undefined cover
undefined cover
Le naufrage de "SS Afrique", le Titanic français (Partie 2) cover
Le naufrage de "SS Afrique", le Titanic français (Partie 2) cover
Le cimetière de l'océan

Le naufrage de "SS Afrique", le Titanic français (Partie 2)

Le naufrage de "SS Afrique", le Titanic français (Partie 2)

23min |23/09/2024
Play
undefined cover
undefined cover
Le naufrage de "SS Afrique", le Titanic français (Partie 2) cover
Le naufrage de "SS Afrique", le Titanic français (Partie 2) cover
Le cimetière de l'océan

Le naufrage de "SS Afrique", le Titanic français (Partie 2)

Le naufrage de "SS Afrique", le Titanic français (Partie 2)

23min |23/09/2024
Play

Description

Dans la nuit du 11 au 12 janvier 1920, "Afrique", ⚓ paquebot des Chargeurs Réunis est en route vers les ports des colonies françaises Africaines.

Ses ponts sont chargés de fonctionnaires coloniales et de leurs familles, ainsi que de quelques 200 tirailleurs sénégalais démobilisés après la grande guerre.

Il vient de prendre la haute mer en sortie d'estuaire de la gironde lorsqu'une voie d'eau est découverte dans la chaufferie.
Petit à petit la situation empire à bord, dehors la tempête est sans pitié. 🌊

Privé de ses moteurs, le petit paquebot dérive inexorablement vers le redoutable Plateau de Rochebonne, au large de l'île de Ré et des Sables d'Olonne

Ce naufrage ne laissera que très peu de survivants, tombera dans l'oubli générale et porte aujourd'hui le nom de "Titanic Français".


Découvrez avec moi les détails et les dessous du dernier voyage de l'Afrique. ⛴️

🎧



Sons: 


Musiques:

  • Faceoff - Kevin MacLeod

  • Measured Paces - Kevin MacLeod

  • Calm piano with rain - Denis Pavlov

  • Drama - Lesfm

  • Nubes Permanentes - Rem Rebuzzi


Avec les voix de

  • Rémi Rebuzzi

  • Manuel Perreux


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Vers 15h, le Ceylan a l'Afrique en vue, ce qui rassure les passagers, et il lui propose de le remorquer. Mais c'est impossible de mener à bien la manœuvre avec une seule machine en état de marche au milieu d'un océan démonté. Le risque de collision est bien trop important. Ledu demande alors que le scellant escorte l'Afrique en attendant que la situation devienne plus favorable. Il se trouve à ce moment à environ 20 000 marins du plateau de Rochebonne et la situation ne fait qu'empirer. A 18h, l'histoire prend un tournant décisif. Les soutiers ont de l'eau jusqu'au ventre et ne peuvent plus charger les chaudières en charbon qui est de toute façon lui-même mouillé. La pression chute, l'eau entre dans les chaudières et le moteur côté bas-bord s'arrête. Lucien Quint tente de le relancer en vain. L'Afrique, déjà affaiblie, est maintenant livrée à la merci du vent et du dieu Poséidon bien décidé à l'envoyer au fond. La chaufferie est alors évacuée, les cloisons étanches sont fermées, l'eau ne se propage pas en dehors de la salle des machines pour le moment. Approchant dangereusement du plateau de Rochebonne, au large des Sottelonnes, le scellant avait dû laisser l'Afrique craignant de venir heurter les écueils. Mais ils restent néanmoins dans le secteur et entreprennent de contourner Rochebonne. Ils communiquent par radio pour se donner leur position et se signaler à l'aide de torches lumineuses. Mais le sauvetage n'aura pas lieu. L'Afrique est à la dérive. L'espoir renaît un peu. Miraculeusement, le paquebot est passé entre les écueils sans les toucher. Si tout va bien, au petit matin, ils retrouveront le Ceylan de l'autre côté de Rochebonne. Mais une lumière... perce les creux de la tempête. Un signal régulier. C'est un phare. Afrique fonce à présent droit sur le feu de Rochebonne. C'est en fait une bouée automatique, un bateau phare prévenant la présence des hauts fonds du plateau. Alors que la nuit est tombée, la dynamo s'arrête, noyée elle aussi, plongeant l'Afrique dans le noir le plus complet au milieu des creux de 14 mètres de haut qui viennent s'abattre sur le bateau. Privée de lumière, Il n'est maintenant plus visible par le Céland. Il signale donc sa présence avec les torches lumineuses. Le navire est à présent une chose morte à bord de laquelle se débattent des vivants. Toutefois, la radio est toujours en état de marche sur les batteries de secours et l'opérateur radio, le brave Frédéric Mézié, âgé de 23 ans, continue de communiquer avec le Céland et avec les remorqueurs qui ne peuvent toujours pas venir en aide à l'Afrique. Finalement, Dans sa dérive, avec une gîte de plus en plus importante sur Tribord, impuissant, le dû assiste au choc inévitable de l'Afrique sur le feu de Rochebode, alors aux alentours de 22h. Par trois fois sur Tribord, la coque de l'Afrique vient frapper la bouée avec une grande force, poussée par les vagues. Cette fois, des brèches sont ouvertes, dans la quale numéro 2, et l'eau vient inonder les espaces de 3ème classe. Une tente de colmater la brèche, mais il faut se rendre à l'évidence. C'est impossible. Et cette fois, on le sait, Afrique va sombrer. Le duc continue sans relâche de faire appeler les remorqueurs qui ne viendront pas. Il indique sa position, fait brûler les dernières porches, en vain. Le capitaine fait fermer les dernières cloisons étanches. En ce début de siècle, les cloisons étaient descendues à la main avec des manivelles depuis le pont du dessus. Puis, il ordonne l'évacuation du navire. Il n'est alors pas loin de 23h30. Tous les passagers restent calmes et enfilent leurs gilets de sauvetage et sont regroupés sur le pont des embarcations du paquebot qui ne finit pas de dériver au milieu de l'ouragan. Le dû s'est toujours montré à la hauteur, a toujours gardé son sang-froid et s'est toujours montré rassurant auprès des passagers, ce qui a sûrement évité les mouvements de panique. Commence alors la chaotique mise à l'eau des canaux. On décide de commencer par ceux situés à bas bord. Un premier est chargé avec passagers et membres d'équipage. Mais une nouvelle embardée du paquebot fait chuter la chaloupe dans le creux des vagues avec ses occupants. On tente alors d'en charger un côté bas bord. Le gîte rend difficile l'opération et à nouveau, le peu d'occupants étant parvenus à y prendre place, sont envoyés à la mer ou projetés contre la coque. Cette nuit, l'Atlantique ne fera pas de pitié. Il ne reste bientôt plus qu'un canot, une balénière plus petite. Personne ne veut y aller, tous sont terrifiés par ces énormes vagues qui viennent d'emporter leurs camarades de voyage. Voyez le résultat. Pourquoi aller s'entasser dans une barque en bois qui a peu de chances de pouvoir atteindre la mer et tout autant moins de chances de survivre à cet océan déchaîné qui ne souhaite qu'une chose, leur mort ? Non, ils se sentent plus en sécurité sur ce gros paquebot fait d'acier même s'il prend l'eau de toutes parts et qu'il dérive. Après tout, ils coulent lentement. Peut-être seront-ils secourus par le scellant ? Peut-être qu'un autre navire insoupçonné va venir percer l'horizon, tout feu allumé et recueillir les... pauvres naufragés du plateau de Rochebonne. Non mes amis, savez-vous quel nom est donné à ce naufrage ? Le Titanic français. Et pourtant, vous savez que je n'aime pas les étiquettes ou les mesures en Titanic, mais ça en dit suffisamment long sur cette histoire. Une balénière avec peu d'occupants parvient à s'éloigner de l'Afrique. Pour y monter, les hommes se laissent glisser le long des garants ou sautent dedans depuis le pont de promenade. Parmi eux, Lucien Anquin, le mécanicien, tente sa chance. Il sait que l'Afrique est perdue. Dans la dernière balénière à quitter le paquebot en perdition, seulement 12 personnes y prennent place, dans les mêmes conditions. 11 membres d'équipage, dont le lieutenant Thibault, et un passager. Malgré l'insistance du capitaine et des membres d'équipage, Tous restent sur l'Afrique, se regroupent autour de Mgr Jalaber et prient un bon Dieu avec qui ils pourront bientôt discuter de leur triste sort. Réunis dans le salon, Sénégalais, Gabonais, Congolais sont bientôt rejoints par Yassin Jalaber pour prier ensemble à la lueur d'un cierge. C'est la dernière fois qu'ils se ravuent. D'autres sortent leur gris-gris et prient dans leur langage. Certains se recroquevillent dans un coin en gémissant, pétrifiés de peur de ce que la nuit leur réserve. 3 heures du matin. Je sombre. Je suis exactement entre les roches de barge, le banc de Rochebune et les baleines à la pointe de Ligure. C'est sans doute le dernier message transmis par l'Afrique avant qu'il ne disparaisse complètement. Son capitaine sombre avec son navire, laissant derrière lui six enfants et son épouse enceinte de huit mois. Il avait réuni ses derniers passagers sur le pont de l'équipage qui est le plus haut du navire.

  • Speaker #1

    Jusqu'au bout, il a accompli son devoir avec courage et parfaite abnégation. La mère a eu raison de son navire, mais il n'est à relever contre lui aucune faute professionnelle. La douleur égare bien des gens. Je l'ai entendu prétendre que nous n'aurions pas dû quitter le Verdon. D'autres, que nous aurions dû virer de bord le matin à onze heures, quand nous avions eu connaissance de notre première amie. J'avais envie de les insulter ou de les frapper. J'ai toujours eu confiance au commandant que j'aimais et que j'admirais. Dans les mêmes circonstances, si Dieu me permettait qu'il revienne, Je le suivrai de la même façon que j'ai fait.

  • Speaker #0

    Le lieutenant Thibault, survivant, montait à bord de la balénière dans une lettre à Madame Ledoux. Le scellant avait perdu de vue l'Afrique après l'extinction de ses feux. À la levée du jour, il était à l'endroit où il devait retrouver l'Afrique. Il repêchera une vingtaine de survivants, réunis sur une embarcation au milieu de la mer démontée, berçant les corps inanimés de ses victimes au creux de ces immenses vagues. Les douze rescapés, dont le lieutenant Thibault, ayant trouvé place dans la balénière, parviendront à ramer jusqu'à Saint-Vincent-sur-Jarre, en Vendée, et débarqueront pas très loin de la maison Clémenceau pour ceux qui connaissent. Les autres navires ou remorqueurs arrivés sur place assistent à des visions d'horreur. Au creux des vagues, ce ne sont que des cadavres qui flottent et roulent à perte de vue. Certains sont morts noyés, d'autres de froid. Une balénière s'approche péniblement d'un remorqueur. À l'avant, un homme y est agrippé, le visage ensanglanté, la mâchoire serrée. Il est impossible de lui faire lâcher prise. Cet homme est mort lâche un marin. Lucien Quint ne reverra pas sa famille. Manifestement, une poulie de garant lui aurait fracassé le crâne lors de la mise à l'eau de l'embarcation. Commence alors la lourde tâche d'identification des victimes. On ne compte que 34 survivants sur les un peu plus de 600 passagers de l'Afrique. Titanic français dites-vous ? Aucun enfant n'y survivra. On comptait parmi eux des nourrissons. Des enfants de 3, 5 ou 9 ans à peine. Je ne peux m'empêcher de penser à ces papas, attendant au port qu'ils ne reverront jamais leurs enfants et leur mère. Cruel océan. Maudit Rochebonne. Dans les jours qui suivirent, les semaines même, des cadavres venaient s'échouer encore et encore sur les plages vendéennes. Des cadavres méconnaissables, démembrés, gonflés par l'eau. Plus les semaines passaient, et moins ils étaient identifiables.

