- Speaker #0
Nous vivons dans un monde complexe et pourtant, en ce moment, on ne cesse d'entendre parler de simplification. Prenez par exemple le compte-rendu du conseil des ministres du 2 avril. Le gouvernement y déplore "une inflation normative hors de contrôle" avec plus de 10 000 articles dans le code du travail. Au point qu'on se demande bien qui rédige les projets de loi si ce n'est le gouvernement ! Regardez l'Assemblée, il y a quelques jours, certains parlementaires voulaient simplifier le CSE à l'occasion de l'examen du projet de loi de simplification. Pour un peu, on se croirait presque revenu aux grandes heures des ordonnances de 2017, quand la simplification consistait justement à créer le CSE. Bref, l'heure n'est guère sur le plan politique au renforcement du pouvoir et des attributions des institutions représentatives du personnel. C'est pourtant le moment qu'a choisi le club de réflexion Maurice Cohen pour présenter des propositions plutôt audacieuses afin d'améliorer le CSE. Une instance qui connaît de multiples études l'ont démontré. de nombreux dysfonctionnements. Alors, parmi ces propositions, citons un droit de veto du CSE dans certains domaines, la création d'un comité de proximité ou encore une révision du procédé de consultation. Je suis Bernard Domergue, journaliste, rédacteur en chef d'Actuel CSE. Alors, pour parler de ces propositions, deux membres du cercle Maurice Cohen sont avec nous pour ce 38e épisode du Microsocial, le podcast de Lefebvre Dalloz sur le travail et le droit du travail. Bonjour Fabrice Signoretto. Fabrice, vous êtes juriste et universitaire. Vous avez formé de nombreux CSE et auparavant de nombreux CE.
- Speaker #1
Oui, bonjour. Donc je suis Fabrice Signoreto, je suis également vice-président du Cercle Maurice Cohen.
- Speaker #0
Très bien. Alors Laurent Millet, bonjour Laurent. Vous êtes docteur en droit, responsable de la rédaction du fameux guide Maurice Cohen pour les CSE.
- Speaker #2
Et professeur associé à l'université de Paris-Saclay.
- Speaker #0
Et président du Cercle.
- Speaker #2
Et président du Cercle Maurice Cohen, bien évidemment. qui est en fait un club de réflexion qui rassemble les syndicalistes, les universitaires, les avocats, les juristes en droit social, évidemment, mais aussi des experts auprès des CSE et des inspecteurs du travail.
- Speaker #0
Très bien, quel est le but du cercle ?
- Speaker #2
Le but du cercle, ce n'est pas de faire de la consultation juridique, c'est de produire des réflexions, de prendre un peu de hauteur par rapport aux droits existants et à ce qu'il faudrait améliorer pour... Justement que le fonctionnement des CSE correspond un peu plus à ce qui est son objet, c'est-à-dire le contrôle de la marge générale de l'entreprise.
- Speaker #0
Alors nous allons revenir dans quelques instants sur quelques-unes des grandes propositions que vous formulez, mais avant, dites-moi Fabrice Signoreto, n'est-ce pas un peu théorique, un peu utopique de réclamer ces améliorations, alors que l'heure est plutôt, on l'a vu, à la simplification ?
- Speaker #1
Il est bien évident que nous ne sommes pas naïfs. Nous sommes absolument sans illusion sur le fait que gouvernement et parlement ne se saisiront pas de nos dix propositions pour améliorer le dialogue social, comme nous avons intitulé nos travaux. Cela étant, notre volonté est de débattre et de créer un débat sur ces propositions, sur ces propositions d'irréforme législative.
