- Speaker #0
Je suis Alice de Rochechouart et vous écoutez le Fil d'Actu, le podcast engagé qui remet la philosophie au cœur de l'actualité. Ici, pas de philo prétentieuse et déconnectée du monde, mais une philo accessible et ancrée dans la société. Tous les mercredis, je vous propose une chronique commentant l'actualité et, une fois par mois, l'interview d'un ou d'une philosophe contemporaine. Prêt et prête pour une philosophie vivante et engagée ? Bienvenue dans le fil d'actu. Qu'est-ce que l'intelligence ? Y a-t-il des gens bêtes ? Et sommes-nous condamnés à être remplacés par l'intelligence artificielle ? Voici les questions que j'ai posées à Guillaume Clessen, ancien professeur de philosophie reconverti dans le spectacle vivant. Dans cet épisode, il nous parle de ses réflexions sur l'intelligence et la bêtise, deux notions qui l'interrogent. dans l'un de ses spectacles. Il nous explique comment ces notions sont instrumentalisées pour légitimer une domination et une hiérarchie sociale. Et dans sa pratique artistique, il s'efforce de démystifier les catégories d'intelligence et de bêtise qui génèrent tant de souffrance, de sentiments d'humiliation et de manque d'estime de soi. Guillaume Cléssène nous propose d'interroger ce par quoi nous nous définissons si souvent, notre intelligence, qui peut être... est en train de devenir artificielle. Alors, prêts et prêtes pour un voyage dans les dédales de notre intelligence et de notre humanité ? Bonjour Guillaume, merci d'avoir accepté mon invitation.
- Speaker #1
Bonjour, merci beaucoup de m'avoir invité.
- Speaker #0
Avec plaisir, alors c'est vrai que c'est un petit pas de côté par rapport aux personnes que j'interview habituellement parce que j'ai comme... vous le savez, auditeurs, auditoristes, j'interview d'habitude des chercheurs universitaires. Donc, ils produisent vraiment de la réflexion dans des livres très académiques et très écrits. Et toi, je t'ai découvert à l'occasion d'un spectacle. J'ai assisté à ton dernier spectacle dont on va discuter aujourd'hui. Ton spectacle s'appelle « Suis-je bête ? » et j'ai adoré ton spectacle. Réflexion sur l'intelligence. Qu'est-ce que l'intelligence ? Avec aussi des questionnements sur l'intelligence artificielle. Réflexion sur le lien entre la pensée, le... corps, la pratique artistique. Et ça m'a donné très envie de t'inviter pour le dernier interview de l'année. Et oui, c'est le dernier interview. Partir, nous sommes là aujourd'hui au mois de juin. Et donc partir en vacances avec un peu des pistes de réflexion et un décloisonnement de la pensée. Qu'est-ce que tu penses de cette approche ?
- Speaker #1
De cette approche ?
- Speaker #0
Et la tienne en fait.
- Speaker #1
Qui est la mienne ? Oui, moi je suis très enchanté que tu me questionnes sur cette pratique. au croisement de la philosophie, du théâtre, de l'écriture, du corps. Parce que, au fond, je dirais que cette expérience que j'ai dans le monde du spectacle vivant, c'est une expérience qui a développé chez moi un regard sur la philosophie un peu différent, un peu décalé. J'ai pratiqué la philosophie un peu autrement. C'est cette pratique un peu alternative qui m'a fait réfléchir aussi sur la pensée, sur... sur ce que l'art pouvait aussi offrir de liberté.
- Speaker #0
Ton spectacle s'appelle Suis-je bête ? Point d'interrogation, point d'exclamation. Raconte-nous alors comment tu as conçu ce spectacle, parce que c'est un spectacle assez hybride entre conférences, ou en tout cas réflexions philosophiques que tu partages avec le public. Tu travailles avec une artiste de cirque, qui fait des performances de cirque d'acrobatie pendant le spectacle, avec un espèce de dialogue qui se fonde entre la pensée et le corps. Tu mets un extrait sonore d'une conversation que tu as pu avoir avec des lycéens. Et à la toute fin du spectacle, tu as un échange avec le public aussi. Et j'ai trouvé ça intéressant parce que pour moi, l'échange fait partie du spectacle quasiment, dans le sens où tu as une interrogation sur qu'est-ce que c'est que l'art, qu'est-ce que c'est que la scène, qu'est-ce que c'est que l'interaction avec le public, qu'est-ce que c'est qu'un format artistique. Voilà, est-ce que tu peux nous raconter un petit peu ta démarche ?
- Speaker #1
Oui, oui, tout à fait. L'idée de départ, c'est une rencontre entre un thème philosophique... que j'aborde dans cette fameuse école de théâtre qui s'appelle l'école Ouvrenoroy. J'aborde la question de la bêtise et de l'intelligence. Et donc, la première chose que je remarque, à mon grand étonnement, c'est que quand on parle d'intelligence avec des élèves, on produit des idées, des pensées, chez elles et chez eux, mais aussi beaucoup d'affects. Et donc, je me suis rendu compte que la notion d'intelligence, c'était une notion qui était chargée, au fond, de biographie, de vie, de vécu, d'humiliation, à travers notamment le parcours scolaire. Donc, en conversant avec les élèves... certaines et certains se sont mis même à pleurer. Ah oui ? Ah oui, oui, oui. C'est-à-dire que quand tu parles d'intelligence, ça renvoie en fait à des anecdotes, j'en évoque une moi tu vois dans mon spectacle, mais des anecdotes qui peuvent être terribles quoi. C'est-à-dire qu'être déprécié dans son intelligence, c'est l'une des choses les plus humiliantes qui existent. Et comme le système scolaire, c'est un système où on évalue en permanence, alors a priori, non pas ton intelligence, mais tes travaux, mais à travers tes travaux quand même, ta intelligence, Si on reprend la sociologie bourdeusienne, c'est vraiment l'école, c'est ça, c'est la naturalisation au fond de la domination sociale et le fait qu'au fond, à travers le mot intelligence, en fait, on légitime une hiérarchie sociale. Évidemment, quand on n'a pas les bons réflexes, quand on n'a pas les bons codes, eh bien, c'est difficile de réussir à l'école. Quand on ne réussit pas à l'école, on a souvent de la part des profs des remarques qui peuvent être maladroites, parfois méchantes, volontairement ou pas. Mais en tout cas... Ça blesse. Et c'est ces blessures-là qui sont ressorties à travers le cours de philo que j'ai pu donner, autant que des idées en gros un peu générales et théoriques sur l'intention d'intelligence. Donc, je me suis interrogé. Alors, pourquoi, au fond, l'intelligence, la bêtise, son antonyme, sont si affectants ? Ce qui veut dire qu'on a une terreur, sans doute, c'est de paraître bête aux yeux des autres. Et que ça, c'est quelque chose qui nous terrorise. Pourquoi l'idiotie apparente ? et quelque chose qui est si effrayante à nos yeux. Comment est organisée la société pour que nous ne puissions pas paraître bêtes sans nous sentir profondément humiliés ? Et ce qui est intéressant pour moi, alors là, tu vois, j'ai un pied dans le monde social comme chacun et j'ai un pied dans ce monde plus restreint, tout aussi social, qu'est le spectacle vivant. Or, l'une des choses que j'ai observées dans la singularité d'un acteur ou d'une actrice, d'une artiste ou d'un artiste, C'est que la bêtise est un aliment de sa création. C'est-à-dire que contrairement aux agents sociaux qui évoluent dans un monde plus classique où il faut paraître toujours intelligent, un acteur qui voudrait paraître intelligent serait un très mauvais acteur. C'est-à-dire que l'acteur, le comédien et la comédienne ont besoin de leur propre bêtise pour jouer. C'est-à-dire qu'il n'y a pas de filtre de la bêtise. Ils ne sont pas là pour simplement voir la profondeur un peu intellectuelle d'un texte. Ils ressentent le texte et ils le ressentent de telle manière que ce texte va passer des pieds jusqu'à la tête. Il va ressortir de cette manière. Et là, tout d'un coup, il y a des effets de sens qui sont imprévisibles, qui sont beaux. Et c'est là-dessus aussi qu'on va travailler.
- Speaker #0
Peut-être qu'on peut en venir un peu à cette question. Finalement, c'est quoi l'intelligence ? C'est tout l'objet de ton spectacle. Mais comment est-ce que toi, tu abordes cette question ?
- Speaker #1
Je dirais d'abord que l'intelligence, si on partait d'une définition vraiment minimaliste, On dirait l'intelligence, c'est la capacité de comprendre. Mais, ce qui moi me semble intéressant, c'est pour ça que je fais appel un peu aux intelligences, à la théorie des intelligences multiples, c'est que selon l'objet qu'on a à comprendre, on n'utilise pas les mêmes outils. Comprendre un théorème de maths ou comprendre une personne, ce n'est pas la même chose. Donc, les facultés qui sont mises en jeu dans la compréhension du monde et de la diversité finalement des objets de ce monde, impliquent en fait un usage différencié des outils de compréhension. Je crois, enfin j'ai l'impression si tu veux, que souvent la bêtise, une des manières de définir la bêtise, c'est d'utiliser un outil pour un autre. C'est d'utiliser l'outil mathématique pour comprendre, je ne sais pas moi, un mouvement dansé, un mouvement chorégraphique. L'intelligence en fait, c'est utiliser le bon outil et aller pleinement dans ce bon outil pour essayer de comprendre un phénomène qui ne peut être compris que si on utilise cet outil. Par exemple, moi je suis assez nul dans les travaux manuels, je me sens vraiment bête quand je dois utiliser mes mains. et je sais très bien pourquoi. C'est-à-dire que je m'y intéresse si peu que j'en viens à développer une sorte de complexe qui m'empêche d'avoir confiance dans cette tâche et du coup, je n'arrive pas en fait à développer cette intelligence manuelle qui est spécifique. Et je me rends compte que il y a une sorte de plasticité au fond de l'intelligence et d'adaptivité de l'intelligence qui rend au fond l'intelligence humaine avec un grand L. assez indéfinissables. Nous sommes des intelligences, nous avons à disposition, en quelque sorte, plusieurs formes d'intelligence, et nos vies font que nous allons nous intéresser à telle ou telle chose, nous allons avoir confiance dans le développement de compréhension de tel ou tel phénomène. Ça va nous faire développer certaines intelligences, parfois au détriment d'autres intelligences.