  • Speaker #1

    Le 2 février 1920, à 2h du matin. est arrivé à la côte de lance de la Guérinière, en face de la dune du Pérou, le corps de Mikou René, fonctionnaire colonial, comptable des chemins de fer de la Guinée, passager à bord du paquebot l'Afrique, ainsi qu'il apparaît les papiers trouvés dans son portefeuille. Natif de Sainte, domicilier à Saint-André-le-Cubrac, Gironde. Âgé de 31 ans, époux de Hélène Argoé, disparu dans le même naufrage. Dressé le 2 février 1920 à 2h du soir, selon la déclaration de Salardène, garde-pêche, et Bujon-Jules, garde-côte-domicilier à la Guérignard.

  • Speaker #0

    Un exemple parmi d'autres. Si aucun papier d'identité n'était trouvé, on procédait à un inventaire minutieux des vêtements et bijoux, portés ou des objets trouvés dans les poches. 3 février 1920, taille 1m75 environ, complètement défiguré. Vêtue d'un pantalon, d'un gilet bleu marine en serge, un chandail en laine grise, une chemise blanche, un caleçon en laine à rayures noires et blanches, une paire de chaussettes bleues et par-dessus une paire de chaussettes violets. Une alliance en or portant gravée à l'intérieur l'inscription suivante Décès, 17 juin 1908 Ce corps, remonté par un bateau de pêche, sera ensuite identifié comme étant celui du commandant Antoine Leduc. Il sera rapatrié chez lui pour être inhumé au cimetière de Paimpol en Bretagne. Yassin Jalaber ne sera jamais officiellement retrouvé. Des scènes poignantes ont lieu le long des côtes où des proches cherchent les cadavres de leurs chers disparus nuit des jours. Après tel drame, il semble évident que la catastrophe fasse les gros titres, noircisse des pages entières de journaux, de récits et de témoignages des survivants. Eh bien non. Quoi de pire comme oraison funèbre que le silence ? Quoi de pire que l'indifférence, l'oubli ? En dehors d'une guerre, qu'est-ce qui pourrait venir occulter la perte de près de 600 âmes le long de nos côtes en période de paix ? La politique, mes amis. Le naufrage de l'Afrique a lieu en pleine élection présidentielle. Les journaux ne publient donc qu'un petit enquête sur le naufrage. Seule l'Humanité, du 16 janvier, publie un récit des pêcheurs décrivant les cadavres qui roulent au creux des vagues. Ou bien l'illustration du 24 janvier qui consacrera trois pages. dont une photo prise par un passager du Ceylan pendant qu'une balainière chargée de neuf rescapés approchait du navire. En comparaison, dans cette même édition, 13 pages seront consacrées à l'élection du nouveau président Paul Deschanel, qui ne restera pas longtemps au pouvoir, âgé et en mauvaise santé, il démissionnera en septembre de la même année. Au fil des semaines, les seules lignes évoquant le naufrage de l'Afrique sont celles des encarts des proches qui cherchent leur mort. On y trouve des descriptions de vêtements, possiblement portés, des bijoux, des aspects physiques comme la taille ou la moustache pour un homme. On a besoin d'une sépulture pour rendre la disparition concrète et commencer son travail de deuil. Il n'est pas facile pour tout le monde de regarder l'océan et d'accepter qu'ils sont là-bas, endormis sous les vagues. Le peu d'articles de presse parlant du naufrage véhiculera l'idée que l'Afrique s'était brisée en deux après avoir heurté le plateau de Rochebonne, propageant cette croyance établie sur des suggestions d'autres marins au fil des années. On sait avec le temps et grâce aux témoignages que c'est faux, c'est la collision avec la bouée phare qui accélérera le naufrage de l'Afrique. De même, on ne savait pas précisément le nombre de passagers qu'on estimait à à peu près 500. Tous les tirailleurs sénégalais n'avaient pas été répertoriés sur le registre, ou bien leur nom était erroné. Toutefois, bien sûr, une enquête a lieu pour débusquer les responsables. Il est évident que la tempête a joué un rôle énorme, mais ce n'est pas la cause principale. Assez vite, la responsabilité des chargeurs réunis est pointée du doigt, et on en vient vite à dire que l'Afrique n'aurait jamais dû prendre la mer, qu'il était mal entretenu, en mauvais état. Oui, d'accord, il n'avait que 12 ans, avait été construit par un chantier très renommé et bénéficiait de toutes les dernières innovations. Mais c'était aussi un navire qui était rudement éprouvé par ses rotations régulières et le service de guerre qu'il venait d'effectuer. Son dernier entretien aurait été bâclé, exécuté à la hâte. Du moins, c'est ce qu'on dit. On apprend qu'à son précédent départ de Dakar, une partie des mécaniciens avaient refusé d'appareiller tant que certaines réparations n'étaient pas effectuées. Également que son dernier départ de Bordeaux avait déjà été retardé de plusieurs jours car il n'était pas en bon état de navigabilité. Le seul passager survivant dira pendant le procès que le hublot n'était plus étanche et que l'eau y passait sans que le charpentier du navire ne puisse y faire quoi que ce soit. En octobre 1919, l'Afrique était entrée en cale sèche au Sénégal pour un carénage complet de sa coque. Le maître d'équipage, lors du procès, affirme que celle-ci était en parfait état. Ce qu'il oublie ceci dit de mentionner, mais qu'on sait, c'est que ce passage en cale sèche était aussi pour remplacer une presse-étoupe d'hélice. C'est le joint qui fait l'étanchéité entre l'hélice et la sortie de la coque. Celui-ci ne remplissait plus sa tâche et une voie d'eau s'était produite dans la chaufferie. Ce n'est toutefois pas la cause cette fois du naufrage. Une lettre du deuxième mécanicien, Jules Goupil, adressée à son épouse, est également lue lors du procès et il y décrit son constat du mauvais état général des machines. Alors oui, son permis de navigation avait été renouvelé après inspection. Mais cette inspection ne descendait pas vérifier l'état des machines. Non, c'était plutôt de s'assurer qu'il était en bon état général, que ses entretiens avaient eu lieu, que ses équipements de sécurité tels que gilets de sauvetage et canaux étaient bien présents et en bon état, etc. La responsabilité d'Antoine Ledu est dégagée au vu des différents témoignages qui relatent ses actions et son sang-froid durant tout le naufrage et aucun expert n'est en mesure de dire si ses décisions étaient les bonnes ou non. Les familles des victimes assignent la compagnie en justice qui se dégage assez vite de toute responsabilité, rappelant que les passagers de paquebots sont prévenus qu'ils embarquent à bord des bateaux à leurs risques et périls. On ignore clairement en 1920 ce qui causa cette voie d'eau. On pense finalement à une faiblesse d'une tôle rudement éprouvée par la tempête lorsque l'Afrique eut quitté la Gironde pour la haute mer. La compagnie sort donc blanchie de ses premiers procès clairement bâclés qui suscitent même un vif débat à l'Assemblée nationale. Mais les proches des disparus n'en restent pas là et continuent de poursuivre les chargeurs réunis qui font tout leur possible pour faire traîner le procès et rendre les frais de justice coûteux et éprouvants pour les familles. En 1922, un nouvel incident en sortie d'estuaire de la Gironde va venir apporter un nouvel élément de réponse quant à l'avarie dont fut victime l'Afrique. Le 7 décembre 1922, presque trois ans après, le Lutetia, paquebot de la compagnie Sud Navigation, quitte Bordeaux en direction de Rio et Buenos Aires. Le chef mécanicien, en passant le banc de la Mauvaise, peu avant que le bateau sorte de la Gironde, entend une sorte de frottement auquel il ne prête pas plus attention. Cependant, après son entrée en haute mer quelques instants plus tard, une voix d'eau est signalée. Le Lutetia fait immédiatement demi-tour, retourne à Bordeaux, et on constate qu'une déchirure court le long de deux tôles sur Tribord, le même côté où gîtait l'Afrique. De nombreuses épaves gisent au fond du lit de la Garonne dans ces années d'après-guerre. Des épaves de guerre pour certaines, mais aussi beaucoup de vieux navires de pêche, cargos de marchandises, et j'en passe. La pointe de la courbe est une zone de nazigation dangereuse, même pour des marins expérimentés. Il est encore déconseillé aux plaisanciers de naviguer dans cette zone. Le banc de la Mauvaise porte bien son nom. Les courants y sont forts, en voyant les navires s'échouer sur ces faibles fonds. Il est à lui seul un véritable cimetière. On y recense au moins 400 naufrages et des centaines de morts. Les épaves étaient pour la plupart recensées et ont procédé à leur retrait assez souvent, mais certaines disloquées restaient prisonnières du sable. Un scaphandrier est envoyé sur place dans les semaines suivantes et il trouva bien l'étrave d'un bateau dépassant du fond. Impossible de ne pas faire le lien entre cet incident et celui de l'Afrique. Le naufrage de l'Afrique met également en lumière le manque de moyens pour les sauvetages en haute mer, un problème qui ne fut jamais vraiment réglé. Finalement, après 12 ans de procédures durant lesquelles de nombreux parents de victimes ont passé l'arme à gauche, un nouveau jugement est rendu et aussi dégueulasse que cela puisse paraître, il est à nouveau favorable à la compagnie et, comble du drame, les familles doivent payer les frais de justice des chargeurs réunis. Il faut comprendre que les arguments principaux des plaignants n'étaient pas vérifiables. Ils disaient le navire en mauvais état mais aucune preuve n'allait dans leur sens, au contraire, le paquebot venait de recevoir sa nouvelle certification. Il y avait bien sûr la plainte du premier mécanicien dans sa lettre à son épouse, qui décrivait le mauvais état des machines mais n'étaient-ce pas simplement les mots d'un homme aigri, fatigué et loin de chez lui ? Le tribunal a donc laissé de côté ce qu'il qualifiait de racontard et faute de preuves tangibles, la compagnie ne peut être tenue responsable du naufrage. A ce moment, en 1932, entre les deux guerres, on a oublié le naufrage qui avait déjà suscité peu d'intérêt et peu d'émotion à la sortie de la première guerre mondiale. L'Afrique et ses nombreuses victimes sombrent donc complètement dans l'oubli général, d'autant plus après la Seconde Guerre mondiale. L'épave de l'Afrique est découverte et explorée dans les années 80. Est-ce là l'élément déclencheur qui fait ressurgir ces fantômes du fond de l'Atlantique ? Pas vraiment. Le silence reste assourdissant. En 90, la Côte d'Ivoire édite un timbre postal représentant Afrique, destiné à honorer la mémoire de ses ressortissants ayant péri à son bord. Depuis ces dernières années, des associations militent pour que les tirailleurs sénégalais, ivoiriens, maliens ou du Burkina ayant péri dans le naufrage, loin de chez eux, et au retour de la Grande Guerre à laquelle ils ont durement participé, soient reconnus comme morts pour la France Mention difficile à obtenir, puisque réservée aux hommes tombés au combat, les armes à la main. Toutefois, beaucoup d'entre eux, qu'on ne pouvait pas identifier, furent inhumés au vieux cimetière des Sables d'Olonne, où la plupart des corps étaient amenés. Les sépultures ont disparu aujourd'hui. Mais si vous allez jusqu'au monument aux morts de guerre 14-18 au fond du cimetière, vous pourrez y lire leur nom. Après tout, ils sont morts au retour de la guerre sur le bateau qui les ramenait enfin chez eux. Beaucoup d'interrogations demeurent donc encore et on n'aura probablement jamais de réponse. Le naufrage de l'Afrique est le naufrage français le plus meurtrier survenu en temps de paix depuis celui de la Bourgogne, auquel j'ai consacré un de mes premiers épisodes. Cet été, si vous êtes vous aussi vers les sables d'Olonne, la tranche sur mer, l'île de Ré ou Noirmoutier, regardez donc en direction du plateau de Rochebonne, et pensez à tous ces malheureux qui dorment à jamais là-bas, au large, avec l'épave de l'Afrique. Mon récit est à présent terminé. Afin de documenter cet épisode, je me suis aidé de l'ouvrage de Roland Mornay, La tragédie du paquebot Afrique, œuvre d'un véritable marin passionné qui regroupe énormément de documents, témoignages et détails peu connus de la tragédie. Il a eu la chance de rencontrer des descendants de victimes ayant apporté leur regard et leur connaissance sur cette triste histoire. Si vous souhaitez en apprendre davantage sur ce naufrage, je vous invite à acheter son livre. Je suis Julien Maroyaux, j'ai écrit, enregistré et réalisé moi-même cet épisode. Je vous invite à rejoindre les pages Facebook et Instagram Le Cimetière de l'Océan. Vous pouvez également m'envoyer un mail à lesimtière-de-l'océan-gmail.com. J'y répondrai avec plaisir.

