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Le Phil d'Actu - Philosophie et Actualité

Crise politique : une philosophie de l'état d'exception

Crise politique : une philosophie de l'état d'exception

13min |08/10/2025
Play
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Description

Le chaos. Avec la démission de Sébastien Lecornu 12h après avoir nommé son gouvernement, la crise politique s’intensifie. Difficile de prédire la suite, tant la situation est tendue et Emmanuel Macron imprévisible. Ce qui est sûr, c’est que les circonstances politiques, depuis un an et demi, semblent extraordinaires ; d’aucuns parlent même d’"état d’exception". Que signifie cette expression, en quoi éclaire-t-elle la situation actuelle ? On en parle avec les philosophes Carl Schmitt et Giorgio Agamben.


Le Phil d'Actu, c'est le podcast engagé qui met la philosophie au cœur de l'actualité !

Ce podcast est 100% indépendant, gratuit, sans publicité. Il ne survit que grâce à vos dons.


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Un grand merci aux tipeur-ses : Anne-Cécile, Didier, Mailys, Barthélémy, Olivier, Romain, Cédric, Quentin, Charlély, Antony, Aurélie, Claire, Paul, Erwan, Guillaume, Claudia, Lionel, Yves, Denis, M2linée, Marie Vincent, Olivier, Kilian, Anthony, Nicolas, Rémi, Béatrice, Damien, Mathilde, Anouk, David, Elodie, Vivien, Franck, Tiphaine, Margaux, Alix, Maya, Olivier, Juliette, Jonathan, Yacine, Arnaud, Bruno, Quentin, Augustin, Anaïs, Laurent, Nicolas, Alexandre, Gauthier, Khadija, Charles, Solène, Yoann, Juliette, Florence, Charles, Benjamin, Bastien, Jean-Charles, Anne, Florian, Etienne, Céline, Yvan, Antoine, Thomas, Eric, Matthieu, Clément, Anouck, Jean-François, Louise, Etienne, Francisco, Yoann, Tristan, Maud, Nathalie, Marc, Margot.