- Speaker #0
Tu as parlé de la théorie des intelligences multiples, tu y consacres pas mal de temps dans ton spectacle. est-ce que tu peux tu peux y revenir. C'est une théorie de Howard Gardner. Est-ce que tu peux nous expliquer ce que c'est et aussi ce à quoi ça s'oppose ?
- Speaker #1
Voilà, c'est ça. Peut-être qu'il faut revenir effectivement à la genèse de la notion d'intelligence. C'est une philosophe contemporaine, Catherine Malabou, qui a écrit un bouquin qui m'a vachement éclairé, qui s'appelle « Métamorphose de l'intelligence » , qui fait un peu cette genèse. Elle explique une chose très simple, c'est qu'avant le XIXe siècle, le mot « intelligence » était moins utilisé que le mot « entendement » ou « intellect » . Et surtout avant le 19e siècle, on était assez indifférent à la question de la hiérarchie. des intelligences. On se posait assez peu la question de savoir est-ce que X est plus intelligent qu'Y ? C'était pas une obsession, je dirais, comme ça l'est devenu dans le monde moderne.
- Speaker #0
Ça nous paraît inconcevable.
- Speaker #1
Ça nous paraît inconcevable.
- Speaker #0
J'ai découvert ça dans ton spectacle. Je me disais, mais nous c'est tellement intériorisé qu'on dit, on classe les gens, machin est intelligent, machin est moyen, machin est bête. En fait, j'ai du mal à comprendre, surtout dans une société aussi hiérarchique que le Moyen-Âge. On a du mal à comprendre comment on pouvait ne pas penser que le roi et les nobles étaient plus intelligents que les serfs et les paysans. C'est étonnant ?
- Speaker #1
Probablement parce que, j'en sais rien, mais Bourdieu dit ça. Il dit qu'au fond, l'intelligence a remplacé les titres de noblesse aujourd'hui. D'accord. C'est-à-dire que pour légitimer la supériorité sociale, on a besoin d'en passer par les titres scolaires. On hiérarchise par l'intelligence pour masquer la hiérarchie qui est faite par la société elle-même. Mais c'est la société, évidemment, qui... La société, en tout cas. les dominants qui créent les échelles de valeur et qui va nous dire en quoi telle ou telle forme d'intelligence est supérieure à telle ou telle autre. Pour revenir sur le début de ce concept de moderne intelligence, on le situe au XIXe siècle. Il y a deux courants, explique Malabou, qui finalement vont constituer le concept qu'on utilise aujourd'hui dans le langage courant, le concept d'intelligence. Le premier courant, il est néo-darwinien. C'est le cousin de Darwin, Francis Galton, qui est le père de l'eugénisme social, qui va vouloir absolument distinguer, effectivement hiérarchiser les intelligences humaines. Et notamment parce qu'il lui faut, en tant que géniste, essayer de sélectionner les meilleurs, d'éliminer les plus faibles. Et le critère de l'intelligence est un critère très important. Donc là, on voit déjà que le premier théoricien d'une intelligence hiérarchique ou d'une hiérarchisation des intelligences est aussi un idéologue. C'est-à-dire qu'il a un vrai but sociopolitique, un objectif très clair. Et effectivement, comme je le dis dans mon spectacle, Galton a inspiré Hitler, a inspiré le nazisme. Donc déjà, se dire que quand on utilise le mot intelligence, on utilise finalement un mot qui est quand même chargé d'une vision hiérarchique de l'humanité, ça fait un peu réfléchir. Et le deuxième courant est un courant a priori plus fréquentable. qui est le courant de la psychologie expérimentale, avec Alfred Binet, qui était donc un, ça j'en parle pas dans mon spectacle, mais c'est intéressant, c'est un grand professeur d'université, qui a été chargé, je crois, au début du XXe siècle, de créer des tests pour, après la massification de l'enseignement, après l'arrivée de toute cette population venue des classes défavorisées à l'école, avec l'inscription obligatoire à l'école, il a fallu déceler en fait les difficultés que rencontraient tous ces élèves. à l'école. Et donc Binet a créé les premiers tests de QI. Test de QI qui était a priori pas utilisé à mauvais escient. Il s'agit juste non pas de mesurer l'intelligence des élèves comme si l'intelligence était une sorte de substance éternelle en chacun et en chacune, comme un gène de l'intelligence. Mais il s'agissait par ces tests de voir les difficultés cognitives que pouvaient avoir certains élèves pour les aider à intégrer un peu mieux le système scolaire. Sauf que... Ces tests-là ont ensuite été repris par d'autres scientifiques à des fins idéologiques et eugénistes. Donc on voit par exemple au début du XXe siècle, aux États-Unis, la reprise des tests de QI de Binet qui vont être appliqués aux migrants qui arrivent à New York et qui vont être sélectionnés en fonction de ces tests. On fait passer des tests de QI à des gens qui ne sont non anglophones, à des enfants, à des adultes, et qui vont être sélectionnés à partir de ces tests. qui vont être utilisés de manière absolument non scientifique et totalement politique. Donc, il y a dès le départ, en fait, dans la notion d'intelligence, une sorte de garde frontière. C'est-à-dire que ce mot d'intelligence est un garde frontière.
- Speaker #0
C'est très intéressant ce que tu racontes. Ça me fait penser à... Il y a une carte du monde qui circule pas mal sur Internet. Elle est souvent sortie par les gens de l'extrême droite. Et c'est une carte du monde selon les QI. moyens de chaque pays. Voilà, donc bon, déjà, en fait, là vous ne voyez pas, mais tu viens de lever les yeux au ciel, donc je suis totalement d'accord avec ta réaction. Évidemment, cette carte, en gros, il y aurait une moyenne de 110 dans les pays occidentaux et 90 dans certains pays, notamment en Afrique, dans plusieurs pays d'Afrique. Ce qui n'a absolument aucun sens d'imaginer. Et donc, c'est une carte qui est utilisée pour légitimer une supériorité civilisationnelle. En gros, la civilisation occidentale serait plus intelligente et les gens seraient plus intelligents. Regardez la preuve, les tests de QI. Très intéressant ce que tu expliques, parce que ça nous permet de comprendre à quel point c'est un test, une mesure qui n'est absolument pas appropriée et adéquate. ... Et quand on se plonge un petit peu dans l'histoire de cette carte, on se rend compte que les mesures ont été faites, souvent sur des enfants qui n'avaient jamais été prévenus, entraînés, à qui on a dit « fais un test de QI » . Et en fait, il faut imaginer que l'intelligence logique qu'on a dans les tests de QI, elle est particulière et elle est apprise. Donc si tu n'as jamais fait ça, si tu as 20 ans et que tu n'as jamais regardé un truc de logique de ta vie parce qu'on ne t'a pas appris à l'école, parce que ce n'est pas dans la culture de là où tu habites, etc., ça n'a strictement aucun sens et tu ne vas pas performer en fait. Et donc, on va t'imaginer, on va te donner une note en disant que tu es très bête, alors que, évidemment, ça n'a aucun sens.
- Speaker #1
Oui, oui, Galton voulait hiérarchiser les intelligences pour hiérarchiser les cultures, pour justifier la politique coloniale. Bien sûr,
- Speaker #0
on y revient toujours.
- Speaker #1
Voilà, la politique coloniale de la Grande-Bretagne, fin 19e siècle, c'est la moitié du monde, effectivement. Comment justifier que le petit... pays qui est la Grande-Bretagne occupe la moitié du monde. C'est quand même un truc de fou. Et l'une des manières de justifier ça, c'est de dire que la civilisation occidentale est bien plus intelligente que tous ces peuples arriérés, entre guillemets, évidemment. Et donc, la justification, la manière, en fait, on se rend compte que l'intelligence, c'est un garde-frontière, mais c'est aussi l'outil de légitimation, le premier outil de légitimation de la domination. C'est-à-dire qu'on est justifié d'être dominant parce qu'on est plus intelligent. à ce qu'on pense, alors que les autres ne pensent pas. Et là, évidemment, je ne peux pas ne pas citer mon philosophe contemporain, qui est mon repère et avec lequel je suis dans une pratique artistique, sociale aussi permanente, qui est Jacques Rancière. Évidemment, parce que c'est une pensée complexe, magnifique, qui consiste à dire, en fait, il faut... D'une part, on n'a pas la preuve d'une hiérarchie objective des intelligences. On n'aura sans doute jamais la preuve que telle ou telle personne est plus intelligente que telle autre. Et ensuite, il faut postuler. l'égalité des intelligences. Et ça, c'est un acte politique très fort. Et il ne s'agit pas de prouver l'égalité des intelligences, il s'agit de vivre à partir de ce postulat. Et quels rapports fondamentaux peuvent être modifiés, changés à partir de ce postulat ? Et c'est sûr que moi, c'est une chose que je défends dans mon spectacle sans avoir besoin de citer Rancière, mais c'est une chose qui me semble fondamentale. Et même dans ma relation aux autres, aux élèves, que je vois souvent, parce que je fais souvent des interventions dans les écoles, je le vois bien. C'est-à-dire que poser une égalité des intelligences, c'est tout de suite favoriser l'intelligence des autres. C'est-à-dire que la vraie question, c'est comment on peut mobiliser l'intelligence que tout un chacun a. Et pourquoi il y a un ensommeillement de l'intelligence humaine ? Parce qu'il y a une hiérarchisation. un discours hiérarchisant sur l'intelligence qui fait qu'il y a ceux qui pensent et ceux qui ne pensent pas, et que du coup, ceux qui sont à la place des non-pensants, en quelque sorte, sont, comme dit Rancière, abrutis. C'est-à-dire qu'il y a un abrutissement lorsque une intelligence est censée expliquer à une autre ce qu'elle doit penser. Et l'idée de Rancière, dans Le Maître ignorant notamment, évidemment, c'est d'abolir ce postulat inégalitaire.
