Speaker #0Ce genre de scène, elle arrive plus souvent qu'on le pense. J'imagine que tu as déjà dû le vivre avec des clientes qui n'osent pas te dire ou parce qu'elles ne veulent pas déranger ou parce qu'elles ne savent pas mettre les mots dessus et sur ce qui les dérange vraiment. Qu'est-ce qui fait que la coiffure ne leur convient pas ? Pourquoi elles ne se reconnaissent pas dans cette coupe ? Et puis peut-être qu'elles espéraient autre chose sans vraiment le formuler. Alors peut-être qu'elles se sentent juste mal dans leur peau ce jour-là ou que la coiffure est venue appuyer une... Comme une insécurité qui était déjà là en elle. Mais elles vont quand même te sourire, elles vont te dire merci parce qu'elles ont appris à faire bonne figure. Parce qu'elles ne veulent pas avoir l'air de l'étiquette de la chiante de service. Parce qu'elles ne veulent pas être entendues dans leurs blessures aussi. Et puis pas envie de te décevoir. Alors toi, en tant que coiffeur, parfois tu peux passer à côté de ça. Tu peux croire que tout va bien. Oh, ok, cool, cliente satisfaite. Merci, à la suivante. Alors qu'en fait, en réalité, tu as la sensation quand même qu'elle repart avec un doute. Et que ce doute va s'insinuer en toi aussi. Elle va peut-être même partir avec de la tristesse. Ou carrément une colère, mais qu'elle ne t'exprimera pas, évidemment. Alors la vérité, c'est que le silence d'une cliente ne veut pas toujours dire que tout va bien. Et que derrière le « c'est parfait » peut cacher un « je ne sais pas comment te dire, mais je ne me sens vraiment pas belle là » . Et ce n'est pas toujours de votre faute, non, non. C'est parfois juste que notre responsabilité serait à ce moment-là d'ouvrir l'espace pour que la cliente puisse s'exprimer. Parce que je suis sûre que vous êtes aptes à voir sur le visage de la cliente qu'elle n'est pas totalement satisfaite, mais qu'elle n'osera pas vous le dire. Mais vous, parce que vous n'avez pas le temps de recommencer ou de discuter avec elle parce que la cliente suivante vous attend, vous allez vous contenter de ce oui, même si en vrai, derrière, c'est un réel non. Et je comprends. Mais c'est là où il faut un peu revoir la manière d'aborder la cliente du début à la fin. Parce que ce n'est pas une fois que la coiffure est terminée qu'on se dit « chouette, j'ai fait mon boulot, merci, au revoir, à la caisse, au suivant » . Non, c'est là où déjà poser la question peut-être différemment lorsque la coiffure est terminée. Comment est-ce que vous vous sentez dans cette coupe, là maintenant ? Est-ce que vous vous y reconnaissez ? Est-ce que c'est aligné avec ce que vous aviez envie de vivre aujourd'hui ? Est-ce que ça ressemble un peu à ce que vous attendiez ? Est-ce que vous vous sentez bien dedans ? Ces questions-là, elles vont tout changer. Elles vont ouvrir les portes, les possibilités à la personne de se déposer et de pouvoir juste dire ce qu'elle ressent. Parce qu'elle va se sentir dans l'écoute. C'est-à-dire qu'il faut qu'elle sente que lorsque vous posez cette question, vous soyez prêt à entendre sa réponse. Parce qu'évidemment, en demandant ça, si d'un coup elle vous dit « ben non, je ne me sens pas du tout bien là-dedans, ça ne va pas » . Et là, vous allez vous dire, oui, mais non, merde, zut, j'aurais pas dû lui demander, là, j'ai pas le temps. Non, et parfois, c'est pas du tout la coiffure qui dérange. C'est comment elle, elle se sent dedans, mais c'est parce que ça a été touché, quelque chose en elle qui, d'un coup, vient de s'éveiller. Et parfois, en mettant le doigt dessus, ça peut simplement