undefined cover
undefined cover
Arme nucléaire : une philosophie de la dissuasion cover
Arme nucléaire : une philosophie de la dissuasion cover
Le Phil d'Actu - Philosophie et Actualité

Arme nucléaire : une philosophie de la dissuasion

Arme nucléaire : une philosophie de la dissuasion

12min |12/03/2025
Play
undefined cover
undefined cover
Arme nucléaire : une philosophie de la dissuasion cover
Arme nucléaire : une philosophie de la dissuasion cover
Le Phil d'Actu - Philosophie et Actualité

Arme nucléaire : une philosophie de la dissuasion

Arme nucléaire : une philosophie de la dissuasion

12min |12/03/2025
Play

Description

Et si la philosophie nous montrait que l'arme nucléaire est source de vulnérabilité, plutôt que de puissance ?


Suite à la décision de Donald Trump de suspendre l’aide militaire apportée à l’Ukraine, et son possible désengagement de l'Europe, l’Union Européenne élabore un plan de réarmement pour défendre Kiev face à la Russie. Emmanuel Macron a annoncé qu’il envisageait d’étendre la dissuasion nucléaire française à d’autres pays européens. Mais la dissuasion nucléaire nous protège-t-elle vraiment ? Est-ce qu’elle n’augmente pas, au contraire, l’insécurité ? On en parle aujourd’hui avec Benoit Pelopidas.


Et si vous voulez m'écouter parler d'apocalypse et de fin du monde dans le podcast Vulgaire, c'est par ici !


Le Phil d'Actu, c'est le podcast engagé qui met la philosophie au cœur de l'actualité !

Ce podcast est 100% indépendant, gratuit, sans publicité. Il ne survit que grâce à vos dons.


🙏 Pour me soutenir, vous pouvez faire un don, ponctuel ou régulier, sur cette page.

💜 Merci pour votre soutien !


Si vous aimez l'épisode, n'oubliez pas de vous abonner, de mettre 5 étoiles, et de le partager sur les réseaux sociaux.


Pour ne rien manquer du Phil d'Actu, suivez-moi sur Instagram !


Un grand merci aux tipeur-ses : Matthieu, Clément, Augustin, Laurent, Thomas, Elodie, Bruno, Alexandre, Etienne, Juliette, Bob, Anaïs, Khadija, Yoann, Charles, Quentin, Nico, Solène, Corinne, Vivien, Olivier, Jonathan, Jean-Michel, Nathalie.

Grâce à vous, on n'a pas fini de réfléchir ensemble à l'actualité politique !