- Speaker #0
Merci d'en parler. Quand j'ai découvert cette pensée-là de Rancière, j'en avais parlé dans le podcast parce que je trouve que c'est une... Oh ! c'est une pensée qui bouleverse absolument c'est vraiment un tremblement de terre puisqu'on a tellement intériorisé, incorporé pour reprendre une expression physique on a dans notre corps une espèce de croyance absolue, qu'il y a une hiérarchie entre les gens, et voilà, on en parle avec Edwige Chirotaire dans l'interview du mois dernier la question des notes à l'école les notes, c'est une manière de hiérarchiser, de donner une valeur objective à des capacités à un travail, et donc à des intelligences En plus, qui sanctionne un seul type d'intelligence. Et là, je voulais qu'on en vienne à cette idée d'intelligence multiple que toi, tu défends dans ton spectacle.
- Speaker #1
Voilà, c'est ça. Alors, la première conception de l'intelligence dans la modernité, elle repose sur quatre critères. Elle nous dit un philosophe des sciences, Stéphane Jégould. Premier critère, l'uniformité. Il n'y a qu'une seule manière d'être intelligent, une seule forme d'intelligence. En général, c'est l'intelligence valorisée socialement, valorisée scolairement. Donc, l'intelligence logico-mathématique, la plupart du temps.
- Speaker #0
Donc les équations et les tests de QI,
- Speaker #1
quoi. Exactement. En gros, c'est ça. Deuxième critère de l'intelligence, c'est l'hérédité. Important. C'est-à-dire, si tu as la chance de naître dans une famille de gens intelligents, tu vas être intelligent. Et inversement, évidemment, si tu nais dans une famille de gens idiots. Ensuite, il y a l'idée que l'intelligence et la bêtise sont comme des qualités immuables ou presque tout au long de la vie. Donc, si tu nais con, tu restes con toute ta vie. C'est-à-dire qu'il n'y a pas de... Il n'y a pas d'évolution possible au fond de la bêtise.
- Speaker #0
Quand on est con,
- Speaker #1
on est con. Quand on est con, on est con. La tautologie Brassens qui est assez drôle. Et enfin, quatrième critère de l'intelligence humaine, c'est l'idée de pouvoir mesurer. Mesurer l'intelligence. On peut la mesurer, donc on peut hiérarchiser en fait les intelligences individuelles. On peut dire un tel est plus intelligent qu'un tel. Et donc ces quatre critères-là, je dirais, sans nous en rendre compte, définissent... la plupart du temps l'usage qu'on fait du mot intelligence ou du mot bêtise. Quand on dit d'une personne qu'elle est bête, on sous-entend souvent cette chose-là. C'est-à-dire qu'on tend à réifier l'intelligence, on tend à voir au fond l'intelligence ou le manque d'intelligence qu'incarnerait cette personne à travers une seule manière d'être intelligent qui serait définie par notre propre intelligence à nous, etc. Et donc la petite révolution dans le champ conceptuel... C'est produite dans les années 70, au siècle dernier, avec Howard Gardner, qui est donc un psychologue américain, qui, lui, a battu en brèche l'idée d'uniformité de l'intelligence. À partir du moment, au fond, où il y a une multiplicité d'intelligences, eh bien, il va être beaucoup plus difficile de hiérarchiser les individus en fonction de l'intelligence.
- Speaker #0
Il en identifie neuf, lui. Voilà. Vous reconnaîtrez forcément dans au moins une, un type d'intelligence, ce qui est quand même... Assez gratifiant en fait, on va y revenir après. Alors, neuf types d'intelligence. L'intelligence logico-mathématique, dont celle dont on vient de parler, les équations. L'intelligence linguistique, qui est l'intelligence des mots, la capacité à maîtriser le langage. L'intelligence kinesthésique, donc là c'est plutôt la question du mouvement. Gérer son corps et ses mouvements. Alors, on rigole parce qu'en fait, ça a sûrement été coupé au montage, mais je viens d'éclater de renverser ma bouteille d'eau par terre, car l'intelligence kinesthésique, la mienne, n'est pas extraordinaire, pour dire le moins. Alors ensuite, on a l'intelligence interpersonnelle. Donc ça, c'est plutôt ce qu'on pourrait appeler l'intelligence sociale. Le fait, la capacité de reconnaître les émotions des autres, l'empathie, etc. Les interactions. Ensuite, l'intelligence intrapersonnelle. Donc ça, c'est l'introspection, la capacité à se connaître, à avoir un regard lucide sur soi-même. L'intelligence musicale. Donc intéressant, c'est assez explicite, mais on n'y penserait pas forcément. L'intelligence visuospatiale, donc ça c'est se repérer dans l'espace, avoir une appréhension de l'espace autour de soi. Là aussi, moi, c'est catastrophique. Alors, si vous me voyez jouer au Lego, je ne joue pas d'ailleurs au Lego, je subis, c'est absolument terrifiant. Donc toi aussi, si j'ai bien compris. Et enfin, l'intelligence naturaliste. Donc ça, c'est la capacité un petit peu à interpréter le monde vivant, l'environnement autour de soi, la nature. Donc ça, c'est aussi un type d'intelligence. Ça, c'est Pocahontas qui parle aux animaux.
- Speaker #1
Oui, voilà. Trop bien. Et puis il y a l'intelligence existentielle. Oui,
- Speaker #0
l'intelligence intrapersonnelle, c'est ça ? Oui.
- Speaker #1
L'intelligence existentielle,
- Speaker #0
je l'ai raté.
- Speaker #1
L'intelligence existentielle, c'est un peu l'intelligence philosophique, c'est se poser des questions un peu abstraites sur le sens de la vie, etc. Ce qui n'est pas l'appétence de tous les êtres humains.
- Speaker #0
C'est vrai. C'est vrai qu'en fait, on est là à se prendre la tête sur l'existence, mais il y a des gens qui s'en foutent.
- Speaker #1
Qui s'en foutent et qui surtout ne veulent pas en entendre parler. Oui, c'est tout à fait possible.
- Speaker #0
en tout cas ce qui est intéressant c'est une théorie qui ne fait pas consensus qui a été contestée complètement Mais en même temps, il faut le préciser, il n'y a pas de définition consensuelle de l'intelligence. Donc certes, celle-là ne fait pas consensus, mais aucune ne fait consensus.
- Speaker #1
C'est ça qui est intéressant. Il n'y a pas de définition admise de l'intelligence. Il y en a une multiplicité de définitions, 70, 80, enfin voilà, donc on s'y perd. Moi, ce que je trouve intéressant avec la théorie de la multiplicité de l'intelligence, elle a un fondement scientifique qui est effectivement un peu fragile. Et les neurosciences remettent en cause un petit peu cette théorie-là. Mais en revanche, ce que j'observe, c'est que par rapport à ce que je vous disais, par rapport à la question de l'outil, ce qui moi me semble intéressant dans la théorie des intelligences multiples, c'est de considérer que nous avons des types de vécus qui sont hétérogènes les uns aux autres et qu'on ne mobilise pas la même manière d'être intelligent ou la même intelligence selon les les expériences que l'on a à vivre. Et ça, je trouve que c'est intéressant de se dire que l'humain a une forme de complexité qui presque le dépasse. Et que vivre nos vies, c'est vivre au fond des situations qui sont à chaque fois singulières et qui requièrent de nous un type d'attention, un type d'intelligence un peu particulier. Ce que je veux dire par là, c'est que ce qu'il y a de beau dans cette théorie des intelligences multiples, c'est d'une part de déhierarchiser en fait... les intelligences, de faire prendre conscience aux individus qu'il y a plusieurs manières d'être intelligents. Et à partir de là aussi, de se dire que certes, la société, le système scolaire tend à valoriser un type d'intelligence plutôt que les autres, mais ces autres intelligences existent. Et moi, je sais que quand j'interviens dans les lycées pour jouer le spectacle, l'une des choses qui marque le plus les gamins, c'est de se rendre compte qu'effectivement, on est intelligent de plusieurs manières. et que ce n'est pas parce que cette intelligence logico-mathématique est centrale dans le système scolaire que d'autres formes d'intelligence ne sont pas présentes et qu'on n'a pas ces intelligences-là et qu'ensuite on peut d'ailleurs développer au cours de sa vie des intelligences qu'on n'a pas développées avant. Oui, c'est ça. Il y a une modification possible. En fait, moi ce que j'aime, c'est l'idée d'introduire dans le concept d'intelligence, un, la multiplicité et deux, la plasticité.
- Speaker #0
Oui, c'est ça, parce que... Tu disais tout à l'heure, parmi les quatre critères de Galton, il y avait cette idée que l'intelligence serait immuable. On a été doté d'un petit bout de gâteau et puis ça ne bougera pas. Bien sûr,
- Speaker #1
comme s'il y avait des races.
