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Partie 2: Andrea Doria, autopsie d'un naufrage cover
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Le cimetière de l'océan

Partie 2: Andrea Doria, autopsie d'un naufrage

Partie 2: Andrea Doria, autopsie d'un naufrage

32min |25/11/2024
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Partie 2: Andrea Doria, autopsie d'un naufrage

Partie 2: Andrea Doria, autopsie d'un naufrage

32min |25/11/2024
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Description

Dans la nuit du 25 au 26 Juillet 1956, alors qu'il arrive au terme de son voyage. ⛴️Andrea Doria, joyaux de l'Italian Line 🇮🇹 entre en collision avec le Stockholm dans le légendaire brouillard de Nantucket.

Dans cette deuxième partie, nous découvrons la panique à bord ou personne ne comprend ce qu'il vient de se produire. Certains s'enfuient, d'autres se noient ou sont prisonniers dans les décombres de leur cabine. Le commandant craint que son paquebot chavire d'un instant à l'autre.

A quelques miles marins de là, "Ile de France" fait demi tour et file pleine vapeur vers les lieux du sinistre.


Pour une meilleure immersion, il est recommandé d'écouter cet épisode au casque. 🎧


Illustration:

Sons: 


Musiques:


  • Black Mass - Brian Bolger

  • Twin Lynches - Density&Time

  • Invisible Piano - Calvin Clavier



Avec les voix de:


Commandant Calamai: Arnaud Casella

Officier Carstens: Clément Lalloz

Commandant Nordenson: François Devoir

Jane Cianfarra: Tiffany Touzé

Camille Cianfarra: Arthur Kuntz

Lieutenant Giannini: Remi Rebuzzi

Lieutenant Franchini: Julien Garnier

Linda Morgan: Jessica Lebbe

Bernabe Polanco: Julien Kolten


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Le naufrage d'Andrea Doria, partie 2. Dans la salle à manger de la classe touriste, un film est projeté. Fox Fire, avec Jane Russell. Sur les tables, les briquets se mettent à glisser et tomber. On sent un mouvement. C'est le paquebot qui vire brutalement sur bas bord. Puis soudain, un choc formidable jette tout le monde au sol. Pendant un instant, les lumières vacillent, le film s'arrête, le temps se fige. Personne ne comprend ce qu'il vient de se passer, mais en à peine quelques secondes, tous se relèvent et se ruent vers les sorties et les points d'évacuation sans avoir une seule idée du drame qui vient d'arriver. Le Stockholm a percé les flancs de l'Andrea Doria comme une lame de couteau juste sous la passerelle, à tribord. Avec la vitesse des deux paquebots, la proue s'est enfoncée sur environ 9 mètres et a lacéré la coque du Doria sur 12 mètres de long dans une grande gerbe d'étincelle, détruisant toutes les cabines sur sept ponts. Presque jusqu'à la quille. Les dégâts sont énormes. L'eau s'engouffre à grand flot dans les flancs, les cabines de 3e classe sont immédiatement inondées. Certains n'ont même pas le temps de réaliser ce qu'il se passe qu'ils sont déjà noyés. C'est en 3e classe qu'il y aura le plus de victimes. Immédiatement, Andrea Doria prend de la bande, c'est-à-dire qu'il gîte, il s'incline sur tribord. Calamaille se précipite sur l'aile extérieure. Se penchant au bastingage, il voit disparaître le Stockholm. Dans son sillon, des débris de meubles, de boiseries, du tissu flotte à la surface. Jetant un coup d'œil au flanc de son navire, Calamai ne voit qu'un immense trou béant, encore plus noir que la peinture de sa coque. Les portes étanches ! Assurez-vous qu'elles soient fermées ! dit-il en revenant sur la passerelle. Il va à son transmetteur et passe l'aiguille de en avant toute à stop Mais dans la chaufferie, ayant subi le choc qu'il a projeté au sol, le chef mécanicien avait déjà stoppé les machines en se relevant. Calamai tremble comme une feuille. Il vit un cauchemar. Frankini demande de noter l'heure. Notez l'heure de l'abordage ! Giannini regarde l'horloge de la passerelle. 23h10. Quelle est la bande ? hurle Calamai en constatant que le Doria ne s'était pas redressé. Giannini regarde l'indicateur. 18 degrés. Non, 19. Attends, attendez, 20 ! C'est le second choc pour Calamaille, rien ne va plus. Le Doria avait été conçu pour être capable de prendre une gîte de 20 degrés maximum. Passé ce point, le Doria pouvait chavirer à tout moment. En pénétrant la coque du Doria, le Stockholm a éventré les réservoirs de carburant vides côté tribord, déséquilibrant immédiatement le navire, puisque côté bâbord, ils sont vides aussi. Mais les ballastes n'avaient pas été remplis, souvenez-vous. Avec cette bande importante, l'eau va donc submerger le pont A, passant au-dessus des cloisons étanches. Calamaille le sait, l'Andréa Doria va sombrer en chavirant d'un moment à l'autre. L'eau qui pénètre dans les ponts inférieurs du Doria est mélangée au reste de mazout des réservoirs éventrés, mais également à de l'huile qui s'échappe des machines tribord ébranlées lors du choc. Ceux qui ne sont pas noyés ou bloqués dans leur cabine entreprennent donc une remontée chaotique. Il est presque impossible de tenir debout. Le sol glisse comme une patinoire alors qu'il est déjà fortement incliné. On ne parvient pas à gravir les marges des escaliers. Chaque pas demande beaucoup de concentration. Certains mettront près de deux heures à atteindre le pont des embarcations. On parle ici de plus de 600 personnes nues ou en tenue de nuit. Ajoutez à cela les autres passagers qui cherchent à descendre, chercher leurs proches ou leurs effets personnels. Tout le monde se bouscule dans une panique grandissante, suspendue entre la vie Et la mort. L'eau gagne presque le local des 5 dynamos qui alimentent le paquebot en électricité. Aussi surprenant que cela puisse paraître, aucune cloison étanche ne vient le protéger. Les mécaniciens restèrent tous à leur poste pour sauver le navire et activèrent les pompes pour ralentir la montée de l'eau. Ils pensèrent presque immédiatement à remplir les ballastes côté bas-bord, afin de redresser le navire. Malheureusement, les pompes permettant de le faire étaient situées au bout d'un tunnel déjà inondé. La salle des machines, pour le moment, reste sèche, mais il est très dur d'y tenir debout avec la gîte du Doria. Cette salle des machines est située sur le pont le plus bas, le pont C. A l'avant de ce pont se trouvent les cabines de classe touriste les plus petites et les moins chères, occupées principalement par des migrants italiens. L'étrave du Stockholm y causa de grands ravages. Sur les 13 cabines présentes dans cet espace, 11 furent immédiatement détruites ou noyées, tuant instantanément... 26 personnes. Plus haut dans la coursive, à quelques mètres du point d'impact, dans la cabine 664, se trouvent deux migrants. Antonio Ponzi, 14 ans, qui partait rejoindre sa mère aux Etats-Unis, et un autre Antonio, Lombardi. Les deux ne se connaissaient pas. Ils partageaient simplement la même cabine. Le choc ébranla la cabine dont le plafond s'effondra sur la couchette supérieure, occupée par le jeune Antonio, qui s'y trouva coincé. La cloison s'était affaissée et l'eau entrait à grand flot dans l'espace confiné de la cabine. Antonio, bloqué et terrorisé, entendit son voisin de couchette se débattre contre la porte de l'eau jusqu'au genou. Il l'appela de toutes ses forces. L'autre vint sans réfléchir une seconde sortir le jeune homme de sa couchette en le tirant à lui de toutes ses forces. L'instant d'après, il reprenait sa lutte contre la porte qui, de toute évidence, ne s'ouvrirait pas. Tout était déformé. Un morceau de pique métallique tomba. Il s'en saisit avec la force et l'énergie du désespoir et s'en servit comme d'un bélier contre la porte qui finit par voler en morceaux in extremis. Ce sont les seuls survivants de cette section du Dorian. En regardant les coursives, encore épargnées par l'eau et remontant de niveau en niveau, ils assistèrent sur leur passage à de terribles mouvements de panique. Les passagers partaient en toute direction, fuyant le ventre du Doria ou au contraire, retournant chercher leurs proches. Certains s'arrachaient les gilets de sauvetage que d'autres portaient. Des enfants terrorisés hurlaient en cherchant leurs parents. C'est un spectacle saisissant qu'on ne souhaiterait jamais voir. Dans les ponts supérieurs, là aussi les dégâts sont importants. L'eau entra dès les premiers instants dans le garage à voiture situé au point d'impact. Dès lors, notre fameuse Chrysler fut tout de suite perdue. Dans la cabine 80 du pont supérieur dormait le maire de Philadelphia, Richardson Dilworth, et son épouse, ils furent tous deux projetés au sol. Celle-ci, reprenant ses esprits, tenait toujours à la main son livre A Night to Remember célèbre récit du naufrage du Titanic. Elle dit alors à son mari Mon Dieu, je crois que nous avons heurté un iceberg, comme le Titanic ! Mais Edilworth a servi dans la marine. Il connaît l'océan. Il répond alors calmement Mais non, Anne, il n'y a pas d'iceberg au large des côtes du Massachusetts. C'est autre chose. Mais quoi ? Eux deux s'en sortent sans trop de mal. Mais dans les cabines avant, comme la 60, le plafond s'est effondré sur les occupants qui sortent dans les coursives en rampant. Et plus on s'approche du point d'impact, pire c'est. Le trou béant, aperçu par Calamai, s'étend de la cabine 46 à 56. C'est énorme. Madame Tchianfara, dans les décombres de la 54, reprend ses esprits dans une douleur immense. Elle ne peut pas bouger. Pas très loin, elle entend les gémissements de son mari. Puis, plus rien. Elle comprend qu'il vient de mourir. Où sont ses filles ? Comment vont-elles ? Elle ne le sait pas. Elle ne sait même pas ce qu'il vient de se produire. À proximité d'elle, elle entend d'autres voix. Elle se trouve en fait à présent dans la cabine voisine, la 56, occupée par le couple Peterson, ou du moins ce qu'il en reste. Tout s'est effondré ou est parti à la mer. Monsieur Peterson est le seul survivant à avoir aperçu une masse passer devant ses yeux au moment de la collision. C'était l'étrave du Stockholm qui le projeta dans les airs, dans un nuage de fumée et d'étincelles, et le fit brutalement atterrir sur le sol. Il perdit brièvement connaissance. Reprenant ses esprits, il parvient à ramper sous les décombres et à sortir dans la coursive envahie de monde et plonger dans une épaisse fumée provoquée par le frottement des tôles des deux navires. Une poussière grise est mélangée à la fumée et retombe sur le sol et les décombres. C'est l'isolant inifugié, l'amiante, qui se trouve entre la coque et le revêtement en lambris des cloisons des cabines. S'il n'avait pas été là, le Doria aurait probablement pu prendre feu lors du frottement des tôles. Peterson ne sait pas où est sa femme. Il comprend que s'il veut la trouver, il doit à présent passer par la cabine 58 où la cloison est partiellement arrachée. Il se glisse sous les décombres où il aperçoit Madame Tianfara. Il mit tout en œuvre pour soulever la montagne de débris qui couvrait les deux femmes. Mais sa force et sa détermination seules ne suffisent pas. Résignée, elle lui demande de les abandonner, de se sauver. Laissez-moi sauver votre vie comme vous le pouvez. Mais Peterson est un sacré personnage et il n'abandonnera pas aussi facilement. Il leur promit de revenir avec de l'aide. Peterson était nu. Il trouva un rideau dans lequel il s'enveloppa et partit en quête de secours. Un peu en avant dans la coursive, il aperçut M. Carlin sortant de sa cabine l'air perdu et perplexe. Il cherche sa femme. M. Carlin avait refusé une tasse de café que des amis leur proposaient à sa femme et lui. Si elle voulait profiter de la soirée encore un peu, lui, fatigué, avait imposé qu'ils aillent se coucher. Elle lisait dans le lit de leur belle cabine, lampe de chevet allumée. Il allait la rejoindre lorsque le choc survint. Reprenant ses esprits, il ne vit face à lui qu'un trou béant au-delà duquel s'étendait l'océan et la brume. Plus de lit, plus de table de chevet. Au pont du dessous, le pont du vestibule, dans l'appartement de Lux 180, était la famille Thierot. Leur fils Peter, âgé de 13 ans, logeait dans une cabine située à côté, au bout d'une petite coursive. Il fut réveillé par le choc. Les yeux encore collés par le sommeil, il sort de sa cabine, jette un coup d'œil dans la coursive et ne voit rien. Personne. Il retourne se coucher et se rendort tout de suite. Il n'a pas vu pourtant que la coursive est déformée. Il ne peut même plus se rendre à la porte de la cabine de ses parents. Qu'un peu plus loin, sur sa gauche, c'est le vestibule d'entrée où toutes les vitrines ont volé en éclats et que du verre parsème le sol. Pire, il ne sait pas que ce choc vient de faire de lui un orphelin. Ses deux parents sont morts, écrasés sur le cou. Dans le salon du belvédère, où on dansait encore, les cavaliers tombèrent sur leur cavalier. Les bouteilles et les verres volèrent en éclats. Les musiciens chutèrent de l'estrade. Certains se précipitèrent près des fenêtres pour comprendre ce qu'il venait de se passer, mais ne virent que la brume. Il dit que d'autres partaient à toute hâte vers les cabines pour récupérer leurs enfants endormis. Retrouvons George Crandall, Sylvain Hedler, Christine et Marguerite dans le bar des classes cabines. L'ironie du sort veut que juste avant la collision, ils étaient en train de se dire qu'il ne serait pas dérangé si le voyage devait se prolonger, si un incident ou une avarie se produisait. Le voyage avait été tellement agréable jusqu'ici. Crandall est juste à côté du hublot lorsque le choc se produit. La déchirure s'arrête à quelques mètres seulement du bar. Il voit par le hublot les feux du Stockholm qui longent encore la coque. Son sourire s'efface et il regarde méduser ses trois compagnons. Il se rue dans la coursive attenante qui mène au pont de promenade et immédiatement le paquebot s'incline et il glisse sur le pont. Il constate à ce moment que même le pont est sérieusement endommagé. Comprenant que la situation est grave, il décide de descendre aux cabines pour récupérer les gilets de sauvetage. Marguerite et Christine l'accompagnent pour récupérer leurs affaires. Ils ne sont pas au bout de leur peine. La cabine est la 114, située à un pont plus bas sur Tribord. Celle de Marguerite et Christine se situe juste en face. C'est ce qui avait facilité leur rencontre. Les escaliers et les coursives sont envahis de passagers cherchant à fuir les ponts inférieurs. Ils sont bousculés en tous sens et doivent lutter contre cette foule qui leur hurle que le bateau coule, en plus de lutter contre l'inclinaison du navire qui, d'après Crandall, semble s'accentuer. Calamaille sur la passerelle. constate que la gîte atteint les 22 degrés. Craignant de voir son navire chavirer brusquement, il ordonna immédiatement de préparer les canaux pour l'évacuation, en commençant par ceux situés à bas bord. Puis, il fait allumer tous les projecteurs du Doria pour obtenir le plus de luminosité possible. Enfin, il fait mettre en marche la sirène qui annonce à qui peut les entendre que le navire est hors de contrôle. Un de ces lieutenants qui n'était pas de quart au moment de la collision arrive sur la passerelle en pyjama et pantoufles et lui annonce la nouvelle à laquelle Calamaille s'attendait. Il est impossible de descendre les canaux de bas bord. La gîte est trop importante et ils ne descendent pas malgré tous les efforts des hommes d'équipage. Il ne peut donc compter que sur les huit situés à tribord, mais ceux-là, chargés au maximum, ne pourront emporter que 1 400 personnes et pas une de plus. Or, 1 706 âmes sont présentes à bord. Il demande alors de faire appeler les passagers à rejoindre les lieux de rassemblement, mais sans donner l'alarme. Il veut à tout prix éviter les mouvements de panique et la ruée vers les canaux. Une idée germe rapidement dans la tête de Calamai. 16 ans plus tôt, alors qu'il était officier d'un croiseur de la marine italienne, ils avaient été torpillés et le capitaine avait réussi à faire échouer son navire sur une plage, ce qui avait permis de sauver beaucoup de vies. Il sait qu'à environ 22 000 marins, soit 40 km au nord de leur position, il y a le banc de sable de Davis-Scholl. La profondeur ne dépasse pas les 6 mètres. S'il parvient à l'atteindre, le Doria pourra s'y échouer et même être renfloué à moindre frais. Il téléphone alors au chef mécanicien pour savoir si les machines sont en état de fonctionner. Calamaille saisit la poignée de son transmetteur d'ordre et fait passer l'aiguille sur en avant, lente La machine répondit comme il le fallait. L'Andrea Doria frémit et vibre à nouveau sous l'action des turbines. Pendant un court instant, le palais italien reprend vie. Puis, il tremble et vacille. Calamaille fit revenir le transmetteur sur stop Il fit relever leur position. Et demanda qu'on envoie le message de SOS à la radio. SOS de ICEH. Identifiant de l'Andréa Dorian. SOS MI 0320 GMT. Latitude 40.30 nord. Longitude 69.53 ouest. Demande d'aide immédiate. Retournons sur le Stockholm, qui est à présent lui aussi dans la brume. Juste après l'impact, Nordenson fait irruption sur la passerelle et demande ce qu'il s'est passé et pourquoi on ne l'a pas appelé. Carstens est en état de choc. Il lui décrit les événements, il ne cesse de répéter. Mais pourquoi a-t-il tourné ainsi ? Nordenson est d'un grand sang-froid. Les cloisons étanches sont-elles descendues ? Faites stopper les machines, tout de suite. Puis, il envoie faire vérifier les ponts inférieurs du navire et fait contrôler les portes étanches. Depuis la passerelle, la vision est terrifiante. La proue et le gaillard avant, là où se trouvent les chaînes, ne sont qu'un amas de métal et de tôles tordues difficilement identifiables. On contrôle l'inclinaison du navire qui penche légèrement sur l'avant. Le commandant fait activer les pompes. Dans les coursives, les cloisons et les tôles à l'avant sont repliées tel un accordéon et de l'eau coule à flot. Ce n'est pas de l'eau de mer, fort heureusement, c'est de l'eau douce qui s'écoule des canalisations rompues ou déformées lors du choc. Nordenson fait appeler tous les passagers à se regrouper aux différents points de réunion du navire avec leur gilet de sauvetage en attente d'instruction. Il fait vérifier toutes les cabines afin que les hublots soient bien fermés. Malgré la surprise, il n'y eut à bord aucun mouvement de panique. La secousse fut à peine ressentie. En fait, les dégâts étaient limités au quartier de l'équipage situé à l'avant. Trois marins dans leur cabine furent tués immédiatement. Deux de leurs corps tombèrent à la mer lorsque les puits des chaînes rompirent, entraînant dans leur chute les restes de la cabine. Deux autres succombèrent à leurs blessures après avoir été désincarcérés des cabines écrasées. Le compte-rendu des dégâts fait apparaître qu'un compartiment étanche est inondé, mais que la cloison de l'autre est bien étanche et qu'elle résistera à la pression. Afin de faire redresser son navire, Nordenson fait vider les réserves d'eau douce. Comme l'eau a été coupée afin d'arrêter les fuites, Ils n'en ont plus besoin. Un marin espagnol du Stockholm doit son salut à une situation cocasse. Juste avant l'abordage, il fut pris du mal de mer. Il décida alors de sortir prendre l'air sur le pont avant. Il était dans l'escalier qui menait à celui-ci lorsque le choc se produisit. Se précipitant à l'extérieur, il se trouve face au spectacle de la proue écrasée et vit disparaître l'Andrea Doria. Au milieu de tout ça, il entendit les cris d'une fillette dans l'amas de décombre. Il s'avança prudemment, à quatre pattes, et découvrit une jeune fille recroquevillée dans un pyjama déchiré. Elle écarquilla les yeux en voyant l'homme, tout aussi surpris qu'elle. Donde est ta maman ? Ta maman est à bord du bateau ? Oui, maman est avec moi. Ne t'inquiète pas, on va retrouver ta maman. Comment tu t'appelles ? Je m'appelle Linda Morgan. Et ta maman ? Ma maman est déjà une sienne phare. La situation, en fait, est atrocement miraculeuse et formidable. Linda, lors du choc, a été projetée hors de son lit et a, on ne sait comment, atterri sans grave blessure par-dessus le brise-lame du Stockholm. Elle ne souffre que d'un bras cassé. C'est invraisemblablement miraculeux. Malheureusement, sa sœur Johanne n'a pas eu la même chance et fut écrasée dans son lit par l'étrave du paquebot. La pauvre. n'a probablement pas souffert tant le choc fut brutal et soudain. Avec un autre matelot, il parvient à sortir Linda des décombres. Elle ne cesse de réclamer sa maman. L'homme espagnol, Bernabé Polanco Garcia, qui sera appelé l'homme de Cadix, ville dont il était originaire, a aperçu un peu plus loin le cadavre dénudé d'une femme. Il soupçonne que ce soit sa maman, mais il ne dit rien. Il lui promet de la retrouver pendant qu'il la conduit à l'abri. Pour le moment, il pense que Linda et sa mère sont des passagères du Stockholm qui se seraient faufilés dans les espaces de l'équipage. Il tente de partir récupérer le cadavre aperçu avant que celui-ci ne tombe à la mer. L'équilibre est précaire. Il rampe tout doucement et tente de se saisir du bras qui se détache du corps. C'est effroyable. Il reprend son courage et essaye de se saisir des cheveux qui lui restent dans la main. Et dans un dernier effort de récupération, le corps bascule à la mer. Linda est conduite au commissaire de bord qui vérifie la liste des passagers et ne trouve rien au nom de Morgane ni Tianfara. Linda regarde autour d'elle et réalise qu'elle ne reconnaît pas le navire. Alors, elle dit J'étais à bord de Andrea Doria. C'est bien Andrea Doria, n'est-ce pas ? Tous comprennent alors que c'est une passagère de l'autre paquebot qu'ils ont abordé. Au même moment, dans la salle radio parvient le message de SES du Doria. Ils ont enfin identifié le navire qu'ils viennent de parcuter et qui réclament une assistance immédiate, mais sans dire qu'il coule. Nordensen refuse dans un premier temps d'envoyer les chaloupes tant qu'il n'est pas sûr que son paquebot ne va pas sombrer lui aussi. Mais il accepte néanmoins de recevoir les canaux que le Doria parviendra à faire descendre. Puis, face à l'insistance de l'opérateur radio du Doria qui lui précise qu'il craigne de chavirer, il fait envoyer quelques chaloupes et fait préparer la salle à manger et les salons à recevoir des naufragés du Doria. Le SOS est relayé tel une traînée de poudre. Bientôt, deux cargos se déroutent pour leur venir en aide. Problème, ils ne disposent pas de suffisamment de chaloupes. Dans les locaux du New York Times, certains se réjouissent en sachant qu'à bord se trouve l'un de leurs collaborateurs. Ils ont hâte de recueillir les propos de Camille Tchianfara. Plus tard, dans la journée du lendemain, ils vivront un ascenseur émotionnel terrible en apprenant que ni lui, ni sa fille n'ont survécu à l'abordage. La nouvelle arrive également aux oreilles de Edward Morgan, le père de Linda, qui devra bien sûr animer la radio sans savoir pour le moment si sa fille est saine et sauve. A 23h30, à quelques mille marins de là, le message de détresse est capté par l'opérateur radio d'Île-de-France, qui fonce lui aussi dans le brouillard. L'opérateur vient trouver le commandant Raoul de Baudéan, personnage haut en couleur, qui assure le commandement d'Île-de-France. C'est un homme charmant, original, que les passagers sont parfois surpris de croiser portant son monocle à l'œil. Il ne le sait pas encore, mais cette nuit va transformer sa carrière et faire de lui un héros, le faisant entrer dans l'histoire. Recevant ce message, qui demeure tout de même assez vague, il observe un temps de réflexion. Faire demi-tour n'est pas sans conséquences. Île-de-France est un vieux paquebot qui consomme beaucoup de mazout. D'autres paquebots dans la zone se détournent également vers les lieux du sinistre. Quelle justification donnerait-il à ses armateurs si en arrivant sur place, on n'avait plus besoin de l'aide de son paquebot ? Quelles excuses donnerait-il à ses passagers pour cet énorme retard ? Certains ont un horaire à tenir. En 1929, la Conférence internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer prescrit à tout navire entendant un SOS de se diriger vers le point d'accident. Cela fait suite aux défaillances relevées après le dramatique naufrage du Titanic. Toutefois, en 1948, on avait un peu adouci cette règle et les capitaines étaient libres, ou non, de répondre à cet appel s'ils savaient que d'autres navires se déroutaient également. Le message reçu est un message relayé par d'autres paquebots. Il n'a pas été capté directement du Doria. Le commandant demande alors à son opérateur de demander à Andréa Doria s'ils ont besoin d'aide. Leur message n'est pas clair, rien n'indique qu'il coule. Immédiatement, le Doria réitère son message. Aie besoin d'aide immédiate Mais ce message, Île-de-France ne le recevra jamais. Avec l'inclinaison du Doria, la portée de son antenne est de plus en plus faible. Île-de-France ne reçoit que les autres messages que les navires dans le secteur se relaient. Il devient vite évident pour le commandant de Baudéant que Andrea Doria cherche à évacuer ses passagers et qu'il aura besoin du plus de canaux possible. À compter de ce moment, il n'a plus aucune hésitation. Il fait immédiatement faire demi-tour à ce vétéran de l'océan qu'est Île-de-France et fait envoyer le message suivant. Un autre message lui est relayé d'un navire ayant posé la même question au Doria quelques minutes auparavant. Il fait alors débâcher tous les canaux, fait rallumer les fourneaux d'Ile-de-France pour préparer des potages. Le médecin prépare son infirmerie à recevoir des blessés. En fait, les dispositions sont les mêmes que lorsque Carpaccia est venu en aide à Titanic. Deau Baudéan pousse la puissance de l'île de France qui atteint vite 22 nœuds. Il fonce dans un brouillard épais et fume cigarette sur cigarette sur la passerelle de son paquebot, faisant des allées et venues entre les ailes de la passerelle et son radar. Dans sa main, il égrène les perles de son chapelet. C'est un homme de grande foi. Son inquiétude est immense et elle est justifiée. Le danger est encore plus grand que d'habitude. Ils sont beaucoup de navires à converger à l'aveugle vers le même point, lui-même invisible dans cette purée de poids. Le risque de sur-accident n'a jamais été aussi grand qu'en cette nuit du 25 juillet 1956. Sur les ponts du Doria, l'évacuation chaotique a commencé sans avoir été annoncée dans les haut-parleurs. Avec la gîte, les canaux ne pouvaient être chargés depuis le pont des embarcations. Ils sont donc descendus à l'eau et les hommes d'équipage y prennent place en se laissant glisser depuis les garants. Les officiers leur demandent ensuite de s'approcher du paquebot pour venir recueillir les passagers massés sur les ponts inférieurs. à Tribord. Mais c'est un autre tableau qui va se jouer. Beaucoup d'hommes de l'équipage montent à bord et s'éloignent en direction du Stockholm. Plus haut, nous retrouvons M. Peterson, vêtu de son rideau, qui arrive dans un espace commun et tombe sur le médecin auprès de qui il vient réclamer de la morphine. Le médecin est assez surpris de la demande de ce monsieur vêtu de la sorte. Voyant ce regard méfiant, Peterson lui explique la situation. Ce n'est pas pour lui, mais pour sa femme et une autre femme coincée sous les décombres. Il est chiropracticien et pourra réaliser lui-même l'injection. Il parvient en même temps à trouver de l'aide pour mener à bien le sauvetage. Il ne lui manque qu'un vérin. Revenu dans ce qui était auparavant sa cabine, il rampe sous les décombres et parvient à injecter la morphine à Madame Tianfara et à son épouse. À présent aidé, il reprend sa tâche. A l'aide d'une hache, les restes de cloison sont abattus, découpés, évacués. On se débat avec un matelas à ressorts éventré dans lequel est prise Madame Tchian Farah qui, de son côté, ne cesse de répéter qu'ils feraient tous bien de la laisser et de se sauver eux-mêmes. C'est moi, enfant. Sauvez-vous. Je suis pichu. La gîte dépasse les 20 degrés. Imaginez, c'est très compliqué de se maintenir debout et à tout moment, le Doria peut chavirer. De leur côté, George Crandall, Sylvain Headler, Christine et Marguerite attendent au point de regroupement. Aucun ordre ne leur parvient. On ne leur dit rien. Des rumeurs circulent. Une explosion de chaudière. On a heurté une épave. Il y a eu un abordage. Crandall décide de monter voir le commandant. Arrivé à proximité de la passerelle, il est bloqué par des officiers à qui il pose évidemment des questions. Lui-même sachant très bien qu'il y avait eu un abordage. Calamay entend la scène et dit alors. Dites à ce monsieur ce qu'il veut savoir. Mais les explications restèrent vagues. Il faut évacuer le Doria, mais celui-ci ne va pas couler. De retour auprès de ses amis, il se dirige donc à tribord sur les ponts extérieurs et constate qu'effectivement, certains descendent dans les embarcations dans les désordres le plus complet. On cède de Garand, de filets à bagages, d'autres sautent à l'eau. Crandell et Adler descendent dans le canot. Marguerite et Christine sont aidées par les membres d'équipage. Plus tard... Arrivé à bord du Stockholm, ils sont guidés vers la salle à manger. Et là, surprise ! Eux qui pensaient être parmi les premiers évacués constatent que la salle est déjà bien remplie. Mais surtout, ils voient que ce sont presque que des membres du personnel d'Andrea Doria qui sont en train de parler entre eux en profitant du buffet mis à disposition des naufragés. Krendel retrouve même son garçon de cabine, surpris de le trouver lui aussi. Sans gêne, il leur explique même qu'ils sont à bord du Stockholm depuis minuit et demi. Les marins du Stockholm étaient furieux de voir le personnel du Doria abandonner leur paquebot et les passagers. Ça va contre la tradition et l'honneur des marins. Mais ce ne sont quasiment que des vestes blanches, autrement dit du personnel hôtelier. Ces gens-là ne sont pas des marins de profession, mais du personnel employé par la compagnie pour servir au restaurant ou dans les cabines. Il en va et vient constamment. Peu après, les premiers canaux du Stockholm arrivent auprès du Doria. Depuis l'embarcation, les hommes demandent qu'on leur jette une échelle. Un homme se penche, attrape un garant et se laisse descendre dans la chaloupe. C'est un maître d'hôtel du Doria. Il s'assoit, met la tête entre ses mains et pleure. Puis, des dizaines de personnes emboîtent le pas, se jettent à l'eau. Il en arrive de partout. Les enfants sont jetés à la mer. On hisse tant qu'on peut les personnes à bord dans le désordre le plus total. Soudain, un autre enfant est jeté par-dessus bord. La pauvre petite atterrit dans l'embarcation dans un grand fracas. Sa tête a probablement heurté le bord du canot. Elle va mal et souffre de plusieurs fractures. Elle est enveloppée dans une couverture par une dame. Les matelots supposent qu'elle est sa mère. Ils ne se comprennent pas entre suédois et italiens. Personne ne fait la traduction. La chaloupe est pleine et ils se mettent en chemin vers le Stockholm. Les parents de la petite sont en fait toujours à bord. Et elle ne survivra pas. Cette fillette s'appelait Norma Dissandro. Elle mourra de ses blessures à l'hôpital après y avoir été héliportée depuis le Stockholm. La panique a essentiellement lieu parmi les passagers de la classe touriste, évidemment. Eux ont subi le choc plus violemment, et surtout, ils ont vu l'eau envahir leur coursive. Au-dessus, en classe cabine et première classe, tout le monde est relativement calme, et se posait la question de savoir ce qu'il se passait. Ils étaient là, et attendaient calmement qu'on leur dise quoi faire. Calamai, constatant que son navire ne sombre finalement pas aussi vite qu'il le pensait au début, décide de prendre contact avec Nantucket et leur demande de faire venir des remorqueurs. Il a encore l'espoir de préserver le Doria. Il obtient une réponse positive qui lui en sera envoyé un. Enfin, à 2h du matin, la silhouette massive et toute illuminée de l'île de France vient d'apparaître. La brume est moins dense et le commandant de Baudéan a soigné son entrée. Les lettres Ile-de-France sont allumées sur le sun deck, ainsi que les projecteurs éclairant les deux cheminées rouges et noires toutes fumantes. Sur place, il se faufile entre le Thomas, le Cap-Anne et le Stockholm afin de venir se placer au plus près du Doria, en parallèle, afin que les embarcations aient le moins de distance à parcourir. Tel une star entrant en scène, le Cap-Anne braque son projecteur sur lui. 11 canaux sont alors mis à la mer, dont une vedette motorisée. Le Doria est là, incliné sur tribord, tel un boxeur dans les cordes. Toujours magnifique, scintillant encore de toutes ses lumières. À présent, l'évacuation se déroule beaucoup plus rapidement et de manière plus ordonnée. Toutes les embarcations amènent les naufragés à bord d'Île-de-France, où ils sont accueillis avec une couverture, placée sur les épaules, puis dirigée vers la salle à manger ou l'infirmerie. Le commandant avait fait préparer les cabines libres afin d'accueillir les personnes âgées ou mal en point. D'autres passagers réveillés ou tenus éveillés par le tintamarre laissaient de bon cœur leur cabine. C'est un spectacle poignant, terrifiant. Aucun des passagers d'Île-de-France ayant observé cette scène depuis les ponts n'oubliera cette nuit.