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Suite à la décision de Donald Trump de suspendre l'aide militaire apportée à l'Ukraine, l'Union européenne élabore un plan de réarmement pour défendre Kiev face à la Russie. Emmanuel Macron a annoncé qu'il envisageait d'étendre la dissuasion nucléaire française à d'autres pays européens. Mais la dissuasion nucléaire ne protège-t-elle vraiment ? Est-ce qu'elle n'augmente pas au contraire l'insécurité ? On en parle aujourd'hui avec Benoît Pellopidas. Je suis Alice de Rochechouart et vous écoutez Le Phil d'Actu, le podcast engagé qui met la philosophie au cœur de l'actualité. Ce podcast est totalement indépendant et il ne survit que grâce à vos dons. Alors, si vous voulez soutenir mon travail, vous pouvez faire un don, ponctuel ou récurrent, en cliquant sur la page indiquée en description. Merci pour votre soutien. La semaine dernière, Emmanuel Macron a ouvert la discussion sur une extension de la dissuasion nucléaire en Europe. Aujourd'hui, la France est le seul pays de l'Union européenne à détenir l'arme nucléaire. Et en Europe occidentale, le Royaume-Uni la détient, mais il ne fait plus partie de l'UE. Dans l'idée, il ne s'agirait pas de partager le contrôle des armes nucléaires, mais plutôt d'élargir les limites de son utilisation, de les utiliser y compris si la France n'est pas directement attaquée. Par exemple, la France pourrait lancer une bombe nucléaire sur la Russie si celle-ci attaquait les Pays-Baltes. Cette stratégie est en réalité défendue par Macron depuis 2017, mais jusqu'à présent, elle ne rencontrait pas beaucoup de succès. La situation a changé, avec la réélection de Donald Trump, son retrait de la guerre en Ukraine et ses critiques répétées de l'OTAN. De nombreux pays d'Europe, comme les États-Baltes, la Suède ou la Pologne, qui étaient jusque-là réfractaires à une extension de la dissuasion nucléaire française, se montrent désormais plutôt ouverts à la discussion. Si les États-Unis ne protègent plus l'Europe, les cartes sont en effet rebattues. La déclaration d'Emmanuel Macron a immédiatement fait réagir Moscou, qui a affirmé que la France menaçait la Russie et que ses propos étaient ouvertement hostiles. La tension monte d'un cran. Cette situation repose la question de la dissuasion nucléaire, qui a régi les relations géopolitiques pendant une bonne partie de la guerre froide entre les États-Unis et l'Union soviétique. L'idée, c'est que détenir des armes nucléaires nous protégerait, puisque cela dissuaderait nos adversaires de nous attaquer, en raison du risque de destruction mutuelle. Mais est-ce vraiment le cas ? La dissuasion nucléaire nous protège-t-elle vraiment ? Pour le politiste Benoît Pélopidas, la dissuasion nucléaire ne nous protège pas vraiment. Il montre que dans l'histoire, ce n'est pas ça qui nous a permis d'empêcher la guerre nucléaire et la destruction de l'humanité. Ce qui nous a sauvés, c'est souvent la chance. Ça vous paraît bizarre ? Pourtant, c'est déjà ce que déclaraient de nombreux dirigeants politiques et militaires américains, britanniques et même russes dans les années 60. L'étude des archives historiques montre en effet que plus d'une trentaine de crises nucléaires, comme la crise des missiles de Cuba en 1962, ont pu être désamorcées en partie grâce à la chance. Un terme qu'on n'aime pas trop entendre quand on parle d'armes nucléaires. Par exemple, nous avons eu de la chance qu'il n'y ait pas d'accident, d'erreur, ou qu'aucun dirigeant n'ait pris une décision suicidaire en lançant une bombe nucléaire. Ce que nous dit Benoît Pélopidas, c'est que la stratégie de dissuasion nucléaire repose sur une série de paris. On parie qu'il n'y aura pas d'accident, on parie qu'aucun dirigeant ne prendra de décision totalement irrationnelle et on parie que même si un dirigeant prenait cette décision, quelqu'un déciderait de désobéir. Comme en 1944, quand un général allemand avait décidé de désobéir à Hitler en refusant de détruire Paris comme le Führer le lui avait ordonné. Mais le problème, c'est que ce sont des paris, justement. Des paris qui nous donnent une illusion de contrôle, qui révèlent notre confiance excessive, notre croyance aveugle en la responsabilité morale et politique des chefs d'État. Tout cela, ça nous empêche de véritablement prendre conscience de la menace, du potentiel destructeur de cet arsenal. Cela nous fait considérer la dissuasion nucléaire comme une stratégie simplement défensive, alors que c'est précisément... Une stratégie de menace. Le principe, c'est de flirter avec la limite, de jouer sur l'ambiguïté. La dissuasion, ce n'est pas garantir à son ennemi qu'on ne l'attaquera pas. C'est au contraire lui montrer qu'on est prêt à le faire. Dissuader, c'est rendre la menace crédible. Et cette menace, explique Benoît Pélopidas, nous met en danger bien plus qu'elle ne nous protège. Elle nous met à la merci des dirigeants et des accidents. Elle doit être prise au sérieux. L'apocalypse n'est peut-être pas si loin. Et si vous voulez en savoir plus, n'hésitez pas à écouter le dernier épisode du podcast Vulgaire, qui m'a fait l'honneur de m'inviter pour parler d'apocalypse et de fin du monde. Je vous mets le lien de l'épisode en description. Mais revenons à la dissuasion nucléaire. L'analyse de Benoît Pélopidas permet de penser de manière exactement inverse à ce qu'on nous dit d'habitude. La dissuasion nucléaire ne nous rend pas puissants, elle nous rend au contraire vulnérables. Nous sommes matériellement, concrètement, réellement vulnérables, car nous ne contrôlons pas totalement ces armes. Aujourd'hui, on estime qu'il y a environ 13 000 armes atomiques sur Terre et que l'explosion de seulement 1% d'entre elles suffirait à déclencher une famine mondiale. Et si nous décidons d'intensifier notre stratégie de dissuasion nucléaire face à la Russie, il nous faudra produire de nouvelles armes, puisqu'elles disposent de plus de 5 500 bombes, alors que nous n'en détenons même pas 300. Pouvons-nous affirmer que nous les contrôlerons à 100% ? Souhaitons-nous vraiment faire ce pari ? Le problème, c'est est-ce qu'on peut vraiment échapper à la stratégie de dissuasion ? Car on nous le répète, on ne peut pas échapper à l'armement nucléaire sous peine d'être rendu vulnérable. On nous a présenté la prolifération nucléaire comme inéluctable. Tous les pays chercheraient à obtenir l'arme nucléaire ou à augmenter leur arsenal, puisque le nucléaire est un signe de puissance. Alors, pas le choix. Il faut détenir des armes nucléaires et il serait totalement irréaliste d'y renoncer. Mais est-ce vrai ? Benoît Pellopidas nous explique que ce discours fait partie du problème, puisqu'il nous fait croire que, justement, nous n'avons pas le choix. C'est ce que montre le terme de prolifération, qui a remplacé peu à peu le terme de dissémination à partir des années 60. Alors que la dissémination est le résultat d'une action, d'un choix, la prolifération renvoie plutôt à un phénomène indépendant de notre volonté, une multiplication incontrôlée. Parler de prolifération, c'est donc invisibiliser le rôle des États. C'est donner l'impression qu'il n'y a pas d'alternative. Pourtant, explique-t-il, de nombreux États ont adopté des voies alternatives justement. Ils ont refusé de développer un armement nucléaire, ont interrompu des projets de recherche ou même rendu les armes qu'ils détenaient. C'est par exemple le cas de l'Afrique du Sud, de la Corée du Sud, de l'Australie, du Brésil, du Canada, de l'Espagne et bien d'autres. C'est aussi le cas de la Norvège, pourtant frontalière de la Russie, qui s'est toujours refusée à adopter une stratégie nucléaire. En fait, sur les 40 pays membres des Nations Unies qui avaient développé une activité nucléaire, 30 ont finalement abandonné ce projet. En 2017, plusieurs pays signent même un traité d'interdiction des armes nucléaires, aujourd'hui signé par la moitié des pays du monde. Pourtant, parmi eux, beaucoup sont technologiquement capables d'avoir des armes nucléaires, mais ils refusent d'en obtenir. Cette réalité est souvent mise de côté. pour donner l'impression qu'il serait impossible de renoncer aux armes nucléaires. Alors que faire ? Y a-t-il des alternatives ? Le retrait des États-Unis nous oblige-t-il à poursuivre et même à intensifier notre stratégie de dissuasion nucléaire ? Pas nécessairement. En tout cas, il faut en discuter. et refuser cette affirmation selon laquelle il serait impossible de renoncer à l'arsenal nucléaire. Car en prétendant cela, on interdit tout questionnement, et donc on confisque le débat politique et démocratique. Il faut donc refuser tous ces arguments d'autorité qui nient la chance, l'imprévisible, qui prétendent que nous n'avons pas le choix, et donc pas vraiment de responsabilité politique. Selon Benoît Pélopidas, il faut au contraire ouvrir un espace de discussion démocratique, montrer qu'il y a une alternative. Il insiste sur le fait qu'il n'y a pas de consensus sur la politique de dissuasion nucléaire, ni en France, ni au Royaume-Uni. Et il recommande d'écouter les analyses d'experts indépendants sur ce sujet. Il faut se réapproprier le débat, plutôt qu'en faire une décision seulement technique, entre les mains d'un seul homme, ou presque. Jean-Marie Collin, président français de l'association ICANN, qui a reçu le prix Nobel de la paix en 2017 pour sa lutte contre l'armement nucléaire, nous met d'ailleurs en garde contre la mise en place d'un parapluie nucléaire européen. Il pourrait y avoir une banalisation de l'arme nucléaire, une escalade avec la Russie et avec d'autres puissances nucléaires, ainsi que la multiplication d'initiatives de ce genre partout dans le monde. Et puis, cela pourrait justifier le discours de Poutine qui ne cesse de répéter que l'Occident veut l'attaquer. Bien sûr qu'il faut se préparer contre la menace russe. Mais il y a d'autres moyens de défense que l'armement nucléaire. Il faut penser à une défense européenne et aider l'Ukraine, mais pas sous la forme de bombes atomiques. D'autant plus que la guerre se fait aussi par la déstabilisation de la démocratie, les cyberattaques et les fake news. Et ça, ce n'est pas un parapluie nucléaire qui pourra nous en protéger. La question, c'est aussi de savoir... qui paye l'effort de guerre. Dans son allocution, Emmanuel Macron a clairement dit qu'il n'y aurait pas d'impôt supplémentaire, même pour les plus riches. Et il a laissé entendre que les services publics devraient encore plus se serrer la ceinture. Finalement, comme le disait si bien l'écrivain Anatole France, on croit mourir pour la patrie, on meurt pour des industriels. D'ailleurs, l'armateur Dassault ne fait que monter en bourse depuis cette annonce. Ainsi, La menace ne justifie pas n'importe quoi. Et elle ne doit pas être instrumentalisée pour autoriser toujours plus de violence, de destruction, de surveillance, de casse des services publics. La menace ne doit pas nous faire détruire ce que nous souhaitons protéger, la liberté. C'est la fin de cet épisode. On se retrouve très vite pour un nouvel épisode du Phil d'Actu. En attendant, pour des infos exclusives et parfois des petites blagues, vous pouvez me suivre sur Instagram, sur mon compte. lephildactu.podcast Et un grand merci à toutes celles et ceux qui, grâce à leurs dons, me permettent de continuer sereinement le podcast. Alors un grand merci à Mathieu, Clément, Sébastien, Julia, Alix, Denis, Gaëtan, Cathy, Guillaume, Augustin, Laurent, Élodie, Thomas, Valérie, Jean-Michel et Kaina. Vous aussi, vous pouvez rejoindre l'aventure du Phildactu. Merci et à très vite !