- Speaker #0
évidemment c'est une vision raciste bien sûr et avec l'hérédité en plus on comprend tout de suite où on va ce qui est super intéressant là c'est que ça ça déplace complètement ça et tu vois tout à l'heure on disait tous les deux ah là là je suis nul en représentation spatiale je suis nul en légo et en même temps si on a l'idée de l'immuabilité on va pas chercher à développer ces intelligences là et là c'est un espace tout d'un coup c'est un souffle de la liberté incroyable de se dire bah ouais là je suis pas ouf, clairement, mais je vais pouvoir améliorer toutes les intelligences, y compris l'intelligence logico-mathématique. Donc ça bouleverse complètement l'idée qu'on a de l'intelligence comme on l'a habituellement.
- Speaker #1
Je suis entièrement d'accord avec toi et je dirais même qu'on peut du coup, de manière plus facile, admettre sa propre bêtise. Parce que si on n'admet pas, ou si on a tant de mal à paraître bête aux yeux des autres, c'est précisément parce qu'on est dans les critères de l'immuabilité, de l'essence. Oui,
- Speaker #0
donc c'est ton identité.
- Speaker #1
C'est ton identité.
- Speaker #0
Tu es bête pour...
- Speaker #1
Ex... Exactement Et donc moi ce que je trouve intéressant c'est de se dire au fond Que nous sommes tous bêtes Nous sommes tous intelligents d'une manière ou d'une autre Et que tout ça bouge au cours de la vie Et qu'on peut se retrouver en plus dans des situations Je dirais moi Si il y avait une autre définition possible de l'intelligence Je dirais l'intelligence C'est d'être capable de faire face à une situation Et les situations elles évoluent tout le temps Elles évoluent tout le temps Elles sont toujours singulières Et même si on a l'habitude, par exemple, de faire certaines choses et qu'on est compétent dans ces choses-là, le fait d'être situé, de mener, de réaliser son action de manière située, fait que l'action, même si elle est répétitive, habituelle et qu'elle est faite avec de l'intelligence, elle peut échouer. Quand je pense, par exemple, à une mort possible bête qui pourrait m'arriver, ce serait mourir dans ma cuisine.
- Speaker #0
Mourir dans ma cuisine en train de manipuler, par exemple, un couteau qui tout d'un coup me transpercerait et ferait que j'aurais une hémorragie et que je mourrais. Ce serait une mort bête. Ce serait une mort con. Mais ce qui est intéressant dans cet exemple un peu loufoque, c'est de se dire, c'est une mort con pourquoi ? Parce qu'a priori, on ne meurt pas dans sa cuisine, on ne meurt pas de cette manière. Mais justement, à chaque fois... L'intelligence, en fait, notre intelligence, elle est à chaque fois remise en jeu par le présent de la situation, par la singularité de la situation. Même si on a l'habitude de faire quelque chose, l'intelligence, elle n'est jamais acquise. Et c'est ça que j'aime bien aussi. C'est l'idée qu'on n'est jamais sûr de l'être. C'est un prédicat qui est très fluctuant.
- Speaker #1
C'est toujours quelque chose qu'il faut conquérir, en tout cas. Ce n'est pas une remise en jeu comme si c'était un test qu'on passait perpétuellement. Mais c'est plutôt de se dire... Une souplesse, une plasticité.
- Speaker #0
Exactement.
- Speaker #1
C'est le moment où je précise que j'ai dû aller me faire opérer parce que je me suis ouvert la main en ouvrant un avocat. Voilà. Et là, c'est un peu malin aux urgences. Vous avez fait ça comment ? Avec un noyau d'avocat. Je te regarde. Oui, oui. Et depuis, c'est confisqué. Je n'ai plus le droit du coup des escouteaux. Et bon, maintenant, je ne le fais plus. J'ai connu un petit peu d'intelligence supplémentaire dans cette histoire. La mort comble.
- Speaker #0
Oui, oui. Et je suis... Oui, je suis tout à fait d'accord avec toi. et c'est pour ça que... que souvent le mot intelligence, Rancière il dit ça, c'est un peu comme une vertu dormitive. C'est-à-dire, on utilise le mot intelligence mais à la place d'un autre mot. J'aime bien tester ça. C'est-à-dire, qu'est-ce que je pourrais dire à la place de c'est intelligent ou l'intelligence de manière substantive comme ça. Souvent, je remarque que l'intelligence, en fait, c'est s'intéresser à. En fait, tu deviens intelligent quand tu t'intéresses à. Ce n'est pas que la personne-là est bête, c'est juste qu'elle ne s'intéresse pas. Alors, comment faire pour qu'elle s'intéresse ? Comment faire pour qu'elle désire ? Comment faire ? pour que son attention se concentre sur tel ou tel objet. Et du coup, je trouve que ça relativise un petit peu tout ce que l'on vit. Alors maintenant, ensuite, il faut assumer de paraître con quelquefois.
- Speaker #1
Tu trouves le dilemme intéressant dans ton spectacle, je trouvais ça génial. Si vous aviez le choix, tu préfères le dilemme être bête, mais toujours paraître intelligent ou être intelligent, mais toujours paraître bête. Ce n'est pas facile. Personnellement, je crois que je préfère paraître intelligent. Je pense que socialement, ça doit être épouvantable d'être systématiquement... Donc ouais, vous pouvez réfléchir, vous nous direz ce que vous en pensez. Mais c'est un dilemme intéressant parce que ça pose cette question de l'apparence et aussi socialement. Pour revenir à Rancière, ce dont tu parlais, pour illustrer en fait cette application immédiatement politique de la question de l'intelligence, Rancière parle d'une démocratie radicale, avec une égalité radicale des intelligences. Un très bon exemple pour ça, c'est la question des conventions citoyennes. Par exemple, la convention citoyenne sur le climat qui a eu lieu il y a 2-3 ans, qui n'a évidemment pas été écoutée par qui vous savez. Et ce qui était intéressant dans cette convention, c'est que ce sont des gens qui avaient au départ des opinions très divergentes, c'était un tirage au sort donc plutôt représentatif. Et en fait, au bout de plusieurs mois de travail où les différentes citoyennes et citoyens ont entendu des experts, se sont formés, ont fait vraiment une formation importante, ont discuté, ont débattu, ils et elles sont arrivés à des conclusions où finalement tout le monde à la fin était plus ou moins d'accord sur ce qu'il fallait faire. et sont devenus des experts, en fait, des experts, des expertes. Et j'aime beaucoup cet exemple parce qu'il montre qu'on a un discours en disant les députés doivent être intelligents au sens où on les entend. Et d'ailleurs, on entend tout le temps des disqualifications de « Regardez tel député, il est idiot. » Si quelqu'un bégait, il va dire « Il ne sait pas s'exprimer, il est idiot. » Si quelqu'un a un accent, on va dire « Ah, regardez machin, etc. » Donc, des sentences, justement, sur l'intelligence, alors qu'on voit que ça ne se passe pas du tout comme ça. Et que quand on laisse un espace d'apprentissage et d'acquisition d'expertise, on voit qu'en fait, à peu près tout le monde en est capable. Enfin même, j'enlève le à peu près, tout le monde en est capable. C'est l'apprentissage, on met l'accent tout d'un coup sur l'apprentissage et non pas sur l'intelligence comme étant un statut immuable dont tu parlais.
- Speaker #0
Oui, c'est ça. Puis c'est l'idée aussi de l'intelligence collective, c'est-à-dire que qu'est-ce que c'est que l'intelligence collective par rapport à l'intelligence individuelle ? C'est le fait de se dire que la parole de l'autre va peut-être me permettre d'enrichir ma propre pensée, que l'addition en fait des points de vue va enrichir... La réflexion qu'on peut avoir sur une question, sur un problème et qu'on peut être solidaire aussi dans l'intelligence. C'est-à-dire qu'on est aussi fragile avec nos propres intelligences. Quand on est seul, qu'on essaie de réfléchir, on peut être un peu perdu, on peut être un peu dans un doute qui n'est pas forcément positif. On a besoin de l'autre. On dit souvent que penser c'est dialoguer avec soi-même, mais dialoguer avec l'autre. ça peut être un bienfait inestimable. Absolument. Donc, cette intelligence collective, en fait, elle est... Elle est beaucoup plus importante et beaucoup plus politique qu'on ne le pense. Et je pense que, à mon avis, socialement parlant, le fait de hiérarchiser les intelligences et dire il y a ceux qui pensent et ceux qui ne pensent pas, comme le dit bien mieux que moi Rancière, et puis il y a aussi l'idée d'abolir au fond l'exercice ou l'usage d'une intelligence partagée. Qu'est-ce qu'on peut penser ensemble ? Comment penser ensemble ? Ça c'est, je trouve, un objectif aujourd'hui capital. et qu'il faut absolument développer. La fragmentation de notre société, c'est aussi empêcher à cette intelligence collective d'exister. Et alors, comme lorsque par bonheur, en quelque sorte, on lui fait droit à cette intelligence collective, on voit qu'elle est tout de suite censurée à post-priorité.
- Speaker #1
Typiquement, les conventions citoyennes, on n'écoute pas les conclusions.
- Speaker #0
Typiquement.
