Speaker #0J'avais très envie de travailler dans la mode éco-responsable, et donc j'ai repris ce master sur Paris, qui a découlé sur deux alternances, plutôt orientées, produits. sourcing, achat. Mes deux années d'alternance ont été faites dans deux entreprises différentes et les expériences en tant que telles n'étaient pas évidentes. Il y a eu pas mal de problèmes, je ne sais pas si c'est vraiment le terme, mais en tout cas, je n'étais pas connectée avec les valeurs des entreprises et il y a eu des choses aussi qui étaient plus compliquées à vivre, qui m'ont un petit peu dégoûtée du milieu. Mais il y a aussi toute la désillusion par rapport à la mode responsable. Moi, je suis arrivée en me disant, je vais... repenser complètement l'industrie textile, je vais participer à la transition écologique et en fait c'est beaucoup plus compliqué que ça et du coup il y a une vraie différence entre ce que moi j'avais en tête, mes valeurs et la réalité. La première année, j'étais aussi dans une marque écoresponsable, en tout cas sur le papier, et il y avait déjà dans cette première expérience des problèmes de communication, d'organisation, c'était une toute petite structure, en tout cas une toute petite équipe. Je suis arrivée dans une période un petit peu peu de restructuration où ça marche bien donc on va agrandir l'équipe mais derrière il n'y avait pas les supports de processus de management pour soutenir tout ça donc c'était un petit peu compliqué au quotidien et en plus je ne me sentais pas forcément épanouie dans mes tâches et le management n'était pas optimal donc déjà après cette première expérience j'étais un peu un peu fatiguée un peu déçue puis il y avait déjà des choses qui me travaillait enfin j'étais vraiment pas très bien après cette première année-là. Et je me suis dit, bon, pour la deuxième année, j'ai la possibilité de postuler ailleurs. Je vais faire ma deuxième année ailleurs pour voir autre chose et aussi parce que je n'étais pas heureuse dans cette première entreprise. Et j'ai été prise dans une entreprise qui, sur le papier, correspondait parfaitement à ce que je voulais. Enfin, j'étais hyper heureuse. C'est vraiment l'aboutissement de tout mon parcours. Je me disais, bon, là, pour le coup, c'est censé être une entreprise qui me correspond parfaitement. Le poste, on verra ce que ça donne, mais en tout cas, j'étais très heureuse. Et en fait, c'est assez curieux parce que j'ai retrouvé les mêmes problèmes que dans la première entreprise, mais en x10. C'était vraiment complètement décuplé. On était dans une entreprise un tout petit peu plus grande avec une équipe d'une dizaine de personnes. Quand je suis arrivée dans l'entreprise, il y avait déjà des problèmes. Depuis quelques semaines, depuis quelques mois, il y avait déjà des conflits entre les membres de l'équipe. Il y a aussi des personnes qui... pour la plupart se connaissaient d'avant, soit avaient des liens d'amitié, soit familiaux, donc il y avait déjà une charge un peu émotionnelle. Donc quand je suis arrivée, il y avait déjà ce nuage un peu de tension autour de l'équipe que j'ai tout de suite ressenti. Donc déjà, rien que ça, c'était un peu lourd. En développement de produits, il y a beaucoup de produits, il y a beaucoup d'éléments. Donc déjà, il faut avoir des process et des logiciels très structurés. Donc une organisation qui fait toutes les informations. sont disponibles, sont mis à jour régulièrement pour pas qu'on s'y perde. Et là, c'était pas vraiment le cas, en fait. C'était dur de trouver les informations, de les mettre à jour. Il y avait plein de produits. Au final, on se rendait compte que des fois, il se passait des choses, mais on l'avait pas marqué ou on l'a pas pris en compte. Ou alors, à la fin, on a besoin de cette info du tout début parce que c'est hyper important et en fait, on l'a pas ou alors elle est erronée. Les priorités changeaient un petit peu tout le temps. Souvent, on venait me voir. Oh là là, il y a cette urgence-là absolue. Il faut que tu fasses ça, mais t'inquiète, ça va prendre 10 minutes. Et au final, de un, ça ne prenait pas 10 minutes, et de deux, t'as un temps plus dans ton travail. Et en fait, c'est le fait de gérer plein de choses à la fois et d'avoir plein d'infos qui t'arrivent, mais rien n'est jamais vraiment clair. Donc en fait, au quotidien, c'était le bazar. C'était très, très dur de s'y retrouver et de gérer ces priorités-là, justement parce que tout était un peu urgent. Cette idée que tout est urgent et tout est à faire maintenant. En fait, au quotidien, c'est ingérable. Mon intention en étant dans cette entreprise-là, c'était d'être dans un environnement éco-responsable, éthique. J'avais vraiment envie de participer aussi à cette transition écologique, cette transition de l'industrie textile. Et je me suis très vite rendue compte qu'il y avait une différence entre moi, ce que j'avais en tête, et la réalité de l'entreprise. La culture d'entreprise était vraiment