais pas comment on peut appeler ça, mais le... on va l'appeler le biais doctolib. Tu vois flou, tu commences à aller sur Internet, et tu vois, caratocone, vous allez devenir aveugle, vous allez perdre la vue. Ou inversement, vous avez mal à la tête, vous avez une tumeur, enfin, c'est hyper stressant. Et on se met à appeler tout le monde, à parler à des gens qu'on connaît, et je sais pas toi, mais le fait d'avoir parlé avec des gens qui connaissaient la maladie, Par exemple, quand on m'a diagnostiqué le truc, je me souviens, j'étais dans un cabinet, et en fait, l'ophtalmo qui m'a reçu m'a fait repasser les tests deux fois, et m'a dit, vous allez voir à côté ma collègue spécialiste. Elle avait un fort accent, et je ne comprenais pas tout ce qu'elle disait. Et ça, enfin, c'est très bête, mais ça m'a énormément stressé. Et du coup, le fait de revoir un deuxième médecin, puis un troisième, puis un quatrième, puis un cinquième, et de mieux comprendre ce qui se passait, ça m'a rassuré. Parce que si je me fiais juste à ce premier diagnostic et à Internet, j'étais foutu.

  • Giulietta

    Même chose pour moi, il y a eu des tâtonnements. Mon premier neurologue n'osait pas vraiment me dire le nom de ma maladie et il regardait ses pieds quand il me parlait de moi. Donc c'était quand même super compliqué de se dire Ok, je vais vivre avec quand lui-même n'arrivait pas à le verbaliser. Et en fait, là, j'ai changé d'établissement. Donc neuf ans plus tard, qui me suit, je suis à la Fondation Rothschild et ils ont mis en place des cours sur la sclérose en plaques. Donc j'ai fait mon premier cours la semaine dernière et c'était trop cool. Ils ont expliqué des choses, plein de choses de la vie quotidienne. Un exemple concret, c'est que j'ai des sensations de fourmillement dans les mains, souvent quand je fais du sport. Et je savais pas à quoi c'était dû, et c'est un petit peu énervant quand tu sais pas ce que c'est, tu comprends pas, tu sais juste que c'est là. En fait, c'est lié à la chaleur. C'est juste que les influx nerveux ne passent pas aussi bien, et donc ça crée cette sensation-là. Et maintenant, en fait, je sais juste que si je vais prendre une douche ou un truc comme ça, je suis soulagée. Et vu que je sais d'où ça vient, je suis super sereine. Sauf que... Ces cours et ces dispositifs ne sont pas fournis à tous les patients. Pareil, je te rejoins, je m'estime extrêmement chanceuse d'être suivie là-bas et d'avoir accès à ces ressources-là.

  • Albert

    Est-ce que tu es satisfaite de ton suivi en ce moment ?

  • Giulietta

    J'ai vu qu'une fois mon neurologue, mais il était vraiment génial. Il a laissé de la place durant la consultation à toute cette part d'affect. Je suis super sensible et j'exprime parfois les choses de manière maladroite. Il m'a écoutée et j'ai trouvé ça très cool. Ma précédente neurologue avait évoqué la possibilité que je change de traitement et ça m'avait beaucoup beaucoup stressée parce que je m'étais adaptée à celui-ci et je m'étais dit je vais vivre avec et me projeter sur un autre traitement pour moi c'était super anxiogène sachant qu'il y a beaucoup beaucoup d'effets secondaires sur les traitements pour la sclérose en plaques. Mon nouveau neurologue m'a dit ben effectivement ça peut être envisagé mais il y aura un collège qui va se réunir, on va en discuter ensemble et le fait vraiment qu'il m'explique le parcours qui serait prêt pour décider de changer de traitement et le fait que je sois associée à cette décision, ça a désamorcé le truc. La dernière fois qu'on en avait parlé, tu m'avais... Alors, je ne sais pas si j'exprime correctement les choses, mais tu m'avais expliqué qu'il y avait une possibilité que tu avais juste des grades ou que le métier que tu fais actuellement n'était peut-être pas compatible pour toujours avec ta maladie. Et j'avais le sentiment qu'il y avait un peu une période actuelle et que tu te projetais sur un après qui était plus créatif, notamment, où tu ferais plein de choses sur lesquelles tu t'épanouirais.

  • Albert

    C'est vrai, j'ai dit ça et ça coïncide avec ce qui se passe en ce moment dans ma vie. C'est que... À la base, j'avais fait des études dans un champ littéraire, sciences politiques, et je voulais faire une carrière un peu classique, passer les concours, etc., être haut fonctionnaire. Petit à petit, et je pense que c'est lié certainement à cette maladie, je me suis reconnecté un peu à un côté enfantin, on va dire, mais lié aussi à la littérature et à tout ce monde-là, à la musique. Peut-être que le fait d'avoir cette maladie-là et le fait de dire, En fait, il faut juste que je diminue les écrans. ça m'a mis un coup de boost. Et il faut aussi dire que le fait d'être freelance, il y a un aspect, je trouve, légèrement prise de risque, où tu te dis, finalement, aller vers le monde de la création, c'est aussi une forme de prise de risque. Je ne sais pas si j'arriverai à en vivre. J'aimerais beaucoup, un jour, pouvoir en vivre. À l'heure actuelle, je travaille en tant que freelance. la totalité de mon temps professionnel est dédié à mon auto-entreprise et le reste du temps, j'explore des champs créatifs qui me plaisent, l'écriture, la musique. En ce moment, je me suis un peu jeté corps et âme dedans. J'ai un tempérament obsessionnel et parfois passager et parfois structurel. Donc ça veut dire que mes obsessions se transforment parfois en passions que je vais garder toute ma vie, ou alors je prends, j'explore et je jette et je passe à autre chose et j'ai une nouvelle lubie. En ce moment, à l'heure où je te parle, il s'avère que c'est la musique et c'est trop cool. Ça prend bien parce que j'arrive à la partager assez vite avec les gens et à me connecter aux gens. Et du coup, je me projette assez bien là-dessus et j'ai envie d'essayer d'explorer. Ça veut dire concrètement que j'aurai un peu moins de mon temps consacré à mon activité en auto-entreprise et j'aimerais passer plus de temps à me concentrer sur des projets personnels.

  • Giulietta

    C'était un autre projet dont tu m'avais parlé.

  • Albert

    C'est bien, c'était un projet plutôt radio. En fait, je me suis rendu compte d'un truc, c'est que tout était intriqué dans une forme de rapport à la réalité, de questionnement que j'ai sur le monde, et en fait de manifestation de qui je suis et comment je me connecte à la réalité et à l'autre, et aux autres. Et du coup, cet élément-là qui détermine un peu le fil rouge de la vie. Il va prendre des formes diverses. Le livre, là ça va être cette émission radio qu'on fait en ce moment, où il y a une rencontre, un partage d'histoire, et on va se connecter à des auditeurs qui vont avoir un... en eux une forme de résonance de ce qu'on dit, chacun à travers notre témoignage, et la musique ce qui est assez fort c'est que en l'occurrence quand on mixe devant des gens, une musique qui nous tient à coeur, et qu'on va réussir à toucher l'auditoire et à se connecter à eux, il y a quelque chose de très fort qui se passe j'imagine que c'est la même chose avec l'écriture et avec toute forme d'art en fait et c'est cette chose là qui dont je suis certain que je vais explorer parce que ça m'anime beaucoup et ça m'enthousiasme. Voilà pendant un moment j'étais plus sur un truc, ok j'ai un problème aux yeux donc il faut que je fasse un truc où il n'y a pas d'écran donc prof de sport parce que t'as pas d'écran ou alors paysagiste ou alors je viens de la montagne donc guide de haute montagne ou alors moniteur de ski et finalement je me dis bah en fait il y aura peut-être toujours un peu d'écran Et il y a aussi une forme de lâcher-prise, c'est-à-dire si je vis toujours avec une forme d'épée de Damoclès au-dessus de ma tête et que je vois toujours le pire, je me dis, certes, c'est important de bouger, mais peut-être que je vais passer à côté de quelque chose.

  • Giulietta

    Et justement, tu l'envisages comment, la question du futur ?

  • Albert

    Là, à l'heure où tu me parles, avec beaucoup d'espoir. Mais c'est peut-être parce qu'on est au mois de mai, qu'il fait beau, qu'il s'est passé des choses récemment qui font qu'en ce moment, avec la musique, c'est comme si j'avais ouvert une porte vers un... un peu un nouveau monde je vois le futur avec beaucoup d'espoir et j'ai envie de le voir comme ça j'ai envie qu'il soit comme ça et j'ai envie qu'il soit radieux il sera peut-être pas mais en tout cas je le souhaite ouvert et ouvert sur plein de choses et que ça ne me limite pas et que je ne sois pas limité et qu'au contraire ce soit un mal pour un bien

  • Giulietta

    Est-ce que tu... Alors, je présume que tout n'est jamais blanc ni noir, mais est-ce que tu penses que ce cheminement vers le créatif, tu l'aurais eu ? Si tes soucis de santé n'avaient pas été là ?

  • Albert

    Ce cheminement, je l'ai toujours eu parce que j'ai été vers le monde des humanités, on va dire, la poésie, l'écriture à la base. La musique toujours un peu de manière, on va dire, naturelle, parce que je viens d'un milieu où on n'est pas musicien, mais mon père a toujours passé des chansons à la maison. Donc j'ai toujours ce souvenir de la musique partout, qui résonne, les vieux disques, les vinyles et tout. Et ça a toujours été quelque chose de présent. Les livres, moins.

  • Giulietta

    c'était l'école mais du coup ce chemin de création je l'ai un peu toujours eu mais c'est surtout un rapport au langage en fait je pense et c'est vrai que le fait d'avoir ce problème aux yeux c'est pas tout ce que je vais dire mais ça m'a un peu ouvert les yeux je rigole mais il y a vraiment un truc de prise de conscience de me dire en fait Il faut que je fasse très attention à ma santé. C'est ce que ma mère m'a toujours dit dans la vie. Quand elle me voyait me démener, un peu me battre contre des moulins à vent dans mon cheminement pour mes études, essayer de prouver quelque chose. J'ai toujours été dans une dynamique de prouver quelque chose aux autres, à la société, à moi-même. Et là, j'ai l'impression d'entrer dans un nouveau cycle où je ne veux plus rien prouver, mais je veux faire. Je veux explorer. Et il s'avère que c'est à travers la création. Donc moi, ça me va. Et je pense que, pour te répondre, La maladie m'a un peu guidé plus et a donné un coup de boost sur vas-y, si tu ne vas pas maintenant, quand est-ce que tu vas le faire ?

  • Albert

    Je suis assez d'accord avec toi. Moi, ça m'a donné le sentiment que rien n'était très grave. Au pire, ce podcast est un échec. Ce n'est pas très grave, je l'aurais fait en fait. Et de me poser un peu la question de "est-ce que ça tient vraiment à cœur et est-ce que tu veux y aller ?" Le podcast, ça faisait un bout de temps que j'y pensais et que je me disais que j'avais vraiment envie de donner la parole à des gens. et en fait de pas imaginer les choses de manière insurmontable et pareil de voir l'échec comme quelque chose d'ok qui fait partie du processus et finalement effectivement c'est très agréable et je rebondis juste sur ce que t'as dit au début quand t'apprends que t'as une maladie quelle qu'elle soit tu peux avoir cet effet de dire "Mon Dieu, il faut que je remette tout en question et que je m'adapte vraiment à ma pathologie". Donc moi, dans mon cas, par exemple, quand j'ai appris que j'avais une sclérose en plaques, bien évidemment, le stress, c'est pas bien. Et mon beau-père m'avait dit "bon, concentre-toi sur autre chose que ta vie professionnelle". Je suis pas complètement d'accord avec ça, je dirais juste qu'il faut voir les choses différemment. Et effectivement, par exemple, pour moi, le salariat, c'est un carcan. et donc je travaille en freelance je choisis mes clients les échanges sont plus stimulants c'est juste qu'à un moment je me suis autorisée à prendre du recul et à regarder les choses d'un autre point de vue donc voilà toi quand tu disais que tu allais devenir guide de haute montagne finalement non

  • Giulietta

    finalement non mais je trouve ça hyper intéressant parce que ce discours qu'avait ton beau-père c'est ce discours familial qu'on me tient aussi à chaque fois que je parle avec eux ils sont inquiets parce que je travaille Beaucoup, enfin je sais pas si je travaille beaucoup Mais à leurs yeux je travaille beaucoup Et je suis entier dans ce que je fais Et ça les inquiète Ils me disent avec tes diplômes Tu peux tout à fait rentrer dans une grande entreprise Et avoir un poste avec Reconnaissance travailleur handicapé Avec des horaires adaptés etc Mais tout comme tu l'as dit Peut-être je crois que ça ne me convient pas Et c'est pas ce que je veux faire Et chacun a son rapport Voilà sa maladie, il y a différents types de maladies avec différents types de degrés de handicap et moi je tiens à le dire,

  • Albert

    je m'estime comme très heureux je pense qu'il y a tout un truc de définir les limites qui sont acceptables par exemple il y avait un panel de trucs où Je me suis dit, ça ne va plus être possible comme avant. Je me suis dit, peut-être qu'il faut que je réfléchisse plus globalement à la question du stress dans ma vie. Étant maxi-anxieuse, il a fallu que je me pose cette question-là. Le problème, ce n'était pas mon job, c'était moi. La manière dont j'abordais les choses et le fait de toujours apprécier et travailler sous tension, de travailler dans le rush. Je ne le fais plus et je crois que ce n'est plutôt pas trop mal.

  • Giulietta

    Comment tu gères ça ?

  • Albert

    Le stress, maintenant ? Je me dis que rien n'est grave. et j'ai tendance à fuir les situations qui sont anxiogènes pour moi il y a pas mal de managers par le passé qui m'ont mis la pression sur des choses absurdes et qui valaient pas la peine que par exemple je dorme pas la nuit, ça je le ferais plus bah t'as bien raison il faut plus le faire et personne ne doit le faire je reviens vachement en arrière par rapport au début de notre échange donc tu mentionnais le fait que la maladie est un sujet intime mais pourquoi est-ce que tu es venu aujourd'hui du coup ?

  • Giulietta

    bah très bonne question parce que comme tout ce qui relève de l'ordre de l'intime ça touche toujours l'humanité et je trouve que ta démarche est très belle et qu'elle m'a touché et que de mon petit point de vue de personne avec cette situation cette maladie j'ai la possibilité aujourd'hui d'en parler Alors déjà ça fait du bien ces cathartiques et ensuite j'imagine et j'espère que des personnes qui sont dans mon cas ou qui commencent à être dans la phase dans laquelle j'ai pu être précédemment ou autre, se retrouvent dans mon témoignage et puissent être rassurés de se dire qu'il y a des solutions et qu'ils peuvent être accompagnés que la phase que j'ai vécue de stress et de flou total si ça peut altérer ça c'est cool et ensuite parce que la démarche de ton podcast Je la trouve top. C'est qu'en parlant de l'intime, et j'y crois profondément à ça, on a ça dans tout, dans les films, dans les romans, dans les poèmes, dans la musique, c'est souvent des gens qui parlent alors de là où ils sont, de choses très intimes, et c'est souvent ces choses-là qui touchent le plus de monde possible. C'est pour ça que même si j'ai un tempérament assez pudique, j'ai choisi de venir ici. Et aussi parce que je me suis senti très connecté à la discussion qu'on a eue et que je sentais qu'on... On avait beaucoup de choses à se dire et puis... que je trouvais ça sympa. Et je te remercie encore de me donner cette possibilité.

  • Albert

    Avec grand plaisir. C'est un peu le but du podcast, de dire que quand on se trouve confronté à une pathologie qu'on apprend, on se sent parfois très seul. Ça fait parfois beaucoup de choses à gérer. Et finalement, il y a pas mal de gens autour de nous qui traversent les mêmes problématiques, soit parce qu'elles ont une maladie, soit parce qu'en fait, c'est un moment de leur vie qui est délicat. Et ça fait extrêmement bien. d'en parler. En lançant le podcast, j'ai commencé un peu plus à parler de ma pathologie, tout ça, et j'étais impressionnée du nombre de personnes autour de moi qui avaient des soucis de santé. Et actuellement, le début de la saison, c'est qu'avec des gens qui font partie de mon entourage proche, et en fait, il y en a des tonnes, et le fait, moi, d'avoir osé mettre des mots là-dessus, ça m'a permis de débloquer plein de conversations que je n'aurais jamais eues. Alors toi, quand on a échangé, tu m'en avais parlé en premier, avant que j'évoque le sujet, mais il y a des personnes qui ne m'ont jamais parlé de leurs soucis de santé, et c'est vraiment un poids et en fait d'avoir dit ah bah moi j'ai une sclérose en plaques tout ça et bah on a eu un échange trop cool ouais donc ce qui est chouette c'est que ça libère la parole À un moment, je croyais que tout le monde allait bien autour de moi et que j'étais la seule à être triste ou à avoir des... Parfois, je sais pas, j'ai fait un burn-out et tout, et je pensais que j'étais la seule. Et en fait, peu de gens vont foncièrement bien. Et c'est OK, il faut juste en parler. Là, je vais faire mention d'une discussion que j'ai eue il y a quelques jours. Je travaillais dans un coworking et il y a une personne extrêmement jeune. dans ce coworking qui est présente et qui nous a parlé de la dépression qu'elle a traversée et en fait on a passé deux heures à parler de nos troubles de la santé mentale et c'était vraiment trop chouette et j'espère qu'il est parti en se disant en fait il y a plein de gens qui ont les mêmes soucis que moi et c'est ok on peut vivre avec et donner le change tout en étant en phase avec ce qui nous arrive

  • Giulietta

    Oui, c'est vrai. C'est très juste. Et autour de moi, j'ai observé aussi beaucoup de gens pas bien, malheureux. Après, c'est aussi une question peut-être d'âge, de génération. T'as évoqué le problème de santé mentale. On est aussi à un moment où sur la question du fait que la parole se libère à travers aussi ta démarche et ton podcast, ça aide beaucoup. Mettre des mots sur les choses. à pouvoir en parler, à avoir d'autres témoignages, et à dire aussi, cette personne-là a traversé ça, on n'est pas seul. Donc c'est très positif. Je trouve que ça donne de l'espoir. Et ça donne aussi l'impression qu'on prend conscience de l'importance de notre santé, et que même si on est dans un... monde où scientifiquement on a le sentiment de maîtriser énormément de choses, ça veut pas pour autant dire que tout le monde va bien, et que la gestion de la santé publique... C'est aussi un enjeu très politique. Et pour moi, c'est un enjeu qui est ancré dans le discours, beaucoup. Et dans la façon dont on a de prendre soin. C'est quelque chose qui revient beaucoup. Le care, c'est un des thèmes du moment, du siècle. Mais c'est aussi de prendre soin les uns des autres. Et je pense que c'est pas pour rien que, politiquement, si la société va mal, c'est aussi parce que nous, on va mal et qu'on n'est plus aussi présents les uns pour les autres, qu'en fait, on devrait pouvoir parler assez librement de ce qui va pas bien. Et s'entraider. et c'est la base et j'ai l'impression qu'on a un peu perdu ça enfin je dis perdu, je sais pas si on l'a jamais eu mais je sais que par exemple moi dans ma culture qui est double, française et maghrébine et africaine, quand quelqu'un est malade, tout le monde est présent pour l'aider, financièrement même pour faire à manger ou quoi c'est quelque chose de très et ça touche aussi je pense à un problème qui est général et auquel on va tous être confrontés, c'est que même La vieille, si on prend la question de la vieille, c'est aussi voir sa santé se dégrader. Et même si on n'a pas de maladie en soi, on va perdre en mobilité, on va perdre d'un point de vue cognitif, en vue, et il faut qu'on y soit préparé en tant que société. J'ai divagué là, longuement. Mais ça m'a fait penser à tout ça, ce que tu évoquais sur le cowork, la façon de parler entre nous, le mal-être des jeunes et tout.

