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Le Phil d'Actu - Philosophie et Actualité

Parti Socialiste et non-censure : une philosophie de la trahison

Parti Socialiste et non-censure : une philosophie de la trahison

14min |17/10/2025
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14min |17/10/2025
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Description

Hier matin, le Parti Socialiste n’a pas voté la censure du gouvernement Lecornu. Le PS avait négocié pour obtenir la suspension de la réforme des retraites, ce que le PM Sébastien Lecornu leur a accordé. C’est donc le PS qui permet au gouvernement macroniste de se maintenir. Alors, s’agit-il d’une trahison du PS, ou au contraire d’une fidélité à sa ligne politique ? On en parle avec le philosophe Nicolas Machiavel.

Un épisode bonus avant des vacances bien méritées. (On en peut plus de cette séquence politique, non ?)


Et pour l'article de Contre-Attaque "Le Parti Socialiste n’a pas trahi, il est juste fidèle à son histoire", c'est par ici !


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C'est grâce à vous que le podcast existe 💜


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Hier matin, le Parti Socialiste n'a pas voté la censure du gouvernement Lecornu. Le PS avait négocié pour obtenir la suspension de la réforme des retraites, ce que le Premier ministre Sébastien Lecornu leur a accordé. C'est donc le PS qui permet au gouvernement macroniste de se maintenir. Alors, s'agit-il d'une trahison du PS, ou au contraire d'une fidélité à sa ligne politique pragmatiste ? On en parle avec le philosophe Nicolas Machiavel. Je suis Alice de Rochechouart et vous écoutez Le Fil d'Actu, le podcast engagé qui met la philosophie au cœur de l'actualité. Ce podcast est totalement indépendant et il ne survit que grâce à vos dons. Alors si vous voulez soutenir mon travail, vous pouvez faire un don en cliquant sur la page indiquée en description. Et bien sûr, vous pouvez aussi acheter mon livre privilège aux éditions J.C. Lattès. Merci pour votre soutien. Bon ! Je devais partir en vacances, mais je n'ai pas résisté à l'envie de vous faire un épisode bonus sur le concept de trahison. Vous avez sans doute suivi ce qu'il s'est passé hier. Au terme d'un vote extrêmement serré, il a manqué 18 voix seulement pour faire tomber le gouvernement, le PS a permis à Sébastien Lecornu de se maintenir en poste. Les réactions ne se sont pas fait attendre, LFI accuse le PS de trahir les idéaux de la gauche, et le PS met en avant sa posture responsable et pragmatique. Et il se félicite d'avoir fait suspendre la réforme des retraites. Alors, l'EPS a-t-il trahi ? La trahison implique de briser volontairement une relation de confiance pour son propre avantage. En l'occurrence, cela reviendrait à dire que l'EPS a trahi ses électeurs électrices, ses militants militantes et ses alliés politiques. C'est-à-dire le Nouveau Front Populaire ou plus récemment le NFP sans LFI. Et ce, pour se maintenir au pouvoir. En effet, une censure aurait sans doute conduit à une nouvelle dissolution, ce qui aurait mis en danger les postes des députés PS en place. Mais peut-être pouvons-nous avoir une autre vision qui serait plus optimiste. Le PS croirait sincèrement que sa stratégie est la meilleure pour obtenir des victoires politiques concrètes. Ce qui est intéressant, c'est que le PS a été qualifié de traître de manière répétée dans son histoire. Le journal Contre-Attaque a même publié un article très caustique intitulé Le Parti Socialiste n'a pas trahi, il est juste fidèle à son histoire. Un article affirmant que le PS a toujours été un ennemi des avancées sociales et proposant une rétrospective de toutes ces trahisons au XXe siècle. Je vous mets le lien en description. Qu'en est-il aujourd'hui ? Le PS apparaît comme un parti très divisé. En juin dernier, lors de son congrès, c'est Olivier Faure qui a été réélu premier secrétaire, mais avec seulement à peine plus de la moitié des voix des militants. Représentant le courant d'union de la gauche et favorable à un programme de rupture, il était opposé à un courant plus centriste, souhaitant la rupture avec Eléphie et ce courant a récolté l'autre moitié des votes. Et malgré la victoire sur le fil du courant de gauche, c'est bien le courant de droite qui semble aujourd'hui prendre les décisions. C'est le retour du hollandisme de François Hollande qu'on pourrait définir comme un pragmatisme flou, pour ne pas dire un opportunisme arriviste. Autrement dit, aujourd'hui, le PS ne semble pas vraiment avoir de ligne politique, ce qui paradoxalement empêche toute trahison, puisqu'il n'y a rien à trahir. Mais que dit la philosophie au sujet de la trahison ? Allons voir chez un de ses défenseurs les plus connus, Machiavel. La trahison a longtemps été considérée comme un déshonneur grave, un reniement. odieux. Le crime de lèse-majesté, puis de haute trahison, était par exemple sévèrement puni, bien qu'aujourd'hui ce terme n'existe plus dans le code pénal. La trahison était alors envisagée d'un point de vue moral. Il était moralement inacceptable de faire preuve de déloyauté envers son souverain ou son pays. La politique était affaire de vertu et la trahison n'y avait pas sa place. Tout change avec Machiavel. Machiavel est un philosophe politique italien de la Renaissance. Au début du XVIe siècle, il commence par être diplomate pour la République de Florence, puis il tente de devenir conseiller de Laurent de Médicis quand celui-ci prend le pouvoir. Machiavel est donc une éminence grise, un personnage de l'ombre, qui veut aussi bien servir la République que la prestigieuse famille des Médicis. La famille des Médicis, c'est un peu la famille des Lannister dans Game of Thrones. Ambitieux, riche et peu scrupuleux. Si vous n'avez pas vu Game of Thrones, vous pouvez penser au Balkany. Cette dynastie, à l'origine des marchands de draps, puis financiers et enfin anoblis, ça nous rappelle déjà quelqu'un, règne sur Florence pendant deux siècles. Parmi les Médicis célèbres, on trouve tout de même trois papes et deux reines de France, dont la femme d'Henri IV, ce qui fait que depuis le XVIIe siècle, la famille royale française descend des Médicis. Revenons à Machiavel. Après être tombé en disgrâce à Florence, il est emprisonné. et écrit un ouvrage, Le Prince, qu'il adresse à Laurent de Médicis. Il espère ainsi devenir son conseiller. Ce livre n'est donc pas, au départ, censé être publié. C'est une sorte de lettre de motivation, une démonstration de ses capacités d'éminence grise. Le livre ne sera publié qu'en 1532, après la mort de Machiavel. Machiavel y expose sa vision de la politique, une vision radicalement nouvelle. Alors que, jusqu'à présent, Les philosophes cherchaient le meilleur régime politique pour perfectionner les hommes. Machiavel chasse la morale de la politique. La question qu'il pose est celle-ci. Comment obtenir le pouvoir et le conserver ? Le prince ne doit pas chercher le bien, mais l'augmentation et la conservation de sa puissance et son pouvoir. On dit de Machiavel qu'il est le fondateur du réalisme en politique. Il ne s'intéresse pas à ce que les hommes devraient être, c'est-à-dire vertueux, Mais à ce qu'ils sont, et comment sont-ils, Machiavel est implacable. Des hommes, en effet, on peut dire généralement ceci, qu'ils sont ingrats, changeants, simulateurs