- Speaker #0
Bienvenue à tous sur le Café de l'Ambition, le podcast sur lequel nous discutons avec les leaders français d'aujourd'hui pour les leaders de demain. Hello à tous, avant que l'épisode commence, j'ai un petit message à vous faire passer. Ça y est, je suis un vrai podcaster, j'ai des messages à faire passer en début d'épisode. Je voulais juste vous dire qu'il n'y aura pas d'épisode le mois prochain, je vais faire une petite pause pendant l'été. Par contre, il y aura toujours des posts sur les réseaux sociaux, parce que je ne sais pas si vous avez remarqué, il y a un léger décalinge entre Instagram, LinkedIn et les podcasts. et j'avais remarqué aussi que même si je faisais pas la promotion des épisodes sur les derniers il y avait quand même un certain nombre d'entre vous qui les écoutaient avant même que je fasse les annonces sur les réseaux et je voulais vous remercier pour ça parce que vous êtes vraiment la raison d'être du projet la raison d'être de ce travail parce que le but c'est réellement de partager une vision et vous doutez bien qu'en 30 secondes de réel Instagram c'est un peu compliqué de faire ce travail là Sur ce, on va passer à l'épisode. Pour ce nouvel épisode, je serai accompagné de Pierre Debray, l'ancien Global Head of Risk de Natixis, qui a un parcours très chargé en banque d'investissement. Sur la première partie, ça sera assez technique si vous n'êtes pas très familier avec le monde des banques d'investissement. Je vous invite à rester si vous êtes curieux. Mais si c'est un peu compliqué, n'hésitez pas à passer directement à la seconde partie où on parlera plus... Des façons de penser dans différents pays, parce que Pierre a pu beaucoup voyager et vivre très souvent à l'étranger. Sur ce, je vous souhaite une excellente écoute, comme d'habitude. Bonjour à tous, aujourd'hui on se retrouve pour un nouvel épisode du Café de l'Ambition. Aujourd'hui je suis en compagnie de M. Pierre Debray. Bonjour à vous.
- Speaker #1
Bonjour.
- Speaker #0
Pour commencer cet épisode, je vais vous laisser vous présenter rapidement pour que les auditeurs puissent comprendre ce que vous avez pu faire au cours de votre carrière et vous situer.
- Speaker #1
Bon, eh bien Julien, on va commencer par le tout début. Moi, je suis d'une famille militaire. Mon père était officier de marine. Je suis d'une famille nombreuse. J'ai grandi en changeant de ville tous les deux ou trois ans. Donc j'ai acquis, je dirais quelque part, le plaisir de la bougeotte, de voir des nouvelles choses. En même temps, je n'avais aucune idée de ce qui se passait en dehors du milieu de la marine, du milieu militaire. Je suis allé dans une école. D'abord, je suis allé aux États-Unis quand j'étais adolescent. C'est important de le savoir parce que ça m'a vraiment ouvert les yeux sur le monde et ça m'a donné envie d'y retourner plus tard. Et j'y suis retourné plus tard. Et puis ensuite, mon père m'a mis dans une école militaire qui s'appelle le Britannique Militaire de La Flèche, où j'étais habillé en treillis toute la journée. C'était un choc assez rude à partir de la première. Finalement, j'y suis resté cinq ans. Je suis rentré en prépa au Britannique. Et puis de là, je suis rentré à l'école polytechnique. tout en sachant toujours pas très bien ce que je voulais faire. Et puis j'avais juste cette idée fixe de retourner aux Etats-Unis à un moment donné. Donc j'ai choisi de faire une école qui me permettait de terminer mes études aux Etats-Unis. C'est une école qui s'appelle l'ENSAE. École nationale de la statistique et de l'administration économique, qui par ailleurs est une école très très intéressante. Moi ça m'a ouvert aussi les yeux sur ce qu'était l'économie, un peu la finance déjà. Et puis j'ai fait un stage entre cette année à l'ENSAE et ma dernière année que j'ai faite à Stanford en Californie. J'ai fait un stage au Crédit Lyonnais à New York. Et c'est comme ça que je suis rentré dans la banque, totalement par hasard, j'avais absolument aucune idée de ce que c'était que... Le métier de banquier, et j'ai découvert dans de bonnes conditions, puisque j'ai découvert soit dans une banque française, c'est une banque, le Crédit Lyonnais qui à l'époque était la plus internationale des banques françaises, et à New York qui est une place financière probablement la plus importante avec Londres, en tout cas à l'époque. Et donc je suis resté au Crédit Lyonnais après mes études à Stanford. Je suis revenu au Crédit Lyonnais où j'ai fait d'abord du financement de projet, tout simplement parce que ça me paraissait être un métier qui me permettait d'utiliser un petit peu ma formation d'ingénieur en même temps que d'apprendre le métier de banquier. Et puis après, comme j'ai dit, la bougeotte, j'ai cherché à repartir à l'étranger et je suis allé au Brésil. où j'ai passé un peu moins de trois ans, dans la filiale du Crédit Lyonnais, qui s'appelait le Banco Francés Brasileiro à l'époque. Et puis, donc là j'ai fait un tout autre métier que le financement de projet, puisque j'ai été, assez rapidement, j'ai été directeur financier d'une banque que le Crédit Lyonnais a mise en vente à ce moment-là. Donc je me suis occupé sur place de la vente, c'était très intéressant, c'était assez lourd. Et à l'issue de tout ça, on m'a proposé d'aller à New York, au Crédit Lyonnais, pour devenir directeur des risques de crédit. métier que j'ai découvert à ce moment-là, c'est un petit peu surprenant, on ne ferait plus ces choses-là, de mettre quelqu'un qui n'a jamais fait de risque d'un seul coup comme directeur du département des risques. Et là, j'ai passé trois ans où j'ai rencontré des gens avec lesquels je me suis bien entendu, en particulier Alain Papias qui fait ton podcast précédent, et puis qui d'ailleurs lui m'a ensuite fait venir dans... Je crois qu'il racontait ça dans son podcast qu'il a créé la filiale de gestion d'actifs du Crédit Lyonnais qui s'appelle Crédit Lyonnais Asset Management. Il m'a demandé de le rejoindre là-bas. C'était à Paris. J'y suis allé. Pour être honnête, je n'ai pas beaucoup aimé la gestion d'actifs. J'étais beaucoup plus banquier que gestionnaire d'actifs. Et donc avec son accord, je suis reparti dans la banque