  • Albert

    Je trouve que c'est un peu un cercle vicieux. Le fait de, pour l'instant, que la société soit mal à l'aise avec le sujet de la maladie, ça donne quelque chose, de mon point de vue, qui est insurmontable quand on l'annonce aux gens.

  • Giulietta

    Mais c'est parce qu'aussi on est dans une société où on... On est dans une société de l'illusion, où on pense que la performance, la production, la technologie... nous sauve et nous sauvera. Et forcément, quand on se rend compte que l'humain est fragile, qu'il est imparfait, ce qu'il est d'ailleurs, par essence, ça peut faire bizarre. Il y a aussi des gens qui ne comprennent pas, qui ne perçoivent pas, qui manquent d'empathie, ou alors qui ne savent pas comment recevoir la chose et qui ont preuve de maladresse. Je te rejoins là-dessus. Moi, j'avais une question, c'est est-ce que tu fais partie d'associations ou de groupes, de personnes qui ont la même maladie que toi ? Et est-ce que tu as déjà songé à rejoindre des groupes, des associations, des groupes de parole, des groupes de soutien, de levée de fonds, etc. ?

  • Albert

    C'est très récent que je rencontre des gens qui ont une sclérose en plaques. C'est assez chouette parce que j'estime que c'est les seules personnes qui peuvent vraiment me comprendre. Et la semaine dernière, j'ai fait cette formation où j'ai échangé avec d'autres malades. On est une quinzaine. Ça m'a fait beaucoup de bien de me rendre compte. C'était beaucoup de personnes qui venaient d'apprendre leur maladie. Et je voyais qu'elles... Alors, je ne me réjouis pas que les gens aillent mal. Mais j'ai vu que c'était un bouleversement pour tout le monde. Et rétrospectivement, ça m'a permis de me dire, OK, le fait que tu aies fait sans doute une dépression à l'époque et que ça a bouleversé ta vie pendant, je pense, sept ans. Ben, c'est entendable, il y avait une personne à côté de moi qui disait qu'elle n'arrivait pas à dire le nom de sa maladie. Moi, pendant très longtemps, j'ai dit que j'avais une suspicion de sclérose en plaques parce que je me sentais pas légitime et donc ça m'a fait trop du bien. Et le dernier point, je me sens pas apte pour l'instant à plus m'investir aussi parce que t'es confrontée à la souffrance des gens et pour l'instant, parfois, à la souffrance des gens en tout cas. des personnes soit qui ont des symptômes très agressifs et donc je me sens pas légitime pour dire quoi que ce soit vu que moi je vis très bien avec soit des questionnements ou un mal-être psychologique pareil avec lequel je sais pas quoi faire soit je vais m'en vouloir d'aller bien soit

  • Giulietta

    j'ai peur d'être maladroite dans ce que je vais dire et donc pour l'instant je préfère rester de côté non mais je comprends moi j'ai le même sentiment que toi vraiment t'as euh Je partage vraiment ce point de vue aussi. J'ai le même sentiment. Je ne me sentirais pas légitime. Le seul truc qui me saoule et sur lequel j'aimerais faire quelque chose si je rejoins des groupes de parole, etc. ou des associations, c'est sur le plan politique, pour la reconnaissance de la maladie. Moi, j'ai eu des opérations, ça m'a coûté très cher, mais j'ai eu la chance à l'époque d'être dans une entreprise privée, à l'étranger, qui avait une mutuelle exceptionnelle. Parce que l'ancien PDG avait eu des problèmes de santé, donc il avait pris la meilleure mutuelle possible. C'est-à-dire que je n'ai pas déversé énormément d'argent pour me faire opérer, l'opération a coûté plusieurs milliers d'euros, et la prise en charge de la sécurité sociale était à hauteur de... 10% de l'opération. Alors que sans ça, je serais vraiment encore mal. Et aussi, bon, prise en charge maladie longue durée, on a un système de santé qui, quand même, par rapport au reste du monde, nous offre beaucoup de droits. Mais sur le keratocone et la sécheresse, on a des progrès à faire sur la prise en charge.

  • Albert

    Toi, tu parles des aspects financiers, mais voir des spécialistes, souvent, c'est un moment qui est structurant, soit dans notre année, soit dans notre semestre, on n'a pas l'occasion de voir souvent notre médecin. Et en fait, il y a peu de temps qui est consacré aux patients. On n'a pas l'occasion de formuler correctement nos questions, il y a peu d'accompagnement qui est réalisé. Encore une fois, nous deux, on a la chance de pouvoir nous documenter, d'avoir le temps nécessaire pour apprendre ce qu'on a. Mais ce que je retiens de ma formation de la semaine dernière et de mon échange avec d'autres patients, c'est qu'il y en a certains qui avaient beaucoup de questionnements et qui malheureusement n'avaient pas l'occasion d'échanger très souvent avec leur neurologue. Il y avait plein de questions qui restaient en souffrance, et ça générait une grande souffrance. et ça je pense que c'est un sujet de santé publique c'est pas seulement un accompagnement médical mais en fait c'est une approche plus holistique et de dire il y a une dimension clairement de santé mentale, psychologique et le traitement de la pathologie doit être pris au global j'ai une question, t'as vachement parlé de littérature, musique, tout ça est-ce qu'il y a des œuvres qui t'ont marqué dans ton cheminement par rapport à ta maladie ?

  • Giulietta

    Alors, non, pas en particulier. Il y a des oeuvres qui ont marqué dans ma vie, mais pas sur cet aspect. Et ça me fait penser que je devrais peut-être orienter mes lectures. Après, peut-être que c'est aussi un mécanisme personnel. J'ai peut-être pas envie de lire des choses sur ça. Mais non, j'ai rien qui me vient.

  • Albert

    Ok. Il y en a une seule lecture qui m'a marqué, mais... Hors de moi de Claire Marin. Alors je ne saurais plus dire quelle pathologie elle a. Dans mon souvenir, ça génère d'importantes souffrances pour elle. Elle a eu pas mal d'opérations et en fait, elle avait le sentiment que sa maladie la mettait hors d'elle. Et ce qui m'a beaucoup marquée et ce qui m'a fait énormément de bien, c'est la dernière page du livre où elle dit que si sa situation continue à se dégrader, elle veut avoir la possibilité de dire stop. et en fait moi j'avais toujours essayé d'aborder ma maladie comme un truc feel good genre oui mais ça me fait réfléchir sur le sens de ma vie ça va être chouette faut que j'apprenne à vivre avec et tout et la perspective de se dire à un moment ça devient inacceptable et j'ai plus envie de continuer comme ça ça m'a libéré ouais je comprends c'est vrai que le mécanisme de subvertir le truc en se disant finalement c'est un mal pour un bien ça peut être aussi parfois limitant ou se dire que c'est peut-être pas la meilleure approche

  • Giulietta

    J'ai demandé à notre pote commune de nous adresser une question. Et donc sa question portait sur la parentalité. Comment est-ce qu'on se projette, toi et moi, sur le fait de conjuguer la maladie et le fait de potentiellement être parent ? Toi, ça t'évoque quoi ?

  • Albert

    Alors moi déjà, ça m'évoque des visites très tôt chez l'ophtalmo pour mes gosses.

  • Giulietta

    Est-ce que c'est potentiellement héréditaire ?

  • Albert

    C'est potentiellement héréditaire, ouais. Comme je le disais tout à l'heure, les experts scientifiques et les chercheurs ne sont pas d'accord sur la question. Certains disent qu'il y a un facteur héréditaire, et d'autres disent que c'est biomécanique, et d'autres disent que c'est les deux. Mais généralement, les personnes qui sont atteintes d'un kératocône ont un membre de leur famille qui ont... cette maladie aussi. Dans mon cas, c'est compliqué parce que je ne connais pas trop mes grands-parents. D'autres membres de ma famille ont eu des vies qui sont complètement différentes de la nôtre, du coup ils ont pu avoir cette maladie sans s'en rendre compte. En tout cas, très bonne question de notre amie en commun, moi j'aborde la parentalité avec de l'espoir. Et le seul truc auquel je ferais gaffe, c'est d'emmener mes gosses chez l'ophtalmo et aussi de les engueuler s'ils se frottent les yeux.

  • Giulietta

    Moi, de mon côté, il y a quelques sujets, parce qu'actuellement, mon traitement n'est pas compatible avec une grossesse. Il y a des risques de malformation. Donc, en fait, c'est juste le sujet qui est abordé systématiquement par le neurologue, limite en début de consultation. Parce qu'il faut que je l'arrête, que je prenne quelque chose qui évite que le traitement soit encore présent dans mon sang avant d'envisager une grossesse. Et donc, comment dire, le fait d'envisager une grossesse en se disant ça va venir, c'est pas possible de mon côté, il faut vraiment l'envisager et le cadrer. Ma maladie, si je me dégrade, ça peut avoir un impact sur ma vie tous les jours puisque je peux avoir un handicap physique, il peut y avoir énormément de fatigue, des choses comme ça. Pour moi, c'est pas du tout un frein parce j'ai envie d'être maman et je le sais. On recomposera les choses différemment pour faire en sorte que ça puisse se faire mais je veux pas le voir comme un frein. Eh bien, je crois qu'on a terminé :)

  • Albert

    merci beaucoup pour l'invitation !

  • Giulietta

    Un immense merci à Albert pour sa générosité. Ce n'est pas toujours facile de parler de soi, et je trouve qu'il s'en est sorti avec brio. J'ai particulièrement apprécié de cet échange la réflexion d'Albert sur l'intimité. Si certains sujets n'ont pas vocation à être partagés avec tout le monde, comme c'est le cas pour la maladie, ils n'en revêtent pas moins un caractère politique. Parler de sujets délicats, qui nous touchent, ou que l'on trouve tabous, est un acte militant. Vous ne l'avez pas vu, mais Albert avait des étoiles dans les yeux, à l'évocation de son futur. J'espère qu'il vous apportera de la bonne humeur et une dose d'espoir. Cet épisode vous a plu ? Vous souhaitez réagir ? Écrivez-moi sur le compte Instagram de l'anomalie, le lien est dans la description de cet épisode. Partagez-moi vos retours, qu'ils soient positifs ou plus circonspects, je les lirai avec plaisir. Vous pouvez soutenir mon travail en vous abonnant à ce podcast sur votre plateforme d'écoute préférée. Si vous êtes d'humeur à déplacer des montagnes, vous pouvez attribuer une note et un commentaire au podcast, cela m'aidera beaucoup. lanomalie est un podcast autoproduit par mes soins, entièrement conçu et imaginé entre Ménilmontant et le canal de l'Ourcq à Paris. Rendez-vous très bientôt pour le prochain épisode. D'ici là, prenez soin de vous.

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Description

Envie d’un petit shoot de bonne humeur et d’espoir ? Rencontrez, le temps d’un épisode, Albert qui vit avec un kératocône : sa cornée s’affaisse et génère un important inconfort visuel. Le kératocône est une maladie chronique dont les symptômes sont quotidiens : Albert vit avec une vision floue et une sensation d'irritation permanente. Pour pouvoir continuer à travailler et à vivre sereinement, Albert doit porter des lentilles adaptées et se rend très régulièrement chez l'ophtalmologue.


Les sujets balayés avec Albert posent des questions essentielles sur le rapport que nous entretenons en tant que société et individus, avec la maladie, et la santé de manière plus générale.


Au programme de ce petit bijou, nous avons évoqué :

  • Notre rapport au monde du travail et les choix induits par la présence du handicap

  • La notion d’intimité soulevée par la maladie

  • Notre volonté de militer sur des questions liées à la santé, à la maladie et au handicap

  • La manière dont Albert a recomposé son futur, en tenant compte des limites imposées par son kératocône, sans laisser de côté ses passions

  • La mise en place d'un traitement et d'un protocole adaptés, pour permettre à Albert de continuer sa vie sereinement

  • Le fait d'évoquer, ou non, les questions de santé/de handicap dans un contexte professionnel

  • La volonté inébranlable d’Albert d’explorer.


J’espère que cet épisode vous plaira ! J’ai personnellement pris beaucoup de plaisir à ré-écouter notre conversation et à cheminer avec Albert.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Giulietta

    Et si on parlait plus ouvertement de la maladie ? Dans l'imaginaire commun, quand la santé va, tout va. Partout, on valorise un corps sain qui tient la route, et dont on souhaite sans cesse repousser les limites. Dès lors, quelle est notre place quand on connaît ponctuellement ou plus durablement la présence de la maladie dans notre vie ? Je suis partie à la rencontre des personnes qui, tout comme moi, vivent en compagnie d'une maladie car, à mon sens, poser des mots sur un sujet encore tabou, ça fait du bien. Je vous souhaite la bienvenue dans ce deuxième épisode de l'Anomalie, le podcast qui ouvre la discussion sur la maladie. J'ai eu le plaisir de m'entretenir avec Albert, un ami d'ami qui vit avec un keratocone et une affection des glandes de Meibomius. Vraisemblablement, l'évocation de ces pathologies ne vous dira pas grand chose. Pas de panique, Albert explique très bien les choses. Vous l'entendrez, le ton de cet épisode est légèrement différent. Albert et moi nous connaissons peu, l'échange est plus pudique. Ce qui ne nous a pas empêché d'évoquer la question de l'intimité soulevée par la maladie, notre relation au travail, la volonté de recomposer notre futur, le désir de parentalité et l'importance de militer sur des questions de santé. Allez, c'est parti pour ce deuxième épisode, je vous souhaite une très bonne écoute. Eh bien du coup, Hello Albert, qui est un nom d'emprunt pour l'enregistrement de cet épisode, je suis ravie de te recevoir aujourd'hui.

  • Albert

    Merci beaucoup.

  • Giulietta

    Pour donner un peu de contexte, tu es un ami d'ami. On a échangé sur notre vie professionnelle à un moment, et spontanément, tu m'as parlé de tes soucis de santé. Donc c'était un vrai sujet au cours de la discussion. Je t'ai parlé de ma démarche sur le podcast, et très spontanément, pareil, tu m'as proposé de participer. Merci pour ta spontanéité et ton envie de parler.

  • Albert

    Déjà, merci de me recevoir. Je suis content de pouvoir participer à ce podcast, qui est du coup à ses débuts. C'est cool et c'est avec plaisir que je témoigne aujourd'hui.

  • Giulietta

    Première question qui est assez évidente. Peux-tu te présenter de la manière dont tu le souhaites ? Qu'est-ce que tu me dirais spontanément si on se croisait quelque part sans se connaître ?

  • Albert

    Si je me présentais spontanément, je dirais que je m'appelle Albert, j'ai 27 ans, je suis freelance et j'habite à Paris depuis quelques années.

  • Giulietta

    Ok, synthétique.

  • Albert

    Voilà.

  • Giulietta

    Sans surprise, tu ne parles pas de ce qui se passe au niveau de ton corps et de ta maladie. Est-ce que c'est un sujet que tu évoques avec les gens ?

  • Albert

    C'est un peu hasardeux, ça dépend en fait des contextes dans lesquels je suis. Si je suis dans un contexte où je vais avoir des problèmes vis-à-vis de cette maladie, ça va se manifester. Je donne un exemple de ce qui m'est arrivé récemment. J'ai fait un cours de sport que je ne peux normalement plus faire à cause d'une opération, en l'occurrence de la boxe, mais j'avais tellement envie d'en faire, ça fait cinq ans que je n'ai pas pu en faire, que j'ai demandé au coach si je pouvais venir et si ça posait un problème, il m'a dit "non, tu peux taper sur sac, on peut faire attention". Et je me suis retrouvé à faire du sparring avec les gens et ils ont été très cool. Et du coup, j'ai dû dire à tout le monde, j'ai un problème aux yeux, sans rentrer dans les détails. J'ai des implants dans les yeux, donc juste frappez pas dans les yeux. Et là, du coup, j'en ai parlé spontanément. Au travail, je n'en ai pas parlé dès le début. C'est juste quand des collègues me voient me frotter les yeux, ou faire des têtes bizarres, ou mettre des gouttes toutes les 10 secondes, que ça vient naturellement. Ça dépend vraiment du contexte.

  • Giulietta

    Donc là, actuellement, tes collègues de travail sont au courant ?

  • Albert

    Comme je suis freelance, ça dépend des clients et des missions, mais là, en ce moment, l'équipe rapprochée et les personnes avec qui je travaille le plus sont au courant.