et dissimulateurs, ennemis des dangers, avides de gains. Et on ne pourra pas les changer. La fonction du politique, c'est alors de maintenir l'ordre, de maîtriser les aléas de l'histoire et le hasard de l'existence face à l'inconstance et à la vilainie des hommes. Dans ce cadre, un bon prince est un prince efficace, qui sait s'adapter aux circonstances et sentir l'humeur des foules. La vertu du prince, c'est son habileté, sa capacité à se maintenir au pouvoir et à conserver son autorité. Et pour cela, tous les moyens sont bons. La fin justifie les moyens, comme le dit la formule célèbre, qui n'a pas été écrite par Machiavel, contrairement à ce qu'on croit. Le prince, pour être efficace, a le droit de mal agir, de trahir ses promesses, d'user de tous les stratagèmes. On n'exige pas de lui qu'il soit moral, mais qu'il soit habile et même opportuniste. Autrement dit, avec Machiavel, la trahison quitte le registre moral pour aller vers le registre pragmatique. Le philosophe précise qu'il ne faut pas trahir sans cesse. Non pas parce que ce serait mal, mais parce que ce serait inefficace, contre-productif. Si on trahit tout le temps ses alliés, on n'aura plus d'alliés. Cependant, la trahison est parfois nécessaire et cela ne pose aucun problème moral. L'important, c'est bien que le prince conserve son pouvoir par tous les moyens possibles, pourvu qu'il soit efficace. Selon Machiavel, le prince doit même user de violence pour inspirer la crainte. Car pour se faire obéir, la crainte est plus efficace que l'amour. Le prince doit faire des démonstrations de sa cruauté, des actions violentes pour faire peur. Il doit savoir utiliser la force et la loi. Il doit être lion et renard, c'est-à-dire fort et rusé. Cette pensée politique choque déjà les contemporains de Machiavel, à une époque qui s'intéresse énormément à la vertu. L'ouvrage est rapidement censuré, car jugé immoral par l'Église. L'adjectif machiavélique, qui signifie perfide et calculateur, apparaît peu après la publication du Prince. Ce terme caricature la pensée de Machiavel, qui est moins diabolique qu'on ne le dit. D'ailleurs, pour désigner des concepts véritablement conformes à la philosophie de Machiavel, on utilise plutôt le terme de machiavélien. Quoi qu'il en soit, cette pensée philosophique, le machiavélisme, a une portée considérable. Et Machiavel a influencé la majeure partie de la philosophie politique, depuis Spinoza jusqu'à Arendt, en passant par Rousseau, Il ne laisse personne indifférent. Ce qui est intéressant quand on écoute les justifications du PS, c'est qu'on se situe exactement dans cette rhétorique machiavélienne. Olivier Faure se félicite de cette stratégie qui lui a pragmatiquement permis d'obtenir la suspension de la réforme des retraites. Il se réjouit donc de son choix au nom de la fidélité envers qui ils sont. Un parti capable de faire des compromis stratégiques et pragmatiques au nom de la stabilité et de la responsabilité. En l'occurrence, le PS revendique d'avoir pu éviter une nouvelle dissolution, qui aurait sans doute été annoncée en cas de censure. Une dissolution faisant courir le risque de mettre le RN au pouvoir. Effort à une dernière justification, particulièrement intéressante. Sébastien Lecornu a promis qu'il n'utiliserait pas l'article 49.3 pour faire passer ses mesures en force. Dès lors... chaque texte devra faire l'objet d'un véritable débat parlementaire. Selon Olivier Faure, cela va donc permettre que les masques tombent, puisqu'on va voir qui vote quoi pour chaque texte. Cela va par exemple permettre de montrer que le RN défend le patronat plutôt que les salariés, et les milliardaires plutôt que les retraités. En face, en particulier chez l'FI, c'est plutôt la posture morale qui l'emporte. Le PS aurait trahi ses engagements idéologiques envers ses électeurs électrices et ses militants. Et surtout, briser l'union de la gauche en sauvant la Macronie. Et il est difficile de ne pas leur donner raison quand on voit les contreparties de la suspension de la réforme des retraites. Déjà, selon l'économiste Michael Zemmour, il s'agirait d'un décalage de la réforme, plutôt que d'une véritable suspension. Sa mise en œuvre serait tout simplement reportée de deux ans. Et puis, quand on regarde de quoi est fait le nouveau budget, on a du mal à parler de victoire du PS, gel des prestations sociales, Augmentation des franchises médicales, austérité dans les services publics et peu de mise à contribution des ultra-riches et des grandes entreprises. Difficile de se réjouir et de louer le pragmatisme socialiste. Et puis, n'oublions pas, dans la conception machiavélienne, le pragmatisme n'a pas pour but de défendre l'intérêt général ou le bien commun, mais bien le maintien au pouvoir du prince. Et on a vraiment tendance à se demander si le choix du PS n'a pas plutôt pour objectif de conserver ses sièges de député qui seraient menacés en cas de dissolution. Quoi qu'il en soit, la trahison, ou le pragmatisme c'est selon, est toujours une rupture, une occasion de jouer carte sur table, de révéler les positions des uns et des autres. La trahison oblige toujours les protagonistes à prendre position, à préciser les discours qui étaient encore flous. En l'occurrence, le PS a indubitablement trahi son alliance au sein du NFP. L'Union de la Gauche semble maintenant définitivement morte. Il reste à voir si ce choix revendiqué du pragmatisme permettra ou non au PS d'arracher des mesures sociales à la Macronie. Mais quand on voit les années de règne de Macron, on peut en douter. Peut-être faudrait-il, plus généralement, en finir avec l'approche machiavélienne de la politique. Nos dirigeants ne sont pas des princes ayant hérité du pouvoir et destinés à le conserver à vie, qui auraient donc pour seul objectif de se maintenir par tous les moyens. Les élus feraient bien de se rappeler... qu'ils sont là pour représenter des électeurs et des électrices et une certaine conception de la justice sociale, et que ce qui leur apparaît comme des concessions minimes a des conséquences bien concrètes sur la vie des gens. Il serait peut-être temps de remettre un peu plus d'idéaux, de valeurs et de morale en politique, au risque que les compromis ne se transforment en compromissions. Ou alors, il faudrait assister sur une autre partie, moins connue, de l'œuvre de Machiavel, qui rappelle que le prince doit s'appuyer sur le peuple Et pas seulement pactisé avec les grands de façon tyrannique. Car pour Machiavel, le prince doit absolument éviter d'être haï, sous peine d'être renversé de manière violente. D'ailleurs, 5 ans après la publication du prince de Machiavel, Alexandre de Médicis, duc de Florence, était assassiné par son cousin Lorenzo. Peut-être que le choix de la non-censure conduira, de même, à la mort du PS. C'est la fin de cet épisode. On se retrouve très vite pour un nouvel épisode du Fil d'Actu. En attendant, pour des infos exclusives et parfois des petites blagues, vous pouvez me suivre sur Instagram sur mon compte Alice de Rochechouart. Et un grand merci à toutes celles et ceux qui, grâce à leurs dons, me permettent de continuer sereinement le podcast. Un grand merci à Elodie, Alix, Bruno, Alexandre, Étienne, Barthélémy, Romain, Aurélie, Claire, Denis, Nicolas, Franck... Vous aussi, vous pouvez rejoindre l'aventure du fil d'actu. Merci et à très vite !