- Speaker #2
Je voudrais ajouter que, certes, on peut... considérer que le contexte actuel n'est pas propice à de telles propositions et que finalement, on pourrait se dire, le cercle Maurice Cohen se fait plaisir. Sauf qu'il ne faut pas oublier une chose, c'est que dans deux ans, il y a quand même des échéances électorales importantes. Et nous, notre rôle en tant que think tank consacré aux représentants du personnel, c'est d'avancer justement un certain nombre de propositions, pas simplement faire la critique de ce qui existe aujourd'hui. mais faire des propositions alternatives pour que si certains candidats ou candidates à la présidence de la République, notamment, voire après à la députation, puissent s'en emparer et dire, tiens, là, peut-être qu'il y a quelque chose à réfléchir pour améliorer le dialogue social et les instances représentatives du personnel.
- Speaker #0
Alors, vous proposez d'instaurer un droit de veto du CSE. Alors, si j'ai bien compris, en matière de santé, sécurité... Et conditions de travail, de quoi s'agit-il exactement ? Est-ce que vous pourriez nous expliquer ?
- Speaker #1
Alors, il faut partir du constat que la santé physique et mentale et la sécurité des salariés est un principe fondamental reconnu par plusieurs textes internationaux. Autre constat, ces dernières années, l'absentéisme, notamment des cadres, les accidents du travail, les maladies professionnelles qui ne cessent d'augmenter. Il y a un véritable problème santé et conditions de travail dans les entreprises. Oula, cette... Cette proposition de reconnaître aux représentants du personnel, aux élus, un droit d'opposition en cas de projet de l'employeur pouvant porter éventuellement atteinte à leurs conditions de travail.
- Speaker #0
Donc l'idée, c'est que l'employeur ne pourrait pas mettre en œuvre son projet s'il n'avait pas reçu un avis conforme du
- Speaker #1
CSF ? Tout à fait. Donc avis conforme. Et donc face au blocage que cela provoquerait, on transférerait la problématique à une instance de départage. qui pourrait être composée de deux élus et de deux représentants patronaux. et qui serait éventuellement présidée par une autorité indépendante telle que le directeur de la DRITS.
- Speaker #0
Vous allez faire hurler les employeurs avec ces propositions ?
- Speaker #1
C'est tout à fait possible. Toujours est-il, une fois de plus, je répète que la santé, on ne joue pas avec la santé.
- Speaker #2
D'ailleurs, c'est si vrai que le Conseil d'État lui-même récemment a reconnu qu'un accord de performance collective ne pouvait pas imposer une modification de son contrat de travail sur la base justement du droit fondamental à la santé. S'agissait d'une affaire d'inaptitude, je ne veux pas rentrer dans les détails parce que ça serait trop technique, mais on voit bien que c'est une question qui est très prégnante et que le droit à la santé étant un droit fondamental, on ne peut pas le traiter, si j'ose dire, comme les autres attributions du CSE, notamment économiques ou autres.
- Speaker #0
C'est vrai que la France est mal placée en matière de prévention des risques. Oui. Toutes les études l'ont bien montré. L'IGAS recommandait récemment de renforcer les prérogatives du CHCCT en matière d'organisation du travail. Donc ça rejoint un peu cette idée. Autre idée que vous portez au cercle Moïse Cohen, c'est de créer un comité de proximité et des conditions de travail. Alors est-ce que vous pourriez, Laurent, nous expliquer de quoi il s'agit ? Est-ce que c'est un retour au CHCCT ?
- Speaker #2
Pas complètement. Disons que cette question de la santé au travail est très prégnante. Donc en fait, il faut partir du constat suivant. On a... une polyvalence qui est imposée aux élus depuis la mise en place des CSE. C'est très compliqué pour eux d'assumer en réalité trois missions. Parce qu'on avait deux missions qui étaient celles des DP et des CHSCT et qui exigent en fait une proximité avec les salariés. Et puis on a une autre mission qui exige un contact permanent avec le chef d'entreprise, c'est-à-dire c'est les attributions traditionnelles du CSE, c'est-à-dire des attributions économiques ou professionnelles. Et donc il y a une tendance des directions d'entre eux. des directions d'entreprise à avoir une prégnance pour l'économique plutôt que pour les questions de santé au travail et donc de proximité. C'est ce qu'on a constaté depuis, en fait, la création des CSE, c'est qu'il y a un risque de centralisation et donc ce risque de centralisation entraîne un éloignement des élus de leurs mandants. Donc à partir de là, il y a un effet d'embouteillage qui se produit dans l'instance unique, avec des ordres du jour surchargés, et euh... Ça aboutit au fait que certains élus se professionnalisent et d'autres finalement finissent par baisser les bras. On s'en est rendu compte au moment du renouvellement des premiers CSE en 2023-2024, où certaines organisations syndicales ont eu du mal à trouver des candidats. Oui,
- Speaker #0
ils avaient des problèmes pour remplir les listes.