Description

Dans la nuit du 11 au 12 janvier 1920, "Afrique", ⚓ paquebot des Chargeurs Réunis est en route vers les ports des colonies françaises Africaines.

Ses ponts sont chargés de fonctionnaires coloniales et de leurs familles, ainsi que de quelques 200 tirailleurs sénégalais démobilisés après la grande guerre.

Il vient de prendre la haute mer en sortie d'estuaire de la gironde lorsqu'une voie d'eau est découverte dans la chaufferie.
Petit à petit la situation empire à bord, dehors la tempête est sans pitié. 🌊

Privé de ses moteurs, le petit paquebot dérive inexorablement vers le redoutable Plateau de Rochebonne, au large de l'île de Ré et des Sables d'Olonne

Ce naufrage ne laissera que très peu de survivants, tombera dans l'oubli générale et porte aujourd'hui le nom de "Titanic Français".


Découvrez avec moi les détails et les dessous du dernier voyage de l'Afrique. ⛴️

🎧



Sons: 


Musiques:

  • Faceoff - Kevin MacLeod

  • Measured Paces - Kevin MacLeod

  • Calm piano with rain - Denis Pavlov

  • Drama - Lesfm

  • Nubes Permanentes - Rem Rebuzzi


Avec les voix de

  • Rémi Rebuzzi

  • Manuel Perreux


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Vers 15h, le Ceylan a l'Afrique en vue, ce qui rassure les passagers, et il lui propose de le remorquer. Mais c'est impossible de mener à bien la manœuvre avec une seule machine en état de marche au milieu d'un océan démonté. Le risque de collision est bien trop important. Ledu demande alors que le scellant escorte l'Afrique en attendant que la situation devienne plus favorable. Il se trouve à ce moment à environ 20 000 marins du plateau de Rochebonne et la situation ne fait qu'empirer. A 18h, l'histoire prend un tournant décisif. Les soutiers ont de l'eau jusqu'au ventre et ne peuvent plus charger les chaudières en charbon qui est de toute façon lui-même mouillé. La pression chute, l'eau entre dans les chaudières et le moteur côté bas-bord s'arrête. Lucien Quint tente de le relancer en vain. L'Afrique, déjà affaiblie, est maintenant livrée à la merci du vent et du dieu Poséidon bien décidé à l'envoyer au fond. La chaufferie est alors évacuée, les cloisons étanches sont fermées, l'eau ne se propage pas en dehors de la salle des machines pour le moment. Approchant dangereusement du plateau de Rochebonne, au large des Sottelonnes, le scellant avait dû laisser l'Afrique craignant de venir heurter les écueils. Mais ils restent néanmoins dans le secteur et entreprennent de contourner Rochebonne. Ils communiquent par radio pour se donner leur position et se signaler à l'aide de torches lumineuses. Mais le sauvetage n'aura pas lieu. L'Afrique est à la dérive. L'espoir renaît un peu. Miraculeusement, le paquebot est passé entre les écueils sans les toucher. Si tout va bien, au petit matin, ils retrouveront le Ceylan de l'autre côté de Rochebonne. Mais une lumière... perce les creux de la tempête. Un signal régulier. C'est un phare. Afrique fonce à présent droit sur le feu de Rochebonne. C'est en fait une bouée automatique, un bateau phare prévenant la présence des hauts fonds du plateau. Alors que la nuit est tombée, la dynamo s'arrête, noyée elle aussi, plongeant l'Afrique dans le noir le plus complet au milieu des creux de 14 mètres de haut qui viennent s'abattre sur le bateau. Privée de lumière, Il n'est maintenant plus visible par le Céland. Il signale donc sa présence avec les torches lumineuses. Le navire est à présent une chose morte à bord de laquelle se débattent des vivants. Toutefois, la radio est toujours en état de marche sur les batteries de secours et l'opérateur radio, le brave Frédéric Mézié, âgé de 23 ans, continue de communiquer avec le Céland et avec les remorqueurs qui ne peuvent toujours pas venir en aide à l'Afrique. Finalement, Dans sa dérive, avec une gîte de plus en plus importante sur Tribord, impuissant, le dû assiste au choc inévitable de l'Afrique sur le feu de Rochebode, alors aux alentours de 22h. Par trois fois sur Tribord, la coque de l'Afrique vient frapper la bouée avec une grande force, poussée par les vagues. Cette fois, des brèches sont ouvertes, dans la quale numéro 2, et l'eau vient inonder les espaces de 3ème classe. Une tente de colmater la brèche, mais il faut se rendre à l'évidence. C'est impossible. Et cette fois, on le sait, Afrique va sombrer. Le duc continue sans relâche de faire appeler les remorqueurs qui ne viendront pas. Il indique sa position, fait brûler les dernières porches, en vain. Le capitaine fait fermer les dernières cloisons étanches. En ce début de siècle, les cloisons étaient descendues à la main avec des manivelles depuis le pont du dessus. Puis, il ordonne l'évacuation du navire. Il n'est alors pas loin de 23h30. Tous les passagers restent calmes et enfilent leurs gilets de sauvetage et sont regroupés sur le pont des embarcations du paquebot qui ne finit pas de dériver au milieu de l'ouragan. Le dû s'est toujours montré à la hauteur, a toujours gardé son sang-froid et s'est toujours montré rassurant auprès des passagers, ce qui a sûrement évité les mouvements de panique. Commence alors la chaotique mise à l'eau des canaux. On décide de commencer par ceux situés à bas bord. Un premier est chargé avec passagers et membres d'équipage. Mais une nouvelle embardée du paquebot fait chuter la chaloupe dans le creux des vagues avec ses occupants. On tente alors d'en charger un côté bas bord. Le gîte rend difficile l'opération et à nouveau, le peu d'occupants étant parvenus à y prendre place, sont envoyés à la mer ou projetés contre la coque. Cette nuit, l'Atlantique ne fera pas de pitié. Il ne reste bientôt plus qu'un canot, une balénière plus petite. Personne ne veut y aller, tous sont terrifiés par ces énormes vagues qui viennent d'emporter leurs camarades de voyage. Voyez le résultat. Pourquoi aller s'entasser dans une barque en bois qui a peu de chances de pouvoir atteindre la mer et tout autant moins de chances de survivre à cet océan déchaîné qui ne souhaite qu'une chose, leur mort ? Non, ils se sentent plus en sécurité sur ce gros paquebot fait d'acier même s'il prend l'eau de toutes parts et qu'il dérive. Après tout, ils coulent lentement. Peut-être seront-ils secourus par le scellant ? Peut-être qu'un autre navire insoupçonné va venir percer l'horizon, tout feu allumé et recueillir les... pauvres naufragés du plateau de Rochebonne. Non mes amis, savez-vous quel nom est donné à ce naufrage ? Le Titanic français. Et pourtant, vous savez que je n'aime pas les étiquettes ou les mesures en Titanic, mais ça en dit suffisamment long sur cette histoire. Une balénière avec peu d'occupants parvient à s'éloigner de l'Afrique. Pour y monter, les hommes se laissent glisser le long des garants ou sautent dedans depuis le pont de promenade. Parmi eux, Lucien Anquin, le mécanicien, tente sa chance. Il sait que l'Afrique est perdue. Dans la dernière balénière à quitter le paquebot en perdition, seulement 12 personnes y prennent place, dans les mêmes conditions. 11 membres d'équipage, dont le lieutenant Thibault, et un passager. Malgré l'insistance du capitaine et des membres d'équipage, Tous restent sur l'Afrique, se regroupent autour de Mgr Jalaber et prient un bon Dieu avec qui ils pourront bientôt discuter de leur triste sort. Réunis dans le salon, Sénégalais, Gabonais, Congolais sont bientôt rejoints par Yassin Jalaber pour prier ensemble à la lueur d'un cierge. C'est la dernière fois qu'ils se ravuent. D'autres sortent leur gris-gris et prient dans leur langage. Certains se recroquevillent dans un coin en gémissant, pétrifiés de peur de ce que la nuit leur réserve. 3 heures du matin. Je sombre. Je suis exactement entre les roches de barge, le banc de Rochebune et les baleines à la pointe de Ligure. C'est sans doute le dernier message transmis par l'Afrique avant qu'il ne disparaisse complètement. Son capitaine sombre avec son navire, laissant derrière lui six enfants et son épouse enceinte de huit mois. Il avait réuni ses derniers passagers sur le pont de l'équipage qui est le plus haut du navire.

  • Speaker #1

    Jusqu'au bout, il a accompli son devoir avec courage et parfaite abnégation. La mère a eu raison de son navire, mais il n'est à relever contre lui aucune faute professionnelle. La douleur égare bien des gens. Je l'ai entendu prétendre que nous n'aurions pas dû quitter le Verdon. D'autres, que nous aurions dû virer de bord le matin à onze heures, quand nous avions eu connaissance de notre première amie. J'avais envie de les insulter ou de les frapper. J'ai toujours eu confiance au commandant que j'aimais et que j'admirais. Dans les mêmes circonstances, si Dieu me permettait qu'il revienne, Je le suivrai de la même façon que j'ai fait.

  • Speaker #0

    Le lieutenant Thibault, survivant, montait à bord de la balénière dans une lettre à Madame Ledoux. Le scellant avait perdu de vue l'Afrique après l'extinction de ses feux. À la levée du jour, il était à l'endroit où il devait retrouver l'Afrique. Il repêchera une vingtaine de survivants, réunis sur une embarcation au milieu de la mer démontée, berçant les corps inanimés de ses victimes au creux de ces immenses vagues. Les douze rescapés, dont le lieutenant Thibault, ayant trouvé place dans la balénière, parviendront à ramer jusqu'à Saint-Vincent-sur-Jarre, en Vendée, et débarqueront pas très loin de la maison Clémenceau pour ceux qui connaissent. Les autres navires ou remorqueurs arrivés sur place assistent à des visions d'horreur. Au creux des vagues, ce ne sont que des cadavres qui flottent et roulent à perte de vue. Certains sont morts noyés, d'autres de froid. Une balénière s'approche péniblement d'un remorqueur. À l'avant, un homme y est agrippé, le visage ensanglanté, la mâchoire serrée. Il est impossible de lui faire lâcher prise. Cet homme est mort lâche un marin. Lucien Quint ne reverra pas sa famille. Manifestement, une poulie de garant lui aurait fracassé le crâne lors de la mise à l'eau de l'embarcation. Commence alors la lourde tâche d'identification des victimes. On ne compte que 34 survivants sur les un peu plus de 600 passagers de l'Afrique. Titanic français dites-vous ? Aucun enfant n'y survivra. On comptait parmi eux des nourrissons. Des enfants de 3, 5 ou 9 ans à peine. Je ne peux m'empêcher de penser à ces papas, attendant au port qu'ils ne reverront jamais leurs enfants et leur mère. Cruel océan. Maudit Rochebonne. Dans les jours qui suivirent, les semaines même, des cadavres venaient s'échouer encore et encore sur les plages vendéennes. Des cadavres méconnaissables, démembrés, gonflés par l'eau. Plus les semaines passaient, et moins ils étaient identifiables.

  • Speaker #1

    Le 2 février 1920, à 2h du matin. est arrivé à la côte de lance de la Guérinière, en face de la dune du Pérou, le corps de Mikou René, fonctionnaire colonial, comptable des chemins de fer de la Guinée, passager à bord du paquebot l'Afrique, ainsi qu'il apparaît les papiers trouvés dans son portefeuille. Natif de Sainte, domicilier à Saint-André-le-Cubrac, Gironde. Âgé de 31 ans, époux de Hélène Argoé, disparu dans le même naufrage. Dressé le 2 février 1920 à 2h du soir, selon la déclaration de Salardène, garde-pêche, et Bujon-Jules, garde-côte-domicilier à la Guérignard.