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Hier matin, le Parti Socialiste n’a pas voté la censure du gouvernement Lecornu. Le PS avait négocié pour obtenir la suspension de la réforme des retraites, ce que le PM Sébastien Lecornu leur a accordé. C’est donc le PS qui permet au gouvernement macroniste de se maintenir. Alors, s’agit-il d’une trahison du PS, ou au contraire d’une fidélité à sa ligne politique ? On en parle avec le philosophe Nicolas Machiavel.

Un épisode bonus avant des vacances bien méritées. (On en peut plus de cette séquence politique, non ?)


Et pour l'article de Contre-Attaque "Le Parti Socialiste n’a pas trahi, il est juste fidèle à son histoire", c'est par ici !


Le Phil d'Actu, c'est le podcast engagé qui met la philosophie au cœur de l'actualité !

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Un grand merci aux tipeur-ses : Anne-Cécile, Didier, Mailys, Barthélémy, Olivier, Romain, Cédric, Quentin, Charlély, Antony, Aurélie, Claire, Paul, Erwan, Guillaume, Claudia, Lionel, Yves, Denis, M2linée, Marie Vincent, Olivier, Kilian, Anthony, Nicolas, Rémi, Béatrice, Damien, Mathilde, Anouk, David, Elodie, Vivien, Franck, Tiphaine, Margaux, Alix, Maya, Olivier, Juliette, Jonathan, Yacine, Arnaud, Bruno, Quentin, Augustin, Anaïs, Laurent, Nicolas, Alexandre, Gauthier, Khadija, Charles, Solène, Yoann, Juliette, Florence, Charles, Benjamin, Bastien, Jean-Charles, Anne, Florian, Etienne, Céline, Yvan, Antoine, Thomas, Eric, Matthieu, Clément, Anouck, Jean-François, Louise, Etienne, Francisco, Yoann, Tristan, Maud, Nathalie, Marc, Margot.