Description

Et si la philosophie nous montrait que l'arme nucléaire est source de vulnérabilité, plutôt que de puissance ?


Suite à la décision de Donald Trump de suspendre l’aide militaire apportée à l’Ukraine, et son possible désengagement de l'Europe, l’Union Européenne élabore un plan de réarmement pour défendre Kiev face à la Russie. Emmanuel Macron a annoncé qu’il envisageait d’étendre la dissuasion nucléaire française à d’autres pays européens. Mais la dissuasion nucléaire nous protège-t-elle vraiment ? Est-ce qu’elle n’augmente pas, au contraire, l’insécurité ? On en parle aujourd’hui avec Benoit Pelopidas.


Et si vous voulez m'écouter parler d'apocalypse et de fin du monde dans le podcast Vulgaire, c'est par ici !


Le Phil d'Actu, c'est le podcast engagé qui met la philosophie au cœur de l'actualité !

Ce podcast est 100% indépendant, gratuit, sans publicité. Il ne survit que grâce à vos dons.


🙏 Pour me soutenir, vous pouvez faire un don, ponctuel ou régulier, sur cette page.

💜 Merci pour votre soutien !


Si vous aimez l'épisode, n'oubliez pas de vous abonner, de mettre 5 étoiles, et de le partager sur les réseaux sociaux.


Pour ne rien manquer du Phil d'Actu, suivez-moi sur Instagram !


Un grand merci aux tipeur-ses : Matthieu, Clément, Augustin, Laurent, Thomas, Elodie, Bruno, Alexandre, Etienne, Juliette, Bob, Anaïs, Khadija, Yoann, Charles, Quentin, Nico, Solène, Corinne, Vivien, Olivier, Jonathan, Jean-Michel, Nathalie.

Grâce à vous, on n'a pas fini de réfléchir ensemble à l'actualité politique !