- Speaker #1
Et tu vois, sur l'intelligence collective, j'ai fait un peu de recherche pour préparer l'interview et je me suis servi de Wikipédia, qui est un très bel outil d'intelligence collective et collaborative. Ce que j'ai découvert, c'est que les dernières recherches en neurosciences confirment qu'il y a une intelligence des foules. On a cette idée que les foules sont idiotes. On a vraiment des images, les hordes de troupeaux. C'est des choses qui datent du XXe siècle. On nous disait, par exemple, un des théorèmes, un théorème un peu pour rire, mais qui était de dire que l'intelligence d'une foule est égale... à l'intelligence au QI le plus élevé, de l'individu le plus élevé, divisé par le nombre de gens. Ah oui. Ouais. Bon, en gros dire, les foules sont idiotes, quoi. Eh bien, en fait, les neurosciences montrent que c'est totalement faux, que c'est l'inverse, qu'au contraire, y compris pour des problèmes logiques, il y a eu beaucoup d'expériences qui ont été faites et les expériences montrent que la foule, en fait, les gens en tant que collectifs, vont surpasser les individus pour résoudre des problèmes logiques. C'est incroyable, hein ? Incroyable. Complètement contre-intuitif, en tout cas. ça va à l'encontre de ce qu'on nous a appris et donc il y a des modèles maintenant d'intelligence qui sont des modèles qu'on appelle interactionnistes et non plus intellectualistes qui essaient de comprendre la raison comme étant quelque chose fait pour interagir et c'est comme ça que l'intelligence va progresser, l'intelligence collective et non pas quelque chose d'intellectualiste le penseur de Rodin ou Descartes tout seul à sa table qui pense dans sa solitude et je trouve ça extrêmement intéressant politiquement aussi ça nous fait rompre aussi avec l'image Merci. du personnage providentiel politique. L'idée est de dire, ok, délibérons, construisons ensemble une intelligence et une intelligence des problèmes, plutôt que de s'en remettre à un roi-thelais individuel. Donc, c'est incroyable de voir les répercussions politiques de cette question de l'intelligence, je trouve.
- Speaker #0
Complètement. Ce que tu dis est fou, parce que, on pourrait se dire, au fond, l'état de notre démocratie est lié à la présence ou non de notre intelligence collective. C'est-à-dire, qu'est-ce qu'une démocratie sans intelligence collective ? À part le fait d'aller voter tous les cinq ans ceux et celles qui vont penser à notre place. Mais mettre en place des espaces où l'intelligence collective existe, c'est faire vivre la démocratie telle qu'elle doit être. Donc tout ce qui est un empêchement à cette intelligence collective, on pourrait dire que c'est un frein pour moi à la démocratie. Oui,
- Speaker #1
et en plus ça se retourne contre nous puisque typiquement, je suis tombée sur quelque chose l'autre jour, il y a des tests de QI qui sont faits en fonction des sensibilités politiques. pour essayer de comprendre, de cartographier l'intelligence des différentes mouvances. Alors avec tous les problèmes évidemment du QI dont on a parlé tout à l'heure. Et il se trouve en plus que les QI sont plus bas à l'extrême droite et plus élevés à l'extrême gauche. Bon, alors évidemment on a envie de s'enorgueillir direct quand on est de gauche, en disant « regardez, on est plus intelligents que vous » . Mais c'est aussi un symptôme du problème en fait. De traiter les gens comme des idiots, c'est pas ça qui va permettre une sortie politique derrière en fait. Je pense que ce n'est pas une bonne approche, en fait, de traiter les gens d'imbéciles, parce que c'est précisément ça qui contribue à faire un vote aussi d'extrême droite. C'est ça qui contribue au racisme, parce qu'on sait bien que le vote d'extrême droite est motivé par du racisme. Je pense que tout est lié aussi à cette question de l'intelligence. Donc, ce n'est certainement pas... une bonne manière de s'en approcher. En fait, on reproduit une certaine domination et une hiérarchie. Je ne sais pas si tu es d'accord avec ça.
- Speaker #0
Je suis entièrement d'accord. Je repense à un concept un peu paradoxal de Pierre Bourdieu qui écrit un petit texte dans les années 80 qui s'appelle « Le racisme de l'intelligence » . Ah ! Et qui dit justement qu'il y a un racisme un peu invisible qui est le racisme de l'intelligence. Ce racisme dont je parlais tout à l'heure, qui est l'exclusion au fond des dominés de la réussite scolaire pour légitimer au fond les dominants ? par les titres scolaires qu'ils obtiennent. Je pense que l'une des racines du racisme, c'est le racisme de l'intelligence. C'est-à-dire qu'à partir du moment où on dit à des classes, à des membres de classes défavorisés qui sont bêtes, ils vont être enclins évidemment à trouver ailleurs plus bêtes qu'eux, plus dominés qu'eux. Ça crée, il me semble, une réaction qui peut être perverse.
- Speaker #1
Bien sûr. Et comme le racisme et le sexisme, ont tenté de s'auto-légitimer par cette question de l'intelligence. Tu parlais tout à l'heure des thèses de QI, on pourrait parler de la mesure des crânes. Voilà,
- Speaker #0
exactement. Et on pourrait parler aussi d'autres choses. Moi, tu parlais de sexisme ou de misogynie. Une chose qui est quand même, je trouve, incroyable, c'est la misogynie des grands penseurs.
- Speaker #1
Ah, ça oui !
- Speaker #0
Non, mais c'est très intéressant, parce que la manière dont les femmes ont été représentées par, soi-disant, les génies philosophiques de notre histoire occidentale, ça montre à quel point il ne suffit pas d'être un grand penseur pour ne plus être bête. C'est sûr. Tu vois ? C'est sûr. C'est-à-dire, quand je disais l'intelligence, en fait, elle est situationnelle, elle est remise en jeu dans chaque acte de notre existence, je dirais dans chaque texte aussi qu'on écrit. Puisque à côté des aphorismes magnifiques de Nietzsche, tu vas avoir tout un chapitre.
- Speaker #1
Me lance patiente. Voilà.
- Speaker #0
Je déplace Nietzsche. Ah oui, d'accord. Mais tu peux avoir effectivement le pire comme le meilleur et tu vois vraiment le plus intelligent comme le plus bête. C'est intéressant de voir que ceux et celles qu'on appelle les intelligents, en fait, ont des zones de bêtises crasses. Comme tout être humain. Bien sûr. Comme tout être humain. Tout est la complication. Mais là où peut-être je voudrais rebondir, c'est sur la question du corps. C'est-à-dire que, et pareil, j'ai une analyse un peu bourdieusienne. Qu'est-ce qui bloque l'intelligence des individus ? C'est l'impensé du corps dans notre société. C'est-à-dire que moi, ce que je rencontre dans les ateliers que j'ai donnés, dans les interviews que j'ai faites, c'est qu'au fond, les élèves qui échouent à l'école, souvent, sont des élèves qui ne supportent pas d'avoir un corps immobilisé pendant six heures. Ils sont assis sur une chaise pendant six heures, ils doivent écouter, répondre un peu aux questions des profs, mais le corps se rebelle. Et quand le corps se rebelle, la tête n'est plus disponible. C'est-à-dire que ça ne fonctionne plus. Ils n'ont plus l'attention, ils n'ont plus la capacité attentionnelle nécessaire, etc. Et donc, à l'école, il y a une difficulté, c'est qu'à un âge où, je dirais, le corps biologique, le corps organique est quand même extrêmement énergique, il y a une vitalité formidable, une vitalité physique formidable. Eh bien, les seules occasions pour ce corps de s'exprimer, ça va être le cours d'éducation physique et sportive.
- Speaker #1
Deux heures par semaine.
- Speaker #0
Deux heures par semaine. Et quand je demande aux gamins, vous préférez avoir 20 sur 20 en maths et 0 sur 20 en EPS ou l'inverse ? Évidemment, ils me répondent tous qu'ils préfèrent avoir 20 sur 20 en maths. Ce qui veut dire qu'au fond, la place du corps à l'école, elle est quand même extrêmement dévalorisée. Or, on ne peut pas dissocier le corps et la pensée, le corps et l'esprit. Et donc moi, un de mes chevaux de bataille... C'est d'essayer de réfléchir à comment, en fait, on pourrait enseigner aussi à partir du corps. Et je repense à cette pratique de la philosophie d'Aristote, de l'école d'Aristote, qui était la pratique péripathéticienne. Donner cours en marchant. Donc, il m'arrive, moi, par exemple, dans l'école de théâtre où je donne cours, quand je sens que les corps sont ensomméillés, quand je sens que les corps se rebellent par rapport à la tâche de la pensée, je leur dis, levons-nous et marchons et discutons. Et là, tous les rapports en fait... physique entre nous change puisque un corps qui marche ne regarde pas forcément la personne à qui elle parle et du coup il n'y a plus ce regard qui est un peu scruteur, un peu jugeur et je me rends compte que la parole se libère davantage. Donc cette question du corps, elle me semble importante par rapport à la question de l'intelligence. C'est-à-dire que pour effectivement permettre aux uns et aux autres de découvrir leur propre intelligence, peut-être en faut-il en passer par des expériences physiques, sensibles, émotionnelles. Et donc là, évidemment, la pratique artistique, pour moi, elle est essentielle. Elle est essentielle parce que, pour Dieu le dit dans un passage des Méditations pascaliennes, qui est, je crois, son dernier bouquin, l'un de ses grands derniers bouquins, il le dit dans une parenthèse, il dit, voilà, la notion d'habitus implique effectivement une incorporation, une incorporation de la vision du monde qu'on hérite de sa classe sociale. Et qui dit incorporation, dit corps. ce qui veut dire que le déterminisme passe par le corps. Et s'il est si difficile de se libérer de certains déterminismes, c'est parce qu'ils sont ancrés physiquement. Et donc Bourdieu, dans cette petite parenthèse absolument fondamentale, dit en fait, il faudrait nous les intellectuels, qui essayons de penser justement aux déterminismes sociaux, il faudrait aller voir les professeurs de théâtre, les professeurs d'art martiaux, les profs de danse, leur demander en fait comment ils arrivent à faire comprendre au corps certaines choses. Parce qu'au fond, le corps a compris des choses, a assimilé des choses. Mais comment lui faire comprendre autrement au corps ce qu'il a compris quand on a besoin de comprendre autrement un peu les choses ? C'est-à-dire que la compréhension qu'on a du monde, ou essayer de transformer la compréhension qu'on a du monde pour essayer de se libérer de certaines choses, ne peut se faire aussi que par une compréhension du corps. Mais comment faire comprendre au corps ? Comment on fait comprendre à un corps quelque chose ? Et là, dans la pratique artistique, on voit une sorte de rite ou d'étapes, d'une série d'étapes importantes. et c'est marrant parce qu'en relisant le livre Bergson, la matière et mémoire, il dit une chose qui m'a éclairé complètement, il dit en fait, pour apprendre par cœur, pour apprendre par corps, il faut décomposer dans un premier temps, décomposer, aller dans le détail, décomposer le mouvement et ensuite il faut synthétiser, recomposer tout ce mouvement-là. Et ça, ça prend du temps. Et en fait, au théâtre, on n'arrête pas de répéter parce qu'on décompose et ensuite... cette décomposition, en fait, on va ensuite faire l'objet d'une recomposition. Et c'est ça l'incorporation, en fait. Dans un premier temps, on décompose, et dans un deuxième temps, on assimile, en fait, un mouvement. Mais ça prend beaucoup de temps. Et je me rends compte, moi, en donnant des cours de théâtre, en donnant des ateliers de lecture à haute voix, que à chaque fois qu'on mobilise le corps des élèves, eh bien, une intelligence absolument imprévisible naît chez chacun et chacune d'entre elles, quoi. Je trouve que c'est important d'articuler la pensée et le corps. Alors, ce n'est pas facile parce que rien n'est structuré. Les espaces ne sont pas structurés.