  • Speaker #0

    Un exemple parmi d'autres. Si aucun papier d'identité n'était trouvé, on procédait à un inventaire minutieux des vêtements et bijoux, portés ou des objets trouvés dans les poches. 3 février 1920, taille 1m75 environ, complètement défiguré. Vêtue d'un pantalon, d'un gilet bleu marine en serge, un chandail en laine grise, une chemise blanche, un caleçon en laine à rayures noires et blanches, une paire de chaussettes bleues et par-dessus une paire de chaussettes violets. Une alliance en or portant gravée à l'intérieur l'inscription suivante Décès, 17 juin 1908 Ce corps, remonté par un bateau de pêche, sera ensuite identifié comme étant celui du commandant Antoine Leduc. Il sera rapatrié chez lui pour être inhumé au cimetière de Paimpol en Bretagne. Yassin Jalaber ne sera jamais officiellement retrouvé. Des scènes poignantes ont lieu le long des côtes où des proches cherchent les cadavres de leurs chers disparus nuit des jours. Après tel drame, il semble évident que la catastrophe fasse les gros titres, noircisse des pages entières de journaux, de récits et de témoignages des survivants. Eh bien non. Quoi de pire comme oraison funèbre que le silence ? Quoi de pire que l'indifférence, l'oubli ? En dehors d'une guerre, qu'est-ce qui pourrait venir occulter la perte de près de 600 âmes le long de nos côtes en période de paix ? La politique, mes amis. Le naufrage de l'Afrique a lieu en pleine élection présidentielle. Les journaux ne publient donc qu'un petit enquête sur le naufrage. Seule l'Humanité, du 16 janvier, publie un récit des pêcheurs décrivant les cadavres qui roulent au creux des vagues. Ou bien l'illustration du 24 janvier qui consacrera trois pages. dont une photo prise par un passager du Ceylan pendant qu'une balainière chargée de neuf rescapés approchait du navire. En comparaison, dans cette même édition, 13 pages seront consacrées à l'élection du nouveau président Paul Deschanel, qui ne restera pas longtemps au pouvoir, âgé et en mauvaise santé, il démissionnera en septembre de la même année. Au fil des semaines, les seules lignes évoquant le naufrage de l'Afrique sont celles des encarts des proches qui cherchent leur mort. On y trouve des descriptions de vêtements, possiblement portés, des bijoux, des aspects physiques comme la taille ou la moustache pour un homme. On a besoin d'une sépulture pour rendre la disparition concrète et commencer son travail de deuil. Il n'est pas facile pour tout le monde de regarder l'océan et d'accepter qu'ils sont là-bas, endormis sous les vagues. Le peu d'articles de presse parlant du naufrage véhiculera l'idée que l'Afrique s'était brisée en deux après avoir heurté le plateau de Rochebonne, propageant cette croyance établie sur des suggestions d'autres marins au fil des années. On sait avec le temps et grâce aux témoignages que c'est faux, c'est la collision avec la bouée phare qui accélérera le naufrage de l'Afrique. De même, on ne savait pas précisément le nombre de passagers qu'on estimait à à peu près 500. Tous les tirailleurs sénégalais n'avaient pas été répertoriés sur le registre, ou bien leur nom était erroné. Toutefois, bien sûr, une enquête a lieu pour débusquer les responsables. Il est évident que la tempête a joué un rôle énorme, mais ce n'est pas la cause principale. Assez vite, la responsabilité des chargeurs réunis est pointée du doigt, et on en vient vite à dire que l'Afrique n'aurait jamais dû prendre la mer, qu'il était mal entretenu, en mauvais état. Oui, d'accord, il n'avait que 12 ans, avait été construit par un chantier très renommé et bénéficiait de toutes les dernières innovations. Mais c'était aussi un navire qui était rudement éprouvé par ses rotations régulières et le service de guerre qu'il venait d'effectuer. Son dernier entretien aurait été bâclé, exécuté à la hâte. Du moins, c'est ce qu'on dit. On apprend qu'à son précédent départ de Dakar, une partie des mécaniciens avaient refusé d'appareiller tant que certaines réparations n'étaient pas effectuées. Également que son dernier départ de Bordeaux avait déjà été retardé de plusieurs jours car il n'était pas en bon état de navigabilité. Le seul passager survivant dira pendant le procès que le hublot n'était plus étanche et que l'eau y passait sans que le charpentier du navire ne puisse y faire quoi que ce soit. En octobre 1919, l'Afrique était entrée en cale sèche au Sénégal pour un carénage complet de sa coque. Le maître d'équipage, lors du procès, affirme que celle-ci était en parfait état. Ce qu'il oublie ceci dit de mentionner, mais qu'on sait, c'est que ce passage en cale sèche était aussi pour remplacer une presse-étoupe d'hélice. C'est le joint qui fait l'étanchéité entre l'hélice et la sortie de la coque. Celui-ci ne remplissait plus sa tâche et une voie d'eau s'était produite dans la chaufferie. Ce n'est toutefois pas la cause cette fois du naufrage. Une lettre du deuxième mécanicien, Jules Goupil, adressée à son épouse, est également lue lors du procès et il y décrit son constat du mauvais état général des machines. Alors oui, son permis de navigation avait été renouvelé après inspection. Mais cette inspection ne descendait pas vérifier l'état des machines. Non, c'était plutôt de s'assurer qu'il était en bon état général, que ses entretiens avaient eu lieu, que ses équipements de sécurité tels que gilets de sauvetage et canaux étaient bien présents et en bon état, etc. La responsabilité d'Antoine Ledu est dégagée au vu des différents témoignages qui relatent ses actions et son sang-froid durant tout le naufrage et aucun expert n'est en mesure de dire si ses décisions étaient les bonnes ou non. Les familles des victimes assignent la compagnie en justice qui se dégage assez vite de toute responsabilité, rappelant que les passagers de paquebots sont prévenus qu'ils embarquent à bord des bateaux à leurs risques et périls. On ignore clairement en 1920 ce qui causa cette voie d'eau. On pense finalement à une faiblesse d'une tôle rudement éprouvée par la tempête lorsque l'Afrique eut quitté la Gironde pour la haute mer. La compagnie sort donc blanchie de ses premiers procès clairement bâclés qui suscitent même un vif débat à l'Assemblée nationale. Mais les proches des disparus n'en restent pas là et continuent de poursuivre les chargeurs réunis qui font tout leur possible pour faire traîner le procès et rendre les frais de justice coûteux et éprouvants pour les familles. En 1922, un nouvel incident en sortie d'estuaire de la Gironde va venir apporter un nouvel élément de réponse quant à l'avarie dont fut victime l'Afrique. Le 7 décembre 1922, presque trois ans après, le Lutetia, paquebot de la compagnie Sud Navigation, quitte Bordeaux en direction de Rio et Buenos Aires. Le chef mécanicien, en passant le banc de la Mauvaise, peu avant que le bateau sorte de la Gironde, entend une sorte de frottement auquel il ne prête pas plus attention. Cependant, après son entrée en haute mer quelques instants plus tard, une voix d'eau est signalée. Le Lutetia fait immédiatement demi-tour, retourne à Bordeaux, et on constate qu'une déchirure court le long de deux tôles sur Tribord, le même côté où gîtait l'Afrique. De nombreuses épaves gisent au fond du lit de la Garonne dans ces années d'après-guerre. Des épaves de guerre pour certaines, mais aussi beaucoup de vieux navires de pêche, cargos de marchandises, et j'en passe. La pointe de la courbe est une zone de nazigation dangereuse, même pour des marins expérimentés. Il est encore déconseillé aux plaisanciers de naviguer dans cette zone. Le banc de la Mauvaise porte bien son nom. Les courants y sont forts, en voyant les navires s'échouer sur ces faibles fonds. Il est à lui seul un véritable cimetière. On y recense au moins 400 naufrages et des centaines de morts. Les épaves étaient pour la plupart recensées et ont procédé à leur retrait assez souvent, mais certaines disloquées restaient prisonnières du sable. Un scaphandrier est envoyé sur place dans les semaines suivantes et il trouva bien l'étrave d'un bateau dépassant du fond. Impossible de ne pas faire le lien entre cet incident et celui de l'Afrique. Le naufrage de l'Afrique met également en lumière le manque de moyens pour les sauvetages en haute mer, un problème qui ne fut jamais vraiment réglé. Finalement, après 12 ans de procédures durant lesquelles de nombreux parents de victimes ont passé l'arme à gauche, un nouveau jugement est rendu et aussi dégueulasse que cela puisse paraître, il est à nouveau favorable à la compagnie et, comble du drame, les familles doivent payer les frais de justice des chargeurs réunis. Il faut comprendre que les arguments principaux des plaignants n'étaient pas vérifiables. Ils disaient le navire en mauvais état mais aucune preuve n'allait dans leur sens, au contraire, le paquebot venait de recevoir sa nouvelle certification. Il y avait bien sûr la plainte du premier mécanicien dans sa lettre à son épouse, qui décrivait le mauvais état des machines mais n'étaient-ce pas simplement les mots d'un homme aigri, fatigué et loin de chez lui ? Le tribunal a donc laissé de côté ce qu'il qualifiait de racontard et faute de preuves tangibles, la compagnie ne peut être tenue responsable du naufrage. A ce moment, en 1932, entre les deux guerres, on a oublié le naufrage qui avait déjà suscité peu d'intérêt et peu d'émotion à la sortie de la première guerre mondiale. L'Afrique et ses nombreuses victimes sombrent donc complètement dans l'oubli général, d'autant plus après la Seconde Guerre mondiale. L'épave de l'Afrique est découverte et explorée dans les années 80. Est-ce là l'élément déclencheur qui fait ressurgir ces fantômes du fond de l'Atlantique ? Pas vraiment. Le silence reste assourdissant. En 90, la Côte d'Ivoire édite un timbre postal représentant Afrique, destiné à honorer la mémoire de ses ressortissants ayant péri à son bord. Depuis ces dernières années, des associations militent pour que les tirailleurs sénégalais, ivoiriens, maliens ou du Burkina ayant péri dans le naufrage, loin de chez eux, et au retour de la Grande Guerre à laquelle ils ont durement participé, soient reconnus comme morts pour la France Mention difficile à obtenir, puisque réservée aux hommes tombés au combat, les armes à la main. Toutefois, beaucoup d'entre eux, qu'on ne pouvait pas identifier, furent inhumés au vieux cimetière des Sables d'Olonne, où la plupart des corps étaient amenés. Les sépultures ont disparu aujourd'hui. Mais si vous allez jusqu'au monument aux morts de guerre 14-18 au fond du cimetière, vous pourrez y lire leur nom. Après tout, ils sont morts au retour de la guerre sur le bateau qui les ramenait enfin chez eux. Beaucoup d'interrogations demeurent donc encore et on n'aura probablement jamais de réponse. Le naufrage de l'Afrique est le naufrage français le plus meurtrier survenu en temps de paix depuis celui de la Bourgogne, auquel j'ai consacré un de mes premiers épisodes. Cet été, si vous êtes vous aussi vers les sables d'Olonne, la tranche sur mer, l'île de Ré ou Noirmoutier, regardez donc en direction du plateau de Rochebonne, et pensez à tous ces malheureux qui dorment à jamais là-bas, au large, avec l'épave de l'Afrique. Mon récit est à présent terminé. Afin de documenter cet épisode, je me suis aidé de l'ouvrage de Roland Mornay, La tragédie du paquebot Afrique, œuvre d'un véritable marin passionné qui regroupe énormément de documents, témoignages et détails peu connus de la tragédie. Il a eu la chance de rencontrer des descendants de victimes ayant apporté leur regard et leur connaissance sur cette triste histoire. Si vous souhaitez en apprendre davantage sur ce naufrage, je vous invite à acheter son livre. Je suis Julien Maroyaux, j'ai écrit, enregistré et réalisé moi-même cet épisode. Je vous invite à rejoindre les pages Facebook et Instagram Le Cimetière de l'Océan. Vous pouvez également m'envoyer un mail à lesimtière-de-l'océan-gmail.com. J'y répondrai avec plaisir.