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Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Le chaos. Avec la démission de Sébastien Lecornu, 12 heures après avoir nommé son gouvernement, la crise politique s'intensifie. Difficile de prédire la suite, tant la situation est tendue et Emmanuel Macron imprévisible. Ce qui est sûr, c'est que les circonstances politiques, depuis un an et demi, semblent extraordinaires. D'aucuns parlent même d'état d'exception. Que signifie cette expression et en quoi éclaire-t-elle la situation actuelle ? On en parle avec les philosophes Karl Schmitt et Giorgio Agamben. Je suis Alice de Rochechouart et vous écoutez le Fil d'Actu, le podcast engagé qui met la philosophie au cœur de l'actualité. Ce podcast est totalement indépendant et il ne survit que grâce à vos dons. Alors si vous voulez soutenir mon travail, vous pouvez faire un don en cliquant sur la page indiquée en description. Et bien sûr, vous pouvez aussi acheter mon livre « Privilèges » aux éditions J.C. Lattès. Merci pour votre soutien. La France s'enfonce dans la crise. Alors qu'il avait mis presque un mois pour nommer son gouvernement, Sébastien Lecornu a démissionné immédiatement après. Et dès lundi matin, il a fustigé les égaux et les ambitions politiques des uns et des autres qui auraient rendu son mandat de Premier ministre impossible. Emmanuel Macron l'a maintenant chargé de mener d'ultimes négociations avec les différentes forces politiques pour définir une plateforme d'action et de stabilité pour le pays. Il a jusqu'à ce soir, mercredi. En cas d'échec, qui semble probable, le président de la République a annoncé qu'il prendrait ses responsabilités. Sans qu'on sache très bien ce que cela signifie. Pendant ce temps, face au chaos, les rats quittent le navire et les oppositions se repaissent des charognes. Gabriel Attal a désavoué Emmanuel Macron et dénoncé une forme d'acharnement à garder la main. Edouard Philippe a appelé à des élections présidentielles anticipées. Le RN a annoncé qu'il censurerait tous les gouvernements jusqu'à une dissolution. Le PS ne renonce pas à ses ambitions de devenir Premier ministre, mais sans la France insoumise, qui réclame elle aussi la démission d'Emmanuel Macron. Alors, que va-t-il se passer ? Macron est-il échec et mat ? Ou a-t-il une stratégie bien ficelée ? Plusieurs scénarios semblent aujourd'hui possibles. Une démission d'Emmanuel Macron ? Son arrogance et son goût du pouvoir la rendent peu probable. Une nomination d'un énième Premier ministre macroniste ? On ne voit plus très bien qui il reste dans son camp. La nomination d'un Bruno Retailleau en tant que Premier ministre ? Ça c'est très possible. Mais il risque de s'aliéner une grande partie de son camp politique, déjà bien divisé. Un Premier ministre de gauche ? Cela paraît impensable tant Macron semble allergique à la gauche. Il pourrait aussi y avoir une nouvelle dissolution comme l'année dernière. Et cette fois-ci, on peut craindre qu'il n'y ait ni Union des Gauches, ni Front républicain. De quoi construire un boulevard pour le Rassemblement national. Mais comme on nous l'a confirmé récemment, cela ne dérangerait pas forcément Emmanuel Macron. En 2024, il aurait même souhaité une victoire du RN pour que ceux-ci se cassent les dents au pouvoir. Un pari très risqué. Il y a encore une possibilité qui est la plus inquiétante. C'est celle de l'utilisation de l'article 16 de la Constitution qui confère les pleins pouvoirs au président si les institutions de la République sont menacées d'une manière grave et immédiate et que le fonctionnement des pouvoirs publics est interrompu. Même si les conditions ne semblent pas réunies de prime abord, la formulation est tellement vague que cela n'arrêterait sans doute pas Emmanuel Macron, qui a déjà montré l'année dernière qu'il ne s'embarrassait pas beaucoup de la démocratie. Beaucoup de spéculation donc, mais une certitude, le chaos politique dans lequel Emmanuel Macron a plongé la France est la porte ouverte à tous les abus de pouvoir et à la mise en place d'un état d'exception. C'est au juriste et philosophe allemand Karl Schmitt qu'on doit d'avoir théorisé l'état d'exception. Dans les années 1920, L'Allemagne est en crise. La jeune république de Weimar est chancelante face aux oppositions politiques, à la crise économique et à la montée du nationalisme et du communisme. Pour Karl Schmitt, ultra-conservateur, cette république est bien trop faible. Elle est incapable de résister à l'ascension de l'extrême gauche. L'état de droit libéral est impuissant face aux crises qu'il génère. La république est à bout de souffle. Et pour le juriste, il n'y a qu'une seule solution. Il faut... instaurer l'état d'exception, c'est-à-dire suspendre la loi. En effet, pour lui, le pouvoir ne doit pas rester prisonnier du cadre légal. Le souverain doit être le décideur suprême. Il doit pouvoir se placer au-dessus de la loi quand les temps l'exigent. Cette toute-puissance est une nécessité politique. Seule une attitude autoritaire pourra sauver le pays de la ruine communiste. Vous vous en doutez peut-être, mais Schmitt s'est rallié au parti nazi dès 1933. Il s'est positionné comme le juriste du Reich, et il a cherché à légitimer le pouvoir absolu de Hitler et sa pratique de l'état d'exception. Pour Schmitt, l'état d'exception garantit l'ordre quand vient le chaos. Il est le seul recours pour sauver le pays. La décision du souverain... doit alors l'emporter sur le strict respect du droit et le pouvoir exécutif rester supérieur au pouvoir législatif. Évidemment, Schmitt ne précise jamais les circonstances qui requièrent l'état d'exception. C'est au dirigeant de déterminer si la situation l'exige ou non, de manière forcément arbitraire. Comme le dit Schmitt, « est souverain celui qui décide de la situation exceptionnelle » . Cette phrase est très importante, car elle contient toute une conception du pouvoir. Le souverain est celui qui décide, il est au-dessus du droit. C'est le dirigeant qui détermine quand le droit s'applique et quand il ne s'applique pas. Cela contraste avec une conception légaliste du pouvoir dans laquelle on considère que le souverain est toujours encadré par le droit. Or, savez-vous qui est un grand fan de Carl Schmitt ? Bingo, Emmanuel Macron. En 2017, il aurait même cité cette fameuse phrase Et souverain celui qui décide de la situation exceptionnelle, à l'avocat Harier Halimi, qui le mettait en garde contre les dérives de l'état d'urgence et de l'état d'exception. Et vous savez quoi ? Il lui a même cité la phrase en allemand, glaçant. Tout cela signifie donc, et on l'avait d'ailleurs remarqué, qu'Emmanuel Macron a une conception autoritariste et verticale du pouvoir. En s'inscrivant dans la postérité de Karl Schmitt, il suggère qu'il se considère au-dessus des lois et qu'il n'hésiterait pas à faire usage de l'état d'exception, si cela se présentait. Alors, est-ce qu'il pourrait y avoir une suspension de l'état de droit, comme en Allemagne en 1933 ? Emmanuel Macron pourrait-il faire usage de l'article 16 et décréter l'état d'exception ? Difficile à dire. Ou bien, vivons-nous déjà ? dans un état d'exception ? C'est la théorie d'un autre philosophe, Giorgio Agamben. Celui-ci remarque que l'état d'exception a changé de visage depuis Carl Schmitt. Il n'y a plus de suspension générale du droit et du régime politique dans des situations extraordinaires. L'état d'exception est plutôt devenu permanent. C'est désormais une technique de gouvernement. Qu'est-ce que cela signifie ? Aujourd'hui, les États brandissent des menaces. Le terrorisme, la pandémie de Covid... ou des drones russes, pour déclarer l'état d'urgence de manière quasi permanente. Agamben explique que le pouvoir contemporain construit sa légitimité en proclamant sans cesse l'état d'exception, en affirmant qu'il est le seul rempart contre un ennemi, extérieur ou intérieur, réel ou fantasmé. Dans ce cadre, le pouvoir a besoin du chaos afin d'éliminer cet adversaire politique et de maîtriser les populations qui lui échappaient jusqu'alors. Autrement dit, L'état d'exception est devenu la norme, une technique de pouvoir parmi d'autres. Et pour se consolider, l'état d'exception prétend rester dans le cadre légal. L'état d'urgence est censé être encadré par des lois et des instances comme le Conseil d'État ou le Conseil constitutionnel. Le problème, c'est que les termes de la Constitution sont tellement flous et mal définis que c'est encore la décision du souverain qui prime. Pour en revenir à l'article 16, Comment définir ce que serait une menace grave et immédiate ? Et que penser d'instances, comme le Conseil constitutionnel, qui sont aujourd'hui dirigées par des ultra-proches du Président de la République ? Tout cela conduit à rendre la frontière entre la norme et l'exception de plus en plus floue, et donc à renforcer la toute-puissance du souverain. L'état d'exception permanent... C'est ce qui caractérise la politique contemporaine dans les démocraties occidentales. En France, il n'y a qu'à voir ce qui s'est passé depuis 2015. Les attentats du 13 novembre ont conduit à la mise en place de l'état d'urgence et quand celui-ci a été levé en 2017, les mesures qui avaient été prises dans ces circonstances exceptionnelles ont été pérennisées dans le droit ordinaire. Autrement dit, l'exception est bel et bien devenue la norme et la toute-puissance de l'État n'a fait que s'accroître. Le schéma s'est répété lors de l'état d'urgence sanitaire en 2020. D'ailleurs, comme le précise Agamben, il n'est même pas nécessaire que l'état d'urgence soit officiellement décrété. Il suffit que la menace et la peur soient suffisamment mises en avant. En France, on assiste ainsi à une multiplication des lois sécuritaires depuis l'arrivée au pouvoir d'Emmanuel Macron. Dérive du maintien de l'ordre, restriction des libertés publiques comme des interdictions de manifester, dissolution d'associations jugées trop subversives, la Ligue des droits de l'homme dénonce ainsi un décrochage démocratique en France depuis 2017. L'état d'exception permanent reconfigure nos systèmes politiques. Il n'est plus une parenthèse isolée, mais la condition de base du politique qui conduit irrémédiablement à une baisse des libertés. Petit à petit, l'état d'urgence contamine l'état de droit. Alors, que faut-il craindre pour notre actualité politique ? En alimentant le chaos, en refusant tout compromis ou toute concession, En distillant l'idée qu'il y aurait des ennemis et des menaces intérieures, Emmanuel Macron laisse croire que l'état d'exception serait inévitable, souhaitable, nécessaire face à une guerre civile. Ce faisant, il accroît son pouvoir, se place au-dessus des lois, dans une conception autoritariste et verticale de la souveraineté version Carl Schmitt. De plus en plus isolé, de plus en plus contesté, il semble aujourd'hui contraint à la dissolution ou à la démission s'il ne tombe pas dans la folie autocratique. Soit en jouant avec le feu et en mettant le RN au pouvoir, soit en s'arrogeant lui-même les pleins pouvoirs. Ce qui n'est pas à exclure de la part d'un président qui se félicitait l'année dernière d'avoir balancé une grenade dégoupillée sur le monde politique. Il reste encore une porte de sortie. Emmanuel Macron pourrait acter la crise de régime et convoquer une assemblée constituante pour écrire une nouvelle constitution pour une sixième république. À mon avis, ce serait le meilleur choix pour lui. puisque cela lui permettrait de sortir la tête haute de cette crise et de marquer l'histoire conformément à son rêve. Mais là encore, ça paraît peu probable, car il verrait sans doute cela comme un échec et il ne pourrait pas supporter d'être le président qui a fait échouer la République de Charles de Gaulle. Difficile de prédire ce qui va advenir de la Ve République. Si Emmanuel Macron s'obstine, il faudra sans doute aller jusqu'au processus de destitution. Ce qui est certain, en tout cas, C'est que cette énième crise renforce un peu plus l'état d'exception permanent et que, chemin faisant, c'est la démocratie qui s'en trouve un peu plus affaiblie. Jusqu'à peut-être disparaître totalement derrière l'état d'exception. C'est la fin de cet épisode. On se retrouve très vite pour un nouvel épisode du Fil d'Actu. En attendant, pour des infos exclusives et parfois des petites blagues, vous pouvez me suivre sur Instagram sur mon compte Alice de Rochechouart. Et un grand merci à toutes celles et ceux qui, grâce à leurs dons, me permettent de continuer sereinement le podcast. Un grand merci à Elodie, Alix, Bruno, Alexandre, Étienne, Barthélémy, Romain, Aurélie, Claire, Denis, Nicolas, Franck, Béatrice, Gauthier, Florence, Bastien, Florian, Tristan, Mathieu, Clément, Cédric, Laurent, Olivier. Agathe, Vincent, Antoine, Mathilde, Odile, Stéphanie, Julia, Lucille. Vous aussi, vous pouvez rejoindre l'aventure du fil d'actu. Merci et à très vite !