- Speaker #2
Mais absolument, absolument. Et surtout, depuis la disparition du CHSCT, on a une perte de compétence sur ces questions de santé et sécurité. Alors qu'avant, on avait une véritable spécialisation sur ces questions-là.
- Speaker #0
C'est vrai qu'on a l'impression, plusieurs interviews et enquêtes que nous avons faits avec le CSE, le montrent que le CSE n'a pas recouvré l'expertise que pouvaient avoir les CHSCT en termes de prévention des risques, ou d'analyse d'un accident du travail, ou des causes d'une maladie professionnelle.
- Speaker #2
Oui, mais c'est l'explication, c'est justement la déspécialisation. Et puis alors, il y a une autre chose qui vient s'ajouter à cela, c'est que, les représentants de proximité ne compensent pas la perte de proximité, justement. Parce que quand on regarde bien 2142 accords seulement sur les représentants de proximité, c'est les chiffres du comité d'évaluation des ordonnances, donc ils ne sont absolument pas contestables. Ce qui veut dire qu'il y a une nécessité de réinventer la proximité avec une seconde IRP qui s'ajouterait au CSE actuel.
- Speaker #0
Et qui serait chargée de quoi ?
- Speaker #2
Et qui serait chargée d'émissions, justement. de proximité, c'est pour ça qu'on l'appellerait le comité de proximité et des conditions de travail. Donc cette institution serait dotée de la personnalité morale, ce qui lui permettrait d'agir en justice et évidemment de pouvoir désigner des experts. Et elle serait justement, la différence, c'est qu'il n'y aurait pas une superposition, elle serait consultée en lieu et place du CSE sur les enjeux de la santé, de la sécurité au travail. Du temps du CHSCT, il fallait quand même, si j'ose dire... consulter les deux.
- Speaker #0
Donc ça va au-delà des commissions qui sont parfois mises en place par le CSE, à la fois des commissions santé, sécurité et conditions de travail, ou des commissions réclamation individuelle et collective pour essayer de sortir de l'ordre du jour du CSE ce qui reléverait autrefois des délégués du personnel.
- Speaker #2
Absolument, c'est-à-dire qu'en fait c'est peut-être une des seules solutions si j'ose dire, ou une des solutions en tout cas, pour désembouteiller les réunions du CSE et équilibrer les différentes missions des élus. C'est éviter... Par exemple, que les questions de santé au travail soient parasitées par les questions économiques ou par les réclamations individuelles et collectives qui étaient en fait la fonction des anciens délégués du personnel.
- Speaker #0
On a vu dans les chiffres de la DGT une baisse du recours aux expertises, notamment en matière de santé et conditions de travail. Donc cette instance, pour vous, ça permettrait de redonner un peu du pouvoir aux élus là-dessus ?
- Speaker #2
Oui, je pense. Et puis surtout, ça aurait aussi un autre intérêt. c'est que ça permettrait d'avoir une définition de l'établissement distinct au sens du CSE qui serait... plus souple que celle d'aujourd'hui. Parce qu'aujourd'hui, pour avoir un établissement distinct, il faut remplir un certain nombre de critères. Alors c'est un peu technique, je ne veux pas trop embêter les auditeurs avec ça, mais en gros, on nous dit qu'il faut qu'il y ait un chef d'établissement qui soit notamment en charge de la gestion du personnel et de l'exécution du service, c'est-à-dire qu'il puisse conduire économiquement l'établissement. Si on fait ce comité de proximité des conditions de travail, qu'est-ce qu'on fait ? Eh bien, tout simplement... Vu qu'il est chargé uniquement de la question de proximité, réclamation individuelle et collective, et de la santé au travail, on n'a plus besoin que le chef d'établissement soit doté. d'un pouvoir économique, quelque part. Il a simplement besoin d'un pouvoir de décision en matière de gestion du personnel et d'organisation du travail.