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Suite à la décision de Donald Trump de suspendre l'aide militaire apportée à l'Ukraine, l'Union européenne élabore un plan de réarmement pour défendre Kiev face à la Russie. Emmanuel Macron a annoncé qu'il envisageait d'étendre la dissuasion nucléaire française à d'autres pays européens. Mais la dissuasion nucléaire ne protège-t-elle vraiment ? Est-ce qu'elle n'augmente pas au contraire l'insécurité ? On en parle aujourd'hui avec Benoît Pellopidas. Je suis Alice de Rochechouart et vous écoutez Le Phil d'Actu, le podcast engagé qui met la philosophie au cœur de l'actualité. Ce podcast est totalement indépendant et il ne survit que grâce à vos dons. Alors, si vous voulez soutenir mon travail, vous pouvez faire un don, ponctuel ou récurrent, en cliquant sur la page indiquée en description. Merci pour votre soutien. La semaine dernière, Emmanuel Macron a ouvert la discussion sur une extension de la dissuasion nucléaire en Europe. Aujourd'hui, la France est le seul pays de l'Union européenne à détenir l'arme nucléaire. Et en Europe occidentale, le Royaume-Uni la détient, mais il ne fait plus partie de l'UE. Dans l'idée, il ne s'agirait pas de partager le contrôle des armes nucléaires, mais plutôt d'élargir les limites de son utilisation, de les utiliser y compris si la France n'est pas directement attaquée. Par exemple, la France pourrait lancer une bombe nucléaire sur la Russie si celle-ci attaquait les Pays-Baltes. Cette stratégie est en réalité défendue par Macron depuis 2017, mais jusqu'à présent, elle ne rencontrait pas beaucoup de succès. La situation a changé, avec la réélection de Donald Trump, son retrait de la guerre en Ukraine et ses critiques répétées de l'OTAN. De nombreux pays d'Europe, comme les États-Baltes, la Suède ou la Pologne, qui étaient jusque-là réfractaires à une extension de la dissuasion nucléaire française, se montrent désormais plutôt ouverts à la discussion. Si les États-Unis ne protègent plus l'Europe, les cartes sont en effet rebattues. La déclaration d'Emmanuel Macron a immédiatement fait réagir Moscou, qui a affirmé que la France menaçait la Russie et que ses propos étaient ouvertement hostiles. La tension monte d'un cran. Cette situation repose la question de la dissuasion nucléaire, qui a régi les relations géopolitiques pendant une bonne partie de la guerre froide entre les États-Unis et l'Union soviétique. L'idée, c'est que détenir des armes nucléaires nous protégerait, puisque cela dissuaderait nos adversaires de nous attaquer, en raison du risque de destruction mutuelle. Mais est-ce vraiment le cas ? La dissuasion nucléaire nous protège-t-elle vraiment ? Pour le politiste Benoît Pélopidas, la dissuasion nucléaire ne nous protège pas vraiment. Il montre que dans l'histoire, ce n'est pas ça qui nous a permis d'empêcher la guerre nucléaire et la destruction de l'humanité. Ce qui nous a sauvés, c'est souvent la chance. Ça vous paraît bizarre ? Pourtant, c'est déjà ce que déclaraient de nombreux dirigeants politiques et militaires américains, britanniques et même russes dans les années 60. L'étude des archives historiques montre en effet que plus d'une trentaine de crises nucléaires, comme la crise des missiles de Cuba en 1962, ont pu être désamorcées en partie grâce à la chance. Un terme qu'on n'aime pas trop entendre quand on parle d'armes nucléaires. Par exemple, nous avons eu de la chance qu'il n'y ait pas d'accident, d'erreur, ou qu'aucun dirigeant n'ait pris une décision suicidaire en lançant une bombe nucléaire. Ce que nous dit Benoît Pélopidas, c'est que la stratégie de dissuasion nucléaire repose sur une série de paris. On parie qu'il n'y aura pas d'accident, on parie qu'aucun dirigeant ne prendra de décision totalement irrationnelle et on parie que même si un dirigeant prenait cette décision, quelqu'un déciderait de désobéir. Comme en 1944, quand un général allemand avait décidé de désobéir à Hitler en refusant de détruire Paris comme le Führer le lui avait ordonné. Mais le problème, c'est que ce sont des paris, justement. Des paris qui nous donnent une illusion de contrôle, qui révèlent notre confiance excessive, notre croyance aveugle en la responsabilité morale et politique des chefs d'État. Tout cela, ça nous empêche de véritablement prendre conscience de la menace, du potentiel destructeur de cet arsenal. Cela nous fait considérer la dissuasion nucléaire comme une stratégie simplement défensive, alors que c'est précisément... Une stratégie de menace. Le principe, c'est de flirter avec la limite, de jouer sur l'ambiguïté. La dissuasion, ce n'est pas garantir à son ennemi qu'on ne l'attaquera pas. C'est au contraire lui montrer qu'on est prêt à le faire. Dissuader, c'est rendre la menace crédible. Et cette menace, explique Benoît Pélopidas, nous met en danger bien plus qu'elle ne nous protège. Elle nous met à la merci des dirigeants et des accidents. Elle doit être prise au sérieux. L'apocalypse n'est peut-être pas si loin. Et si vous voulez en savoir plus, n'hésitez pas à écouter le dernier épisode du podcast Vulgaire, qui m'a fait l'honneur de m'inviter pour parler d'apocalypse et de fin du monde. Je vous mets le lien de l'épisode en description. Mais revenons à la dissuasion nucléaire. L'analyse de Benoît Pélopidas permet de penser de manière exactement inverse à ce qu'on nous dit d'habitude. La dissuasion nucléaire ne nous rend pas puissants, elle nous rend au contraire vulnérables. Nous sommes matériellement, concrètement, réellement vulnérables, car nous ne contrôlons pas totalement ces armes. Aujourd'hui, on estime qu'il y a environ 13 000 armes atomiques sur Terre et que l'explosion de seulement 1% d'entre elles suffirait à déclencher une famine mondiale. Et si nous décidons d'intensifier notre stratégie de dissuasion nucléaire face à la Russie, il nous faudra produire de nouvelles armes, puisqu'elles disposent de plus de 5 500 bombes, alors que nous n'en détenons même pas 300. Pouvons-nous affirmer que nous les contrôlerons à 100% ? Souhaitons-nous vraiment faire ce pari ? Le problème, c'est est-ce qu'on peut vraiment échapper à la stratégie de dissuasion ? Car on nous le répète, on ne peut pas échapper à l'armement nucléaire sous peine d'être rendu vulnérable. On nous a présenté la prolifération nucléaire comme inéluctable. Tous les pays chercheraient à obtenir l'arme nucléaire ou à augmenter leur arsenal, puisque le nucléaire est un signe de puissance. Alors, pas le choix. Il faut détenir des armes nucléaires et il serait totalement irréaliste d'y renoncer. Mais est-ce vrai ? Benoît Pellopidas nous explique que ce discours fait partie du problème, puisqu'il nous fait croire que, justement, nous n'avons pas le choix. C'est ce que montre le terme de prolifération, qui a remplacé peu à peu le terme de dissémination à partir des années 60. Alors que la dissémination est le résultat d'une action, d'un choix, la prolifération renvoie plutôt à un phénomène indépendant de notre volonté, une multiplication incontrôlée. Parler de prolifération, c'est donc invisibiliser le rôle des États. C'est donner l'impression qu'il n'y a pas d'alternative. Pourtant, explique-t-il, de nombreux États ont adopté des voies alternatives justement. Ils ont refusé de développer un armement nucléaire, ont interrompu des projets de recherche ou même rendu les armes qu'ils détenaient. C'est par exemple le cas de l'Afrique du Sud, de la Corée du Sud, de l'Australie, du Brésil, du Canada, de l'Espagne et bien d'autres. C'est aussi le cas de la Norvège, pourtant frontalière de la Russie, qui s'est toujours refusée à adopter une stratégie nucléaire. En fait, sur les 40 pays membres des Nations Unies qui avaient développé une activité nucléaire, 30 ont finalement abandonné ce projet. En 2017, plusieurs pays signent même un traité d'interdiction des armes nucléaires, aujourd'hui signé par la moitié des pays du monde. Pourtant, parmi eux, beaucoup sont technologiquement capables d'avoir des armes nucléaires, mais ils refusent d'en obtenir. Cette réalité est souvent mise de côté. pour donner l'impression qu'il serait impossible de renoncer aux armes nucléaires. Alors que faire ? Y a-t-il des alternatives ? Le retrait des États-Unis nous oblige-t-il à poursuivre et même à intensifier notre stratégie de dissuasion nucléaire ? Pas nécessairement. En tout cas, il faut en discuter. et refuser cette affirmation selon laquelle il serait impossible de renoncer à l'arsenal nucléaire. Car en prétendant cela, on interdit tout questionnement, et donc on confisque le débat politique et démocratique. Il faut donc refuser tous ces arguments d'autorité qui nient la chance, l'imprévisible, qui prétendent que nous n'avons pas le choix, et donc pas vraiment de responsabilité politique. Selon Benoît Pélopidas, il faut au contraire ouvrir un espace de discussion démocratique, montrer qu'il y a une alternative. Il insiste sur le fait qu'il n'y a pas de consensus sur la politique de dissuasion nucléaire, ni en France, ni au Royaume-Uni. Et il recommande d'écouter les analyses d'experts indépendants sur ce sujet. Il faut se réapproprier le débat, plutôt qu'en faire une décision seulement technique, entre les mains d'un seul homme, ou presque. Jean-Marie Collin, président français de l'association ICANN, qui a reçu le prix Nobel de la paix en 2017 pour sa lutte contre l'armement nucléaire, nous met d'ailleurs en garde contre la mise en place d'un parapluie nucléaire européen. Il pourrait y avoir une banalisation de l'arme nucléaire, une escalade avec la Russie et avec d'autres puissances nucléaires, ainsi que la multiplication d'initiatives de ce genre partout dans le monde. Et puis, cela pourrait justifier le discours de Poutine qui ne cesse de répéter que l'Occident veut l'attaquer. Bien sûr qu'il faut se préparer contre la menace russe. Mais il y a d'autres moyens de défense que l'armement nucléaire. Il faut penser à une défense européenne et aider l'Ukraine, mais pas sous la forme de bombes atomiques. D'autant plus que la guerre se fait aussi par la déstabilisation de la démocratie, les cyberattaques et les fake news. Et ça, ce n'est pas un parapluie nucléaire qui pourra nous en protéger. La question, c'est aussi de savoir... qui paye l'effort de guerre. Dans son allocution, Emmanuel Macron a clairement dit qu'il n'y aurait pas d'impôt supplémentaire, même pour les plus riches. Et il a laissé entendre que les services publics devraient encore plus se serrer la ceinture. Finalement, comme le disait si bien l'écrivain Anatole France, on croit mourir pour la patrie, on meurt pour des industriels. D'ailleurs, l'armateur Dassault ne fait que monter en bourse depuis cette annonce. Ainsi, La menace ne justifie pas n'importe quoi. Et elle ne doit pas être instrumentalisée pour autoriser toujours plus de violence, de destruction, de surveillance, de casse des services publics. La menace ne doit pas nous faire détruire ce que nous souhaitons protéger, la liberté. C'est la fin de cet épisode. On se retrouve très vite pour un nouvel épisode du Phil d'Actu. En attendant, pour des infos exclusives et parfois des petites blagues, vous pouvez me suivre sur Instagram, sur mon compte. lephildactu.podcast Et un grand merci à toutes celles et ceux qui, grâce à leurs dons, me permettent de continuer sereinement le podcast. Alors un grand merci à Mathieu, Clément, Sébastien, Julia, Alix, Denis, Gaëtan, Cathy, Guillaume, Augustin, Laurent, Élodie, Thomas, Valérie, Jean-Michel et Kaina. Vous aussi, vous pouvez rejoindre l'aventure du Phildactu. Merci et à très vite !