  • Giulietta

    On en a parlé en off juste avant le début de l'enregistrement, mais par rapport à... À ton travail, tu souhaites que le sujet soit tu, enfin en tout cas tu m'as demandé de témoigner anonymement, c'est quoi la raison ?

  • Albert

    La raison c'est que pour moi ça relève de l'ordre de l'intime, c'est d'ailleurs dans la loi, quand tu as une reconnaissance travailleur handicapé (RQTH), tu n'as pas l'obligation de le dire à ton employeur. C'est exactement la même démarche que j'ai. Ça relève du handicap invisible d'une certaine manière, plus ou moins, après le débat sur le handicap c'est vaste, mais si on prend le cas du handicap invisible en l'occurrence, c'est un handicap qui ne se voit pas spontanément quand on te rencontre, On a le choix de ne pas le dire, et moi je fais ce choix-là.

  • Giulietta

    Je ne connais pas encore les démarches parce que je n'ai pas demandé ma RQTH, tu ne l'as pas non plus il me semble.

  • Albert

    Non, je ne l'ai pas.

  • Giulietta

    Si tu la demandes, est-ce que ton DRH par exemple est au courant ?

  • Albert

    Par le passé, par exemple, dans d'anciens emplois, j'ai dû à un moment prévenir l'équipe RH. En l'occurrence, c'était une grosse structure, donc ils étaient habitués. Et ce qui avait déclenché l'élément, c'est qu'on avait eu un webinaire sur le handicap invisible. Et après je m'étais présenté spontanément en disant "voilà pour que vous soyez au courant j'ai ce problème. Ce webinaire m'a donné envie de vous en parler parce que je vois que vous avez une culture assez ouverte sur le sujet et que vous comprendrez". Donc j'ai choisi de le dire aux RH. Après, ce qui se passe généralement dans ces boîtes là c'est que les RH le disent, ils te demandent du coup si tu veux le dire ou pas. Si on le dit généralement, c'est qu'on veut prévenir ses N+1, N+2. C'est le but et c'est aussi pour expliquer pourquoi on va prendre des jours off, même si on n'a pas forcément besoin de se justifier ou dire "Voilà sachez que j'ai ce souci là, d onc à un moment j'aurais besoin d'être off etc". Avec mes collègues en ce moment, c'est vrai que je me suis retrouvé à le dire au-delà du fait qu'on ne se voit pas beaucoup parce qu'on travaille à distance. Mais j'ai commencé à le dire parce que j'ai beaucoup de rendez-vous médicaux et notamment un rendez-vous médical tous les mois, obligatoire. Au début, je ne disais rien et puis après, j'ai ce rendez-vous où je ne peux pas, j'ai ce rendez-vous pour mes yeux, etc.

  • Giulietta

    Et c'est quoi les réactions que tu as reçues ?

  • Albert

    Très bonne réaction. À l'heure actuelle, dans ma mission, les gens sont compréhensifs, à l'écoute et ça ne pose aucun problème. Enfin, depuis que je suis à mon compte, les réactions sont bien meilleures. En fait, j'estime que je n'ai pas à me justifier, que c'est obligatoire, c'est personnel, donc ça ne les regarde pas. Même si la réaction était mauvaise, ça ne me ferait rien. Par le passé, en revanche, c'était beaucoup plus pesant et chiant quand j'étais salarié.

  • Giulietta

    Dans quelle mesure ?

  • Albert

    Dans la mesure où j'étais dans des entreprises un peu parfois vieux jeu, où avoir du temps off, même pour des raisons médicales, c'était mal vu. Ou alors que ça voulait dire que t'étais pas en bonne santé donc que potentiellement t'allais pas être performant etc, donc ça c'était très chiant et stressant ça a ajouté le stress de chaque mois, bah l'opération que je devais faire et le fait que je voyais très flou dans ce qui allait arriver. Aujourd'hui, ça va mieux, j'ai une vision claire, une feuille de route un processus médical de suivi. Je suis rassuré, et je suis bien encadré, bien entouré, j'ai mes spécialistes, je sais ce qui se passe, je sais comment améliorer la situation optimiser le temps de travail etc, et et Prendre du temps quand il faut prendre du temps, mais avant, quand j'étais dans le flou, ça faisait un effet de cycle, un peu de cercle vicieux, où tu stressais de t'absenter pour raisons médicales, et où tu savais pas trop ce qui se passait, et où c'était un peu mal vu de t'absenter. Mais c'était vraiment dû à une mauvaise culture professionnelle, et un manque de... compréhension ou d'empathie de l'employeur.

  • Giulietta

    Il y a une personne avec qui j'avais échangé qui m'avait dit qu'elle ne souhaitait pas en parler parce qu'elle ne voulait pas qu'on croit notamment qu'elle ait des évolutions professionnelles à cause de sa maladie, comme une discrimination positive. Je trouve que c'est assez symptomatique d'environnements de travail qui, pour l'instant, sont vraiment peu acculturés à la question du handicap.

  • Albert

    Complètement. Et dans le fait de ne pas dire qu'on a une RQTH, il y a aussi cet enjeu-là. C'est-à-dire qu'on peut appliquer cet enjeu de la discrimination au handicap, mais aussi à d'autres éléments. Là, les auditeurs ne me voient pas, mais on peut être victime de discrimination double. C'est-à-dire à la fois si tu es en situation de handicap, mais en plus si tu es une minorité, ou sexuelle, ou autre. C'est des éléments qui peuvent se conjuguer, et du coup je comprends qu'on ne veuille pas donner l'ascendant à un employeur pour l'utiliser contre nous.

  • Giulietta

    Tu es en freelance actuellement, est-ce que le choix de te positionner en tant que freelance lié à ces soucis de santé ou est-ce que c'était une opportunité ?

  • Albert

    C'était plusieurs raisons. Des raisons personnelles, c'est-à-dire que j'étais au bord d'un burn-out, qu'une collègue en a fait un, que je n'étais pas loin, que je n'étais pas épanoui, pas heureux, et que j'avais ces problèmes de santé et que j'avais besoin de plus de latitude dans ma gestion de mon emploi du temps. de mes missions, de comment je travaillais, quand je travaillais. Et en parlant avec des gens qui s'étaient mis à leur compte, j'ai senti qu'il y avait cette latitude. C'était aussi une grosse prise de risque, parce que quand on quitte le salariat, on se demande si on pourra réussir à trouver une mission, que ce soit du long terme, que ce soit stable, et comment on se rémunère, etc. Mais la raison santé m'animait aussi. Et je me donnais un peu une deadline de me dire "il faut que tu partes et il faut que d'ici X temps, tu puisses diminuer la charge sur tes yeux". Je fais un métier où en fait je suis sur écran, mon savoir-faire professionnel, il est principalement dans le milieu du tertiaire on va dire, je n'ai pas de valeur ajoutée d'un métier manuel. Et le fait d'être à mon compte, c'est aussi gérer un peu plus les temps pendant lesquels je suis derrière un écran.

  • Giulietta

    Je te rejoins là-dessus, moi le switch vers le freelance, ça s'est aussi fait suite à un burn-out, où vraiment je ne vivais plus. Ça avait un impact, je pense, sur ma santé, et donc ça pouvait poser problème par la suite. Et par ailleurs, je n'avais pas le sentiment que je pourrais être entendue par ma hiérarchie. Je trouve qu'on est assez privilégiés de pouvoir se dire qu'on fait un métier qui nous permet d'exercer en auto-entrepreneur, où on a des clients. Et pour l'instant, on n'a pas à se soucier de l'avenir, c'est pas tout le monde qui peut le faire, mais c'est vrai que c'est un confort qui est très très chouette.

  • Albert

    C'est un confort qui est énorme et aussi je le vois au niveau de mon stress et les effets. Parce que du coup, ça rentre un peu dans une maladie chronique où il y a des facteurs externes. Et le stress est très mauvais. Et le fait de diminuer le stress à travers plusieurs piliers de la vie et l'hygiène de vie, et le stress et le travail en étant un fondamental, ça a aussi amélioré ma condition de santé.

  • Giulietta

    Je comprends. Et effectivement, le fait d'être en freelance, de pouvoir gérer ses horaires, ça ne veut pas dire que tu vas travailler moins. Mais juste que tu t'organises et si t'as un rendez-vous, moi je sais pas, chez le neurologue et les IRM par exemple, ça me bloque des demi-journées entières, je peux rattraper le week-end si j'ai envie. Des choses comme ça et personne va jamais m'embêter. Est-ce que tu souhaites nous en dire plus sur ce que tu as ?

  • Albert

    Ouais, ouais, complètement. Moi en fait, j'ai deux maladies qui ont été diagnostiquées. La première, c'est un kératocône. C'est une maladie de la cornée, une déformation de la cornée. La cornée est censée être ronde comme un ballon de foot et avec le kératocône, elle... Elle se déforme et s'affaisse et prend la forme d'un ballon de rugby. En gros, pour simplifier et caricaturer les choses. Et ça entraîne des problèmes de vue et des effets secondaires, flous visuels, vues altérées. Il y a plusieurs degrés, plusieurs niveaux. Ça touche une personne sur 2000 pour la caractéristique en soi, la maladie en elle-même en France. Une maladie qui survient souvent vers les 13 ans et qui évolue jusqu'aux 30 ans. Elle peut se détériorer après aussi avec l'âge. Ça dépend vraiment des cas et, au sein de cette maladie, on a différents types de cas plus ou moins avancés. Et moi, en fait, la complexité, c'est que se conjugue à cette maladie un autre problème qu'on a découvert après des opérations pour remédier à ce problème de cornée, qui est un problème de sécrétion des glandes de Meibomius. Alors, c'est légèrement technique, mais c'est pour que les auditeurs comprennent. En gros, dans les yeux, on a une sécrétion double d'eau et de lipides, une fine couche d'eau et une fine couche de lipides. La couche de lipides nous vient des glandes qu'on appelle de Meibomius, et la non-sécrétion de cette glande entraîne des problèmes de sécheresse, des irritations, qui, conjuguées avec ma cornée, font des effets un peu relous. Donc sécheresse, vision floue... Mal de tête et inconfort, enfin on a l'impression d'avoir du sable dans les yeux et ça constamment. Quand il y a des épisodes allergiques, c'est un peu la cata. Et moi je peux plus me toucher les yeux. Enfin, je peux me toucher les yeux mais je peux pas toucher ou gratter parce que sinon ça va déformer ma cornée et j'ai des anneaux dans les yeux donc si je prends un choc ou quoi, je risque de déplacer mes implants ou autre. Donc j'ai un traitement que je suis, mais en gros pour cette maladie, c'est une maladie visuelle qui se conjugue à une sécheresse oculaire.

  • Giulietta

    Et ta maladie, elle évolue ou elle est stable ?

  • Albert

    Alors, elle évolue, mais depuis deux ans, elle est stable. Et là, j'ai fait un point avec le chirurgien, qui m'a dit que c'était stable, parce qu'en fait, il y a plusieurs stades, avec plusieurs types d'opérations. Là, je parle du kératocône. Après, je pourrais parler de l'autre cas de sécheresse, mais en gros, normalement, le kératocône, il est repéré dès le plus jeune âge, dès la préadolescence. Moi, il a été repéré tardivement. C'est ce qui a complexifié les choses et a accéléré le processus de dégradation et aussi le fait qu'on ait dû opérer de manière assez urgente. Ça m'avait fait très peur à l'époque. Finalement, ça s'est bien passé avec du recul. Mais en gros, il y a un premier stade où on doit juste surveiller, faire attention. Si par exemple, on a un enfant qui à 13 ans est diagnostiqué avec un kératocône, souvent ça arrive parce que la vue s'altère très vite. Il y a beaucoup d'astigmatie et c'est sur des terrains où les chercheurs ne sont pas d'accord. Certains disent qu'il y a un facteur génétique, d'autres disent que c'est structurel et biomécanique. En fait... Si très jeune, on est diagnostiqué avec un kératocône, on va dire à l'adolescent ou au préadolescent, faites attention, vous avez cette maladie, ne vous frottez plus les yeux. Pour éviter la dégradation biomécanique de la cornée, on va dire, ne vous frottez plus les yeux, on va faire une correction pour l'astigmatie, on va faire des bilans chaque année de topographie cornéenne, avec des spécialistes, des bilans de la vue, correction adaptée, une hygiène oculaire au niveau du sommeil, pas dormir sur la tête, ne jamais se frotter les yeux, dormir avec un masque si on n'arrive pas à s'empêcher de se gratter les yeux. Si c'est repéré plus tardivement, et si la maladie évolue, il y a un deuxième stade. Aujourd'hui, on arrive dans les pays, quasiment tous les pays européens et aussi d'autres pays dans le monde, à mettre de la vitamine A et à la chauffer. Et ça crée une couche de renforcement de la cornée. On appelle ça le crosslinking. C'est la première étape. Et la deuxième étape... qu'ils ont mis en place depuis quelques années et qui fonctionnent assez bien, et c'est celle dont j'ai pu bénéficier, ça s'appelle les implants intracornéens. Alors ça dépend, chaque cas est différent, mais si la géographie de la cornée le permet, on peut en fait travailler cette géographie pour redonner une forme à peu près normale à la cornée, la rebomber en mettant des implants, en creusant un tunnel avec un laser et en allant placer des anneaux à certains endroits. C'est ce que j'ai pu faire en 2021 et après ça stabilise, et là depuis cette surgit c'est stabilisé, on devait refaire l'autre opération que j'ai mentionnée juste avant, le crosslinking, et finalement pour l'instant on n'en a pas besoin. La dernière étape, c'est la greffe de cornée : on va venir enlever la cornée du patient pour la remplacer avec une cornée normale. Pour l'autre maladie, pareil, c'est sous contrôle. Je suis un traitement avec un spécialiste où chaque mois, en fait, il va faire une petite opération pour déboucher les glandes. C'est une petite intervention. C'est pénible, mais on s'habitue. Et des traitements spécifiques avec des gouttes, une hygiène oculaire, c'est-à-dire une rééducation de la paupière, nous apprendre à cligner des yeux. Et après, c'est aussi une hygiène de vie. C'est corrélé à... Comme je disais, beaucoup d'éléments, mais comme c'est chronique, c'est corrélé au stress, aux pics de pollution, à l'alimentation. Le fait d'avoir testé différents types d'alimentation, ça m'aide à aller mieux. L'alimentation, du coup, pour les yeux, ça va être des oméga-3, ça va être des éléments verts et oranges, des caroténoïdes en gros. Et des légumes et de l'eau, enfin une alimentation variée, un sommeil, pas de stress et ça améliore les choses.

  • Giulietta

    Du coup tes problèmes de santé, ils ont l'air quand même de prendre beaucoup de place en termes de temps dans ta vie quotidienne, vu que tu as des suivis tous les mois. Comment tu te positionnes par rapport à ça ? Quel est ton rapport en fait à ta maladie, à tes maladies actuellement ?

  • Albert

    C'est devenu une routine. Avant, j'étais un peu insouciant et je vois le décalage. En fait on m'a diagnostiqué ça à un retour, je vivais à l'étranger. J'étais au Liban, je faisais un road trip et je conduisais et je ne voyais plus rien. Je voyais vraiment que dalle. Je voyais en fait, quand on a cette maladie, et a fortiori aussi après avec les implants en fait, ça déforme la vue. Les poteaux par exemple, on va les voir se plier. C'est un peu comme si on était sous l'eau et qu'on regardait sous l'eau. Et les lumières, ça fait des halos et tout. Je me disais "oula ça va pas". Et en fait ça m'a... J'étais insouciant. Et là je suis beaucoup plus, on va dire, au fait de ça. Et du coup je fais tout pour que ça se passe bien et pour être en bonne santé. Et... ça occupe de la place. Là, j'ai trouvé un équilibre depuis six mois, je dirais, où ça se maintient. Et je gère au mieux. Ça prend de la place, mais je me dis que c'est comme ça et que j'ai beaucoup de chance d'avoir diagnostiqué la chose, d'avoir un suivi de qualité et aussi de pouvoir me soigner, en fait. Là-dessus, je suis hyper reconnaissant vis-à-vis de, déjà, le corps médical qu'on a, les médecins, les experts et la recherche sur le sujet. Et ensuite, ma situation personnelle fait aussi que je n'ai pas trop à me soucier. J'ai vraiment choisi de m'entourer des meilleurs spécialistes et médecins, quitte à ce que ça me coûte très cher parce que on a qu'une santé et voilà ça vaut de l'or. Du coup, je me donne les moyens de pouvoir me soigner, je suis très reconnaissant de ça et ça va mieux de me dire "je suis quand même très entouré j'ai de la chance ça pourrait être la cata et t'es passé par plusieurs phases". Je suis passé par plusieurs phases, je suis aussi passé par des médecins assez horribles euh... Quand j'étais à l'étranger, où pourtant des médecins qui, sur le papier, sont censés être les meilleurs de leur promo, etc., qui n'avaient peut-être pas l'aspect humain ou empathique et qui disent "il n'y a rien à faire, on ne peut rien faire, il faut attendre", c'est comme ça là où d'autres chirurgiens, comme celui qui me suit, arrivent tout de suite à dire "voilà, vous êtes dans tel cas, moi je vous recommande de faire cette opération, il y a tant de succès, il y a tant d'échecs et allons-y" mais c'est vrai que il y a eu des phases. Il y a eu une phase aussi de dépression pour ma part où je savais pas ce qui m'arrivait, je comprenais rien et j'étais complètement dans le flou et en plus ça a une valeur un peu je sais pas, je dirais philosophique ou de somatisation où la vue c'est un des cinq sens. Je voyais vraiment flou au niveau de ma vue, je sortais d'opération, je n'arrivais pas à voir bien comme il faut, ça me stressait énormément, et en plus j'avais mal, et j'avais les yeux secs. Et cette période-là, elle était horrible, et puis après il y a eu la période post-opération, où on a diagnostiqué l'autre maladie, on a compris ce qui se passait, et petit à petit j'ai compris, et puis ça allait mieux, et ça coïncidait avec un moment où... J'ai quitté un ancien travail, j'ai pris une pause pour recommencer un nouveau travail, etc. Il y a des phases. En ce moment, à l'heure où je te parle, je suis dans une bonne phase. Et ça fait plaisir, parce que ça n'a pas toujours été le cas.