- Speaker #0
On échappe à la tendance à la centralisation ?
- Speaker #2
On échappe à la tendance à la centralisation. Alors après, restent des autres... Ça, c'est des questions de principe. Restera d'autres questions à régler, mais ça, c'est pas l'objet pour le moment. Notamment, comment il est élu ? Est-ce que c'est une élection au deuxième degré ? Est-ce que c'est une élection directe ou autre ? Ça, nous verrons en avançant. Si des oreilles attentives veulent bien... se pencher et écouter ce merveilleux podcast.
- Speaker #0
Fabrice Signoreté, vous voulez...
- Speaker #1
Oui, juste pour ajouter que la proximité est un enjeu majeur. Si l'on veut que les élus soient entendus et surtout écoutés, il faut leur permettre effectivement d'être proches de leurs mandants. La seule manière pour eux de bien connaître les conditions de travail et les différents... en poste de travail existant dans une entreprise. Et cet enjeu, on l'a très vite, Laurent et moi. Je ne sais pas si tu te souviens d'un coup de fil qu'on avait eu assez long sur le sujet. Quelques mois après les ordonnances Macron, donc c'était fin 2017, début 2018, on avait tout de suite repéré ce défaut majeur des ordonnances Macron qui consistait donc à centraliser les IRP. Et on avait tout de suite... tous les deux considérer qu'il fallait faire évoluer la jurisprudence sur le concept d'établissement distinct pour permettre effectivement de rapprocher élus et mandants. On y a réussi. On a été écouté en grande partie par la Cour de cassation, qui après a premier arrêt... catastrophique sur le cas de la CNCF est revenu à des considérations, mais rien n'y fait en fait. C'est manifestement insuffisant. De très nombreux élus croient encore que l'employeur est seul compétent pour définir l'établissement distinct.
- Speaker #0
Autre proposition du cercle Maurice Cohen, ça concerne la consultation elle-même du CSE. Qu'est-ce qui ne va pas aujourd'hui ? Quelles sont vos propositions ?
- Speaker #1
Alors les constats sont les suivants. Depuis 2013... Le législateur a instauré des délais de consultation qui sont très courts et qui contraignent fortement les élus et qui les obligent à se précipiter pour rendre un avis. On voudrait également, bien entendu, rendre la consultation plus efficiente et permettre aux élus d'avoir plus de poids dans leur représentation. Je rappellerai que leur avis doit permettre une prise en compte de l'intérêt des salariés dans les décisions de l'employeur. C'est ce que dit la loi. Mais ce principe est mal traduit par la consultation telle qu'elle est conçue aujourd'hui par le Code du travail.
- Speaker #0
Et j'ajouterais une petite parenthèse, c'est qu'au moment de la crise sanitaire, on a même eu la notion de consultation a posteriori.
- Speaker #1
On a même eu, effectivement.
- Speaker #0
Que le Conseil d'État a supprimé par la suite, mais genre un an ou deux ans après.
- Speaker #1
Donc on fait des propositions pour desserrer ces délais de consultation trop contraints. Voilà. Et puis également pour permettre aux élus, mécontents éventuellement d'une information transmise par l'employeur trop légère, pour leur permettre de rendre un avis en toute connaissance de cause, de saisir le juge et de considérer que cette saisine suspend les délais de consultation, ce qui n'est pas le cas, qui n'est plus le cas aujourd'hui.