C'est grâce à vous que le podcast existe 💜


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Hier matin, le Parti Socialiste n'a pas voté la censure du gouvernement Lecornu. Le PS avait négocié pour obtenir la suspension de la réforme des retraites, ce que le Premier ministre Sébastien Lecornu leur a accordé. C'est donc le PS qui permet au gouvernement macroniste de se maintenir. Alors, s'agit-il d'une trahison du PS, ou au contraire d'une fidélité à sa ligne politique pragmatiste ? On en parle avec le philosophe Nicolas Machiavel. Je suis Alice de Rochechouart et vous écoutez Le Fil d'Actu, le podcast engagé qui met la philosophie au cœur de l'actualité. Ce podcast est totalement indépendant et il ne survit que grâce à vos dons. Alors si vous voulez soutenir mon travail, vous pouvez faire un don en cliquant sur la page indiquée en description. Et bien sûr, vous pouvez aussi acheter mon livre privilège aux éditions J.C. Lattès. Merci pour votre soutien. Bon ! Je devais partir en vacances, mais je n'ai pas résisté à l'envie de vous faire un épisode bonus sur le concept de trahison. Vous avez sans doute suivi ce qu'il s'est passé hier. Au terme d'un vote extrêmement serré, il a manqué 18 voix seulement pour faire tomber le gouvernement, le PS a permis à Sébastien Lecornu de se maintenir en poste. Les réactions ne se sont pas fait attendre, LFI accuse le PS de trahir les idéaux de la gauche, et le PS met en avant sa posture responsable et pragmatique. Et il se félicite d'avoir fait suspendre la réforme des retraites. Alors, l'EPS a-t-il trahi ? La trahison implique de briser volontairement une relation de confiance pour son propre avantage. En l'occurrence, cela reviendrait à dire que l'EPS a trahi ses électeurs électrices, ses militants militantes et ses alliés politiques. C'est-à-dire le Nouveau Front Populaire ou plus récemment le NFP sans LFI. Et ce, pour se maintenir au pouvoir. En effet, une censure aurait sans doute conduit à une nouvelle dissolution, ce qui aurait mis en danger les postes des députés PS en place. Mais peut-être pouvons-nous avoir une autre vision qui serait plus optimiste. Le PS croirait sincèrement que sa stratégie est la meilleure pour obtenir des victoires politiques concrètes. Ce qui est intéressant, c'est que le PS a été qualifié de traître de manière répétée dans son histoire. Le journal Contre-Attaque a même publié un article très caustique intitulé Le Parti Socialiste n'a pas trahi, il est juste fidèle à son histoire. Un article affirmant que le PS a toujours été un ennemi des avancées sociales et proposant une rétrospective de toutes ces trahisons au XXe siècle. Je vous mets le lien en description. Qu'en est-il aujourd'hui ? Le PS apparaît comme un parti très divisé. En juin dernier, lors de son congrès, c'est Olivier Faure qui a été réélu premier secrétaire, mais avec seulement à peine plus de la moitié des voix des militants. Représentant le courant d'union de la gauche et favorable à un programme de rupture, il était opposé à un courant plus centriste, souhaitant la rupture avec Eléphie et ce courant a récolté l'autre moitié des votes. Et malgré la victoire sur le fil du courant de gauche, c'est bien le courant de droite qui semble aujourd'hui prendre les décisions. C'est le retour du hollandisme de François Hollande qu'on pourrait définir comme un pragmatisme flou, pour ne pas dire un opportunisme arriviste. Autrement dit, aujourd'hui, le PS ne semble pas vraiment avoir de ligne politique, ce qui paradoxalement empêche toute trahison, puisqu'il n'y a rien à trahir. Mais que dit la philosophie au sujet de la trahison ? Allons voir chez un de ses défenseurs les plus connus, Machiavel. La trahison a longtemps été considérée comme un déshonneur grave, un reniement. odieux. Le crime de lèse-majesté, puis de haute trahison, était par exemple sévèrement puni, bien qu'aujourd'hui ce terme n'existe plus dans le code pénal. La trahison était alors envisagée d'un point de vue moral. Il était moralement inacceptable de faire preuve de déloyauté envers son souverain ou son pays. La politique était affaire de vertu et la trahison n'y avait pas sa place. Tout change avec Machiavel. Machiavel est un philosophe politique italien de la Renaissance. Au début du XVIe siècle, il commence par être diplomate pour la République de Florence, puis il tente de devenir conseiller de Laurent de Médicis quand celui-ci prend le pouvoir. Machiavel est donc une éminence grise, un personnage de l'ombre, qui veut aussi bien servir la République que la prestigieuse famille des Médicis. La famille des Médicis, c'est un peu la famille des Lannister dans Game of Thrones. Ambitieux, riche et peu scrupuleux. Si vous n'avez pas vu Game of Thrones, vous pouvez penser au Balkany. Cette dynastie, à l'origine des marchands de draps, puis financiers et enfin anoblis, ça nous rappelle déjà quelqu'un, règne sur Florence pendant deux siècles. Parmi les Médicis célèbres, on trouve tout de même trois papes et deux reines de France, dont la femme d'Henri IV, ce qui fait que depuis le XVIIe siècle, la famille royale française descend des Médicis. Revenons à Machiavel. Après être tombé en disgrâce à Florence, il est emprisonné. et écrit un ouvrage, Le Prince, qu'il adresse à Laurent de Médicis. Il espère ainsi devenir son conseiller. Ce livre n'est donc pas, au départ, censé être publié. C'est une sorte de lettre de motivation, une démonstration de ses capacités d'éminence grise. Le livre ne sera publié qu'en 1532, après la mort de Machiavel. Machiavel y expose sa vision de la politique, une vision radicalement nouvelle. Alors que, jusqu'à présent, Les philosophes cherchaient le meilleur régime politique pour perfectionner les hommes. Machiavel chasse la morale de la politique. La question qu'il pose est celle-ci. Comment obtenir le pouvoir et le conserver ? Le prince ne doit pas chercher le bien, mais l'augmentation et la conservation de sa puissance et son pouvoir. On dit de Machiavel qu'il est le fondateur du réalisme en politique. Il ne s'intéresse pas à ce que les hommes devraient être, c'est-à-dire vertueux, Mais à ce qu'ils sont, et comment sont-ils, Machiavel est implacable. Des hommes, en effet, on peut dire généralement ceci, qu'ils sont ingrats, changeants, simulateurs et dissimulateurs, ennemis des dangers, avides de gains. Et on ne pourra pas les changer. La fonction du politique, c'est alors de maintenir l'ordre, de maîtriser les aléas de l'histoire et le hasard de l'existence face à l'inconstance et à la vilainie des hommes. Dans ce cadre, un bon prince est un prince efficace, qui sait s'adapter aux circonstances et sentir l'humeur des foules. La vertu du prince, c'est son habileté, sa capacité à se maintenir au pouvoir et à conserver son autorité. Et pour cela, tous les moyens sont bons. La