où je suis reparti assez rapidement à New York. pour devenir responsable de toutes les activités du Crédit Lyonnais sur l'Amérique latine. Et là, ça a été un moment vraiment super de ma vie, parce qu'on a développé l'activité de façon remarquable. Je dirais à la fois grâce et malgré la fusion avec les équipes du Crédit Agricole Indosuez. Grâce parce que le Crédit Agricole nous apportait une puissance de feu bien supérieure à ce qu'on avait en tant que Crédit Lyonnais. Et puis un peu malgré parce que dans toute fusion il y a des bisbilles, il y a des rivalités qui se créent. C'est rare que les fusions se passent très bien. Et d'ailleurs un certain nombre de grands patrons... On était de bord d'ailleurs, mais au premier lieu du Crédit Lyonnais, on quittait ce qui s'appelait à l'époque Calion. dont Alain Papias qui est parti, et puis mon patron de l'époque Jean-Marc Moriani, qui est un type très très solide, qui est parti aussi, qui est allé chez Natixis. Et donc c'est comme ça que moi-même j'ai fini par rejoindre Natixis en 2010. A l'époque Natixis avait énormément souffert de la crise des subprimes en 2008. Et je suis arrivé dans une banque qui était en totale reconstruction, avec un nouveau directeur général qui s'appelle Laurent Mignon, qui s'appelait Laurent Mignon. Et en fait, j'ai eu la chance de bien m'entendre aussi avec Laurent. Et il m'a confié de plus en plus de responsabilités au sein de Natixis. J'ai passé un certain nombre d'années à développer les activités de financement de la banque de financement et d'investissement de Natixis. Au Natixis, il y a un gros pôle de banque de financement et d'investissement, un gros pôle de gestion d'actifs, Natixis Asset Management. Et puis, il y avait à l'époque, parce qu'ils ont... reconfigurer Natixis aujourd'hui, mais à l'époque il y avait aussi les activités d'assurance, les activités de crédit bas, les activités de crédit conso, etc., qui travaillaient pour le compte des banques populaires et des caisses d'épargne principalement. C'est un gros ensemble. Moi j'étais dans la partie banque de financement et d'investissement, qui elle-même avait principalement deux jambes, les marchés et les financements. Moi j'étais en charge des financements. Et puis en 2017, Laurent Mignon m'a demandé de monter au comité de direction générale de Natixis pour prendre la direction des risques. J'ai un peu hésité parce que moi j'étais plutôt dans le business, sur le côté des risques, j'ai un peu hésité. Et puis en fait, outre le fait que ça me permettait d'être au comité de direction générale, ce qui permet quand même de participer à l'intégralité de tout ce qui se fait dans la banque, en tant que directeur des risques, on a un regard sur tout. Et ça, ça m'intéressait. Et donc j'ai fait ça pendant trois ans. Et puis il y a eu un changement de direction générale. Laurent Mignon est parti, il a été remplacé par quelqu'un avec lequel je m'entendais bien, mais on n'avait pas les mêmes visions des choses, c'est très difficile. Un directeur général et un directeur des risques ne sont pas sur la même longueur d'onde en matière de stratégie. Et donc on s'est séparés, et depuis fin 2020, je suis un peu, comment dirais-je, en pré-retraite. admettons que je peux me permettre de... de passer plus de temps à m'occuper de choses qui m'intéressent par ailleurs sur le plan personnel, tout en restant un petit peu quand même au fait de ce qui se passe dans le monde de la banque, puisque je suis administrateur d'une banque étrangère installée à Paris pour ses activités européennes. Et je suis par ailleurs senior advisor de boutique de banque d'affaires. qui ont été montés par des amis et qui me demandent d'intervenir, de les aider sur quelques sujets qui m'intéressent. Et puis en autre, par ailleurs, j'ai des petites activités altruistes. qui n'ont pas de grand intérêt pour cette discussion. Voilà mon parcours. C'est peut-être un peu long, mais un parcours de 30 ans de banque.
- Speaker #0
Un parcours très chargé. Vis-à-vis de vos activités altruistes, n'hésitez pas. On parle de tout et de rien. L'objectif, c'est d'avoir votre vision. Vos activités personnelles, j'imagine qu'elles ont...
- Speaker #1
Ils ont fait de... La direction financière d'un grand organisme dont je ne tairai le nom, mais qui oeuvre pour l'éducation des gens venant de milieux défavorisés. Je les aide sur des sujets financiers, parce que c'est une chose que je sais faire. C'est un exemple. Je fais d'autres petites choses aussi.
- Speaker #0
Avant de poursuivre dans des questions un peu plus liées au financement, aux RICS, votre parcours international, il y a une question que j'aime bien poser, c'est si vous deviez vous présenter à un enfant de 10 ans, ça peut être professionnel mais votre personne, comment vous vous présenteriez ?
- Speaker #1
Ah, et bien un enfant de 10 ans, j'ai 6 enfants, j'ai 2 petits enfants qui n'ont pas encore 10 ans, donc je vois à peu près comment ils étaient à l'âge de 10 ans, je leur dirais que je suis d'abord quelqu'un qui a beaucoup voyagé, qui a beaucoup aimé habiter à l'étranger, puisque j'ai passé... je ne dis pas de bêtises, je crois 18 ans au total aux États-Unis et 3 ans au Brésil, que je suis quelqu'un qui travaille pour aider les gens. Parce que je pense qu'à 10 ans, c'est pas très bien, parce que c'est qu'une entreprise, mais on va aider les gens à gagner de l'argent et à garder leur argent, voilà, et à en faire quelque chose. Et pour ce qui est d'expliquer mon travail, parce qu'à 10 ans, on ne comprend pas tellement les concepts très sophistiqués de la finance. On pourrait leur dire que je fais un métier très, très compliqué. Il faut être bon en maths. Voilà, je dirais que s'ils sont bons en maths, on peut faire... faire ça après.
- Speaker #0
Ok. Au moins, c'est très simplifié. Je pense que ça résume bien. J'aimerais bien rebondir sur l'activité de risque, liée au risque que vous avez eu. Déjà, avant de rentrer dans les détails, en quoi ça consiste concrètement ? Parce que les banques d'investissement, je pense que c'est flou pour encore pas mal de monde. Ça reste quand même une niche, je trouve. Et donc concrètement, le risque en banque, à quoi ça correspond ?