différente, en tout cas, de ce qu'elle était. parait comme ça dans leur communication, ou même dans l'industrie textile. Ça s'est traduit sur différents niveaux, c'est à la fois humain. Donc dans la façon comment les personnes de l'équipe interagissent entre elles, comment on communique entre nous, notre façon de se respecter. Déjà dans la façon de communiquer, la partie humaine était un petit peu déjà en décalage avec moi, ce qui me correspond. Et ensuite, au niveau des pratiques de l'entreprise, il y avait des choses qui n'étaient pas forcément... Enfin, sur le papier, c'était censé être éco-responsable, mais en fait, des fois, il y avait des choix qui étaient faits, par exemple, de matière. ou de production pour aller plus vite, on prenait des petits raccourcis, on s'arrangeait un petit peu, ou alors de ne pas être totalement honnête avec les clients avec qui on travaillait, on leur dit ce qui nous arrange mais on ne dit pas tout. Il y avait des espèces de petites magouilles derrière qui moi ne me correspondaient pas du tout, en termes de co-responsabilité mais aussi d'éthique, d'éthique professionnelle de travail. Et ça, ça a été un peu crescendo. qu'au début c'était des petites choses où je me suis dit bon moi je suis en décalage mais en même temps est-ce que moi c'est pas trop rigide aussi sur ces choses là parce qu'il y a une réalité qui fait que parfois il faut être un peu flexible mais à la fin ça s'est un peu ça s'est augmenté petit à petit et à la fin on me demandait moi de participer activement à ces magouilles entre guillemets d'aller sourcer des matières moins éco-responsables parce que c'est moins cher parce que nanan mais de pas le dire ou euh ou de communiquer d'une certaine manière au client pour qu'il ait l'impression qu'on ait fait ça comme ça alors qu'en fait pas du tout. Ou alors, mentir au fournisseur aussi. L'honnêteté, la sincérité, c'est hyper important. Donc, c'est très dur à vivre. Mais c'était assez vicieux parce que c'était pas en mode, il faut que tu leur mentes, il faut que tu fasses croire ça ou ça. C'est vraiment, il faut que tu l'expliques comme ça parce que tu comprends. À chaque fois, on essayait de m'amener ces trucs. là pour que voilà j'ai l'impression que c'est normal que c'est pas grave alors qu'en fait objectivement c'était pas normal du tout heureusement quand même l'équipe en tant que tel ça faut vraiment le dire l'équipe en tant que tel était génial et j'avais de super rapport avec mes collègues le problème venait plutôt des fondateurs qui était un peu au-dessus de tout quoi la base de l'entreprise c'est eux qui avaient du mal à gérer le management l'organisation enfin qui n'arrivaient pas à structurer un peu l'entreprise en fait de base il n'y avait pas de hiérarchie proprement dit, comme dans une entreprise classique, c'était un peu l'idée de la Startup Nation. Donc oui, il y a des responsables, mais on est un peu tous au même niveau. Donc sur le principe, je trouve ça génial, mais ça fonctionnait moyen, parce que c'était pas évident aussi de trouver sa place, de savoir comment se positionner, qu'est-ce qu'on peut proposer ou pas, comment se positionner par rapport à tout ça. Moi, j'avais aussi le statut alternante et en même temps, t'es quand même salarié et en même temps, on te donne une place qui est un peu plus importante que l'alternante, mais c'était déjà pas évident à se... pour se positionner par rapport à ça. Ceux qui chapeautaient un peu toute l'entreprise. C'était un rapport pas vraiment de hiérarchie, mais voilà, c'est eux forcément, c'est leur entreprise, c'est eux qui maîtrisent. Et il y avait un peu ce truc de, à la fois, c'est moi qui ai l'autorité, donc en fait, tu vas faire exactement ce que je dis, mais je vais l'apporter, voilà, en te... en allant dans ton sens, en essayant d'être... empathique, etc. Il y avait une espèce d'empathie excessive qui n'était pas sincère du tout. Et du coup, ça rend encore plus compliqué la chose parce que si on te crie dessus, tu peux crier en retour, tu peux avoir une réaction et c'est légitime. Mais si on te la mène dans la douceur, dans l'empathie, qu'on te fait croire qu'on est vraiment dans ton sens, ben t'es un peu là, ben oui, il n'y a pas de raison. Même si moi, je sais que c'est n'importe quoi et je sais que c'est un peu du mensonge, ben en fait, tu ne peux rien dire. Alors qu'en fait, il y avait des choses que j'aurais aimé dire dans ces moments-là et ils savaient très bien comment amener les choses pour que j'aille dans leur sens. En fait, je pense que j'ai très très vite cerné le truc. Je pense que pour le coup, notre intuition, elle est bien là et qu'il faut vraiment l'écouter parce que même au niveau de l'entretien, je pense qu'au final, si je m'étais écoutée, j'aurais senti qu'il y avait des choses... Très similaire à mon expérience précédente, il y avait un ressenti où déjà je me suis dit, oula, ça c'est familier, donc j'ai assez rapidement compris qu'il y avait quelque chose