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Le chaos. Avec la démission de Sébastien Lecornu 12h après avoir nommé son gouvernement, la crise politique s’intensifie. Difficile de prédire la suite, tant la situation est tendue et Emmanuel Macron imprévisible. Ce qui est sûr, c’est que les circonstances politiques, depuis un an et demi, semblent extraordinaires ; d’aucuns parlent même d’"état d’exception". Que signifie cette expression, en quoi éclaire-t-elle la situation actuelle ? On en parle avec les philosophes Carl Schmitt et Giorgio Agamben.


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    Le chaos. Avec la démission de Sébastien Lecornu, 12 heures après avoir nommé son gouvernement, la crise politique s'intensifie. Difficile de prédire la suite, tant la situation est tendue et Emmanuel Macron imprévisible. Ce qui est sûr, c'est que les circonstances politiques, depuis un an et demi, semblent extraordinaires. D'aucuns parlent même d'état d'exception. Que signifie cette expression et en quoi éclaire-t-elle la situation actuelle ? On en parle avec les philosophes Karl Schmitt et Giorgio Agamben. Je suis Alice de Rochechouart et vous écoutez le Fil d'Actu, le podcast engagé qui met la philosophie au cœur de l'actualité. Ce podcast est totalement indépendant et il ne survit que grâce à vos dons. Alors si vous voulez soutenir mon travail, vous pouvez faire un don en cliquant sur la page indiquée en description. Et bien sûr, vous pouvez aussi acheter mon livre « Privilèges » aux éditions J.C. Lattès. Merci pour votre soutien. La France s'enfonce dans la crise. Alors qu'il avait mis presque un mois pour nommer son gouvernement, Sébastien Lecornu a démissionné immédiatement après. Et dès lundi matin, il a fustigé les égaux et les ambitions politiques des uns et des autres qui auraient rendu son mandat de Premier ministre impossible. Emmanuel Macron l'a maintenant chargé de mener d'ultimes négociations avec les différentes forces politiques pour définir une plateforme d'action et de stabilité pour le pays. Il a jusqu'à ce soir, mercredi. En cas d'échec, qui semble probable, le président de la République a annoncé qu'il prendrait ses responsabilités. Sans qu'on sache très bien ce que cela signifie. Pendant ce temps, face au chaos, les rats quittent le navire et les oppositions se repaissent des charognes. Gabriel Attal a désavoué Emmanuel Macron et dénoncé une forme d'acharnement à garder la main. Edouard Philippe a appelé à des élections présidentielles anticipées. Le RN a annoncé qu'il censurerait tous les gouvernements jusqu'à une dissolution. Le PS ne renonce pas à ses ambitions de devenir Premier ministre, mais sans la France insoumise, qui réclame elle aussi la démission d'Emmanuel Macron. Alors, que va-t-il se passer ? Macron est-il échec et mat ? Ou a-t-il une stratégie bien ficelée ? Plusieurs scénarios semblent aujourd'hui possibles. Une démission d'Emmanuel Macron ? Son arrogance et son goût du pouvoir la rendent peu probable. Une nomination d'un énième Premier ministre macroniste ? On ne voit plus très bien qui il reste dans son camp. La nomination d'un Bruno Retailleau en tant que Premier ministre ? Ça c'est très possible. Mais il risque de s'aliéner une grande partie de son camp politique, déjà bien divisé. Un Premier ministre de gauche ? Cela paraît impensable tant Macron semble allergique à la gauche. Il pourrait aussi y avoir une nouvelle dissolution comme l'année dernière. Et cette fois-ci, on peut craindre qu'il n'y ait ni Union des Gauches, ni Front républicain. De quoi construire un boulevard pour le Rassemblement national. Mais comme on nous l'a confirmé récemment, cela ne dérangerait pas forcément Emmanuel Macron. En 2024, il aurait même souhaité une victoire du RN pour que ceux-ci se cassent les dents au pouvoir. Un pari très risqué. Il y a encore une possibilité qui est la plus inquiétante. C'est celle de l'utilisation de l'article 16 de la Constitution qui confère les pleins pouvoirs au président si les institutions de la République sont menacées d'une manière grave et immédiate et que le fonctionnement des pouvoirs publics est interrompu. Même si les conditions ne semblent pas réunies de prime abord, la formulation est tellement vague que cela n'arrêterait sans doute pas Emmanuel Macron, qui a déjà montré l'année dernière qu'il ne s'embarrassait pas beaucoup de la démocratie. Beaucoup de spéculation donc, mais une certitude, le chaos politique dans lequel Emmanuel Macron a plongé la France est la porte ouverte à tous les abus de pouvoir et à la mise en place d'un état d'exception. C'est au juriste et philosophe allemand Karl Schmitt qu'on doit d'avoir théorisé l'état d'exception. Dans les années 1920, L'Allemagne est en crise. La jeune république de Weimar est chancelante face aux oppositions politiques, à la crise économique et à la montée du nationalisme et du communisme. Pour Karl Schmitt, ultra-conservateur, cette république est bien trop faible. Elle est incapable de résister à l'ascension de l'extrême gauche. L'état de droit libéral est impuissant face aux crises qu'il génère. La république est à bout de souffle. Et pour le juriste, il n'y a qu'une seule solution. Il faut... instaurer l'état d'exception, c'est-à-dire suspendre la loi. En effet, pour lui, le pouvoir ne doit pas rester prisonnier du cadre légal. Le souverain doit être le décideur suprême. Il doit pouvoir se placer au-dessus de la loi quand les temps l'exigent. Cette toute-puissance est une nécessité politique. Seule une attitude autoritaire pourra sauver le pays de la ruine communiste. Vous vous en doutez peut-être, mais Schmitt s'est rallié au parti nazi dès 1933. Il s'est positionné comme le juriste du Reich, et il a cherché à légitimer le pouvoir absolu de Hitler et sa pratique de l'état d'exception. Pour Schmitt, l'état d'exception garantit l'ordre quand vient le chaos. Il est le seul recours pour sauver le pays. La décision du souverain... doit alors l'emporter sur le strict respect du droit et le pouvoir exécutif rester supérieur au pouvoir législatif. Évidemment, Schmitt ne précise jamais les circonstances qui requièrent l'état d'exception. C'est au dirigeant de déterminer si la situation l'exige ou non, de manière forcément arbitraire. Comme le dit Schmitt, « est souverain celui qui décide de la situation exceptionnelle » . Cette phrase est très importante, car elle contient toute une conception du pouvoir. Le souverain est celui qui décide, il est au-dessus du droit. C'est le dirigeant qui détermine quand le droit s'applique et quand il ne s'applique pas. Cela contraste avec une conception légaliste du pouvoir dans laquelle on considère que le souverain est toujours encadré par