- Speaker #1
On ne sait même pas comment faire, en fait.
- Speaker #0
On ne sait pas comment faire. On a même pas... On ne sait pas comment faire. Et je me rends compte aussi que les profs ne sont pas formés aussi pour travailler avec le corps. Bien sûr. Ça, c'est une chose...
- Speaker #1
Je pense que sachant en maternelle, pour avoir un fils qui est en maternelle, il y a des parcours de motricité, il y a de la danse. Il y a quand même tout un truc sur les compétences de motricité. Mais bon, j'ai l'impression que c'est qu'en maternelle et qu'après, je ne sais pas si au primaire, il y a ça même. Je pense qu'après, ça disparaît très vite. Ça disparaît très vite. Oui, c'est ça.
- Speaker #0
Oui, tu as dû vivre ça aussi avec ton enfant. C'est qu'au début, ils sont allongés, ils ne peuvent pas bouger. Ensuite, ils bougent et puis ensuite, on leur apprend à s'asseoir. Donc, petit à petit, en fait, on pourrait dire qu'évoluer dans son parcours scolaire, c'est aller vers de plus en plus d'immobilité. Il y a un peu de ça. Mais le corps n'a pas forcément envie de ça. donc
- Speaker #1
la question du mouvement et de la pensée il y a quelque chose à faire très intéressant je voulais qu'on aborde un autre thème que tu évoques dans ton spectacle qui est la question de l'intelligence artificielle tu commences par ça en fait c'est l'ouverture, alors effectivement c'est un thème extrêmement d'actualité la question de l'intelligence artificielle tu réponds pas forcément aux questions, en tout cas tu en poses je suis pas sûre qu'on puisse y répondre de toute manière puisqu'on appelle ça intelligence artificielle. Alors, qu'est-ce que ça veut dire ? Est-ce que c'est vraiment l'intelligence ? Si oui, comment ? Qu'est-ce qu'on en fait éthiquement pour la création ? Est-ce que ça nous permet de penser ? Est-ce que ça nous empêche ? Là, je lance énormément de questions en vrac. Comment toi, est-ce que tu abordes ce sujet ?
- Speaker #0
Alors, moi, je l'ai abordé à travers une question très concrète que j'ai posée aux profs et aux élèves. C'est, est-ce que vous faites usage de l'IA pour vos cours ou pour l'apprentissage ? Il y avait une certaine gêne des profs. parce que, notamment les générateurs de textes qui sont très utilisés par les élèves, ils ne comprennent pas grand-chose à l'IA pour l'instant. Les profs ? Les profs, c'est plutôt les élèves qui sont habitués, qui ont une sorte de facilité à utiliser les intelligences artificielles et pas eux. Et ensuite, ils ne savent pas vraiment comment parader, comment se défendre contre ces devoirs qui sont faits par ce secrétaire génial qu'est l'IA. Et les élèves, eux, n'admettent pas. pas de l'utiliser. C'est toujours le copain qui l'utilise. Donc, voilà, ils ne sont pas clairs avec ça. Et donc, moi, ce qui m'a intéressé avec l'intelligence artificielle, c'est finalement une question presque kantienne qui est quelles sont les limites, en fait ? Quelles sont les limites de cet outil, de cette intelligence artificielle qui porte effectivement le nom d'intelligence parce que c'est une machine qui est capable de se substituer à des tâches dites intellectuelles ? Et donc, elle est capable de faire à notre place des choses qui, auparavant, ne pouvaient être faites que par les humains. Et donc, la question, c'est jusqu'où va-t-elle aller, cette intelligence ? Est-ce qu'il y a une critique possible, à la manière de Kant, une critique de l'intelligence artificielle ? Est-ce qu'on peut délimiter de manière a priori les capacités de cette intelligence artificielle ? Qu'est-ce qu'elle ne pourra pas faire ? Qu'est-ce qu'elle ne pourra jamais faire ? Et là, pour l'instant, moi, à mon petit niveau, j'ai l'impression qu'on ne peut pas répondre à cette question. On ne peut pas répondre à cette question et c'est assez vertigineux. parce que du coup, plus elle avance, plus on se rend compte aussi qu'elle se substitue à certaines tâches et que ces tâches sont souvent des tâches dites professionnelles et que des métiers sont voués à disparaître à cause de cette intelligence artificielle.
- Speaker #1
Les traducteurs, traductrices, par exemple, c'est ça, qui disent à quel point ils voient déjà que leur métier est en train de disparaître en quelques années,
- Speaker #0
très rapidement. Les scénaristes,
- Speaker #1
les scénaristes,
- Speaker #0
les scénaristes, si tu veux, l'utilisent. Mais quand est-ce qu'une intelligence artificielle sera capable d'écrire un scénario en quelques minutes aussi bien qu'un scénariste professionnel ? Pareil pour les acteurs de doublage. On sait que dans très peu de temps, en fait, on pourrait le faire maintenant. On sait que dans très peu de temps, les générateurs de voix feront aussi bien que des comédiens. Quand je dis aussi bien, c'est-à-dire que c'est le test de Turing. Je te mettrais au défi de savoir si c'est un comédien ou une machine qui a doublé ce personnage dans telle ou telle série, par exemple. Je crois qu'on ne sera plus capable, je crois qu'on n'est même plus aujourd'hui capable de faire la différence entre une voie humaine et une voie générée par une IA. Donc, en fait, le test de Turing s'applique à beaucoup de champs et à partir du moment où on devient remplaçable, la logique économique et capitaliste fait qu'on va être remplacé. pour moi en tout cas je suis là dessus assez pessimiste, je vois pas au nom de quoi dans une logique de rentabilité maximum pourquoi on ne serait pas remplacé dans tel ou tel domaine si la machine peut exécuter cette tâche à notre place. Il y a cette dimension-là que je trouve... vraiment importante, enfin capitale même, et un peu vertigineuse. En même temps, on pourrait dire, on peut aussi utiliser cet outil de manière intelligente, on peut sans doute accroître, je ne sais pas moi, sa propre recherche grâce à l'IA, etc. Oui, mais en tout cas, il y a quand même toujours cet horizon de remplacement, de substitution, et du coup la question de qu'est-ce qu'on va devenir ? Qu'est-ce qui se passe si effectivement l'IA peut nous remplacer ? dans un certain nombre de domaines. Ce qui est intéressant, c'est qu'au début du XXe siècle, quand les machines sont arrivées, l'électricité est arrivée, ce sont les scientifiques et les intellectuels qui ont rassuré la population sur le délire qu'il pouvait y avoir à l'égard des effets un peu secondaires de l'électricité, etc. Et aujourd'hui, c'est quand même beaucoup les scientifiques, les intellectuels qui s'inquiètent en fait de l'intelligence artificielle. Parce que ce dont on se rend compte, c'est que autant les machines allaient remplacer... les ouvriers ou une grande partie de la population ouvrière. Autant aujourd'hui, ces machines dites intelligentes vont remplacer non pas le secteur secondaire, mais le secteur tertiaire. Des gens dits qualifiés qui ont fait de grandes études, etc. Et c'est une angoisse en fait des dominants.
- Speaker #1
Le problème pour moi, et pas que pour moi d'ailleurs, c'est que l'IA pour l'instant ne remplace pas en gros les cadres supérieurs qui vont faire des tableaux Excel, mais plutôt les artistes et les graphistes. Et les scénaristes et les acteurs et les actrices. et c'est là où il y a un... un questionnement à se poser. Qu'est-ce qu'on remplace ? Que la machine puisse remplacer des choses très bien. Typiquement, le lave-linge remplace une activité qui était très difficile, donc tant mieux. Si par contre, on remplace la création, les livres, etc., là, pour moi, ça devient un problème. Parce que c'est là où on va homogénéiser la création et on va détruire la création. Je ne sais pas si vous avez déjà vu des œuvres qui ont été produites par l'IA. À l'heure actuelle, je trouve qu'on le voit. C'est moche, non pas moche dans la réalisation, ... mais moche parce qu'on voit que c'est standardisé. Et tu dis quelque chose dans ton spectacle qui m'a beaucoup parlé, en fait. Tu dis que l'intelligence artificielle, c'est une lumière artificielle qui nous empêche de penser. Ça empêche les zones d'ombre, ça empêche les ambiguïtés. Or, pour toi, la création et l'intelligence se logent dans ce clair-obscur, en fait. Et c'est ça qui, pour moi, on fait la création, on fait l'intelligence, c'est aller se loger dans... La vulnérabilité, dans les aspérités, dans les contradictions, les ambiguïtés. Et ça, est-ce que l'intelligence artificielle, peut-être qu'elle pourrait l'imiter, mais est-ce qu'elle pourrait le faire aussi bien ? En tout cas, est-ce que ce n'est pas une destruction de la pensée et de la création ? Je ne sais pas, je ne sais pas ce que tu en penses.