Share

Embed

You may also like

Description

Et si la philosophie nous montrait que l'arme nucléaire est source de vulnérabilité, plutôt que de puissance ?


Suite à la décision de Donald Trump de suspendre l’aide militaire apportée à l’Ukraine, et son possible désengagement de l'Europe, l’Union Européenne élabore un plan de réarmement pour défendre Kiev face à la Russie. Emmanuel Macron a annoncé qu’il envisageait d’étendre la dissuasion nucléaire française à d’autres pays européens. Mais la dissuasion nucléaire nous protège-t-elle vraiment ? Est-ce qu’elle n’augmente pas, au contraire, l’insécurité ? On en parle aujourd’hui avec Benoit Pelopidas.


Et si vous voulez m'écouter parler d'apocalypse et de fin du monde dans le podcast Vulgaire, c'est par ici !


Le Phil d'Actu, c'est le podcast engagé qui met la philosophie au cœur de l'actualité !

Ce podcast est 100% indépendant, gratuit, sans publicité. Il ne survit que grâce à vos dons.


🙏 Pour me soutenir, vous pouvez faire un don, ponctuel ou régulier, sur cette page.

💜 Merci pour votre soutien !


Si vous aimez l'épisode, n'oubliez pas de vous abonner, de mettre 5 étoiles, et de le partager sur les réseaux sociaux.


Pour ne rien manquer du Phil d'Actu, suivez-moi sur Instagram !


Un grand merci aux tipeur-ses : Matthieu, Clément, Augustin, Laurent, Thomas, Elodie, Bruno, Alexandre, Etienne, Juliette, Bob, Anaïs, Khadija, Yoann, Charles, Quentin, Nico, Solène, Corinne, Vivien, Olivier, Jonathan, Jean-Michel, Nathalie.

Grâce à vous, on n'a pas fini de réfléchir ensemble à l'actualité politique !