fin justifie les moyens, comme le dit la formule célèbre, qui n'a pas été écrite par Machiavel, contrairement à ce qu'on croit. Le prince, pour être efficace, a le droit de mal agir, de trahir ses promesses, d'user de tous les stratagèmes. On n'exige pas de lui qu'il soit moral, mais qu'il soit habile et même opportuniste. Autrement dit, avec Machiavel, la trahison quitte le registre moral pour aller vers le registre pragmatique. Le philosophe précise qu'il ne faut pas trahir sans cesse. Non pas parce que ce serait mal, mais parce que ce serait inefficace, contre-productif. Si on trahit tout le temps ses alliés, on n'aura plus d'alliés. Cependant, la trahison est parfois nécessaire et cela ne pose aucun problème moral. L'important, c'est bien que le prince conserve son pouvoir par tous les moyens possibles, pourvu qu'il soit efficace. Selon Machiavel, le prince doit même user de violence pour inspirer la crainte. Car pour se faire obéir, la crainte est plus efficace que l'amour. Le prince doit faire des démonstrations de sa cruauté, des actions violentes pour faire peur. Il doit savoir utiliser la force et la loi. Il doit être lion et renard, c'est-à-dire fort et rusé. Cette pensée politique choque déjà les contemporains de Machiavel, à une époque qui s'intéresse énormément à la vertu. L'ouvrage est rapidement censuré, car jugé immoral par l'Église. L'adjectif machiavélique, qui signifie perfide et calculateur, apparaît peu après la publication du Prince. Ce terme caricature la pensée de Machiavel, qui est moins diabolique qu'on ne le dit. D'ailleurs, pour désigner des concepts véritablement conformes à la philosophie de Machiavel, on utilise plutôt le terme de machiavélien. Quoi qu'il en soit, cette pensée philosophique, le machiavélisme, a une portée considérable. Et Machiavel a influencé la majeure partie de la philosophie politique, depuis Spinoza jusqu'à Arendt, en passant par Rousseau, Il ne laisse personne indifférent. Ce qui est intéressant quand on écoute les justifications du PS, c'est qu'on se situe exactement dans cette rhétorique machiavélienne. Olivier Faure se félicite de cette stratégie qui lui a pragmatiquement permis d'obtenir la suspension de la réforme des retraites. Il se réjouit donc de son choix au nom de la fidélité envers qui ils sont. Un parti capable de faire des compromis stratégiques et pragmatiques au nom de la stabilité et de la responsabilité. En l'occurrence, le PS revendique d'avoir pu éviter une nouvelle dissolution, qui aurait sans doute été annoncée en cas de censure. Une dissolution faisant courir le risque de mettre le RN au pouvoir. Effort à une dernière justification, particulièrement intéressante. Sébastien Lecornu a promis qu'il n'utiliserait pas l'article 49.3 pour faire passer ses mesures en force. Dès lors... chaque texte devra faire l'objet d'un véritable débat parlementaire. Selon Olivier Faure, cela va donc permettre que les masques tombent, puisqu'on va voir qui vote quoi pour chaque texte. Cela va par exemple permettre de montrer que le RN défend le patronat plutôt que les salariés, et les milliardaires plutôt que les retraités. En face, en particulier chez l'FI, c'est plutôt la posture morale qui l'emporte. Le PS aurait trahi ses engagements idéologiques envers ses électeurs électrices et ses militants. Et surtout, briser l'union de la gauche en sauvant la Macronie. Et il est difficile de ne pas leur donner raison quand on voit les contreparties de la suspension de la réforme des retraites. Déjà, selon l'économiste Michael Zemmour, il s'agirait d'un décalage de la réforme, plutôt que d'une véritable suspension. Sa mise en œuvre serait tout simplement reportée de deux ans. Et puis, quand on regarde de quoi est fait le nouveau budget, on a du mal à parler de victoire du PS, gel des prestations sociales, Augmentation des franchises médicales, austérité dans les services publics et peu de mise à contribution des ultra-riches et des grandes entreprises. Difficile de se réjouir et de louer le pragmatisme socialiste. Et puis, n'oublions pas, dans la conception machiavélienne, le pragmatisme n'a pas pour but de défendre l'intérêt général ou le bien commun, mais bien le maintien au pouvoir du prince. Et on a vraiment tendance à se demander si le choix du PS n'a pas plutôt pour objectif de conserver ses sièges de député qui seraient menacés en cas de dissolution. Quoi qu'il en soit, la trahison, ou le pragmatisme c'est selon, est toujours une rupture, une occasion de jouer carte sur table, de révéler les positions des uns et des autres. La trahison oblige toujours les protagonistes à prendre position, à préciser les discours qui étaient encore flous. En l'occurrence, le PS a indubitablement trahi son alliance au sein du NFP. L'Union de la Gauche semble maintenant définitivement morte. Il reste à voir si ce choix revendiqué du pragmatisme permettra ou non au PS d'arracher des mesures sociales à la Macronie. Mais quand on voit les années de règne de Macron, on peut en douter. Peut-être faudrait-il, plus généralement, en finir avec l'approche machiavélienne de la politique. Nos dirigeants ne sont pas des princes ayant hérité du pouvoir et destinés à le conserver à vie, qui auraient donc pour seul objectif de se maintenir par tous les moyens. Les élus feraient bien de se rappeler... qu'ils sont là pour représenter des électeurs et des électrices et une certaine conception de la justice sociale, et que ce qui leur apparaît comme des concessions minimes a des conséquences bien concrètes sur la vie des gens. Il serait peut-être temps de remettre un peu plus d'idéaux, de valeurs et de morale en politique, au risque que les compromis ne se transforment en compromissions. Ou alors, il faudrait assister sur une autre partie, moins connue, de l'œuvre de Machiavel, qui rappelle que le prince doit s'appuyer sur le peuple Et pas seulement pactisé avec les grands de façon tyrannique. Car pour Machiavel, le prince doit absolument éviter d'être haï, sous peine d'être renversé de manière violente. D'ailleurs, 5 ans après la publication du prince de Machiavel, Alexandre de Médicis, duc de Florence, était assassiné par son cousin Lorenzo. Peut-être que le choix de la non-censure conduira, de même, à la mort du PS. C'est la fin de cet épisode. On se retrouve très vite pour un nouvel épisode du Fil d'Actu. En attendant, pour des infos exclusives et parfois des petites blagues, vous pouvez me suivre sur Instagram sur mon compte Alice de Rochechouart. Et un grand merci à toutes celles et ceux qui, grâce à leurs dons, me permettent de continuer sereinement le podcast. Un grand merci à Elodie, Alix, Bruno, Alexandre, Étienne, Barthélémy, Romain, Aurélie, Claire, Denis, Nicolas, Franck... Vous aussi, vous pouvez rejoindre l'aventure du fil d'actu. Merci et à très vite !