- Speaker #1
Alors déjà effectivement le terme de banque d'investissement, ça recouvre beaucoup de choses. C'est d'ailleurs... Un peu réducteur parce que généralement on parle de banque de financement et d'investissement pour l'intérêt. C'est banque de financement et d'investissement. Corporate and investment banking. C'est à la fois un métier qui est assez classique, le premier métier de banquier d'intermédiaire dans les financements. Donc ça prend des dépôts et puis ça prête de l'argent. Donc c'est toute la partie financement. Et puis le métier de marché qui est plus dans la partie investment bank ainsi que les métiers de conseil, métiers liés aux fusions acquisitions principalement. Les risques dans ce métier, c'est la matière première. C'est comme ça que les banques gagnent de l'argent. C'est en sachant, normalement, jauger les risques, une expertise dans le... des risques, et donc sachant les pricer, leur donner un prix, et puis évidemment en faisant une marge entre le montant, le prix juste du risque, et puis celui qu'elles se font rémunérer. Donc, la base de la banque c'est ça, depuis le tout début, depuis les lombards... Le 15e siècle, c'est la capacité à prendre des risques et à gagner de l'argent pour prendre des risques. Alors, cette capacité à prendre des risques, ça veut dire que la gestion du risque, c'est primordial pour les banques, c'est ce qui les fait vivre. Et la gestion du risque, c'est l'affaire de tout le monde. C'est une chose que souvent, quand on rentre dans une banque, on ne s'en rend pas compte. Et je crois que... En particulier, à l'époque où moi je suis entré dans la banque, la formation des jeunes cadres banquiers était un peu défaillante de ce point de vue-là. Et puis dans les grandes écoles ou dans les formations qui conduisaient au métier de la finance, ce n'était pas nécessairement non plus un point fort. Ce qui fait qu'on avait tendance à considérer, et on a peut-être encore tendance à considérer, que les risques, c'est l'apanage de la direction des risques. Ce dont j'étais responsable à la fin de ma carrière chez Naticis. En réalité, c'est l'affaire de tous. Et maintenant, quand on parle de l'organisation de la gestion des risques dans une banque, on parle des trois lignes de défense. Alors, ces trois lignes de défense, c'est quoi ? C'est une première ligne de défense, c'est comme ça qu'on la qualifie dans le vocabulaire des riches, mais souvent les gens, quand ils y sont, ne se rendent pas compte. Ce sont les gens qui font le business. C'est ce que j'ai fait la plupart du temps de ma vie. Quand tu prêtes de l'argent, quand tu fais des opérations de marché, tu vas avoir des clients, tu essaies de leur vendre ta sauce, tu dis, moi je peux vous prêter de l'argent pour faire votre financement d'une mine de lithium par exemple. C'était mon premier boulot, le financement de projet minier. ou alors je peux vous financer pour faire l'acquisition de cette société qui vous intéresse, etc. Ou bien, dans les marchés, moi je vous propose de faire vos opérations de change, ou couvrir sur le risque de change, etc. Après, ça c'est un petit peu... Le grand grand plaisir de ce métier c'est de faire du business. Donc forcément les gens ont envie de faire du business. Et un peu classiquement, le concept de risque qui passe derrière, derrière l'envie de faire du business, c'est ça le problème. Donc en fait la première ligne de défense c'est ces gens-là, ils doivent être conscients du fait qu'ils embarquent du risque pour la banque. Et donc il faut qu'ils fassent attention au risque qu'ils prennent pour la banque. C'est-à-dire leur... premier filtre, il doit être déjà sélectif. Bon, après, on sait que ça ne suffit pas, donc on a en place la deuxième ligne de défense, qui est cette fameuse direction des risques. Là, on a les jambes, je reviendrai après pour expliquer comment c'est, on a les jambes. qui vont en deuxième niveau regarder toutes les opérations qui sont apportées par ce qu'on appelle aussi le front, le front office du business, et puis qui vont donner leur avis. Qui peuvent avoir d'ailleurs un droit de veto. Mais la plupart du temps, il y a un avis qui est donné et une discussion qui s'ensuit, et puis une décision qui est prise, mais avec un avis des risques. Parce que les gens des risques, eux, ils ne sont pas... motivés de la même manière à faire du business, parce qu'ils n'ont pas une rémunération qui sera en fonction du nombre de business qui sera fait. Et puis, par ailleurs, ils n'ont pas eux-mêmes les mains dans le cambouis pour faire l'opération. Donc, ce n'est pas la même adrénaline qui les anime. Et puis, je reviendrai un petit peu sur la personnalité des gens des risques. Ça, c'est la deuxième ligne de défense, deuxième rideau. Et puis il y a une troisième ligne de défense qui est mal connue mais qui est très importante, qui s'appelait dans la banque autrefois l'inspection générale, qui s'appelle de plus en plus l'audit interne. C'est des équipes qui font des contrôles qui ne sont pas des contrôles permanents, qui sont des contrôles ponctuels. Ils vont aller vérifier. Comment fonctionne telle entité ? Est-ce que les procédures qui ont été mises en place sont respectées ? Est-ce que les gens ont été formés comme il fallait, etc. ? Et puis après, ils font un rapport, un rapport d'inspection, avec des recommandations, et puis ces recommandations doivent être mises en œuvre. Et ces gens-là font aussi des missions d'inspection sur la deuxième ligne de défense. Ils peuvent venir voir comment est organisée la direction des risques ou le département des risques de marché au sein de la direction des risques et puis dire attendez là, vous avez des trous dans la raquette parce que vous êtes trop fragile sur tel ou tel sujet, etc. Donc ça c'est la troisième ligne de défense. Après, ce qu'il faut savoir, c'est que les Américains, alors on n'en est pas encore là en France, mais les Américains qui inventent beaucoup de choses en matière de finances, ont créé une sorte de quatrième ligne de défense ou une deuxième ligne de défense bis, qui est une division de contrôle permanente. Donc c'est des gens qui travaillent tout le temps, qui ne font pas d'émissions ponctuelles, qui regardent ce qu'a fait... La direction des risques. Et donc, en particulier sur l'octroi de crédit, quand il y a un financement qui est fait, donc la direction des risques revoit le financement, analyse les comptes de la société, etc., donne son avis. Et bien, derrière eux, il y a des gens qui vont revoir ce qu'ils ont fait, qui vont dire, ah mais là, ils auraient dû être plus durs, ou ils ont raté quelque chose, etc. Donc, enfin voilà, comment ça s'est organisé ? Typiquement, vous avez trois lignes de défense. Après, je vais continuer quand même un petit peu pour parler de la direction des risques, qui est la deuxième ligne de défense, qui est celle qu'on identifie le plus avec le contrôle des risques. Celle-là, elle est organisée par spécialité, en fait, par type de risque. et vous avez des gens qui sont spécialistes d'un certain type de risque. Et c'est très