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Suite à la décision de Donald Trump de suspendre l'aide militaire apportée à l'Ukraine, l'Union européenne élabore un plan de réarmement pour défendre Kiev face à la Russie. Emmanuel Macron a annoncé qu'il envisageait d'étendre la dissuasion nucléaire française à d'autres pays européens. Mais la dissuasion nucléaire ne protège-t-elle vraiment ? Est-ce qu'elle n'augmente pas au contraire l'insécurité ? On en parle aujourd'hui avec Benoît Pellopidas. Je suis Alice de Rochechouart et vous écoutez Le Phil d'Actu, le podcast engagé qui met la philosophie au cœur de l'actualité. Ce podcast est totalement indépendant et il ne survit que grâce à vos dons. Alors, si vous voulez soutenir mon travail, vous pouvez faire un don, ponctuel ou récurrent, en cliquant sur la page indiquée en description. Merci pour votre soutien. La semaine dernière, Emmanuel Macron a ouvert la discussion sur une extension de la dissuasion nucléaire en Europe. Aujourd'hui, la France est le seul pays de l'Union européenne à détenir l'arme nucléaire. Et en Europe occidentale, le Royaume-Uni la détient, mais il ne fait plus partie de l'UE. Dans l'idée, il ne s'agirait pas de partager le contrôle des armes nucléaires, mais plutôt d'élargir les limites de son utilisation, de les utiliser y compris si la France n'est pas directement attaquée. Par exemple, la France pourrait lancer une bombe nucléaire sur la Russie si celle-ci attaquait les Pays-Baltes. Cette stratégie est en réalité défendue par Macron depuis 2017, mais jusqu'à présent, elle ne rencontrait pas beaucoup de succès. La situation a changé, avec la réélection de Donald Trump, son retrait de la guerre en Ukraine et ses critiques répétées de l'OTAN. De nombreux pays d'Europe, comme les États-Baltes, la Suède ou la Pologne, qui étaient jusque-là réfractaires à une extension de la dissuasion nucléaire française, se montrent désormais plutôt ouverts à la discussion. Si les États-Unis ne protègent plus l'Europe, les cartes sont en effet rebattues. La déclaration d'Emmanuel Macron a immédiatement fait réagir Moscou, qui a affirmé que la France menaçait la Russie et que ses propos étaient ouvertement hostiles. La tension monte d'un cran. Cette situation repose la question de la dissuasion nucléaire, qui a régi les relations géopolitiques pendant une bonne partie de la guerre froide entre les États-Unis et l'Union soviétique. L'idée, c'est que détenir des armes nucléaires nous protégerait, puisque cela dissuaderait nos adversaires de nous attaquer, en raison du risque de destruction mutuelle. Mais est-ce vraiment le cas ? La dissuasion nucléaire nous protège-t-elle vraiment ? Pour le politiste Benoît Pélopidas, la dissuasion nucléaire ne nous protège pas vraiment. Il montre que dans l'histoire, ce n'est pas ça qui nous a permis d'empêcher la guerre nucléaire et la destruction de l'humanité. Ce qui nous a sauvés, c'est souvent la chance. Ça vous paraît bizarre ? Pourtant, c'est déjà ce que déclaraient de nombreux dirigeants politiques et militaires américains, britanniques et même russes dans les années 60. L'étude des archives historiques montre en effet que plus d'une trentaine de crises nucléaires, comme la crise des missiles de Cuba en 1962, ont pu être désamorcées en partie grâce à la chance. Un terme qu'on n'aime pas trop entendre quand on parle d'armes nucléaires. Par exemple, nous avons eu de la chance qu'il n'y ait pas d'accident, d'erreur, ou qu'aucun dirigeant n'ait pris une décision suicidaire en lançant une bombe nucléaire. Ce que nous dit Benoît Pélopidas, c'est que la stratégie de dissuasion nucléaire repose sur une série de paris. On parie qu'il n'y aura pas d'accident, on parie qu'aucun dirigeant ne prendra de décision totalement irrationnelle et on parie que même si un dirigeant prenait cette décision, quelqu'un déciderait de désobéir. Comme en 1944, quand un général allemand avait décidé de désobéir à Hitler en refusant de détruire Paris comme le Führer le lui avait ordonné. Mais le problème, c'est que ce sont des paris, justement. Des paris qui nous donnent une illusion de contrôle, qui révèlent notre confiance excessive, notre croyance aveugle en la responsabilité morale et politique des chefs d'État. Tout cela, ça nous empêche de véritablement prendre conscience de la menace, du potentiel destructeur de cet arsenal. Cela nous fait considérer la dissuasion nucléaire comme une stratégie simplement défensive, alors que c'est précisément... Une stratégie de menace. Le principe, c'est de flirter avec la limite, de jouer sur l'ambiguïté. La dissuasion, ce n'est pas garantir à son ennemi qu'on ne l'attaquera pas. C'est au contraire lui montrer qu'on est prêt à le faire. Dissuader, c'est rendre la menace crédible. Et cette menace, explique Benoît Pélopidas, nous met en danger bien plus qu'elle ne nous protège. Elle nous met à la merci des dirigeants et des accidents. Elle doit être prise au sérieux. L'apocalypse n'est peut-être pas si loin. Et si vous voulez en savoir plus, n'hésitez pas à écouter le dernier épisode du podcast Vulgaire, qui m'a fait l'honneur de m'inviter pour parler d'apocalypse et de fin du monde. Je vous mets le lien de l'épisode en description. Mais revenons à la dissuasion nucléaire. L'analyse de Benoît Pélopidas permet de penser de manière exactement inverse à ce qu'on nous dit d'habitude. La dissuasion nucléaire ne nous rend pas puissants, elle nous rend au contraire vulnérables. Nous sommes matériellement, concrètement, réellement vulnérables, car nous ne contrôlons pas totalement ces armes. Aujourd'hui, on estime qu'il y a environ 13 000 armes atomiques sur Terre et que l'explosion de seulement 1% d'entre elles suffirait à déclencher une famine mondiale. Et si nous décidons d'intensifier notre stratégie de dissuasion nucléaire face à la Russie, il nous faudra produire de nouvelles armes, puisqu'elles disposent de plus de 5 500 bombes, alors que nous n'en détenons même pas 300. Pouvons-nous affirmer que nous les contrôlerons à 100% ? Souhaitons-nous vraiment faire ce pari ? Le problème, c'est est-ce qu'on peut vraiment échapper à la stratégie de dissuasion ? Car on nous le répète, on ne peut pas échapper à l'armement nucléaire sous peine d'être rendu vulnérable. On nous a présenté la prolifération nucléaire comme inéluctable. Tous les pays chercheraient à obtenir l'arme nucléaire ou à augmenter leur arsenal, puisque le nucléaire est un signe de puissance. Alors, pas le choix. Il faut détenir des armes nucléaires et il serait totalement irréaliste d'y renoncer. Mais est-ce vrai ? Benoît Pellopidas nous explique que ce discours fait partie du problème, puisqu'il nous fait croire que, justement, nous n'avons pas le choix. C'est ce que montre le terme de prolifération, qui a remplacé peu à peu le terme de dissémination à partir des années 60. Alors que la dissémination est le résultat d'une action, d'un choix, la prolifération renvoie plutôt à un phénomène indépendant de notre volonté, une multiplication incontrôlée. Parler de prolifération, c'est donc invisibiliser le rôle des États. C'est donner l'impression qu'il n'y a pas d'alternative. Pourtant, explique-t-il, de nombreux États ont adopté des voies alternatives justement. Ils ont refusé de développer un armement nucléaire, ont interrompu des projets de recherche ou même rendu les armes qu'ils détenaient. C'est par exemple le cas de l'Afrique du Sud, de la Corée du Sud, de l'Australie, du Brésil, du Canada, de l'Espagne et bien d'autres. C'est aussi le cas de la Norvège, pourtant frontalière de la Russie, qui s'est toujours refusée à adopter une stratégie nucléaire. En fait, sur les 40 pays membres des Nations Unies qui avaient développé une activité nucléaire, 30 ont finalement abandonné ce projet. En 2017, plusieurs pays signent même un traité d'interdiction des armes nucléaires, aujourd'hui signé par la moitié des pays du monde. Pourtant, parmi eux, beaucoup sont technologiquement capables d'avoir des armes nucléaires, mais ils refusent d'en obtenir. Cette réalité est souvent mise de côté. pour donner l'impression qu'il serait impossible de renoncer aux armes nucléaires. Alors que faire ? Y a-t-il des alternatives ? Le retrait des États-Unis nous oblige-t-il à poursuivre et même à intensifier notre stratégie de dissuasion nucléaire ? Pas nécessairement. En tout cas, il faut en discuter. et refuser cette affirmation selon laquelle il serait impossible de renoncer à l'arsenal nucléaire. Car en prétendant cela, on interdit tout questionnement, et donc on confisque le débat politique et démocratique. Il faut donc refuser tous ces arguments d'autorité qui nient la chance, l'imprévisible, qui prétendent que nous n'avons pas le choix, et donc pas vraiment de responsabilité politique. Selon Benoît Pélopidas, il faut au contraire ouvrir un espace de discussion démocratique, montrer qu'il y a une alternative. Il insiste sur le fait qu'il n'y a pas de consensus sur la politique de dissuasion nucléaire, ni en France, ni au Royaume-Uni. Et il recommande d'écouter les analyses d'experts indépendants sur ce sujet. Il faut se réapproprier le débat, plutôt qu'en faire une décision seulement technique, entre les mains d'un seul homme, ou presque. Jean-Marie Collin, président français de l'association ICANN, qui a reçu le prix Nobel de la paix en 2017 pour sa lutte contre l'armement nucléaire, nous met d'ailleurs en garde contre la mise en place d'un parapluie nucléaire européen. Il pourrait y avoir une banalisation de l'arme nucléaire, une escalade avec la Russie et avec d'autres puissances nucléaires, ainsi que la multiplication d'initiatives de ce genre partout dans le monde. Et puis, cela pourrait justifier le discours de Poutine qui ne cesse de répéter que l'Occident veut l'attaquer. Bien sûr qu'il faut se préparer contre la menace russe. Mais il y a d'autres moyens de défense que l'armement nucléaire. Il faut penser à une défense européenne et aider l'Ukraine, mais pas sous la forme de bombes atomiques. D'autant plus que la guerre se fait aussi par la déstabilisation de la démocratie, les cyberattaques et les fake news. Et ça, ce n'est pas un parapluie nucléaire qui pourra nous en protéger. La question, c'est aussi de savoir... qui paye l'effort de guerre. Dans son allocution, Emmanuel Macron a clairement dit qu'il n'y aurait pas d'impôt supplémentaire, même pour les plus riches. Et il a laissé entendre que les services publics devraient encore plus se serrer la ceinture. Finalement, comme le disait si bien l'écrivain Anatole France, on croit mourir pour la patrie, on meurt pour des industriels. D'ailleurs, l'armateur Dassault ne fait que monter en bourse depuis cette annonce. Ainsi, La menace ne justifie pas n'importe quoi. Et elle ne doit pas être instrumentalisée pour autoriser toujours plus de violence, de destruction, de surveillance, de casse des services publics. La menace ne doit pas nous faire détruire ce que nous souhaitons protéger, la liberté. C'est la fin de cet épisode. On se retrouve très vite pour un nouvel épisode du Phil d'Actu. En attendant, pour des infos exclusives et parfois des petites blagues, vous pouvez me suivre sur Instagram, sur mon compte. lephildactu.podcast Et un grand merci à toutes celles et ceux qui, grâce à leurs dons, me permettent de continuer sereinement le podcast. Alors un grand merci à Mathieu, Clément, Sébastien, Julia, Alix, Denis, Gaëtan, Cathy, Guillaume, Augustin, Laurent, Élodie, Thomas, Valérie, Jean-Michel et Kaina. Vous aussi, vous pouvez rejoindre l'aventure du Phildactu. Merci et à très vite !