Share

Embed

You may also like

Description

Dans la nuit du 11 au 12 janvier 1920, "Afrique", ⚓ paquebot des Chargeurs Réunis est en route vers les ports des colonies françaises Africaines.

Ses ponts sont chargés de fonctionnaires coloniales et de leurs familles, ainsi que de quelques 200 tirailleurs sénégalais démobilisés après la grande guerre.

Il vient de prendre la haute mer en sortie d'estuaire de la gironde lorsqu'une voie d'eau est découverte dans la chaufferie.
Petit à petit la situation empire à bord, dehors la tempête est sans pitié. 🌊

Privé de ses moteurs, le petit paquebot dérive inexorablement vers le redoutable Plateau de Rochebonne, au large de l'île de Ré et des Sables d'Olonne

Ce naufrage ne laissera que très peu de survivants, tombera dans l'oubli générale et porte aujourd'hui le nom de "Titanic Français".


Découvrez avec moi les détails et les dessous du dernier voyage de l'Afrique. ⛴️

🎧



Sons: 


Musiques:

  • Faceoff - Kevin MacLeod

  • Measured Paces - Kevin MacLeod

  • Calm piano with rain - Denis Pavlov

  • Drama - Lesfm

  • Nubes Permanentes - Rem Rebuzzi


Avec les voix de

  • Rémi Rebuzzi

  • Manuel Perreux


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Vers 15h, le Ceylan a l'Afrique en vue, ce qui rassure les passagers, et il lui propose de le remorquer. Mais c'est impossible de mener à bien la manœuvre avec une seule machine en état de marche au milieu d'un océan démonté. Le risque de collision est bien trop important. Ledu demande alors que le scellant escorte l'Afrique en attendant que la situation devienne plus favorable. Il se trouve à ce moment à environ 20 000 marins du plateau de Rochebonne et la situation ne fait qu'empirer. A 18h, l'histoire prend un tournant décisif. Les soutiers ont de l'eau jusqu'au ventre et ne peuvent plus charger les chaudières en charbon qui est de toute façon lui-même mouillé. La pression chute, l'eau entre dans les chaudières et le moteur côté bas-bord s'arrête. Lucien Quint tente de le relancer en vain. L'Afrique, déjà affaiblie, est maintenant livrée à la merci du vent et du dieu Poséidon bien décidé à l'envoyer au fond. La chaufferie est alors évacuée, les cloisons étanches sont fermées, l'eau ne se propage pas en dehors de la salle des machines pour le moment. Approchant dangereusement du plateau de Rochebonne, au large des Sottelonnes, le scellant avait dû laisser l'Afrique craignant de venir heurter les écueils. Mais ils restent néanmoins dans le secteur et entreprennent de contourner Rochebonne. Ils communiquent par radio pour se donner leur position et se signaler à l'aide de torches lumineuses. Mais le sauvetage n'aura pas lieu. L'Afrique est à la dérive. L'espoir renaît un peu. Miraculeusement, le paquebot est passé entre les écueils sans les toucher. Si tout va bien, au petit matin, ils retrouveront le Ceylan de l'autre côté de Rochebonne. Mais une lumière... perce les creux de la tempête. Un signal régulier. C'est un phare. Afrique fonce à présent droit sur le feu de Rochebonne. C'est en fait une bouée automatique, un bateau phare prévenant la présence des hauts fonds du plateau. Alors que la nuit est tombée, la dynamo s'arrête, noyée elle aussi, plongeant l'Afrique dans le noir le plus complet au milieu des creux de 14 mètres de haut qui viennent s'abattre sur le bateau. Privée de lumière, Il n'est maintenant plus visible par le Céland. Il signale donc sa présence avec les torches lumineuses. Le navire est à présent une chose morte à bord de laquelle se débattent des vivants. Toutefois, la radio est toujours en état de marche sur les batteries de secours et l'opérateur radio, le brave Frédéric Mézié, âgé de 23 ans, continue de communiquer avec le Céland et avec les remorqueurs qui ne peuvent toujours pas venir en aide à l'Afrique. Finalement, Dans sa dérive, avec une gîte de plus en plus importante sur Tribord, impuissant, le dû assiste au choc inévitable de l'Afrique sur le feu de Rochebode, alors aux alentours de 22h. Par trois fois sur Tribord, la coque de l'Afrique vient frapper la bouée avec une grande force, poussée par les vagues. Cette fois, des brèches sont ouvertes, dans la quale numéro 2, et l'eau vient inonder les espaces de 3ème classe. Une tente de colmater la brèche, mais il faut se rendre à l'évidence. C'est impossible. Et cette fois, on le sait, Afrique va sombrer. Le duc continue sans relâche de faire appeler les remorqueurs qui ne viendront pas. Il indique sa position, fait brûler les dernières porches, en vain. Le capitaine fait fermer les dernières cloisons étanches. En ce début de siècle, les cloisons étaient descendues à la main avec des manivelles depuis le pont du dessus. Puis, il ordonne l'évacuation du navire. Il n'est alors pas loin de 23h30. Tous les passagers restent calmes et enfilent leurs gilets de sauvetage et sont regroupés sur le pont des embarcations du paquebot qui ne finit pas de dériver au milieu de l'ouragan. Le dû s'est toujours montré à la hauteur, a toujours gardé son sang-froid et s'est toujours montré rassurant auprès des passagers, ce qui a sûrement évité les mouvements de panique. Commence alors la chaotique mise à l'eau des canaux. On décide de commencer par ceux situés à bas bord. Un premier est chargé avec passagers et membres d'équipage. Mais une nouvelle embardée du paquebot fait chuter la chaloupe dans le creux des vagues avec ses occupants. On tente alors d'en charger un côté bas bord. Le gîte rend difficile l'opération et à nouveau, le peu d'occupants étant parvenus à y prendre place, sont envoyés à la mer ou projetés contre la coque. Cette nuit, l'Atlantique ne fera pas de pitié. Il ne reste bientôt plus qu'un canot, une balénière plus petite. Personne ne veut y aller, tous sont terrifiés par ces énormes vagues qui viennent d'emporter leurs camarades de voyage. Voyez le résultat. Pourquoi aller s'entasser dans une barque en bois qui a peu de chances de pouvoir atteindre la mer et tout autant moins de chances de survivre à cet océan déchaîné qui ne souhaite qu'une chose, leur mort ? Non, ils se sentent plus en sécurité sur ce gros paquebot fait d'acier même s'il prend l'eau de toutes parts et qu'il dérive. Après tout, ils coulent lentement. Peut-être seront-ils secourus par le scellant ? Peut-être qu'un autre navire insoupçonné va venir percer l'horizon, tout feu allumé et recueillir les... pauvres naufragés du plateau de Rochebonne. Non mes amis, savez-vous quel nom est donné à ce naufrage ? Le Titanic français. Et pourtant, vous savez que je n'aime pas les étiquettes ou les mesures en Titanic, mais ça en dit suffisamment long sur cette histoire. Une balénière avec peu d'occupants parvient à s'éloigner de l'Afrique. Pour y monter, les hommes se laissent glisser le long des garants ou sautent dedans depuis le pont de promenade. Parmi eux, Lucien Anquin, le mécanicien, tente sa chance. Il sait que l'Afrique est perdue. Dans la dernière balénière à quitter le paquebot en perdition, seulement 12 personnes y prennent place, dans les mêmes conditions. 11 membres d'équipage, dont le lieutenant Thibault, et un passager. Malgré l'insistance du capitaine et des membres d'équipage, Tous restent sur l'Afrique, se regroupent autour de Mgr Jalaber et prient un bon Dieu avec qui ils pourront bientôt discuter de leur triste sort. Réunis dans le salon, Sénégalais, Gabonais, Congolais sont bientôt rejoints par Yassin Jalaber pour prier ensemble à la lueur d'un cierge. C'est la dernière fois qu'ils se ravuent. D'autres sortent leur gris-gris et prient dans leur langage. Certains se recroquevillent dans un coin en gémissant, pétrifiés de peur de ce que la nuit leur réserve. 3 heures du matin. Je sombre. Je suis exactement entre les roches de barge, le banc de Rochebune et les baleines à la pointe de Ligure. C'est sans doute le dernier message transmis par l'Afrique avant qu'il ne disparaisse complètement. Son capitaine sombre avec son navire, laissant derrière lui six enfants et son épouse enceinte de huit mois. Il avait réuni ses derniers passagers sur le pont de l'équipage qui est le plus haut du navire.

  • Speaker #1

    Jusqu'au bout, il a accompli son devoir avec courage et parfaite abnégation. La mère a eu raison de son navire, mais il n'est à relever contre lui aucune faute professionnelle. La douleur égare bien des gens. Je l'ai entendu prétendre que nous n'aurions pas dû quitter le Verdon. D'autres, que nous aurions dû virer de bord le matin à onze heures, quand nous avions eu connaissance de notre première amie. J'avais envie de les insulter ou de les frapper. J'ai toujours eu confiance au commandant que j'aimais et que j'admirais. Dans les mêmes circonstances, si Dieu me permettait qu'il revienne, Je le suivrai de la même façon que j'ai fait.

  • Speaker #0

    Le lieutenant Thibault, survivant, montait à bord de la balénière dans une lettre à Madame Ledoux. Le scellant avait perdu de vue l'Afrique après l'extinction de ses feux. À la levée du jour, il était à l'endroit où il devait retrouver l'Afrique. Il repêchera une vingtaine de survivants, réunis sur une embarcation au milieu de la mer démontée, berçant les corps inanimés de ses victimes au creux de ces immenses vagues. Les douze rescapés, dont le lieutenant Thibault, ayant trouvé place dans la balénière, parviendront à ramer jusqu'à Saint-Vincent-sur-Jarre, en Vendée, et débarqueront pas très loin de la maison Clémenceau pour ceux qui connaissent. Les autres navires ou remorqueurs arrivés sur place assistent à des visions d'horreur. Au creux des vagues, ce ne sont que des cadavres qui flottent et roulent à perte de vue. Certains sont morts noyés, d'autres de froid. Une balénière s'approche péniblement d'un remorqueur. À l'avant, un homme y est agrippé, le visage ensanglanté, la mâchoire serrée. Il est impossible de lui faire lâcher prise. Cet homme est mort lâche un marin. Lucien Quint ne reverra pas sa famille. Manifestement, une poulie de garant lui aurait fracassé le crâne lors de la mise à l'eau de l'embarcation. Commence alors la lourde tâche d'identification des victimes. On ne compte que 34 survivants sur les un peu plus de 600 passagers de l'Afrique. Titanic français dites-vous ? Aucun enfant n'y survivra. On comptait parmi eux des nourrissons. Des enfants de 3, 5 ou 9 ans à peine. Je ne peux m'empêcher de penser à ces papas, attendant au port qu'ils ne reverront jamais leurs enfants et leur mère. Cruel océan. Maudit Rochebonne. Dans les jours qui suivirent, les semaines même, des cadavres venaient s'échouer encore et encore sur les plages vendéennes. Des cadavres méconnaissables, démembrés, gonflés par l'eau. Plus les semaines passaient, et moins ils étaient identifiables.

  • Speaker #1

    Le 2 février 1920, à 2h du matin. est arrivé à la côte de lance de la Guérinière, en face de la dune du Pérou, le corps de Mikou René, fonctionnaire colonial, comptable des chemins de fer de la Guinée, passager à bord du paquebot l'Afrique, ainsi qu'il apparaît les papiers trouvés dans son portefeuille. Natif de Sainte, domicilier à Saint-André-le-Cubrac, Gironde. Âgé de 31 ans, époux de Hélène Argoé, disparu dans le même naufrage. Dressé le 2 février 1920 à 2h du soir, selon la déclaration de Salardène, garde-pêche, et Bujon-Jules, garde-côte-domicilier à la Guérignard.