qui allait être assez dur à gérer. Mais ça a quand même pris du temps pour que vraiment je me rende compte de comment ça m'a impacté, parce que vu qu'on était toujours dans ce truc de se dire, voilà, l'organisation, on va la repenser, l'équipe, elle évolue. Donc en fait, tous les mois, un petit peu, il y avait un truc qui changeait. qui me faisait dire, bon, ça va s'améliorer, on va tester une autre façon de faire, on va changer. Donc en fait, à chaque fois, je repoussais, je repoussais, je repoussais un peu mes limites, ma patience en me disant oui. On va voir, on ne peut pas encore juger, on va changer des choses, ça va s'améliorer, etc. Même si, en fait, dans le fond, déjà, je sentais que je n'étais pas heureuse, je n'étais pas épanouie, même si ça a été assez graduel, il y a quand même un moment, quelques mois avant mon départ, où là, c'est devenu... Pour le coup, c'est devenu physique parce que je ne pouvais plus travailler, je ne pouvais plus me concentrer, tout était devenu presque douloureux. Enfin, c'était vraiment... Je suis même partie une semaine avant. départ officiel parce que j'ai dit à ma responsable je ne peux plus, enfin mon corps ne peut plus même un mail je n'y arrive plus je ne me concentre plus, j'étais un peu devenue l'onde de moi-même j'arrivais plus à fonctionner dans le fond ça m'a impacté quand même beaucoup j'avais quand même beaucoup de j'ai ruminé énormément pendant ces périodes là, de tout ce qui se passait dans ma journée, ça tournait dans ma tête il y avait énormément de ressentiment de colère aussi par rapport à la situation Au final, je n'ai jamais vraiment pu exprimer librement. Du coup, ça s'est amplifié dans ma façon de réfléchir, de penser. Ça tournait, ça tournait. Et même plusieurs mois après, ça a continué à tourner sur ce qui s'est passé, la colère et tout ça. J'ai fini par avoir une discussion juste avant l'été, où là, je me disais que je vais partir, c'est sûr, je suis au bout du rouleau. Où j'ai parlé à l'une des fondatrices en one-to-one. Voilà, où j'ai exprimé ce que je voulais dire, mais de manière quand même assez édulcorée, quoi, en étant le plus, comment dire, diplomate possible. Au final, je le regrette un peu, j'aurais dû dire les choses de manière plus directe. Voilà, après ça, bon, sa réaction, voilà, comme d'habitude, plutôt douce, empathique, même si derrière, il n'y a pas eu vraiment de changement. Et ensuite, à la rentrée, après les vacances d'été, on a eu une autre discussion où là, moi, ma décision avait été prise pendant l'été, où je savais que je ne voulais même pas revenir de base. Où là, on en a reparlé et je lui ai réexpliqué pourquoi je voulais partir. Dans l'absolu, voilà, elle a dit qu'elle avait compris tout ça. Bon, est-ce que le message est vraiment passé ? Pas sûr, parce que les choses se sont poursuivies après mon départ. Mais ouais, je regrette vraiment de ne pas en avoir parlé avant directement au fondateur. Il y avait aussi ce truc de me dire que ça ne va servir à rien, parce que mes responsables n'ont pas fait le message plein de fois, et il n'y a rien qui a changé. Qu'est-ce que ça va changer que moi, j'aille le dire directement ? Même quand je l'ai dit, il n'y a rien qui a changé. Donc il y avait aussi ce truc de se dire que soit je vais attendre pour voir, soit je ne vais pas le dire, parce que quoi le dire ? Alors qu'en fait, ça fait du bien de le dire et que j'aurais vraiment dû le sortir plutôt que de le garder à l'intérieur pendant des mois. Quand, par exemple, j'ai parlé à mon frère quelques mois après, je lui ai dit, c'est-à-dire que j'ai fait un burn-out. Il m'a dit, oh mais burn-out, tu exagères, de toute façon, ça, c'est le terme à la mode, tu n'as pas du tout fait de burn-out, juste, voilà, ça ne t'a pas trop plu, puis c'est tout, quoi. Mais burn-out ou pas burn-out, la souffrance, elle était là, quoi. Elle était là, elle était très forte, et elle n'a pas été reconnue à sa juste valeur par certaines personnes de mon entourage, en tout cas. Je ne sais pas vraiment quel est l'impact aujourd'hui de cette expérience-là sur ma vie. Je sais que j'ai mis plusieurs mois quand même à retrouver de l'énergie. Déjà physiquement, j'ai vraiment mis plusieurs mois à m'en remettre, parce que je suis ressortie de là absolument épuisée, mentalement, physiquement. Forcément, ça m'a rendue, oui, hyper méfiante. L'industrie textile, oui, mais pas que. Je me dis, ça a été mon grand questionnement après cette expérience-là. Pour moi, je sais que ça ne fonctionne pas si l'entreprise n'est pas en accord avec mes valeurs. J'espère en tout cas maintenant peut-être pouvoir être plus capable d'identifier les signes rapidement et aussi de parler parce que ça a été l'un de mes regrets, je pense, de ne pas avoir parlé beaucoup plus tôt et exprimé à haut doigt ce que je pensais dans l'entreprise. Et j'espère qu'aujourd'hui, je serai plus à même de faire entendre ma voix et de voir les signaux et de partir plus rapidement.