difficile de faire bouger les gens entre les différentes catégories de risque, parce que ce ne sont pas du tout les mêmes formations, ça ne fait pas du tout appel au même genre de capacités intellectuelles. Le plus gros bataillon, c'est les risques de crédit et les risques de marché. Les risques de crédit, c'est les gens qui regardent la qualité des financements qui sont proposés. Donc, vous avez la société... Je ne vais pas prendre la société Casino parce que ce n'est pas un très bon exemple, mais pour un nom particulièrement... On aurait dû faire réfléchir déjà au départ. Mettons la société EDF. Pour regarder, c'est une société d'État. On va dire la société totale. La société totale, elle publie des comptes qui sont audités. Elle publie... aussi des résultats trimestriels. Donc, quand on veut leur faire un crédit, les gens de la Première Union de Défense font ce qu'on appelle une analyse de crédit. Ils regardent la qualité des comptes, du bilan, du compte de résultat, du free cash flow, etc., ils regardent le niveau de dette, etc., et puis ils en déduisent un niveau de risque. qui est classiquement... translaté en une note de signature, en anglais on dit un rating, et du coup en fonction de cette note de signature, il propose un montant de crédit d'une certaine taille, et puis il propose des conditions de crédit, alors généralement avec les conditions de crédit il y a déjà le coût du crédit. Et Total, le coût du crédit, ça va être très très très bas parce que tu as l'effet très très très bon. Mais si c'est une entreprise qui est très leveraged, qui a beaucoup de dettes, à ce moment-là, le coût du crédit va être assez cher. C'est normal parce que c'est un risque différent. Et puis ensuite, vous avez la structure du crédit. Donc si c'est Total, il n'y aura quasiment pas de structure. Ce sera une durée assez longue. Total va imposer ce qu'ils veulent. C'est ça. Si c'est une société très compliquée ou un financement de projet, il va y avoir une structure de crédit avec ce qu'on appelle des covenants, c'est-à-dire des critères financiers et non financiers à respecter, que la société doit respecter, c'est-à-dire qu'il faut qu'elle reste à l'intérieur d'un certain seuil de ratio de levier, etc. Et puis il peut y avoir aussi des prises d'hypothèques, ce qu'on appelle des sécurités.
- Speaker #0
Finalement, il y a énormément de process et tout est normalement respecté, j'imagine.
- Speaker #1
Alors oui, ça c'est le risque de crédit, après il y a les risques de marché, c'est très compliqué les risques de marché, c'est énormément de modèles mathématiques. Et là on a dans les directions des risques de marché, on a des gens qui sont très classiquement des ingénieurs, qui utilisent des modèles sophistiqués de calcul du risque, différents risques de marché. C'est d'autant plus compliqué que la banque est elle-même sophistiquée en matière de produits de marché qu'elle offre aux clients. Si on fait juste des produits de change ou des produits de taux, c'est assez simple. Si on fait des produits structurés, dérivés, alors là ça devient très compliqué. Il y a toutes sortes de risques qu'il faut suivre. Il faut savoir... Là j'en s'éveille un petit peu, mais que toutes ces règles, ou plus exactement tous ces systèmes de suivi des risques, sont quand même beaucoup motivés aussi par la pression des régulateurs. qui exigent sans arrêt qu'on fasse un peu mieux que ce qu'on faisait auparavant. Par exemple, quand on a fait des développements importants dans la banque de marché, particuliers, on va dire, sur les dérivés actions, avec la Société Générale qui était en pointe là-dessus, et puis un peu aussi BNP Paribas. Sur ces dérivés actions, il y a des modèles très compliqués qui ont été développés. Sur les autres activités de marché aussi, des modèles qui ont été développés. Et puis quelqu'un, un jour, je pense que c'est venu des régulateurs, s'est dit, bon, tout ça c'est bien joli, vous avez des modèles, mais qu'est-ce qui se passe s'il y a des erreurs dans vos modèles ? Vous pouvez faire des grosses pertes parce que vous avez des erreurs dans vos modèles. Et donc, il faut que vous ayez aussi une équipe pour suivre les risques de modèles. Dans toutes les banques, vous avez des équipes qui suivent les risques de tous les modèles qui ont été développés par les autres départements de la banque.
- Speaker #0
Concrètement, les régulateurs et les gouvernements, j'imagine que ça a un énorme impact d'un point de vue risque. Comment, lorsqu'il y a une... un nouveau point à surveiller, par exemple ce point-là sur les modèles, comment vous réorganisez ? Comment ça se passe au niveau délai ? Et puis comment avoir une vision claire de est-ce que tout est bien respecté ? Est-ce que les normes sont bien respectées ? Celles demandées par les régulateurs.
- Speaker #1
Alors, c'est compliqué, c'est vrai. Lorsqu'il y a des évolutions de réglementation, d'abord, le régulateur n'est pas idiot, donc il... Il sait qu'il doit donner un peu de temps, donc d'abord il discute beaucoup avec les banques. Et généralement, il envoie aux banques les projets de réglementation ou de nouvelles normes qu'ils vont leur imposer. Les banques ont la possibilité de réagir, donc elles ne s'en privent pas. Il y a des équipes aussi dans les banques qui regardent ça de près, qui généralement râlent en disant mais non, pas du tout, ça c'est... c'est pas possible, on va pas y arriver, c'est trop dur, etc. Donc il y a des échanges. À la fin, il y a un texte quand même qui est édicté. Et là, on a un certain délai pour se conformer. Et ce délai, il est plus ou moins court selon l'importance de la banque. Si la banque n'a pas un sujet très important dans le type de risque qui est visé, On va lui donner un peu plus de temps, ce n'est pas très grave. Par contre, ceux qui sont très importants, qui ont une activité très lourde, on leur demande de se mettre au diapason plus rapidement. Et puis, il y a des banques qui peuvent aussi choisir de ne pas se mettre dans les clous. et d'arrêter tout simplement l'activité qui fait l'objet de cette réglementation. Il y a eu un exemple assez récent, il y a quelques années, une grosse, grosse évolution de la réglementation en matière de risque de marché qui obligeait les banques à développer des systèmes extrêmement lourds.
- Speaker #0
extrêmement coûteux en développement pour arriver à se mettre au carré. Certaines banques ont décidé de jeter l'éponge, elles ont décidé qu'elles allaient arrêter de faire certaines activités et passer dans la catégorie des banques qui n'ont pas besoin de se mettre au carré.
- Speaker #1
Concrètement, sur un projet très lourd comme celui-ci où certaines banques arrêtent leurs activités, Comment, enfin j'imagine que c'était votre rôle quand vous étiez chez Nautic6, comment vous allez mettre en place justement, enfin il y a des nouvelles équipes qui vont être recrutées, on va voir avec ceux qui sont déjà présents sur des risques similaires, comment ils peuvent être mutés, comment ça va se passer en interne, comment les décisions vont être prises pour le mettre en place ?