- Speaker #0
Je suis d'accord avec toi et j'ai un fond en même temps assez pessimiste. C'est-à-dire, je trouve une question qui moi me trouble, c'est que souvent on entend, c'est très bien l'intelligence artificielle, finalement, elle va nous pousser dans nos retranchements. elle va nous pousser à être encore plus créatifs, encore plus singuliers, etc. Ce que je comprends de l'intelligence artificielle, c'est que c'est une sorte d'intelligence basée sur une mémoire, sinon infinie en tout cas, très très grande. C'est l'assimilation de toutes les données qu'il y a sur Internet qui va permettre, via certains algorithmes, de produire des énoncés qui sont stupéfiants de ressemblance avec des énoncés humains. Que ce soit des énoncés philosophiques, scientifiques, artistiques, etc. Donc, l'intelligence de l'intelligence artificielle, c'est une intelligence qui ne pourra jamais, a priori, il y a bien un a priori, jamais être géniale au sens où l'œuvre géniale serait l'œuvre qui transgresserait, renverserait au fond toutes les normes, tout ce qui a été déjà fait. Ce génie humain qui consiste à inventer quelque chose de totalement nouveau, bien que ancré dans une histoire et un passé, Oui. Mais cette étape supérieure de l'œuvre qui rompt avec une tradition et qui s'affranchit d'une tradition, la question de Deleuze, c'était à quelles conditions quelque chose de nouveau apparaît. Évidemment, avec l'intelligence artificielle, on a l'impression que comme elle est cette intelligence fondée uniquement sur la mémoire, elle ne pourra jamais produire quelque chose d'absolument nouveau.
- Speaker #1
Oui, ça peut résumer, mais pas vraiment créer.
- Speaker #0
Ça peut synthétiser, ça peut agencer, ça peut monter à partir du donné. Mais est-ce que ça va vraiment pouvoir créer quelque chose de nouveau ? Est-ce qu'en gros, pour poser la question à un brut, est-ce qu'on pourrait avoir, je ne sais pas, le lys dans la vallée produit par une intelligence artificielle ? Est-ce qu'on peut avoir, je ne sais pas, l'équivalent du CID, l'équivalent d'Hamlet, un jour, produit par une intelligence artificielle ? A priori, la réponse est non. Mais la question, pour moi en tout cas, c'est moi, par exemple, je sais que je n'arriverai jamais à écrire Hamlet. Oui. C'est-à-dire que la plupart d'entre nous, on fonctionne à partir d'une bonne synthèse de ce qui est déjà. Donc si l'intelligence artificielle, elle mémorise beaucoup plus que nous, C'est-à-dire qu'elle a une mémoire X fois supérieure à la nôtre, qu'elle a en plus une capacité de synthèse qui est formidable, j'ai envie de dire, elle est au-dessus de la plupart d'entre nous. Je veux dire, dans la production de sa propre intelligence.
- Speaker #1
C'est une hiérarchie des intelligences.
- Speaker #0
Ah ben là, disons que...
- Speaker #1
L'IA ne fait pas des Legos, jusqu'à présent.
- Speaker #0
L'IA ne fait pas des Legos, mais moi, je me pose cette question. C'est-à-dire que, finalement, il y a souvent, dans la mythologie des machines et des robots, l'idée d'une humiliation de la machine par rapport à l'homme. Est-ce qu'on peut avoir honte en tant qu'être humain par rapport à ce que la machine produit, par rapport à ce que l'intelligence artificielle produit ? Moi, je commence un peu à éprouver ça. Par exemple, en utilisant un peu ChatGPT, je me rends compte que, quelquefois, oui, cette machine écrit mieux que moi. Et pour moi, je me dis, ben merde.
- Speaker #1
Oui, mais alors, dans ces cas-là, là, tu as écrit quelque chose et tu considères que ChatGPT a écrit une partie mieux que toi. Est-ce que la question de l'écriture, c'est simplement le résultat est-ce qu'on se réinscrit pas dans une logique totalement néolibérale et capitaliste en n'ayant qu'une évaluation tu vois très de la performance et du résultat est-ce que finalement dans l'écriture c'est pas aussi toi qui vas te confronter à une difficulté, moi c'est ça que j'aime dans l'écriture c'est me confronter à un problème difficile peut-être que si j'avais posé la question à ChatGPT moi quand je fais mes podcasts, analyse tel événement avec un philosophe ou une philosophesse moi ce qui m'intéresse c'est de me confronter à cette difficulté c'est ça ce que j'aime, on en revient à la joie de la pensée et peut-être que GHGPT l'aurait fait mieux que moi mais en fait quelque part peu importe ce qui m'intéresse c'est que moi ça m'a apporté un truc incroyable j'essaye de transmettre quelque chose donc j'ai l'impression de faire oeuvre en ce sens peut-être que le résultat serait un peu moins bien ou beaucoup moins bien que ce qu'aurait fait GHGPT mais est-ce qu'il faut en permanence être dans l'évaluation tu vois purement de la performance peut-être qu'il faut changer un peu de prisme et de paradigme et de sortir de la logique l'utilitarisme mais le profit en fait, parce que c'est ça, on en revient toujours là.
- Speaker #0
je ne sais pas ce que tu en penses oui oui je suis d'accord avec toi mais ensuite dans ce système là ça va être difficile d'exister de toute façon il faut abolir le capitalisme on est d'accord il faut dégommer tout ça ça c'est sûr mais effectivement ce qui est confondant c'est ça c'est que moi je sais que par exemple je l'utilise de temps en temps pour par exemple je détesterais je ne peux pas demander à un chef d'EPT d'écrire à ma place en revanche ce que je vais faire c'est qu'à la fin d'un texte je vais voir ce que la machine va proposer en termes de réécriture. D'accord. Voilà. donc ça ça m'arrive de le faire et je me rends compte que c'est assez efficient et c'est assez flippant
- Speaker #1
Oui mais est-ce que t'as pas l'impression que ça va homogénéiser ton style quelque part ?
- Speaker #0
Un petit peu, faut faire gaffe et j'ai entendu dire qu'il y a un peu de référencement donc en fait à la fin on arrive à une homogénéisation à une homogénéisation et une absence totale de pensée derrière de pensée, de subjectivité et ça ça fait vraiment peur en effet Et tu vois,
- Speaker #1
je voulais ajouter un truc que j'ai découvert il n'y a pas longtemps et que je ne connaissais pas et qui me paraît
- Speaker #0
extrêmement important pour la question de l'IA. On parle beaucoup des enjeux écologiques. Ça, on en parle et je pense que c'est très important parce que c'est assez dramatique quand même pour l'environnement parce que ça utilise beaucoup de ressources. Donc, il y a quand même un paradoxe évident ici de se dire qu'on utilise quelque chose qui nous détruit quand même. C'est un peu idiot. Du coup, pour revenir à la question de bêtise, il y a un deuxième truc que j'ai découvert qui me semble extrêmement intéressant. C'est que pour que les contenus de l'IA ne soient pas ultra racistes, sexistes, etc., en gros complètement hitlérien, parce que c'est ce que ça peut produire quand on laisse une IA. Il y a eu des études qui avaient été faites il y a quelques années, que si on laisse une IA sans la checker, sans l'éduquer, au bout d'un moment, assez rapidement, elle parle comme Hitler. Et bien en fait, aujourd'hui, il y a un certain nombre de modérateurs dans les pays défavorisés, qui sont payés rien du tout. Alors je ne me souviens plus du pays, je ne voudrais pas dire une bêtise, mais c'est dans des pays d'Afrique de l'Ouest, il me semble. Et il y a des modérateurs qui sont payés, même par un dollar, enfin que dalle, quoi, pour modérer Un peu comme on en a déjà entendu parler des modérateurs sur les réseaux sociaux, sur Facebook, etc. Donc, c'est des gens qui sont obligés de voir des trucs abominables. Ils vont voir des vidéos pédocriminels, racistes, de la violence, des trucs atroces. Et ils sont là pour modérer. Ils filtrent. Ils filtrent. C'est encore le cas sur l'IA. Donc, ça, c'est intéressant aussi, parce qu'on a tendance à peut-être trop opposer l'IA et humain, sans se rendre compte que l'IA aujourd'hui... si on peut s'en servir comme ça, c'est parce que des humains sont encore là à faire les garde-fous. Donc ça, je trouve que ça met un petit peu d'ambiguïté aussi dans l'intelligence artificielle. Et c'est une information, alors je n'ai pas encore élaboré une réflexion là-dessus, mais je trouve que ça quelque part, ça montre des coulisses. L'IA est bien plus humaine que ce que on croit. N'idéalisons pas une intelligence qui a besoin de notre contrôle éthique, en fait. Voilà. C'est intéressant.