  • Speaker #0

    Un exemple parmi d'autres. Si aucun papier d'identité n'était trouvé, on procédait à un inventaire minutieux des vêtements et bijoux, portés ou des objets trouvés dans les poches. 3 février 1920, taille 1m75 environ, complètement défiguré. Vêtue d'un pantalon, d'un gilet bleu marine en serge, un chandail en laine grise, une chemise blanche, un caleçon en laine à rayures noires et blanches, une paire de chaussettes bleues et par-dessus une paire de chaussettes violets. Une alliance en or portant gravée à l'intérieur l'inscription suivante Décès, 17 juin 1908 Ce corps, remonté par un bateau de pêche, sera ensuite identifié comme étant celui du commandant Antoine Leduc. Il sera rapatrié chez lui pour être inhumé au cimetière de Paimpol en Bretagne. Yassin Jalaber ne sera jamais officiellement retrouvé. Des scènes poignantes ont lieu le long des côtes où des proches cherchent les cadavres de leurs chers disparus nuit des jours. Après tel drame, il semble évident que la catastrophe fasse les gros titres, noircisse des pages entières de journaux, de récits et de témoignages des survivants. Eh bien non. Quoi de pire comme oraison funèbre que le silence ? Quoi de pire que l'indifférence, l'oubli ? En dehors d'une guerre, qu'est-ce qui pourrait venir occulter la perte de près de 600 âmes le long de nos côtes en période de paix ? La politique, mes amis. Le naufrage de l'Afrique a lieu en pleine élection présidentielle. Les journaux ne publient donc qu'un petit enquête sur le naufrage. Seule l'Humanité, du 16 janvier, publie un récit des pêcheurs décrivant les cadavres qui roulent au creux des vagues. Ou bien l'illustration du 24 janvier qui consacrera trois pages. dont une photo prise par un passager du Ceylan pendant qu'une balainière chargée de neuf rescapés approchait du navire. En comparaison, dans cette même édition, 13 pages seront consacrées à l'élection du nouveau président Paul Deschanel, qui ne restera pas longtemps au pouvoir, âgé et en mauvaise santé, il démissionnera en septembre de la même année. Au fil des semaines, les seules lignes évoquant le naufrage de l'Afrique sont celles des encarts des proches qui cherchent leur mort. On y trouve des descriptions de vêtements, possiblement portés, des bijoux, des aspects physiques comme la taille ou la moustache pour un homme. On a besoin d'une sépulture pour rendre la disparition concrète et commencer son travail de deuil. Il n'est pas facile pour tout le monde de regarder l'océan et d'accepter qu'ils sont là-bas, endormis sous les vagues. Le peu d'articles de presse parlant du naufrage véhiculera l'idée que l'Afrique s'était brisée en deux après avoir heurté le plateau de Rochebonne, propageant cette croyance établie sur des suggestions d'autres marins au fil des années. On sait avec le temps et grâce aux témoignages que c'est faux, c'est la collision avec la bouée phare qui accélérera le naufrage de l'Afrique. De même, on ne savait pas précisément le nombre de passagers qu'on estimait à à peu près 500. Tous les tirailleurs sénégalais n'avaient pas été répertoriés sur le registre, ou bien leur nom était erroné. Toutefois, bien sûr, une enquête a lieu pour débusquer les responsables. Il est évident que la tempête a joué un rôle énorme, mais ce n'est pas la cause principale. Assez vite, la responsabilité des chargeurs réunis est pointée du doigt, et on en vient vite à dire que l'Afrique n'aurait jamais dû prendre la mer, qu'il était mal entretenu, en mauvais état. Oui, d'accord, il n'avait que 12 ans, avait été construit par un chantier très renommé et bénéficiait de toutes les dernières innovations. Mais c'était aussi un navire qui était rudement éprouvé par ses rotations régulières et le service de guerre qu'il venait d'effectuer. Son dernier entretien aurait été bâclé, exécuté à la hâte. Du moins, c'est ce qu'on dit. On apprend qu'à son précédent départ de Dakar, une partie des mécaniciens avaient refusé d'appareiller tant que certaines réparations n'étaient pas effectuées. Également que son dernier départ de Bordeaux avait déjà été retardé de plusieurs jours car il n'était pas en bon état de navigabilité. Le seul passager survivant dira pendant le procès que le hublot n'était plus étanche et que l'eau y passait sans que le charpentier du navire ne puisse y faire quoi que ce soit. En octobre 1919, l'Afrique était entrée en cale sèche au Sénégal pour un carénage complet de sa coque. Le maître d'équipage, lors du procès, affirme que celle-ci était en parfait état. Ce qu'il oublie ceci dit de mentionner, mais qu'on sait, c'est que ce passage en cale sèche était aussi pour remplacer une presse-étoupe d'hélice. C'est le joint qui fait l'étanchéité entre l'hélice et la sortie de la coque. Celui-ci ne remplissait plus sa tâche et une voie d'eau s'était produite dans la chaufferie. Ce n'est toutefois pas la cause cette fois du naufrage. Une lettre du deuxième mécanicien, Jules Goupil, adressée à son épouse, est également lue lors du procès et il y décrit son constat du mauvais état général des machines. Alors oui, son permis de navigation avait été renouvelé après inspection. Mais cette inspection ne descendait pas vérifier l'état des machines. Non, c'était plutôt de s'assurer qu'il était en bon état général, que ses entretiens avaient eu lieu, que ses équipements de sécurité tels que gilets de sauvetage et canaux étaient bien présents et en bon état, etc. La responsabilité d'Antoine Ledu est dégagée au vu des différents témoignages qui relatent ses actions et son sang-froid durant tout le naufrage et aucun expert n'est en mesure de dire si ses décisions étaient les bonnes ou non. Les familles des victimes assignent la compagnie en justice qui se dégage assez vite de toute responsabilité, rappelant que les passagers de paquebots sont prévenus qu'ils embarquent à bord des bateaux à leurs risques et périls. On ignore clairement en 1920 ce qui causa cette voie d'eau. On pense finalement à une faiblesse d'une tôle rudement éprouvée par la tempête lorsque l'Afrique eut quitté la Gironde pour la haute mer. La compagnie sort donc blanchie de ses premiers procès clairement bâclés qui suscitent même un vif débat à l'Assemblée nationale. Mais les proches des disparus n'en restent pas là et continuent de poursuivre les chargeurs réunis qui font tout leur possible pour faire traîner le procès et rendre les frais de justice coûteux et éprouvants pour les familles. En 1922, un nouvel incident en sortie d'estuaire de la Gironde va venir apporter un nouvel élément de réponse quant à l'avarie dont fut victime l'Afrique. Le 7 décembre 1922, presque trois ans après, le Lutetia, paquebot de la compagnie Sud Navigation, quitte Bordeaux en direction de Rio et Buenos Aires. Le chef mécanicien, en passant le banc de la Mauvaise, peu avant que le bateau sorte de la Gironde, entend une sorte de frottement auquel il ne prête pas plus attention. Cependant, après son entrée en haute mer quelques instants plus tard, une voix d'eau est signalée. Le Lutetia fait immédiatement demi-tour, retourne à Bordeaux, et on constate qu'une déchirure court le long de deux tôles sur Tribord, le même côté où gîtait l'Afrique. De nombreuses épaves gisent au fond du lit de la Garonne dans ces années d'après-guerre. Des épaves de guerre pour certaines, mais aussi beaucoup de vieux navires de pêche, cargos de marchandises, et j'en passe. La pointe de la courbe est une zone de nazigation dangereuse, même pour des marins expérimentés. Il est encore déconseillé aux plaisanciers de naviguer dans cette zone. Le banc de la Mauvaise porte bien son nom. Les courants y sont forts, en voyant les navires s'échouer sur ces faibles fonds. Il est à lui seul un véritable cimetière. On y recense au moins 400 naufrages et des centaines de morts. Les épaves étaient pour la plupart recensées et ont procédé à leur retrait assez souvent, mais certaines disloquées restaient prisonnières du sable. Un scaphandrier est envoyé sur place dans les semaines suivantes et il trouva bien l'étrave d'un bateau dépassant du fond. Impossible de ne pas faire le lien entre cet incident et celui de l'Afrique. Le naufrage de l'Afrique met également en lumière le manque de moyens pour les sauvetages en haute mer, un problème qui ne fut jamais vraiment réglé. Finalement, après 12 ans de procédures durant lesquelles de nombreux parents de victimes ont passé l'arme à gauche, un nouveau jugement est rendu et aussi dégueulasse que cela puisse paraître, il est à nouveau favorable à la compagnie et, comble du drame, les familles doivent payer les frais de justice des chargeurs réunis. Il faut comprendre que les arguments principaux des plaignants n'étaient pas vérifiables. Ils disaient le navire en mauvais état mais aucune preuve n'allait dans leur sens, au contraire, le paquebot venait de recevoir sa nouvelle certification. Il y avait bien sûr la plainte du premier mécanicien dans sa lettre à son épouse, qui décrivait le mauvais état des machines mais n'étaient-ce pas simplement les mots d'un homme aigri, fatigué et loin de chez lui ? Le tribunal a donc laissé de côté ce qu'il qualifiait de racontard et faute de preuves tangibles, la compagnie ne peut être tenue responsable du naufrage. A ce moment, en 1932, entre les deux guerres, on a oublié le naufrage qui avait déjà suscité peu d'intérêt et peu d'émotion à la sortie de la première guerre mondiale. L'Afrique et ses nombreuses victimes sombrent donc complètement dans l'oubli général, d'autant plus après la Seconde Guerre mondiale. L'épave de l'Afrique est découverte et explorée dans les années 80. Est-ce là l'élément déclencheur qui fait ressurgir ces fantômes du fond de l'Atlantique ? Pas vraiment. Le silence reste assourdissant. En 90, la Côte d'Ivoire édite un timbre postal représentant Afrique, destiné à honorer la mémoire de ses ressortissants ayant péri à son bord. Depuis ces dernières années, des associations militent pour que les tirailleurs sénégalais, ivoiriens, maliens ou du Burkina ayant péri dans le naufrage, loin de chez eux, et au retour de la Grande Guerre à laquelle ils ont durement participé, soient reconnus comme morts pour la France Mention difficile à obtenir, puisque réservée aux hommes tombés au combat, les armes à la main. Toutefois, beaucoup d'entre eux, qu'on ne pouvait pas identifier, furent inhumés au vieux cimetière des Sables d'Olonne, où la plupart des corps étaient amenés. Les sépultures ont disparu aujourd'hui. Mais si vous allez jusqu'au monument aux morts de guerre 14-18 au fond du cimetière, vous pourrez y lire leur nom. Après tout, ils sont morts au retour de la guerre sur le bateau qui les ramenait enfin chez eux. Beaucoup d'interrogations demeurent donc encore et on n'aura probablement jamais de réponse. Le naufrage de l'Afrique est le naufrage français le plus meurtrier survenu en temps de paix depuis celui de la Bourgogne, auquel j'ai consacré un de mes premiers épisodes. Cet été, si vous êtes vous aussi vers les sables d'Olonne, la tranche sur mer, l'île de Ré ou Noirmoutier, regardez donc en direction du plateau de Rochebonne, et pensez à tous ces malheureux qui dorment à jamais là-bas, au large, avec l'épave de l'Afrique. Mon récit est à présent terminé. Afin de documenter cet épisode, je me suis aidé de l'ouvrage de Roland Mornay, La tragédie du paquebot Afrique, œuvre d'un véritable marin passionné qui regroupe énormément de documents, témoignages et détails peu connus de la tragédie. Il a eu la chance de rencontrer des descendants de victimes ayant apporté leur regard et leur connaissance sur cette triste histoire. Si vous souhaitez en apprendre davantage sur ce naufrage, je vous invite à acheter son livre. Je suis Julien Maroyaux, j'ai écrit, enregistré et réalisé moi-même cet épisode. Je vous invite à rejoindre les pages Facebook et Instagram Le Cimetière de l'Océan. Vous pouvez également m'envoyer un mail à lesimtière-de-l'océan-gmail.com. J'y répondrai avec plaisir.