suffire à, ah, ok, je comprends mieux, ça va mieux. Et puis, d'un coup, la coiffure va avoir une autre allure pour elle. Alors, ça va pas se faire vraiment sur un claquement de doigt, mais c'est là où vous devez aussi... Peut-être prendre le temps nécessaire de vous dire qu'après avoir terminé une coiffure, je prends encore le temps qu'il faut avec ma cliente pour pouvoir voir avec elle comment ça se passe pour elle une fois la coiffure terminée. C'est très important parce que c'est là aussi où le résultat va compter doublement. C'est que la personne, quand elle vous quitte, elle doit dire « je me sens bien » . Pas juste belle, mais bien. Qu'elle sente qu'à l'intérieur, ça lui provoque quelque chose, une joie, un pétillement, quelque chose qui fait que « ah, je ne vais pas dire qu'elle se sent revivre, mais parfois oui, ça peut être ça, mais ça va faire que vous allez réellement le voir sur son visage. » Et elle va vous l'exprimer. Et si vous sentez derrière encore une résistance ou quelque chose, n'hésitez pas à creuser la question. N'hésitez pas à lui dire, dites-moi si ça ne va pas. Dites-moi s'il y a la moindre chose, si une mèche vous dérange, si quelque chose n'est pas... Vous voyez ? Alors, ce qu'il m'arrive de faire aussi, lorsque je fais la coupe thérapeutique, c'est que lorsque, de ce fait, on a mis plein de choses à jour, donc au niveau émotionnel, la coiffure... qu'on a pu créer à ce moment-là en lien avec son vécu, va faire qu'à ce moment-là, elle peut lui convenir. Mais si je vois qu'elle hésite, je lui dis toujours aussi à un moment donné, et vous pouvez le faire même en coiffure traditionnelle, c'est simplement de lui laisser une porte ouverte. Alors, je vais peut-être faire grincer des dents, parce que tout le monde ne verra pas ça de la meilleure manière, mais bon, voilà. C'est que moi, je dis toujours à la cliente, OK, laissez-vous du temps avec cette coiffure. Laissez vos cheveux reprendre leur place. Laissez vos cheveux vivre aussi leur vie à travers ce qu'on vient de leur faire « subir » dans le sens où quand vous allégez une coiffure, le cheveu va bouger différemment. Ça, vous le savez. Alors moi, je dis toujours à la cliente, laisse-toi deux, trois semaines. Mais si vraiment, vraiment, vraiment ça ne va pas, vous revenez. Moi, je les fais revenir gratuitement. C'est ma manière de faire. Vous ferez ce que vous voulez. Mais je trouve que ça leur laisse une porte de se dire. Ok, si vraiment je n'aime pas, je peux y retourner. Évidemment, si elle revient un mois et demi ou deux après et que c'est le moment de refaire la coupe, non, il ne faut pas exagérer, c'est certain, il ne faut pas profiter du système. Mais c'est pour ça que je leur laisse deux, trois semaines maximum. Et puis parfois, en une semaine de temps, ça va suffire pour qu'elle m'appelle en disant « Écoute, non, vraiment, je ne me sens pas bien dedans. » Je trouve très normal de la laisser revenir et que là, peut-être justement, de par cette coupe qui peut-être ne lui a pas convenu, elle va être capable de pouvoir mieux mettre les mots dessus. sur comment elle se sent ou ne se sent pas en tout cas. Et là, vous avez une nouvelle possibilité d'aller comprendre ce qui se joue à l'intérieur. Ce n'est pas toujours évident, vous savez. C'est comme les vêtements. Quand vous achetez un vêtement, vous l'essayez dans la cabine, vous le mettez deux secondes, c'est beau ou pas beau, j'aime bien, je le prends. Et puis à un moment donné, un autre moment d'état d'esprit chez vous, vous allez remettre ce vêtement-là et vous allez dire, mais pourquoi j'ai acheté