- Speaker #1
Oui, bien sûr. C'est-à-dire qu'il y a beaucoup d'humains qui travaillent derrière l'IA. Et il faut. Voilà, c'est ça. Et il faut, sinon elle est infréquentable. Sinon, elle ne marche pas. Elle ne marche pas socialement, elle ne marche pas moralement. Mais l'une des grandes interrogations que se posent les ingénieurs, enfin les penseurs un peu de l'IA, c'est de savoir si l'IA va pouvoir un jour s'autonomiser totalement par rapport aux normes humaines. Est-ce qu'il y a un moment, c'est le mythe un peu de Frankenstein, mais est-ce qu'à un moment, il ne va pas y avoir une autonomisation de ces machines ? qui vont pouvoir évoluer seules, totalement seules. Et à ce moment-là, si cette intelligence nous dépasse, si j'ose dire, alors à ce moment-là, elle peut prendre le contrôle sur une partie de notre société. Ça, c'est un peu la vision.
- Speaker #0
C'est la version de science-fiction.
- Speaker #1
C'est un peu la version de science-fiction, mais on s'en approche un tout petit peu.
- Speaker #0
De toute façon, ce qui est clair, c'est qu'aujourd'hui, les IA sont détenus par des entreprises privées capitalistes et ça, c'est de toute façon... pas possible. Ça, c'est un problème évident. Bon, si c'était les États, ce ne serait pas forcément beaucoup mieux non plus.
- Speaker #1
Ça dépend des États, oui.
- Speaker #0
Mais c'est un peu le problème. Si ça dépend des États, c'est le problème.
- Speaker #1
Bien sûr.
- Speaker #0
Donc, il faudrait trouver une modalité. On en revient à l'open source collaboratif type Wikipédia. Oui, oui. J'ai lu une comparaison que j'ai trouvée intéressante sur l'IA, disant que l'IA, c'est un peu comme les pesticides. C'est très efficace, mais attention. ouais ouais c'est efficace mais derrière vous ratisboisez le vivant c'est ça on ratisboise le vivant et on tue le champ exactement moi j'essaye de pas l'utiliser quand je dis ça on va me dire oui mais toi t'as une résistance à la technologie et en gros tu restes figé dans le passé et t'as 150 000 ans c'est
- Speaker #1
compliqué mais c'est vrai que je vois plus les dangers pour l'instant non mais je comprends je comprends et moi je l'utilise de manière parcimonieuse j'essaie de l'utiliser de manière un peu méthodique mais le grand remplacement il est vraiment là il est là le grand remplacement il n'est pas ailleurs, il est là et c'est vrai que l'interrogation des profs c'est une interrogation existentielle qui est profonde j'ai jamais compris pourquoi la chrétienté avait dit que la paresse était un péché capital, je dirais dans notre ère capitaliste je pense que la paresse peut être un péché capital en ce sens c'est à dire que la paresse si c'est ne pas faire l'effort de faire quelque chose d'inessentiel Pourquoi pas ? Évidemment, ça peut être même une forme de bonheur et de joie de vivre absolument incroyable. Mais le problème, c'est lorsque certaines tâches, certaines activités sont formatrices de notre propre intelligence, de notre propre pensée et que ces activités, ces tâches peuvent être mises en œuvre par des machines et que ces machines peuvent les faire à notre place. Et c'est ce qui arrive en fait là aujourd'hui, effectivement, aux élèves. ou aux étudiants ou aux étudiants j'ai entendu dire par exemple qu'une prof voilà dernièrement une prof de Sciences Po recevait des copies d'étudiants faits par une IA et donc elle ne sait plus comment faire elle ne sait plus comment faire peut-être qu'il y a quelque chose à réinventer en
- Speaker #0
fait on est face à une révolution voilà qui nous dit qu'effectivement, demander à des étudiants ou des élèves de faire des desserts à la maison, ça n'a aucun sens. Peut-être qu'il faut réinterroger. Peut-être que l'apprentissage, ce n'est pas que la mémoire. Donc, faire des tests en classe, ce n'est pas non plus intéressant. Il y a plein de pistes qui existent sur la réinvention de l'éducation. On a déjà parlé de John Dewey plusieurs fois dans le podcast. On en a parlé avec Edwige Chiroutère encore la semaine dernière. Il y a des choses à réinventer. Ce n'est pas avec les robots type Elisabeth Borne qui nous dirigent actuellement qu'on va y arriver. Voilà, mais il y a quelque chose à réinventer. Pour moi, il est là le vrai conservatisme. Il n'est pas dans le fait de refuser une technologie, il est dans le fait de se dire, OK, on va prétendre continuer comme avant face à quelque chose qui est aussi différent. C'est peut-être là où il faut réinventer absolument.
- Speaker #1
Oui, il faut réinventer. Mais la question centrale, pour moi, j'ai l'impression, c'est comment réinventer dans un espace-temps qui est toujours le même. Le problème, c'est le rapport, par exemple, au temps, le rapport à l'accélération. c'est à dire que Moi, je sais que si la philosophie m'a apporté quelque chose, c'est que je me suis retrouvé seul en face d'une page blanche et qu'il a fallu pendant des heures et des heures chez moi essayer de trouver la problématique, le plan, les phrases qui allaient exposer un peu ma réflexion. Et que ce temps si laborieux, désespérant parfois, magnifique enthousiasmant, ce temps-là, c'est un nombre d'heures incalculable. C'est un nombre d'heures qui ne peut pas être prévisible. Donc, même si on arrive à réinventer l'éducation, est-ce qu'on va avoir les moyens d'offrir cette scolée ? Ce loisir, ce temps libre qui permet à la pensée ou au corps ou à l'imagination de cheminer. Et c'est ce cheminement-là qui forme ce que l'on est. Donc, qu'est-ce qu'on va devenir si on n'a plus le temps, si on n'a plus le temps au sens où on ne veut plus prendre le temps ? Parce que c'est tellement facile, si tu veux, d'appuyer sur un bouton pour faire le travail à notre place. C'est quelque chose, c'est une tentation, je dirais, qui est formidable. Je veux dire, moi, je ne peux pas culpabiliser les uns et les autres de le faire. Je comprends.
- Speaker #0
Tant qu'on met l'accent sur les résultats et qu'on met des notes, en fait, qu'on note une copie et qu'on note pas justement... Un processus. Mais oui, en fait, c'est ça. Il faut mettre l'accent sur le cheminement, les résultats d'un chemin et non plus l'ensemble de résultats qu'on pourrait tester. bien sûr on va devoir s'arrêter malheureusement parce que l'heure tourne c'est absolument passionnant je voulais donner quand même la définition que tu donnes de la bêtise dans ton spectacle que je trouve super chouette tu dis que et si la bêtise c'était sous-estimer l'intelligence des autres j'aime bien j'aime beaucoup moi j'avais coutume de dire que je vois plutôt la bêtise comme étant l'obstination le fait de ne pas justement vouloir apprendre cheminer se remettre en question ce qui permet de dire à des gens qui se croient très intelligents qui sont bêtes et ça c'est quand même un petit plaisir de retournement mais j'aime beaucoup la tienne d'estimer l'intelligence des autres.
- Speaker #1
Oui, moi j'ai l'impression que comme le dit l'idiote Dostoevsky, j'ai mon intelligence et les gens ne s'en doutent pas. Je crois qu'il y a beaucoup d'intelligence en fait en chacun et en chacune et beaucoup de ces intelligences, à cause d'un mépris social qui est un peu envahissant, surplombant, ces intelligences-là sont silencieuses, sont invisibles, sont muettes et qu'il faut offrir des espaces en fait pour que deviennent visibles et audibles, en fait, toutes ces intelligences-là. Et ça, c'est extrêmement important, et de découvrir combien les autres sont beaucoup plus intelligents qu'ils ne paraissent, et se dire aussi que, je ne sais pas moi, un habit, un accent, etc., ne dit rien de l'intelligence d'une personne, ça paraît bête, mais on le voit, on a aussi incorporé une vision sociale très forte, et même quand on croit être affranchi des préjugés sociaux. on les a ces préjugés, c'est pas grave mais effectivement d'avoir conscience qu'ils habitent en fait notre perception des autres et essayer de les combattre au quotidien pour laisser cet espace d'écoute et de dialogue avec celles et ceux qui paraissent ne pas être entre guillemets intelligents, je trouve que c'est une éthique quotidienne assez salutaire et qui permet aussi de s'ouvrir un peu socialement parce que évidemment cette question de l'intelligence c'est un classement social quoi donc comment nous-mêmes qui sommes appartenant à une certaine classe sociale pouvons nous ouvrir, et Dieu sait si c'est difficile, aux autres classes sociales, par cette espèce d'assaise qui consiste à ne plus avoir ou à avoir le moins possible de préjugés intellectuels sur les autres. Ce n'est pas évident,
- Speaker #0
mais c'est un beau cheminement qu'il propose. Merci pour toutes tes réflexions.
- Speaker #1
Merci à toi, merci à ton émission et qu'elle continue de cette manière. C'est vraiment une grande bouffée d'oxygène. d'écouter tes invités.
- Speaker #0
Ça me touche beaucoup. Merci pour cette saison incroyable et puis je vous souhaite un très bon été et on se retrouve au mois de septembre pour d'autres pistes de réflexion. Merci beaucoup. À bientôt,
- Speaker #1
Guillaume.
- Speaker #0
Vous venez d'écouter un entretien du fil d'actu. J'espère que l'épisode vous a plu et avant de se quitter, je voulais vous dire un petit mot important. Ce podcast est totalement gratuit, indépendant et sans publicité. Et il ne survit que grâce à vos dons. Alors, si vous voulez soutenir mon travail, vous pouvez faire un don ponctuel ou récurrent en cliquant sur la page indiquée en description. Merci d'avance pour votre soutien et on se retrouve mercredi pour un nouvel épisode du fil d'actu. En attendant... N'hésitez pas à me suivre sur Instagram sur mon compte Alice de Recherchoir. A bientôt !