Description

Et si la philosophie nous montrait que l'arme nucléaire est source de vulnérabilité, plutôt que de puissance ?


Suite à la décision de Donald Trump de suspendre l’aide militaire apportée à l’Ukraine, et son possible désengagement de l'Europe, l’Union Européenne élabore un plan de réarmement pour défendre Kiev face à la Russie. Emmanuel Macron a annoncé qu’il envisageait d’étendre la dissuasion nucléaire française à d’autres pays européens. Mais la dissuasion nucléaire nous protège-t-elle vraiment ? Est-ce qu’elle n’augmente pas, au contraire, l’insécurité ? On en parle aujourd’hui avec Benoit Pelopidas.


Et si vous voulez m'écouter parler d'apocalypse et de fin du monde dans le podcast Vulgaire, c'est par ici !


Le Phil d'Actu, c'est le podcast engagé qui met la philosophie au cœur de l'actualité !

Ce podcast est 100% indépendant, gratuit, sans publicité. Il ne survit que grâce à vos dons.


🙏 Pour me soutenir, vous pouvez faire un don, ponctuel ou régulier, sur cette page.

💜 Merci pour votre soutien !


Si vous aimez l'épisode, n'oubliez pas de vous abonner, de mettre 5 étoiles, et de le partager sur les réseaux sociaux.


Pour ne rien manquer du Phil d'Actu, suivez-moi sur Instagram !


Un grand merci aux tipeur-ses : Matthieu, Clément, Augustin, Laurent, Thomas, Elodie, Bruno, Alexandre, Etienne, Juliette, Bob, Anaïs, Khadija, Yoann, Charles, Quentin, Nico, Solène, Corinne, Vivien, Olivier, Jonathan, Jean-Michel, Nathalie.

Grâce à vous, on n'a pas fini de réfléchir ensemble à l'actualité politique !