- Speaker #0
Ah ben, déjà on va créer une task force, comme ça se passe. dans lequel on va mettre toutes les équipes qui sont concernées, donc les équipes du front office du business, les équipes des risques, les équipes des systèmes informatiques, c'est classiquement, quelquefois les équipes de la direction financière, c'est peut-être aussi le cas. Assez classiquement, on est obligé de faire appel aussi à des consultants. C'est du pain béni pour les consultants. Il faut que ce soit des consultants spécialisés. Mais il y en a un certain nombre quand même sur la place. Et puis on lance un projet, un projet avec un suivi par les patrons. Généralement, moi je faisais partie. parfois je présidais d'ailleurs, des comités de suivi de tel ou tel projet pour se mettre en phase avec telle ou telle nouvelle réglementation. Et puis, quand on avait terminé, on avait généralement aussi, on ne se parle pas toujours, mais on peut avoir l'inspection qui vient vérifier, l'audit interne qui vient vérifier que tout ce qu'on a fait est bon.
- Speaker #1
Ok, donc... grossièrement ça va être un identifié quels sont les acteurs de la nouvelle régulation après on lance le projet on le suit et puis on le revérifie en interne avant de le présenter au régulateur c'est ça ? c'est cela ok moi il y a un autre point qui me vient sur les risques c'est qu'est-ce qui se passe lorsqu'il y a des crises majeures typiquement les subprimes, vous en avez parlé, à ce moment-là, est-ce qu'il y a des nouvelles normes qui vont être mises en place sur le moment ? Je ne parle pas de régulateurs qui, après coup, demandent aux banques de se mettre au point, mais sur le moment, comment les banques peuvent réagir ? Est-ce que c'est le risque qui va travailler dessus, ou ça se fait de manière plus générale ?
- Speaker #0
Après, il y a crise systémique et puis il y a crise dans un établissement particulier. Quand c'est une crise qui impacte plusieurs établissements, il faut qu'il y ait une communication très fluide, une transparence totale avec le régulateur. entre le régulateur et la banque. Donc, si c'est la banque qui s'aperçoit au premier qu'il y a quelque chose qui dérape, là, il faut immédiatement qu'elle prévienne le régulateur. Il y a tout un processus, on prévient le... Au comité des actions en général, on prévient le conseil d'administration, on prévient un régulateur. Et quand c'est un sujet qui impacte plusieurs banques, il peut se faire qu'il y en a une qui prévient en premier, le régulateur immédiatement va appeler toutes les banques en disant je sais qu'il y a quelque chose qui se passe, vous en êtes où, quelle est votre exposition, qu'est-ce que vous faites, etc. Donc il y a généralement... une communication qui se passe plutôt bien avec le régulateur. Alors moi, je n'ai pas vécu la crise de 2008, enfin plus exactement, je l'ai vécu, mais je n'étais pas aux commandes. Par contre, j'ai vécu des crises de... de marché ou des crises qui concernaient les banques européennes, par exemple la crise de liquidité dollar de 2011. J'étais pas en coalition générale, mais j'étais au comité exécutif, donc je sais ce qu'on a fait. En plus, j'étais à l'époque particulièrement impliqué parce que les activités dont je m'occupais étaient très dépendantes du financement dollar de la banque. Et puis d'autres sujets, par exemple l'affaire Casino, le groupe Casino quand il part en…
- Speaker #1
Donc concrètement de ce point de vue-là, qu'est-ce que vous… pouvez et ce que vous allez faire ?
- Speaker #0
Là, on a immédiatement, encore une fois, un suivi rapproché. On s'organise avec une cellule. Si c'est un très gros truc, il y a une cellule de crise qui gère la crise. De manière à ce que ce soit assez resserré, avec des instructions claires. Là, il faut qu'on ait toutes les informations en temps réel. Il faut s'assurer que... il n'y ait pas une initiative qui soit prise sans que la cellule de crise en soit à l'origine. Donc on a d'ailleurs des exercices de gestion de crise qui sont... plus orientés sur des crises de type cyber ou catastrophes naturelles, parce que c'est un peu dans l'air du temps, mais qui font que c'est un peu le même fonctionnement si vous avez une nouvelle crise S-up-prime qui apparaît. Après, il peut y avoir une crise qui ne concerne que la banque. À un moment donné, à Crédit Suisse, par exemple, ils étaient dans une situation qui était très spécifique à Crédit Suisse. Donc, eux, ils ont dû être immédiatement, encore que le régulateur suisse... Je ne sais pas comment il s'est débrouillé, mais on voit la taille de Crédit Suisse par rapport à la taille de la Suisse. Mais à ce moment-là, il y a une gestion de la crise qui est spécifique à la banque, et à côté, les autres banques, évidemment, on est immédiatement sur le qui-vive, parce qu'on est tous là à regarder quelle exposition on a sur Crédit Suisse. Parce qu'évidemment, une banque qui va mal, c'est très très gênant pour les autres, parce que ça contamine très vite les banques d'à côté. Une banque, ça se finance sur le marché interbancaire, ça prête aux autres banques et ça prend de l'argent aux autres banques. Donc dès qu'il y en a une qui sait que l'autre va mal, elle va arrêter de le financer. elle va se retirer et puis les autres vont le savoir. Et donc au bout d'un moment, il y a le plancher qui se dérobe. Donc on a quand même évidemment des impacts sur les autres banques, mais on n'est pas dans la même situation. Là typiquement, j'avais quitté la banque quantée du Crédit Suisse, mais il y a d'autres cas de figure similaire. On fait immédiatement le point sur nos expositions. On remonte tout ça au niveau de la comitologie, tous les différents comités qui existent, les différents comités des risques, les comités des risques de marché, les comités des risques de crédit, etc. Si c'est un risque de faillite d'une banque ou d'une grande entreprise comme Cadillo, on comité des risques, on va faire des points spécifiques immédiatement, on va regarder notre exposition, on établit une stratégie qu'on ne peut pas faire nécessairement tout seul, on n'a pas le droit de trop se parler avec les autres banques, même si on parle au régulateur, mais on établit une stratégie, après on s'y tient et puis on fait évoluer la stratégie en fonction de l'évolution de la situation. Mais...
- Speaker #1
Finalement, on va vraiment regarder l'exposition et du clic, enfin c'est logique, mais il y a différents types de crises et en résultat, on va établir une stratégie qui va se réaliser.