ce truc ? C'est moche, mais je ne me sens pas bien du tout dedans, mais ça ne va pas. Vous savez, les conditions d'essayage dans une cabine, ce n'est pas très réaliste comparé à quand on se promène dans la rue, en famille, n'importe où. Vous comprenez ce que je veux dire. Donc au niveau de la coiffure, je trouve que c'est la même chose. Alors évidemment, vous allez me dire, oui, mais si je dis ça à toutes mes clientes et qu'elles reviennent toutes et que je dois les coiffer gratuitement, je ne vais pas m'en sortir. Et puis c'est un trou dans la caisse. Oui, mais bon, je ne pense pas que toutes les clientes ressortent pas contentes ou en tout cas pas bien dans leur peau. Vous comprenez ? D'où, justement, peut-être l'importance, en amont, de prendre le temps de discuter avec elle, de prendre le temps de comprendre ce qui se joue en elle, et de lui permettre d'avoir cet espace d'écoute dans lequel elle va pouvoir se déposer, et peut-être elle-même arriver lentement, mais sûrement, à exprimer ce qu'elle a besoin de vivre à ce moment-là, et ce qu'elle recherche dans sa coiffure. Et là, vous allez gagner tout le temps nécessaire. Et c'est quelque chose qui peut se passer rapidement, vous savez. C'est parce que la femme, elle n'est pas habituée. Elle rentre chez le coiffeur, on le dit, elle s'assit, voilà ce que je veux. Limite, elle vous montre une photo, je veux ça. On ne discute même pas de la coiffure, on fait ce qu'elle demande. Je ne dis pas que c'est comme ça pour tout le monde, attention. Mais lui donner cet espace sécuritaire où elle va pouvoir se poser, se déposer et être entendue, je vous assure qu'elle va s'exprimer de manière totalement différente. Et peut-être, ce n'est pas de remettre en question son choix, c'est de s'assurer que c'est bien ce qu'elle choisit par rapport à elle. Et pas par rapport à un critère sociétal ou extérieur. Et donc, grâce à ça, vous allez pouvoir réaliser vraiment la coiffure en lien avec l'émotion de la personne. Tentez l'expérience. Donnez-vous l'occasion de faire comme ça, d'aborder la prochaine fois une cliente de cette manière et de voir un petit peu comment ça se passe. Et vous allez en découvrir beaucoup, vous allez voir. Et comme je l'avais parlé dans l'épisode précédent, vous allez en découvrir beaucoup sur vous aussi. Parce qu'elle n'est jamais que votre miroir et ce qu'elle va vous exprimer, ça va sûrement vous parler. Donc il y a des moments où vous allez vous reconnaître aussi dedans. Et donc peut-être être plus à même, vous lui montrez d'autres possibilités. qui vous appartiennent à vous peut-être au départ, mais qui vont être des exemples pour elle et voir si ça lui convient. Donc voilà, essayez de voir un petit peu une autre façon d'aborder la cliente dès le départ et puis voir un petit peu comment ça se passe et comment au niveau du résultat, elle va vous accueillir, elle, à la fin. Alors j'ai envie de vous dire que parfois la cliente, si même elle sourit en repartant et que ce sourire n'est pas... toujours un merci sincère, c'est peut-être juste pour vous dire que là, elle s'est encore oubliée, et c'est un petit peu comme si elle vous lançait un appel inconscient. Et donc, vous, j'ai envie de dire, essayez de faire en sorte qu'elle n'ait plus besoin de se taire. Et donc, de créer dans votre salon un espace où la parole est accueillie, où le ressenti va être aussi important que le résultat. Alors si petit à petit, on changeait la relation coiffeur-cliente en une vraie rencontre humaine, entière, respectueuse et touchante. Si ce que je t'ai partagé dans cet épisode te parle,