Description

Dans la nuit du 11 au 12 janvier 1920, "Afrique", ⚓ paquebot des Chargeurs Réunis est en route vers les ports des colonies françaises Africaines.

Ses ponts sont chargés de fonctionnaires coloniales et de leurs familles, ainsi que de quelques 200 tirailleurs sénégalais démobilisés après la grande guerre.

Il vient de prendre la haute mer en sortie d'estuaire de la gironde lorsqu'une voie d'eau est découverte dans la chaufferie.
Petit à petit la situation empire à bord, dehors la tempête est sans pitié. 🌊

Privé de ses moteurs, le petit paquebot dérive inexorablement vers le redoutable Plateau de Rochebonne, au large de l'île de Ré et des Sables d'Olonne

Ce naufrage ne laissera que très peu de survivants, tombera dans l'oubli générale et porte aujourd'hui le nom de "Titanic Français".


Découvrez avec moi les détails et les dessous du dernier voyage de l'Afrique. ⛴️

🎧



Sons: 


Musiques:

  • Faceoff - Kevin MacLeod

  • Measured Paces - Kevin MacLeod

  • Calm piano with rain - Denis Pavlov

  • Drama - Lesfm

  • Nubes Permanentes - Rem Rebuzzi


Avec les voix de

  • Rémi Rebuzzi

  • Manuel Perreux


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Vers 15h, le Ceylan a l'Afrique en vue, ce qui rassure les passagers, et il lui propose de le remorquer. Mais c'est impossible de mener à bien la manœuvre avec une seule machine en état de marche au milieu d'un océan démonté. Le risque de collision est bien trop important. Ledu demande alors que le scellant escorte l'Afrique en attendant que la situation devienne plus favorable. Il se trouve à ce moment à environ 20 000 marins du plateau de Rochebonne et la situation ne fait qu'empirer. A 18h, l'histoire prend un tournant décisif. Les soutiers ont de l'eau jusqu'au ventre et ne peuvent plus charger les chaudières en charbon qui est de toute façon lui-même mouillé. La pression chute, l'eau entre dans les chaudières et le moteur côté bas-bord s'arrête. Lucien Quint tente de le relancer en vain. L'Afrique, déjà affaiblie, est maintenant livrée à la merci du vent et du dieu Poséidon bien décidé à l'envoyer au fond. La chaufferie est alors évacuée, les cloisons étanches sont fermées, l'eau ne se propage pas en dehors de la salle des machines pour le moment. Approchant dangereusement du plateau de Rochebonne, au large des Sottelonnes, le scellant avait dû laisser l'Afrique craignant de venir heurter les écueils. Mais ils restent néanmoins dans le secteur et entreprennent de contourner Rochebonne. Ils communiquent par radio pour se donner leur position et se signaler à l'aide de torches lumineuses. Mais le sauvetage n'aura pas lieu. L'Afrique est à la dérive. L'espoir renaît un peu. Miraculeusement, le paquebot est passé entre les écueils sans les toucher. Si tout va bien, au petit matin, ils retrouveront le Ceylan de l'autre côté de Rochebonne. Mais une lumière... perce les creux de la tempête. Un signal régulier. C'est un phare. Afrique fonce à présent droit sur le feu de Rochebonne. C'est en fait une bouée automatique, un bateau phare prévenant la présence des hauts fonds du plateau. Alors que la nuit est tombée, la dynamo s'arrête, noyée elle aussi, plongeant l'Afrique dans le noir le plus complet au milieu des creux de 14 mètres de haut qui viennent s'abattre sur le bateau. Privée de lumière, Il n'est maintenant plus visible par le Céland. Il signale donc sa présence avec les torches lumineuses. Le navire est à présent une chose morte à bord de laquelle se débattent des vivants. Toutefois, la radio est toujours en état de marche sur les batteries de secours et l'opérateur radio, le brave Frédéric Mézié, âgé de 23 ans, continue de communiquer avec le Céland et avec les remorqueurs qui ne peuvent toujours pas venir en aide à l'Afrique. Finalement, Dans sa dérive, avec une gîte de plus en plus importante sur Tribord, impuissant, le dû assiste au choc inévitable de l'Afrique sur le feu de Rochebode, alors aux alentours de 22h. Par trois fois sur Tribord, la coque de l'Afrique vient frapper la bouée avec une grande force, poussée par les vagues. Cette fois, des brèches sont ouvertes, dans la quale numéro 2, et l'eau vient inonder les espaces de 3ème classe. Une tente de colmater la brèche, mais il faut se rendre à l'évidence. C'est impossible. Et cette fois, on le sait, Afrique va sombrer. Le duc continue sans relâche de faire appeler les remorqueurs qui ne viendront pas. Il indique sa position, fait brûler les dernières porches, en vain. Le capitaine fait fermer les dernières cloisons étanches. En ce début de siècle, les cloisons étaient descendues à la main avec des manivelles depuis le pont du dessus. Puis, il ordonne l'évacuation du navire. Il n'est alors pas loin de 23h30. Tous les passagers restent calmes et enfilent leurs gilets de sauvetage et sont regroupés sur le pont des embarcations du paquebot qui ne finit pas de dériver au milieu de l'ouragan. Le dû s'est toujours montré à la hauteur, a toujours gardé son sang-froid et s'est toujours montré rassurant auprès des passagers, ce qui a sûrement évité les mouvements de panique. Commence alors la chaotique mise à l'eau des canaux. On décide de commencer par ceux situés à bas bord. Un premier est chargé avec passagers et membres d'équipage. Mais une nouvelle embardée du paquebot fait chuter la chaloupe dans le creux des vagues avec ses occupants. On tente alors d'en charger un côté bas bord. Le gîte rend difficile l'opération et à nouveau, le peu d'occupants étant parvenus à y prendre place, sont envoyés à la mer ou projetés contre la coque. Cette nuit, l'Atlantique ne fera pas de pitié. Il ne reste bientôt plus qu'un canot, une balénière plus petite. Personne ne veut y aller, tous sont terrifiés par ces énormes vagues qui viennent d'emporter leurs camarades de voyage. Voyez le résultat. Pourquoi aller s'entasser dans une barque en bois qui a peu de chances de pouvoir atteindre la mer et tout autant moins de chances de survivre à cet océan déchaîné qui ne souhaite qu'une chose, leur mort ? Non, ils se sentent plus en sécurité sur ce gros paquebot fait d'acier même s'il prend l'eau de toutes parts et qu'il dérive. Après tout, ils coulent lentement. Peut-être seront-ils secourus par le scellant ? Peut-être qu'un autre navire insoupçonné va venir percer l'horizon, tout feu allumé et recueillir les... pauvres naufragés du plateau de Rochebonne. Non mes amis, savez-vous quel nom est donné à ce naufrage ? Le Titanic français. Et pourtant, vous savez que je n'aime pas les étiquettes ou les mesures en Titanic, mais ça en dit suffisamment long sur cette histoire. Une balénière avec peu d'occupants parvient à s'éloigner de l'Afrique. Pour y monter, les hommes se laissent glisser le long des garants ou sautent dedans depuis le pont de promenade. Parmi eux, Lucien Anquin, le mécanicien, tente sa chance. Il sait que l'Afrique est perdue. Dans la dernière balénière à quitter le paquebot en perdition, seulement 12 personnes y prennent place, dans les mêmes conditions. 11 membres d'équipage, dont le lieutenant Thibault, et un passager. Malgré l'insistance du capitaine et des membres d'équipage, Tous restent sur l'Afrique, se regroupent autour de Mgr Jalaber et prient un bon Dieu avec qui ils pourront bientôt discuter de leur triste sort. Réunis dans le salon, Sénégalais, Gabonais, Congolais sont bientôt rejoints par Yassin Jalaber pour prier ensemble à la lueur d'un cierge. C'est la dernière fois qu'ils se ravuent. D'autres sortent leur gris-gris et prient dans leur langage. Certains se recroquevillent dans un coin en gémissant, pétrifiés de peur de ce que la nuit leur réserve. 3 heures du matin. Je sombre. Je suis exactement entre les roches de barge, le banc de Rochebune et les baleines à la pointe de Ligure. C'est sans doute le dernier message transmis par l'Afrique avant qu'il ne disparaisse complètement. Son capitaine sombre avec son navire, laissant derrière lui six enfants et son épouse enceinte de huit mois. Il avait réuni ses derniers passagers sur le pont de l'équipage qui est le plus haut du navire.

  • Speaker #1

    Jusqu'au bout, il a accompli son devoir avec courage et parfaite abnégation. La mère a eu raison de son navire, mais il n'est à relever contre lui aucune faute professionnelle. La douleur égare bien des gens. Je l'ai entendu prétendre que nous n'aurions pas dû quitter le Verdon. D'autres, que nous aurions dû virer de bord le matin à onze heures, quand nous avions eu connaissance de notre première amie. J'avais envie de les insulter ou de les frapper. J'ai toujours eu confiance au commandant que j'aimais et que j'admirais. Dans les mêmes circonstances, si Dieu me permettait qu'il revienne, Je le suivrai de la même façon que j'ai fait.

  • Speaker #0

    Le lieutenant Thibault, survivant, montait à bord de la balénière dans une lettre à Madame Ledoux. Le scellant avait perdu de vue l'Afrique après l'extinction de ses feux. À la levée du jour, il était à l'endroit où il devait retrouver l'Afrique. Il repêchera une vingtaine de survivants, réunis sur une embarcation au milieu de la mer démontée, berçant les corps inanimés de ses victimes au creux de ces immenses vagues. Les douze rescapés, dont le lieutenant Thibault, ayant trouvé place dans la balénière, parviendront à ramer jusqu'à Saint-Vincent-sur-Jarre, en Vendée, et débarqueront pas très loin de la maison Clémenceau pour ceux qui connaissent. Les autres navires ou remorqueurs arrivés sur place assistent à des visions d'horreur. Au creux des vagues, ce ne sont que des cadavres qui flottent et roulent à perte de vue. Certains sont morts noyés, d'autres de froid. Une balénière s'approche péniblement d'un remorqueur. À l'avant, un homme y est agrippé, le visage ensanglanté, la mâchoire serrée. Il est impossible de lui faire lâcher prise. Cet homme est mort lâche un marin. Lucien Quint ne reverra pas sa famille. Manifestement, une poulie de garant lui aurait fracassé le crâne lors de la mise à l'eau de l'embarcation. Commence alors la lourde tâche d'identification des victimes. On ne compte que 34 survivants sur les un peu plus de 600 passagers de l'Afrique. Titanic français dites-vous ? Aucun enfant n'y survivra. On comptait parmi eux des nourrissons. Des enfants de 3, 5 ou 9 ans à peine. Je ne peux m'empêcher de penser à ces papas, attendant au port qu'ils ne reverront jamais leurs enfants et leur mère. Cruel océan. Maudit Rochebonne. Dans les jours qui suivirent, les semaines même, des cadavres venaient s'échouer encore et encore sur les plages vendéennes. Des cadavres méconnaissables, démembrés, gonflés par l'eau. Plus les semaines passaient, et moins ils étaient identifiables.

  • Speaker #1

    Le 2 février 1920, à 2h du matin. est arrivé à la côte de lance de la Guérinière, en face de la dune du Pérou, le corps de Mikou René, fonctionnaire colonial, comptable des chemins de fer de la Guinée, passager à bord du paquebot l'Afrique, ainsi qu'il apparaît les papiers trouvés dans son portefeuille. Natif de Sainte, domicilier à Saint-André-le-Cubrac, Gironde. Âgé de 31 ans, époux de Hélène Argoé, disparu dans le même naufrage. Dressé le 2 février 1920 à 2h du soir, selon la déclaration de Salardène, garde-pêche, et Bujon-Jules, garde-côte-domicilier à la Guérignard.