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Suite à la décision de Donald Trump de suspendre l'aide militaire apportée à l'Ukraine, l'Union européenne élabore un plan de réarmement pour défendre Kiev face à la Russie. Emmanuel Macron a annoncé qu'il envisageait d'étendre la dissuasion nucléaire française à d'autres pays européens. Mais la dissuasion nucléaire ne protège-t-elle vraiment ? Est-ce qu'elle n'augmente pas au contraire l'insécurité ? On en parle aujourd'hui avec Benoît Pellopidas. Je suis Alice de Rochechouart et vous écoutez Le Phil d'Actu, le podcast engagé qui met la philosophie au cœur de l'actualité. Ce podcast est totalement indépendant et il ne survit que grâce à vos dons. Alors, si vous voulez soutenir mon travail, vous pouvez faire un don, ponctuel ou récurrent, en cliquant sur la page indiquée en description. Merci pour votre soutien. La semaine dernière, Emmanuel Macron a ouvert la discussion sur une extension de la dissuasion nucléaire en Europe. Aujourd'hui, la France est le seul pays de l'Union européenne à détenir l'arme nucléaire. Et en Europe occidentale, le Royaume-Uni la détient, mais il ne fait plus partie de l'UE. Dans l'idée, il ne s'agirait pas de partager le contrôle des armes nucléaires, mais plutôt d'élargir les limites de son utilisation, de les utiliser y compris si la France n'est pas directement attaquée. Par exemple, la France pourrait lancer une bombe nucléaire sur la Russie si celle-ci attaquait les Pays-Baltes. Cette stratégie est en réalité défendue par Macron depuis 2017, mais jusqu'à présent, elle ne rencontrait pas beaucoup de succès. La situation a changé, avec la réélection de Donald Trump, son retrait de la guerre en Ukraine et ses critiques répétées de l'OTAN. De nombreux pays d'Europe, comme les États-Baltes, la Suède ou la Pologne, qui étaient jusque-là réfractaires à une extension de la dissuasion nucléaire française, se montrent désormais plutôt ouverts à la discussion. Si les États-Unis ne protègent plus l'Europe, les cartes sont en effet rebattues. La déclaration d'Emmanuel Macron a immédiatement fait réagir Moscou, qui a affirmé que la France menaçait la Russie et que ses propos étaient ouvertement hostiles. La tension monte d'un cran. Cette situation repose la question de la dissuasion nucléaire, qui a régi les relations géopolitiques pendant une bonne partie de la guerre froide entre les États-Unis et l'Union soviétique. L'idée, c'est que détenir des armes nucléaires nous protégerait, puisque cela dissuaderait nos adversaires de nous attaquer, en raison du risque de destruction mutuelle. Mais est-ce vraiment le cas ? La dissuasion nucléaire nous protège-t-elle vraiment ? Pour le politiste Benoît Pélopidas, la dissuasion nucléaire ne nous protège pas vraiment. Il montre que dans l'histoire, ce n'est pas ça qui nous a permis d'empêcher la guerre nucléaire et la destruction de l'humanité. Ce qui nous a sauvés, c'est souvent la chance. Ça vous paraît bizarre ? Pourtant, c'est déjà ce que déclaraient de nombreux dirigeants politiques et militaires américains, britanniques et même russes dans les années 60. L'étude des archives historiques montre en effet que plus d'une trentaine de crises nucléaires, comme la crise des missiles de Cuba en 1962, ont pu être désamorcées en partie grâce à la chance. Un terme qu'on n'aime pas trop entendre quand on parle d'armes nucléaires. Par exemple, nous avons eu de la chance qu'il n'y ait pas d'accident, d'erreur, ou qu'aucun dirigeant n'ait pris une décision suicidaire en lançant une bombe nucléaire. Ce que nous dit Benoît Pélopidas, c'est que la stratégie de dissuasion nucléaire repose sur une série de paris. On parie qu'il n'y aura pas d'accident, on parie qu'aucun dirigeant ne prendra de décision totalement irrationnelle et on parie que même si un dirigeant prenait cette décision, quelqu'un déciderait de désobéir. Comme en 1944, quand un général allemand avait décidé de désobéir à Hitler en refusant de détruire Paris comme le Führer le lui avait ordonné. Mais le problème, c'est que ce sont des paris, justement. Des paris qui nous donnent une illusion de contrôle, qui révèlent notre confiance excessive, notre croyance aveugle en la responsabilité morale et politique des chefs d'État. Tout cela, ça nous empêche de véritablement prendre conscience de la menace, du potentiel destructeur de cet arsenal. Cela nous fait considérer la dissuasion nucléaire comme une stratégie simplement défensive, alors que c'est précisément... Une stratégie de menace. Le principe, c'est de flirter avec la limite, de jouer sur l'ambiguïté. La dissuasion, ce n'est pas garantir à son ennemi qu'on ne l'attaquera pas. C'est au contraire lui montrer qu'on est prêt à le faire. Dissuader, c'est rendre la menace crédible. Et cette menace, explique Benoît Pélopidas, nous met en danger bien plus qu'elle ne nous protège. Elle nous met à la merci des dirigeants et des accidents. Elle doit être prise au sérieux. L'apocalypse n'est peut-être pas si loin. Et si vous voulez en savoir plus, n'hésitez pas à écouter le dernier épisode du podcast Vulgaire, qui m'a fait l'honneur de m'inviter pour parler d'apocalypse et de fin du monde. Je vous mets le lien de l'épisode en description. Mais revenons à la dissuasion nucléaire. L'analyse de Benoît Pélopidas permet de penser de manière exactement inverse à ce qu'on nous dit d'habitude. La dissuasion nucléaire ne nous rend pas puissants, elle nous rend au contraire vulnérables. Nous sommes matériellement, concrètement, réellement vulnérables, car nous ne contrôlons pas totalement ces armes. Aujourd'hui, on estime qu'il y a environ 13 000 armes atomiques sur Terre et que l'explosion de seulement 1% d'entre elles suffirait à déclencher une famine mondiale. Et si nous décidons d'intensifier notre stratégie de dissuasion nucléaire face à la Russie, il nous faudra produire de nouvelles armes, puisqu'elles disposent de plus de 5 500 bombes, alors que nous n'en détenons même pas 300. Pouvons-nous affirmer que nous les contrôlerons à 100% ? Souhaitons-nous vraiment faire ce pari ? Le problème, c'est est-ce qu'on peut vraiment échapper à la stratégie de dissuasion ? Car on nous le répète, on ne peut pas échapper à l'armement nucléaire sous peine d'être rendu vulnérable. On nous a présenté la prolifération nucléaire comme inéluctable. Tous les pays chercheraient à obtenir l'arme nucléaire ou à augmenter leur arsenal, puisque le nucléaire est un signe de puissance. Alors, pas le choix. Il faut détenir des armes nucléaires et il serait totalement irréaliste d'y renoncer. Mais est-ce vrai ? Benoît Pellopidas nous explique que ce discours fait partie du problème, puisqu'il nous fait croire que, justement, nous n'avons pas le choix. C'est ce que montre le terme de prolifération, qui a remplacé peu à peu le terme de dissémination à partir des années 60. Alors que la dissémination est le résultat d'une action, d'un choix, la prolifération renvoie plutôt à un phénomène indépendant de notre volonté, une multiplication incontrôlée. Parler de prolifération, c'est donc invisibiliser le rôle des États. C'est donner l'impression qu'il n'y a pas d'alternative. Pourtant, explique-t-il, de nombreux États ont adopté des voies alternatives justement. Ils ont refusé de développer un armement nucléaire, ont interrompu des projets de recherche ou même rendu les armes qu'ils détenaient. C'est par exemple le cas de l'Afrique du Sud, de la Corée du Sud, de l'Australie, du Brésil, du Canada, de l'Espagne et bien d'autres. C'est aussi le cas de la Norvège, pourtant frontalière de la Russie, qui s'est toujours refusée à adopter une stratégie nucléaire. En fait, sur les 40 pays membres des Nations Unies qui avaient développé une activité nucléaire, 30 ont finalement abandonné ce projet. En 2017, plusieurs pays signent même un traité d'interdiction des armes nucléaires, aujourd'hui signé par la moitié des pays du monde. Pourtant, parmi eux, beaucoup sont technologiquement capables d'avoir des armes nucléaires, mais ils refusent d'en obtenir. Cette réalité est souvent mise de côté. pour donner l'impression qu'il serait impossible de renoncer aux armes nucléaires. Alors que faire ? Y a-t-il des alternatives ? Le retrait des États-Unis nous oblige-t-il à poursuivre et même à intensifier notre stratégie de dissuasion nucléaire ? Pas nécessairement. En tout cas, il faut en discuter. et refuser cette affirmation selon laquelle il serait impossible de renoncer à l'arsenal nucléaire. Car en prétendant cela, on interdit tout questionnement, et donc on confisque le débat politique et démocratique. Il faut donc refuser tous ces arguments d'autorité qui nient la chance, l'imprévisible, qui prétendent que nous n'avons pas le choix, et donc pas vraiment de responsabilité politique. Selon Benoît Pélopidas, il faut au contraire ouvrir un espace de discussion démocratique, montrer qu'il y a une alternative. Il insiste sur le fait qu'il n'y a pas de consensus sur la politique de dissuasion nucléaire, ni en France, ni au Royaume-Uni. Et il recommande d'écouter les analyses d'experts indépendants sur ce sujet. Il faut se réapproprier le débat, plutôt qu'en faire une décision seulement technique, entre les mains d'un seul homme, ou presque. Jean-Marie Collin, président français de l'association ICANN, qui a reçu le prix Nobel de la paix en 2017 pour sa lutte contre l'armement nucléaire, nous met d'ailleurs en garde contre la mise en place d'un parapluie nucléaire européen. Il pourrait y avoir une banalisation de l'arme nucléaire, une escalade avec la Russie et avec d'autres puissances nucléaires, ainsi que la multiplication d'initiatives de ce genre partout dans le monde. Et puis, cela pourrait justifier le discours de Poutine qui ne cesse de répéter que l'Occident veut l'attaquer. Bien sûr qu'il faut se préparer contre la menace russe. Mais il y a d'autres moyens de défense que l'armement nucléaire. Il faut penser à une défense européenne et aider l'Ukraine, mais pas sous la forme de bombes atomiques. D'autant plus que la guerre se fait aussi par la déstabilisation de la démocratie, les cyberattaques et les fake news. Et ça, ce n'est pas un parapluie nucléaire qui pourra nous en protéger. La question, c'est aussi de savoir... qui paye l'effort de guerre. Dans son allocution, Emmanuel Macron a clairement dit qu'il n'y aurait pas d'impôt supplémentaire, même pour les plus riches. Et il a laissé entendre que les services publics devraient encore plus se serrer la ceinture. Finalement, comme le disait si bien l'écrivain Anatole France, on croit mourir pour la patrie, on meurt pour des industriels. D'ailleurs, l'armateur Dassault ne fait que monter en bourse depuis cette annonce. Ainsi, La menace ne justifie pas n'importe quoi. Et elle ne doit pas être instrumentalisée pour autoriser toujours plus de violence, de destruction, de surveillance, de casse des services publics. La menace ne doit pas nous faire détruire ce que nous souhaitons protéger, la liberté. C'est la fin de cet épisode. On se retrouve très vite pour un nouvel épisode du Phil d'Actu. En attendant, pour des infos exclusives et parfois des petites blagues, vous pouvez me suivre sur Instagram, sur mon compte. lephildactu.podcast Et un grand merci à toutes celles et ceux qui, grâce à leurs dons, me permettent de continuer sereinement le podcast. Alors un grand merci à Mathieu, Clément, Sébastien, Julia, Alix, Denis, Gaëtan, Cathy, Guillaume, Augustin, Laurent, Élodie, Thomas, Valérie, Jean-Michel et Kaina. Vous aussi, vous pouvez rejoindre l'aventure du Phildactu. Merci et à très vite !

Share

Embed

You may also like