- Speaker #2
Sur cette question de la consultation, il y a aussi une... Une dimension que nous voudrions voir, si j'ose dire, avancer, c'est deux aspects. C'est d'abord les élus d'un établissement ou d'une filiale. devraient pouvoir être face à leurs véritables interlocuteurs. C'est-à-dire que, par exemple, ils devraient pouvoir convoquer les dirigeants d'une société mère ou d'un siège social, voire d'un groupe, afin que les décideurs, en réalité, soient les véritables interlocuteurs des RP, nonobstant le fait que le chef d'établissement peut se voir reconnaître certains pouvoirs en la matière. Mais c'est parfois, dans les entreprises à structure complexe, c'est souvent insuffisant.
- Speaker #0
Vous avez dit RP comme représentant du personnel ? Oui,
- Speaker #2
représentant du personnel, bien sûr. Et puis alors ensuite, nous pensons que c'est un dialogue qui, normalement, le concept de consultation, ça doit être un dialogue. Les élus font souvent des propositions alternatives aux projets qui sont présentés par les chefs d'entreprise. Et donc à partir de là, les réponses aux propositions alternatives des élus devraient être davantage, à mon sens, formalisées. Parce qu'aujourd'hui, on peut se retrouver dans la situation où... Finalement, le CSE rend son avis avant que l'employeur ait répondu aux propositions alternatives des élus.
- Speaker #0
Donc vous proposez une formulation écrite de la part de l'employeur ?
- Speaker #2
Absolument, une réponse écrite de l'employeur. Dans l'attente de cette réponse écrite de l'employeur, il y aurait une suspension des délais de consultation, de manière à ce que l'avis qui soit rendu soit véritablement éclairé, ou du moins alimenté par la réponse de l'employeur, par les arguments de l'employeur. Or, ce n'est pas toujours le cas. Et puis... Et nous pensons que les avis, pour améliorer ce concept de consultation, les avis qui sont rendus par les CSE devraient être systématiquement transmis aux organes sociaux dirigeants de l'entreprise, d'ailleurs conseil d'administration, conseil de surveillance, etc. avec obligation de réponse, comme c'est d'ailleurs le cas déjà aujourd'hui, mais pour la seule consultation sur les orientations stratégiques de l'entreprise.
- Speaker #1
Je propose également, si je peux me permettre... d'ajouter une nouvelle consultation récurrente. Aujourd'hui, il existe trois consultations récurrentes. L'une sur les orientations stratégiques, l'une sur la situation économique et financière, et l'une qui est un peu une consultation fourre-tout sur la politique sociale, les conditions de travail et l'emploi. Si je dis que c'est une consultation fourre-tout, c'est que le législateur a rassemblé tout un tas de sujets, de consultations, dans cette seule consultation sur la politique sociale, les conditions de travail et l'emploi. Nous proposons de sortir les conditions de travail de cette consultation sur la politique sociale et d'en faire une quatrième consultation récurrente. Pourquoi récurrente ? Ces consultations doivent être réalisées une fois par an, dit le Code du travail, sauf accords moins favorables, parce que dorénavant, depuis les ordonnances Macron, les accords peuvent être moins favorables que la loi, tous les deux ans ou trois ans. C'est une réforme législative qui pourrait être très simple, très facile à mener, de prévoir une quatrième consultation. sur les conditions de travail.
- Speaker #0
C'est vrai que le regroupement, sous la volonté de simplifier le fonctionnement du CSE, entraînait des réunions à rallonge avec parfois un jour, deux jours sur les grandes consultations annuelles. Donc c'est vrai que c'est de facto un problème à la fois pour le CSE et parfois même pour le RRE. Alors à propos de consultation, je crois que vous vouliez dire un mot Laurent, de la base de données économiques et sociales, la BDES, dont on sait qu'elle n'est pas toujours parfaitement ni à jour, ni conforme à l'esprit. de ce que ça devait être dans l'accord interprofessionnel qui en est à l'origine, je crois.