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Hier matin, le Parti Socialiste n’a pas voté la censure du gouvernement Lecornu. Le PS avait négocié pour obtenir la suspension de la réforme des retraites, ce que le PM Sébastien Lecornu leur a accordé. C’est donc le PS qui permet au gouvernement macroniste de se maintenir. Alors, s’agit-il d’une trahison du PS, ou au contraire d’une fidélité à sa ligne politique ? On en parle avec le philosophe Nicolas Machiavel.

Un épisode bonus avant des vacances bien méritées. (On en peut plus de cette séquence politique, non ?)


Et pour l'article de Contre-Attaque "Le Parti Socialiste n’a pas trahi, il est juste fidèle à son histoire", c'est par ici !


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Transcription

  • Speaker #0

    Hier matin, le Parti Socialiste n'a pas voté la censure du gouvernement Lecornu. Le PS avait négocié pour obtenir la suspension de la réforme des retraites, ce que le Premier ministre Sébastien Lecornu leur a accordé. C'est donc le PS qui permet au gouvernement macroniste de se maintenir. Alors, s'agit-il d'une trahison du PS, ou au contraire d'une fidélité à sa ligne politique pragmatiste ? On en parle avec le philosophe Nicolas Machiavel. Je suis Alice de Rochechouart et vous écoutez Le Fil d'Actu, le podcast engagé qui met la philosophie au cœur de l'actualité. Ce podcast est totalement indépendant et il ne survit que grâce à vos dons. Alors si vous voulez soutenir mon travail, vous pouvez faire un don en cliquant sur la page indiquée en description. Et bien sûr, vous pouvez aussi acheter mon livre privilège aux éditions J.C. Lattès. Merci pour votre soutien. Bon ! Je devais partir en vacances, mais je n'ai pas résisté à l'envie de vous faire un épisode bonus sur le concept de trahison. Vous avez sans doute suivi ce qu'il s'est passé hier. Au terme d'un vote extrêmement serré, il a manqué 18 voix seulement pour faire tomber le gouvernement, le PS a permis à Sébastien Lecornu de se maintenir en poste. Les réactions ne se sont pas fait attendre, LFI accuse le PS de trahir les idéaux de la gauche, et le PS met en avant sa posture responsable et pragmatique. Et il se félicite d'avoir fait suspendre la réforme des retraites. Alors, l'EPS a-t-il trahi ? La trahison implique de briser volontairement une relation de confiance pour son propre avantage. En l'occurrence, cela reviendrait à dire que l'EPS a trahi ses électeurs électrices, ses militants militantes et ses alliés politiques. C'est-à-dire le Nouveau Front Populaire ou plus récemment le NFP sans LFI. Et ce, pour se maintenir au pouvoir. En effet, une censure aurait sans doute conduit à une nouvelle dissolution, ce qui aurait mis en danger les postes des députés PS en place. Mais peut-être pouvons-nous avoir une autre vision qui serait plus optimiste. Le PS croirait sincèrement que sa stratégie est la meilleure pour obtenir des victoires politiques concrètes. Ce qui est intéressant, c'est que le PS a été qualifié de traître de manière répétée dans son histoire. Le journal Contre-Attaque a même publié un article très caustique intitulé Le Parti Socialiste n'a pas trahi, il est juste fidèle à son histoire. Un article affirmant que le PS a toujours été un ennemi des avancées sociales et proposant une rétrospective de toutes ces trahisons au XXe siècle. Je vous mets le lien en description. Qu'en est-il aujourd'hui ? Le PS apparaît comme un parti très divisé. En juin dernier, lors de son congrès, c'est Olivier Faure qui a été réélu premier secrétaire, mais avec seulement à peine plus de la moitié des voix des militants. Représentant le courant d'union de la gauche et favorable à un programme de rupture, il était opposé à un courant plus centriste, souhaitant la rupture avec Eléphie et ce courant a récolté l'autre moitié des votes. Et malgré la victoire sur le fil du courant de gauche, c'est bien le courant de droite qui semble aujourd'hui prendre les décisions. C'est le retour du hollandisme de François Hollande qu'on pourrait définir comme un pragmatisme flou, pour ne pas dire un opportunisme arriviste. Autrement dit, aujourd'hui, le PS ne semble pas vraiment avoir de ligne politique, ce qui paradoxalement empêche toute trahison, puisqu'il n'y a rien à trahir. Mais que dit la philosophie au sujet de la trahison ? Allons voir chez un de ses défenseurs les plus connus, Machiavel. La trahison a longtemps été considérée comme un déshonneur grave, un reniement. odieux. Le crime de lèse-majesté, puis de haute trahison, était par exemple sévèrement puni, bien qu'aujourd'hui ce terme n'existe plus dans le code pénal. La trahison était alors envisagée d'un point de vue moral. Il était moralement inacceptable de faire preuve de déloyauté envers son souverain ou son pays. La politique était affaire de vertu et la trahison n'y avait pas sa place. Tout change avec Machiavel. Machiavel est un philosophe politique italien de la Renaissance. Au début du XVIe siècle, il commence par être diplomate pour la République de Florence, puis il tente de devenir conseiller de Laurent de Médicis quand celui-ci prend le pouvoir. Machiavel est donc une éminence grise, un personnage de l'ombre, qui veut aussi bien servir la République que la prestigieuse famille des Médicis. La famille des Médicis, c'est un peu la famille des Lannister dans Game of Thrones. Ambitieux, riche et peu scrupuleux. Si vous n'avez pas vu Game of Thrones, vous pouvez penser au Balkany. Cette dynastie, à l'origine des marchands de draps, puis financiers et enfin anoblis, ça nous rappelle déjà quelqu'un, règne sur Florence pendant deux siècles. Parmi les Médicis célèbres, on trouve tout de même trois papes et deux reines de France, dont la femme d'Henri IV, ce qui fait que depuis le XVIIe siècle, la famille royale française descend des Médicis. Revenons à Machiavel. Après être tombé en disgrâce à Florence, il est emprisonné. et écrit un ouvrage, Le Prince, qu'il adresse à Laurent de Médicis. Il espère ainsi devenir son conseiller. Ce livre n'est donc pas, au départ, censé être publié. C'est une sorte de lettre de motivation, une démonstration de ses capacités d'éminence grise. Le livre ne sera publié qu'en 1532, après la mort de Machiavel. Machiavel y expose sa vision de la politique, une vision radicalement nouvelle. Alors que, jusqu'à présent, Les philosophes cherchaient le meilleur régime politique pour perfectionner les hommes. Machiavel chasse la morale de la politique. La question qu'il pose est celle-ci. Comment obtenir le pouvoir et le conserver ? Le prince ne doit pas chercher le bien, mais l'augmentation et la conservation de sa puissance et son pouvoir. On dit de Machiavel qu'il est le fondateur du réalisme en politique. Il ne s'intéresse pas à ce que les hommes devraient être, c'est-à-dire vertueux, Mais à ce qu'ils sont, et comment sont-ils, Machiavel est implacable. Des hommes, en effet, on peut dire généralement ceci, qu'ils sont ingrats, changeants, simulateurs et dissimulateurs, ennemis des dangers, avides de gains. Et on ne pourra pas les changer. La fonction du politique, c'est alors de maintenir l'ordre, de maîtriser les aléas de l'histoire