le droit. Or, savez-vous qui est un grand fan de Carl Schmitt ? Bingo, Emmanuel Macron. En 2017, il aurait même cité cette fameuse phrase Et souverain celui qui décide de la situation exceptionnelle, à l'avocat Harier Halimi, qui le mettait en garde contre les dérives de l'état d'urgence et de l'état d'exception. Et vous savez quoi ? Il lui a même cité la phrase en allemand, glaçant. Tout cela signifie donc, et on l'avait d'ailleurs remarqué, qu'Emmanuel Macron a une conception autoritariste et verticale du pouvoir. En s'inscrivant dans la postérité de Karl Schmitt, il suggère qu'il se considère au-dessus des lois et qu'il n'hésiterait pas à faire usage de l'état d'exception, si cela se présentait. Alors, est-ce qu'il pourrait y avoir une suspension de l'état de droit, comme en Allemagne en 1933 ? Emmanuel Macron pourrait-il faire usage de l'article 16 et décréter l'état d'exception ? Difficile à dire. Ou bien, vivons-nous déjà ? dans un état d'exception ? C'est la théorie d'un autre philosophe, Giorgio Agamben. Celui-ci remarque que l'état d'exception a changé de visage depuis Carl Schmitt. Il n'y a plus de suspension générale du droit et du régime politique dans des situations extraordinaires. L'état d'exception est plutôt devenu permanent. C'est désormais une technique de gouvernement. Qu'est-ce que cela signifie ? Aujourd'hui, les États brandissent des menaces. Le terrorisme, la pandémie de Covid... ou des drones russes, pour déclarer l'état d'urgence de manière quasi permanente. Agamben explique que le pouvoir contemporain construit sa légitimité en proclamant sans cesse l'état d'exception, en affirmant qu'il est le seul rempart contre un ennemi, extérieur ou intérieur, réel ou fantasmé. Dans ce cadre, le pouvoir a besoin du chaos afin d'éliminer cet adversaire politique et de maîtriser les populations qui lui échappaient jusqu'alors. Autrement dit, L'état d'exception est devenu la norme, une technique de pouvoir parmi d'autres. Et pour se consolider, l'état d'exception prétend rester dans le cadre légal. L'état d'urgence est censé être encadré par des lois et des instances comme le Conseil d'État ou le Conseil constitutionnel. Le problème, c'est que les termes de la Constitution sont tellement flous et mal définis que c'est encore la décision du souverain qui prime. Pour en revenir à l'article 16, Comment définir ce que serait une menace grave et immédiate ? Et que penser d'instances, comme le Conseil constitutionnel, qui sont aujourd'hui dirigées par des ultra-proches du Président de la République ? Tout cela conduit à rendre la frontière entre la norme et l'exception de plus en plus floue, et donc à renforcer la toute-puissance du souverain. L'état d'exception permanent... C'est ce qui caractérise la politique contemporaine dans les démocraties occidentales. En France, il n'y a qu'à voir ce qui s'est passé depuis 2015. Les attentats du 13 novembre ont conduit à la mise en place de l'état d'urgence et quand celui-ci a été levé en 2017, les mesures qui avaient été prises dans ces circonstances exceptionnelles ont été pérennisées dans le droit ordinaire. Autrement dit, l'exception est bel et bien devenue la norme et la toute-puissance de l'État n'a fait que s'accroître. Le schéma s'est répété lors de l'état d'urgence sanitaire en 2020. D'ailleurs, comme le précise Agamben, il n'est même pas nécessaire que l'état d'urgence soit officiellement décrété. Il suffit que la menace et la peur soient suffisamment mises en avant. En France, on assiste ainsi à une multiplication des lois sécuritaires depuis l'arrivée au pouvoir d'Emmanuel Macron. Dérive du maintien de l'ordre, restriction des libertés publiques comme des interdictions de manifester, dissolution d'associations jugées trop subversives, la Ligue des droits de l'homme dénonce ainsi un décrochage démocratique en France depuis 2017. L'état d'exception permanent reconfigure nos systèmes politiques. Il n'est plus une parenthèse isolée, mais la condition de base du politique qui conduit irrémédiablement à une baisse des libertés. Petit à petit, l'état d'urgence contamine l'état de droit. Alors, que faut-il craindre pour notre actualité politique ? En alimentant le chaos, en refusant tout compromis ou toute concession, En distillant l'idée qu'il y aurait des ennemis et des menaces intérieures, Emmanuel Macron laisse croire que l'état d'exception serait inévitable, souhaitable, nécessaire face à une guerre civile. Ce faisant, il accroît son pouvoir, se place au-dessus des lois, dans une conception autoritariste et verticale de la souveraineté version Carl Schmitt. De plus en plus isolé, de plus en plus contesté, il semble aujourd'hui contraint à la dissolution ou à la démission s'il ne tombe pas dans la folie autocratique. Soit en jouant avec le feu et en mettant le RN au pouvoir, soit en s'arrogeant lui-même les pleins pouvoirs. Ce qui n'est pas à exclure de la part d'un président qui se félicitait l'année dernière d'avoir balancé une grenade dégoupillée sur le monde politique. Il reste encore une porte de sortie. Emmanuel Macron pourrait acter la crise de régime et convoquer une assemblée constituante pour écrire une nouvelle constitution pour une sixième république. À mon avis, ce serait le meilleur choix pour lui. puisque cela lui permettrait de sortir la tête haute de cette crise et de marquer l'histoire conformément à son rêve. Mais là encore, ça paraît peu probable, car il verrait sans doute cela comme un échec et il ne pourrait pas supporter d'être le président qui a fait échouer la République de Charles de Gaulle. Difficile de prédire ce qui va advenir de la Ve République. Si Emmanuel Macron s'obstine, il faudra sans doute aller jusqu'au processus de destitution. Ce qui est certain, en tout cas, C'est que cette énième crise renforce un peu plus l'état d'exception permanent et que, chemin faisant, c'est la démocratie qui s'en trouve un peu plus affaiblie. Jusqu'à peut-être disparaître totalement derrière l'état d'exception. C'est la fin de cet épisode. On se retrouve très vite pour un nouvel épisode du Fil d'Actu. En attendant, pour des infos exclusives et parfois des petites blagues, vous pouvez me suivre sur Instagram sur mon compte Alice de Rochechouart. Et un grand merci à toutes celles et ceux qui, grâce à leurs dons, me permettent de continuer sereinement le podcast. Un grand merci à Elodie, Alix, Bruno, Alexandre, Étienne, Barthélémy, Romain, Aurélie, Claire, Denis, Nicolas, Franck, Béatrice, Gauthier, Florence, Bastien, Florian, Tristan, Mathieu, Clément, Cédric, Laurent, Olivier. Agathe, Vincent, Antoine, Mathilde, Odile, Stéphanie, Julia, Lucille. Vous aussi, vous pouvez rejoindre l'aventure du fil d'actu. Merci et à très vite !