- Speaker #0
Oui, la santé liée, ça peut être, on arrête de prêter tout simplement. ou bien ça peut être plus drastique, on peut dire, là on pense que ça sent vraiment mauvais, donc on essaye de vendre nos encours. Donc on va essayer de trouver des gens qui sont prêts à acheter l'exposition qu'on a. Alors généralement, ça veut dire qu'on prend une perte. Et donc on acceptera de vendre pour 80 centimes une exposition qu'on avait dans nos livres à 100. Donc on va faire une perte de 20. Parfois ça vaut mieux parce que derrière le truc va dans le mur, etc. Mais bon, ça n'a pas toujours raison. Quelquefois, si on vend, on peut vendre avec perte. Et puis finalement, la société arrive à se restructurer, à se rééquilibrer.
- Speaker #1
Donc c'est savoir avoir le bon jugement au bon moment. Voilà,
- Speaker #0
ça fait partie du...
- Speaker #1
Au sein de votre carrière, vous avez vécu beaucoup à l'international. En commençant, moi étant jeune, je suis encore au début, mais je commence à avoir mes premières expériences internationales et ça me fait changer mon point de vue sur pas mal d'activités, si je peux dire ça comme ça. Vous, découvrir une nouvelle culture, comment ça a fait évoluer votre vision ? Est-ce que ça l'a fait évoluer ? Est-ce que par la suite, ça a fait une différence lorsque vous avez dû prendre des décisions importantes ? C'est ça. Est-ce que la culture dans laquelle vous avez évolué a pu beaucoup vous influencer ou vous êtes resté propre à vous-même ?
- Speaker #0
Je veux dire, la culture...
- Speaker #1
Du pays dans lequel vous êtes allé, à New York ou au Réseau ?
- Speaker #0
Alors bon, c'est vrai qu'il y a des différences culturelles considérables dans différents pays du monde. Aux États-Unis, c'est... relativement proche de la culture européenne, mais c'est quand même pas exactement la même chose. C'est un peu plus des cow-boys quand même. Je pense qu'on a aussi cette caractéristique d'être assez cartésien dans nos raisonnements. C'est une chose que, chez les Américains, on n'a pas naturellement fait plus à l'instinct. Les latino-américains, j'habitais au Brésil trois ans, je travaillais avec des Brésiliens, mais j'ai aussi travaillé sur toute l'Amérique latine. Les latino-américains, c'est encore une autre forme de mentalité. C'est un peu plus le beans quand même. C'est un peu plus olé olé, il faut faire attention. En même temps, beaucoup de créativité. C'est bien et c'est pas bien dans la banque. Les asiatiques, j'ai beaucoup travaillé avec, j'ai pas habité en Asie, mais on avait des implantations dans les pays d'Asie, ils sont pas tous pareils d'ailleurs, mais là encore c'est pas évident de comprendre comment ils fonctionnent, ils ont pas les mêmes... les mêmes réactions que nous, la même façon de faire que nous. J'ai en tête l'exemple d'un de mes anciens patrons au Crédit Lyonnais, Robert Cohen, qui avait quitté le Crédit Lyonnais, puis travaillait avec un fonds private equity, qui avait demandé d'aller prendre la tête d'une banque qu'ils avaient rachetée en Corée, qui était quand même la première banque privée du pays. Je crois que c'est Fuzz Korea, la Show Bank, je ne sais pas quoi. Et donc une espèce d'énorme banque de détails. C'était il y a longtemps, c'était dans les années 90. Donc la banque avait fait grosso modo faillite, avait été recapitalisée par le gouvernement, puis ensuite vendue à ce fonds private equity, qui essayait de relancer la machine et puis qui essayait de trouver quelqu'un capable de gérer. Et Robert Cohen, c'est un français polytechnicien très cartésien qui a très bien réussi aux États-Unis. Et il me racontait que ça avait été toute... une aventure parce que d'abord, évidemment, dans cette banque à l'époque, il n'y avait personne qui parlait anglais, donc ils parlaient tous coréens, lui il ne parlait pas coréen, donc il avait une armée d'interprètes qui le suivait partout, et puis il posait des questions, essayait de comprendre les choses, et puis à un moment donné, il a fini par réaliser, alors peut-être que tu pourras me confirmer ça si tu as un peu étudié le coréen, c'est qu'en fait, il a compris que... Dans la langue coréenne, apparemment, les... Le vocabulaire ou la façon de s'exprimer n'est pas la même selon qu'on part du haut vers le bas ou du bas vers le haut. C'est-à-dire que la forme négative, grosso modo, je vais faire un peu le trait, n'existe pas quand tu parles à un patron. Donc, grosso modo, tu ne peux pas lui dire non. Donc, tu trouves d'autres façons de lui dire... Mais tu ne peux pas lui dire que tu n'es pas d'accord.
- Speaker #1
Je ne sais pas si c'est dans la langue elle-même, mais je sais que dans la culture, ils ont un rapport à la hiérarchie qui est... Ouais, on n'a pas le droit de dire non, on n'a pas trop le droit d'exprimer son avis à un patron, on suit. Même si ça est en train de changer un peu.
- Speaker #0
Donc il est arrivé aux Etats-Unis, c'est pas du tout comme ça aux Etats-Unis, surtout si t'es un patron un peu ouvert, tu poses des questions, les gens te disent, non moi je pense que tu as tort, on ne devrait pas faire ça. Et donc lui, il a fini par comprendre ça, et donc après c'était compliqué, mais il fallait qu'il travaille avec ça, il fallait qu'il arrive. à comprendre que ce qu'il voulait faire, ça n'avait peut-être pas de sens, et qu'il fallait peut-être faire différemment, même s'il ne le disait pas. Donc il y a effectivement des choses qu'il faut comprendre. En même temps, je pense qu'il faut rester fidèle à ce qu'on est. D'abord, je pense que les gens avec qui on travaille, eux, ont intégré le fait qu'on est français, parce qu'on est français, du nom de nationalité, qu'on raisonne différemment. En plus, moi je travaille pour une banque française, donc il faut à la fois être capable Quand j'étais au Brésil, Banco Francese Brasilio, c'est une grande banque. Et d'ailleurs, c'est intéressant parce qu'il y avait d'autres, par exemple, il y avait Carrefour, le grand distributeur, était aussi au Brésil, il s'appelait Carrefour. Les Brésiliens ne savaient pas que Carrefour, c'était une société française. Pour eux, c'était une société brésilienne. Et la banque qu'on avait, Banco Francese Brasileiro, Les Brésiliens ne savaient pas non plus que c'était... Enfin, ils savaient peut-être que c'était le français, mais pour eux, c'était vraiment une banque brésilienne, quand même. Mais moi, j'étais envoyé là-bas comme expatrié, justement, parce que j'étais un peu l'œil de Paris, et donc il fallait que je sois certain que les choses se fassent aussi, un petit peu comme nous, en français, on l'entendait, en tout cas qu'on comprenait ce qu'on y faisait. Et donc je pense qu'il y a une espèce de symbiose à obtenir entre à la fois arriver quand même à s'adapter à la culture et comprendre que tu ne fais pas du business exactement comme chez toi parce que sinon tu n'arriveras à rien. Mais en même temps, tu es obligé de garder un petit peu, quand tu es français, ton analyse cartésienne et tes repères. Et c'est comme ça qu'on navigue le mieux, je pense, dans ces milieux-là en particulier.