- Speaker #2
C'est le moins qu'on puisse dire, puisque le cercle Maurice Cohen, dont vous avez publié les résultats de l'enquête qu'on avait fait en 2019 sur l'implantation, si on peut parler d'implantation des BDSE, bases de données économiques et sociales et environnementales, dans les entreprises, c'est le moins qu'on puisse dire, les réponses à notre enquête que nous avions faite étaient véritablement très contrastées et montraient qu'en gros, dans beaucoup d'entreprises, dans 50% d'entre elles environ, les bases de données ne répondaient pas. pas au contenu qui était attendu. Alors pourquoi ? Tout simplement parce que certains chefs d'entreprise ont conçu la BDES comme s'ils remettaient une documentation écrite aux élus. C'est-à-dire, en gros, c'est souvent un empilement de fichiers PDF qui renvoient les uns aux autres, alors qu'une base de données, ça doit être essentiellement des chiffres, avec une abscisse des ordonnées. On ne va pas embêter les auditeurs avec des concepts mathématiques, mais en gros, c'est ça. C'est-à-dire qu'en gros, ça doit être des données, et ces données sont plus ou moins pertinentes selon la période sur laquelle elles portent. Aujourd'hui, le gros problème auquel sont confrontés ceux sur le contenu des BDES, c'est que, curieusement, dans la première tranche des CSE, c'est-à-dire de 2018 à 2022-2023, puisqu'il y a eu des dispositions transitoires, en gros, cette question de la BDES n'était pas tellement traitée dans les accords. Or, il faut savoir que dans ces accords, dans les seuls accords que j'ai vus à l'époque, moi, qui traitaient de cette question-là, les employeurs se sont arrangés dans les accords pour évacuer un certain nombre de rubriques. Et notamment, une rubrique qui est absolument très très importante, qui est les informations prospectives. C'est-à-dire que dans la B2S, normalement, on doit y mettre les informations de l'année en cours, les informations des deux dernières années et les informations... des années N plus 1, N plus 2, N plus 3, si elles peuvent être concrétisées.
- Speaker #0
Pour la consultation sur les orientations stratégiques, notamment.
- Speaker #2
Et notamment, principalement même, pour la consultation sur les orientations stratégiques. Or, les peu d'accords qui existent sur ce point montrent que ces questions-là... gênent finalement les entreprises et notamment les informations prospectives. Donc je dis comment voulez-vous faire une consultation pertinente sur les orientations stratégiques si vous n'avez pas les informations prospectives ? Et j'ajoute par ailleurs que dans les accords qui peuvent être négociés sur la BDES, on nous dit « Ah bah oui mais dans la BDES il faut telle, telle, telle, telle rubrique. » Alors on se dit « Oh bah l'essentiel est préservé. » Sauf que non. Parce que chaque rubrique peut être aménagée par l'accord et on peut sortir des informations qui ne sont pas dans les dispositions supplétives. Donc finalement, nous pensons que tout ce qui concerne non seulement les informations prospectives, tout ce qui concerne les transferts intra-groupes et autres doivent obligatoirement figurer dans la BDES, c'est-à-dire revenir. à une conception finalement d'ordre public pour le contenu de la BDES, parce que, en plus, à mon avis, c'est conforme à l'effet utile de la consultation qui est voulu par les textes européens. Et de ce point de vue, je trouve que la législation française est en recul par rapport à cela, et elle permet d'aménager par accord des choses qui vont appauvrir le contenu de la consultation.
- Speaker #0
Donc vous proposez quelque chose de normatif et de non dérogeable ?
- Speaker #2
Sauf en plus favorable, bien sûr.
- Speaker #1
J'ajouterais, pour reprendre effectivement la problématique des accords qui peuvent être aujourd'hui moins favorables que la loi, qu'on a consacré une de nos fiches à la critique, effectivement, de ces accords. Et on aimerait plus largement remettre... les attributions et le fonctionnement du CSE, des CSE dans l'ordre public social tel qu'il existait auparavant.