et le hasard de l'existence face à l'inconstance et à la vilainie des hommes. Dans ce cadre, un bon prince est un prince efficace, qui sait s'adapter aux circonstances et sentir l'humeur des foules. La vertu du prince, c'est son habileté, sa capacité à se maintenir au pouvoir et à conserver son autorité. Et pour cela, tous les moyens sont bons. La fin justifie les moyens, comme le dit la formule célèbre, qui n'a pas été écrite par Machiavel, contrairement à ce qu'on croit. Le prince, pour être efficace, a le droit de mal agir, de trahir ses promesses, d'user de tous les stratagèmes. On n'exige pas de lui qu'il soit moral, mais qu'il soit habile et même opportuniste. Autrement dit, avec Machiavel, la trahison quitte le registre moral pour aller vers le registre pragmatique. Le philosophe précise qu'il ne faut pas trahir sans cesse. Non pas parce que ce serait mal, mais parce que ce serait inefficace, contre-productif. Si on trahit tout le temps ses alliés, on n'aura plus d'alliés. Cependant, la trahison est parfois nécessaire et cela ne pose aucun problème moral. L'important, c'est bien que le prince conserve son pouvoir par tous les moyens possibles, pourvu qu'il soit efficace. Selon Machiavel, le prince doit même user de violence pour inspirer la crainte. Car pour se faire obéir, la crainte est plus efficace que l'amour. Le prince doit faire des démonstrations de sa cruauté, des actions violentes pour faire peur. Il doit savoir utiliser la force et la loi. Il doit être lion et renard, c'est-à-dire fort et rusé. Cette pensée politique choque déjà les contemporains de Machiavel, à une époque qui s'intéresse énormément à la vertu. L'ouvrage est rapidement censuré, car jugé immoral par l'Église. L'adjectif machiavélique, qui signifie perfide et calculateur, apparaît peu après la publication du Prince. Ce terme caricature la pensée de Machiavel, qui est moins diabolique qu'on ne le dit. D'ailleurs, pour désigner des concepts véritablement conformes à la philosophie de Machiavel, on utilise plutôt le terme de machiavélien. Quoi qu'il en soit, cette pensée philosophique, le machiavélisme, a une portée considérable. Et Machiavel a influencé la majeure partie de la philosophie politique, depuis Spinoza jusqu'à Arendt, en passant par Rousseau, Il ne laisse personne indifférent. Ce qui est intéressant quand on écoute les justifications du PS, c'est qu'on se situe exactement dans cette rhétorique machiavélienne. Olivier Faure se félicite de cette stratégie qui lui a pragmatiquement permis d'obtenir la suspension de la réforme des retraites. Il se réjouit donc de son choix au nom de la fidélité envers qui ils sont. Un parti capable de faire des compromis stratégiques et pragmatiques au nom de la stabilité et de la responsabilité. En l'occurrence, le PS revendique d'avoir pu éviter une nouvelle dissolution, qui aurait sans doute été annoncée en cas de censure. Une dissolution faisant courir le risque de mettre le RN au pouvoir. Effort à une dernière justification, particulièrement intéressante. Sébastien Lecornu a promis qu'il n'utiliserait pas l'article 49.3 pour faire passer ses mesures en force. Dès lors... chaque texte devra faire l'objet d'un véritable débat parlementaire. Selon Olivier Faure, cela va donc permettre que les masques tombent, puisqu'on va voir qui vote quoi pour chaque texte. Cela va par exemple permettre de montrer que le RN défend le patronat plutôt que les salariés, et les milliardaires plutôt que les retraités. En face, en particulier chez l'FI, c'est plutôt la posture morale qui l'emporte. Le PS aurait trahi ses engagements idéologiques envers ses électeurs électrices et ses militants. Et surtout, briser l'union de la gauche en sauvant la Macronie. Et il est difficile de ne pas leur donner raison quand on voit les contreparties de la suspension de la réforme des retraites. Déjà, selon l'économiste Michael Zemmour, il s'agirait d'un décalage de la réforme, plutôt que d'une véritable suspension. Sa mise en œuvre serait tout simplement reportée de deux ans. Et puis, quand on regarde de quoi est fait le nouveau budget, on a du mal à parler de victoire du PS, gel des prestations sociales, Augmentation des franchises médicales, austérité dans les services publics et peu de mise à contribution des ultra-riches et des grandes entreprises. Difficile de se réjouir et de louer le pragmatisme socialiste. Et puis, n'oublions pas, dans la conception machiavélienne, le pragmatisme n'a pas pour but de défendre l'intérêt général ou le bien commun, mais bien le maintien au pouvoir du prince. Et on a vraiment tendance à se demander si le choix du PS n'a pas plutôt pour objectif de conserver ses sièges de député qui seraient menacés en cas de dissolution. Quoi qu'il en soit, la trahison, ou le pragmatisme c'est selon, est toujours une rupture, une occasion de jouer carte sur table, de révéler les positions des uns et des autres. La trahison oblige toujours les protagonistes à prendre position, à préciser les discours qui étaient encore flous. En l'occurrence, le PS a indubitablement trahi son alliance au sein du NFP. L'Union de la Gauche semble maintenant définitivement morte. Il reste à voir si ce choix revendiqué du pragmatisme permettra ou non au PS d'arracher des mesures sociales à la Macronie. Mais quand on voit les années de règne de Macron, on peut en douter. Peut-être faudrait-il, plus généralement, en finir avec l'approche machiavélienne de la politique. Nos dirigeants ne sont pas des princes ayant hérité du pouvoir et destinés à le conserver à vie, qui auraient donc pour seul objectif de se maintenir par tous les moyens. Les élus feraient bien de se rappeler... qu'ils sont là pour représenter des électeurs et des électrices et une certaine conception de la justice sociale, et que ce qui leur apparaît comme des concessions minimes a des conséquences bien concrètes sur la vie des gens. Il serait peut-être temps de remettre un peu plus d'idéaux, de valeurs et de morale en politique, au risque que les compromis ne se transforment en compromissions. Ou alors, il faudrait assister sur une autre partie, moins connue, de l'œuvre de Machiavel, qui rappelle que le prince doit s'appuyer sur le peuple Et pas seulement pactisé avec les grands de façon tyrannique. Car pour Machiavel, le prince doit absolument éviter d'être haï, sous peine d'être renversé de manière violente. D'ailleurs, 5 ans après la publication du prince de Machiavel, Alexandre de Médicis, duc de Florence, était assassiné par son cousin Lorenzo. Peut-être que le choix de la non-censure conduira, de même, à la mort du PS. C'est la fin de cet épisode. On se retrouve très vite pour un nouvel épisode du Fil d'Actu. En attendant, pour des infos exclusives et parfois des petites blagues, vous pouvez me suivre sur Instagram sur mon compte Alice de Rochechouart. Et un grand merci à toutes celles et ceux qui, grâce à leurs dons, me permettent de continuer sereinement le podcast. Un grand merci à Elodie, Alix, Bruno, Alexandre, Étienne, Barthélémy, Romain, Aurélie, Claire, Denis, Nicolas, Franck... Vous aussi, vous pouvez rejoindre l'aventure du fil d'actu. Merci et à très vite !