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Le chaos. Avec la démission de Sébastien Lecornu 12h après avoir nommé son gouvernement, la crise politique s’intensifie. Difficile de prédire la suite, tant la situation est tendue et Emmanuel Macron imprévisible. Ce qui est sûr, c’est que les circonstances politiques, depuis un an et demi, semblent extraordinaires ; d’aucuns parlent même d’"état d’exception". Que signifie cette expression, en quoi éclaire-t-elle la situation actuelle ? On en parle avec les philosophes Carl Schmitt et Giorgio Agamben.


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    Le chaos. Avec la démission de Sébastien Lecornu, 12 heures après avoir nommé son gouvernement, la crise politique s'intensifie. Difficile de prédire la suite, tant la situation est tendue et Emmanuel Macron imprévisible. Ce qui est sûr, c'est que les circonstances politiques, depuis un an et demi, semblent extraordinaires. D'aucuns parlent même d'état d'exception. Que signifie cette expression et en quoi éclaire-t-elle la situation actuelle ? On en parle avec les philosophes Karl Schmitt et Giorgio Agamben. Je suis Alice de Rochechouart et vous écoutez le Fil d'Actu, le podcast engagé qui met la philosophie au cœur de l'actualité. Ce podcast est totalement indépendant et il ne survit que grâce à vos dons. Alors si vous voulez soutenir mon travail, vous pouvez faire un don en cliquant sur la page indiquée en description. Et bien sûr, vous pouvez aussi acheter mon livre « Privilèges » aux éditions J.C. Lattès. Merci pour votre soutien. La France s'enfonce dans la crise. Alors qu'il avait mis presque un mois pour nommer son gouvernement, Sébastien Lecornu a démissionné immédiatement après. Et dès lundi matin, il a fustigé les égaux et les ambitions politiques des uns et des autres qui auraient rendu son mandat de Premier ministre impossible. Emmanuel Macron l'a maintenant chargé de mener d'ultimes négociations avec les différentes forces politiques pour définir une plateforme d'action et de stabilité pour le pays. Il a jusqu'à ce soir, mercredi. En cas d'échec, qui semble probable, le président de la République a annoncé qu'il prendrait ses responsabilités. Sans qu'on sache très bien ce que cela signifie. Pendant ce temps, face au chaos, les rats quittent le navire et les oppositions se repaissent des charognes. Gabriel Attal a désavoué Emmanuel Macron et dénoncé une forme d'acharnement à garder la main. Edouard Philippe a appelé à des élections présidentielles anticipées. Le RN a annoncé qu'il censurerait tous les gouvernements jusqu'à une dissolution. Le PS ne renonce pas à ses ambitions de devenir Premier ministre, mais sans la France insoumise, qui réclame elle aussi la démission d'Emmanuel Macron. Alors, que va-t-il se passer ? Macron est-il échec et mat ? Ou a-t-il une stratégie bien ficelée ? Plusieurs scénarios semblent aujourd'hui possibles. Une démission d'Emmanuel Macron ? Son arrogance et son goût du pouvoir la rendent peu probable. Une nomination d'un énième Premier ministre macroniste ? On ne voit plus très bien qui il reste dans son camp. La nomination d'un Bruno Retailleau en tant que Premier ministre ? Ça c'est très possible. Mais il risque de s'aliéner une grande partie de son camp politique, déjà bien divisé. Un Premier ministre de gauche ? Cela paraît impensable tant Macron semble allergique à la gauche. Il pourrait aussi y avoir une nouvelle dissolution comme l'année dernière. Et cette fois-ci, on peut craindre qu'il n'y ait ni Union des Gauches, ni Front républicain. De quoi construire un boulevard pour le Rassemblement national. Mais comme on nous l'a confirmé récemment, cela ne dérangerait pas forcément Emmanuel Macron. En 2024, il aurait même souhaité une victoire du RN pour que ceux-ci se cassent les dents au pouvoir. Un pari très risqué. Il y a encore une possibilité qui est la plus inquiétante. C'est celle de l'utilisation de l'article 16 de la Constitution qui confère les pleins pouvoirs au président si les institutions de la République sont menacées d'une manière grave et immédiate et que le fonctionnement des pouvoirs publics est interrompu. Même si les conditions ne semblent pas réunies de prime abord, la formulation est tellement vague que cela n'arrêterait sans doute pas Emmanuel Macron, qui a déjà montré l'année dernière qu'il ne s'embarrassait pas beaucoup de la démocratie. Beaucoup de spéculation donc, mais une certitude, le chaos politique dans lequel Emmanuel Macron a plongé la France est la porte ouverte à tous les abus de pouvoir et à la mise en place d'un état d'exception. C'est au juriste et philosophe allemand Karl Schmitt qu'on doit d'avoir théorisé l'état d'exception. Dans les années 1920, L'Allemagne est en crise. La jeune république de Weimar est chancelante face aux oppositions politiques, à la crise économique et à la montée du nationalisme et du communisme. Pour Karl Schmitt, ultra-conservateur, cette république est bien trop faible. Elle est incapable de résister à l'ascension de l'extrême gauche. L'état de droit libéral est impuissant face aux crises qu'il génère. La république est à bout de souffle. Et pour le juriste, il n'y a qu'une seule solution. Il faut... instaurer l'état d'exception, c'est-à-dire suspendre la loi. En effet, pour lui, le pouvoir ne doit pas rester prisonnier du cadre légal. Le souverain doit être le décideur suprême. Il doit pouvoir se placer au-dessus de la loi quand les temps l'exigent. Cette toute-puissance est une nécessité politique. Seule une attitude autoritaire pourra sauver le pays de la ruine communiste. Vous vous en doutez peut-être, mais Schmitt s'est rallié au parti nazi dès 1933. Il s'est positionné comme le juriste du Reich, et il a cherché à légitimer le pouvoir absolu de Hitler et sa pratique de l'état d'exception. Pour Schmitt, l'état d'exception garantit l'ordre quand vient le chaos. Il est le seul recours pour sauver le pays. La décision du souverain... doit alors l'emporter sur le strict respect du droit et le pouvoir exécutif rester supérieur au pouvoir législatif. Évidemment, Schmitt ne précise jamais les circonstances qui requièrent l'état d'exception. C'est au dirigeant de déterminer si la situation l'exige ou non, de manière forcément arbitraire. Comme le dit Schmitt, « est souverain celui qui décide de la situation exceptionnelle » . Cette phrase est très importante, car elle contient toute une conception du pouvoir. Le souverain est celui qui décide, il est au-dessus du droit. C'est le dirigeant qui détermine quand le droit s'applique et quand il ne s'applique pas. Cela contraste avec une conception légaliste du pouvoir dans laquelle on considère que le souverain est toujours encadré par