Chapters

  • l'impact

    00:00

  • Sur la passerelle du Doria après l'impact

    02:59

  • Dégats en Classe touriste

    04:48

  • Dégâts en première classe

    06:25

  • Dégâts en classe cabine

    11:45

  • Tentative de remise en marche

    13:10

  • A bord du Stockholm après l'impact

    15:50

  • Linda Morgan

    17:53

  • Ile de France

    22:08

  • Evacuation chaotique et sauvetage désespéré

    25:37

Description

Dans la nuit du 25 au 26 Juillet 1956, alors qu'il arrive au terme de son voyage. ⛴️Andrea Doria, joyaux de l'Italian Line 🇮🇹 entre en collision avec le Stockholm dans le légendaire brouillard de Nantucket.

Dans cette deuxième partie, nous découvrons la panique à bord ou personne ne comprend ce qu'il vient de se produire. Certains s'enfuient, d'autres se noient ou sont prisonniers dans les décombres de leur cabine. Le commandant craint que son paquebot chavire d'un instant à l'autre.

A quelques miles marins de là, "Ile de France" fait demi tour et file pleine vapeur vers les lieux du sinistre.


Pour une meilleure immersion, il est recommandé d'écouter cet épisode au casque. 🎧


Illustration:

Sons: 


Musiques:


  • Black Mass - Brian Bolger

  • Twin Lynches - Density&Time

  • Invisible Piano - Calvin Clavier



Avec les voix de:


Commandant Calamai: Arnaud Casella

Officier Carstens: Clément Lalloz

Commandant Nordenson: François Devoir

Jane Cianfarra: Tiffany Touzé

Camille Cianfarra: Arthur Kuntz

Lieutenant Giannini: Remi Rebuzzi

Lieutenant Franchini: Julien Garnier

Linda Morgan: Jessica Lebbe

Bernabe Polanco: Julien Kolten


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Le naufrage d'Andrea Doria, partie 2. Dans la salle à manger de la classe touriste, un film est projeté. Fox Fire, avec Jane Russell. Sur les tables, les briquets se mettent à glisser et tomber. On sent un mouvement. C'est le paquebot qui vire brutalement sur bas bord. Puis soudain, un choc formidable jette tout le monde au sol. Pendant un instant, les lumières vacillent, le film s'arrête, le temps se fige. Personne ne comprend ce qu'il vient de se passer, mais en à peine quelques secondes, tous se relèvent et se ruent vers les sorties et les points d'évacuation sans avoir une seule idée du drame qui vient d'arriver. Le Stockholm a percé les flancs de l'Andrea Doria comme une lame de couteau juste sous la passerelle, à tribord. Avec la vitesse des deux paquebots, la proue s'est enfoncée sur environ 9 mètres et a lacéré la coque du Doria sur 12 mètres de long dans une grande gerbe d'étincelle, détruisant toutes les cabines sur sept ponts. Presque jusqu'à la quille. Les dégâts sont énormes. L'eau s'engouffre à grand flot dans les flancs, les cabines de 3e classe sont immédiatement inondées. Certains n'ont même pas le temps de réaliser ce qu'il se passe qu'ils sont déjà noyés. C'est en 3e classe qu'il y aura le plus de victimes. Immédiatement, Andrea Doria prend de la bande, c'est-à-dire qu'il gîte, il s'incline sur tribord. Calamaille se précipite sur l'aile extérieure. Se penchant au bastingage, il voit disparaître le Stockholm. Dans son sillon, des débris de meubles, de boiseries, du tissu flotte à la surface. Jetant un coup d'œil au flanc de son navire, Calamai ne voit qu'un immense trou béant, encore plus noir que la peinture de sa coque. Les portes étanches ! Assurez-vous qu'elles soient fermées ! dit-il en revenant sur la passerelle. Il va à son transmetteur et passe l'aiguille de en avant toute à stop Mais dans la chaufferie, ayant subi le choc qu'il a projeté au sol, le chef mécanicien avait déjà stoppé les machines en se relevant. Calamai tremble comme une feuille. Il vit un cauchemar. Frankini demande de noter l'heure. Notez l'heure de l'abordage ! Giannini regarde l'horloge de la passerelle. 23h10. Quelle est la bande ? hurle Calamai en constatant que le Doria ne s'était pas redressé. Giannini regarde l'indicateur. 18 degrés. Non, 19. Attends, attendez, 20 ! C'est le second choc pour Calamaille, rien ne va plus. Le Doria avait été conçu pour être capable de prendre une gîte de 20 degrés maximum. Passé ce point, le Doria pouvait chavirer à tout moment. En pénétrant la coque du Doria, le Stockholm a éventré les réservoirs de carburant vides côté tribord, déséquilibrant immédiatement le navire, puisque côté bâbord, ils sont vides aussi. Mais les ballastes n'avaient pas été remplis, souvenez-vous. Avec cette bande importante, l'eau va donc submerger le pont A, passant au-dessus des cloisons étanches. Calamaille le sait, l'Andréa Doria va sombrer en chavirant d'un moment à l'autre. L'eau qui pénètre dans les ponts inférieurs du Doria est mélangée au reste de mazout des réservoirs éventrés, mais également à de l'huile qui s'échappe des machines tribord ébranlées lors du choc. Ceux qui ne sont pas noyés ou bloqués dans leur cabine entreprennent donc une remontée chaotique. Il est presque impossible de tenir debout. Le sol glisse comme une patinoire alors qu'il est déjà fortement incliné. On ne parvient pas à gravir les marges des escaliers. Chaque pas demande beaucoup de concentration. Certains mettront près de deux heures à atteindre le pont des embarcations. On parle ici de plus de 600 personnes nues ou en tenue de nuit. Ajoutez à cela les autres passagers qui cherchent à descendre, chercher leurs proches ou leurs effets personnels. Tout le monde se bouscule dans une panique grandissante, suspendue entre la vie Et la mort. L'eau gagne presque le local des 5 dynamos qui alimentent le paquebot en électricité. Aussi surprenant que cela puisse paraître, aucune cloison étanche ne vient le protéger. Les mécaniciens restèrent tous à leur poste pour sauver le navire et activèrent les pompes pour ralentir la montée de l'eau. Ils pensèrent presque immédiatement à remplir les ballastes côté bas-bord, afin de redresser le navire. Malheureusement, les pompes permettant de le faire étaient situées au bout d'un tunnel déjà inondé. La salle des machines, pour le moment, reste sèche, mais il est très dur d'y tenir debout avec la gîte du Doria. Cette salle des machines est située sur le pont le plus bas, le pont C. A l'avant de ce pont se trouvent les cabines de classe touriste les plus petites et les moins chères, occupées principalement par des migrants italiens. L'étrave du Stockholm y causa de grands ravages. Sur les 13 cabines présentes dans cet espace, 11 furent immédiatement détruites ou noyées, tuant instantanément... 26 personnes. Plus haut dans la coursive, à quelques mètres du point d'impact, dans la cabine 664, se trouvent deux migrants. Antonio Ponzi, 14 ans, qui partait rejoindre sa mère aux Etats-Unis, et un autre Antonio, Lombardi. Les deux ne se connaissaient pas. Ils partageaient simplement la même cabine. Le choc ébranla la cabine dont le plafond s'effondra sur la couchette supérieure, occupée par le jeune Antonio, qui s'y trouva coincé. La cloison s'était affaissée et l'eau entrait à grand flot dans l'espace confiné de la cabine. Antonio, bloqué et terrorisé, entendit son voisin de couchette se débattre contre la porte de l'eau jusqu'au genou. Il l'appela de toutes ses forces. L'autre vint sans réfléchir une seconde sortir le jeune homme de sa couchette en le tirant à lui de toutes ses forces. L'instant d'après, il reprenait sa lutte contre la porte qui, de toute évidence, ne s'ouvrirait pas. Tout était déformé. Un morceau de pique métallique tomba. Il s'en saisit avec la force et l'énergie du désespoir et s'en servit comme d'un bélier contre la porte qui finit par voler en morceaux in extremis. Ce sont les seuls survivants de cette section du Dorian. En regardant les coursives, encore épargnées par l'eau et remontant de niveau en niveau, ils assistèrent sur leur passage à de terribles mouvements de panique. Les passagers partaient en toute direction, fuyant le ventre du Doria ou au contraire, retournant chercher leurs proches. Certains s'arrachaient les gilets de sauvetage que d'autres portaient. Des enfants terrorisés hurlaient en cherchant leurs parents. C'est un spectacle saisissant qu'on ne souhaiterait jamais voir. Dans les ponts supérieurs, là aussi les dégâts sont importants. L'eau entra dès les premiers instants dans le garage à voiture situé au point d'impact. Dès lors, notre fameuse Chrysler fut tout de suite perdue. Dans la cabine 80 du pont supérieur dormait le maire de Philadelphia, Richardson Dilworth, et son épouse, ils furent tous deux projetés au sol. Celle-ci, reprenant ses esprits, tenait toujours à la main son livre A Night to Remember célèbre récit du naufrage du Titanic. Elle dit alors à son mari Mon Dieu, je crois que nous avons heurté un iceberg, comme le Titanic ! Mais Edilworth a servi dans la marine. Il connaît l'océan. Il répond alors calmement Mais non, Anne, il n'y a pas d'iceberg au large des côtes du Massachusetts. C'est autre chose. Mais quoi ? Eux deux s'en sortent sans trop de mal. Mais dans les cabines avant, comme la 60, le plafond s'est effondré sur les occupants qui sortent dans les coursives en rampant. Et plus on s'approche du point d'impact, pire c'est. Le trou béant, aperçu par Calamai, s'étend de la cabine 46 à 56. C'est énorme. Madame Tchianfara, dans les décombres de la 54, reprend ses esprits dans une douleur immense. Elle ne peut pas bouger. Pas très loin, elle entend les gémissements de son mari. Puis, plus rien. Elle comprend qu'il vient de mourir. Où sont ses filles ? Comment vont-elles ? Elle ne le sait pas. Elle ne sait même pas ce qu'il vient de se produire. À proximité d'elle, elle entend d'autres voix. Elle se trouve en fait à présent dans la cabine voisine, la 56, occupée par le couple Peterson, ou du moins ce qu'il en reste. Tout s'est effondré ou est parti à la mer. Monsieur Peterson est le seul survivant à avoir aperçu une masse passer devant ses yeux au moment de la collision. C'était l'étrave du Stockholm qui le projeta dans les airs, dans un nuage de fumée et d'étincelles, et le fit brutalement atterrir sur le sol. Il perdit brièvement connaissance. Reprenant ses esprits, il parvient à ramper sous les décombres et à sortir dans la coursive envahie de monde et plonger dans une épaisse fumée provoquée par le frottement des tôles des deux navires. Une poussière grise est mélangée à la fumée et retombe sur le sol et les décombres. C'est l'isolant inifugié, l'amiante, qui se trouve entre la coque et le revêtement en lambris des cloisons des cabines. S'il n'avait pas été là, le Doria aurait probablement pu prendre feu lors du frottement des tôles. Peterson ne sait pas où est sa femme. Il comprend que s'il veut la trouver, il doit à présent passer par la cabine 58 où la cloison est partiellement arrachée. Il se glisse sous les décombres où il aperçoit Madame Tianfara. Il mit tout en œuvre pour soulever la montagne de débris qui couvrait les deux femmes. Mais sa force et sa détermination seules ne suffisent pas. Résignée, elle lui demande de les abandonner, de se sauver. Laissez-moi sauver votre vie comme vous le pouvez. Mais Peterson est un sacré personnage et il n'abandonnera pas aussi facilement. Il leur promit de revenir avec de l'aide. Peterson était nu. Il trouva un rideau dans lequel il s'enveloppa et partit en quête de secours. Un peu en avant dans la coursive, il aperçut M. Carlin sortant de sa cabine l'air perdu et perplexe. Il cherche sa femme. M. Carlin avait refusé une tasse de café que des amis leur proposaient à sa femme et lui. Si elle voulait profiter de la soirée encore un peu, lui, fatigué, avait imposé qu'ils aillent se coucher. Elle lisait dans le lit de leur belle cabine, lampe de chevet allumée. Il allait la rejoindre lorsque le choc survint. Reprenant ses esprits, il ne vit face à lui qu'un trou béant au-delà duquel s'étendait l'océan et la brume. Plus de lit, plus de table de chevet. Au pont du dessous, le pont du vestibule, dans l'appartement de Lux 180, était la famille Thierot. Leur fils Peter, âgé de 13 ans, logeait dans une cabine située à côté, au bout d'une petite coursive. Il fut réveillé par le choc. Les yeux encore collés par le sommeil, il sort de sa cabine, jette un coup d'œil dans la coursive et ne voit rien. Personne. Il retourne se coucher et se rendort tout de suite. Il n'a pas vu pourtant que la coursive est déformée. Il ne peut même plus se rendre à la porte de la cabine de ses parents. Qu'un peu plus loin, sur sa gauche, c'est le vestibule d'entrée où toutes les vitrines ont volé en éclats et que du verre parsème le sol. Pire, il ne sait pas que ce choc vient de faire de lui un orphelin. Ses deux parents sont morts, écrasés sur le cou. Dans le salon du belvédère, où on dansait encore, les cavaliers tombèrent sur leur cavalier. Les bouteilles et les verres volèrent en éclats. Les musiciens chutèrent de l'estrade. Certains se précipitèrent près des fenêtres pour comprendre ce qu'il venait de se passer, mais ne virent que la brume. Il dit que d'autres partaient à toute hâte vers les cabines pour récupérer leurs enfants endormis. Retrouvons George Crandall, Sylvain Hedler, Christine et Marguerite dans le bar des classes cabines. L'ironie du sort veut que juste avant la collision, ils étaient en train de se dire qu'il ne serait pas dérangé si le voyage devait se prolonger, si un incident ou une avarie se produisait. Le voyage avait été tellement agréable jusqu'ici. Crandall est juste à côté du hublot lorsque le choc se produit. La déchirure s'arrête à quelques mètres seulement du bar. Il voit par le hublot les feux du Stockholm qui longent encore la coque. Son sourire s'efface et il regarde méduser ses trois compagnons. Il se rue dans la coursive attenante qui mène au pont de promenade et immédiatement le paquebot s'incline et il glisse sur le pont. Il constate à ce moment que même le pont est sérieusement endommagé. Comprenant que la situation est grave, il décide de descendre aux cabines pour récupérer les gilets de sauvetage. Marguerite et Christine l'accompagnent pour récupérer leurs affaires. Ils ne sont pas au bout de leur peine. La cabine est la 114, située à un pont plus bas sur Tribord. Celle de Marguerite et Christine se situe juste en face. C'est ce qui avait facilité leur rencontre. Les escaliers et les coursives sont envahis de passagers cherchant à fuir les ponts inférieurs. Ils sont bousculés en tous sens et doivent lutter contre cette foule qui leur hurle que le bateau coule, en plus de lutter contre l'inclinaison du navire qui, d'après Crandall, semble s'accentuer. Calamaille sur la passerelle. constate que la gîte atteint les 22 degrés. Craignant de voir son navire chavirer brusquement, il ordonna immédiatement de préparer les canaux pour l'évacuation, en commençant par ceux situés à bas bord. Puis, il fait allumer tous les projecteurs du Doria pour obtenir le plus de luminosité possible. Enfin, il fait mettre en marche la sirène qui annonce à qui peut les entendre que le navire est hors de contrôle. Un de ces lieutenants qui n'était pas de quart au moment de la collision arrive sur la passerelle en pyjama et pantoufles et lui annonce la nouvelle à laquelle Calamaille s'attendait. Il est impossible de descendre les canaux de bas bord. La gîte est trop importante et ils ne descendent pas malgré tous les efforts des hommes d'équipage. Il ne peut donc compter que sur les huit situés à tribord, mais ceux-là, chargés au maximum, ne pourront emporter que 1 400 personnes et pas une de plus. Or, 1 706 âmes sont présentes à bord. Il demande alors de faire appeler les passagers à rejoindre les lieux de rassemblement, mais sans donner l'alarme. Il veut à tout prix éviter les mouvements de panique et la ruée vers les canaux. Une idée germe rapidement dans la tête de Calamai. 16 ans plus tôt, alors qu'il était officier d'un croiseur de la marine italienne, ils avaient été torpillés et le capitaine avait réussi à faire échouer son navire sur une plage, ce qui avait permis de sauver beaucoup de vies. Il sait qu'à environ 22 000 marins, soit 40 km au nord de leur position, il y a le banc de sable de Davis-Scholl. La profondeur ne dépasse pas les 6 mètres. S'il parvient à l'atteindre, le Doria pourra s'y échouer et même être renfloué à moindre frais. Il téléphone alors au chef mécanicien pour savoir si les machines sont en état de fonctionner. Calamaille saisit la poignée de son transmetteur d'ordre et fait passer l'aiguille sur en avant, lente La machine répondit comme il le fallait. L'Andrea Doria frémit et vibre à nouveau sous l'action des turbines. Pendant un court instant, le palais italien reprend vie. Puis, il tremble et vacille. Calamaille fit revenir le transmetteur sur stop Il fit relever leur position. Et demanda qu'on envoie le message de SOS à la radio. SOS de ICEH. Identifiant de l'Andréa Dorian. SOS MI 0320 GMT. Latitude 40.30 nord. Longitude 69.53 ouest. Demande d'aide immédiate. Retournons sur le Stockholm, qui est à présent lui aussi dans la brume. Juste après l'impact, Nordenson fait irruption sur la passerelle et demande ce qu'il s'est passé et pourquoi on ne l'a pas appelé. Carstens est en état de choc. Il lui décrit les événements, il ne cesse de répéter. Mais pourquoi a-t-il tourné ainsi ? Nordenson est d'un grand sang-froid. Les cloisons étanches sont-elles descendues ? Faites stopper les machines, tout de suite. Puis, il envoie faire vérifier les ponts inférieurs du navire et fait contrôler les portes étanches. Depuis la passerelle, la vision est terrifiante. La proue et le gaillard avant, là où se trouvent les chaînes, ne sont qu'un amas de métal et de tôles tordues difficilement identifiables. On contrôle l'inclinaison du navire qui penche légèrement sur l'avant. Le commandant fait activer les pompes. Dans les coursives, les cloisons et les tôles à l'avant sont repliées tel un accordéon et de l'eau coule à flot. Ce n'est pas de l'eau de mer, fort heureusement, c'est de l'eau douce qui s'écoule des canalisations rompues ou déformées lors du choc. Nordenson fait appeler tous les passagers à se regrouper aux différents points de réunion du navire avec leur gilet de sauvetage en attente d'instruction. Il fait vérifier toutes les cabines afin que les hublots soient bien fermés. Malgré la surprise, il n'y eut à bord aucun mouvement de panique. La secousse fut à peine ressentie. En fait, les dégâts étaient limités au quartier de l'équipage situé à l'avant. Trois marins dans leur cabine furent tués immédiatement. Deux de leurs corps tombèrent à la mer lorsque les puits des chaînes rompirent, entraînant dans leur chute les restes de la cabine. Deux autres succombèrent à leurs blessures après avoir été désincarcérés des cabines écrasées. Le compte-rendu des dégâts fait apparaître qu'un compartiment étanche est inondé, mais que la cloison de l'autre est bien étanche et qu'elle résistera à la pression. Afin de faire redresser son navire, Nordenson fait vider les réserves d'eau douce. Comme l'eau a été coupée afin d'arrêter les fuites, Ils n'en ont plus besoin. Un marin espagnol du Stockholm doit son salut à une situation cocasse. Juste avant l'abordage, il fut pris du mal de mer. Il décida alors de sortir prendre l'air sur le pont avant. Il était dans l'escalier qui menait à celui-ci lorsque le choc se produisit. Se précipitant à l'extérieur, il se trouve face au spectacle de la proue écrasée et vit disparaître l'Andrea Doria. Au milieu de tout ça, il entendit les cris d'une fillette dans l'amas de décombre. Il s'avança prudemment, à quatre pattes, et découvrit une jeune fille recroquevillée dans un pyjama déchiré. Elle écarquilla les yeux en voyant l'homme, tout aussi surpris qu'elle. Donde est ta maman ? Ta maman est à bord du bateau ? Oui, maman est avec moi. Ne t'inquiète pas, on va retrouver ta maman. Comment tu t'appelles ? Je m'appelle Linda Morgan. Et ta maman ? Ma maman est déjà une sienne phare. La situation, en fait, est atrocement miraculeuse et formidable. Linda, lors du choc, a été projetée hors de son lit et a, on ne sait comment, atterri sans grave blessure par-dessus le brise-lame du Stockholm. Elle ne souffre que d'un bras cassé. C'est invraisemblablement miraculeux. Malheureusement, sa sœur Johanne n'a pas eu la même chance et fut écrasée dans son lit par l'étrave du paquebot. La pauvre. n'a probablement pas souffert tant le choc fut brutal et soudain. Avec un autre matelot, il parvient à sortir Linda des décombres. Elle ne cesse de réclamer sa maman. L'homme espagnol, Bernabé Polanco Garcia, qui sera appelé l'homme de Cadix, ville dont il était originaire, a aperçu un peu plus loin le cadavre dénudé d'une femme. Il soupçonne que ce soit sa maman, mais il ne dit rien. Il lui promet de la retrouver pendant qu'il la conduit à l'abri. Pour le moment, il pense que Linda et sa mère sont des passagères du Stockholm qui se seraient faufilés dans les espaces de l'équipage. Il tente de partir récupérer le cadavre aperçu avant que celui-ci ne tombe à la mer. L'équilibre est précaire. Il rampe tout doucement et tente de se saisir du bras qui se détache du corps. C'est effroyable. Il reprend son courage et essaye de se saisir des cheveux qui lui restent dans la main. Et dans un dernier effort de récupération, le corps bascule à la mer. Linda est conduite au commissaire de bord qui vérifie la liste des passagers et ne trouve rien au nom de Morgane ni Tianfara. Linda regarde autour d'elle et réalise qu'elle ne reconnaît pas le navire. Alors, elle dit J'étais à bord de Andrea Doria. C'est bien Andrea Doria, n'est-ce pas ? Tous comprennent alors que c'est une passagère de l'autre paquebot qu'ils ont abordé. Au même moment, dans la salle radio parvient le message de SES du Doria. Ils ont enfin identifié le navire qu'ils viennent de parcuter et qui réclament une assistance immédiate, mais sans dire qu'il coule. Nordensen refuse dans un premier temps d'envoyer les chaloupes tant qu'il n'est pas sûr que son paquebot ne va pas sombrer lui aussi. Mais il accepte néanmoins de recevoir les canaux que le Doria parviendra à faire descendre. Puis, face à l'insistance de l'opérateur radio du Doria qui lui précise qu'il craigne de chavirer, il fait envoyer quelques chaloupes et fait préparer la salle à manger et les salons à recevoir des naufragés du Doria. Le SOS est relayé tel une traînée de poudre. Bientôt, deux cargos se déroutent pour leur venir en aide. Problème, ils ne disposent pas de suffisamment de chaloupes. Dans les locaux du New York Times, certains se réjouissent en sachant qu'à bord se trouve l'un de leurs collaborateurs. Ils ont hâte de recueillir les propos de Camille Tchianfara. Plus tard, dans la journée du lendemain, ils vivront un ascenseur émotionnel terrible en apprenant que ni lui, ni sa fille n'ont survécu à l'abordage. La nouvelle arrive également aux oreilles de Edward Morgan, le père de Linda, qui devra bien sûr animer la radio sans savoir pour le moment si sa fille est saine et sauve. A 23h30, à quelques mille marins de là, le message de détresse est capté par l'opérateur radio d'Île-de-France, qui fonce lui aussi dans le brouillard. L'opérateur vient trouver le commandant Raoul de Baudéan, personnage haut en couleur, qui assure le commandement d'Île-de-France. C'est un homme charmant, original, que les passagers sont parfois surpris de croiser portant son monocle à l'œil. Il ne le sait pas encore, mais cette nuit va transformer sa carrière et faire de lui un héros, le faisant entrer dans l'histoire. Recevant ce message, qui demeure tout de même assez vague, il observe un temps de réflexion. Faire demi-tour n'est pas sans conséquences. Île-de-France est un vieux paquebot qui consomme beaucoup de mazout. D'autres paquebots dans la zone se détournent également vers les lieux du sinistre. Quelle justification donnerait-il à ses armateurs si en arrivant sur place, on n'avait plus besoin de l'aide de son paquebot ? Quelles excuses donnerait-il à ses passagers pour cet énorme retard ? Certains ont un horaire à tenir. En 1929, la Conférence internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer prescrit à tout navire entendant un SOS de se diriger vers le point d'accident. Cela fait suite aux défaillances relevées après le dramatique naufrage du Titanic. Toutefois, en 1948, on avait un peu adouci cette règle et les capitaines étaient libres, ou non, de répondre à cet appel s'ils savaient que d'autres navires se déroutaient également. Le message reçu est un message relayé par d'autres paquebots. Il n'a pas été capté directement du Doria. Le commandant demande alors à son opérateur de demander à Andréa Doria s'ils ont besoin d'aide. Leur message n'est pas clair, rien n'indique qu'il coule. Immédiatement, le Doria réitère son message. Aie besoin d'aide immédiate Mais ce message, Île-de-France ne le recevra jamais. Avec l'inclinaison du Doria, la portée de son antenne est de plus en plus faible. Île-de-France ne reçoit que les autres messages que les navires dans le secteur se relaient. Il devient vite évident pour le commandant de Baudéant que Andrea Doria cherche à évacuer ses passagers et qu'il aura besoin du plus de canaux possible. À compter de ce moment, il n'a plus aucune hésitation. Il fait immédiatement faire demi-tour à ce vétéran de l'océan qu'est Île-de-France et fait envoyer le message suivant. Un autre message lui est relayé d'un navire ayant posé la même question au Doria quelques minutes auparavant. Il fait alors débâcher tous les canaux, fait rallumer les fourneaux d'Ile-de-France pour préparer des potages. Le médecin prépare son infirmerie à recevoir des blessés. En fait, les dispositions sont les mêmes que lorsque Carpaccia est venu en aide à Titanic. Deau Baudéan pousse la puissance de l'île de France qui atteint vite 22 nœuds. Il fonce dans un brouillard épais et fume cigarette sur cigarette sur la passerelle de son paquebot, faisant des allées et venues entre les ailes de la passerelle et son radar. Dans sa main, il égrène les perles de son chapelet. C'est un homme de grande foi. Son inquiétude est immense et elle est justifiée. Le danger est encore plus grand que d'habitude. Ils sont beaucoup de navires à converger à l'aveugle vers le même point, lui-même invisible dans cette purée de poids. Le risque de sur-accident n'a jamais été aussi grand qu'en cette nuit du 25 juillet 1956. Sur les ponts du Doria, l'évacuation chaotique a commencé sans avoir été annoncée dans les haut-parleurs. Avec la gîte, les canaux ne pouvaient être chargés depuis le pont des embarcations. Ils sont donc descendus à l'eau et les hommes d'équipage y prennent place en se laissant glisser depuis les garants. Les officiers leur demandent ensuite de s'approcher du paquebot pour venir recueillir les passagers massés sur les ponts inférieurs. à Tribord. Mais c'est un autre tableau qui va se jouer. Beaucoup d'hommes de l'équipage montent à bord et s'éloignent en direction du Stockholm. Plus haut, nous retrouvons M. Peterson, vêtu de son rideau, qui arrive dans un espace commun et tombe sur le médecin auprès de qui il vient réclamer de la morphine. Le médecin est assez surpris de la demande de ce monsieur vêtu de la sorte. Voyant ce regard méfiant, Peterson lui explique la situation. Ce n'est pas pour lui, mais pour sa femme et une autre femme coincée sous les décombres. Il est chiropracticien et pourra réaliser lui-même l'injection. Il parvient en même temps à trouver de l'aide pour mener à bien le sauvetage. Il ne lui manque qu'un vérin. Revenu dans ce qui était auparavant sa cabine, il rampe sous les décombres et parvient à injecter la morphine à Madame Tianfara et à son épouse. À présent aidé, il reprend sa tâche. A l'aide d'une hache, les restes de cloison sont abattus, découpés, évacués. On se débat avec un matelas à ressorts éventré dans lequel est prise Madame Tchian Farah qui, de son côté, ne cesse de répéter qu'ils feraient tous bien de la laisser et de se sauver eux-mêmes. C'est moi, enfant. Sauvez-vous. Je suis pichu. La gîte dépasse les 20 degrés. Imaginez, c'est très compliqué de se maintenir debout et à tout moment, le Doria peut chavirer. De leur côté, George Crandall, Sylvain Headler, Christine et Marguerite attendent au point de regroupement. Aucun ordre ne leur parvient. On ne leur dit rien. Des rumeurs circulent. Une explosion de chaudière. On a heurté une épave. Il y a eu un abordage. Crandall décide de monter voir le commandant. Arrivé à proximité de la passerelle, il est bloqué par des officiers à qui il pose évidemment des questions. Lui-même sachant très bien qu'il y avait eu un abordage. Calamay entend la scène et dit alors. Dites à ce monsieur ce qu'il veut savoir. Mais les explications restèrent vagues. Il faut évacuer le Doria, mais celui-ci ne va pas couler. De retour auprès de ses amis, il se dirige donc à tribord sur les ponts extérieurs et constate qu'effectivement, certains descendent dans les embarcations dans les désordres le plus complet. On cède de Garand, de filets à bagages, d'autres sautent à l'eau. Crandell et Adler descendent dans le canot. Marguerite et Christine sont aidées par les membres d'équipage. Plus tard... Arrivé à bord du Stockholm, ils sont guidés vers la salle à manger. Et là, surprise ! Eux qui pensaient être parmi les premiers évacués constatent que la salle est déjà bien remplie. Mais surtout, ils voient que ce sont presque que des membres du personnel d'Andrea Doria qui sont en train de parler entre eux en profitant du buffet mis à disposition des naufragés. Krendel retrouve même son garçon de cabine, surpris de le trouver lui aussi. Sans gêne, il leur explique même qu'ils sont à bord du Stockholm depuis minuit et demi. Les marins du Stockholm étaient furieux de voir le personnel du Doria abandonner leur paquebot et les passagers. Ça va contre la tradition et l'honneur des marins. Mais ce ne sont quasiment que des vestes blanches, autrement dit du personnel hôtelier. Ces gens-là ne sont pas des marins de profession, mais du personnel employé par la compagnie pour servir au restaurant ou dans les cabines. Il en va et vient constamment. Peu après, les premiers canaux du Stockholm arrivent auprès du Doria. Depuis l'embarcation, les hommes demandent qu'on leur jette une échelle. Un homme se penche, attrape un garant et se laisse descendre dans la chaloupe. C'est un maître d'hôtel du Doria. Il s'assoit, met la tête entre ses mains et pleure. Puis, des dizaines de personnes emboîtent le pas, se jettent à l'eau. Il en arrive de partout. Les enfants sont jetés à la mer. On hisse tant qu'on peut les personnes à bord dans le désordre le plus total. Soudain, un autre enfant est jeté par-dessus bord. La pauvre petite atterrit dans l'embarcation dans un grand fracas. Sa tête a probablement heurté le bord du canot. Elle va mal et souffre de plusieurs fractures. Elle est enveloppée dans une couverture par une dame. Les matelots supposent qu'elle est sa mère. Ils ne se comprennent pas entre suédois et italiens. Personne ne fait la traduction. La chaloupe est pleine et ils se mettent en chemin vers le Stockholm. Les parents de la petite sont en fait toujours à bord. Et elle ne survivra pas. Cette fillette s'appelait Norma Dissandro. Elle mourra de ses blessures à l'hôpital après y avoir été héliportée depuis le Stockholm. La panique a essentiellement lieu parmi les passagers de la classe touriste, évidemment. Eux ont subi le choc plus violemment, et surtout, ils ont vu l'eau envahir leur coursive. Au-dessus, en classe cabine et première classe, tout le monde est relativement calme, et se posait la question de savoir ce qu'il se passait. Ils étaient là, et attendaient calmement qu'on leur dise quoi faire. Calamai, constatant que son navire ne sombre finalement pas aussi vite qu'il le pensait au début, décide de prendre contact avec Nantucket et leur demande de faire venir des remorqueurs. Il a encore l'espoir de préserver le Doria. Il obtient une réponse positive qui lui en sera envoyé un. Enfin, à 2h du matin, la silhouette massive et toute illuminée de l'île de France vient d'apparaître. La brume est moins dense et le commandant de Baudéan a soigné son entrée. Les lettres Ile-de-France sont allumées sur le sun deck, ainsi que les projecteurs éclairant les deux cheminées rouges et noires toutes fumantes. Sur place, il se faufile entre le Thomas, le Cap-Anne et le Stockholm afin de venir se placer au plus près du Doria, en parallèle, afin que les embarcations aient le moins de distance à parcourir. Tel une star entrant en scène, le Cap-Anne braque son projecteur sur lui. 11 canaux sont alors mis à la mer, dont une vedette motorisée. Le Doria est là, incliné sur tribord, tel un boxeur dans les cordes. Toujours magnifique, scintillant encore de toutes ses lumières. À présent, l'évacuation se déroule beaucoup plus rapidement et de manière plus ordonnée. Toutes les embarcations amènent les naufragés à bord d'Île-de-France, où ils sont accueillis avec une couverture, placée sur les épaules, puis dirigée vers la salle à manger ou l'infirmerie. Le commandant avait fait préparer les cabines libres afin d'accueillir les personnes âgées ou mal en point. D'autres passagers réveillés ou tenus éveillés par le tintamarre laissaient de bon cœur leur cabine. C'est un spectacle poignant, terrifiant. Aucun des passagers d'Île-de-France ayant observé cette scène depuis les ponts n'oubliera cette nuit.