Description

Hier matin, le Parti Socialiste n’a pas voté la censure du gouvernement Lecornu. Le PS avait négocié pour obtenir la suspension de la réforme des retraites, ce que le PM Sébastien Lecornu leur a accordé. C’est donc le PS qui permet au gouvernement macroniste de se maintenir. Alors, s’agit-il d’une trahison du PS, ou au contraire d’une fidélité à sa ligne politique ? On en parle avec le philosophe Nicolas Machiavel.

Un épisode bonus avant des vacances bien méritées. (On en peut plus de cette séquence politique, non ?)


Et pour l'article de Contre-Attaque "Le Parti Socialiste n’a pas trahi, il est juste fidèle à son histoire", c'est par ici !


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En effet, une censure aurait sans doute conduit à une nouvelle dissolution, ce qui aurait mis en danger les postes des députés PS en place. Mais peut-être pouvons-nous avoir une autre vision qui serait plus optimiste. Le PS croirait sincèrement que sa stratégie est la meilleure pour obtenir des victoires politiques concrètes. Ce qui est intéressant, c'est que le PS a été qualifié de traître de manière répétée dans son histoire. Le journal Contre-Attaque a même publié un article très caustique intitulé Le Parti Socialiste n'a pas trahi, il est juste fidèle à son histoire. Un article affirmant que le PS a toujours été un ennemi des avancées sociales et proposant une rétrospective de toutes ces trahisons au XXe siècle. Je vous mets le lien en description. Qu'en est-il aujourd'hui ? Le PS apparaît comme un parti très divisé. En juin dernier, lors de son congrès, c'est Olivier Faure qui a été réélu premier secrétaire, mais avec seulement à peine plus de la moitié des voix des militants. Représentant le courant d'union de la gauche et favorable à un programme de rupture, il était opposé à un courant plus centriste, souhaitant la rupture avec Eléphie et ce courant a récolté l'autre moitié des votes. Et malgré la victoire sur le fil du courant de gauche, c'est bien le courant de droite qui semble aujourd'hui prendre les décisions. C'est le retour du hollandisme de François Hollande qu'on pourrait définir comme un pragmatisme flou, pour ne pas dire un opportunisme arriviste. Autrement dit, aujourd'hui, le PS ne semble pas vraiment avoir de ligne politique, ce qui paradoxalement empêche toute trahison, puisqu'il n'y a rien à trahir. Mais que dit la philosophie au sujet de la trahison ? Allons voir chez un de ses défenseurs les plus connus, Machiavel. La trahison a longtemps été considérée comme un déshonneur grave, un reniement. odieux. Le crime de lèse-majesté, puis de haute trahison, était par exemple sévèrement puni, bien qu'aujourd'hui ce terme n'existe plus dans le code pénal. La trahison était alors envisagée d'un point de vue moral. Il était moralement inacceptable de faire preuve de déloyauté envers son souverain ou son pays. La politique était affaire de vertu et la trahison n'y avait pas sa place. Tout change avec Machiavel. Machiavel est un philosophe politique italien de la Renaissance. Au début du XVIe siècle, il commence par être diplomate pour la République de Florence, puis il tente de devenir conseiller de Laurent de Médicis quand celui-ci prend le pouvoir. Machiavel est donc une éminence grise, un personnage de l'ombre, qui veut aussi bien servir la République que la prestigieuse famille des Médicis. La famille des Médicis, c'est un peu la famille des Lannister dans Game of Thrones. Ambitieux, riche et peu scrupuleux. Si vous n'avez pas vu Game of Thrones, vous pouvez penser au Balkany. Cette dynastie, à l'origine des marchands de draps, puis financiers et enfin anoblis, ça nous rappelle déjà quelqu'un, règne sur Florence pendant deux siècles. Parmi les Médicis célèbres, on trouve tout de même trois papes et deux reines de France, dont la femme d'Henri IV, ce qui fait que depuis le XVIIe siècle, la famille royale française descend des Médicis. Revenons à Machiavel. Après être tombé en disgrâce à Florence, il est emprisonné. et écrit un ouvrage, Le Prince, qu'il adresse à Laurent de Médicis. Il espère ainsi devenir son conseiller. Ce livre n'est donc pas, au départ, censé être publié. C'est une sorte de lettre de motivation, une démonstration de ses capacités d'éminence grise. Le livre ne sera publié qu'en 1532, après la mort de Machiavel. Machiavel y expose sa vision de la politique, une vision radicalement nouvelle. Alors que, jusqu'à présent, Les philosophes cherchaient le meilleur régime politique pour perfectionner les hommes. Machiavel chasse la morale de la politique. La question qu'il pose est celle-ci. Comment obtenir le pouvoir et le conserver ? Le prince ne doit pas chercher le bien, mais l'augmentation et la conservation de sa puissance et son pouvoir. On dit de Machiavel qu'il est le fondateur du réalisme en politique. Il ne s'intéresse pas à ce que les hommes devraient être, c'est-à-dire vertueux, Mais à ce qu'ils sont, et comment sont-ils, Machiavel est implacable. Des hommes, en effet, on peut dire généralement ceci, qu'ils sont ingrats, changeants, simulateurs et dissimulateurs, ennemis des dangers, avides de gains. Et on ne pourra pas les changer. La fonction du politique, c'est alors de maintenir l'ordre, de maîtriser les aléas de l'histoire et le hasard de l'existence face à l'inconstance et à la vilainie des hommes. Dans ce cadre, un bon prince est un prince efficace, qui sait s'adapter aux circonstances et sentir l'humeur des foules. La vertu du prince, c'est son habileté, sa capacité à se maintenir au pouvoir et à conserver son autorité. Et pour cela, tous les moyens sont bons. La fin justifie les moyens, comme le dit la formule célèbre, qui n'a pas été écrite par Machiavel, contrairement à ce qu'on croit. Le prince, pour être efficace, a le droit de mal agir, de trahir ses promesses, d'user de tous les stratagèmes. On n'exige pas de lui qu'il soit moral, mais qu'il soit habile et même opportuniste. Autrement dit, avec Machiavel, la trahison quitte le registre moral pour aller vers le registre pragmatique. Le philosophe précise qu'il ne faut pas trahir sans cesse. Non pas parce que ce serait mal, mais parce que ce serait inefficace, contre-productif. Si on trahit tout le temps ses alliés, on n'aura plus d'alliés. Cependant, la trahison est parfois nécessaire et cela ne pose aucun problème moral. L'important, c'est bien que le prince conserve son pouvoir par tous les moyens possibles, pourvu qu'il soit efficace. Selon Machiavel, le prince doit même user de violence pour inspirer la crainte. Car pour se faire obéir, la crainte est plus efficace que l'amour. Le prince doit faire des démonstrations de sa cruauté, des actions violentes pour faire peur. Il doit savoir utiliser la force et la loi. Il doit être lion et renard, c'est-à-dire fort et rusé. Cette pensée politique choque déjà les contemporains de Machiavel, à une époque qui s'intéresse énormément à la vertu. L'ouvrage est rapidement censuré, car jugé immoral par l'Église. L'adjectif machiavélique, qui signifie perfide et calculateur, apparaît peu après la publication du Prince. Ce terme caricature la pensée de Machiavel, qui est moins diabolique qu'on ne le dit. D'ailleurs, pour désigner des concepts véritablement conformes à la philosophie de Machiavel, on utilise plutôt le terme de machiavélien. Quoi qu'il en soit, cette pensée philosophique, le machiavélisme, a une portée considérable. Et Machiavel a influencé la majeure partie de la philosophie politique, depuis Spinoza jusqu'à Arendt, en passant par Rousseau, Il ne laisse personne indifférent. Ce qui est intéressant quand on écoute les justifications du PS, c'est qu'on se situe exactement dans cette rhétorique machiavélienne. Olivier Faure se félicite de cette stratégie qui lui a pragmatiquement permis d'obtenir la suspension de la réforme des retraites. Il se réjouit donc de son choix au nom de la fidélité envers qui ils sont. Un parti capable de faire des compromis stratégiques et pragmatiques au nom de la stabilité et de la responsabilité. En l'occurrence, le PS revendique d'avoir pu éviter une nouvelle dissolution, qui aurait sans doute été annoncée en cas de censure. Une dissolution faisant courir le risque de mettre le RN au pouvoir. Effort à une dernière justification, particulièrement intéressante. Sébastien Lecornu a promis qu'il n'utiliserait pas l'article 49.3 pour faire passer ses mesures en force. Dès lors... chaque texte devra faire l'objet d'un véritable débat parlementaire. Selon Olivier Faure, cela va donc permettre que les masques tombent, puisqu'on va voir qui vote quoi pour chaque texte. Cela va par exemple permettre de montrer que le RN défend le patronat plutôt que les salariés, et les milliardaires plutôt que les retraités. En face, en particulier chez l'FI, c'est plutôt la posture morale qui l'emporte. Le PS aurait trahi ses engagements idéologiques envers ses électeurs électrices et ses militants. Et surtout, briser l'union de la gauche en sauvant la Macronie. Et il est difficile de ne pas leur donner raison quand on voit les contreparties de la suspension de la réforme des retraites. Déjà, selon l'économiste Michael Zemmour, il s'agirait d'un décalage de la réforme, plutôt que d'une véritable suspension. Sa mise en œuvre serait tout simplement reportée de deux ans. Et puis, quand on regarde de quoi est fait le nouveau budget, on a du mal à parler de victoire du PS, gel des prestations sociales, Augmentation des franchises médicales, austérité dans les services publics et peu de mise à contribution des ultra-riches et des grandes entreprises. Difficile de se réjouir et de louer le pragmatisme socialiste. Et puis, n'oublions pas, dans la conception machiavélienne, le pragmatisme n'a pas pour but de défendre l'intérêt général ou le bien commun, mais bien le maintien au pouvoir du prince. Et on a vraiment tendance à se demander si le choix du PS n'a pas plutôt pour objectif de conserver ses sièges de député qui seraient menacés en cas de dissolution. Quoi qu'il en soit, la trahison, ou le pragmatisme c'est selon, est toujours une rupture, une occasion de jouer carte sur table, de révéler les positions des uns et des autres. La trahison oblige toujours les protagonistes à prendre position, à préciser les discours qui étaient encore flous. En l'occurrence, le PS a indubitablement trahi son alliance au sein du NFP. L'Union de la Gauche semble maintenant définitivement morte. Il reste à voir si ce choix revendiqué du pragmatisme permettra ou non au PS d'arracher des mesures sociales à la Macronie. Mais quand on voit les années de règne de Macron, on peut en douter. Peut-être faudrait-il, plus généralement, en finir avec l'approche machiavélienne de la politique. Nos dirigeants ne sont pas des princes ayant hérité du pouvoir et destinés à le conserver à vie, qui auraient donc pour seul objectif de se maintenir par tous les moyens. Les élus feraient bien de se rappeler... qu'ils sont là pour représenter des électeurs et des électrices et une certaine conception de la justice sociale, et que ce qui leur apparaît comme des concessions minimes a des conséquences bien concrètes sur la vie des gens. Il serait peut-être temps de remettre un peu plus d'idéaux, de valeurs et de morale en politique, au risque que les compromis ne se transforment en compromissions. Ou alors, il faudrait assister sur une autre partie, moins connue, de l'œuvre de Machiavel, qui rappelle que le prince doit s'appuyer sur le peuple Et pas seulement pactisé avec les grands de façon tyrannique. Car pour Machiavel, le prince doit absolument éviter d'être haï, sous peine d'être renversé de manière violente. D'ailleurs, 5 ans après la publication du prince de Machiavel, Alexandre de Médicis, duc de Florence, était assassiné par son cousin Lorenzo. Peut-être que le choix de la non-censure conduira, de même, à la mort du PS. C'est la fin de cet épisode. On se retrouve très vite pour un nouvel épisode du Fil d'Actu. En attendant, pour des infos exclusives et parfois des petites blagues, vous pouvez me suivre sur Instagram sur mon compte Alice de Rochechouart. 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