  • Giulietta

    Clairement, je suis assez d'accord avec toi, ça dépend des moments et puis il y a un temps d'acceptation. Et c'est vrai que la relation avec le médecin et le corps médical en général, elle est super importante. J'ai mis, je pense, une dizaine d'années à trouver un praticien avec lequel je me sente bien. Et je trouve que c'est toujours assez délicat quand on a un souci de santé et qu'on ne fait pas partie du corps médical d'être légitime dans ce qu'on dit. On est souvent jugé parce que nos mots sont imprécis. On est beaucoup dans l'affect, dans l'irrationnel, et en face de nous, on a des gens qui ont fait des longues études, qui mettent des mots sur les choses, et c'est super important de se sentir à l'aise avec la personne qui nous suit.

  • Albert

    Complètement. Moi, pour le coup, ça m'a... Enfin, je suis devenu très curieux de la médecine. Et parfois, je discute avec un des praticiens longuement sur "Vous avez lu cette étude sur la maladie que j'ai ?" et c'est trop cool. Par exemple, la dernière fois, j'étais avec le praticien qui me suit pour la sécheresse. Et j'avais lu un article qui est sorti sur le rapport entre la flore intestinale et la sécheresse oculaire. Et on a parlé de ça, il a dit "c'est intéressant, en effet j'ai vu, mais on n'a pas encore trop de recul, il y a un test que vous pouvez faire, vous pouvez essayer". Ça crée une relation de confiance. Moi ça m'a rassuré d'apprendre un peu les codes de ce champ médical, même si je ne serais jamais médecin, mais de parler un peu sa langue et qu'il parle la mienne. et qu'on se comprenne. Et aussi de manière rationnelle. Pas d'être dans le ressenti, dans l'affect, mais dans le clinique, j'ai ressenti ça. Et il s'avère qu'en ce moment, il y a un épisode allergique, ou alors j'ai eu énormément de travail, et depuis ça va moins bien. Et tout de suite, on arrive à faire la corrélation et voir ce qui ne va pas, et faire le traitement. plus ou moins adapté.

  • Giulietta

    C'est vrai que c'est tout un apprentissage d'apprendre à communiquer et de découvrir le monde médical. Exemple concret, du coup, moi, dans le cadre de ma maladie, on peut repérer l'évolution sur des IRM. Il y a des taches blanches qui apparaissent dans mon cerveau, c'est des plaques. Et la première réaction quand on a vu avec ma mère les premières plaques, c'était Ah mais c'est une tumeur ! Et bien évidemment, le neurologue à qui on parle nous a regardé avec des yeux un peu ébahis, genre Mais non, c'est pas du tout ça, ça se voit très bien, c'est de la démélinisation. Mais sauf que quand on ne connaît pas, on essaie de prendre les éléments qu'on connaît et les rattacher. Et voilà, ça prend du temps de se repérer dans cet environnement-là.

  • Albert

    Complètement, et puis il y a un truc qui est terrible, c'est un biais cognitif, mais c'est le... je sais pas comment on peut appeler ça, mais le... on va l'appeler le biais doctolib. Tu vois flou, tu commences à aller sur Internet, et tu vois, caratocone, vous allez devenir aveugle, vous allez perdre la vue. Ou inversement, vous avez mal à la tête, vous avez une tumeur, enfin, c'est hyper stressant. Et on se met à appeler tout le monde, à parler à des gens qu'on connaît, et je sais pas toi, mais le fait d'avoir parlé avec des gens qui connaissaient la maladie, Par exemple, quand on m'a diagnostiqué le truc, je me souviens, j'étais dans un cabinet, et en fait, l'ophtalmo qui m'a reçu m'a fait repasser les tests deux fois, et m'a dit, vous allez voir à côté ma collègue spécialiste. Elle avait un fort accent, et je ne comprenais pas tout ce qu'elle disait. Et ça, enfin, c'est très bête, mais ça m'a énormément stressé. Et du coup, le fait de revoir un deuxième médecin, puis un troisième, puis un quatrième, puis un cinquième, et de mieux comprendre ce qui se passait, ça m'a rassuré. Parce que si je me fiais juste à ce premier diagnostic et à Internet, j'étais foutu.

  • Giulietta

    Même chose pour moi, il y a eu des tâtonnements. Mon premier neurologue n'osait pas vraiment me dire le nom de ma maladie et il regardait ses pieds quand il me parlait de moi. Donc c'était quand même super compliqué de se dire Ok, je vais vivre avec quand lui-même n'arrivait pas à le verbaliser. Et en fait, là, j'ai changé d'établissement. Donc neuf ans plus tard, qui me suit, je suis à la Fondation Rothschild et ils ont mis en place des cours sur la sclérose en plaques. Donc j'ai fait mon premier cours la semaine dernière et c'était trop cool. Ils ont expliqué des choses, plein de choses de la vie quotidienne. Un exemple concret, c'est que j'ai des sensations de fourmillement dans les mains, souvent quand je fais du sport. Et je savais pas à quoi c'était dû, et c'est un petit peu énervant quand tu sais pas ce que c'est, tu comprends pas, tu sais juste que c'est là. En fait, c'est lié à la chaleur. C'est juste que les influx nerveux ne passent pas aussi bien, et donc ça crée cette sensation-là. Et maintenant, en fait, je sais juste que si je vais prendre une douche ou un truc comme ça, je suis soulagée. Et vu que je sais d'où ça vient, je suis super sereine. Sauf que... Ces cours et ces dispositifs ne sont pas fournis à tous les patients. Pareil, je te rejoins, je m'estime extrêmement chanceuse d'être suivie là-bas et d'avoir accès à ces ressources-là.

  • Albert

    Est-ce que tu es satisfaite de ton suivi en ce moment ?

  • Giulietta

    J'ai vu qu'une fois mon neurologue, mais il était vraiment génial. Il a laissé de la place durant la consultation à toute cette part d'affect. Je suis super sensible et j'exprime parfois les choses de manière maladroite. Il m'a écoutée et j'ai trouvé ça très cool. Ma précédente neurologue avait évoqué la possibilité que je change de traitement et ça m'avait beaucoup beaucoup stressée parce que je m'étais adaptée à celui-ci et je m'étais dit je vais vivre avec et me projeter sur un autre traitement pour moi c'était super anxiogène sachant qu'il y a beaucoup beaucoup d'effets secondaires sur les traitements pour la sclérose en plaques. Mon nouveau neurologue m'a dit ben effectivement ça peut être envisagé mais il y aura un collège qui va se réunir, on va en discuter ensemble et le fait vraiment qu'il m'explique le parcours qui serait prêt pour décider de changer de traitement et le fait que je sois associée à cette décision, ça a désamorcé le truc. La dernière fois qu'on en avait parlé, tu m'avais... Alors, je ne sais pas si j'exprime correctement les choses, mais tu m'avais expliqué qu'il y avait une possibilité que tu avais juste des grades ou que le métier que tu fais actuellement n'était peut-être pas compatible pour toujours avec ta maladie. Et j'avais le sentiment qu'il y avait un peu une période actuelle et que tu te projetais sur un après qui était plus créatif, notamment, où tu ferais plein de choses sur lesquelles tu t'épanouirais.

  • Albert

    C'est vrai, j'ai dit ça et ça coïncide avec ce qui se passe en ce moment dans ma vie. C'est que... À la base, j'avais fait des études dans un champ littéraire, sciences politiques, et je voulais faire une carrière un peu classique, passer les concours, etc., être haut fonctionnaire. Petit à petit, et je pense que c'est lié certainement à cette maladie, je me suis reconnecté un peu à un côté enfantin, on va dire, mais lié aussi à la littérature et à tout ce monde-là, à la musique. Peut-être que le fait d'avoir cette maladie-là et le fait de dire, En fait, il faut juste que je diminue les écrans. ça m'a mis un coup de boost. Et il faut aussi dire que le fait d'être freelance, il y a un aspect, je trouve, légèrement prise de risque, où tu te dis, finalement, aller vers le monde de la création, c'est aussi une forme de prise de risque. Je ne sais pas si j'arriverai à en vivre. J'aimerais beaucoup, un jour, pouvoir en vivre. À l'heure actuelle, je travaille en tant que freelance. la totalité de mon temps professionnel est dédié à mon auto-entreprise et le reste du temps, j'explore des champs créatifs qui me plaisent, l'écriture, la musique. En ce moment, je me suis un peu jeté corps et âme dedans. J'ai un tempérament obsessionnel et parfois passager et parfois structurel. Donc ça veut dire que mes obsessions se transforment parfois en passions que je vais garder toute ma vie, ou alors je prends, j'explore et je jette et je passe à autre chose et j'ai une nouvelle lubie. En ce moment, à l'heure où je te parle, il s'avère que c'est la musique et c'est trop cool. Ça prend bien parce que j'arrive à la partager assez vite avec les gens et à me connecter aux gens. Et du coup, je me projette assez bien là-dessus et j'ai envie d'essayer d'explorer. Ça veut dire concrètement que j'aurai un peu moins de mon temps consacré à mon activité en auto-entreprise et j'aimerais passer plus de temps à me concentrer sur des projets personnels.

  • Giulietta

    C'était un autre projet dont tu m'avais parlé.

  • Albert

    C'est bien, c'était un projet plutôt radio. En fait, je me suis rendu compte d'un truc, c'est que tout était intriqué dans une forme de rapport à la réalité, de questionnement que j'ai sur le monde, et en fait de manifestation de qui je suis et comment je me connecte à la réalité et à l'autre, et aux autres. Et du coup, cet élément-là qui détermine un peu le fil rouge de la vie. Il va prendre des formes diverses. Le livre, là ça va être cette émission radio qu'on fait en ce moment, où il y a une rencontre, un partage d'histoire, et on va se connecter à des auditeurs qui vont avoir un... en eux une forme de résonance de ce qu'on dit, chacun à travers notre témoignage, et la musique ce qui est assez fort c'est que en l'occurrence quand on mixe devant des gens, une musique qui nous tient à coeur, et qu'on va réussir à toucher l'auditoire et à se connecter à eux, il y a quelque chose de très fort qui se passe j'imagine que c'est la même chose avec l'écriture et avec toute forme d'art en fait et c'est cette chose là qui dont je suis certain que je vais explorer parce que ça m'anime beaucoup et ça m'enthousiasme. Voilà pendant un moment j'étais plus sur un truc, ok j'ai un problème aux yeux donc il faut que je fasse un truc où il n'y a pas d'écran donc prof de sport parce que t'as pas d'écran ou alors paysagiste ou alors je viens de la montagne donc guide de haute montagne ou alors moniteur de ski et finalement je me dis bah en fait il y aura peut-être toujours un peu d'écran Et il y a aussi une forme de lâcher-prise, c'est-à-dire si je vis toujours avec une forme d'épée de Damoclès au-dessus de ma tête et que je vois toujours le pire, je me dis, certes, c'est important de bouger, mais peut-être que je vais passer à côté de quelque chose.

  • Giulietta

    Et justement, tu l'envisages comment, la question du futur ?

  • Albert

    Là, à l'heure où tu me parles, avec beaucoup d'espoir. Mais c'est peut-être parce qu'on est au mois de mai, qu'il fait beau, qu'il s'est passé des choses récemment qui font qu'en ce moment, avec la musique, c'est comme si j'avais ouvert une porte vers un... un peu un nouveau monde je vois le futur avec beaucoup d'espoir et j'ai envie de le voir comme ça j'ai envie qu'il soit comme ça et j'ai envie qu'il soit radieux il sera peut-être pas mais en tout cas je le souhaite ouvert et ouvert sur plein de choses et que ça ne me limite pas et que je ne sois pas limité et qu'au contraire ce soit un mal pour un bien

  • Giulietta

    Est-ce que tu... Alors, je présume que tout n'est jamais blanc ni noir, mais est-ce que tu penses que ce cheminement vers le créatif, tu l'aurais eu ? Si tes soucis de santé n'avaient pas été là ?

  • Albert

    Ce cheminement, je l'ai toujours eu parce que j'ai été vers le monde des humanités, on va dire, la poésie, l'écriture à la base. La musique toujours un peu de manière, on va dire, naturelle, parce que je viens d'un milieu où on n'est pas musicien, mais mon père a toujours passé des chansons à la maison. Donc j'ai toujours ce souvenir de la musique partout, qui résonne, les vieux disques, les vinyles et tout. Et ça a toujours été quelque chose de présent. Les livres, moins.

  • Giulietta

    c'était l'école mais du coup ce chemin de création je l'ai un peu toujours eu mais c'est surtout un rapport au langage en fait je pense et c'est vrai que le fait d'avoir ce problème aux yeux c'est pas tout ce que je vais dire mais ça m'a un peu ouvert les yeux je rigole mais il y a vraiment un truc de prise de conscience de me dire en fait Il faut que je fasse très attention à ma santé. C'est ce que ma mère m'a toujours dit dans la vie. Quand elle me voyait me démener, un peu me battre contre des moulins à vent dans mon cheminement pour mes études, essayer de prouver quelque chose. J'ai toujours été dans une dynamique de prouver quelque chose aux autres, à la société, à moi-même. Et là, j'ai l'impression d'entrer dans un nouveau cycle où je ne veux plus rien prouver, mais je veux faire. Je veux explorer. Et il s'avère que c'est à travers la création. Donc moi, ça me va. Et je pense que, pour te répondre, La maladie m'a un peu guidé plus et a donné un coup de boost sur vas-y, si tu ne vas pas maintenant, quand est-ce que tu vas le faire ?

  • Albert

    Je suis assez d'accord avec toi. Moi, ça m'a donné le sentiment que rien n'était très grave. Au pire, ce podcast est un échec. Ce n'est pas très grave, je l'aurais fait en fait. Et de me poser un peu la question de "est-ce que ça tient vraiment à cœur et est-ce que tu veux y aller ?" Le podcast, ça faisait un bout de temps que j'y pensais et que je me disais que j'avais vraiment envie de donner la parole à des gens. et en fait de pas imaginer les choses de manière insurmontable et pareil de voir l'échec comme quelque chose d'ok qui fait partie du processus et finalement effectivement c'est très agréable et je rebondis juste sur ce que t'as dit au début quand t'apprends que t'as une maladie quelle qu'elle soit tu peux avoir cet effet de dire "Mon Dieu, il faut que je remette tout en question et que je m'adapte vraiment à ma pathologie". Donc moi, dans mon cas, par exemple, quand j'ai appris que j'avais une sclérose en plaques, bien évidemment, le stress, c'est pas bien. Et mon beau-père m'avait dit "bon, concentre-toi sur autre chose que ta vie professionnelle". Je suis pas complètement d'accord avec ça, je dirais juste qu'il faut voir les choses différemment. Et effectivement, par exemple, pour moi, le salariat, c'est un carcan. et donc je travaille en freelance je choisis mes clients les échanges sont plus stimulants c'est juste qu'à un moment je me suis autorisée à prendre du recul et à regarder les choses d'un autre point de vue donc voilà toi quand tu disais que tu allais devenir guide de haute montagne finalement non

  • Giulietta

    finalement non mais je trouve ça hyper intéressant parce que ce discours qu'avait ton beau-père c'est ce discours familial qu'on me tient aussi à chaque fois que je parle avec eux ils sont inquiets parce que je travaille Beaucoup, enfin je sais pas si je travaille beaucoup Mais à leurs yeux je travaille beaucoup Et je suis entier dans ce que je fais Et ça les inquiète Ils me disent avec tes diplômes Tu peux tout à fait rentrer dans une grande entreprise Et avoir un poste avec Reconnaissance travailleur handicapé Avec des horaires adaptés etc Mais tout comme tu l'as dit Peut-être je crois que ça ne me convient pas Et c'est pas ce que je veux faire Et chacun a son rapport Voilà sa maladie, il y a différents types de maladies avec différents types de degrés de handicap et moi je tiens à le dire,

  • Albert

    je m'estime comme très heureux je pense qu'il y a tout un truc de définir les limites qui sont acceptables par exemple il y avait un panel de trucs où Je me suis dit, ça ne va plus être possible comme avant. Je me suis dit, peut-être qu'il faut que je réfléchisse plus globalement à la question du stress dans ma vie. Étant maxi-anxieuse, il a fallu que je me pose cette question-là. Le problème, ce n'était pas mon job, c'était moi. La manière dont j'abordais les choses et le fait de toujours apprécier et travailler sous tension, de travailler dans le rush. Je ne le fais plus et je crois que ce n'est plutôt pas trop mal.

  • Giulietta

    Comment tu gères ça ?

  • Albert

    Le stress, maintenant ? Je me dis que rien n'est grave. et j'ai tendance à fuir les situations qui sont anxiogènes pour moi il y a pas mal de managers par le passé qui m'ont mis la pression sur des choses absurdes et qui valaient pas la peine que par exemple je dorme pas la nuit, ça je le ferais plus bah t'as bien raison il faut plus le faire et personne ne doit le faire je reviens vachement en arrière par rapport au début de notre échange donc tu mentionnais le fait que la maladie est un sujet intime mais pourquoi est-ce que tu es venu aujourd'hui du coup ?

  • Giulietta

    bah très bonne question parce que comme tout ce qui relève de l'ordre de l'intime ça touche toujours l'humanité et je trouve que ta démarche est très belle et qu'elle m'a touché et que de mon petit point de vue de personne avec cette situation cette maladie j'ai la possibilité aujourd'hui d'en parler Alors déjà ça fait du bien ces cathartiques et ensuite j'imagine et j'espère que des personnes qui sont dans mon cas ou qui commencent à être dans la phase dans laquelle j'ai pu être précédemment ou autre, se retrouvent dans mon témoignage et puissent être rassurés de se dire qu'il y a des solutions et qu'ils peuvent être accompagnés que la phase que j'ai vécue de stress et de flou total si ça peut altérer ça c'est cool et ensuite parce que la démarche de ton podcast Je la trouve top. C'est qu'en parlant de l'intime, et j'y crois profondément à ça, on a ça dans tout, dans les films, dans les romans, dans les poèmes, dans la musique, c'est souvent des gens qui parlent alors de là où ils sont, de choses très intimes, et c'est souvent ces choses-là qui touchent le plus de monde possible. C'est pour ça que même si j'ai un tempérament assez pudique, j'ai choisi de venir ici. Et aussi parce que je me suis senti très connecté à la discussion qu'on a eue et que je sentais qu'on... On avait beaucoup de choses à se dire et puis... que je trouvais ça sympa. Et je te remercie encore de me donner cette possibilité.