Chapters

  • l'impact

    00:00

  • Sur la passerelle du Doria après l'impact

    02:59

  • Dégats en Classe touriste

    04:48

  • Dégâts en première classe

    06:25

  • Dégâts en classe cabine

    11:45

  • Tentative de remise en marche

    13:10

  • A bord du Stockholm après l'impact

    15:50

  • Linda Morgan

    17:53

  • Ile de France

    22:08

  • Evacuation chaotique et sauvetage désespéré

    25:37

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Description

Dans la nuit du 25 au 26 Juillet 1956, alors qu'il arrive au terme de son voyage. ⛴️Andrea Doria, joyaux de l'Italian Line 🇮🇹 entre en collision avec le Stockholm dans le légendaire brouillard de Nantucket.

Dans cette deuxième partie, nous découvrons la panique à bord ou personne ne comprend ce qu'il vient de se produire. Certains s'enfuient, d'autres se noient ou sont prisonniers dans les décombres de leur cabine. Le commandant craint que son paquebot chavire d'un instant à l'autre.

A quelques miles marins de là, "Ile de France" fait demi tour et file pleine vapeur vers les lieux du sinistre.


Pour une meilleure immersion, il est recommandé d'écouter cet épisode au casque. 🎧


Illustration:

Sons: 


Musiques:


  • Black Mass - Brian Bolger

  • Twin Lynches - Density&Time

  • Invisible Piano - Calvin Clavier



Avec les voix de:


Commandant Calamai: Arnaud Casella

Officier Carstens: Clément Lalloz

Commandant Nordenson: François Devoir

Jane Cianfarra: Tiffany Touzé

Camille Cianfarra: Arthur Kuntz

Lieutenant Giannini: Remi Rebuzzi

Lieutenant Franchini: Julien Garnier

Linda Morgan: Jessica Lebbe

Bernabe Polanco: Julien Kolten


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Le naufrage d'Andrea Doria, partie 2. Dans la salle à manger de la classe touriste, un film est projeté. Fox Fire, avec Jane Russell. Sur les tables, les briquets se mettent à glisser et tomber. On sent un mouvement. C'est le paquebot qui vire brutalement sur bas bord. Puis soudain, un choc formidable jette tout le monde au sol. Pendant un instant, les lumières vacillent, le film s'arrête, le temps se fige. Personne ne comprend ce qu'il vient de se passer, mais en à peine quelques secondes, tous se relèvent et se ruent vers les sorties et les points d'évacuation sans avoir une seule idée du drame qui vient d'arriver. Le Stockholm a percé les flancs de l'Andrea Doria comme une lame de couteau juste sous la passerelle, à tribord. Avec la vitesse des deux paquebots, la proue s'est enfoncée sur environ 9 mètres et a lacéré la coque du Doria sur 12 mètres de long dans une grande gerbe d'étincelle, détruisant toutes les cabines sur sept ponts. Presque jusqu'à la quille. Les dégâts sont énormes. L'eau s'engouffre à grand flot dans les flancs, les cabines de 3e classe sont immédiatement inondées. Certains n'ont même pas le temps de réaliser ce qu'il se passe qu'ils sont déjà noyés. C'est en 3e classe qu'il y aura le plus de victimes. Immédiatement, Andrea Doria prend de la bande, c'est-à-dire qu'il gîte, il s'incline sur tribord. Calamaille se précipite sur l'aile extérieure. Se penchant au bastingage, il voit disparaître le Stockholm. Dans son sillon, des débris de meubles, de boiseries, du tissu flotte à la surface. Jetant un coup d'œil au flanc de son navire, Calamai ne voit qu'un immense trou béant, encore plus noir que la peinture de sa coque. Les portes étanches ! Assurez-vous qu'elles soient fermées ! dit-il en revenant sur la passerelle. Il va à son transmetteur et passe l'aiguille de en avant toute à stop Mais dans la chaufferie, ayant subi le choc qu'il a projeté au sol, le chef mécanicien avait déjà stoppé les machines en se relevant. Calamai tremble comme une feuille. Il vit un cauchemar. Frankini demande de noter l'heure. Notez l'heure de l'abordage ! Giannini regarde l'horloge de la passerelle. 23h10. Quelle est la bande ? hurle Calamai en constatant que le Doria ne s'était pas redressé. Giannini regarde l'indicateur. 18 degrés. Non, 19. Attends, attendez, 20 ! C'est le second choc pour Calamaille, rien ne va plus. Le Doria avait été conçu pour être capable de prendre une gîte de 20 degrés maximum. Passé ce point, le Doria pouvait chavirer à tout moment. En pénétrant la coque du Doria, le Stockholm a éventré les réservoirs de carburant vides côté tribord, déséquilibrant immédiatement le navire, puisque côté bâbord, ils sont vides aussi. Mais les ballastes n'avaient pas été remplis, souvenez-vous. Avec cette bande importante, l'eau va donc submerger le pont A, passant au-dessus des cloisons étanches. Calamaille le sait, l'Andréa Doria va sombrer en chavirant d'un moment à l'autre. L'eau qui pénètre dans les ponts inférieurs du Doria est mélangée au reste de mazout des réservoirs éventrés, mais également à de l'huile qui s'échappe des machines tribord ébranlées lors du choc. Ceux qui ne sont pas noyés ou bloqués dans leur cabine entreprennent donc une remontée chaotique. Il est presque impossible de tenir debout. Le sol glisse comme une patinoire alors qu'il est déjà fortement incliné. On ne parvient pas à gravir les marges des escaliers. Chaque pas demande beaucoup de concentration. Certains mettront près de deux heures à atteindre le pont des embarcations. On parle ici de plus de 600 personnes nues ou en tenue de nuit. Ajoutez à cela les autres passagers qui cherchent à descendre, chercher leurs proches ou leurs effets personnels. Tout le monde se bouscule dans une panique grandissante, suspendue entre la vie Et la mort. L'eau gagne presque le local des 5 dynamos qui alimentent le paquebot en électricité. Aussi surprenant que cela puisse paraître, aucune cloison étanche ne vient le protéger. Les mécaniciens restèrent tous à leur poste pour sauver le navire et activèrent les pompes pour ralentir la montée de l'eau. Ils pensèrent presque immédiatement à remplir les ballastes côté bas-bord, afin de redresser le navire. Malheureusement, les pompes permettant de le faire étaient situées au bout d'un tunnel déjà inondé. La salle des machines, pour le moment, reste sèche, mais il est très dur d'y tenir debout avec la gîte du Doria. Cette salle des machines est située sur le pont le plus bas, le pont C. A l'avant de ce pont se trouvent les cabines de classe touriste les plus petites et les moins chères, occupées principalement par des migrants italiens. L'étrave du Stockholm y causa de grands ravages. Sur les 13 cabines présentes dans cet espace, 11 furent immédiatement détruites ou noyées, tuant instantanément... 26 personnes. Plus haut dans la coursive, à quelques mètres du point d'impact, dans la cabine 664, se trouvent deux migrants. Antonio Ponzi, 14 ans, qui partait rejoindre sa mère aux Etats-Unis, et un autre Antonio, Lombardi. Les deux ne se connaissaient pas. Ils partageaient simplement la même cabine. Le choc ébranla la cabine dont le plafond s'effondra sur la couchette supérieure, occupée par le jeune Antonio, qui s'y trouva coincé. La cloison s'était affaissée et l'eau entrait à grand flot dans l'espace confiné de la cabine. Antonio, bloqué et terrorisé, entendit son voisin de couchette se débattre contre la porte de l'eau jusqu'au genou. Il l'appela de toutes ses forces. L'autre vint sans réfléchir une seconde sortir le jeune homme de sa couchette en le tirant à lui de toutes ses forces. L'instant d'après, il reprenait sa lutte contre la porte qui, de toute évidence, ne s'ouvrirait pas. Tout était déformé. Un morceau de pique métallique tomba. Il s'en saisit avec la force et l'énergie du désespoir et s'en servit comme d'un bélier contre la porte qui finit par voler en morceaux in extremis. Ce sont les seuls survivants de cette section du Dorian. En regardant les coursives, encore épargnées par l'eau et remontant de niveau en niveau, ils assistèrent sur leur passage à de terribles mouvements de panique. Les passagers partaient en toute direction, fuyant le ventre du Doria ou au contraire, retournant chercher leurs proches. Certains s'arrachaient les gilets de sauvetage que d'autres portaient. Des enfants terrorisés hurlaient en cherchant leurs parents. C'est un spectacle saisissant qu'on ne souhaiterait jamais voir. Dans les ponts supérieurs, là aussi les dégâts sont importants. L'eau entra dès les premiers instants dans le garage à voiture situé au point d'impact. Dès lors, notre fameuse Chrysler fut tout de suite perdue. Dans la cabine 80 du pont supérieur dormait le maire de Philadelphia, Richardson Dilworth, et son épouse, ils furent tous deux projetés au sol. Celle-ci, reprenant ses esprits, tenait toujours à la main son livre A Night to Remember célèbre récit du naufrage du Titanic. Elle dit alors à son mari Mon Dieu, je crois que nous avons heurté un iceberg, comme le Titanic ! Mais Edilworth a servi dans la marine. Il connaît l'océan. Il répond alors calmement Mais non, Anne, il n'y a pas d'iceberg au large des côtes du Massachusetts. C'est autre chose. Mais quoi ? Eux deux s'en sortent sans trop de mal. Mais dans les cabines avant, comme la 60, le plafond s'est effondré sur les occupants qui sortent dans les coursives en rampant. Et plus on s'approche du point d'impact, pire c'est. Le trou béant, aperçu par Calamai, s'étend de la cabine 46 à 56. C'est énorme. Madame Tchianfara, dans les décombres de la 54, reprend ses esprits dans une douleur immense. Elle ne peut pas bouger. Pas très loin, elle entend les gémissements de son mari. Puis, plus rien. Elle comprend qu'il vient de mourir. Où sont ses filles ? Comment vont-elles ? Elle ne le sait pas. Elle ne sait même pas ce qu'il vient de se produire. À proximité d'elle, elle entend d'autres voix. Elle se trouve en fait à présent dans la cabine voisine, la 56, occupée par le couple Peterson, ou du moins ce qu'il en reste. Tout s'est effondré ou est parti à la mer. Monsieur Peterson est le seul survivant à avoir aperçu une masse passer devant ses yeux au moment de la collision. C'était l'étrave du Stockholm qui le projeta dans les airs, dans un nuage de fumée et d'étincelles, et le fit brutalement atterrir sur le sol. Il perdit brièvement connaissance. Reprenant ses esprits, il parvient à ramper sous les décombres et à sortir dans la coursive envahie de monde et plonger dans une épaisse fumée provoquée par le frottement des tôles des deux navires. Une poussière grise est mélangée à la fumée et retombe sur le sol et les décombres. C'est l'isolant inifugié, l'amiante, qui se trouve entre la coque et le revêtement en lambris des cloisons des cabines. S'il n'avait pas été là, le Doria aurait probablement pu prendre feu lors du frottement des tôles. Peterson ne sait pas où est sa femme. Il comprend que s'il veut la trouver, il doit à présent passer par la cabine 58 où la cloison est partiellement arrachée. Il se glisse sous les décombres où il aperçoit Madame Tianfara. Il mit tout en œuvre pour soulever la montagne de débris qui couvrait les deux femmes. Mais sa force et sa détermination seules ne suffisent pas. Résignée, elle lui demande de les abandonner, de se sauver. Laissez-moi sauver votre vie comme vous le pouvez. Mais Peterson est un sacré personnage et il n'abandonnera pas aussi facilement. Il leur promit de revenir avec de l'aide. Peterson était nu. Il trouva un rideau dans lequel il s'enveloppa et partit en quête de secours. Un peu en avant dans la coursive, il aperçut M. Carlin sortant de sa cabine l'air perdu et perplexe. Il cherche sa femme. M. Carlin avait refusé une tasse de café que des amis leur proposaient à sa femme et lui. Si elle voulait profiter de la soirée encore un peu, lui, fatigué, avait imposé qu'ils aillent se coucher. Elle lisait dans le lit de leur belle cabine, lampe de chevet allumée. Il allait la rejoindre lorsque le choc survint. Reprenant ses esprits, il ne vit face à lui qu'un trou béant au-delà duquel s'étendait l'océan et la brume. Plus de lit, plus de table de chevet. Au pont du dessous, le pont du vestibule, dans l'appartement de Lux 180, était la famille Thierot. Leur fils Peter, âgé de 13 ans, logeait dans une cabine située à côté, au bout d'une petite coursive. Il fut réveillé par le choc. Les yeux encore collés par le sommeil, il sort de sa cabine, jette un coup d'œil dans la coursive et ne voit rien. Personne. Il retourne se coucher et se rendort tout de suite. Il n'a pas vu pourtant que la coursive est déformée. Il ne peut même plus se rendre à la porte de la cabine de ses parents. Qu'un peu plus loin, sur sa gauche, c'est le vestibule d'entrée où toutes les vitrines ont volé en éclats et que du verre parsème le sol. Pire, il ne sait pas que ce choc vient de faire de lui un orphelin. Ses deux parents sont morts, écrasés sur le cou. Dans le salon du belvédère, où on dansait encore, les cavaliers tombèrent sur leur cavalier. Les bouteilles et les verres volèrent en éclats. Les musiciens chutèrent de l'estrade. Certains se précipitèrent près des fenêtres pour comprendre ce qu'il venait de se passer, mais ne virent que la brume. Il dit que d'autres partaient à toute hâte vers les cabines pour récupérer leurs enfants endormis. Retrouvons George Crandall, Sylvain Hedler, Christine et Marguerite dans le bar des classes cabines. L'ironie du sort veut que juste avant la collision, ils étaient en train de se dire qu'il ne serait pas dérangé si le voyage devait se prolonger, si un incident ou une avarie se produisait. Le voyage avait été tellement agréable jusqu'ici. Crandall est juste à côté du hublot lorsque le choc se produit. La déchirure s'arrête à quelques mètres seulement du bar. Il voit par le hublot les feux du Stockholm qui longent encore la coque. Son sourire s'efface et il regarde méduser ses trois compagnons. Il se rue dans la coursive attenante qui mène au pont de promenade et immédiatement le paquebot s'incline et il glisse sur le pont. Il constate à ce moment que même le pont est sérieusement endommagé. Comprenant que la situation est grave, il décide de descendre aux cabines pour récupérer les gilets de sauvetage. Marguerite et Christine l'accompagnent pour récupérer leurs affaires. Ils ne sont pas au bout de leur peine. La cabine est la 114, située à un pont plus bas sur Tribord. Celle de Marguerite et Christine se situe juste en face. C'est ce qui avait facilité leur rencontre. Les escaliers et les coursives sont envahis de passagers cherchant à fuir les ponts inférieurs. Ils sont bousculés en tous sens et doivent lutter contre cette foule qui leur hurle que le bateau coule, en plus de lutter contre l'inclinaison du navire qui, d'après Crandall, semble s'accentuer. Calamaille sur la passerelle. constate que la gîte atteint les 22 degrés. Craignant de voir son navire chavirer brusquement, il ordonna immédiatement de préparer les canaux pour l'évacuation, en commençant par ceux situés à bas bord. Puis, il fait allumer tous les projecteurs du Doria pour obtenir le plus de luminosité possible. Enfin, il fait mettre en marche la sirène qui annonce à qui peut les entendre que le navire est hors de contrôle. Un de ces lieutenants qui n'était pas de quart au moment de la collision arrive sur la passerelle en pyjama et pantoufles et lui annonce la nouvelle à laquelle Calamaille s'attendait. Il est impossible de descendre les canaux de bas bord. La gîte est trop importante et ils ne descendent pas malgré tous les efforts des hommes d'équipage. Il ne peut donc compter que sur les huit situés à tribord, mais ceux-là, chargés au maximum, ne pourront emporter que 1 400 personnes et pas une de plus. Or, 1 706 âmes sont présentes à bord. Il demande alors de faire appeler les passagers à rejoindre les lieux de rassemblement, mais sans donner l'alarme. Il veut à tout prix éviter les mouvements de panique et la ruée vers les canaux. Une idée germe rapidement dans la tête de Calamai. 16 ans plus tôt, alors qu'il était officier d'un croiseur de la marine italienne, ils avaient été torpillés et le capitaine avait réussi à faire échouer son navire sur une plage, ce qui avait permis de sauver beaucoup de vies. Il sait qu'à environ 22 000 marins, soit 40 km au nord de leur position, il y a le banc de sable de Davis-Scholl. La profondeur ne dépasse pas les 6 mètres. S'il parvient à l'atteindre, le Doria pourra s'y échouer et même être renfloué à moindre frais. Il téléphone alors au chef mécanicien pour savoir si les machines sont en état de fonctionner. Calamaille saisit la poignée de son transmetteur d'ordre et fait passer l'aiguille sur en avant, lente La machine répondit comme il le fallait. L'Andrea Doria frémit et vibre à nouveau sous l'action des turbines. Pendant un court instant, le palais italien reprend vie. Puis, il tremble et vacille. Calamaille fit revenir le transmetteur sur stop Il fit relever leur position. Et demanda qu'on envoie le message de SOS à la radio. SOS de ICEH. Identifiant de l'Andréa Dorian. SOS MI 0320 GMT. Latitude 40.30 nord. Longitude 69.53 ouest. Demande d'aide immédiate. Retournons sur le Stockholm, qui est à présent lui aussi dans la brume. Juste après l'impact, Nordenson fait irruption sur la passerelle et demande ce qu'il s'est passé et pourquoi on ne l'a pas appelé. Carstens est en état de choc. Il lui décrit les événements, il ne cesse de répéter. Mais pourquoi a-t-il tourné ainsi ? Nordenson est d'un grand sang-froid. Les cloisons étanches sont-elles descendues ? Faites stopper les machines, tout de suite. Puis, il envoie faire vérifier les ponts inférieurs du navire et fait contrôler les portes étanches. Depuis la passerelle, la vision est terrifiante. La proue et le gaillard avant, là où se trouvent les chaînes, ne sont qu'un amas de métal et de tôles tordues difficilement identifiables. On contrôle l'inclinaison du navire qui penche légèrement sur l'avant. Le commandant fait activer les pompes. Dans les coursives, les cloisons et les tôles à l'avant sont repliées tel un accordéon et de l'eau coule à flot. Ce n'est pas de l'eau de mer, fort heureusement, c'est de l'eau douce qui s'écoule des canalisations rompues ou déformées lors du choc. Nordenson fait appeler tous les passagers à se regrouper aux différents points de réunion du navire avec leur gilet de sauvetage en attente d'instruction. Il fait vérifier toutes les cabines afin que les hublots soient bien fermés. Malgré la surprise, il n'y eut à bord aucun mouvement de panique. La secousse fut à peine ressentie. En fait, les dégâts étaient limités au quartier de l'équipage situé à l'avant. Trois marins dans leur cabine furent tués immédiatement. Deux de leurs corps tombèrent à la mer lorsque les puits des chaînes rompirent, entraînant dans leur chute les restes de la cabine. Deux autres succombèrent à leurs blessures après avoir été désincarcérés des cabines écrasées. Le compte-rendu des dégâts fait apparaître qu'un compartiment étanche est inondé, mais que la cloison de l'autre est bien étanche et qu'elle résistera à la pression. Afin de faire redresser son navire, Nordenson fait vider les réserves d'eau douce. Comme l'eau a été coupée afin d'arrêter les fuites, Ils n'en ont plus besoin. Un marin espagnol du Stockholm doit son salut à une situation cocasse. Juste avant l'abordage, il fut pris du mal de mer. Il décida alors de sortir prendre l'air sur le pont avant. Il était dans l'escalier qui menait à celui-ci lorsque le choc se produisit. Se précipitant à l'extérieur, il se trouve face au spectacle de la proue écrasée et vit disparaître l'Andrea Doria. Au milieu de tout ça, il entendit les cris d'une fillette dans l'amas de décombre. Il s'avança prudemment, à quatre pattes, et découvrit une jeune fille recroquevillée dans un pyjama déchiré. Elle écarquilla les yeux en voyant l'homme, tout aussi surpris qu'elle. Donde est ta maman ? Ta maman est à bord du bateau ? Oui, maman est avec moi. Ne t'inquiète pas, on va retrouver ta maman. Comment tu t'appelles ? Je m'appelle Linda Morgan. Et ta maman ? Ma maman est déjà une sienne phare. La situation, en fait, est atrocement miraculeuse et formidable. Linda, lors du choc, a été projetée hors de son lit et a, on ne sait comment, atterri sans grave blessure par-dessus le brise-lame du Stockholm. Elle ne souffre que d'un bras cassé. C'est invraisemblablement miraculeux. Malheureusement, sa sœur Johanne n'a pas eu la même chance et fut écrasée dans son lit par l'étrave du paquebot. La pauvre. n'a probablement pas souffert tant le choc fut brutal et soudain. Avec un autre matelot, il parvient à sortir Linda des décombres. Elle ne cesse de réclamer sa maman. L'homme espagnol, Bernabé Polanco Garcia, qui sera appelé l'homme de Cadix, ville dont il était originaire, a aperçu un peu plus loin le cadavre dénudé d'une femme. Il soupçonne que ce soit sa maman, mais il ne dit rien. Il lui promet de la retrouver pendant qu'il la conduit à l'abri. Pour le moment, il pense que Linda et sa mère sont des passagères du Stockholm qui se seraient faufilés dans les espaces de l'équipage. Il tente de partir récupérer le cadavre aperçu avant que celui-ci ne tombe à la mer. L'équilibre est précaire. Il rampe tout doucement et tente de se saisir du bras qui se détache du corps. C'est effroyable. Il reprend son courage et essaye de se saisir des cheveux qui lui restent dans la main. Et dans un dernier effort de récupération, le corps bascule à la mer. Linda est conduite au commissaire de bord qui vérifie la liste des passagers et ne trouve rien au nom de Morgane ni Tianfara. Linda regarde autour d'elle et réalise qu'elle ne reconnaît pas le navire. Alors, elle dit J'étais à bord de Andrea Doria. C'est bien Andrea Doria, n'est-ce pas ? Tous comprennent alors que c'est une passagère de l'autre paquebot qu'ils ont abordé. Au même moment, dans la salle radio parvient le message de SES du Doria. Ils ont enfin identifié le navire qu'ils viennent de parcuter et qui réclament une assistance immédiate, mais sans dire qu'il coule. Nordensen refuse dans un premier temps d'envoyer les chaloupes tant qu'il n'est pas sûr que son paquebot ne va pas sombrer lui aussi. Mais il accepte néanmoins de recevoir les canaux que le Doria parviendra à faire descendre. Puis, face à l'insistance de l'opérateur radio du Doria qui lui précise qu'il craigne de chavirer, il fait envoyer quelques chaloupes et fait préparer la salle à manger et les salons à recevoir des naufragés du Doria. Le SOS est relayé tel une traînée de poudre. Bientôt, deux cargos se déroutent pour leur venir en aide. Problème, ils ne disposent pas de suffisamment de chaloupes. Dans les locaux du New York Times, certains se réjouissent en sachant qu'à bord se trouve l'un de leurs collaborateurs. Ils ont hâte de recueillir les propos de Camille Tchianfara. Plus tard, dans la journée du lendemain, ils vivront un ascenseur émotionnel terrible en apprenant que ni lui, ni sa fille n'ont survécu à l'abordage. La nouvelle arrive également aux oreilles de Edward Morgan, le père de Linda, qui devra bien sûr animer la radio sans savoir pour le moment si sa fille est saine et sauve. A 23h30, à quelques mille marins de là, le message de détresse est capté par l'opérateur radio d'Île-de-France, qui fonce lui aussi dans le brouillard. L'opérateur vient trouver le commandant Raoul de Baudéan, personnage haut en couleur, qui assure le commandement d'Île-de-France. C'est un homme charmant, original, que les passagers sont parfois surpris de croiser portant son monocle à l'œil. Il ne le sait pas encore, mais cette nuit va transformer sa carrière et faire de lui un héros, le faisant entrer dans l'histoire. Recevant ce message, qui demeure tout de même assez vague, il observe un temps de réflexion. Faire demi-tour n'est pas sans conséquences. Île-de-France est un vieux paquebot qui consomme beaucoup de mazout. D'autres paquebots dans la zone se détournent également vers les lieux du sinistre. Quelle justification donnerait-il à ses armateurs si en arrivant sur place, on n'avait plus besoin de l'aide de son paquebot ? Quelles excuses donnerait-il à ses passagers pour cet énorme retard ? Certains ont un horaire à tenir. En 1929, la Conférence internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer prescrit à tout navire entendant un SOS de se diriger vers le point d'accident. Cela fait suite aux défaillances relevées après le dramatique naufrage du Titanic. Toutefois, en 1948, on avait un peu adouci cette règle et les capitaines étaient libres, ou non, de répondre à cet appel s'ils savaient que d'autres navires se déroutaient également. Le message reçu est un message relayé par d'autres paquebots. Il n'a pas été capté directement du Doria. Le commandant demande alors à son opérateur de demander à Andréa Doria s'ils ont besoin d'aide. Leur message n'est pas clair, rien n'indique qu'il coule. Immédiatement, le Doria réitère son message. Aie besoin d'aide immédiate Mais ce message, Île-de-France ne le recevra jamais. Avec l'inclinaison du Doria, la portée de son antenne est de plus en plus faible. Île-de-France ne reçoit que les autres messages que les navires dans le secteur se relaient. Il devient vite évident pour le commandant de Baudéant que Andrea Doria cherche à évacuer ses passagers et qu'il aura besoin du plus de canaux possible. À compter de ce moment, il n'a plus aucune hésitation. Il fait immédiatement faire demi-tour à ce vétéran de l'océan qu'est Île-de-France et fait envoyer le message suivant. Un autre message lui est relayé d'un navire ayant posé la même question au Doria quelques minutes auparavant. Il fait alors débâcher tous les canaux, fait rallumer les fourneaux d'Ile-de-France pour préparer des potages. Le médecin prépare son infirmerie à recevoir des blessés. En fait, les dispositions sont les mêmes que lorsque Carpaccia est venu en aide à Titanic. Deau Baudéan pousse la puissance de l'île de France qui atteint vite 22 nœuds. Il fonce dans un brouillard épais et fume cigarette sur cigarette sur la passerelle de son paquebot, faisant des allées et venues entre les ailes de la passerelle et son radar. Dans sa main, il égrène les perles de son chapelet. C'est un homme de grande foi. Son inquiétude est immense et elle est justifiée. Le danger est encore plus grand que d'habitude. Ils sont beaucoup de navires à converger à l'aveugle vers le même point, lui-même invisible dans cette purée de poids. Le risque de sur-accident n'a jamais été aussi grand qu'en cette nuit du 25 juillet 1956. Sur les ponts du Doria, l'évacuation chaotique a commencé sans avoir été annoncée dans les haut-parleurs. Avec la gîte, les canaux ne pouvaient être chargés depuis le pont des embarcations. Ils sont donc descendus à l'eau et les hommes d'équipage y prennent place en se laissant glisser depuis les garants. Les officiers leur demandent ensuite de s'approcher du paquebot pour venir recueillir les passagers massés sur les ponts inférieurs. à Tribord. Mais c'est un autre tableau qui va se jouer. Beaucoup d'hommes de l'équipage montent à bord et s'éloignent en direction du Stockholm. Plus haut, nous retrouvons M. Peterson, vêtu de son rideau, qui arrive dans un espace commun et tombe sur le médecin auprès de qui il vient réclamer de la morphine. Le médecin est assez surpris de la demande de ce monsieur vêtu de la sorte. Voyant ce regard méfiant, Peterson lui explique la situation. Ce n'est pas pour lui, mais pour sa femme et une autre femme coincée sous les décombres. Il est chiropracticien et pourra réaliser lui-même l'injection. Il parvient en même temps à trouver de l'aide pour mener à bien le sauvetage. Il ne lui manque qu'un vérin. Revenu dans ce qui était auparavant sa cabine, il rampe sous les décombres et parvient à injecter la morphine à Madame Tianfara et à son épouse. À présent aidé, il reprend sa tâche. A l'aide d'une hache, les restes de cloison sont abattus, découpés, évacués. On se débat avec un matelas à ressorts éventré dans lequel est prise Madame Tchian Farah qui, de son côté, ne cesse de répéter qu'ils feraient tous bien de la laisser et de se sauver eux-mêmes. C'est moi, enfant. Sauvez-vous. Je suis pichu. La gîte dépasse les 20 degrés. Imaginez, c'est très compliqué de se maintenir debout et à tout moment, le Doria peut chavirer. De leur côté, George Crandall, Sylvain Headler, Christine et Marguerite attendent au point de regroupement. Aucun ordre ne leur parvient. On ne leur dit rien. Des rumeurs circulent. Une explosion de chaudière. On a heurté une épave. Il y a eu un abordage. Crandall décide de monter voir le commandant. Arrivé à proximité de la passerelle, il est bloqué par des officiers à qui il pose évidemment des questions. Lui-même sachant très bien qu'il y avait eu un abordage. Calamay entend la scène et dit alors. Dites à ce monsieur ce qu'il veut savoir. Mais les explications restèrent vagues. Il faut évacuer le Doria, mais celui-ci ne va pas couler. De retour auprès de ses amis, il se dirige donc à tribord sur les ponts extérieurs et constate qu'effectivement, certains descendent dans les embarcations dans les désordres le plus complet. On cède de Garand, de filets à bagages, d'autres sautent à l'eau. Crandell et Adler descendent dans le canot. Marguerite et Christine sont aidées par les membres d'équipage. Plus tard... Arrivé à bord du Stockholm, ils sont guidés vers la salle à manger. Et là, surprise ! Eux qui pensaient être parmi les premiers évacués constatent que la salle est déjà bien remplie. Mais surtout, ils voient que ce sont presque que des membres du personnel d'Andrea Doria qui sont en train de parler entre eux en profitant du buffet mis à disposition des naufragés. Krendel retrouve même son garçon de cabine, surpris de le trouver lui aussi. Sans gêne, il leur explique même qu'ils sont à bord du Stockholm depuis minuit et demi. Les marins du Stockholm étaient furieux de voir le personnel du Doria abandonner leur paquebot et les passagers. Ça va contre la tradition et l'honneur des marins. Mais ce ne sont quasiment que des vestes blanches, autrement dit du personnel hôtelier. Ces gens-là ne sont pas des marins de profession, mais du personnel employé par la compagnie pour servir au restaurant ou dans les cabines. Il en va et vient constamment. Peu après, les premiers canaux du Stockholm arrivent auprès du Doria. Depuis l'embarcation, les hommes demandent qu'on leur jette une échelle. Un homme se penche, attrape un garant et se laisse descendre dans la chaloupe. C'est un maître d'hôtel du Doria. Il s'assoit, met la tête entre ses mains et pleure. Puis, des dizaines de personnes emboîtent le pas, se jettent à l'eau. Il en arrive de partout. Les enfants sont jetés à la mer. On hisse tant qu'on peut les personnes à bord dans le désordre le plus total. Soudain, un autre enfant est jeté par-dessus bord. La pauvre petite atterrit dans l'embarcation dans un grand fracas. Sa tête a probablement heurté le bord du canot. Elle va mal et souffre de plusieurs fractures. Elle est enveloppée dans une couverture par une dame. Les matelots supposent qu'elle est sa mère. Ils ne se comprennent pas entre suédois et italiens. Personne ne fait la traduction. La chaloupe est pleine et ils se mettent en chemin vers le Stockholm. Les parents de la petite sont en fait toujours à bord. Et elle ne survivra pas. Cette fillette s'appelait Norma Dissandro. Elle mourra de ses blessures à l'hôpital après y avoir été héliportée depuis le Stockholm. La panique a essentiellement lieu parmi les passagers de la classe touriste, évidemment. Eux ont subi le choc plus violemment, et surtout, ils ont vu l'eau envahir leur coursive. Au-dessus, en classe cabine et première classe, tout le monde est relativement calme, et se posait la question de savoir ce qu'il se passait. Ils étaient là, et attendaient calmement qu'on leur dise quoi faire. Calamai, constatant que son navire ne sombre finalement pas aussi vite qu'il le pensait au début, décide de prendre contact avec Nantucket et leur demande de faire venir des remorqueurs. Il a encore l'espoir de préserver le Doria. Il obtient une réponse positive qui lui en sera envoyé un. Enfin, à 2h du matin, la silhouette massive et toute illuminée de l'île de France vient d'apparaître. La brume est moins dense et le commandant de Baudéan a soigné son entrée. Les lettres Ile-de-France sont allumées sur le sun deck, ainsi que les projecteurs éclairant les deux cheminées rouges et noires toutes fumantes. Sur place, il se faufile entre le Thomas, le Cap-Anne et le Stockholm afin de venir se placer au plus près du Doria, en parallèle, afin que les embarcations aient le moins de distance à parcourir. Tel une star entrant en scène, le Cap-Anne braque son projecteur sur lui. 11 canaux sont alors mis à la mer, dont une vedette motorisée. Le Doria est là, incliné sur tribord, tel un boxeur dans les cordes. Toujours magnifique, scintillant encore de toutes ses lumières. À présent, l'évacuation se déroule beaucoup plus rapidement et de manière plus ordonnée. Toutes les embarcations amènent les naufragés à bord d'Île-de-France, où ils sont accueillis avec une couverture, placée sur les épaules, puis dirigée vers la salle à manger ou l'infirmerie. Le commandant avait fait préparer les cabines libres afin d'accueillir les personnes âgées ou mal en point. D'autres passagers réveillés ou tenus éveillés par le tintamarre laissaient de bon cœur leur cabine. C'est un spectacle poignant, terrifiant. Aucun des passagers d'Île-de-France ayant observé cette scène depuis les ponts n'oubliera cette nuit.