le droit. Or, savez-vous qui est un grand fan de Carl Schmitt ? Bingo, Emmanuel Macron. En 2017, il aurait même cité cette fameuse phrase Et souverain celui qui décide de la situation exceptionnelle, à l'avocat Harier Halimi, qui le mettait en garde contre les dérives de l'état d'urgence et de l'état d'exception. Et vous savez quoi ? Il lui a même cité la phrase en allemand, glaçant. Tout cela signifie donc, et on l'avait d'ailleurs remarqué, qu'Emmanuel Macron a une conception autoritariste et verticale du pouvoir. En s'inscrivant dans la postérité de Karl Schmitt, il suggère qu'il se considère au-dessus des lois et qu'il n'hésiterait pas à faire usage de l'état d'exception, si cela se présentait. Alors, est-ce qu'il pourrait y avoir une suspension de l'état de droit, comme en Allemagne en 1933 ? Emmanuel Macron pourrait-il faire usage de l'article 16 et décréter l'état d'exception ? Difficile à dire. Ou bien, vivons-nous déjà ? dans un état d'exception ? C'est la théorie d'un autre philosophe, Giorgio Agamben. Celui-ci remarque que l'état d'exception a changé de visage depuis Carl Schmitt. Il n'y a plus de suspension générale du droit et du régime politique dans des situations extraordinaires. L'état d'exception est plutôt devenu permanent. C'est désormais une technique de gouvernement. Qu'est-ce que cela signifie ? Aujourd'hui, les États brandissent des menaces. Le terrorisme, la pandémie de Covid... ou des drones russes, pour déclarer l'état d'urgence de manière quasi permanente. Agamben explique que le pouvoir contemporain construit sa légitimité en proclamant sans cesse l'état d'exception, en affirmant qu'il est le seul rempart contre un ennemi, extérieur ou intérieur, réel ou fantasmé. Dans ce cadre, le pouvoir a besoin du chaos afin d'éliminer cet adversaire politique et de maîtriser les populations qui lui échappaient jusqu'alors. Autrement dit, L'état d'exception est devenu la norme, une technique de pouvoir parmi d'autres. Et pour se consolider, l'état d'exception prétend rester dans le cadre légal. L'état d'urgence est censé être encadré par des lois et des instances comme le Conseil d'État ou le Conseil constitutionnel. Le problème, c'est que les termes de la Constitution sont tellement flous et mal définis que c'est encore la décision du souverain qui prime. Pour en revenir à l'article 16, Comment définir ce que serait une menace grave et immédiate ? Et que penser d'instances, comme le Conseil constitutionnel, qui sont aujourd'hui dirigées par des ultra-proches du Président de la République ? Tout cela conduit à rendre la frontière entre la norme et l'exception de plus en plus floue, et donc à renforcer la toute-puissance du souverain. L'état d'exception permanent... C'est ce qui caractérise la politique contemporaine dans les démocraties occidentales. En France, il n'y a qu'à voir ce qui s'est passé depuis 2015. Les attentats du 13 novembre ont conduit à la mise en place de l'état d'urgence et quand celui-ci a été levé en 2017, les mesures qui avaient été prises dans ces circonstances exceptionnelles ont été pérennisées dans le droit ordinaire. Autrement dit, l'exception est bel et bien devenue la norme et la toute-puissance de l'État n'a fait que s'accroître. Le schéma s'est répété lors de l'état d'urgence sanitaire en 2020. D'ailleurs, comme le précise Agamben, il n'est même pas nécessaire que l'état d'urgence soit officiellement décrété. Il suffit que la menace et la peur soient suffisamment mises en avant. En France, on assiste ainsi à une multiplication des lois sécuritaires depuis l'arrivée au pouvoir d'Emmanuel Macron. Dérive du maintien de l'ordre, restriction des libertés publiques comme des interdictions de manifester, dissolution d'associations jugées trop subversives, la Ligue des droits de l'homme dénonce ainsi un décrochage démocratique en France depuis 2017. L'état d'exception permanent reconfigure nos systèmes politiques. Il n'est plus une parenthèse isolée, mais la condition de base du politique qui conduit irrémédiablement à une baisse des libertés. Petit à petit, l'état d'urgence contamine l'état de droit. Alors, que faut-il craindre pour notre actualité politique ? En alimentant le chaos, en refusant tout compromis ou toute concession, En distillant l'idée qu'il y aurait des ennemis et des menaces intérieures, Emmanuel Macron laisse croire que l'état d'exception serait inévitable, souhaitable, nécessaire face à une guerre civile. Ce faisant, il accroît son pouvoir, se place au-dessus des lois, dans une conception autoritariste et verticale de la souveraineté version Carl Schmitt. De plus en plus isolé, de plus en plus contesté, il semble aujourd'hui contraint à la dissolution ou à la démission s'il ne tombe pas dans la folie autocratique. Soit en jouant avec le feu et en mettant le RN au pouvoir, soit en s'arrogeant lui-même les pleins pouvoirs. Ce qui n'est pas à exclure de la part d'un président qui se félicitait l'année dernière d'avoir balancé une grenade dégoupillée sur le monde politique. Il reste encore une porte de sortie. Emmanuel Macron pourrait acter la crise de régime et convoquer une assemblée constituante pour écrire une nouvelle constitution pour une sixième république. À mon avis, ce serait le meilleur choix pour lui. puisque cela lui permettrait de sortir la tête haute de cette crise et de marquer l'histoire conformément à son rêve. Mais là encore, ça paraît peu probable, car il verrait sans doute cela comme un échec et il ne pourrait pas supporter d'être le président qui a fait échouer la République de Charles de Gaulle. Difficile de prédire ce qui va advenir de la Ve République. Si Emmanuel Macron s'obstine, il faudra sans doute aller jusqu'au processus de destitution. Ce qui est certain, en tout cas, C'est que cette énième crise renforce un peu plus l'état d'exception permanent et que, chemin faisant, c'est la démocratie qui s'en trouve un peu plus affaiblie. Jusqu'à peut-être disparaître totalement derrière l'état d'exception. C'est la fin de cet épisode. On se retrouve très vite pour un nouvel épisode du Fil d'Actu. En attendant, pour des infos exclusives et parfois des petites blagues, vous pouvez me suivre sur Instagram sur mon compte Alice de Rochechouart. Et un grand merci à toutes celles et ceux qui, grâce à leurs dons, me permettent de continuer sereinement le podcast. Un grand merci à Elodie, Alix, Bruno, Alexandre, Étienne, Barthélémy, Romain, Aurélie, Claire, Denis, Nicolas, Franck, Béatrice, Gauthier, Florence, Bastien, Florian, Tristan, Mathieu, Clément, Cédric, Laurent, Olivier. Agathe, Vincent, Antoine, Mathilde, Odile, Stéphanie, Julia, Lucille. Vous aussi, vous pouvez rejoindre l'aventure du fil d'actu. Merci et à très vite !