  • Albert

    Avec grand plaisir. C'est un peu le but du podcast, de dire que quand on se trouve confronté à une pathologie qu'on apprend, on se sent parfois très seul. Ça fait parfois beaucoup de choses à gérer. Et finalement, il y a pas mal de gens autour de nous qui traversent les mêmes problématiques, soit parce qu'elles ont une maladie, soit parce qu'en fait, c'est un moment de leur vie qui est délicat. Et ça fait extrêmement bien. d'en parler. En lançant le podcast, j'ai commencé un peu plus à parler de ma pathologie, tout ça, et j'étais impressionnée du nombre de personnes autour de moi qui avaient des soucis de santé. Et actuellement, le début de la saison, c'est qu'avec des gens qui font partie de mon entourage proche, et en fait, il y en a des tonnes, et le fait, moi, d'avoir osé mettre des mots là-dessus, ça m'a permis de débloquer plein de conversations que je n'aurais jamais eues. Alors toi, quand on a échangé, tu m'en avais parlé en premier, avant que j'évoque le sujet, mais il y a des personnes qui ne m'ont jamais parlé de leurs soucis de santé, et c'est vraiment un poids et en fait d'avoir dit ah bah moi j'ai une sclérose en plaques tout ça et bah on a eu un échange trop cool ouais donc ce qui est chouette c'est que ça libère la parole À un moment, je croyais que tout le monde allait bien autour de moi et que j'étais la seule à être triste ou à avoir des... Parfois, je sais pas, j'ai fait un burn-out et tout, et je pensais que j'étais la seule. Et en fait, peu de gens vont foncièrement bien. Et c'est OK, il faut juste en parler. Là, je vais faire mention d'une discussion que j'ai eue il y a quelques jours. Je travaillais dans un coworking et il y a une personne extrêmement jeune. dans ce coworking qui est présente et qui nous a parlé de la dépression qu'elle a traversée et en fait on a passé deux heures à parler de nos troubles de la santé mentale et c'était vraiment trop chouette et j'espère qu'il est parti en se disant en fait il y a plein de gens qui ont les mêmes soucis que moi et c'est ok on peut vivre avec et donner le change tout en étant en phase avec ce qui nous arrive

  • Giulietta

    Oui, c'est vrai. C'est très juste. Et autour de moi, j'ai observé aussi beaucoup de gens pas bien, malheureux. Après, c'est aussi une question peut-être d'âge, de génération. T'as évoqué le problème de santé mentale. On est aussi à un moment où sur la question du fait que la parole se libère à travers aussi ta démarche et ton podcast, ça aide beaucoup. Mettre des mots sur les choses. à pouvoir en parler, à avoir d'autres témoignages, et à dire aussi, cette personne-là a traversé ça, on n'est pas seul. Donc c'est très positif. Je trouve que ça donne de l'espoir. Et ça donne aussi l'impression qu'on prend conscience de l'importance de notre santé, et que même si on est dans un... monde où scientifiquement on a le sentiment de maîtriser énormément de choses, ça veut pas pour autant dire que tout le monde va bien, et que la gestion de la santé publique... C'est aussi un enjeu très politique. Et pour moi, c'est un enjeu qui est ancré dans le discours, beaucoup. Et dans la façon dont on a de prendre soin. C'est quelque chose qui revient beaucoup. Le care, c'est un des thèmes du moment, du siècle. Mais c'est aussi de prendre soin les uns des autres. Et je pense que c'est pas pour rien que, politiquement, si la société va mal, c'est aussi parce que nous, on va mal et qu'on n'est plus aussi présents les uns pour les autres, qu'en fait, on devrait pouvoir parler assez librement de ce qui va pas bien. Et s'entraider. et c'est la base et j'ai l'impression qu'on a un peu perdu ça enfin je dis perdu, je sais pas si on l'a jamais eu mais je sais que par exemple moi dans ma culture qui est double, française et maghrébine et africaine, quand quelqu'un est malade, tout le monde est présent pour l'aider, financièrement même pour faire à manger ou quoi c'est quelque chose de très et ça touche aussi je pense à un problème qui est général et auquel on va tous être confrontés, c'est que même La vieille, si on prend la question de la vieille, c'est aussi voir sa santé se dégrader. Et même si on n'a pas de maladie en soi, on va perdre en mobilité, on va perdre d'un point de vue cognitif, en vue, et il faut qu'on y soit préparé en tant que société. J'ai divagué là, longuement. Mais ça m'a fait penser à tout ça, ce que tu évoquais sur le cowork, la façon de parler entre nous, le mal-être des jeunes et tout.

  • Albert

    Je trouve que c'est un peu un cercle vicieux. Le fait de, pour l'instant, que la société soit mal à l'aise avec le sujet de la maladie, ça donne quelque chose, de mon point de vue, qui est insurmontable quand on l'annonce aux gens.

  • Giulietta

    Mais c'est parce qu'aussi on est dans une société où on... On est dans une société de l'illusion, où on pense que la performance, la production, la technologie... nous sauve et nous sauvera. Et forcément, quand on se rend compte que l'humain est fragile, qu'il est imparfait, ce qu'il est d'ailleurs, par essence, ça peut faire bizarre. Il y a aussi des gens qui ne comprennent pas, qui ne perçoivent pas, qui manquent d'empathie, ou alors qui ne savent pas comment recevoir la chose et qui ont preuve de maladresse. Je te rejoins là-dessus. Moi, j'avais une question, c'est est-ce que tu fais partie d'associations ou de groupes, de personnes qui ont la même maladie que toi ? Et est-ce que tu as déjà songé à rejoindre des groupes, des associations, des groupes de parole, des groupes de soutien, de levée de fonds, etc. ?

  • Albert

    C'est très récent que je rencontre des gens qui ont une sclérose en plaques. C'est assez chouette parce que j'estime que c'est les seules personnes qui peuvent vraiment me comprendre. Et la semaine dernière, j'ai fait cette formation où j'ai échangé avec d'autres malades. On est une quinzaine. Ça m'a fait beaucoup de bien de me rendre compte. C'était beaucoup de personnes qui venaient d'apprendre leur maladie. Et je voyais qu'elles... Alors, je ne me réjouis pas que les gens aillent mal. Mais j'ai vu que c'était un bouleversement pour tout le monde. Et rétrospectivement, ça m'a permis de me dire, OK, le fait que tu aies fait sans doute une dépression à l'époque et que ça a bouleversé ta vie pendant, je pense, sept ans. Ben, c'est entendable, il y avait une personne à côté de moi qui disait qu'elle n'arrivait pas à dire le nom de sa maladie. Moi, pendant très longtemps, j'ai dit que j'avais une suspicion de sclérose en plaques parce que je me sentais pas légitime et donc ça m'a fait trop du bien. Et le dernier point, je me sens pas apte pour l'instant à plus m'investir aussi parce que t'es confrontée à la souffrance des gens et pour l'instant, parfois, à la souffrance des gens en tout cas. des personnes soit qui ont des symptômes très agressifs et donc je me sens pas légitime pour dire quoi que ce soit vu que moi je vis très bien avec soit des questionnements ou un mal-être psychologique pareil avec lequel je sais pas quoi faire soit je vais m'en vouloir d'aller bien soit

  • Giulietta

    j'ai peur d'être maladroite dans ce que je vais dire et donc pour l'instant je préfère rester de côté non mais je comprends moi j'ai le même sentiment que toi vraiment t'as euh Je partage vraiment ce point de vue aussi. J'ai le même sentiment. Je ne me sentirais pas légitime. Le seul truc qui me saoule et sur lequel j'aimerais faire quelque chose si je rejoins des groupes de parole, etc. ou des associations, c'est sur le plan politique, pour la reconnaissance de la maladie. Moi, j'ai eu des opérations, ça m'a coûté très cher, mais j'ai eu la chance à l'époque d'être dans une entreprise privée, à l'étranger, qui avait une mutuelle exceptionnelle. Parce que l'ancien PDG avait eu des problèmes de santé, donc il avait pris la meilleure mutuelle possible. C'est-à-dire que je n'ai pas déversé énormément d'argent pour me faire opérer, l'opération a coûté plusieurs milliers d'euros, et la prise en charge de la sécurité sociale était à hauteur de... 10% de l'opération. Alors que sans ça, je serais vraiment encore mal. Et aussi, bon, prise en charge maladie longue durée, on a un système de santé qui, quand même, par rapport au reste du monde, nous offre beaucoup de droits. Mais sur le keratocone et la sécheresse, on a des progrès à faire sur la prise en charge.

  • Albert

    Toi, tu parles des aspects financiers, mais voir des spécialistes, souvent, c'est un moment qui est structurant, soit dans notre année, soit dans notre semestre, on n'a pas l'occasion de voir souvent notre médecin. Et en fait, il y a peu de temps qui est consacré aux patients. On n'a pas l'occasion de formuler correctement nos questions, il y a peu d'accompagnement qui est réalisé. Encore une fois, nous deux, on a la chance de pouvoir nous documenter, d'avoir le temps nécessaire pour apprendre ce qu'on a. Mais ce que je retiens de ma formation de la semaine dernière et de mon échange avec d'autres patients, c'est qu'il y en a certains qui avaient beaucoup de questionnements et qui malheureusement n'avaient pas l'occasion d'échanger très souvent avec leur neurologue. Il y avait plein de questions qui restaient en souffrance, et ça générait une grande souffrance. et ça je pense que c'est un sujet de santé publique c'est pas seulement un accompagnement médical mais en fait c'est une approche plus holistique et de dire il y a une dimension clairement de santé mentale, psychologique et le traitement de la pathologie doit être pris au global j'ai une question, t'as vachement parlé de littérature, musique, tout ça est-ce qu'il y a des œuvres qui t'ont marqué dans ton cheminement par rapport à ta maladie ?

  • Giulietta

    Alors, non, pas en particulier. Il y a des oeuvres qui ont marqué dans ma vie, mais pas sur cet aspect. Et ça me fait penser que je devrais peut-être orienter mes lectures. Après, peut-être que c'est aussi un mécanisme personnel. J'ai peut-être pas envie de lire des choses sur ça. Mais non, j'ai rien qui me vient.

  • Albert

    Ok. Il y en a une seule lecture qui m'a marqué, mais... Hors de moi de Claire Marin. Alors je ne saurais plus dire quelle pathologie elle a. Dans mon souvenir, ça génère d'importantes souffrances pour elle. Elle a eu pas mal d'opérations et en fait, elle avait le sentiment que sa maladie la mettait hors d'elle. Et ce qui m'a beaucoup marquée et ce qui m'a fait énormément de bien, c'est la dernière page du livre où elle dit que si sa situation continue à se dégrader, elle veut avoir la possibilité de dire stop. et en fait moi j'avais toujours essayé d'aborder ma maladie comme un truc feel good genre oui mais ça me fait réfléchir sur le sens de ma vie ça va être chouette faut que j'apprenne à vivre avec et tout et la perspective de se dire à un moment ça devient inacceptable et j'ai plus envie de continuer comme ça ça m'a libéré ouais je comprends c'est vrai que le mécanisme de subvertir le truc en se disant finalement c'est un mal pour un bien ça peut être aussi parfois limitant ou se dire que c'est peut-être pas la meilleure approche

  • Giulietta

    J'ai demandé à notre pote commune de nous adresser une question. Et donc sa question portait sur la parentalité. Comment est-ce qu'on se projette, toi et moi, sur le fait de conjuguer la maladie et le fait de potentiellement être parent ? Toi, ça t'évoque quoi ?

  • Albert

    Alors moi déjà, ça m'évoque des visites très tôt chez l'ophtalmo pour mes gosses.

  • Giulietta

    Est-ce que c'est potentiellement héréditaire ?

  • Albert

    C'est potentiellement héréditaire, ouais. Comme je le disais tout à l'heure, les experts scientifiques et les chercheurs ne sont pas d'accord sur la question. Certains disent qu'il y a un facteur héréditaire, et d'autres disent que c'est biomécanique, et d'autres disent que c'est les deux. Mais généralement, les personnes qui sont atteintes d'un kératocône ont un membre de leur famille qui ont... cette maladie aussi. Dans mon cas, c'est compliqué parce que je ne connais pas trop mes grands-parents. D'autres membres de ma famille ont eu des vies qui sont complètement différentes de la nôtre, du coup ils ont pu avoir cette maladie sans s'en rendre compte. En tout cas, très bonne question de notre amie en commun, moi j'aborde la parentalité avec de l'espoir. Et le seul truc auquel je ferais gaffe, c'est d'emmener mes gosses chez l'ophtalmo et aussi de les engueuler s'ils se frottent les yeux.

  • Giulietta

    Moi, de mon côté, il y a quelques sujets, parce qu'actuellement, mon traitement n'est pas compatible avec une grossesse. Il y a des risques de malformation. Donc, en fait, c'est juste le sujet qui est abordé systématiquement par le neurologue, limite en début de consultation. Parce qu'il faut que je l'arrête, que je prenne quelque chose qui évite que le traitement soit encore présent dans mon sang avant d'envisager une grossesse. Et donc, comment dire, le fait d'envisager une grossesse en se disant ça va venir, c'est pas possible de mon côté, il faut vraiment l'envisager et le cadrer. Ma maladie, si je me dégrade, ça peut avoir un impact sur ma vie tous les jours puisque je peux avoir un handicap physique, il peut y avoir énormément de fatigue, des choses comme ça. Pour moi, c'est pas du tout un frein parce j'ai envie d'être maman et je le sais. On recomposera les choses différemment pour faire en sorte que ça puisse se faire mais je veux pas le voir comme un frein. Eh bien, je crois qu'on a terminé :)

  • Albert

    merci beaucoup pour l'invitation !

  • Giulietta

    Un immense merci à Albert pour sa générosité. Ce n'est pas toujours facile de parler de soi, et je trouve qu'il s'en est sorti avec brio. J'ai particulièrement apprécié de cet échange la réflexion d'Albert sur l'intimité. Si certains sujets n'ont pas vocation à être partagés avec tout le monde, comme c'est le cas pour la maladie, ils n'en revêtent pas moins un caractère politique. Parler de sujets délicats, qui nous touchent, ou que l'on trouve tabous, est un acte militant. Vous ne l'avez pas vu, mais Albert avait des étoiles dans les yeux, à l'évocation de son futur. J'espère qu'il vous apportera de la bonne humeur et une dose d'espoir. Cet épisode vous a plu ? Vous souhaitez réagir ? Écrivez-moi sur le compte Instagram de l'anomalie, le lien est dans la description de cet épisode. Partagez-moi vos retours, qu'ils soient positifs ou plus circonspects, je les lirai avec plaisir. Vous pouvez soutenir mon travail en vous abonnant à ce podcast sur votre plateforme d'écoute préférée. Si vous êtes d'humeur à déplacer des montagnes, vous pouvez attribuer une note et un commentaire au podcast, cela m'aidera beaucoup. lanomalie est un podcast autoproduit par mes soins, entièrement conçu et imaginé entre Ménilmontant et le canal de l'Ourcq à Paris. Rendez-vous très bientôt pour le prochain épisode. D'ici là, prenez soin de vous.

Description

Envie d’un petit shoot de bonne humeur et d’espoir ? Rencontrez, le temps d’un épisode, Albert qui vit avec un kératocône : sa cornée s’affaisse et génère un important inconfort visuel. Le kératocône est une maladie chronique dont les symptômes sont quotidiens : Albert vit avec une vision floue et une sensation d'irritation permanente. Pour pouvoir continuer à travailler et à vivre sereinement, Albert doit porter des lentilles adaptées et se rend très régulièrement chez l'ophtalmologue.


Les sujets balayés avec Albert posent des questions essentielles sur le rapport que nous entretenons en tant que société et individus, avec la maladie, et la santé de manière plus générale.


Au programme de ce petit bijou, nous avons évoqué :

  • Notre rapport au monde du travail et les choix induits par la présence du handicap

  • La notion d’intimité soulevée par la maladie

  • Notre volonté de militer sur des questions liées à la santé, à la maladie et au handicap

  • La manière dont Albert a recomposé son futur, en tenant compte des limites imposées par son kératocône, sans laisser de côté ses passions

  • La mise en place d'un traitement et d'un protocole adaptés, pour permettre à Albert de continuer sa vie sereinement

  • Le fait d'évoquer, ou non, les questions de santé/de handicap dans un contexte professionnel

  • La volonté inébranlable d’Albert d’explorer.


J’espère que cet épisode vous plaira ! J’ai personnellement pris beaucoup de plaisir à ré-écouter notre conversation et à cheminer avec Albert.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Giulietta

    Et si on parlait plus ouvertement de la maladie ? Dans l'imaginaire commun, quand la santé va, tout va. Partout, on valorise un corps sain qui tient la route, et dont on souhaite sans cesse repousser les limites. Dès lors, quelle est notre place quand on connaît ponctuellement ou plus durablement la présence de la maladie dans notre vie ? Je suis partie à la rencontre des personnes qui, tout comme moi, vivent en compagnie d'une maladie car, à mon sens, poser des mots sur un sujet encore tabou, ça fait du bien. Je vous souhaite la bienvenue dans ce deuxième épisode de l'Anomalie, le podcast qui ouvre la discussion sur la maladie. J'ai eu le plaisir de m'entretenir avec Albert, un ami d'ami qui vit avec un keratocone et une affection des glandes de Meibomius. Vraisemblablement, l'évocation de ces pathologies ne vous dira pas grand chose. Pas de panique, Albert explique très bien les choses. Vous l'entendrez, le ton de cet épisode est légèrement différent. Albert et moi nous connaissons peu, l'échange est plus pudique. Ce qui ne nous a pas empêché d'évoquer la question de l'intimité soulevée par la maladie, notre relation au travail, la volonté de recomposer notre futur, le désir de parentalité et l'importance de militer sur des questions de santé. Allez, c'est parti pour ce deuxième épisode, je vous souhaite une très bonne écoute. Eh bien du coup, Hello Albert, qui est un nom d'emprunt pour l'enregistrement de cet épisode, je suis ravie de te recevoir aujourd'hui.