  • Speaker #0

    Un exemple parmi d'autres. Si aucun papier d'identité n'était trouvé, on procédait à un inventaire minutieux des vêtements et bijoux, portés ou des objets trouvés dans les poches. 3 février 1920, taille 1m75 environ, complètement défiguré. Vêtue d'un pantalon, d'un gilet bleu marine en serge, un chandail en laine grise, une chemise blanche, un caleçon en laine à rayures noires et blanches, une paire de chaussettes bleues et par-dessus une paire de chaussettes violets. Une alliance en or portant gravée à l'intérieur l'inscription suivante Décès, 17 juin 1908 Ce corps, remonté par un bateau de pêche, sera ensuite identifié comme étant celui du commandant Antoine Leduc. Il sera rapatrié chez lui pour être inhumé au cimetière de Paimpol en Bretagne. Yassin Jalaber ne sera jamais officiellement retrouvé. Des scènes poignantes ont lieu le long des côtes où des proches cherchent les cadavres de leurs chers disparus nuit des jours. Après tel drame, il semble évident que la catastrophe fasse les gros titres, noircisse des pages entières de journaux, de récits et de témoignages des survivants. Eh bien non. Quoi de pire comme oraison funèbre que le silence ? Quoi de pire que l'indifférence, l'oubli ? En dehors d'une guerre, qu'est-ce qui pourrait venir occulter la perte de près de 600 âmes le long de nos côtes en période de paix ? La politique, mes amis. Le naufrage de l'Afrique a lieu en pleine élection présidentielle. Les journaux ne publient donc qu'un petit enquête sur le naufrage. Seule l'Humanité, du 16 janvier, publie un récit des pêcheurs décrivant les cadavres qui roulent au creux des vagues. Ou bien l'illustration du 24 janvier qui consacrera trois pages. dont une photo prise par un passager du Ceylan pendant qu'une balainière chargée de neuf rescapés approchait du navire. En comparaison, dans cette même édition, 13 pages seront consacrées à l'élection du nouveau président Paul Deschanel, qui ne restera pas longtemps au pouvoir, âgé et en mauvaise santé, il démissionnera en septembre de la même année. Au fil des semaines, les seules lignes évoquant le naufrage de l'Afrique sont celles des encarts des proches qui cherchent leur mort. On y trouve des descriptions de vêtements, possiblement portés, des bijoux, des aspects physiques comme la taille ou la moustache pour un homme. On a besoin d'une sépulture pour rendre la disparition concrète et commencer son travail de deuil. Il n'est pas facile pour tout le monde de regarder l'océan et d'accepter qu'ils sont là-bas, endormis sous les vagues. Le peu d'articles de presse parlant du naufrage véhiculera l'idée que l'Afrique s'était brisée en deux après avoir heurté le plateau de Rochebonne, propageant cette croyance établie sur des suggestions d'autres marins au fil des années. On sait avec le temps et grâce aux témoignages que c'est faux, c'est la collision avec la bouée phare qui accélérera le naufrage de l'Afrique. De même, on ne savait pas précisément le nombre de passagers qu'on estimait à à peu près 500. Tous les tirailleurs sénégalais n'avaient pas été répertoriés sur le registre, ou bien leur nom était erroné. Toutefois, bien sûr, une enquête a lieu pour débusquer les responsables. Il est évident que la tempête a joué un rôle énorme, mais ce n'est pas la cause principale. Assez vite, la responsabilité des chargeurs réunis est pointée du doigt, et on en vient vite à dire que l'Afrique n'aurait jamais dû prendre la mer, qu'il était mal entretenu, en mauvais état. Oui, d'accord, il n'avait que 12 ans, avait été construit par un chantier très renommé et bénéficiait de toutes les dernières innovations. Mais c'était aussi un navire qui était rudement éprouvé par ses rotations régulières et le service de guerre qu'il venait d'effectuer. Son dernier entretien aurait été bâclé, exécuté à la hâte. Du moins, c'est ce qu'on dit. On apprend qu'à son précédent départ de Dakar, une partie des mécaniciens avaient refusé d'appareiller tant que certaines réparations n'étaient pas effectuées. Également que son dernier départ de Bordeaux avait déjà été retardé de plusieurs jours car il n'était pas en bon état de navigabilité. Le seul passager survivant dira pendant le procès que le hublot n'était plus étanche et que l'eau y passait sans que le charpentier du navire ne puisse y faire quoi que ce soit. En octobre 1919, l'Afrique était entrée en cale sèche au Sénégal pour un carénage complet de sa coque. Le maître d'équipage, lors du procès, affirme que celle-ci était en parfait état. Ce qu'il oublie ceci dit de mentionner, mais qu'on sait, c'est que ce passage en cale sèche était aussi pour remplacer une presse-étoupe d'hélice. C'est le joint qui fait l'étanchéité entre l'hélice et la sortie de la coque. Celui-ci ne remplissait plus sa tâche et une voie d'eau s'était produite dans la chaufferie. Ce n'est toutefois pas la cause cette fois du naufrage. Une lettre du deuxième mécanicien, Jules Goupil, adressée à son épouse, est également lue lors du procès et il y décrit son constat du mauvais état général des machines. Alors oui, son permis de navigation avait été renouvelé après inspection. Mais cette inspection ne descendait pas vérifier l'état des machines. Non, c'était plutôt de s'assurer qu'il était en bon état général, que ses entretiens avaient eu lieu, que ses équipements de sécurité tels que gilets de sauvetage et canaux étaient bien présents et en bon état, etc. La responsabilité d'Antoine Ledu est dégagée au vu des différents témoignages qui relatent ses actions et son sang-froid durant tout le naufrage et aucun expert n'est en mesure de dire si ses décisions étaient les bonnes ou non. Les familles des victimes assignent la compagnie en justice qui se dégage assez vite de toute responsabilité, rappelant que les passagers de paquebots sont prévenus qu'ils embarquent à bord des bateaux à leurs risques et périls. On ignore clairement en 1920 ce qui causa cette voie d'eau. On pense finalement à une faiblesse d'une tôle rudement éprouvée par la tempête lorsque l'Afrique eut quitté la Gironde pour la haute mer. La compagnie sort donc blanchie de ses premiers procès clairement bâclés qui suscitent même un vif débat à l'Assemblée nationale. Mais les proches des disparus n'en restent pas là et continuent de poursuivre les chargeurs réunis qui font tout leur possible pour faire traîner le procès et rendre les frais de justice coûteux et éprouvants pour les familles. En 1922, un nouvel incident en sortie d'estuaire de la Gironde va venir apporter un nouvel élément de réponse quant à l'avarie dont fut victime l'Afrique. Le 7 décembre 1922, presque trois ans après, le Lutetia, paquebot de la compagnie Sud Navigation, quitte Bordeaux en direction de Rio et Buenos Aires. Le chef mécanicien, en passant le banc de la Mauvaise, peu avant que le bateau sorte de la Gironde, entend une sorte de frottement auquel il ne prête pas plus attention. Cependant, après son entrée en haute mer quelques instants plus tard, une voix d'eau est signalée. Le Lutetia fait immédiatement demi-tour, retourne à Bordeaux, et on constate qu'une déchirure court le long de deux tôles sur Tribord, le même côté où gîtait l'Afrique. De nombreuses épaves gisent au fond du lit de la Garonne dans ces années d'après-guerre. Des épaves de guerre pour certaines, mais aussi beaucoup de vieux navires de pêche, cargos de marchandises, et j'en passe. La pointe de la courbe est une zone de nazigation dangereuse, même pour des marins expérimentés. Il est encore déconseillé aux plaisanciers de naviguer dans cette zone. Le banc de la Mauvaise porte bien son nom. Les courants y sont forts, en voyant les navires s'échouer sur ces faibles fonds. Il est à lui seul un véritable cimetière. On y recense au moins 400 naufrages et des centaines de morts. Les épaves étaient pour la plupart recensées et ont procédé à leur retrait assez souvent, mais certaines disloquées restaient prisonnières du sable. Un scaphandrier est envoyé sur place dans les semaines suivantes et il trouva bien l'étrave d'un bateau dépassant du fond. Impossible de ne pas faire le lien entre cet incident et celui de l'Afrique. Le naufrage de l'Afrique met également en lumière le manque de moyens pour les sauvetages en haute mer, un problème qui ne fut jamais vraiment réglé. Finalement, après 12 ans de procédures durant lesquelles de nombreux parents de victimes ont passé l'arme à gauche, un nouveau jugement est rendu et aussi dégueulasse que cela puisse paraître, il est à nouveau favorable à la compagnie et, comble du drame, les familles doivent payer les frais de justice des chargeurs réunis. Il faut comprendre que les arguments principaux des plaignants n'étaient pas vérifiables. Ils disaient le navire en mauvais état mais aucune preuve n'allait dans leur sens, au contraire, le paquebot venait de recevoir sa nouvelle certification. Il y avait bien sûr la plainte du premier mécanicien dans sa lettre à son épouse, qui décrivait le mauvais état des machines mais n'étaient-ce pas simplement les mots d'un homme aigri, fatigué et loin de chez lui ? Le tribunal a donc laissé de côté ce qu'il qualifiait de racontard et faute de preuves tangibles, la compagnie ne peut être tenue responsable du naufrage. A ce moment, en 1932, entre les deux guerres, on a oublié le naufrage qui avait déjà suscité peu d'intérêt et peu d'émotion à la sortie de la première guerre mondiale. L'Afrique et ses nombreuses victimes sombrent donc complètement dans l'oubli général, d'autant plus après la Seconde Guerre mondiale. L'épave de l'Afrique est découverte et explorée dans les années 80. Est-ce là l'élément déclencheur qui fait ressurgir ces fantômes du fond de l'Atlantique ? Pas vraiment. Le silence reste assourdissant. En 90, la Côte d'Ivoire édite un timbre postal représentant Afrique, destiné à honorer la mémoire de ses ressortissants ayant péri à son bord. Depuis ces dernières années, des associations militent pour que les tirailleurs sénégalais, ivoiriens, maliens ou du Burkina ayant péri dans le naufrage, loin de chez eux, et au retour de la Grande Guerre à laquelle ils ont durement participé, soient reconnus comme morts pour la France Mention difficile à obtenir, puisque réservée aux hommes tombés au combat, les armes à la main. Toutefois, beaucoup d'entre eux, qu'on ne pouvait pas identifier, furent inhumés au vieux cimetière des Sables d'Olonne, où la plupart des corps étaient amenés. Les sépultures ont disparu aujourd'hui. Mais si vous allez jusqu'au monument aux morts de guerre 14-18 au fond du cimetière, vous pourrez y lire leur nom. Après tout, ils sont morts au retour de la guerre sur le bateau qui les ramenait enfin chez eux. Beaucoup d'interrogations demeurent donc encore et on n'aura probablement jamais de réponse. Le naufrage de l'Afrique est le naufrage français le plus meurtrier survenu en temps de paix depuis celui de la Bourgogne, auquel j'ai consacré un de mes premiers épisodes. Cet été, si vous êtes vous aussi vers les sables d'Olonne, la tranche sur mer, l'île de Ré ou Noirmoutier, regardez donc en direction du plateau de Rochebonne, et pensez à tous ces malheureux qui dorment à jamais là-bas, au large, avec l'épave de l'Afrique. Mon récit est à présent terminé. Afin de documenter cet épisode, je me suis aidé de l'ouvrage de Roland Mornay, La tragédie du paquebot Afrique, œuvre d'un véritable marin passionné qui regroupe énormément de documents, témoignages et détails peu connus de la tragédie. Il a eu la chance de rencontrer des descendants de victimes ayant apporté leur regard et leur connaissance sur cette triste histoire. Si vous souhaitez en apprendre davantage sur ce naufrage, je vous invite à acheter son livre. Je suis Julien Maroyaux, j'ai écrit, enregistré et réalisé moi-même cet épisode. Je vous invite à rejoindre les pages Facebook et Instagram Le Cimetière de l'Océan. Vous pouvez également m'envoyer un mail à lesimtière-de-l'océan-gmail.com. J'y répondrai avec plaisir.

Share

Embed

You may also like