- Speaker #1
dans des pays compliqués comme l'Amérique latine vous avez eu parfois des soucis comme l'exemple en Corée de votre ami vous avez eu parfois des cas similaires en Amérique du Sud ou pas du tout en
- Speaker #0
Amérique du Sud il y avait il y avait des des comportements qui étaient parfois effectivement assez surprenants. Il y avait une tendance à... C'est étonnant pourtant parce que les Brésiliens peuvent penser que c'est ça. Mais les cadres ne partaient pas si le patron était toujours là. Ils voulaient montrer qu'ils étaient bons. Donc il y a même des banques où les gens n'avaient rien à faire, mais ils restaient à leur bureau, ils attendaient que le patron, le grand patron tout en haut, décide de quitter son bureau pour rentrer chez lui. À ce moment-là, tout le monde se barrait et rentrait chez soi. Il y avait une espèce de crainte, alors qu'aux États-Unis, c'est totalement différent. Aux États-Unis, les Américains s'en fichent complètement. Les Français, typiquement, ils restent tard parce que c'est un peu le style français. On bosse beaucoup, on bosse très tard, on fait des réunions très tard. Alors aux États-Unis, tu ne fais pas des réunions très tard. Si tu proposes de convoquer une réunion à 19h, les gens te regardent, on ne se voit pas. Non, les Américains, ils vont déjeuner à leur bureau, à leur desk, avec un sandwich, en travaillant. Mais par contre, à 5h, ils sont partis. Il y a quelqu'un qui arrive très tôt le matin. Donc, oui, il y avait des petits trucs comme ça qui étaient... Alors après, les Brésiliens, tu l'as expliqué très rapidement, vous pouvez partir, ça ne me gêne pas, etc. Ils partaient, mais il fallait être un petit peu vigilant à ce genre de choses. Oui, je crois qu'au sein de l'Amérique latine, en plus, il faut savoir que c'est comme l'Europe. Les grandes différences entre les Allemands et les Français, les Français et les Italiens, et les Bars entre les Brésiliens et les Chiliens, ou les Argentins et les Brésiliens, c'est aussi assez différent.
- Speaker #1
Donc au final, à chaque fois qu'on change de pays, il y a vraiment une culture à comprendre. Ça paraît logique, mais c'est marrant d'avoir un peu les insights de chaque pays.
- Speaker #0
Oui.
- Speaker #1
Vous avez dit que la France était assez cartésienne. Vous pensez quoi du moins lorsque vous avez voyagé du soft power français, de l'image que la France renvoie à l'international ?
- Speaker #0
Les choses évoluent. Moi, j'ai trouvé qu'il y avait… Au niveau auquel j'étais, c'est-à-dire quand même j'étais généralement interlocuteur de gens qui étaient à haut niveau, directeurs financiers, directeurs généraux, parfois propriétaires de grosses boîtes en Amérique latine ou en Asie. Eh bien, j'ai toujours trouvé qu'il y avait... un certain regard plutôt favorable vis-à-vis... de la France, en tout cas de l'image que la France avait chez eux, en particulier chez les latino-américains. C'est moins vrai chez les américains, je ne pense pas. Je pense que les français, ça les amuse, quoi. Alors que la culture française, le vin français... C'est quelque chose, chez les Asiatiques on le sait bien, on voit bien toutes les affaires que font LVMH et Hermès dans ces pays-là. En Amérique latine, je me démarquais de mes concurrents américains parce que je savais parler de vin. Et dans un dîner avec quelqu'un d'important, mexicains, argentins, brésiliens, ils étaient toujours très fiers de me servir un très bon vin, de montrer qu'ils avaient aussi des connaissances, qu'ils avaient fait la route des vins, enfin pas la route des vins, ils avaient été voir des vignobles pour acheter du vin à Bordeaux etc. Et ça, mes concurrents américains ne savaient pas faire. Il y avait un petit plus. Après, il fallait quand même savoir parler aussi business et finance. Mais en tout cas, je n'avais pas de gens qui avaient une vision négative de la France, en tout cas à l'époque, dans ces pays-là. Je dirais le mec latin en général, les pays asiatiques où je suis allé, le Japon, les Japon, ils sont aussi, j'aime beaucoup les Français, enfin certains styles quoi.
- Speaker #1
Je trouve ça très marrant de voir que finalement un petit détail qui vient juste du pays d'origine dont on vient, ça… Juste parler de vin, ça vous permet de créer un contact un peu plus fort avec quelqu'un et vous allez pouvoir parler business derrière et ça va très bien se passer plus facilement que si vous veniez d'un autre pays. J'ai commencé un peu à voyager et je trouve ça très marrant comment votre nationalité peut vraiment impacter la discussion que vous pouvez avoir.
- Speaker #0
Oui, il faut avoir des petits trucs à raconter, c'est sûr. Si vous pouvez raconter pourquoi le château Béchvel s'appelle comme ça, parce qu'il se trouve qu'il vous sert un château Béchvel, tout de suite, ça...
- Speaker #1
Pourquoi il s'appelle comme ça, du coup ?
- Speaker #0
Je ne sais pas si c'est vrai, mais c'est l'histoire que je connaissais, que j'aurais racontée, c'est qu'en fait... Le vin du château Béchvel, il est situé sur l'un des bords de la Bastille à la Gironde. Et donc les bateaux... qui passait devant. En fait, c'était le vin, je crois, partenaire à ce que c'était le duc d'Epernon, je crois, qui était propriétaire. Et donc, c'était quelqu'un de très important. Donc, quand les bateaux passaient devant, ils baissaient leurs voiles en signe de respect. Et donc, baisser les chevelles, ça veut dire baisser les voiles. Après, peut-être que s'il y a des gens qui regardent le podcast, ils ont tout de suite vérifié sur Internet si c'est vrai. Mais à la légit, c'est pas très grave.