Chapters

  • l'impact

    00:00

  • Sur la passerelle du Doria après l'impact

    02:59

  • Dégats en Classe touriste

    04:48

  • Dégâts en première classe

    06:25

  • Dégâts en classe cabine

    11:45

  • Tentative de remise en marche

    13:10

  • A bord du Stockholm après l'impact

    15:50

  • Linda Morgan

    17:53

  • Ile de France

    22:08

  • Evacuation chaotique et sauvetage désespéré

    25:37

Description

Dans la nuit du 25 au 26 Juillet 1956, alors qu'il arrive au terme de son voyage. ⛴️Andrea Doria, joyaux de l'Italian Line 🇮🇹 entre en collision avec le Stockholm dans le légendaire brouillard de Nantucket.

Dans cette deuxième partie, nous découvrons la panique à bord ou personne ne comprend ce qu'il vient de se produire. Certains s'enfuient, d'autres se noient ou sont prisonniers dans les décombres de leur cabine. Le commandant craint que son paquebot chavire d'un instant à l'autre.

A quelques miles marins de là, "Ile de France" fait demi tour et file pleine vapeur vers les lieux du sinistre.


Pour une meilleure immersion, il est recommandé d'écouter cet épisode au casque. 🎧


Illustration:

Sons: 


Musiques:


  • Black Mass - Brian Bolger

  • Twin Lynches - Density&Time

  • Invisible Piano - Calvin Clavier



Avec les voix de:


Commandant Calamai: Arnaud Casella

Officier Carstens: Clément Lalloz

Commandant Nordenson: François Devoir

Jane Cianfarra: Tiffany Touzé

Camille Cianfarra: Arthur Kuntz

Lieutenant Giannini: Remi Rebuzzi

Lieutenant Franchini: Julien Garnier

Linda Morgan: Jessica Lebbe

Bernabe Polanco: Julien Kolten


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Le naufrage d'Andrea Doria, partie 2. Dans la salle à manger de la classe touriste, un film est projeté. Fox Fire, avec Jane Russell. Sur les tables, les briquets se mettent à glisser et tomber. On sent un mouvement. C'est le paquebot qui vire brutalement sur bas bord. Puis soudain, un choc formidable jette tout le monde au sol. Pendant un instant, les lumières vacillent, le film s'arrête, le temps se fige. Personne ne comprend ce qu'il vient de se passer, mais en à peine quelques secondes, tous se relèvent et se ruent vers les sorties et les points d'évacuation sans avoir une seule idée du drame qui vient d'arriver. Le Stockholm a percé les flancs de l'Andrea Doria comme une lame de couteau juste sous la passerelle, à tribord. Avec la vitesse des deux paquebots, la proue s'est enfoncée sur environ 9 mètres et a lacéré la coque du Doria sur 12 mètres de long dans une grande gerbe d'étincelle, détruisant toutes les cabines sur sept ponts. Presque jusqu'à la quille. Les dégâts sont énormes. L'eau s'engouffre à grand flot dans les flancs, les cabines de 3e classe sont immédiatement inondées. Certains n'ont même pas le temps de réaliser ce qu'il se passe qu'ils sont déjà noyés. C'est en 3e classe qu'il y aura le plus de victimes. Immédiatement, Andrea Doria prend de la bande, c'est-à-dire qu'il gîte, il s'incline sur tribord. Calamaille se précipite sur l'aile extérieure. Se penchant au bastingage, il voit disparaître le Stockholm. Dans son sillon, des débris de meubles, de boiseries, du tissu flotte à la surface. Jetant un coup d'œil au flanc de son navire, Calamai ne voit qu'un immense trou béant, encore plus noir que la peinture de sa coque. Les portes étanches ! Assurez-vous qu'elles soient fermées ! dit-il en revenant sur la passerelle. Il va à son transmetteur et passe l'aiguille de en avant toute à stop Mais dans la chaufferie, ayant subi le choc qu'il a projeté au sol, le chef mécanicien avait déjà stoppé les machines en se relevant. Calamai tremble comme une feuille. Il vit un cauchemar. Frankini demande de noter l'heure. Notez l'heure de l'abordage ! Giannini regarde l'horloge de la passerelle. 23h10. Quelle est la bande ? hurle Calamai en constatant que le Doria ne s'était pas redressé. Giannini regarde l'indicateur. 18 degrés. Non, 19. Attends, attendez, 20 ! C'est le second choc pour Calamaille, rien ne va plus. Le Doria avait été conçu pour être capable de prendre une gîte de 20 degrés maximum. Passé ce point, le Doria pouvait chavirer à tout moment. En pénétrant la coque du Doria, le Stockholm a éventré les réservoirs de carburant vides côté tribord, déséquilibrant immédiatement le navire, puisque côté bâbord, ils sont vides aussi. Mais les ballastes n'avaient pas été remplis, souvenez-vous. Avec cette bande importante, l'eau va donc submerger le pont A, passant au-dessus des cloisons étanches. Calamaille le sait, l'Andréa Doria va sombrer en chavirant d'un moment à l'autre. L'eau qui pénètre dans les ponts inférieurs du Doria est mélangée au reste de mazout des réservoirs éventrés, mais également à de l'huile qui s'échappe des machines tribord ébranlées lors du choc. Ceux qui ne sont pas noyés ou bloqués dans leur cabine entreprennent donc une remontée chaotique. Il est presque impossible de tenir debout. Le sol glisse comme une patinoire alors qu'il est déjà fortement incliné. On ne parvient pas à gravir les marges des escaliers. Chaque pas demande beaucoup de concentration. Certains mettront près de deux heures à atteindre le pont des embarcations. On parle ici de plus de 600 personnes nues ou en tenue de nuit. Ajoutez à cela les autres passagers qui cherchent à descendre, chercher leurs proches ou leurs effets personnels. Tout le monde se bouscule dans une panique grandissante, suspendue entre la vie Et la mort. L'eau gagne presque le local des 5 dynamos qui alimentent le paquebot en électricité. Aussi surprenant que cela puisse paraître, aucune cloison étanche ne vient le protéger. Les mécaniciens restèrent tous à leur poste pour sauver le navire et activèrent les pompes pour ralentir la montée de l'eau. Ils pensèrent presque immédiatement à remplir les ballastes côté bas-bord, afin de redresser le navire. Malheureusement, les pompes permettant de le faire étaient situées au bout d'un tunnel déjà inondé. La salle des machines, pour le moment, reste sèche, mais il est très dur d'y tenir debout avec la gîte du Doria. Cette salle des machines est située sur le pont le plus bas, le pont C. A l'avant de ce pont se trouvent les cabines de classe touriste les plus petites et les moins chères, occupées principalement par des migrants italiens. L'étrave du Stockholm y causa de grands ravages. Sur les 13 cabines présentes dans cet espace, 11 furent immédiatement détruites ou noyées, tuant instantanément... 26 personnes. Plus haut dans la coursive, à quelques mètres du point d'impact, dans la cabine 664, se trouvent deux migrants. Antonio Ponzi, 14 ans, qui partait rejoindre sa mère aux Etats-Unis, et un autre Antonio, Lombardi. Les deux ne se connaissaient pas. Ils partageaient simplement la même cabine. Le choc ébranla la cabine dont le plafond s'effondra sur la couchette supérieure, occupée par le jeune Antonio, qui s'y trouva coincé. La cloison s'était affaissée et l'eau entrait à grand flot dans l'espace confiné de la cabine. Antonio, bloqué et terrorisé, entendit son voisin de couchette se débattre contre la porte de l'eau jusqu'au genou. Il l'appela de toutes ses forces. L'autre vint sans réfléchir une seconde sortir le jeune homme de sa couchette en le tirant à lui de toutes ses forces. L'instant d'après, il reprenait sa lutte contre la porte qui, de toute évidence, ne s'ouvrirait pas. Tout était déformé. Un morceau de pique métallique tomba. Il s'en saisit avec la force et l'énergie du désespoir et s'en servit comme d'un bélier contre la porte qui finit par voler en morceaux in extremis. Ce sont les seuls survivants de cette section du Dorian. En regardant les coursives, encore épargnées par l'eau et remontant de niveau en niveau, ils assistèrent sur leur passage à de terribles mouvements de panique. Les passagers partaient en toute direction, fuyant le ventre du Doria ou au contraire, retournant chercher leurs proches. Certains s'arrachaient les gilets de sauvetage que d'autres portaient. Des enfants terrorisés hurlaient en cherchant leurs parents. C'est un spectacle saisissant qu'on ne souhaiterait jamais voir. Dans les ponts supérieurs, là aussi les dégâts sont importants. L'eau entra dès les premiers instants dans le garage à voiture situé au point d'impact. Dès lors, notre fameuse Chrysler fut tout de suite perdue. Dans la cabine 80 du pont supérieur dormait le maire de Philadelphia, Richardson Dilworth, et son épouse, ils furent tous deux projetés au sol. Celle-ci, reprenant ses esprits, tenait toujours à la main son livre A Night to Remember célèbre récit du naufrage du Titanic. Elle dit alors à son mari Mon Dieu, je crois que nous avons heurté un iceberg, comme le Titanic ! Mais Edilworth a servi dans la marine. Il connaît l'océan. Il répond alors calmement Mais non, Anne, il n'y a pas d'iceberg au large des côtes du Massachusetts. C'est autre chose. Mais quoi ? Eux deux s'en sortent sans trop de mal. Mais dans les cabines avant, comme la 60, le plafond s'est effondré sur les occupants qui sortent dans les coursives en rampant. Et plus on s'approche du point d'impact, pire c'est. Le trou béant, aperçu par Calamai, s'étend de la cabine 46 à 56. C'est énorme. Madame Tchianfara, dans les décombres de la 54, reprend ses esprits dans une douleur immense. Elle ne peut pas bouger. Pas très loin, elle entend les gémissements de son mari. Puis, plus rien. Elle comprend qu'il vient de mourir. Où sont ses filles ? Comment vont-elles ? Elle ne le sait pas. Elle ne sait même pas ce qu'il vient de se produire. À proximité d'elle, elle entend d'autres voix. Elle se trouve en fait à présent dans la cabine voisine, la 56, occupée par le couple Peterson, ou du moins ce qu'il en reste. Tout s'est effondré ou est parti à la mer. Monsieur Peterson est le seul survivant à avoir aperçu une masse passer devant ses yeux au moment de la collision. C'était l'étrave du Stockholm qui le projeta dans les airs, dans un nuage de fumée et d'étincelles, et le fit brutalement atterrir sur le sol. Il perdit brièvement connaissance. Reprenant ses esprits, il parvient à ramper sous les décombres et à sortir dans la coursive envahie de monde et plonger dans une épaisse fumée provoquée par le frottement des tôles des deux navires. Une poussière grise est mélangée à la fumée et retombe sur le sol et les décombres. C'est l'isolant inifugié, l'amiante, qui se trouve entre la coque et le revêtement en lambris des cloisons des cabines. S'il n'avait pas été là, le Doria aurait probablement pu prendre feu lors du frottement des tôles. Peterson ne sait pas où est sa femme. Il comprend que s'il veut la trouver, il doit à présent passer par la cabine 58 où la cloison est partiellement arrachée. Il se glisse sous les décombres où il aperçoit Madame Tianfara. Il mit tout en œuvre pour soulever la montagne de débris qui couvrait les deux femmes. Mais sa force et sa détermination seules ne suffisent pas. Résignée, elle lui demande de les abandonner, de se sauver. Laissez-moi sauver votre vie comme vous le pouvez. Mais Peterson est un sacré personnage et il n'abandonnera pas aussi facilement. Il leur promit de revenir avec de l'aide. Peterson était nu. Il trouva un rideau dans lequel il s'enveloppa et partit en quête de secours. Un peu en avant dans la coursive, il aperçut M. Carlin sortant de sa cabine l'air perdu et perplexe. Il cherche sa femme. M. Carlin avait refusé une tasse de café que des amis leur proposaient à sa femme et lui. Si elle voulait profiter de la soirée encore un peu, lui, fatigué, avait imposé qu'ils aillent se coucher. Elle lisait dans le lit de leur belle cabine, lampe de chevet allumée. Il allait la rejoindre lorsque le choc survint. Reprenant ses esprits, il ne vit face à lui qu'un trou béant au-delà duquel s'étendait l'océan et la brume. Plus de lit, plus de table de chevet. Au pont du dessous, le pont du vestibule, dans l'appartement de Lux 180, était la famille Thierot. Leur fils Peter, âgé de 13 ans, logeait dans une cabine située à côté, au bout d'une petite coursive. Il fut réveillé par le choc. Les yeux encore collés par le sommeil, il sort de sa cabine, jette un coup d'œil dans la coursive et ne voit rien. Personne. Il retourne se coucher et se rendort tout de suite. Il n'a pas vu pourtant que la coursive est déformée. Il ne peut même plus se rendre à la porte de la cabine de ses parents. Qu'un peu plus loin, sur sa gauche, c'est le vestibule d'entrée où toutes les vitrines ont volé en éclats et que du verre parsème le sol. Pire, il ne sait pas que ce choc vient de faire de lui un orphelin. Ses deux parents sont morts, écrasés sur le cou. Dans le salon du belvédère, où on dansait encore, les cavaliers tombèrent sur leur cavalier. Les bouteilles et les verres volèrent en éclats. Les musiciens chutèrent de l'estrade. Certains se précipitèrent près des fenêtres pour comprendre ce qu'il venait de se passer, mais ne virent que la brume. Il dit que d'autres partaient à toute hâte vers les cabines pour récupérer leurs enfants endormis. Retrouvons George Crandall, Sylvain Hedler, Christine et Marguerite dans le bar des classes cabines. L'ironie du sort veut que juste avant la collision, ils étaient en train de se dire qu'il ne serait pas dérangé si le voyage devait se prolonger, si un incident ou une avarie se produisait. Le voyage avait été tellement agréable jusqu'ici. Crandall est juste à côté du hublot lorsque le choc se produit. La déchirure s'arrête à quelques mètres seulement du bar. Il voit par le hublot les feux du Stockholm qui longent encore la coque. Son sourire s'efface et il regarde méduser ses trois compagnons. Il se rue dans la coursive attenante qui mène au pont de promenade et immédiatement le paquebot s'incline et il glisse sur le pont. Il constate à ce moment que même le pont est sérieusement endommagé. Comprenant que la situation est grave, il décide de descendre aux cabines pour récupérer les gilets de sauvetage. Marguerite et Christine l'accompagnent pour récupérer leurs affaires. Ils ne sont pas au bout de leur peine. La cabine est la 114, située à un pont plus bas sur Tribord. Celle de Marguerite et Christine se situe juste en face. C'est ce qui avait facilité leur rencontre. Les escaliers et les coursives sont envahis de passagers cherchant à fuir les ponts inférieurs. Ils sont bousculés en tous sens et doivent lutter contre cette foule qui leur hurle que le bateau coule, en plus de lutter contre l'inclinaison du navire qui, d'après Crandall, semble s'accentuer. Calamaille sur la passerelle. constate que la gîte atteint les 22 degrés. Craignant de voir son navire chavirer brusquement, il ordonna immédiatement de préparer les canaux pour l'évacuation, en commençant par ceux situés à bas bord. Puis, il fait allumer tous les projecteurs du Doria pour obtenir le plus de luminosité possible. Enfin, il fait mettre en marche la sirène qui annonce à qui peut les entendre que le navire est hors de contrôle. Un de ces lieutenants qui n'était pas de quart au moment de la collision arrive sur la passerelle en pyjama et pantoufles et lui annonce la nouvelle à laquelle Calamaille s'attendait. Il est impossible de descendre les canaux de bas bord. La gîte est trop importante et ils ne descendent pas malgré tous les efforts des hommes d'équipage. Il ne peut donc compter que sur les huit situés à tribord, mais ceux-là, chargés au maximum, ne pourront emporter que 1 400 personnes et pas une de plus. Or, 1 706 âmes sont présentes à bord. Il demande alors de faire appeler les passagers à rejoindre les lieux de rassemblement, mais sans donner l'alarme. Il veut à tout prix éviter les mouvements de panique et la ruée vers les canaux. Une idée germe rapidement dans la tête de Calamai. 16 ans plus tôt, alors qu'il était officier d'un croiseur de la marine italienne, ils avaient été torpillés et le capitaine avait réussi à faire échouer son navire sur une plage, ce qui avait permis de sauver beaucoup de vies. Il sait qu'à environ 22 000 marins, soit 40 km au nord de leur position, il y a le banc de sable de Davis-Scholl. La profondeur ne dépasse pas les 6 mètres. S'il parvient à l'atteindre, le Doria pourra s'y échouer et même être renfloué à moindre frais. Il téléphone alors au chef mécanicien pour savoir si les machines sont en état de fonctionner. Calamaille saisit la poignée de son transmetteur d'ordre et fait passer l'aiguille sur en avant, lente La machine répondit comme il le fallait. L'Andrea Doria frémit et vibre à nouveau sous l'action des turbines. Pendant un court instant, le palais italien reprend vie. Puis, il tremble et vacille. Calamaille fit revenir le transmetteur sur stop Il fit relever leur position. Et demanda qu'on envoie le message de SOS à la radio. SOS de ICEH. Identifiant de l'Andréa Dorian. SOS MI 0320 GMT. Latitude 40.30 nord. Longitude 69.53 ouest. Demande d'aide immédiate. Retournons sur le Stockholm, qui est à présent lui aussi dans la brume. Juste après l'impact, Nordenson fait irruption sur la passerelle et demande ce qu'il s'est passé et pourquoi on ne l'a pas appelé. Carstens est en état de choc. Il lui décrit les événements, il ne cesse de répéter. Mais pourquoi a-t-il tourné ainsi ? Nordenson est d'un grand sang-froid. Les cloisons étanches sont-elles descendues ? Faites stopper les machines, tout de suite. Puis, il envoie faire vérifier les ponts inférieurs du navire et fait contrôler les portes étanches. Depuis la passerelle, la vision est terrifiante. La proue et le gaillard avant, là où se trouvent les chaînes, ne sont qu'un amas de métal et de tôles tordues difficilement identifiables. On contrôle l'inclinaison du navire qui penche légèrement sur l'avant. Le commandant fait activer les pompes. Dans les coursives, les cloisons et les tôles à l'avant sont repliées tel un accordéon et de l'eau coule à flot. Ce n'est pas de l'eau de mer, fort heureusement, c'est de l'eau douce qui s'écoule des canalisations rompues ou déformées lors du choc. Nordenson fait appeler tous les passagers à se regrouper aux différents points de réunion du navire avec leur gilet de sauvetage en attente d'instruction. Il fait vérifier toutes les cabines afin que les hublots soient bien fermés. Malgré la surprise, il n'y eut à bord aucun mouvement de panique. La secousse fut à peine ressentie. En fait, les dégâts étaient limités au quartier de l'équipage situé à l'avant. Trois marins dans leur cabine furent tués immédiatement. Deux de leurs corps tombèrent à la mer lorsque les puits des chaînes rompirent, entraînant dans leur chute les restes de la cabine. Deux autres succombèrent à leurs blessures après avoir été désincarcérés des cabines écrasées. Le compte-rendu des dégâts fait apparaître qu'un compartiment étanche est inondé, mais que la cloison de l'autre est bien étanche et qu'elle résistera à la pression. Afin de faire redresser son navire, Nordenson fait vider les réserves d'eau douce. Comme l'eau a été coupée afin d'arrêter les fuites, Ils n'en ont plus besoin. Un marin espagnol du Stockholm doit son salut à une situation cocasse. Juste avant l'abordage, il fut pris du mal de mer. Il décida alors de sortir prendre l'air sur le pont avant. Il était dans l'escalier qui menait à celui-ci lorsque le choc se produisit. Se précipitant à l'extérieur, il se trouve face au spectacle de la proue écrasée et vit disparaître l'Andrea Doria. Au milieu de tout ça, il entendit les cris d'une fillette dans l'amas de décombre. Il s'avança prudemment, à quatre pattes, et découvrit une jeune fille recroquevillée dans un pyjama déchiré. Elle écarquilla les yeux en voyant l'homme, tout aussi surpris qu'elle. Donde est ta maman ? Ta maman est à bord du bateau ? Oui, maman est avec moi. Ne t'inquiète pas, on va retrouver ta maman. Comment tu t'appelles ? Je m'appelle Linda Morgan. Et ta maman ? Ma maman est déjà une sienne phare. La situation, en fait, est atrocement miraculeuse et formidable. Linda, lors du choc, a été projetée hors de son lit et a, on ne sait comment, atterri sans grave blessure par-dessus le brise-lame du Stockholm. Elle ne souffre que d'un bras cassé. C'est invraisemblablement miraculeux. Malheureusement, sa sœur Johanne n'a pas eu la même chance et fut écrasée dans son lit par l'étrave du paquebot. La pauvre. n'a probablement pas souffert tant le choc fut brutal et soudain. Avec un autre matelot, il parvient à sortir Linda des décombres. Elle ne cesse de réclamer sa maman. L'homme espagnol, Bernabé Polanco Garcia, qui sera appelé l'homme de Cadix, ville dont il était originaire, a aperçu un peu plus loin le cadavre dénudé d'une femme. Il soupçonne que ce soit sa maman, mais il ne dit rien. Il lui promet de la retrouver pendant qu'il la conduit à l'abri. Pour le moment, il pense que Linda et sa mère sont des passagères du Stockholm qui se seraient faufilés dans les espaces de l'équipage. Il tente de partir récupérer le cadavre aperçu avant que celui-ci ne tombe à la mer. L'équilibre est précaire. Il rampe tout doucement et tente de se saisir du bras qui se détache du corps. C'est effroyable. Il reprend son courage et essaye de se saisir des cheveux qui lui restent dans la main. Et dans un dernier effort de récupération, le corps bascule à la mer. Linda est conduite au commissaire de bord qui vérifie la liste des passagers et ne trouve rien au nom de Morgane ni Tianfara. Linda regarde autour d'elle et réalise qu'elle ne reconnaît pas le navire. Alors, elle dit J'étais à bord de Andrea Doria. C'est bien Andrea Doria, n'est-ce pas ? Tous comprennent alors que c'est une passagère de l'autre paquebot qu'ils ont abordé. Au même moment, dans la salle radio parvient le message de SES du Doria. Ils ont enfin identifié le navire qu'ils viennent de parcuter et qui réclament une assistance immédiate, mais sans dire qu'il coule. Nordensen refuse dans un premier temps d'envoyer les chaloupes tant qu'il n'est pas sûr que son paquebot ne va pas sombrer lui aussi. Mais il accepte néanmoins de recevoir les canaux que le Doria parviendra à faire descendre. Puis, face à l'insistance de l'opérateur radio du Doria qui lui précise qu'il craigne de chavirer, il fait envoyer quelques chaloupes et fait préparer la salle à manger et les salons à recevoir des naufragés du Doria. Le SOS est relayé tel une traînée de poudre. Bientôt, deux cargos se déroutent pour leur venir en aide. Problème, ils ne disposent pas de suffisamment de chaloupes. Dans les locaux du New York Times, certains se réjouissent en sachant qu'à bord se trouve l'un de leurs collaborateurs. Ils ont hâte de recueillir les propos de Camille Tchianfara. Plus tard, dans la journée du lendemain, ils vivront un ascenseur émotionnel terrible en apprenant que ni lui, ni sa fille n'ont survécu à l'abordage. La nouvelle arrive également aux oreilles de Edward Morgan, le père de Linda, qui devra bien sûr animer la radio sans savoir pour le moment si sa fille est saine et sauve. A 23h30, à quelques mille marins de là, le message de détresse est capté par l'opérateur radio d'Île-de-France, qui fonce lui aussi dans le brouillard. L'opérateur vient trouver le commandant Raoul de Baudéan, personnage haut en couleur, qui assure le commandement d'Île-de-France. C'est un homme charmant, original, que les passagers sont parfois surpris de croiser portant son monocle à l'œil. Il ne le sait pas encore, mais cette nuit va transformer sa carrière et faire de lui un héros, le faisant entrer dans l'histoire. Recevant ce message, qui demeure tout de même assez vague, il observe un temps de réflexion. Faire demi-tour n'est pas sans conséquences. Île-de-France est un vieux paquebot qui consomme beaucoup de mazout. D'autres paquebots dans la zone se détournent également vers les lieux du sinistre. Quelle justification donnerait-il à ses armateurs si en arrivant sur place, on n'avait plus besoin de l'aide de son paquebot ? Quelles excuses donnerait-il à ses passagers pour cet énorme retard ? Certains ont un horaire à tenir. En 1929, la Conférence internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer prescrit à tout navire entendant un SOS de se diriger vers le point d'accident. Cela fait suite aux défaillances relevées après le dramatique naufrage du Titanic. Toutefois, en 1948, on avait un peu adouci cette règle et les capitaines étaient libres, ou non, de répondre à cet appel s'ils savaient que d'autres navires se déroutaient également. Le message reçu est un message relayé par d'autres paquebots. Il n'a pas été capté directement du Doria. Le commandant demande alors à son opérateur de demander à Andréa Doria s'ils ont besoin d'aide. Leur message n'est pas clair, rien n'indique qu'il coule. Immédiatement, le Doria réitère son message. Aie besoin d'aide immédiate Mais ce message, Île-de-France ne le recevra jamais. Avec l'inclinaison du Doria, la portée de son antenne est de plus en plus faible. Île-de-France ne reçoit que les autres messages que les navires dans le secteur se relaient. Il devient vite évident pour le commandant de Baudéant que Andrea Doria cherche à évacuer ses passagers et qu'il aura besoin du plus de canaux possible. À compter de ce moment, il n'a plus aucune hésitation. Il fait immédiatement faire demi-tour à ce vétéran de l'océan qu'est Île-de-France et fait envoyer le message suivant. Un autre message lui est relayé d'un navire ayant posé la même question au Doria quelques minutes auparavant. Il fait alors débâcher tous les canaux, fait rallumer les fourneaux d'Ile-de-France pour préparer des potages. Le médecin prépare son infirmerie à recevoir des blessés. En fait, les dispositions sont les mêmes que lorsque Carpaccia est venu en aide à Titanic. Deau Baudéan pousse la puissance de l'île de France qui atteint vite 22 nœuds. Il fonce dans un brouillard épais et fume cigarette sur cigarette sur la passerelle de son paquebot, faisant des allées et venues entre les ailes de la passerelle et son radar. Dans sa main, il égrène les perles de son chapelet. C'est un homme de grande foi. Son inquiétude est immense et elle est justifiée. Le danger est encore plus grand que d'habitude. Ils sont beaucoup de navires à converger à l'aveugle vers le même point, lui-même invisible dans cette purée de poids. Le risque de sur-accident n'a jamais été aussi grand qu'en cette nuit du 25 juillet 1956. Sur les ponts du Doria, l'évacuation chaotique a commencé sans avoir été annoncée dans les haut-parleurs. Avec la gîte, les canaux ne pouvaient être chargés depuis le pont des embarcations. Ils sont donc descendus à l'eau et les hommes d'équipage y prennent place en se laissant glisser depuis les garants. Les officiers leur demandent ensuite de s'approcher du paquebot pour venir recueillir les passagers massés sur les ponts inférieurs. à Tribord. Mais c'est un autre tableau qui va se jouer. Beaucoup d'hommes de l'équipage montent à bord et s'éloignent en direction du Stockholm. Plus haut, nous retrouvons M. Peterson, vêtu de son rideau, qui arrive dans un espace commun et tombe sur le médecin auprès de qui il vient réclamer de la morphine. Le médecin est assez surpris de la demande de ce monsieur vêtu de la sorte. Voyant ce regard méfiant, Peterson lui explique la situation. Ce n'est pas pour lui, mais pour sa femme et une autre femme coincée sous les décombres. Il est chiropracticien et pourra réaliser lui-même l'injection. Il parvient en même temps à trouver de l'aide pour mener à bien le sauvetage. Il ne lui manque qu'un vérin. Revenu dans ce qui était auparavant sa cabine, il rampe sous les décombres et parvient à injecter la morphine à Madame Tianfara et à son épouse. À présent aidé, il reprend sa tâche. A l'aide d'une hache, les restes de cloison sont abattus, découpés, évacués. On se débat avec un matelas à ressorts éventré dans lequel est prise Madame Tchian Farah qui, de son côté, ne cesse de répéter qu'ils feraient tous bien de la laisser et de se sauver eux-mêmes. C'est moi, enfant. Sauvez-vous. Je suis pichu. La gîte dépasse les 20 degrés. Imaginez, c'est très compliqué de se maintenir debout et à tout moment, le Doria peut chavirer. De leur côté, George Crandall, Sylvain Headler, Christine et Marguerite attendent au point de regroupement. Aucun ordre ne leur parvient. On ne leur dit rien. Des rumeurs circulent. Une explosion de chaudière. On a heurté une épave. Il y a eu un abordage. Crandall décide de monter voir le commandant. Arrivé à proximité de la passerelle, il est bloqué par des officiers à qui il pose évidemment des questions. Lui-même sachant très bien qu'il y avait eu un abordage. Calamay entend la scène et dit alors. Dites à ce monsieur ce qu'il veut savoir. Mais les explications restèrent vagues. Il faut évacuer le Doria, mais celui-ci ne va pas couler. De retour auprès de ses amis, il se dirige donc à tribord sur les ponts extérieurs et constate qu'effectivement, certains descendent dans les embarcations dans les désordres le plus complet. On cède de Garand, de filets à bagages, d'autres sautent à l'eau. Crandell et Adler descendent dans le canot. Marguerite et Christine sont aidées par les membres d'équipage. Plus tard... Arrivé à bord du Stockholm, ils sont guidés vers la salle à manger. Et là, surprise ! Eux qui pensaient être parmi les premiers évacués constatent que la salle est déjà bien remplie. Mais surtout, ils voient que ce sont presque que des membres du personnel d'Andrea Doria qui sont en train de parler entre eux en profitant du buffet mis à disposition des naufragés. Krendel retrouve même son garçon de cabine, surpris de le trouver lui aussi. Sans gêne, il leur explique même qu'ils sont à bord du Stockholm depuis minuit et demi. Les marins du Stockholm étaient furieux de voir le personnel du Doria abandonner leur paquebot et les passagers. Ça va contre la tradition et l'honneur des marins. Mais ce ne sont quasiment que des vestes blanches, autrement dit du personnel hôtelier. Ces gens-là ne sont pas des marins de profession, mais du personnel employé par la compagnie pour servir au restaurant ou dans les cabines. Il en va et vient constamment. Peu après, les premiers canaux du Stockholm arrivent auprès du Doria. Depuis l'embarcation, les hommes demandent qu'on leur jette une échelle. Un homme se penche, attrape un garant et se laisse descendre dans la chaloupe. C'est un maître d'hôtel du Doria. Il s'assoit, met la tête entre ses mains et pleure. Puis, des dizaines de personnes emboîtent le pas, se jettent à l'eau. Il en arrive de partout. Les enfants sont jetés à la mer. On hisse tant qu'on peut les personnes à bord dans le désordre le plus total. Soudain, un autre enfant est jeté par-dessus bord. La pauvre petite atterrit dans l'embarcation dans un grand fracas. Sa tête a probablement heurté le bord du canot. Elle va mal et souffre de plusieurs fractures. Elle est enveloppée dans une couverture par une dame. Les matelots supposent qu'elle est sa mère. Ils ne se comprennent pas entre suédois et italiens. Personne ne fait la traduction. La chaloupe est pleine et ils se mettent en chemin vers le Stockholm. Les parents de la petite sont en fait toujours à bord. Et elle ne survivra pas. Cette fillette s'appelait Norma Dissandro. Elle mourra de ses blessures à l'hôpital après y avoir été héliportée depuis le Stockholm. La panique a essentiellement lieu parmi les passagers de la classe touriste, évidemment. Eux ont subi le choc plus violemment, et surtout, ils ont vu l'eau envahir leur coursive. Au-dessus, en classe cabine et première classe, tout le monde est relativement calme, et se posait la question de savoir ce qu'il se passait. Ils étaient là, et attendaient calmement qu'on leur dise quoi faire. Calamai, constatant que son navire ne sombre finalement pas aussi vite qu'il le pensait au début, décide de prendre contact avec Nantucket et leur demande de faire venir des remorqueurs. Il a encore l'espoir de préserver le Doria. Il obtient une réponse positive qui lui en sera envoyé un. Enfin, à 2h du matin, la silhouette massive et toute illuminée de l'île de France vient d'apparaître. La brume est moins dense et le commandant de Baudéan a soigné son entrée. Les lettres Ile-de-France sont allumées sur le sun deck, ainsi que les projecteurs éclairant les deux cheminées rouges et noires toutes fumantes. Sur place, il se faufile entre le Thomas, le Cap-Anne et le Stockholm afin de venir se placer au plus près du Doria, en parallèle, afin que les embarcations aient le moins de distance à parcourir. Tel une star entrant en scène, le Cap-Anne braque son projecteur sur lui. 11 canaux sont alors mis à la mer, dont une vedette motorisée. Le Doria est là, incliné sur tribord, tel un boxeur dans les cordes. Toujours magnifique, scintillant encore de toutes ses lumières. À présent, l'évacuation se déroule beaucoup plus rapidement et de manière plus ordonnée. Toutes les embarcations amènent les naufragés à bord d'Île-de-France, où ils sont accueillis avec une couverture, placée sur les épaules, puis dirigée vers la salle à manger ou l'infirmerie. Le commandant avait fait préparer les cabines libres afin d'accueillir les personnes âgées ou mal en point. D'autres passagers réveillés ou tenus éveillés par le tintamarre laissaient de bon cœur leur cabine. C'est un spectacle poignant, terrifiant. Aucun des passagers d'Île-de-France ayant observé cette scène depuis les ponts n'oubliera cette nuit.

Chapters

  • l'impact

    00:00

  • Sur la passerelle du Doria après l'impact

    02:59

  • Dégats en Classe touriste

    04:48

  • Dégâts en première classe

    06:25

  • Dégâts en classe cabine

    11:45

  • Tentative de remise en marche

    13:10

  • A bord du Stockholm après l'impact

    15:50

  • Linda Morgan

    17:53

  • Ile de France

    22:08

  • Evacuation chaotique et sauvetage désespéré

    25:37

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