  • Albert

    Merci beaucoup.

  • Giulietta

    Pour donner un peu de contexte, tu es un ami d'ami. On a échangé sur notre vie professionnelle à un moment, et spontanément, tu m'as parlé de tes soucis de santé. Donc c'était un vrai sujet au cours de la discussion. Je t'ai parlé de ma démarche sur le podcast, et très spontanément, pareil, tu m'as proposé de participer. Merci pour ta spontanéité et ton envie de parler.

  • Albert

    Déjà, merci de me recevoir. Je suis content de pouvoir participer à ce podcast, qui est du coup à ses débuts. C'est cool et c'est avec plaisir que je témoigne aujourd'hui.

  • Giulietta

    Première question qui est assez évidente. Peux-tu te présenter de la manière dont tu le souhaites ? Qu'est-ce que tu me dirais spontanément si on se croisait quelque part sans se connaître ?

  • Albert

    Si je me présentais spontanément, je dirais que je m'appelle Albert, j'ai 27 ans, je suis freelance et j'habite à Paris depuis quelques années.

  • Giulietta

    Ok, synthétique.

  • Albert

    Voilà.

  • Giulietta

    Sans surprise, tu ne parles pas de ce qui se passe au niveau de ton corps et de ta maladie. Est-ce que c'est un sujet que tu évoques avec les gens ?

  • Albert

    C'est un peu hasardeux, ça dépend en fait des contextes dans lesquels je suis. Si je suis dans un contexte où je vais avoir des problèmes vis-à-vis de cette maladie, ça va se manifester. Je donne un exemple de ce qui m'est arrivé récemment. J'ai fait un cours de sport que je ne peux normalement plus faire à cause d'une opération, en l'occurrence de la boxe, mais j'avais tellement envie d'en faire, ça fait cinq ans que je n'ai pas pu en faire, que j'ai demandé au coach si je pouvais venir et si ça posait un problème, il m'a dit "non, tu peux taper sur sac, on peut faire attention". Et je me suis retrouvé à faire du sparring avec les gens et ils ont été très cool. Et du coup, j'ai dû dire à tout le monde, j'ai un problème aux yeux, sans rentrer dans les détails. J'ai des implants dans les yeux, donc juste frappez pas dans les yeux. Et là, du coup, j'en ai parlé spontanément. Au travail, je n'en ai pas parlé dès le début. C'est juste quand des collègues me voient me frotter les yeux, ou faire des têtes bizarres, ou mettre des gouttes toutes les 10 secondes, que ça vient naturellement. Ça dépend vraiment du contexte.

  • Giulietta

    Donc là, actuellement, tes collègues de travail sont au courant ?

  • Albert

    Comme je suis freelance, ça dépend des clients et des missions, mais là, en ce moment, l'équipe rapprochée et les personnes avec qui je travaille le plus sont au courant.

  • Giulietta

    On en a parlé en off juste avant le début de l'enregistrement, mais par rapport à... À ton travail, tu souhaites que le sujet soit tu, enfin en tout cas tu m'as demandé de témoigner anonymement, c'est quoi la raison ?

  • Albert

    La raison c'est que pour moi ça relève de l'ordre de l'intime, c'est d'ailleurs dans la loi, quand tu as une reconnaissance travailleur handicapé (RQTH), tu n'as pas l'obligation de le dire à ton employeur. C'est exactement la même démarche que j'ai. Ça relève du handicap invisible d'une certaine manière, plus ou moins, après le débat sur le handicap c'est vaste, mais si on prend le cas du handicap invisible en l'occurrence, c'est un handicap qui ne se voit pas spontanément quand on te rencontre, On a le choix de ne pas le dire, et moi je fais ce choix-là.

  • Giulietta

    Je ne connais pas encore les démarches parce que je n'ai pas demandé ma RQTH, tu ne l'as pas non plus il me semble.

  • Albert

    Non, je ne l'ai pas.

  • Giulietta

    Si tu la demandes, est-ce que ton DRH par exemple est au courant ?

  • Albert

    Par le passé, par exemple, dans d'anciens emplois, j'ai dû à un moment prévenir l'équipe RH. En l'occurrence, c'était une grosse structure, donc ils étaient habitués. Et ce qui avait déclenché l'élément, c'est qu'on avait eu un webinaire sur le handicap invisible. Et après je m'étais présenté spontanément en disant "voilà pour que vous soyez au courant j'ai ce problème. Ce webinaire m'a donné envie de vous en parler parce que je vois que vous avez une culture assez ouverte sur le sujet et que vous comprendrez". Donc j'ai choisi de le dire aux RH. Après, ce qui se passe généralement dans ces boîtes là c'est que les RH le disent, ils te demandent du coup si tu veux le dire ou pas. Si on le dit généralement, c'est qu'on veut prévenir ses N+1, N+2. C'est le but et c'est aussi pour expliquer pourquoi on va prendre des jours off, même si on n'a pas forcément besoin de se justifier ou dire "Voilà sachez que j'ai ce souci là, d onc à un moment j'aurais besoin d'être off etc". Avec mes collègues en ce moment, c'est vrai que je me suis retrouvé à le dire au-delà du fait qu'on ne se voit pas beaucoup parce qu'on travaille à distance. Mais j'ai commencé à le dire parce que j'ai beaucoup de rendez-vous médicaux et notamment un rendez-vous médical tous les mois, obligatoire. Au début, je ne disais rien et puis après, j'ai ce rendez-vous où je ne peux pas, j'ai ce rendez-vous pour mes yeux, etc.

  • Giulietta

    Et c'est quoi les réactions que tu as reçues ?

  • Albert

    Très bonne réaction. À l'heure actuelle, dans ma mission, les gens sont compréhensifs, à l'écoute et ça ne pose aucun problème. Enfin, depuis que je suis à mon compte, les réactions sont bien meilleures. En fait, j'estime que je n'ai pas à me justifier, que c'est obligatoire, c'est personnel, donc ça ne les regarde pas. Même si la réaction était mauvaise, ça ne me ferait rien. Par le passé, en revanche, c'était beaucoup plus pesant et chiant quand j'étais salarié.

  • Giulietta

    Dans quelle mesure ?

  • Albert

    Dans la mesure où j'étais dans des entreprises un peu parfois vieux jeu, où avoir du temps off, même pour des raisons médicales, c'était mal vu. Ou alors que ça voulait dire que t'étais pas en bonne santé donc que potentiellement t'allais pas être performant etc, donc ça c'était très chiant et stressant ça a ajouté le stress de chaque mois, bah l'opération que je devais faire et le fait que je voyais très flou dans ce qui allait arriver. Aujourd'hui, ça va mieux, j'ai une vision claire, une feuille de route un processus médical de suivi. Je suis rassuré, et je suis bien encadré, bien entouré, j'ai mes spécialistes, je sais ce qui se passe, je sais comment améliorer la situation optimiser le temps de travail etc, et et Prendre du temps quand il faut prendre du temps, mais avant, quand j'étais dans le flou, ça faisait un effet de cycle, un peu de cercle vicieux, où tu stressais de t'absenter pour raisons médicales, et où tu savais pas trop ce qui se passait, et où c'était un peu mal vu de t'absenter. Mais c'était vraiment dû à une mauvaise culture professionnelle, et un manque de... compréhension ou d'empathie de l'employeur.

  • Giulietta

    Il y a une personne avec qui j'avais échangé qui m'avait dit qu'elle ne souhaitait pas en parler parce qu'elle ne voulait pas qu'on croit notamment qu'elle ait des évolutions professionnelles à cause de sa maladie, comme une discrimination positive. Je trouve que c'est assez symptomatique d'environnements de travail qui, pour l'instant, sont vraiment peu acculturés à la question du handicap.

  • Albert

    Complètement. Et dans le fait de ne pas dire qu'on a une RQTH, il y a aussi cet enjeu-là. C'est-à-dire qu'on peut appliquer cet enjeu de la discrimination au handicap, mais aussi à d'autres éléments. Là, les auditeurs ne me voient pas, mais on peut être victime de discrimination double. C'est-à-dire à la fois si tu es en situation de handicap, mais en plus si tu es une minorité, ou sexuelle, ou autre. C'est des éléments qui peuvent se conjuguer, et du coup je comprends qu'on ne veuille pas donner l'ascendant à un employeur pour l'utiliser contre nous.

  • Giulietta

    Tu es en freelance actuellement, est-ce que le choix de te positionner en tant que freelance lié à ces soucis de santé ou est-ce que c'était une opportunité ?

  • Albert

    C'était plusieurs raisons. Des raisons personnelles, c'est-à-dire que j'étais au bord d'un burn-out, qu'une collègue en a fait un, que je n'étais pas loin, que je n'étais pas épanoui, pas heureux, et que j'avais ces problèmes de santé et que j'avais besoin de plus de latitude dans ma gestion de mon emploi du temps. de mes missions, de comment je travaillais, quand je travaillais. Et en parlant avec des gens qui s'étaient mis à leur compte, j'ai senti qu'il y avait cette latitude. C'était aussi une grosse prise de risque, parce que quand on quitte le salariat, on se demande si on pourra réussir à trouver une mission, que ce soit du long terme, que ce soit stable, et comment on se rémunère, etc. Mais la raison santé m'animait aussi. Et je me donnais un peu une deadline de me dire "il faut que tu partes et il faut que d'ici X temps, tu puisses diminuer la charge sur tes yeux". Je fais un métier où en fait je suis sur écran, mon savoir-faire professionnel, il est principalement dans le milieu du tertiaire on va dire, je n'ai pas de valeur ajoutée d'un métier manuel. Et le fait d'être à mon compte, c'est aussi gérer un peu plus les temps pendant lesquels je suis derrière un écran.

  • Giulietta

    Je te rejoins là-dessus, moi le switch vers le freelance, ça s'est aussi fait suite à un burn-out, où vraiment je ne vivais plus. Ça avait un impact, je pense, sur ma santé, et donc ça pouvait poser problème par la suite. Et par ailleurs, je n'avais pas le sentiment que je pourrais être entendue par ma hiérarchie. Je trouve qu'on est assez privilégiés de pouvoir se dire qu'on fait un métier qui nous permet d'exercer en auto-entrepreneur, où on a des clients. Et pour l'instant, on n'a pas à se soucier de l'avenir, c'est pas tout le monde qui peut le faire, mais c'est vrai que c'est un confort qui est très très chouette.

  • Albert

    C'est un confort qui est énorme et aussi je le vois au niveau de mon stress et les effets. Parce que du coup, ça rentre un peu dans une maladie chronique où il y a des facteurs externes. Et le stress est très mauvais. Et le fait de diminuer le stress à travers plusieurs piliers de la vie et l'hygiène de vie, et le stress et le travail en étant un fondamental, ça a aussi amélioré ma condition de santé.

  • Giulietta

    Je comprends. Et effectivement, le fait d'être en freelance, de pouvoir gérer ses horaires, ça ne veut pas dire que tu vas travailler moins. Mais juste que tu t'organises et si t'as un rendez-vous, moi je sais pas, chez le neurologue et les IRM par exemple, ça me bloque des demi-journées entières, je peux rattraper le week-end si j'ai envie. Des choses comme ça et personne va jamais m'embêter. Est-ce que tu souhaites nous en dire plus sur ce que tu as ?

  • Albert

    Ouais, ouais, complètement. Moi en fait, j'ai deux maladies qui ont été diagnostiquées. La première, c'est un kératocône. C'est une maladie de la cornée, une déformation de la cornée. La cornée est censée être ronde comme un ballon de foot et avec le kératocône, elle... Elle se déforme et s'affaisse et prend la forme d'un ballon de rugby. En gros, pour simplifier et caricaturer les choses. Et ça entraîne des problèmes de vue et des effets secondaires, flous visuels, vues altérées. Il y a plusieurs degrés, plusieurs niveaux. Ça touche une personne sur 2000 pour la caractéristique en soi, la maladie en elle-même en France. Une maladie qui survient souvent vers les 13 ans et qui évolue jusqu'aux 30 ans. Elle peut se détériorer après aussi avec l'âge. Ça dépend vraiment des cas et, au sein de cette maladie, on a différents types de cas plus ou moins avancés. Et moi, en fait, la complexité, c'est que se conjugue à cette maladie un autre problème qu'on a découvert après des opérations pour remédier à ce problème de cornée, qui est un problème de sécrétion des glandes de Meibomius. Alors, c'est légèrement technique, mais c'est pour que les auditeurs comprennent. En gros, dans les yeux, on a une sécrétion double d'eau et de lipides, une fine couche d'eau et une fine couche de lipides. La couche de lipides nous vient des glandes qu'on appelle de Meibomius, et la non-sécrétion de cette glande entraîne des problèmes de sécheresse, des irritations, qui, conjuguées avec ma cornée, font des effets un peu relous. Donc sécheresse, vision floue... Mal de tête et inconfort, enfin on a l'impression d'avoir du sable dans les yeux et ça constamment. Quand il y a des épisodes allergiques, c'est un peu la cata. Et moi je peux plus me toucher les yeux. Enfin, je peux me toucher les yeux mais je peux pas toucher ou gratter parce que sinon ça va déformer ma cornée et j'ai des anneaux dans les yeux donc si je prends un choc ou quoi, je risque de déplacer mes implants ou autre. Donc j'ai un traitement que je suis, mais en gros pour cette maladie, c'est une maladie visuelle qui se conjugue à une sécheresse oculaire.

  • Giulietta

    Et ta maladie, elle évolue ou elle est stable ?

  • Albert

    Alors, elle évolue, mais depuis deux ans, elle est stable. Et là, j'ai fait un point avec le chirurgien, qui m'a dit que c'était stable, parce qu'en fait, il y a plusieurs stades, avec plusieurs types d'opérations. Là, je parle du kératocône. Après, je pourrais parler de l'autre cas de sécheresse, mais en gros, normalement, le kératocône, il est repéré dès le plus jeune âge, dès la préadolescence. Moi, il a été repéré tardivement. C'est ce qui a complexifié les choses et a accéléré le processus de dégradation et aussi le fait qu'on ait dû opérer de manière assez urgente. Ça m'avait fait très peur à l'époque. Finalement, ça s'est bien passé avec du recul. Mais en gros, il y a un premier stade où on doit juste surveiller, faire attention. Si par exemple, on a un enfant qui à 13 ans est diagnostiqué avec un kératocône, souvent ça arrive parce que la vue s'altère très vite. Il y a beaucoup d'astigmatie et c'est sur des terrains où les chercheurs ne sont pas d'accord. Certains disent qu'il y a un facteur génétique, d'autres disent que c'est structurel et biomécanique. En fait... Si très jeune, on est diagnostiqué avec un kératocône, on va dire à l'adolescent ou au préadolescent, faites attention, vous avez cette maladie, ne vous frottez plus les yeux. Pour éviter la dégradation biomécanique de la cornée, on va dire, ne vous frottez plus les yeux, on va faire une correction pour l'astigmatie, on va faire des bilans chaque année de topographie cornéenne, avec des spécialistes, des bilans de la vue, correction adaptée, une hygiène oculaire au niveau du sommeil, pas dormir sur la tête, ne jamais se frotter les yeux, dormir avec un masque si on n'arrive pas à s'empêcher de se gratter les yeux. Si c'est repéré plus tardivement, et si la maladie évolue, il y a un deuxième stade. Aujourd'hui, on arrive dans les pays, quasiment tous les pays européens et aussi d'autres pays dans le monde, à mettre de la vitamine A et à la chauffer. Et ça crée une couche de renforcement de la cornée. On appelle ça le crosslinking. C'est la première étape. Et la deuxième étape... qu'ils ont mis en place depuis quelques années et qui fonctionnent assez bien, et c'est celle dont j'ai pu bénéficier, ça s'appelle les implants intracornéens. Alors ça dépend, chaque cas est différent, mais si la géographie de la cornée le permet, on peut en fait travailler cette géographie pour redonner une forme à peu près normale à la cornée, la rebomber en mettant des implants, en creusant un tunnel avec un laser et en allant placer des anneaux à certains endroits. C'est ce que j'ai pu faire en 2021 et après ça stabilise, et là depuis cette surgit c'est stabilisé, on devait refaire l'autre opération que j'ai mentionnée juste avant, le crosslinking, et finalement pour l'instant on n'en a pas besoin. La dernière étape, c'est la greffe de cornée : on va venir enlever la cornée du patient pour la remplacer avec une cornée normale. Pour l'autre maladie, pareil, c'est sous contrôle. Je suis un traitement avec un spécialiste où chaque mois, en fait, il va faire une petite opération pour déboucher les glandes. C'est une petite intervention. C'est pénible, mais on s'habitue. Et des traitements spécifiques avec des gouttes, une hygiène oculaire, c'est-à-dire une rééducation de la paupière, nous apprendre à cligner des yeux. Et après, c'est aussi une hygiène de vie. C'est corrélé à... Comme je disais, beaucoup d'éléments, mais comme c'est chronique, c'est corrélé au stress, aux pics de pollution, à l'alimentation. Le fait d'avoir testé différents types d'alimentation, ça m'aide à aller mieux. L'alimentation, du coup, pour les yeux, ça va être des oméga-3, ça va être des éléments verts et oranges, des caroténoïdes en gros. Et des légumes et de l'eau, enfin une alimentation variée, un sommeil, pas de stress et ça améliore les choses.

  • Giulietta

    Du coup tes problèmes de santé, ils ont l'air quand même de prendre beaucoup de place en termes de temps dans ta vie quotidienne, vu que tu as des suivis tous les mois. Comment tu te positionnes par rapport à ça ? Quel est ton rapport en fait à ta maladie, à tes maladies actuellement ?