- Speaker #1
Ça peut être la même chose.
- Speaker #0
Mais à la vraie... Et puis les gens trouvaient ça bien. Par contre, avec les clients américains, il fallait que je leur parle de NBA ou de NFL. À l'époque, ce n'était pas Wimbanyama, c'était Tim Duncan à San Antonio, par exemple.
- Speaker #1
Avec Tony Parker, ce n'est pas de bêtise. Tim Duncan, il jouait avec Tony Parker.
- Speaker #0
Oui, avec Tony Parker, tout à fait. J'ai dit Tim Duncan parce que j'avais un client qui s'appelait Tim Duncan. Alors évidemment, tout le monde… Il lui demandait si c'était le même. Et quand c'était un Français qui connaissait Tim Duncan, le joueur de basket, il était surpris, parce qu'il ne s'attendait pas à ce que les Français connaissent. De toute façon, on parlait un peu de NBA avec les Américains.
- Speaker #1
Donc maintenant, on va passer à quelques questions de conclusion, parce que le temps file. Si vous pouviez citer une ressource, donc ça peut être un film, un livre, pas forcément en carrière, juste une ressource, qu'est-ce que vous deux citeriez ?
- Speaker #0
Une ressource, c'est-à-dire ?
- Speaker #1
Quand je dis ressource, c'est qu'est-ce que vous recommanderez comme un livre, un film ?
- Speaker #0
Pour réussir dans le cadre de...
- Speaker #1
Non, quelque chose que vous appréciez et que vous recommanderiez.
- Speaker #0
Ah. C'est très très large.
- Speaker #1
Quelle est la première chose qui vous vient à l'esprit ?
- Speaker #0
Un livre comme ça ?
- Speaker #1
C'est trop vaste. Vous voulez un domaine ?
- Speaker #0
Ah oui, s'il y a un domaine, est-ce que c'est dans le domaine de l'art ? Est-ce que c'est dans le domaine de... Par exemple, je vais prononcer le mot ressource. Moi, ce que j'aime bien, par exemple, jouer dans un instrument de musique, je trouve que c'est très délaçant. C'est très bien quand tu as... Quand tu bosses énormément, tu as plein de sujets compliqués à gérer dans la tête, tu te prends un petit moment pour jouer du piano, de la guitare, etc. Je trouve que c'est extrêmement positif pour ton équilibre. Le sport aussi d'ailleurs. Les livres, moi je lisais beaucoup avant, énormément avant. J'avoue qu'avec les vidéos d'ingres que j'ai menées, c'était beaucoup plus difficile de lire. Ça manque un peu. Là j'ai repris Dieu merci.
- Speaker #1
Si vous deviez reparler à Pierre sortant de l'Ensaï, qu'est-ce que vous lui diriez ?
- Speaker #0
Qu'est-ce que je lui dirais ? Il saurait que c'est mois plus tard qu'il lui parle. Non, mais je... Si c'était... Si je devais refaire ma vie en sortant de l'NCEA...
- Speaker #1
Il aurait fallu savoir à votre sortie d'école. Ah, oui.
- Speaker #0
Moi, je pense que j'aurais dit de faire attention, faire très attention à... pas s'imaginer, savoir tout sur tout, comprendre tout sur tout. Enfin, je pense que tout le monde n'est pas comme ça. Mais bon, moi quand je suis arrivé dans la banque, C'était le Crédit Lyonnais à l'époque, banque qui venait tout juste d'être privatisée, mais c'est encore la grosse banque consommationnalisée. Il n'y avait pas de formation digne de ce nom, donc on nous laissait faire un peu ce qu'on voulait. Et c'était absurde parce que du coup, moi j'allais voir des clients en leur disant je peux vous financer etc. Et j'étais très sûr de moi. C'est à la fois bien et mal. ça m'a fait du mal aussi je pense que c'est un truc qu'il faut essayer d'éviter il faut arriver à être humble quand on est jeune et qu'on commence on est très content parce qu'on fait des choses super c'est pas évident j'essaierai de lui dire attention pas péter plus haut que ton cul parce que...
- Speaker #1
Ça vous a parfois joué des tours ?
- Speaker #0
Ah oui, oui, oui, moi je pense qu'il y a eu des moments où j'ai fait des conneries parce que j'étais trop sûr de moi, ça c'est sûr.
- Speaker #1
Ok. Et finalement, après vous êtes...
- Speaker #0
Probablement d'ailleurs que quand on est plus âgé, plus seigneur, on continue à être trop sûr de soi, mais là comme plus personne nous ramasse de kéké, ça passe peut-être mieux, je sais pas. Non mais je pense que c'est un sujet à ce qu'il faut faire attention. Enfin moi j'aurais dû faire attention. Merci.
- Speaker #1
Et après cet échange, quelle est la personne que vous aimeriez voir s'essayer à cet exercice ?
- Speaker #0
Ah, écoute, moi je te recommanderais quelqu'un qui vient de l'industrie, et l'industrie qui a fait de la production, qui a fait de la gestion d'usines, etc. Et j'ai un très bon ami à te recommander, qui est passionnant, qui a plein de choses à raconter, qui a aussi vécu à l'étranger un peu. Mais je pense que ça serait bien d'avoir...
- Speaker #1
Comment il s'appelle ?
- Speaker #0
Il s'appelle... Je ne sais pas si... S'il acceptera. Il s'appelle Philippe Luscan. C'est un ancien du comité d'élection générale de Sanofi. On lui a fait toute sa carrière.
- Speaker #1
On verra. Le futur nous le dira.
- Speaker #0
Il y en a d'autres qui ont fait une carrière dans l'industrie.
- Speaker #1
parce que c'est un autre regard ok parce que c'est sympa d'avoir des visions différentes sur ces derniers mots merci à vous pour le temps que vous m'avez accordé ça serait bien d'avoir une femme dans les épisodes ça arrive merci beaucoup pour votre temps et bien écoute c'était un plaisir et puis on se dit le mois prochain on se retrouve pour un nouvel épisode bravo à toi t'es arrivé à la fin de l'épisode et j'espère qu'il t'a plu Comme j'ai pu le dire au début de l'épisode, j'ai pu voir que certains d'entre vous m'écoutaient régulièrement et que ça me faisait super plaisir. Par contre, quand je regarde le nombre de notes sur Spotify ou bien Apple Podcast, il est bien moins nombreux que le nombre d'auditions. Donc si tu peux mettre 5 étoiles, ça me ferait vraiment super plaisir. Sur ce, on se retrouve pas le mois prochain cette fois, mais en septembre. A bientôt !