- Speaker #0
Alors j'invite, puisque vous parlez de votre document qui est assez copieux, assez épais, très riche, les auditeurs à s'y reporter. Et j'aimerais peut-être terminer avec un mot sur le sujet de l'intelligence artificielle, l'IA comme on dit, parce que c'est vrai que beaucoup de CSE et de syndicats sont confrontés à cette irruption dans l'entreprise. d'une nouvelle technologie qui est sans arrêt en changement. Et très très souvent, les CSE ni les syndicats ne sont consultés. Il y a quelques exemples que j'ai obtenus de CSE centraux qui avaient créé des commissions spéciales où il y avait des retours sur des expérimentations, mais ça reste quand même assez rare. Là-dessus, qu'est-ce que vous apportez comme préconisation ?
- Speaker #1
Effectivement, il faut partir du constat que la particularité, la spécificité des intelligences artificielles c'est de pouvoir être modifié au fil de l'eau. Et donc du coup, on ne se rend compte de l'impact de l'introduction de ces intelligences artificielles pratiquement que lorsqu'il est trop tard. Et qu'effectivement, il y a des atteintes à la liberté individuelle et collective, qu'il y a des atteintes aux données personnelles. des salariés. Donc nous ce que nous proposons pour éviter ce travers c'est de rendre la consultation sur l'introduction des nouvelles technologies permanente pratiquement pour pouvoir effectivement éviter que on ne se rende compte de l'impact négatif, éventuellement négatif, il n'y a pas que celui-ci, des intelligences artificielles que trop tard. Et puis nous proposons aussi, mais il y a d'autres propositions dans cette fiche consacrée à l'introduction des nouvelles technologies, nous proposons aussi la création d'un nouveau registre, un nouveau registre des intelligences artificielles qui permettrait donc d'éclairer les élus sur les données. stocker les éventuelles atteintes aux libertés individuelles et collectives aux données personnelles des salariés, leur durée de conservation, enfin tout ce que prévoit par ailleurs le règlement RGPD. Laurent,
- Speaker #0
vous voulez ajouter quelque chose ?
- Speaker #2
Oui, parce que c'est très important ce que vient de dire Fabrice Signoretto, parce qu'en fait ce registre des données, qui collecterait des données personnelles... utilisant l'intelligence artificielle, en fait, on souhaiterait qu'ils soient accessibles dans les mêmes conditions que la BDSE. C'est-à-dire aux élus, aux représentants syndicaux et aux délégués syndicaux. Et puis ce que nous proposons également, qui va évidemment... Alors je sais bien ce qu'on va me dire, ça va encore faire augmenter les ordres du jour et ça va encore densifier la consultation sur la politique sociale et les conditions de travail. C'est que dans le cadre de la consultation sur justement la politique sociale, qui est une des trois... consultation récurrente, il y ait un temps qui soit consacré à l'évaluation des conséquences de la mise en œuvre d'un dispositif algorithmique en matière de protection des libertés individuelles et collectives, avec expertise, avec un expert qui puisse être désigné, mais qui soit compétent dans ce domaine, parce que l'expert en qualité de vie au travail n'est pas toujours forcément au fait de ces nouveaux systèmes algorithmiques.
- Speaker #1
Voilà.
- Speaker #0
Eh bien, merci. Je vous propose d'en arrêter là, parce que sinon, ça serait vraiment trop long de détailler vos propositions. Encore une fois, je renvoie les auditeurs aux documents que vous avez publiés sur votre site, donc le cercle Maurice Cohen. Merci, Laurent. Merci, Fabrice, pour cet échange. Voilà, c'est fini pour le 38e épisode du Micro-Social, le podcast de Lefebvre Dalloz sur le travail et le droit du travail. Restez à l'affût des informations sur le dialogue social. et aussi sur les CSE en lisant notre journal actuelCSE.fr. Sachez que vous pouvez bien sûr demander un essai gratuit sur notre site. Et à très bientôt pour un nouvel épisode.