  • Albert

    C'est devenu une routine. Avant, j'étais un peu insouciant et je vois le décalage. En fait on m'a diagnostiqué ça à un retour, je vivais à l'étranger. J'étais au Liban, je faisais un road trip et je conduisais et je ne voyais plus rien. Je voyais vraiment que dalle. Je voyais en fait, quand on a cette maladie, et a fortiori aussi après avec les implants en fait, ça déforme la vue. Les poteaux par exemple, on va les voir se plier. C'est un peu comme si on était sous l'eau et qu'on regardait sous l'eau. Et les lumières, ça fait des halos et tout. Je me disais "oula ça va pas". Et en fait ça m'a... J'étais insouciant. Et là je suis beaucoup plus, on va dire, au fait de ça. Et du coup je fais tout pour que ça se passe bien et pour être en bonne santé. Et... ça occupe de la place. Là, j'ai trouvé un équilibre depuis six mois, je dirais, où ça se maintient. Et je gère au mieux. Ça prend de la place, mais je me dis que c'est comme ça et que j'ai beaucoup de chance d'avoir diagnostiqué la chose, d'avoir un suivi de qualité et aussi de pouvoir me soigner, en fait. Là-dessus, je suis hyper reconnaissant vis-à-vis de, déjà, le corps médical qu'on a, les médecins, les experts et la recherche sur le sujet. Et ensuite, ma situation personnelle fait aussi que je n'ai pas trop à me soucier. J'ai vraiment choisi de m'entourer des meilleurs spécialistes et médecins, quitte à ce que ça me coûte très cher parce que on a qu'une santé et voilà ça vaut de l'or. Du coup, je me donne les moyens de pouvoir me soigner, je suis très reconnaissant de ça et ça va mieux de me dire "je suis quand même très entouré j'ai de la chance ça pourrait être la cata et t'es passé par plusieurs phases". Je suis passé par plusieurs phases, je suis aussi passé par des médecins assez horribles euh... Quand j'étais à l'étranger, où pourtant des médecins qui, sur le papier, sont censés être les meilleurs de leur promo, etc., qui n'avaient peut-être pas l'aspect humain ou empathique et qui disent "il n'y a rien à faire, on ne peut rien faire, il faut attendre", c'est comme ça là où d'autres chirurgiens, comme celui qui me suit, arrivent tout de suite à dire "voilà, vous êtes dans tel cas, moi je vous recommande de faire cette opération, il y a tant de succès, il y a tant d'échecs et allons-y" mais c'est vrai que il y a eu des phases. Il y a eu une phase aussi de dépression pour ma part où je savais pas ce qui m'arrivait, je comprenais rien et j'étais complètement dans le flou et en plus ça a une valeur un peu je sais pas, je dirais philosophique ou de somatisation où la vue c'est un des cinq sens. Je voyais vraiment flou au niveau de ma vue, je sortais d'opération, je n'arrivais pas à voir bien comme il faut, ça me stressait énormément, et en plus j'avais mal, et j'avais les yeux secs. Et cette période-là, elle était horrible, et puis après il y a eu la période post-opération, où on a diagnostiqué l'autre maladie, on a compris ce qui se passait, et petit à petit j'ai compris, et puis ça allait mieux, et ça coïncidait avec un moment où... J'ai quitté un ancien travail, j'ai pris une pause pour recommencer un nouveau travail, etc. Il y a des phases. En ce moment, à l'heure où je te parle, je suis dans une bonne phase. Et ça fait plaisir, parce que ça n'a pas toujours été le cas.

  • Giulietta

    Clairement, je suis assez d'accord avec toi, ça dépend des moments et puis il y a un temps d'acceptation. Et c'est vrai que la relation avec le médecin et le corps médical en général, elle est super importante. J'ai mis, je pense, une dizaine d'années à trouver un praticien avec lequel je me sente bien. Et je trouve que c'est toujours assez délicat quand on a un souci de santé et qu'on ne fait pas partie du corps médical d'être légitime dans ce qu'on dit. On est souvent jugé parce que nos mots sont imprécis. On est beaucoup dans l'affect, dans l'irrationnel, et en face de nous, on a des gens qui ont fait des longues études, qui mettent des mots sur les choses, et c'est super important de se sentir à l'aise avec la personne qui nous suit.

  • Albert

    Complètement. Moi, pour le coup, ça m'a... Enfin, je suis devenu très curieux de la médecine. Et parfois, je discute avec un des praticiens longuement sur "Vous avez lu cette étude sur la maladie que j'ai ?" et c'est trop cool. Par exemple, la dernière fois, j'étais avec le praticien qui me suit pour la sécheresse. Et j'avais lu un article qui est sorti sur le rapport entre la flore intestinale et la sécheresse oculaire. Et on a parlé de ça, il a dit "c'est intéressant, en effet j'ai vu, mais on n'a pas encore trop de recul, il y a un test que vous pouvez faire, vous pouvez essayer". Ça crée une relation de confiance. Moi ça m'a rassuré d'apprendre un peu les codes de ce champ médical, même si je ne serais jamais médecin, mais de parler un peu sa langue et qu'il parle la mienne. et qu'on se comprenne. Et aussi de manière rationnelle. Pas d'être dans le ressenti, dans l'affect, mais dans le clinique, j'ai ressenti ça. Et il s'avère qu'en ce moment, il y a un épisode allergique, ou alors j'ai eu énormément de travail, et depuis ça va moins bien. Et tout de suite, on arrive à faire la corrélation et voir ce qui ne va pas, et faire le traitement. plus ou moins adapté.

  • Giulietta

    C'est vrai que c'est tout un apprentissage d'apprendre à communiquer et de découvrir le monde médical. Exemple concret, du coup, moi, dans le cadre de ma maladie, on peut repérer l'évolution sur des IRM. Il y a des taches blanches qui apparaissent dans mon cerveau, c'est des plaques. Et la première réaction quand on a vu avec ma mère les premières plaques, c'était Ah mais c'est une tumeur ! Et bien évidemment, le neurologue à qui on parle nous a regardé avec des yeux un peu ébahis, genre Mais non, c'est pas du tout ça, ça se voit très bien, c'est de la démélinisation. Mais sauf que quand on ne connaît pas, on essaie de prendre les éléments qu'on connaît et les rattacher. Et voilà, ça prend du temps de se repérer dans cet environnement-là.

  • Albert

    Complètement, et puis il y a un truc qui est terrible, c'est un biais cognitif, mais c'est le... je sais pas comment on peut appeler ça, mais le... on va l'appeler le biais doctolib. Tu vois flou, tu commences à aller sur Internet, et tu vois, caratocone, vous allez devenir aveugle, vous allez perdre la vue. Ou inversement, vous avez mal à la tête, vous avez une tumeur, enfin, c'est hyper stressant. Et on se met à appeler tout le monde, à parler à des gens qu'on connaît, et je sais pas toi, mais le fait d'avoir parlé avec des gens qui connaissaient la maladie, Par exemple, quand on m'a diagnostiqué le truc, je me souviens, j'étais dans un cabinet, et en fait, l'ophtalmo qui m'a reçu m'a fait repasser les tests deux fois, et m'a dit, vous allez voir à côté ma collègue spécialiste. Elle avait un fort accent, et je ne comprenais pas tout ce qu'elle disait. Et ça, enfin, c'est très bête, mais ça m'a énormément stressé. Et du coup, le fait de revoir un deuxième médecin, puis un troisième, puis un quatrième, puis un cinquième, et de mieux comprendre ce qui se passait, ça m'a rassuré. Parce que si je me fiais juste à ce premier diagnostic et à Internet, j'étais foutu.

  • Giulietta

    Même chose pour moi, il y a eu des tâtonnements. Mon premier neurologue n'osait pas vraiment me dire le nom de ma maladie et il regardait ses pieds quand il me parlait de moi. Donc c'était quand même super compliqué de se dire Ok, je vais vivre avec quand lui-même n'arrivait pas à le verbaliser. Et en fait, là, j'ai changé d'établissement. Donc neuf ans plus tard, qui me suit, je suis à la Fondation Rothschild et ils ont mis en place des cours sur la sclérose en plaques. Donc j'ai fait mon premier cours la semaine dernière et c'était trop cool. Ils ont expliqué des choses, plein de choses de la vie quotidienne. Un exemple concret, c'est que j'ai des sensations de fourmillement dans les mains, souvent quand je fais du sport. Et je savais pas à quoi c'était dû, et c'est un petit peu énervant quand tu sais pas ce que c'est, tu comprends pas, tu sais juste que c'est là. En fait, c'est lié à la chaleur. C'est juste que les influx nerveux ne passent pas aussi bien, et donc ça crée cette sensation-là. Et maintenant, en fait, je sais juste que si je vais prendre une douche ou un truc comme ça, je suis soulagée. Et vu que je sais d'où ça vient, je suis super sereine. Sauf que... Ces cours et ces dispositifs ne sont pas fournis à tous les patients. Pareil, je te rejoins, je m'estime extrêmement chanceuse d'être suivie là-bas et d'avoir accès à ces ressources-là.

  • Albert

    Est-ce que tu es satisfaite de ton suivi en ce moment ?

  • Giulietta

    J'ai vu qu'une fois mon neurologue, mais il était vraiment génial. Il a laissé de la place durant la consultation à toute cette part d'affect. Je suis super sensible et j'exprime parfois les choses de manière maladroite. Il m'a écoutée et j'ai trouvé ça très cool. Ma précédente neurologue avait évoqué la possibilité que je change de traitement et ça m'avait beaucoup beaucoup stressée parce que je m'étais adaptée à celui-ci et je m'étais dit je vais vivre avec et me projeter sur un autre traitement pour moi c'était super anxiogène sachant qu'il y a beaucoup beaucoup d'effets secondaires sur les traitements pour la sclérose en plaques. Mon nouveau neurologue m'a dit ben effectivement ça peut être envisagé mais il y aura un collège qui va se réunir, on va en discuter ensemble et le fait vraiment qu'il m'explique le parcours qui serait prêt pour décider de changer de traitement et le fait que je sois associée à cette décision, ça a désamorcé le truc. La dernière fois qu'on en avait parlé, tu m'avais... Alors, je ne sais pas si j'exprime correctement les choses, mais tu m'avais expliqué qu'il y avait une possibilité que tu avais juste des grades ou que le métier que tu fais actuellement n'était peut-être pas compatible pour toujours avec ta maladie. Et j'avais le sentiment qu'il y avait un peu une période actuelle et que tu te projetais sur un après qui était plus créatif, notamment, où tu ferais plein de choses sur lesquelles tu t'épanouirais.

  • Albert

    C'est vrai, j'ai dit ça et ça coïncide avec ce qui se passe en ce moment dans ma vie. C'est que... À la base, j'avais fait des études dans un champ littéraire, sciences politiques, et je voulais faire une carrière un peu classique, passer les concours, etc., être haut fonctionnaire. Petit à petit, et je pense que c'est lié certainement à cette maladie, je me suis reconnecté un peu à un côté enfantin, on va dire, mais lié aussi à la littérature et à tout ce monde-là, à la musique. Peut-être que le fait d'avoir cette maladie-là et le fait de dire, En fait, il faut juste que je diminue les écrans. ça m'a mis un coup de boost. Et il faut aussi dire que le fait d'être freelance, il y a un aspect, je trouve, légèrement prise de risque, où tu te dis, finalement, aller vers le monde de la création, c'est aussi une forme de prise de risque. Je ne sais pas si j'arriverai à en vivre. J'aimerais beaucoup, un jour, pouvoir en vivre. À l'heure actuelle, je travaille en tant que freelance. la totalité de mon temps professionnel est dédié à mon auto-entreprise et le reste du temps, j'explore des champs créatifs qui me plaisent, l'écriture, la musique. En ce moment, je me suis un peu jeté corps et âme dedans. J'ai un tempérament obsessionnel et parfois passager et parfois structurel. Donc ça veut dire que mes obsessions se transforment parfois en passions que je vais garder toute ma vie, ou alors je prends, j'explore et je jette et je passe à autre chose et j'ai une nouvelle lubie. En ce moment, à l'heure où je te parle, il s'avère que c'est la musique et c'est trop cool. Ça prend bien parce que j'arrive à la partager assez vite avec les gens et à me connecter aux gens. Et du coup, je me projette assez bien là-dessus et j'ai envie d'essayer d'explorer. Ça veut dire concrètement que j'aurai un peu moins de mon temps consacré à mon activité en auto-entreprise et j'aimerais passer plus de temps à me concentrer sur des projets personnels.

  • Giulietta

    C'était un autre projet dont tu m'avais parlé.

  • Albert

    C'est bien, c'était un projet plutôt radio. En fait, je me suis rendu compte d'un truc, c'est que tout était intriqué dans une forme de rapport à la réalité, de questionnement que j'ai sur le monde, et en fait de manifestation de qui je suis et comment je me connecte à la réalité et à l'autre, et aux autres. Et du coup, cet élément-là qui détermine un peu le fil rouge de la vie. Il va prendre des formes diverses. Le livre, là ça va être cette émission radio qu'on fait en ce moment, où il y a une rencontre, un partage d'histoire, et on va se connecter à des auditeurs qui vont avoir un... en eux une forme de résonance de ce qu'on dit, chacun à travers notre témoignage, et la musique ce qui est assez fort c'est que en l'occurrence quand on mixe devant des gens, une musique qui nous tient à coeur, et qu'on va réussir à toucher l'auditoire et à se connecter à eux, il y a quelque chose de très fort qui se passe j'imagine que c'est la même chose avec l'écriture et avec toute forme d'art en fait et c'est cette chose là qui dont je suis certain que je vais explorer parce que ça m'anime beaucoup et ça m'enthousiasme. Voilà pendant un moment j'étais plus sur un truc, ok j'ai un problème aux yeux donc il faut que je fasse un truc où il n'y a pas d'écran donc prof de sport parce que t'as pas d'écran ou alors paysagiste ou alors je viens de la montagne donc guide de haute montagne ou alors moniteur de ski et finalement je me dis bah en fait il y aura peut-être toujours un peu d'écran Et il y a aussi une forme de lâcher-prise, c'est-à-dire si je vis toujours avec une forme d'épée de Damoclès au-dessus de ma tête et que je vois toujours le pire, je me dis, certes, c'est important de bouger, mais peut-être que je vais passer à côté de quelque chose.

  • Giulietta

    Et justement, tu l'envisages comment, la question du futur ?

  • Albert

    Là, à l'heure où tu me parles, avec beaucoup d'espoir. Mais c'est peut-être parce qu'on est au mois de mai, qu'il fait beau, qu'il s'est passé des choses récemment qui font qu'en ce moment, avec la musique, c'est comme si j'avais ouvert une porte vers un... un peu un nouveau monde je vois le futur avec beaucoup d'espoir et j'ai envie de le voir comme ça j'ai envie qu'il soit comme ça et j'ai envie qu'il soit radieux il sera peut-être pas mais en tout cas je le souhaite ouvert et ouvert sur plein de choses et que ça ne me limite pas et que je ne sois pas limité et qu'au contraire ce soit un mal pour un bien

  • Giulietta

    Est-ce que tu... Alors, je présume que tout n'est jamais blanc ni noir, mais est-ce que tu penses que ce cheminement vers le créatif, tu l'aurais eu ? Si tes soucis de santé n'avaient pas été là ?

  • Albert

    Ce cheminement, je l'ai toujours eu parce que j'ai été vers le monde des humanités, on va dire, la poésie, l'écriture à la base. La musique toujours un peu de manière, on va dire, naturelle, parce que je viens d'un milieu où on n'est pas musicien, mais mon père a toujours passé des chansons à la maison. Donc j'ai toujours ce souvenir de la musique partout, qui résonne, les vieux disques, les vinyles et tout. Et ça a toujours été quelque chose de présent. Les livres, moins.

  • Giulietta

    c'était l'école mais du coup ce chemin de création je l'ai un peu toujours eu mais c'est surtout un rapport au langage en fait je pense et c'est vrai que le fait d'avoir ce problème aux yeux c'est pas tout ce que je vais dire mais ça m'a un peu ouvert les yeux je rigole mais il y a vraiment un truc de prise de conscience de me dire en fait Il faut que je fasse très attention à ma santé. C'est ce que ma mère m'a toujours dit dans la vie. Quand elle me voyait me démener, un peu me battre contre des moulins à vent dans mon cheminement pour mes études, essayer de prouver quelque chose. J'ai toujours été dans une dynamique de prouver quelque chose aux autres, à la société, à moi-même. Et là, j'ai l'impression d'entrer dans un nouveau cycle où je ne veux plus rien prouver, mais je veux faire. Je veux explorer. Et il s'avère que c'est à travers la création. Donc moi, ça me va. Et je pense que, pour te répondre, La maladie m'a un peu guidé plus et a donné un coup de boost sur vas-y, si tu ne vas pas maintenant, quand est-ce que tu vas le faire ?

  • Albert

    Je suis assez d'accord avec toi. Moi, ça m'a donné le sentiment que rien n'était très grave. Au pire, ce podcast est un échec. Ce n'est pas très grave, je l'aurais fait en fait. Et de me poser un peu la question de "est-ce que ça tient vraiment à cœur et est-ce que tu veux y aller ?" Le podcast, ça faisait un bout de temps que j'y pensais et que je me disais que j'avais vraiment envie de donner la parole à des gens. et en fait de pas imaginer les choses de manière insurmontable et pareil de voir l'échec comme quelque chose d'ok qui fait partie du processus et finalement effectivement c'est très agréable et je rebondis juste sur ce que t'as dit au début quand t'apprends que t'as une maladie quelle qu'elle soit tu peux avoir cet effet de dire "Mon Dieu, il faut que je remette tout en question et que je m'adapte vraiment à ma pathologie". Donc moi, dans mon cas, par exemple, quand j'ai appris que j'avais une sclérose en plaques, bien évidemment, le stress, c'est pas bien. Et mon beau-père m'avait dit "bon, concentre-toi sur autre chose que ta vie professionnelle". Je suis pas complètement d'accord avec ça, je dirais juste qu'il faut voir les choses différemment. Et effectivement, par exemple, pour moi, le salariat, c'est un carcan. et donc je travaille en freelance je choisis mes clients les échanges sont plus stimulants c'est juste qu'à un moment je me suis autorisée à prendre du recul et à regarder les choses d'un autre point de vue donc voilà toi quand tu disais que tu allais devenir guide de haute montagne finalement non

  • Giulietta

    finalement non mais je trouve ça hyper intéressant parce que ce discours qu'avait ton beau-père c'est ce discours familial qu'on me tient aussi à chaque fois que je parle avec eux ils sont inquiets parce que je travaille Beaucoup, enfin je sais pas si je travaille beaucoup Mais à leurs yeux je travaille beaucoup Et je suis entier dans ce que je fais Et ça les inquiète Ils me disent avec tes diplômes Tu peux tout à fait rentrer dans une grande entreprise Et avoir un poste avec Reconnaissance travailleur handicapé Avec des horaires adaptés etc Mais tout comme tu l'as dit Peut-être je crois que ça ne me convient pas Et c'est pas ce que je veux faire Et chacun a son rapport Voilà sa maladie, il y a différents types de maladies avec différents types de degrés de handicap et moi je tiens à le dire,

  • Albert

    je m'estime comme très heureux je pense qu'il y a tout un truc de définir les limites qui sont acceptables par exemple il y avait un panel de trucs où Je me suis dit, ça ne va plus être possible comme avant. Je me suis dit, peut-être qu'il faut que je réfléchisse plus globalement à la question du stress dans ma vie. Étant maxi-anxieuse, il a fallu que je me pose cette question-là. Le problème, ce n'était pas mon job, c'était moi. La manière dont j'abordais les choses et le fait de toujours apprécier et travailler sous tension, de travailler dans le rush. Je ne le fais plus et je crois que ce n'est plutôt pas trop mal.