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Le chaos. Avec la démission de Sébastien Lecornu 12h après avoir nommé son gouvernement, la crise politique s’intensifie. Difficile de prédire la suite, tant la situation est tendue et Emmanuel Macron imprévisible. Ce qui est sûr, c’est que les circonstances politiques, depuis un an et demi, semblent extraordinaires ; d’aucuns parlent même d’"état d’exception". Que signifie cette expression, en quoi éclaire-t-elle la situation actuelle ? On en parle avec les philosophes Carl Schmitt et Giorgio Agamben.


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    Le chaos. Avec la démission de Sébastien Lecornu, 12 heures après avoir nommé son gouvernement, la crise politique s'intensifie. Difficile de prédire la suite, tant la situation est tendue et Emmanuel Macron imprévisible. Ce qui est sûr, c'est que les circonstances politiques, depuis un an et demi, semblent extraordinaires. D'aucuns parlent même d'état d'exception. Que signifie cette expression et en quoi éclaire-t-elle la situation actuelle ? On en parle avec les philosophes Karl Schmitt et Giorgio Agamben. Je suis Alice de Rochechouart et vous écoutez le Fil d'Actu, le podcast engagé qui met la philosophie au cœur de l'actualité. Ce podcast est totalement indépendant et il ne survit que grâce à vos dons. Alors si vous voulez soutenir mon travail, vous pouvez faire un don en cliquant sur la page indiquée en description. Et bien sûr, vous pouvez aussi acheter mon livre « Privilèges » aux éditions J.C. Lattès. Merci pour votre soutien. La France s'enfonce dans la crise. Alors qu'il avait mis presque un mois pour nommer son gouvernement, Sébastien Lecornu a démissionné immédiatement après. Et dès lundi matin, il a fustigé les égaux et les ambitions politiques des uns et des autres qui auraient rendu son mandat de Premier ministre impossible. Emmanuel Macron l'a maintenant chargé de mener d'ultimes négociations avec les différentes forces politiques pour définir une plateforme d'action et de stabilité pour le pays. Il a jusqu'à ce soir, mercredi. En cas d'échec, qui semble probable, le président de la République a annoncé qu'il prendrait ses responsabilités. Sans qu'on sache très bien ce que cela signifie. Pendant ce temps, face au chaos, les rats quittent le navire et les oppositions se repaissent des charognes. Gabriel Attal a désavoué Emmanuel Macron et dénoncé une forme d'acharnement à garder la main. Edouard Philippe a appelé à des élections présidentielles anticipées. Le RN a annoncé qu'il censurerait tous les gouvernements jusqu'à une dissolution. Le PS ne renonce pas à ses ambitions de devenir Premier ministre, mais sans la France insoumise, qui réclame elle aussi la démission d'Emmanuel Macron. Alors, que va-t-il se passer ? Macron est-il échec et mat ? Ou a-t-il une stratégie bien ficelée ? Plusieurs scénarios semblent aujourd'hui possibles. Une démission d'Emmanuel Macron ? Son arrogance et son goût du pouvoir la rendent peu probable. Une nomination d'un énième Premier ministre macroniste ? On ne voit plus très bien qui il reste dans son camp. La nomination d'un Bruno Retailleau en tant que Premier ministre ? Ça c'est très possible. Mais il risque de s'aliéner une grande partie de son camp politique, déjà bien divisé. Un Premier ministre de gauche ? Cela paraît impensable tant Macron semble allergique à la gauche. Il pourrait aussi y avoir une nouvelle dissolution comme l'année dernière. Et cette fois-ci, on peut craindre qu'il n'y ait ni Union des Gauches, ni Front républicain. De quoi construire un boulevard pour le Rassemblement national. Mais comme on nous l'a confirmé récemment, cela ne dérangerait pas forcément Emmanuel Macron. En 2024, il aurait même souhaité une victoire du RN pour que ceux-ci se cassent les dents au pouvoir. Un pari très risqué. Il y a encore une possibilité qui est la plus inquiétante. C'est celle de l'utilisation de l'article 16 de la Constitution qui confère les pleins pouvoirs au président si les institutions de la République sont menacées d'une manière grave et immédiate et que le fonctionnement des pouvoirs publics est interrompu. Même si les conditions ne semblent pas réunies de prime abord, la formulation est tellement vague que cela n'arrêterait sans doute pas Emmanuel Macron, qui a déjà montré l'année dernière qu'il ne s'embarrassait pas beaucoup de la démocratie. Beaucoup de spéculation donc, mais une certitude, le chaos politique dans lequel Emmanuel Macron a plongé la France est la porte ouverte à tous les abus de pouvoir et à la mise en place d'un état d'exception. C'est au juriste et philosophe allemand Karl Schmitt qu'on doit d'avoir théorisé l'état d'exception. Dans les années 1920, L'Allemagne est en crise. La jeune république de Weimar est chancelante face aux oppositions politiques, à la crise économique et à la montée du nationalisme et du communisme. Pour Karl Schmitt, ultra-conservateur, cette république est bien trop faible. Elle est incapable de résister à l'ascension de l'extrême gauche. L'état de droit libéral est impuissant face aux crises qu'il génère. La république est à bout de souffle. Et pour le juriste, il n'y a qu'une seule solution. Il faut... instaurer l'état d'exception, c'est-à-dire suspendre la loi. En effet, pour lui, le pouvoir ne doit pas rester prisonnier du cadre légal. Le souverain doit être le décideur suprême. Il doit pouvoir se placer au-dessus de la loi quand les temps l'exigent. Cette toute-puissance est une nécessité politique. Seule une attitude autoritaire pourra sauver le pays de la ruine communiste. Vous vous en doutez peut-être, mais Schmitt s'est rallié au parti nazi dès 1933. Il s'est positionné comme le juriste du Reich, et il a cherché à légitimer le pouvoir absolu de Hitler et sa pratique de l'état d'exception. Pour Schmitt, l'état d'exception garantit l'ordre quand vient le chaos. Il est le seul recours pour sauver le pays. La décision du souverain... doit alors l'emporter sur le strict respect du droit et le pouvoir exécutif rester supérieur au pouvoir législatif. Évidemment, Schmitt ne précise jamais les circonstances qui requièrent l'état d'exception. C'est au dirigeant de déterminer si la situation l'exige ou non, de manière forcément arbitraire. Comme le dit Schmitt, « est souverain celui qui décide de la situation exceptionnelle » . Cette phrase est très importante, car elle contient toute une conception du pouvoir. Le souverain est celui qui décide, il est au-dessus du droit. C'est le dirigeant qui détermine quand le droit s'applique et quand il ne s'applique pas. Cela contraste avec une conception légaliste du pouvoir dans laquelle on considère que le souverain est toujours encadré par le droit. Or, savez-vous