  • Giulietta

    Comment tu gères ça ?

  • Albert

    Le stress, maintenant ? Je me dis que rien n'est grave. et j'ai tendance à fuir les situations qui sont anxiogènes pour moi il y a pas mal de managers par le passé qui m'ont mis la pression sur des choses absurdes et qui valaient pas la peine que par exemple je dorme pas la nuit, ça je le ferais plus bah t'as bien raison il faut plus le faire et personne ne doit le faire je reviens vachement en arrière par rapport au début de notre échange donc tu mentionnais le fait que la maladie est un sujet intime mais pourquoi est-ce que tu es venu aujourd'hui du coup ?

  • Giulietta

    bah très bonne question parce que comme tout ce qui relève de l'ordre de l'intime ça touche toujours l'humanité et je trouve que ta démarche est très belle et qu'elle m'a touché et que de mon petit point de vue de personne avec cette situation cette maladie j'ai la possibilité aujourd'hui d'en parler Alors déjà ça fait du bien ces cathartiques et ensuite j'imagine et j'espère que des personnes qui sont dans mon cas ou qui commencent à être dans la phase dans laquelle j'ai pu être précédemment ou autre, se retrouvent dans mon témoignage et puissent être rassurés de se dire qu'il y a des solutions et qu'ils peuvent être accompagnés que la phase que j'ai vécue de stress et de flou total si ça peut altérer ça c'est cool et ensuite parce que la démarche de ton podcast Je la trouve top. C'est qu'en parlant de l'intime, et j'y crois profondément à ça, on a ça dans tout, dans les films, dans les romans, dans les poèmes, dans la musique, c'est souvent des gens qui parlent alors de là où ils sont, de choses très intimes, et c'est souvent ces choses-là qui touchent le plus de monde possible. C'est pour ça que même si j'ai un tempérament assez pudique, j'ai choisi de venir ici. Et aussi parce que je me suis senti très connecté à la discussion qu'on a eue et que je sentais qu'on... On avait beaucoup de choses à se dire et puis... que je trouvais ça sympa. Et je te remercie encore de me donner cette possibilité.

  • Albert

    Avec grand plaisir. C'est un peu le but du podcast, de dire que quand on se trouve confronté à une pathologie qu'on apprend, on se sent parfois très seul. Ça fait parfois beaucoup de choses à gérer. Et finalement, il y a pas mal de gens autour de nous qui traversent les mêmes problématiques, soit parce qu'elles ont une maladie, soit parce qu'en fait, c'est un moment de leur vie qui est délicat. Et ça fait extrêmement bien. d'en parler. En lançant le podcast, j'ai commencé un peu plus à parler de ma pathologie, tout ça, et j'étais impressionnée du nombre de personnes autour de moi qui avaient des soucis de santé. Et actuellement, le début de la saison, c'est qu'avec des gens qui font partie de mon entourage proche, et en fait, il y en a des tonnes, et le fait, moi, d'avoir osé mettre des mots là-dessus, ça m'a permis de débloquer plein de conversations que je n'aurais jamais eues. Alors toi, quand on a échangé, tu m'en avais parlé en premier, avant que j'évoque le sujet, mais il y a des personnes qui ne m'ont jamais parlé de leurs soucis de santé, et c'est vraiment un poids et en fait d'avoir dit ah bah moi j'ai une sclérose en plaques tout ça et bah on a eu un échange trop cool ouais donc ce qui est chouette c'est que ça libère la parole À un moment, je croyais que tout le monde allait bien autour de moi et que j'étais la seule à être triste ou à avoir des... Parfois, je sais pas, j'ai fait un burn-out et tout, et je pensais que j'étais la seule. Et en fait, peu de gens vont foncièrement bien. Et c'est OK, il faut juste en parler. Là, je vais faire mention d'une discussion que j'ai eue il y a quelques jours. Je travaillais dans un coworking et il y a une personne extrêmement jeune. dans ce coworking qui est présente et qui nous a parlé de la dépression qu'elle a traversée et en fait on a passé deux heures à parler de nos troubles de la santé mentale et c'était vraiment trop chouette et j'espère qu'il est parti en se disant en fait il y a plein de gens qui ont les mêmes soucis que moi et c'est ok on peut vivre avec et donner le change tout en étant en phase avec ce qui nous arrive

  • Giulietta

    Oui, c'est vrai. C'est très juste. Et autour de moi, j'ai observé aussi beaucoup de gens pas bien, malheureux. Après, c'est aussi une question peut-être d'âge, de génération. T'as évoqué le problème de santé mentale. On est aussi à un moment où sur la question du fait que la parole se libère à travers aussi ta démarche et ton podcast, ça aide beaucoup. Mettre des mots sur les choses. à pouvoir en parler, à avoir d'autres témoignages, et à dire aussi, cette personne-là a traversé ça, on n'est pas seul. Donc c'est très positif. Je trouve que ça donne de l'espoir. Et ça donne aussi l'impression qu'on prend conscience de l'importance de notre santé, et que même si on est dans un... monde où scientifiquement on a le sentiment de maîtriser énormément de choses, ça veut pas pour autant dire que tout le monde va bien, et que la gestion de la santé publique... C'est aussi un enjeu très politique. Et pour moi, c'est un enjeu qui est ancré dans le discours, beaucoup. Et dans la façon dont on a de prendre soin. C'est quelque chose qui revient beaucoup. Le care, c'est un des thèmes du moment, du siècle. Mais c'est aussi de prendre soin les uns des autres. Et je pense que c'est pas pour rien que, politiquement, si la société va mal, c'est aussi parce que nous, on va mal et qu'on n'est plus aussi présents les uns pour les autres, qu'en fait, on devrait pouvoir parler assez librement de ce qui va pas bien. Et s'entraider. et c'est la base et j'ai l'impression qu'on a un peu perdu ça enfin je dis perdu, je sais pas si on l'a jamais eu mais je sais que par exemple moi dans ma culture qui est double, française et maghrébine et africaine, quand quelqu'un est malade, tout le monde est présent pour l'aider, financièrement même pour faire à manger ou quoi c'est quelque chose de très et ça touche aussi je pense à un problème qui est général et auquel on va tous être confrontés, c'est que même La vieille, si on prend la question de la vieille, c'est aussi voir sa santé se dégrader. Et même si on n'a pas de maladie en soi, on va perdre en mobilité, on va perdre d'un point de vue cognitif, en vue, et il faut qu'on y soit préparé en tant que société. J'ai divagué là, longuement. Mais ça m'a fait penser à tout ça, ce que tu évoquais sur le cowork, la façon de parler entre nous, le mal-être des jeunes et tout.

  • Albert

    Je trouve que c'est un peu un cercle vicieux. Le fait de, pour l'instant, que la société soit mal à l'aise avec le sujet de la maladie, ça donne quelque chose, de mon point de vue, qui est insurmontable quand on l'annonce aux gens.

  • Giulietta

    Mais c'est parce qu'aussi on est dans une société où on... On est dans une société de l'illusion, où on pense que la performance, la production, la technologie... nous sauve et nous sauvera. Et forcément, quand on se rend compte que l'humain est fragile, qu'il est imparfait, ce qu'il est d'ailleurs, par essence, ça peut faire bizarre. Il y a aussi des gens qui ne comprennent pas, qui ne perçoivent pas, qui manquent d'empathie, ou alors qui ne savent pas comment recevoir la chose et qui ont preuve de maladresse. Je te rejoins là-dessus. Moi, j'avais une question, c'est est-ce que tu fais partie d'associations ou de groupes, de personnes qui ont la même maladie que toi ? Et est-ce que tu as déjà songé à rejoindre des groupes, des associations, des groupes de parole, des groupes de soutien, de levée de fonds, etc. ?

  • Albert

    C'est très récent que je rencontre des gens qui ont une sclérose en plaques. C'est assez chouette parce que j'estime que c'est les seules personnes qui peuvent vraiment me comprendre. Et la semaine dernière, j'ai fait cette formation où j'ai échangé avec d'autres malades. On est une quinzaine. Ça m'a fait beaucoup de bien de me rendre compte. C'était beaucoup de personnes qui venaient d'apprendre leur maladie. Et je voyais qu'elles... Alors, je ne me réjouis pas que les gens aillent mal. Mais j'ai vu que c'était un bouleversement pour tout le monde. Et rétrospectivement, ça m'a permis de me dire, OK, le fait que tu aies fait sans doute une dépression à l'époque et que ça a bouleversé ta vie pendant, je pense, sept ans. Ben, c'est entendable, il y avait une personne à côté de moi qui disait qu'elle n'arrivait pas à dire le nom de sa maladie. Moi, pendant très longtemps, j'ai dit que j'avais une suspicion de sclérose en plaques parce que je me sentais pas légitime et donc ça m'a fait trop du bien. Et le dernier point, je me sens pas apte pour l'instant à plus m'investir aussi parce que t'es confrontée à la souffrance des gens et pour l'instant, parfois, à la souffrance des gens en tout cas. des personnes soit qui ont des symptômes très agressifs et donc je me sens pas légitime pour dire quoi que ce soit vu que moi je vis très bien avec soit des questionnements ou un mal-être psychologique pareil avec lequel je sais pas quoi faire soit je vais m'en vouloir d'aller bien soit

  • Giulietta

    j'ai peur d'être maladroite dans ce que je vais dire et donc pour l'instant je préfère rester de côté non mais je comprends moi j'ai le même sentiment que toi vraiment t'as euh Je partage vraiment ce point de vue aussi. J'ai le même sentiment. Je ne me sentirais pas légitime. Le seul truc qui me saoule et sur lequel j'aimerais faire quelque chose si je rejoins des groupes de parole, etc. ou des associations, c'est sur le plan politique, pour la reconnaissance de la maladie. Moi, j'ai eu des opérations, ça m'a coûté très cher, mais j'ai eu la chance à l'époque d'être dans une entreprise privée, à l'étranger, qui avait une mutuelle exceptionnelle. Parce que l'ancien PDG avait eu des problèmes de santé, donc il avait pris la meilleure mutuelle possible. C'est-à-dire que je n'ai pas déversé énormément d'argent pour me faire opérer, l'opération a coûté plusieurs milliers d'euros, et la prise en charge de la sécurité sociale était à hauteur de... 10% de l'opération. Alors que sans ça, je serais vraiment encore mal. Et aussi, bon, prise en charge maladie longue durée, on a un système de santé qui, quand même, par rapport au reste du monde, nous offre beaucoup de droits. Mais sur le keratocone et la sécheresse, on a des progrès à faire sur la prise en charge.

  • Albert

    Toi, tu parles des aspects financiers, mais voir des spécialistes, souvent, c'est un moment qui est structurant, soit dans notre année, soit dans notre semestre, on n'a pas l'occasion de voir souvent notre médecin. Et en fait, il y a peu de temps qui est consacré aux patients. On n'a pas l'occasion de formuler correctement nos questions, il y a peu d'accompagnement qui est réalisé. Encore une fois, nous deux, on a la chance de pouvoir nous documenter, d'avoir le temps nécessaire pour apprendre ce qu'on a. Mais ce que je retiens de ma formation de la semaine dernière et de mon échange avec d'autres patients, c'est qu'il y en a certains qui avaient beaucoup de questionnements et qui malheureusement n'avaient pas l'occasion d'échanger très souvent avec leur neurologue. Il y avait plein de questions qui restaient en souffrance, et ça générait une grande souffrance. et ça je pense que c'est un sujet de santé publique c'est pas seulement un accompagnement médical mais en fait c'est une approche plus holistique et de dire il y a une dimension clairement de santé mentale, psychologique et le traitement de la pathologie doit être pris au global j'ai une question, t'as vachement parlé de littérature, musique, tout ça est-ce qu'il y a des œuvres qui t'ont marqué dans ton cheminement par rapport à ta maladie ?

  • Giulietta

    Alors, non, pas en particulier. Il y a des oeuvres qui ont marqué dans ma vie, mais pas sur cet aspect. Et ça me fait penser que je devrais peut-être orienter mes lectures. Après, peut-être que c'est aussi un mécanisme personnel. J'ai peut-être pas envie de lire des choses sur ça. Mais non, j'ai rien qui me vient.

  • Albert

    Ok. Il y en a une seule lecture qui m'a marqué, mais... Hors de moi de Claire Marin. Alors je ne saurais plus dire quelle pathologie elle a. Dans mon souvenir, ça génère d'importantes souffrances pour elle. Elle a eu pas mal d'opérations et en fait, elle avait le sentiment que sa maladie la mettait hors d'elle. Et ce qui m'a beaucoup marquée et ce qui m'a fait énormément de bien, c'est la dernière page du livre où elle dit que si sa situation continue à se dégrader, elle veut avoir la possibilité de dire stop. et en fait moi j'avais toujours essayé d'aborder ma maladie comme un truc feel good genre oui mais ça me fait réfléchir sur le sens de ma vie ça va être chouette faut que j'apprenne à vivre avec et tout et la perspective de se dire à un moment ça devient inacceptable et j'ai plus envie de continuer comme ça ça m'a libéré ouais je comprends c'est vrai que le mécanisme de subvertir le truc en se disant finalement c'est un mal pour un bien ça peut être aussi parfois limitant ou se dire que c'est peut-être pas la meilleure approche

  • Giulietta

    J'ai demandé à notre pote commune de nous adresser une question. Et donc sa question portait sur la parentalité. Comment est-ce qu'on se projette, toi et moi, sur le fait de conjuguer la maladie et le fait de potentiellement être parent ? Toi, ça t'évoque quoi ?

  • Albert

    Alors moi déjà, ça m'évoque des visites très tôt chez l'ophtalmo pour mes gosses.

  • Giulietta

    Est-ce que c'est potentiellement héréditaire ?

  • Albert

    C'est potentiellement héréditaire, ouais. Comme je le disais tout à l'heure, les experts scientifiques et les chercheurs ne sont pas d'accord sur la question. Certains disent qu'il y a un facteur héréditaire, et d'autres disent que c'est biomécanique, et d'autres disent que c'est les deux. Mais généralement, les personnes qui sont atteintes d'un kératocône ont un membre de leur famille qui ont... cette maladie aussi. Dans mon cas, c'est compliqué parce que je ne connais pas trop mes grands-parents. D'autres membres de ma famille ont eu des vies qui sont complètement différentes de la nôtre, du coup ils ont pu avoir cette maladie sans s'en rendre compte. En tout cas, très bonne question de notre amie en commun, moi j'aborde la parentalité avec de l'espoir. Et le seul truc auquel je ferais gaffe, c'est d'emmener mes gosses chez l'ophtalmo et aussi de les engueuler s'ils se frottent les yeux.

  • Giulietta

    Moi, de mon côté, il y a quelques sujets, parce qu'actuellement, mon traitement n'est pas compatible avec une grossesse. Il y a des risques de malformation. Donc, en fait, c'est juste le sujet qui est abordé systématiquement par le neurologue, limite en début de consultation. Parce qu'il faut que je l'arrête, que je prenne quelque chose qui évite que le traitement soit encore présent dans mon sang avant d'envisager une grossesse. Et donc, comment dire, le fait d'envisager une grossesse en se disant ça va venir, c'est pas possible de mon côté, il faut vraiment l'envisager et le cadrer. Ma maladie, si je me dégrade, ça peut avoir un impact sur ma vie tous les jours puisque je peux avoir un handicap physique, il peut y avoir énormément de fatigue, des choses comme ça. Pour moi, c'est pas du tout un frein parce j'ai envie d'être maman et je le sais. On recomposera les choses différemment pour faire en sorte que ça puisse se faire mais je veux pas le voir comme un frein. Eh bien, je crois qu'on a terminé :)

  • Albert

    merci beaucoup pour l'invitation !

  • Giulietta

    Un immense merci à Albert pour sa générosité. Ce n'est pas toujours facile de parler de soi, et je trouve qu'il s'en est sorti avec brio. J'ai particulièrement apprécié de cet échange la réflexion d'Albert sur l'intimité. Si certains sujets n'ont pas vocation à être partagés avec tout le monde, comme c'est le cas pour la maladie, ils n'en revêtent pas moins un caractère politique. Parler de sujets délicats, qui nous touchent, ou que l'on trouve tabous, est un acte militant. Vous ne l'avez pas vu, mais Albert avait des étoiles dans les yeux, à l'évocation de son futur. J'espère qu'il vous apportera de la bonne humeur et une dose d'espoir. Cet épisode vous a plu ? Vous souhaitez réagir ? Écrivez-moi sur le compte Instagram de l'anomalie, le lien est dans la description de cet épisode. Partagez-moi vos retours, qu'ils soient positifs ou plus circonspects, je les lirai avec plaisir. Vous pouvez soutenir mon travail en vous abonnant à ce podcast sur votre plateforme d'écoute préférée. Si vous êtes d'humeur à déplacer des montagnes, vous pouvez attribuer une note et un commentaire au podcast, cela m'aidera beaucoup. lanomalie est un podcast autoproduit par mes soins, entièrement conçu et imaginé entre Ménilmontant et le canal de l'Ourcq à Paris. Rendez-vous très bientôt pour le prochain épisode. D'ici là, prenez soin de vous.

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