qui est un grand fan de Carl Schmitt ? Bingo, Emmanuel Macron. En 2017, il aurait même cité cette fameuse phrase Et souverain celui qui décide de la situation exceptionnelle, à l'avocat Harier Halimi, qui le mettait en garde contre les dérives de l'état d'urgence et de l'état d'exception. Et vous savez quoi ? Il lui a même cité la phrase en allemand, glaçant. Tout cela signifie donc, et on l'avait d'ailleurs remarqué, qu'Emmanuel Macron a une conception autoritariste et verticale du pouvoir. En s'inscrivant dans la postérité de Karl Schmitt, il suggère qu'il se considère au-dessus des lois et qu'il n'hésiterait pas à faire usage de l'état d'exception, si cela se présentait. Alors, est-ce qu'il pourrait y avoir une suspension de l'état de droit, comme en Allemagne en 1933 ? Emmanuel Macron pourrait-il faire usage de l'article 16 et décréter l'état d'exception ? Difficile à dire. Ou bien, vivons-nous déjà ? dans un état d'exception ? C'est la théorie d'un autre philosophe, Giorgio Agamben. Celui-ci remarque que l'état d'exception a changé de visage depuis Carl Schmitt. Il n'y a plus de suspension générale du droit et du régime politique dans des situations extraordinaires. L'état d'exception est plutôt devenu permanent. C'est désormais une technique de gouvernement. Qu'est-ce que cela signifie ? Aujourd'hui, les États brandissent des menaces. Le terrorisme, la pandémie de Covid... ou des drones russes, pour déclarer l'état d'urgence de manière quasi permanente. Agamben explique que le pouvoir contemporain construit sa légitimité en proclamant sans cesse l'état d'exception, en affirmant qu'il est le seul rempart contre un ennemi, extérieur ou intérieur, réel ou fantasmé. Dans ce cadre, le pouvoir a besoin du chaos afin d'éliminer cet adversaire politique et de maîtriser les populations qui lui échappaient jusqu'alors. Autrement dit, L'état d'exception est devenu la norme, une technique de pouvoir parmi d'autres. Et pour se consolider, l'état d'exception prétend rester dans le cadre légal. L'état d'urgence est censé être encadré par des lois et des instances comme le Conseil d'État ou le Conseil constitutionnel. Le problème, c'est que les termes de la Constitution sont tellement flous et mal définis que c'est encore la décision du souverain qui prime. Pour en revenir à l'article 16, Comment définir ce que serait une menace grave et immédiate ? Et que penser d'instances, comme le Conseil constitutionnel, qui sont aujourd'hui dirigées par des ultra-proches du Président de la République ? Tout cela conduit à rendre la frontière entre la norme et l'exception de plus en plus floue, et donc à renforcer la toute-puissance du souverain. L'état d'exception permanent... C'est ce qui caractérise la politique contemporaine dans les démocraties occidentales. En France, il n'y a qu'à voir ce qui s'est passé depuis 2015. Les attentats du 13 novembre ont conduit à la mise en place de l'état d'urgence et quand celui-ci a été levé en 2017, les mesures qui avaient été prises dans ces circonstances exceptionnelles ont été pérennisées dans le droit ordinaire. Autrement dit, l'exception est bel et bien devenue la norme et la toute-puissance de l'État n'a fait que s'accroître. Le schéma s'est répété lors de l'état d'urgence sanitaire en 2020. D'ailleurs, comme le précise Agamben, il n'est même pas nécessaire que l'état d'urgence soit officiellement décrété. Il suffit que la menace et la peur soient suffisamment mises en avant. En France, on assiste ainsi à une multiplication des lois sécuritaires depuis l'arrivée au pouvoir d'Emmanuel Macron. Dérive du maintien de l'ordre, restriction des libertés publiques comme des interdictions de manifester, dissolution d'associations jugées trop subversives, la Ligue des droits de l'homme dénonce ainsi un décrochage démocratique en France depuis 2017. L'état d'exception permanent reconfigure nos systèmes politiques. Il n'est plus une parenthèse isolée, mais la condition de base du politique qui conduit irrémédiablement à une baisse des libertés. Petit à petit, l'état d'urgence contamine l'état de droit. Alors, que faut-il craindre pour notre actualité politique ? En alimentant le chaos, en refusant tout compromis ou toute concession, En distillant l'idée qu'il y aurait des ennemis et des menaces intérieures, Emmanuel Macron laisse croire que l'état d'exception serait inévitable, souhaitable, nécessaire face à une guerre civile. Ce faisant, il accroît son pouvoir, se place au-dessus des lois, dans une conception autoritariste et verticale de la souveraineté version Carl Schmitt. De plus en plus isolé, de plus en plus contesté, il semble aujourd'hui contraint à la dissolution ou à la démission s'il ne tombe pas dans la folie autocratique. Soit en jouant avec le feu et en mettant le RN au pouvoir, soit en s'arrogeant lui-même les pleins pouvoirs. Ce qui n'est pas à exclure de la part d'un président qui se félicitait l'année dernière d'avoir balancé une grenade dégoupillée sur le monde politique. Il reste encore une porte de sortie. Emmanuel Macron pourrait acter la crise de régime et convoquer une assemblée constituante pour écrire une nouvelle constitution pour une sixième république. À mon avis, ce serait le meilleur choix pour lui. puisque cela lui permettrait de sortir la tête haute de cette crise et de marquer l'histoire conformément à son rêve. Mais là encore, ça paraît peu probable, car il verrait sans doute cela comme un échec et il ne pourrait pas supporter d'être le président qui a fait échouer la République de Charles de Gaulle. Difficile de prédire ce qui va advenir de la Ve République. Si Emmanuel Macron s'obstine, il faudra sans doute aller jusqu'au processus de destitution. Ce qui est certain, en tout cas, C'est que cette énième crise renforce un peu plus l'état d'exception permanent et que, chemin faisant, c'est la démocratie qui s'en trouve un peu plus affaiblie. Jusqu'à peut-être disparaître totalement derrière l'état d'exception. C'est la fin de cet épisode. On se retrouve très vite pour un nouvel épisode du Fil d'Actu. En attendant, pour des infos exclusives et parfois des petites blagues, vous pouvez me suivre sur Instagram sur mon compte Alice de Rochechouart. Et un grand merci à toutes celles et ceux qui, grâce à leurs dons, me permettent de continuer sereinement le podcast. Un grand merci à Elodie, Alix, Bruno, Alexandre, Étienne, Barthélémy, Romain, Aurélie, Claire, Denis, Nicolas, Franck, Béatrice, Gauthier, Florence, Bastien, Florian, Tristan, Mathieu, Clément, Cédric, Laurent, Olivier. Agathe, Vincent, Antoine, Mathilde, Odile, Stéphanie, Julia, Lucille. Vous aussi, vous pouvez rejoindre l'aventure du fil d'actu. Merci et à très vite !

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